Augustin acc. évangélistes 114

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CHAPITRE 14,TRIOMPHE DU DIEU DES HÉBREUX, PAR LA RUINE DES IDOLES ET LA CONVERSION DES NATIONS.

21. Il est une chose très-digne d'admiration, et dont ne tiennent pas compte les rares partisans du paganisme que nous voyons encore au milieu de nous: c'est que le Dieu des Hébreux, offensé par les vaincus et rejeté par les vainqueurs, est maintenant connu dans tout l'univers et adoré par toutes les nations. Aussi bien c'est du Dieu d'Israël que le prophète disait au peuple choisi, si longtemps auparavant: "Celui qui t'a délivré, le Dieu d'Israël, sera appelé le Dieu de toute la terre (1)." Cette prédiction s'est accomplie avec le nom de Jésus-Christ, venu parmi nous du sang d'Israël, petit-fils d'Abraham qui fut la souche des Hébreux (2); et en effet Israël lui-même avait reçu la promesse: "Que toutes les nations de la terre seraient bénies en celui qui naîtrait de sa race (3)." On doit comprendre par là que le Dieu d'Israël, le seul vrai Dieu qui a fait le Ciel et la terre et qui conduit avec justice et miséricorde les affaires et les événements de ce monde, sans que la justice entrave la miséricorde, sans que la miséricorde soit un obstacle à la justice, n'a pas été vaincu dans son peuple Hébreu quand il a laissé les Romains prévaloir et le réduire à n'avoir plus ni royauté ni sacerdoce. Car le même Dieu d'Israël, avec

1 Is 6. - 2 RetrAc 2,16.- 3 Gn 28,14.

l'Évangile de Jésus-Christ vrai roi et vrai prêtre, deux titres figurés par le trône et l'autel des Hébreux, abolit maintenant partout les idoles des nations, pour le maintien desquelles les Romains n'avaient pas voulu recevoir son culte comme ils avaient reçu le culte des dieux de tant d'autres peuples, forcés de reconnaître leurs loIs Il a donc laissé périr le sacerdoce et la royauté de la nation prophétique, parce que le rôle de cette nation, instrument des promesses, était sans objet, du moment que le Christ promis était venu. Et quant aux Romains vainqueurs des Juifs, il les a soumis à son nom par le Christ roi; et en leur donnant la force, et la générosité de la foi chrétienne, il a tourné leur zèle au renversement de ces idoles pour l'honneur desquelles son culte avait d'abord été rejeté.

22. Le Christ, ce me semble, n'a point usé des artifices de la magie pour faire annoncer avant de naître, par tant de prophètes, par la royauté même et le sacerdoce de toute une nation, tout ce qui devait s'accomplir en lui. Aussi bien, le peuple Juif dont le royaume a cessé d'exister et qui, par une admirable providence de Dieu, se trouve maintenant dispersé dans tout l' univers, quoiqu'il n'ait plus aucune onction royale ou sacerdotale, quoiqu'il ait perdu cette onction appelée Chrême dans laquelle apparaît le nom du Christ, ce peuple garde encore quelques-unes de ses observances, et veut conserver sa religion: vaincu et subjugué par les Romains il a repoussé leur culte idolâtre; ainsi il rend témoignage à Jésus-Christ par les livres des prophètes qu'il porte avec lui; et la vérité des prédictions qui regardent Jésus-Christ trouve sa preuve, même dans les mains clé nos ennemIs Pourquoi donc. faut-il que nous voyons encore des misérables qui font connaître leur perversité en adressant au Christ de fausses et perfides louanges? Si quelques livres de magie: ont été écrits sous son nom quand la doctrine chrétienne se montre l'ennemie déclarée de semblables pratiques, loin de s'en prévaloir contre nous, qu'ils comprennent plutôt toute la grandeur de ce nom qu'empruntent ceux-mêmes dont la vie est en opposition avec la morale du Christianisme, afin de donner du crédit à leurs criminels artifices. Car de même que des erreurs diverses parmi les hommes ont donné lieu à différentes hérésies qui s'autorisent du nom du Christ; ainsi les ennemis mêmes du Christ pensent que leurs paroles sont dépourvues de toute autorité, (122) s'ils ne lui attribuent ce qu'ils avancent contre sa doctrine.

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CHAPITRE 15,LES PAÏENS, OBLIGÉS DE LOUER JÉSUS-CHRIST, SE DÉCHAINENT CONTRE SES DISCIPLES.

23. Que dire de la conduite de ces hommes qui donnent à Jésus-Christ des éloges dérisoires et dénigrent par mille voies détournées la religion chrétienne? Ils n'osent blasphémer le Christ, parce que certains de leurs philosophes, comme le rapporte dans ses livres Porphyre de Sicile, ayant consulté les dieux du paganisme et sollicité une réponse au sujet de ce personnage merveilleux, les dieux ne purent se défendre de faire son éloge dans les oracles qu'ils rendirent. Ce quine doit pas nous surprendre, puisque nous, lisons dans l'Evangile, que les démons confessaient le nom de Jésus-Christ (1). Or, nous apprenons par la lecture des prophètes que les dieux des gentils ne sont autres que des démons (2). Ces païens donc, pour ne point lutter contre les oracles de leurs dieux, s'abstiennent de maudire le Christ et ils reportent leurs malédictions sur ses disciples . Pour moi, il me semble que si les dieux des nations, consultés sur Jésus-Christ par les philosophes du paganisme, l'eussent été de même au sujet de ses disciples, ils se seraient vus contraints d'en faire aussi l'éloge.

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CHAPITRE 16,LES APOTRES, EN PRÊCHANT LA DESTRUCTION DES IDOLES, NE SE SONT PAS ÉCARTÉS DE LA DOCTRINE DE JÉSUS ET DES PROPHÈTES.

24. Toutefois, ces hommes s'efforcent de persuader que ce n'est point la doctrine de Jésus-Christ, mais bien celle des disciples qui a déterminé le renversement des temples païens, l'abolition des sacrifices et la ruiné des idoles: ils prétendent que les Apôtres n'ont pas gardé l'enseignement de leur maître. Ainsi, en honorant et en louant Jésus-Christ, ils veulent détruire la foi chrétienne, puisque c'est par les disciples de Jésus-Christ que le monde a connu ses actions et ses paroles, objets de la religion chrétienne, contre laquelle ce petit nombre de païens, déjà las du combat, s'obstinent néanmoins à murmurer quelques pitoyables objections. Mais s'ils ne veulent pas

1 Lc 4,41. - 2 Ps 95,6.

croire que la doctrine de Jésus-Christ est publiée par l'enseignement des Apôtres, nous les prions de lire les prophètes qui, non-seulement ont prescrit de détruire le faux culte des idoles, mais qui ont même annoncé que cette destruction se ferait dans les temps chrétiens. Si les prophètes ont menti, d'où vient que leurs prédictions se sont accomplies avec tant d'éclat? Et s'ils ont dit vrai, pourquoi résister à de telles prédictions, marques infaillibles de la divinité de Celui dont ils étaient les interprètes?


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CHAPITRE 17,CONTRE LES ROMAINS QUI ONT REFUSÉ LEUR CULTE AU SEUL DIEU D'ISRAËL.


25. Arrêtons-nous cependant à leur demander ce qu'ils pensent du Dieu d'Israël, et pourquoi ils ne l'ont pas relu pour l'adorer comme les dieux des autres nations assujetties par les Romains, surtout quand ils admettent la maxime que le sage doit adorer tout les dieux,Pourquoi donc ont-ils excepté le Dieu d'Israël? Si ce Dieu a beaucoup de puissance, pourquoi est-il le seul qu'ils n'adorent pas? Et si son pouvoir est nul ou peu étendu, comment se fait-il que presque partout les idoles sont renversées et lui seul adoré? Ils ne pourront jamais se dégager du lien de cette question, ceux qui, en adorant des êtres qu'ils croient des divinités grandes ou petites, rejettent le seul qui a prévalu contre tous leurs dieux,S'il a une grande puissance, pourquoi a-t-on pensé qu'il ne fallait pas le reconnaître? S'il n'a point ou n'a que peu de puissance, comment ce Dieu méprisé a-t-il fait de si grandes choses? S'il est bon, pourquoi ne l'a-t-on pas admis au nombre des dieux qu'on appelle bons? S'il est méchant, d'où vient que tant de dieux bons ne peuvent triompher de lui seul? S'il est véridique, pourquoi repousser les préceptes qu'il impose? Et s'il est menteur, comment ses oracles se trouvent-ils accomplis?

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CHAPITRE 18,LE DIEU DES HÉBREUX N'A PAS ÉTÉ REÇU DES ROMAINS PARCE QU'IL VEUT ÊTRE SEUL ADORÉ.


26. Enfin que l'on pense de lui ce qu'on voudra; est-ce que les Romains n'ont pas cru qu'il y avait des dieux méchants et qu'il fallait aussi les adorer, puisqu'ils ont élevé des temples à la Paleur et à la Fièvre? Est-ce qu'ils n'ont pas dit (123) qu'il fallait invoquer les bons génies et apaiser les mauvais démons? Qu'ils aient donc jugé bon ou mauvais le Dieu d'Israël, pourquoi n'ont-ils cru devoir ni l'invoquer ni l'apaiser? Et quel est donc ce Dieu ou tellement ignoré qu'on ne le trouve pas jusqu'alors dans l'immense multitude des divinités païennes, ou tellement connu qu'aujourd'hui il est seul adoré par tant d'hommes? Pour justifier le rejet de son culte on ne peut plus alléguer d'autre raison qu'un ordre et une défense du même Dieu d'Israël, ordre de l'adorer lui seul, défense d'adorer les dieux du paganisme qui étaient en possession des hommages du monde. Mais il faut presser nos adversaires de dire quel est, suivant eux, ce Dieu qui défend d'adorer les autres dieux en l'honneur desquels se sont élevés tant de temples et d'idoles; quelle est la grandeur d'un Dieu dont 1a volonté a eu plus de pouvoir pour détruire l'idolâtrie que. n'en ont eu les Romains pour empêcher de recevoir son culte? Tout le monde tonnait sans doute la maxime de ce philosophe, le plus sage des hommes, au.dire des païens et d'Apollon lui-même. La maxime de Socrate est qu'il faut rendre à chaque Dieu le culte que lui-même a prescrit. Pour ne point contredire à cette règle, les Romains se voyaient dans l'étrange nécessité de ne pas adorer le Dieu des Hébreux; car, en voulant l'adorer d'une manière opposée à ses ordonnances ils ne l'auraient pas adoré lui-même, mais bien le fantôme de leur imagination; et en l'adorant comme ce Dieu voulait être adoré, ils s'obligeaient, pour respecter sa défense, à ne pas adorer les autres dieux. Ainsi ont-ils rejeté le culte du seul vrai Dieu dans la crainte d'offenser une multitude de faux dieux, pensant que la colère de ceux-ci devait leur être plus funeste que la bienveillance de celui-là ne pouvait leur être utile.

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CHAPITRE 19,LE DIEU D'ISRAËL EST LE VRAI DIEU.

21. Mais c'était une nécessité vaine et une crainte ridicule. Nous demandons maintenant ce qu'ils pensent du Dieu d'Israël, ces hommes à qui il plait de dire que tous les dieux doivent être adorés. Si celui-là ne doit pas l'être, comment le sont-ils tous tandis qu'il ne l'est pas? Que s'il doit être adoré, il est impossible que tous le soient puisqu'il n'est véritablement adoré qu'autant qu'on n'adore pas les autres? Diront-ils que ce n'est pas un Dieu, quand ils appellent dieux ceux qui selon nous n'ont aucun pouvoir sans sa permission, et ne peuvent faire aucun bien ni même aucun mal, sinon aux hommes que ce maître tout-puissant juge à propos de punir ou d'éprouver? Du reste, comme ils sont obligés d'en convenir, les dieux du paganisme n'ont montré qu'une puissance bien inférieure à la sienne. Car, s'ils sont des dieux ceux dont les devins consultés par les hommes ont fait des réponses, pour ne pas dire des mensonges, qui touchaient à des intérêts privés; comment n'est-il pas Dieu celui dont les prophètes non-seulement ont répondu d'une manière exacte au sujet des événements du temps sur lesquels on les consultait, mais ont prédit, tant de siècles d'avance, sans être consultés, les grandes choses que nous lisons maintenant et que nous voyons accomplies à l'égard du genre humain et de toutes les nations de la terre? S'ils tiennent pour un dieu celui dont la Sybille à reçu l'influence pour chanter les destins de Rome; comment n'est-il pas Dieu celui qui a fait voir dans l'avenir les Romains et tous les peuples amenés à croire en lui comme au seul Dieu, par l'Evangile de Jésus-Christ, et à renverser eux-mêmes toutes les idoles de leurs pères, prédiction aujourd'hui réalisée? Enfin, s'ils appellent dieux ceux q 1 n'ont jamais osé inspirer à leurs devins une parole qui lui soit contraire, comment n'est-il pas Dieu, lui, qui par ses prophètes a commandé de détruire leurs idoles, et a même prédit que tous les peuples, à qui il donnait l'ordre de n'adorer que lui seul, lui obéiraient, déserteraient leurs temples, et renverseraient eux-mêmes leurs autels?

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CHAPITRE 20,LES ORACLES DES PAÏENS NE DISENT RIEN CONTRE LE DIEU DES HÉBREUX,

28. Veulent-ils nous contredire? qu'ils lisent donc, s'ils le peuvent, dans les livres de leurs sybilles ou autres devins, un oracle, annonçant que le Dieu des Hébreux serait un jour adoré de toute les nations; que les écrits de ses prophètes auraient assez d'autorité pour obliger l'empire Romain à les recevoir et à prescrire la destruction des idoles; qu'il faudrait néanmoins prendre garde d'obéir à cette injonction, et que les adorateurs des autres dieux pourraient s'applaudir comme d'une conduite raisonnable (124) d'avoir auparavant rejeté celui-là: qu'ils lisent donc de telles choses, s'ils le peuvent, dans quelques uns des livres de leurs devins. Car, j'omets de dire que comme les démons étaient forcés de reconnaître Jésus-Christ même, durant les j ours de son apparition ici-bas dans la chair, les auteurs des livres dont il s'agit, rendent à notre foi, c'est-à-dire à la religion chrétienne, un témoignage qui paraît bien être celui des saints anges ou de nos prophètes eux-mêmes. J'omets cette remarque qu'ils veulent regarder comme une fiction des chrétiens quand nous la produisons. Mais eux-mêmes, eux-mêmes, qu'ils produisent comme extrait des oracles du paganisme quelque prédiction contraire au Dieu des Hébreux, quand de notre côté nous leur montrons avec les livres de nos prophètes tant de choses si importantes ordonnées, prédites et accomplies contre leurs dieux. Le peu de païens qui nous restent aiment mieux déplorer les événements accomplis, que de reconnaître le Dieu qui a pu les annoncer; et cependant, selon eux, quand leurs faux dieux qui sont de vrais démons, ont une fois prouvé leur puissance en prédisant quelque événement futur, on doit ne rien demander de plus.

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CHAPITRE 21,POURQUOI LE DIEU DES HÉBREUX DOIT ÊTRE SEUL ADORÉ.


29. Pourquoi donc, alors, ces malheureux ne reconnaissent-ils pas le vrai Dieu dans ce Dieu tellement antipathique aux leurs, que tout en confessant sa Divinité ils se voient contraints de lui refuser leurs hommages, eux dont la maxime cependant est qu'on doit adorer tous les dieux? Puisque tous ne peuvent être adorés, pourquoi donc ne pas choisir celui qui défend d'adorer les autres? pourquoi ne pas abandonner ceux qui n'osent défendre de l'adorer lui-même? Ou si les dieux du paganisme ont formulé cette défense, qu'on ne refuse pas de la lire. Est-il une chose qui ait dû frapper davantage les oreilles des peuples dans leurs temples, dans leurs temples où rien de pareil n'a cependant jamais retenti? Et certes la défense d'un si grand nombre contre un seul devrait avoir plus de notoriété, plus de pouvoir que la défense d'un seul contre tant d'autres. Si le cuite du Dieu d'Israël est impie, des dieux qui n'éloignent pas les hommes de l'impiété sont bien inutiles; si au contraire, c'est un culte légitime et pieux, comme on y trouve i'ordre de ne pas adorer les divinités païennes, il y a donc impiété a les adorer. Mais, si les dieux des nations proscrivent ce culte avec tant de défiance et de mystère, que le téméraire désir de l'empêcher cède à la crainte de se faire entendre; ne voit-on pas, ne sent-on pas à l'instant qu'il faut reconnaître et adorer un Dieu qui défend le culte des autres avec toute sorte de publicité, qui a ordonné de renverser leurs idoles, qui en a prédit la ruine et qui les a de fait renversées par la prédication de l'Evangile, plutôt que des dieux timides ou sans vertu, qui n'ont rien ordonné, rien prédit, rien pu contre lui? Car de leur part nous ne connaissons, nous ne lisons, nous ne voyons rien dans ce sens. De grâce, qu'on nous réponde: quel est donc ce Dieu qui flagelle ainsi tous les dieux des nations, qui traite et pulvérise ainsi leur culte?

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CHAPITRE 22,OPINION DES GENTILS TOUCHANT NOTRE DIEU.

30. Mais pourquoi interroger des hommes qui, au sujet du Dieu d'Israël, se sont perdus dans leurs rêveries? Les uns disent: c'est le même que Saturne; sans doute à cause de la sanctification du samedi chez les Juifs, cardes païens ont affecté ce jour à Saturne. Mais leur illustre Varron, qu'ils regardent comme le plus docte des Romains, veut que le Dieu des Juifs soit Jupiter; selon lui, peu importe le nom, si l'on s'entend sur la chose; or l'idée de la grandeur souveraine de ce Dieu, l'a, je crois, arrêté dans ses recherches. Les Romains, en effet, comme le prouve assez clairement leur Capitole, ne reconnaissent aucun dieu supérieur à Jupiter, qu'ils considèrent comme le maître de tous les dieux; aussi Varron n'a-t-il pu imaginer rien de mieux que Jupiter, quand il a su que les Juifs adoraient le Dieu suprême. Mais, que dans le Dieu des Juifs on voie Saturne ou Jupiter, peut-on dire que jamais Saturne ait osé défendre d'adorer un autre Dieu, même Jupiter son fils qui le détrôna? S'il plaît aux païens d'adorer Jupiter comme plus puissant et vainqueur de son père; alors qu'ils n'adorent pas Saturne vaincu et chassé du ciel . Mais Jupiter n'a pas défendu non plus de l'adorer, et s'il a pu le vaincre, il lui a permis aussi d'être un dieu.

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CHAPITRE 23,NIAISERIES PAÏENNES SUR SATURNE ET JUPITER.

31. Ce sont là, disent nos adversaires, des fables qui doivent être expliquées par les sages ou livrées au ridicule. Pour nous, ce que nous adorons, c'est le Jupiter dont Virgile a dit: "Tout est plein de sa présence (1);" c'est-à-dire nous adorons l'esprit qui vivifie toutes choses. S'il en est ainsi, Varron ne s'est pas trompé en supposant que les Juifs adoraient Jupiter, puisque le Seigneur dit par son prophète: "Je remplis le ciel et la terre (2)." Mais qu'est-ce que le poète appelle ciel ou Éther; et eux-mêmes quel sens donnent-ils à ce mot?Car nous avons un autre passage de Virgile ainsi conçu: "Alors l'Ether, père tout-puissant, descendit en pluies fécondes dans le sein de sa joyeuse épouse (3);" et ils disent que l'Ether n'est pas un esprit mais bien le corps supérieur qui forme la voûte du ciel étendu au-dessus de l'air. Accordent-ils au poète de parler de Dieu tantôt comme d'un pur esprit selon les Platoniciens, tantôt comme d'un corps selon les Stoïciens? Et qu'est-ce donc qu'ils adorent au Capitole? Si c'est un esprit ou même le corps du ciel, que fait là le bouclier de Jupiter qu'ils appellent Egide: car pour expliquer l'origine de ce nom, ils disent que Jupiter, caché par sa mère, fut allaité par une chèvre. Ceci est-il encore une invention des poètes? Le Capitole des Romains est-il donc aussi l'oeuvre des poètes? Que veut dire cette momerie fort peu poétique, de suivre les philosophes quand il s'agit d'acquérir dans les livres la connaissance des dieux, et les poètes, quand il s'agit de les adorer dans les temples?

32. Mais fut-ce un poète aussi qu'Evhémère, bien que, au rapport de Cicéron (4), Ennius l'ait traduit en latin? Or il prouve que Jupiter lui-même et Saturne son père et Neptune et Pluton ses frères ont été simplement des hommes; il le prouve avec tant de clarté que les adorateurs de ces dieux devraient rendre grâces aux poètes dont les fictions ont eu pour but d'embellir et non de déshonorer les objets de leur culte. Et Cicéron lui aussi était-il un poète? Voici comme il parle dans les Tusculanes, à son interlocuteur qu'il suppose bien instruit de la doctrine secrète (5): "Si j'interroge l'antiquité, si

1 Virg. Egl. 3,60. - 2 Jr 23,24. - 3 Virg. Géorg.1. 2,324-326. - 4 Cicér. De la nat. des dieux, 1,1. - 5 Ib. Tuscu. 1,

je consulte les ouvrages que nous ont laissés les auteurs grecs, j'y verrai que ceux qu'on regarde comme des dieux, même dans les plus grandes nations, sont sortis du milieu de nous, pour alter prendre possession du Ciel. "Informe-toi de quels dieux la Grèce possède les tombeaux; puisque tu es initié, souviens-toi de l'enseignement des mystères, et tu comprendras enfin combien paraît hors de doute ce que je te dis." On ne peut le nier, Cicéron, dans ce passage, déclare d'une manière assez explicite, que les dieux des païens furent des hommes; et il suppose bénévolement qu'ils sont parvenus au Ciel, quoiqu'il ait dit, sans balancer, dans une harangue publique, que l'honneur de l'apothéose relève uniquement de l'opinion du monde; car en parlant de Romulus il s'est ainsi exprimé: "Notre bienveillance et sa haute renommée ont placé Romulus, fondateur de la Ville, au rang des dieux immortels (1)." Et qui peut trouver invraisemblable que les hommes aient fait, autrefois pour Jupiter, Saturne et les autres, ce que les Romains ont fait pour Romulus, et ce qu'ils ont voulu faire aussi pour César dans des temps plus rapprochés? Virgile appuyait ce dessein des accents flatteurs de sa muse: "Voici, disait-il, que paraît l'astre de César, fils de Vénus (2)." Qu'on prenne donc garde à la vérité historique, qui peut montrer sur la terre les tombes des faux dieux. Qu'on fasse donc réflexion que les poètes n'attachent pas au Ciel, mais feignent d'y rencontrer et d'y reconnaître leurs étoiles. Aussi bien, telle étoilé n'est pas de Jupiter, ni cette autre de Saturne; mais, après leur mort, les hommes qui ont voulu les regarder comme des dieux ont donné leurs noms à des astres créés dès l'origine du monde. Et à ce sujet, voudrait-on nous dire quel si grand mal a fait la chasteté, quel si grand bien la volupté, pour que Vénus ait son étoile parmi les planètes et pour que Minerve n'ait pas la sienne?

33. Mais, je le veux, l'académicien Cicéron est moins certain encore de ce qu'il avance que les poètes, quand il ose, jusque dans ses livres, faire mention des tombeaux des dieux, bien que sa parole soit l'écho des traditions religieuses, et non l'expression d'une opinion particulière. Est-ce que Varron, lui aussi, a voulu feindre comme un poète ou supposer comme un académicien,

1 Cicér. Catil. dIs 3. - 2 Virg. Eg. 9,47.

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que le culte de tels dieux a son explication dans les circonstances de la vie ou de la mort de chacun d'eux parmi les hommes? Etait-il aussi poète ou académicien ce prêtre d'Egypte, nommé Léon, qui, en exposant, sur l'origine des dieux, une opinion différente, il est vrai, de celle des Grecs, parle cependant de manière à faire comprendre au roi de Macédoine Alexandre que ces dieux ont été de simples mortels?

34. Du reste, que nous importe? Laissons nos adversaires dire qu'en adorant Jupiter ils n'adressent pas leur culte à un homme mort; admettons avec eux qu'ils n'ont pas dédié le Capitole à un homme mort, mais à l'esprit qui vivifie toutes choses et qui remplit le monde; permettons-leur d'expliquer comme ils voudront le bouclier de Jupiter, fait d'une peau de chèvre en l'honneur de sa nourrice. Et Saturne qu'en disent-ils? Et quel est le Saturne qu'ils adorent? N'est-ce pas celui qui le premier descendit de l'Olympe, et qui, selon Virgile, "chassé, proscrit de ses états, obligé de fuir pour échapper aux armes de Jupiter, réunit en société, soumit à des lois une nation sauvage, dispersée sur le haut des montagnes, et préféra donner au pays le nom de Latium (latere se cacher,) parce qu'il s'y était caché et mis à l'abri de tout périt (1)?" L'idole même de ce dieu qui le représente la tête couverte, n'indique-t-elle pas quelqu'un qui se cache? La faux qu'on lui met à la main,ne fait-elle pas comprendre qu'il s'agit de celui qui enseigna l'agriculture aux habitants de l'Italie? Non, disent nos païens; à vous de voir si le personnage dont on raconte ces choses fut un homme et un roi quelconque. Saturne pour nous, c'est le temps universel, comme l'indique son nom grec. Car il est appelé Khronos, dans cette langue, et ce nom rend l'idée du temps quand on le prononce avec aspiration. De là vient qu'en latin il est appelé Saturnus ou saturatus annis, rassasié d'années. Je ne vois- plus de discussion, possible avec des gens dont tous les efforts, pour donner la meilleure interprétation des images et des noms de leurs dieux, se terminent par l'aveu que le premier et le père de tous c'est le TemPs Que déclarent-ils par là, sinon que tous leurs dieux sont temporels; puisque, selon eux, le temps lui-même en est le père?

35. C'est de quoi ont rougi leurs philosophes plus récents, les Platoniciens qui ont paru depuis l'établissement du Christianisme. Aussi essayent

1 Virg. Enéid. 1. 8,320-324.

ils de donner au nom de Saturne une étymologie plus rationnelle. Son nom grec Khronos disent-ils, signifie: plénitude de l'intelligence; car, en grec, Khronos signifie satiété ou plénitude, et nous intelligence ou esprit. Le mot latin, ajoutent-ils, parait lui-même favoriser cette interprétation, comme composé, pour la première partie, du mot latin satur, et, pour la seconde, du mot grec nous. Saturnus reviendrait ainsi à Satur nous, plein d'intelligence. Ces philosophes ont compris, en effet, qu'il était trop absurde dé regarder Jupiter comme le fils du temps, quand ils pensaient ou voulaient faire croire que c'était un dieu éternel, suivant leur interprétation toute nouvelle; car si elle était ancienne, on rie comprendrait pas que Cicéron et Varron l'eussent ignorée. Voici comment Jupiter est fils de Saturne; ils voient en lui un esprit qui émane de cette souveraine intelligence, et prétendent qu'il est comme l'âme de ce monde, qu'il pénètre et remplit toute la nature corporelle soit au ciel soit sur la terre. D'où ce mot de Virgile que nous avons déjà rapporté un peu plus haut: "Tout est plein de Jupiter, tout est rempli de sa présence."
S'ils en avaient le pouvoir, comme ils ont changé l'explication du système de la théologie païenne, ne. changeraient-ils pas aussi la superstition des hommes, ne s'abstiendraient-ils pas d'élever aucune idole, ou du moins ne voueraient-ils pas plutôt le Capitole à Saturne qu'à Jupiter? Car ils conviennent que nulle âme raisonnable n'est sage qu'en vertu de la participation de la souveraine et immuable sagesse; ils en conviennent, non-seulement pour l'âme humaine, mais encore pour l'âme du monde qu'ils disent être Jupiter. Pour nous, nous accordons et même nous affirmons hautement qu'il y a en Dieu une souveraine sagesse, dont la participation rend sage toute âme qui le devient véritablement. Mais cette masse corporelle dont l'ensemble est appelé,le monde, a-t-elle une âme, son âme propre, une vie raisonnable qui en règle tous les mouvements comme, sont réglés ceux de tout être animé? C'est une grande question, très-difficile à résoudre: on ne doit pas embrasser cette opinion si la vérité n'en est bien démontrée, ni la traiter d'erreur à moins qu'il ne soit constant qu'elle est fausse. Après tout, qu'importe à l'homme, dût-il toujours vivre sur ce point dans l'ignorance? La sagesse d'une âme, en effet, résulte seulement de la souveraine et immuable sagesse de Dieu, et non (127) du fait d'une autre âme qu'elle qu'elle soit.

36. Cependant, les Romains qui ont voué le Capitole non à Saturne mais à Jupiter, et les autres nations qui ont pensé qu'ils fallait mettre Jupiter au-dessus de tous les dieux et lui adresser des hommages particuliers, n'ont pas été du même sentiment que les Platoniciens. Ceux-ci, d'après leur opinion toute nouvelle, devraient consacrer à Saturne la première forteresse de l'empire, s'ils avaient en cela quelque pouvoir, et faire disparaître impitoyablement les Astrologues et les tireurs d'horoscopes qui l'ont rangé comme un dieu malfaisant parmi les autres étoiles, quand eux-mêmes le regardent comme la source et l'auteur de toute sagesse. Du reste, cette opinion qui fait de Saturne un dieu malfaisant, a, malgré eux, prévalu dans les esprits, à ce point qu'on ne veut pas même le nommer: on l'appelle plutôt le vieillard que Saturne. Et telle est la crainte qu'il inspire, aujourd'hui les païens de Carthage ont presque changé le nom du bourg, qu'ils lui ont consacré et ils disent plus communément le bourg du vieillard que le bourg de Saturne.

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CHAPITRE 24 - EN REJETTANT LE DIEU D'ISRAËL ON N'ADORE PLUS TOUS LES DIEUX; EN ADORANT LES AUTRES ON N'ADORE PLUS LE DIEU D'ISRAËL.


37. Nous savons donc à quoi les adorateurs des idoles sont convaincus d'adresser leur culte, et ce qu'ils s'efforcent de déguiser sous de belles couleurs. Mais il faut encore demander à ces nouveaux interprètes du nom et des attributs de Saturne, ce qu'ils pensent du Dieu des Hébreux. Car ils ont trouvé bon, eux aussi, d'adorer avec les nations tous les dieux qu'elles reconnaissent, tout en refusant, dans leur orgueil, de s'humilier aux pieds de Jésus Christ pour la rémission de leurs péchés. Que pensent-ils donc du Dieu d'Israël? S'ils ne l'adorent pas, ils n'adorent pas tous les dieux; s'ils l'adorent, ils ne l'adorent as comme lui même veut être adoré, puisqu'ils adorent aussi les autres que ce Dieu défend d'adorer. Le Dieu d'Israël, en effet, a défendu le culte de toute autre divinité, par les prophètes auxquels il a fait prédire en même temps ce que les chrétiens font subir maintenant aux idoles. Soit, en effet, que des anges envoyés à ces prophètes leur aient montré en figure par des images sensibles convenablement ménagées, le seul vrai Dieu créateur et maître de toutes choses, et leur aient appris de quelle manière il voulait être adoré; soit que le Saint-Esprit ait répandu dans les âmes de quelques-uns d'entre eux une si grande et si vive lumière, qu'ils fussent capables de voir par intuition, comme les anges eux-mêmes, des objets tout spirituels; toujours est-il, qu'ils ont servi ce Dieu qui défend d'adorer les autres; qu'ils l'ont servi par les sentiments d'une foi et d'une piété sincères, dans la royauté et le sacerdoce de leur nation et parla pratique d'un culte qui annonçait l'avènement futur du Christ comme vrai roi et comme vrai prêtre.

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CHAPITRE 25 - LES PAÏENS DOIVENT ADORER LE DIEU D'ISRAËL; LEURS DIEUX NE S'Y OPPOSENT PAS, SES OEUVRES L'EXIGENT.

38. Mais nous prions les païens nos adversaires, qui en voulant adorer les dieux des nations refusent leurs hommages à celui qui ne peut être adoré avec eux, nous les prions de nous dire pourquoi l'on ne trouve aucun de ces dieux qui défende d'en adorer un autre, puisque eux-mêmes leur assignent différents offices, différentes fonctions et veulent que chacun préside à des choses qui le regardent spécialement. Si Jupiter n'empêche pas d'adorer Saturne, parce que Jupiter n'est point cet homme qui a détrôné son père, mais bien le corps du ciel, ou l'esprit qui remplit le ciel et la terre, et ne peut par conséquent empêcher le culte de l'intelligence suprême dont il est regardé comme l'émanation; si, de même, Saturne autorise le culte de Jupiter, parce que différent de celui qui, vaincu par je ne sais quel Jupiter, se retira en Italie pour échapper aux armes du rebelle, il ne l'a jamaIs vu lever l'étendard de la révolte et triompher de sa puissance, mais que, premier esprit, il se montre bienveillant envers une âme qu'il a engendrée: Vulcain devrait au moins s'opposer au culte de Mars qui a violé sa femme; Hercule ne devrait pas souffrir celui de Junon qui l'a persécuté. Quel est donc entre les dieux cet accord tellement honteux que Diane la vierge chaste, permet d'adorer, je ne dirai pas Vénus, mais Priape? Car si un. homme veut être à la fois chasseur et laboureur, il les servira tous deux quoiqu'il ait honte de leur élever des temples voisins l'un de l'autre. Mais que nos philosophes païens entendent sous le nom de Diane la vertu (128) qu'ils voudront; que Priape soit pour eux le dieu de la fécondité, du moins Junon, en présidant aux mariages et aux accouchements, devrait rougir d'avoir un tel aide. Qu'ils disent ce qui leur plaît, qu'ils interprètent les choses comme bon leur semble: le Dieu d'Israël ne laisse pas de confondre toutes leurs raisons. Quand il a défendu d'adorer les dieux du paganisme sans que nul d'entre eux ait jamais défendu de l'adorer lui-même, quand il a prescrit, annoncé, exécuté la destruction de leurs idoles et de leur culte, il a montré suffisamment qu'ils sont des dieux imaginaires et trompeurs, et lui un Dieu véritable et véridique.

39. Mais ces adorateurs d'une multitude de faux dieux, ces païens aujourd'hui en si petit nombre, qui ne s'étonnera de les voir refuser obéissance et adoration à ce Dieu dont ils peuvent se faire une idée fausse et la manifester, quand on leur demande qui il est; mais dont ils ne peuvent nier la divinité, parce que leur négation tomberait d'elle-même devant l'examen des oeuvres qu'il a prédites et accomplies? Car je ne parle pas des choses que ces hommes ne se croient nullement obligés d'admettre. Je ne veux pas ici rappeler que lui-même le Dieu d'Israël a créé, dans le principe, le ciel et la terre et tout ce qu'ils renferment (1). Je, passe également sur les faits les plus anciens, qui ont signalé sa grandeur et sa puissance divine, sur l'enlèvement d'Hénoch (2), l'extermination des impies par le déluge, la délivrance de Noë le,juste et de sa famille parle moyen d'une arche (3). C'est à partir d'Abraham que je prends l'histoire de ses rapports avec le monde. Abraham, en effet,. fut l'homme à qui l'oracle d'un ange révéla de sa part et en termes si formels, cette grande promesse que nous voyons maintenant accomplie: "Dans celui qui sortira de toi seront bénies toutes les nations (4)." D'Abraham est issu le peuple d'Israël, d'où nous voyons sortir la vierge Marie qui a mis au monde le Christ en qui l'audace la plus téméraire ne peut maintenant nier que toutes les nations soient bénies. La même promesse fut faite à Isaac fils d'Abraham (5); elle fut encore renouvelée au petit-fils du patriarche, à Jacob, qui dans la suite fut appelé Israël (6). Et c'est de lui que tout le peuple a pris son développement et qu'il attiré son nom. Voilà pourquoi le Dieu de ce peuple est connu sous le nom de

1 Gn 1 - 2 Gn 5,24. - 3 Gn 7 - 4 Gn 22,18. - 5 Gn 26,4. - 6 Gn 18,14.

Dieu d'Israël; non pas qu'il ne soit en même temps le Dieu de toutes les nations, et de celles qui l'ignorent et de celles qui croient en lui; mais parce qu'il a voulu faire paraître d'une manière plus éclatante, dans ce peuple, la vertu de ses promesses. Ce peuple, en effet, qui commença durant la servitude d'Egypte, à se multiplier, et que Moïse délivra par de nombreuses et grandes merveilles, se mit, après avoir triomphé de plusieurs peuples, en possession d'une terre promise, elle aussi, et y régna par ses princes issus de la tribu de Juda. Juda était l'un des douze fils d'Israël petit-fils d'Abraham: il donna son nom aux Juifs qui firent beaucoup de grandes choses avec l'aide à leur Dieu; souvent aussi ce même Dieu les châtia à cause de leurs péchés, jusqu'à ce que parut dans le monde, comme il avait été promis, ce fils d'Abraham, ce descendant d'Israël, en. qui devaient être bénies toutes les nations, et au nom de qui les nations devaient, de leurs propre mouvement, briser les idoles de leurs pères.


Augustin acc. évangélistes 114