Augustin, du Baptême - CHAPITRE IV.OPINION DE VICTOR DE GOR.

CHAPITRE IV.OPINION DE VICTOR DE GOR.

6. «Puisque les péchés ne sont remis que dans le baptême de l'Eglise, celui qui reçoit un hérétique à la communion de l'Eglise, sans lui conférer le baptême, commet la double faute de ne point le purifier de ses péchés et de souiller les chrétiens».
7. Je réponds que les hérétiques possèdent le baptême de l'Eglise, quoique eux-mêmes ne soient pas dans l'Eglise; c'est ainsi que l'eau du paradis terrestre coulait jusque dans l'Egypte, quoique l'Egypte ne fût pas dans le paradis terrestre. Par conséquent, ce n'est pas sans baptême que nous acceptons les hérétiques à la communion de l'Eglise; du moment qu'ils renoncent à leur perversité, ce que nus accueillons en eux, ce n'est point leurs péchés, mais les sacrements de Jésus-Christ. Quant à la rémission des péchés, nous n'aurions qu'à répéter ici ce que nous avons (175) dit précédemment. Remarquons seulement ces dernières paroles: «Il commet une double faute, puisqu'il ne purifie point les hérétiques et qu'il souille les chrétiens». Cyprien et ses autres collègues repoussent cette conclusion, car le saint martyr ne croyait pas se souiller quand, pour sauvegarder le lien de l'unité, il s'écriait au milieu de l'assemblée: «Ne jugeant personne, et nous abstenant de priver du droit de communion celui qui partagerait une opinion contraire». Ou bien, si les hérétiques admis sans baptême à la communion de l'Eglise souillent les chrétiens, il faut en conclure que l'Eglise tout entière était souillée par suite de cette coutume dont nous avons si souvent constaté l'existence. Si donc les Donatistes se trouvent en droit de nous appeler traditeurs, à cause de nos ancêtres, contre lesquels ils n'ont pu fournir aucune preuve sérieuse; si nous sommes nécessairement solidaires des crimes de ceux avec qui nous sommes en communion, ne faut-il pas conclure qu'à l'époque de Cyprien tous les chrétiens étaient hérétiques? Une telle conclusion serait absurde; il est donc également absurde de dire que «celui qui admet à la communion de l'Eglise un hérétique sans lui donner le baptême, ne purifie pas les hérétiques et souille les chrétiens». Et puis, cette conclusion fût-elle vraie en elle-même, nous répondrions que ces hérétiques n'étaient point admis sans baptême, puisqu'ils avaient le véritable baptême de Jésus-Christ, quoique ce baptême eût été donné et reçu parmi les hérétiques. C'est en vertu de ce principe que la coutume existait, comme ils l'avaient eux-mêmes, de recevoir les hérétiques sans leur réitérer le baptême, et cette coutume aujourd'hui fait loi parmi nous.


CHAPITRE V.OPINION D'AURÉLIUS D'UTIQUE.


8. «L'Apôtre nous défend de nous rendre participants des péchés d'autrui (1Tm 5,22); or, n'est-ce pas se rendre participant des péchés d'autrui que de se mettre en communion avec des hérétiques qui n'ont point le baptême de l'Eglise? Je déclare donc que l'on doit baptiser les hérétiques, afin que ce sacrement leur confère la rémission des péchés, et nous autorise à les recevoir dans notre communion».
9. Je réponds: Cyprien et tous ses collègues du concile se sont donc rendus participants des péchés d'autrui, puisqu'ils sont restés en communion avec des hommes qu'ils savaient coupables, et admettaient en principe qu'ils ne devaient pas priver du droit de communion ceux qui partageaient une opinion contraire à la leur. Où donc est l'Eglise? Et puis, laissant de côté les hérétiques, je m'empare de ces paroles d'Aurélius pour les appliquer à ces autres pécheurs que Cyprien rencontrait en grand nombre jusque dans le sein de l'Eglise, sur lesquels il exhalait ses longs gémissements et contre lesquels cependant il s'abstenait de prononcer l'excommunication; où est donc l'Eglise, car elle avait dû périr au sein d'une telle contagion et dans un tel déluge de péchés? Or, l'Eglise est restée vivante et forte. L'évidence est là pour le prouver; d'où il suit que la participation que défend l'Apôtre résulte, non point des relations extérieures avec les pécheurs, mais du consentement formel que l'on donnerait à leur conduite criminelle. Qu'on rebaptise donc de nouveau les hérétiques pour leur accorder la rémission de leurs péchés, pourvu que l'on réitère ce sacrement à ces hommes pervers et jaloux qui, ne renonçant au siècle que du bout des lèvres et non point par leurs oeuvres, ont pu recevoir le baptême, mais n'ont pas obtenu la rémission de leurs péchés, car le Seigneur a dit: «Si vous ne pardonnez pas, il ne vous sera point pardonné par votre Père céleste (Mt 6,15)».


CHAPITRE VI.OPINION DE JAMBUS DE GERMANICIANA.

10. «Ceux qui ratifient le baptême des hérétiques condamnent le nôtre; c'est ce que font tous ceux qui nient l'obligation de baptiser dans l'Eglise ceux qui ont été, non point purifiés, mais souillés hors de l'Eglise».
11. Je réponds que le baptême que nous ratifions dans les hérétiques n'est point le baptême des hérétiques, mais le baptême de Jésus-Christ, quoique ce baptême se trouve dans les hérétiques comme dans des pailles extérieures, tandis qu'en se trouvant dans les pécheurs, il est mêlé à des pailles intérieures. (176) S'il est vrai de dire que ceux qui sont baptisés hors de l'Eglise ne sont pas lavés, mais souillés, on doit ajouter avec tout autant de raison que ceux qui sont baptisés hors de la pierre sur laquelle est bâtie l'Eglise, ne sont pas lavés, mais souillés. Or, tous ceux qui entendent la parole de Jésus-Christ sans l'accomplir sont assurément hors de cette pierre. Ou bien, s'ils sont purifiés par le baptême, mais à la condition de rester souillés de toutes les iniquités dont ils refusent de se corriger, on peut en dire tout autant des hérétiques.


CHAPITRE VII.OPINION DE LUCIANUS DE RUCUMA.

12. «Il est écrit: Dieu vit que la lumière est bonne, et il sépara la lumière des ténèbres (Gn 1,4). Si la lumière peut s'allier avec les ténèbres, il peut également y avoir quelque chose de commun entre nous et les hérétiques. Je déclare donc que l'on doit baptiser les hérétiques».
13. Je réponds: Si la lumière peut s'allier avec les ténèbres, il peut y avoir quelque chose de commun entre les justes et les pécheurs. Qu'il conclue donc la nécessité de baptiser de nouveau ces pécheurs, dont Cyprien constatait la présence dans l'Eglise; ou bien, si l'on ne doit pas regarder comme pécheurs ceux qui ne renoncent au siècle que du bout des lèvres et non point par leurs oeuvres, qu'il nous dise ce qu'il faut faire pour être pécheur.


CHAPITRE VIII.OPINION DE PÉLAGE DE LUPERCIANA.

14. «Il est écrit: Ou bien c'est le Seigneur qui est notre Dieu, ou bien c'est Baal (1R 18,21). De même aujourd'hui: ou bien c'est l'Eglise qui est l'Eglise, ou bien c'est l'hérésie qui est l'Eglise. Si donc ce n'est pas l'hérésie qui est l'Eglise, comment le baptême de l'Eglise peut-il se trouver parmi les hérétiques?»
15. Je puis également lui répondre: Ou bien le paradis est le paradis, ou bien c'est l'Egypte qui est le paradis. Si donc l'Egypte n'est pas le paradis, comment l'eau du paradis peut-elle se trouver en Egypte? On me répondra peut-être: Mais, en sortant du paradis, l'eau coule jusqu'en Egypte. Je dis également: Le baptême de l'Eglise s'étend jusqu'aux hérétiques. Nous pouvons dire encore: Ou bien c'est la pierre qui est l'Eglise, ou bien c'est le sable; si donc ce n'est pas le sable qui est l'Eglise, comment le baptême peut-il se trouver parmi ceux qui bâtissent sur le sable? car c'est bâtir sur le sable que d'entendre la parole de Jésus-Christ et de ne point l'accomplir (Mt 6,21-27). Et pourtant ils ont le baptême. On peut en dire autant des hérétiques.


CHAPITRE IX.OPINION DE JADER DE MIDILA.

16. Nous savons qu'il n'y a qu'un seul «baptême, lequel se trouve dans l'Eglise catholique. Nous ne devons donc admettre un hérétique qu'à la condition qu'il aura été baptisé parmi nous, car autrement il pourrait croire qu'il a été baptisé hors de l'Eglise catholique».
17. Je réponds que ce raisonnement appliqué à ceux qui sont hors de la pierre, serait d'une fausseté évidente. Il n'en est pas plus vrai quand on l'applique aux hérétiques.


CHAPITRE X.OPINION DE FÉLIX DE MARAZANA.

18. «Une foi, un baptême (Ep 4,5); mais ce baptême est celui de l'Eglise catholique, à lui seule il appartient de baptiser».
19. Et si un autre disait: Une foi, un baptême; mais ce baptême n'est que celui des justes, à qui seuls il appartient de baptiser? Ce raisonnement serait faux; celui de Félix l'est également. Est-ce que les pécheurs, baptisés sans contrition et renonçant au siècle uniquement du bout des lèvres et non point par leurs oeuvres, peuvent être regardés comme membres de l'Eglise? Qu'ils se demandent si une telle Eglise serait encore cette pierre, cette colombe, cette épouse sans tache et sans ride (Ep 5,27).


CHAPITRE 11.OPINION DE PAUL DE BOBBA.

20. «Je ne me sens point ébranlé à la vue de tel évêque qui cesse de soutenir la foi et la vérité de l'Eglise, car l'Apôtre s'est écrié: Quoi donc? Si quelques-uns d'entre eux ont renoncé à la foi, leur infidélité (177)anéantira-t-elle la fidélité de Dieu? Assurément non. Dieu est véritable et tout homme est menteur (Rm 3,3-4). Or, si Dieu est véritable, comment la vérité du baptême peut-elle se trouver parmi les hérétiques, tandis que Dieu n'est point avec eux?»
21. Je réponds: Quoi? Dieu serait-il donc avec les avares? Et cependant ils ont le baptême. Il en est de même des hérétiques. Ceux avec qui Dieu se trouve sont les temples de Dieu. Or, «quel rapport peut-il y avoir entre le temple de Dieu et les idoles (2Co 6,16)?» Saint Paul parlait de l'avarice qu'il assimile à l'idolâtrie; Cyprien reproduit la même pensée; et cependant, au prix d'une tolérance bien méritoire, il consent à vivre en communion avec des collègues notoirement coupables de rapines et baptisant publiquement.


CHAPITRE XII.OPINION DE POMPONIUS DE DIONYSIANA.

22. «Il est évident que les hérétiques ne peuvent ni baptiser ni donner la rémissiondes péchés, car ils n'ont le pouvoir ni de délier ni de lier sur la terre».
23. Je réponds: Ce pouvoir n'appartient pas davantage aux homicides, c'est-à-dire à ceux qui nourrissent de la haine contre leurs frères. Car ce n'est point à de tels ministres qu'il a été dit: «Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez, et ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez (Jn 20,23). Cependant, de tels ministres confèrent le baptême; saint Paul les tolère dans la communion de ce baptême, et Cyprien y applaudit.

CHAPITRE XIII.OPINION DE VENANTIUS DE TINISA.

24. «Si un mari, sur le point d'entreprendre un long voyage, confiait la garde de son épouse à un ami, celui-ci déploierait toute la diligence possible pour soustraire la chasteté et la sainteté de cette épouse à tout danger de profanation. Jésus-Christ, notre Seigneur et notre Dieu, sur le point de remonter à son Père, nous a confié son épouse; la gardons-nous pure et incorruptible, ou bien livrons-nous son intégrité et sa chasteté à la férocité des adultères et des corrupteurs? Quiconque attribue aux hérétiques des droits ou des pouvoirs sur le baptême de l'Eglise, livre l'épouse de Jésus-Christ à l'empire des adultère».
25. Je réponds: Ceux qui reçoivent le baptême en protestant du bout des lèvres de leur amour pour Dieu, tandis que leur coeur reste attaché au péché, peuvent-ils nier que leur âme soit coupable d'adultère? Ne sont-ils pas ces partisans du siècle auquel ils renoncent en paroles, mais non point par leurs oeuvres, et qui dans leurs conversations tendent à corrompre les bonnes moeurs, en répétant ce cri de l'impie: «Mangeons et buvons, car nous mourrons bientôt (1Co 15,32-33)?» N'est-ce pas contre eux que l'Apôtre voulait nous prémunir, quand il disait: «Comme le serpent séduisit Eve par ses artifices, je crains que vos esprits ne se corrompent et ne dégénèrent de la chasteté chrétienne (2Co 11,3)?» Pourtant Cyprien reconnaissait qu'il partageait avec de tels hommes le baptême de Jésus-Christ; dira-t-on que par là il abandonnait l'épouse de Jésus-Christ à des adultères? ne serait-il pas plus vrai de dire que jusque sur l'adultère il reconnaissait le joyau de l'époux véritable?


CHAPITRE XIV.OPINION D'AYMNIUS D'AUSUAGA.


26. «Nous ne reconnaissons qu'un seul baptême, c'est celui que nous conférons; par conséquent, accorder aux hérétiques le pouvoir de baptiser, c'est admettre deux baptêmes différents».
27. Je réponds: Pourquoi donc n'est-ce pas admettre deux baptêmes différents que de soutenir que les pécheurs peuvent baptiser? Entre les justes et les pécheurs il y a opposition formelle; cependant le baptême conféré par les justes, tels que saint Paul ou saint Cyprien, n'est point contraire au baptême conféré par ces pécheurs qui haïssaient saint Paul et que Cyprien regarde, non pas comme des hérétiques, mais comme de mauvais chrétiens. De même il y avait une frappante contradiction entre la continence de Cyprien et l'avarice de quelques-uns de ses collègues; et cependant le baptême conféré par Cyprien n'était pas contraire au baptême conféré par ses collègues; il n'y avait là qu'un seul et même baptême, parce que ce sacrement, quel qu'en soit le ministre, est toujours l'oeuvre propre de celui dont il a été dit: «C'est lui qui baptise (Jn 1,33)».


CHAPITRE XV.OPINION DE SATURNINUS DE VICTORIANA.

28. «Si les hérétiques ont le pouvoir de baptiser, ils se trouvent autorisés à faire ce qui est illicite, et je ne vois plus pour quelle raison Jésus-Christ les appelle ses adversaires, et l'Apôtre, des antéchrists».
29. Je réponds: Nous disons des hérétiques qu'il ne leur est pas permis de baptiser, comme nous disons des voleurs qu'il ne leur est pas permis de baptiser. En effet, ce n'est point seulement à l'hérétique, mais en général à tout pécheur que le Seigneur a dit:«Pourquoi racontez-vous mes gloires, et assumez-vous le soin de célébrer mon testament?» puis, s'adressant spécialement au pécheur, il ajoute: «Quand vous voyiez un voleur, vous couriez avec lui (Ps 49,16-18). Combien n'étaient pas plus coupables ces malheureux qui; sans courir avec les voleurs, s'emparaient du bien d'autrui par la fraude et la ruse? Toutefois on ne saurait leur donner pour complice le bienheureux Cyprien, quoiqu'il les eût tolérés dans la moisson catholique, dans la crainte d'arracher en même temps le froment. Pourtant le baptême par eux conféré était le même que le baptême conféré par Cyprien lui-même, car ce n'était pas leur propre baptême qu'ils conféraient, mais le baptême de Jésus-Christ. On peut donc reconnaître en eux le véritable baptême de Jésus-Christ sans les excuser et les justifier dans ce qu'ils font d'illicite; de même, ce n'est pas sans raison que le Sauveur les appelle ses adversaires, car s'ils persévèrent jusqu'à la fin dans leur voie criminelle, ils entendront cette terrible parole: «Retirez-vous de moi, vous qui accomplissez l'iniquité». Enfin, ils méritent le nom d'antéchrists, parce qu'ils se posent en adversaires de Jésus-Christ, en menant une conduite directement opposée à ses commandements. Il en est de même des hérétiques.


CHAPITRE XVI.OPINION DE SATURNINUS DE TUCCA.

30. «Quoique les Gentils adorent les idoles, cependant ils connaissent et proclament le Dieu suprême, le Père et le Créateur de toutes choses. Or, c'est contre ce Dieu que Marcion blasphème, et cependant il est des évêques qui ne rougissent pas de ratifier le baptême de Marcion. Comment le sacerdoce divin peut-il être conservé ou vengé par des prêtres qui ne baptisent pas les ennemis de Dieu, et restent en communion avec eux?»
31. Je réponds: Un tel langage dépasse toute mesure, et l'auteur oublie certainement que ses collègues et lui sont en communion avec ces prévaricateurs, puisque tous ont proclamé par la bouche de Cyprien «qu'ils ne jugeaient personne et qu'ils s'abstenaient de priver du droit de communion celui qui partagerait une opinion contraire». Mais l'orateur, sans y faire attention, reconnaît lui-même que l'on doit partout corriger ce qui est mauvais et approuver ce qui est légitime. Ne dit-il pas: «Quoique les Gentils adorent les idoles, cependant ils reconnaissent et proclament le Dieu suprême, le Père et le Créateur de toutes choses?» Supposé donc que l'un de ces païens demande à entrer dans l'Eglise, est-ce que Saturninus lui commanderait de changer sa croyance sur le Dieu suprême, le Père et le Créateur de toutes choses? Je ne le pense pas; il l'arracherait aux ténèbres de l'idolâtrie; il lui donnerait les sacrements chrétiens qu'il n'avait pas; ce qu'il verrait de bon en lui, il l'approuverait; ce qu'il verrait de mauvais, il le corrigerait; ce qu'il n'aurait pas, il le lui donnerait. De même pour un hérétique marcionite, il ratifierait dans cet hérétique l'intégrité du baptême, il corrigerait sa perversité et lui enseignerait la vérité catholique.


CHAPITRE XVII.OPINION DE MARCELLUS DE ZAMA.

32. «Puisque les péchés ne sont remis que dans le baptême de l'Eglise, celui qui reçoit un hérétique sans le baptiser, se met en communion avec un pécheur».
33. Et celui qui communique avec un ministre qui agit de cette manière, ne se met-il pas en communion avec un pécheur? Or, n'est-ce pas dans cette situation que se trouvaient tous ceux qui affirmaient ne juger personne et s'abstenir de priver du droit de communion celui qui partageait une opinion contraire? Où est donc l'Eglise? Ou bien cette (179) conduite est-elle sans conséquence pour ceux qui souffrent et tolèrent la zizanie, dans la crainte d'arracher en même temps le bon grain (Mt 13,29)? Que les Donatistes qui se sont rendus coupables d'un schisme sacrilège en se séparant de l'Eglise universelle, nous disent de quel droit ils revendiquent en leur faveur les paroles de Cyprien, quand ils sont si loin d'avoir dans leur coeur la patience de Cyprien? D'ailleurs il est inutile de répéter ici à Marcellus ce que nous avons dit plus haut du baptême et de la rémission des péchés; nous avons suffisamment prouvé qu'un homme peut recevoir le baptême sans recevoir cependant la rémission des péchés.


CHAPITRE XVIII.OPINION D'IRÉNÉE D'ULULIS.


34. «Si l'Eglise ne baptise pas l'hérétique parce que ce dernier passe pour être baptisé, l'hérésie est donc plus puissante que l'Eglise».
35. Je réponds: Autant vaudrait dire: Si l'Eglise ne baptise pas l'avare, parce que ce dernier passe pour être baptisé, l'avarice est donc plus puissante que l'Eglise. Si cette seconde conclusion est absurde, la première l'est également.


CHAPITRE XIX.OPINION DE DONAT DE CIBALIANA.

36. «Je ne connais qu'une seule Eglise et qu'un seul baptême, celui de l'Eglise. Celui qui soutient que les hérétiques possèdent la grâce du baptême, doit avant tout montrer et prouver que c'est aussi dans l'hérésie que se trouve l'Eglise».
37. Je réponds: Si par grâce du baptême vous entendez le baptême lui-même, les hérétiques la possèdent; mais si le baptême est le sacrement de la grâce, et si la grâce est la rémission des péchés, assurément les hérétiques rie possèdent pas la grâce du baptême. D'un autre côté, il n'y a qu'un seul baptême et une seule Eglise, comme il n'y a qu'une seule espérance. De même donc que les bons et les méchants, quoique n'ayant pas la même espérance, peuvent cependant avoir le même baptême; de même ceux qui n'ont pas la seule et même Eglise peuvent cependant avoir un seul et même baptême.


CHAPITRE XX.OPINION DE ZOZIME DE THARASSA.

38. «Dès que la vérité nous est révélée, l'erreur doit disparaître; Pierre avait commencé à imposer la circoncision, mais il s'abstint devant la vérité prêchée par Paul (Ga 2,11).
39. Je réponds: Nous pouvons accepter cette proposition, et nous en trouvons l'application immédiate dans la question du baptême. En effet, dès que la vérité se fut révélée plus clairement, l'erreur disparut devant la vérité; c'est ainsi que l'antique coutume se trouva sanctionnée par l'autorité d'un concile général. Et puis je suis heureux de voir qu'à différentes reprises ils rappellent que Pierre, le prince des Apôtres, a pu se faire une opinion contraire à la vérité; nous qui aimons Cyprien, ne pouvons-nous pas, sans lui faire injure, soutenir qu'il lui est arrivé ce qui est arrivé au' premier des Apôtres? Serait-il permis de lui témoigner plus d'amour que nous n'en témoignons à Pierre?


CHAPITRE XXI.OPINION DE JULIANUS DE TÉLEPTE.

40. «Il est écrit: Personne ne peut recevoir que ce qui lui aura été donné du ciel (Jn 3,27). Si l'hérésie vient du ciel, elle peut donner le baptême».
41. Un autre pourrait dire également: Si l'avarice vient du ciel, elle peut donner le baptême. Cependant les avares baptisent; pourquoi donc les hérétiques ne baptiseraient-ils pas?


CHAPITRE XXII.OPINION DE FAUSTUS DE TIMIDA.

42. «Que ceux qui patronnent les hérétiques ne se fassent point illusion. Celui qui revendique le baptême ecclésiastique pour les hérétiques, en fait des chrétiens et nous constitue des hérétiques».
43. Je réponds: En soutenant que celui qui recevait le baptême, avec la haine dans le coeur, n'a pas reçu la rémission de ses péchés, et cependant ne saurait être baptisé de nouveau, lorsqu'il chasse cette haine de son coeur, est-ce que je revendiquerais le baptême ecclésiastique pour les homicides? est-ce que j'en (180) ferais des justes et de nous des homicides? On peut en dire autant des hérétiques.


CHAPITRE XXIII.OPINION DE GÉMINIUS DE FURNIS.

44. «Tels de nos collègues peuvent se mettre au-dessous des hérétiques, mais ils doivent nous épargner cette humiliation; ce que nous avons une fois décrété, nous y restons fidèles; voilà pourquoi nous devons baptiser les hérétiques qui reviennent à l'Eglise».
45. Géminius avoue clairement que plusieurs de ses collègues ne partageaient pas l'opinion du concile; c'est ce qui prouve de nouveau l'amour des uns et des autres pour l'unité, puisqu'il ne s'opéra parmi eux aucune séparation, jusqu'à ce que Dieu daignât révéler à ceux qui pensaient différemment ce qu'ils devaient en croire (Ph 3,15). D'ailleurs nous pouvons ajouter que les collègues dont parle Géminius, ne se mettaient point au-dessous des hérétiques; il leur suffisait de reconnaître dans les hérétiques la validité du baptême de Jésus-Christ, comme ils la reconnaissaient dans les avares, les fraudeurs, les voleurs et les homicides.


CHAPITRE XXIV.OPINION DE ROGATIANUS DE NOVA.

46. «Jésus-Christ est le fondateur de l'Eglise, et le démon, le fondateur de l'hérésie: comment donc la synagogue de Satan pourrait-elle posséder le baptême de Jésus-Christ?»
47. Je réponds: Parce que c'est Jésus-Christ qui forme les hommes pieux, et le démon, les envieux, est-ce une raison pour conclure que le baptême de Jésus-Christ ne peut se trouver parmi les envieux parce qu'ils constituent le parti du démon?


CHAPITRE XXV.OPINION DE THÉRAPIUS DE BULLA.

48. «Celui qui concède et livre aux hérétiques le baptême de l'Eglise, qu'est-il autre chose que le Judas de l'épouse de Jésus-Christ?»
49. Quelle terrible condamnation pour ces schismatiques qui, par un affreux sacrilège, se sont séparés de l'Eglise de Jésus-Christ répandue sur toute la terre, si le bienheureux Cyprien pouvait, sans se souiller, rester en communion avec ces malheureux ministres devenus d'autres Judas! Ou bien, s'il était souillé par eux, tous sont donc devenus des Judas! Aujourd'hui, nous le sommes tous également; ou enfin, si nous ne le sommes pas, c'est donc parce que les successeurs ne sont pas solidaires des crimes de leurs prédécesseurs, quoique tous soient issus d'une seule et même communion. Pourquoi donc nous opposent-ils les traditeurs, dont le crime n'est rien moins que prouvé, tandis qu'ils ne s'opposent pas Judas avec qui Cyprien et ses collègues restèrent en communion? Voilà pourtant le concile qu'ils ne cessent d'invoquer comme leur plus beau titre de gloire!Nous disons, nous, que sans livrer nullement le baptême de l'Eglise aux hérétiques, on peut ratifier le baptême de Jésus-Christ dans les hérétiques, comme ce n'est pas livrer le baptême de l'Eglise aux homicides, que de ratifier le baptême de Jésus-Christ jusque dans les homicides. Avant donc d'invoquer ce concile, pour nous tracer ce que nous devons croire, qu'ils commencent d'abord par s'y conformer eux-mêmes. Voici que l'on assimile au traître Judas ceux qui soutenaient que le baptême ne doit pas être réitéré aux hérétiques, eussent-ils été baptisés dans l'hérésie. Or, Cyprien restait en communion avec eux, car il formulait en principe «de ne juger personne et de s'abstenir de priver du droit de communion celui qui partageait une opinion contraire». Du reste, ce qui nous prouvé que ces malheureux dont il parle étaient dans l'unité de l'Eglise, ce sont ces autres paroles: «Quelqu'un me dit: Que fera-t-on de ceux qui précédemment ont été admis dans l'Eglise sans baptême( Cyp., Lettre LXXII1,à Jubaianus?». L'antique coutume de l'Eglise est constatée à différentes reprises par les membres du concile. Si donc il est vrai de dire avec Thérapius que «celui qui livre aux hérétiques le baptême de l'Eglise, n'est autre chose que le Judas de l'épouse de Jésus-Christ»; si, comme l'Evangile l'atteste, Judas fut un traître, tous ces évêques furent en communion avec des traîtres, non-seulement eux, mais encore précédemment tous ceux qui se conformaient à l'ancienne coutume, alors en usage. (181)Par conséquent, tous, qui que nous soyons, catholiques et donatistes, issus de la même unité, nous sommes des traîtres. Nous, du moins, nous avons un double moyen de défense; car, sauf le droit d'unité, comme Cyprien l'a reconnu, nous n'admettons pas ce concile de Carthage dans lequel a été formulée cette maxime; d'un autre côté, nous enseignons que les justes ne sont pas souillés par leur contact avec les méchants dans l'unité catholique, jusqu'à ce qu'à la fin du monde la paille soit séparée du froment. Quant aux Donatistes, ils proclament hautement en leur faveur l'autorité de ce concile, et ils soutiennent que les bons ne peuvent, sans périr, rester en communion avec les méchants. Comment dès lors pourraient-ils se justifier? Ils ne peuvent pas dire que les chrétiens leurs ancêtres n'ont pas été traîtres, car le concile est là pour les démentir; ils ne diront pas non plus qu'ils ne sont point responsables des crimes de ces ancêtres, puisqu'ils nous opposent sans cesse nos propres ancêtres pour nous condamner et nous confondre.


CHAPITRE 26.OPINION DE LUCITSS DE MEMBRESA.

50. «Il est écrit: Dieu n'écoute pas les pécheurs (Jn 9,31). Comment donc celui qui est pécheur peut-il être exaucé dans le baptême?»
51. Je réponds: Comment l'avare, le voleur, l'usurier, l'homicide peuvent-ils être exaucés? Ne sont-ce pas là des pécheurs? et cependant, tout en leur reprochant leurs crimes, Cyprien les tolérait dans l'unité catholique.


CHAPITRE 26I.OPINION DE FÉLIX DE BUSLACENUM.

52. «Que personne ne préfère la coutume à la raison et à la vérité, quand il s'agit de recevoir les hérétiques sans le baptême de l'Eglise; la raison et la vérité excluent toujours la coutume».
53. Je réponds: Vous ne montrez pas la vérité, et vous constatez la coutume. Nous aurions donc le droit de nous en tenir à la coutume, confirmée depuis par un concile général, lors même qu'on ignorerait encore la vérité, que nous croyons pleinement manifestée.


CHAPITRE 28.OPINION DE SATURNINUS D'ABITINIS.


54. «Si un antéchrist peut donner à quelqu'un la grâce de Jésus-Christ, alors seule«ment le baptême peut être conféré par les hérétiques justement appelés antéchrists».
55. Un autre pourrait dire également: Si un homicide peut donner à quelqu'un la grâce de Jésus-Christ, le baptême peut donc être conféré par ceux qui haïssent leurs frères et qui sont appelés homicides? Et pourtant il dirait vrai de ces homicides; cela est donc vrai aussi des hérétiques.


CHAPITRE XXIX.OPINION DE QUINTUS D'AGGYA.

56. «On ne peut donner que ce que l'on a; or, il est constant que les hérétiques n'ont rien, et dès lors que peuvent-ils donner?»
57. Je réponds: Si, quand on a quelque chose, on peut donner quelque chose, il est évident que les hérétiques peuvent donner le baptême, quand au moment où ils se séparent de l'Eglise, ils possèdent le sacrement qu'ils y ont reçu. Pourquoi donc le recevraient-ils en revenant à l'Eglise, puisqu'ils ne l'ont pas perdu en se séparant de l'Eglise?


CHAPITRE XXX.OPINION DE JULIANUS DE MARCELLIANA.

58. «Si l'homme peut servir deux maîtres, Dieu et l'argent le baptême peut également servir deux sujets, le chrétien et l'hérétique».
59. Il y a plus, car si le baptême peut servir le continent et l'avare, le tempérant et l'ivrogne, le pieux et l'homicide, pourquoi donc ne servirait-il pas le chrétien et l'hérétique? Non, sans doute, il ne les sert pas, mais il est administré aux uns et par les autres, devenant un principe de salut pour ceux qui en font un bon usage, et une cause de condamnation pour ceux qui en abusent.


CHAPITRE XXXI.OPINION DE TENAX DE CÉLIA.

60. «Il n'y a qu'un seul baptême, c'est (182) celui de l'Eglise; là où n'est pas l'Eglise, là n'est pas le baptême».
61. Je réponds: Pourquoi donc le baptême serait-il là où se trouve, non pas la pierre, mais le sable? car l'Eglise est fondée sur la pierre et non point sur le sable.

CHAPITRE 32.OPINION DE VICTOR D'ASSURIS.

62. «Il est écrit: Un seul Dieu, un seul Christ, une seule Eglise, un seul baptême (Ep 4,4); comment donc pourrait-on baptiser là où ne se trouvent ni Dieu, ni Jésus-Christ, ni l'Eglise?»
63. Et comment donc peut-on baptiser sur ce sable, où n'est pas l'Eglise, car elle n'est que sur la pierre, sur ce sable où ne se trouvent ni Dieu ni Jésus-Christ, puisque le sable n'est le temple ni de Dieu ni de Jésus-Christ?


CHAPITRE XXXIII.OPINION DE DONATULUS DE CAPSE.

64. «J'ai toujours cru que les hérétiques, qui ne peuvent rien obtenir hors de l'unité, doivent être baptisés lorsqu'ils demandent à entrer dans l'Eglise».
65. Je réponds: Hors de l'unité les hérétiques ne reçoivent rien, j'entends de ce qui concerne le salut, et non pas de ce qui concerne le sacrement. Le salut est le privilège des bons, tandis que les sacrements sont communs aux bons et aux méchants.


CHAPITRE XXXIV.OPINION DE VÉRULUS DE RUSICCADE.

66. «L'hérétique ne peut donner ce qu'il n'a pas; à plus forte raison le schismatique, qui a perdu ce qu'il avait».
67. Nous avons déjà montré qu'ils ont le baptême, puisqu'ils ne le perdent pas en se séparant de l'Eglise. Voilà pourquoi ils ne le reçoivent pas lorsqu'ils reviennent à l'Eglise. Si donc ils passaient comme incapables de donner le sacrement parce qu'on les regardait comme ne le possédant pas; maintenant qu'il est certain qu'ils le possèdent, il doit être certain qu'ils peuvent le donner.


CHAPITRE XXXV.OPINION DE PUDENTIANUS DE CUICULI.

68. «Tout récemment élevé à l'épiscopat, j'ai dû, frères bien-aimés, attendre le jugement qu'il plairait à mes aînés de porter. Il est manifeste que les hérésies n'ont et ne peuvent rien, il est donc bien juste de baptiser ceux des hérétiques qui demandent à entrer dans l'Eglise».
69. La réponse qui a été faite à ses aînés dont il attendait le jugement, il peut parfaitement se l'appliquer à lui-même.


CHAPITRE XXXVI.OPINION DE PIERRE D'HIPPONE DIARRHITE.

70. «Puisqu'il n'y a qu'un seul baptême dans l'Eglise catholique, il est évident qu'on ne peut baptiser hors de l'Eglise, voilà pourquoi je déclare que l'on doit conférer ce sacrement, avant de les recevoir dans l'Eglise, à tous ceux qui ont été baptisés dans l'hérésie ou dans le schisme».
71. L'unité du baptême dans l'Eglise catholique est tellement dans la nature des choses, que ce sacrement reste absolument un dans ceux-là même qui se séparent de l'Eglise après avoir été baptisés. De même que ceux-ci n'ont point perdu ce qu'ils avaient reçu, de même ils ont pu validement conférer à d'autres ce qu'ils possédaient.



Augustin, du Baptême - CHAPITRE IV.OPINION DE VICTOR DE GOR.