Augustin, Confessions 1334

CHAPITRE XXXIV. SENS MYSTIQUE DE LA CREATION.

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49. Et j'ai médité sur le sens que vous avez voulu figurer par l'ordre de vos oeuvres, et par l'ordre du récit inspiré de leur création; et j'ai vu qu'elles sont bonnes en particulier, très bonnes,dans leur ensemble; et dans votre Verbe, votre Fils unique, je vois le ciel et la terre, le chef et le corps de l'Eglise, prédestinés avant le temps, avant la naissance du matin et du soir. Et, dès que vous avez commencé d'exécuter dans les temps les conceptions de votre éternité, afin de dévoiler vos secrets, de rendre l'ordre au chaos d'iniquités qui pesait sur nous et nous entraînait loin de vous dans l'abîme des ténèbres, où votre Esprit saint planait, pour nous secourir au temps marqué; vous avez justifié les impies, vous les avez séparés des pécheurs; vous avez établi l'autorité de votre Ecriture, comme un firmament entre l'autorité où vous élevez les eaux supérieures, et la soumission à cette autorité que vous imposez aux inférieures; et vous avez réuni comme un troupeau la coupable unanimité des volontés infidèles, pour faire briller les saintes affections des fidèles qui devaient produire en votre nom des fruits de miséricorde, distribuant aux pauvres les biens de la terre pour gagner le ciel. Et vous avez allumé dans ce firmament des astres intelligents, dépositaire du Verbe de la vie éternelle, vos saints serviteurs, comblés des dons spirituels, investis d'une autorité sublime; et puis, ces sacrements, ces miracles visibles, ces paroles consacrées, signes célestes du firmament de votre Ecriture, qui appellent vos bénédictions sur les fidèles eux-mêmes; toutes ces oeuvres, instruments de la conversion des races infidèles, c'est à l'aide de la matière que vous les avez opérées; et vous avez formé l'âme vivante de vos fidèles, par la vertu de ces facultés aimantes, soumises au sévère règlement de la continence. Et cette âme raisonnable, désormais soumise à vous seul, assez libre pour se passer du secours et de l'autorité de tout exemple humain, vous l'avez renouvelée à votre image et ressemblance; et vous avez soumis la femme à l'homme, l'activité raisonnable à cette puissante raison de l'esprit, et comme vos ministres sont toujours nécessaires aux fidèles en cette vie pour les amener à la perfection, vous ( 517) avez voulu que les fidèles leur payassent, dans le temps, un tribut charitable, dont l'éternité soldera l'intérêt. Et nous voyons toutes ces oeuvres, et nous les voyons très-bonnes, ou plutôt, vous les voyez en nous; puisque votre grâce a répandu sur nous l'Esprit qui nous donne la force de les voir et de vous aimer en elles.


CHAPITRE XXXV. «SEIGNEUR, DONNEZ-NOUS VOTRE PAIX!»

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50. Source de tous nos biens, Seigneur mon Dieu, donnez-nous votre paix! la paix de votre repos, la paix de votre sabbat! la paix sans déclin! Car cet ordre admirable, et cette belle harmonie de tant de créatures excellentes, passeront, le jour où leur destination sera remplie. Ils auront leur soir, comme ils ont eu leur matin.

CHAPITRE XXXVI. LE SEPTIÈME JOUR N'A PAS EU DE SOIR.

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51. Or, le septième jour est sans soir et sans coucher, parce que vous l'avez sanctifié, pour qu'il demeure éternellement. Et le repos que vous prenez après l'oeuvre admirable de votre repos, nous fait entendre, par l'oracle de votre sainte Ecriture, que nous aussi, après l'accomplissement de notre oeuvre, dont votre grâce fait la bonté, nous devons nous reposer dans le sabbat de la vie éternelle!


CHAPITRE XXXVII. COMMENT DIEU SE REPOSE EN NOUS.

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52. Alors votre repos en nous sera, comme aujourd'hui votre opération en nous. Et notre repos sera le vôtre, comme aujourd'hui nos oeuvres sont les vôtres; car vous, Seigneur, vous êtes à la fois le mouvement et le repos éternel. Votre vue, votre action, votre repos ne connaissent pas le temps; et cependant vous faites notre vue dans le temps, vous faites le temps, et le repos qui nous sort du temps.

CHAPITRE XXXVIII. DIFFÉRENCE ENTRE LA CONNAISSANCE DE DIEU ET CELLE DES HOMMES.

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53. Nous voyons donc toutes vos créatures, parce qu'elles sont; et, au rebours, elles sont, parce que vous les voyez. Et nous voyons, au dehors, qu'elles sont; intérieurement, qu'elles sont bonnes. Mais vous, vous les voyez faites, là où vous les avez vues à faire. Aujourd'hui, nous sommes portés à faire le bien que notre coeur a conçu par votre Esprit. Hier, loin de vous, le mal nous entraînait. Mais vous, ô Dieu, l'unique et souveraine bonté, jamais vous n'avez cessé de faire le bien. Il est quelques bonnes oeuvres que nous faisons, grâce à vous, mais elles ne sont pas éternelles. C'est après ces oeuvres que nous espérons l'éternel repos dans la gloire de votre sanctification. Mais vous, le seul bien qui n'a besoin de nul autre, vous ne sortez jamais de votre repos; votre repos, c'est vous-même. Et l'homme peut-il donner à l'homme l'intelligence de ces mystères de gloire? L'ange à l'ange, ou l'ange à l'homme? Non; c'est à vous qu'il faut demander, c'est en vous qu'il faut chercher, c'est à vous-même qu'il faut frapper; ainsi l'on reçoit, ainsi l'on trouve, ainsi l'on entre (
Mt 7,8).

Ainsi soit-il.


Cette traduction des Confessions est l'oeuvre de M. Moreau.




Augustin, Confessions 1334