Augustin acc. évangélistes 215

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CHAPITRE 15,JÉSUS-CHRIST CONNU OU INCONNU DE JEAN-BAPTISTE .

32. Ce que nous lisons dans l'Évangile selon saint Jn du Saint-Esprit descendu en forme de colombe, n'est pas un discours placé au temps où le fait s'est accompli; c'est une citation des paroles du précurseur rappelant lui-même ce qu'il a vu . Or, ce passage fait naître la question suivante: Comment Jean-Baptiste

1 Mt 3,16-17 Mc 1,10-11 Lc 3,29. - 2 Ps 2,7.

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a-t-il pu dire: "Pour moi, je ne le connaissais pas; mais celui qui m'a envoyé baptiser dans l'eau m'a dit: Celui sur qui tu verras l'Esprit descendre et demeurer, c'est lui qui baptise dans le Saint-Esprit" (1)? En effet, s'il l'a connu seulement quand il a vu la colombe descendre sur lui, comment, d'après saint Matthieu, lui disait-il, avant d'être témoin de ce prodige, et dès qu'il le vit venir au Jourdain pour se faire baptiser: "C'est moi plutôt qui dois être baptisé par vous (2)?" Il faut conclure qu'à la vérité Jean-Baptiste le connaissait avant la descente de la colombe, puisqu'il tressaillit même dans le sein maternel quand Marie fut venue visiter Elisabeth (3); mais que à son égard, il apprit par cet événement une chose dont il n'avait pas encore connaissance, c'est que Jésus seul baptiserait dans le Saint-Esprit en vertu d'une puissance personnelle et divine; tandis qu'aucun homme après avoir reçu de Dieu le pouvoir de baptiser ne pourrait dire eu baptisant qui que ce soit: c'est mon propre bien que je te communique, ni: Je donne moi-même le Saint-Esprit .


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CHAPITRE XVI . JÉSUS TENTÉ PAR LE DÉMON .

33 . Saint Matthieu ajoute: "Alors Jésus fut conduit par l'Esprit dans le désert, pour y être tenté par le démon . Ayant donc jeûné quarante jours et quarante nuits il eut faim; le tentateur s'approchant alors lui dit: Si vous êtes le Fils de Dieu, commandez que ces pierres deviennent des pains. Et Jésus lui répondit: Il est écrit: L'homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu;" et le reste, jusqu'à l'endroit où nous lisons: "Alors le diable le laissa, et aussitôt les anges s'approchèrent de lui et le servaient ." Saint Luc raconte également tout cela, mais dans un ordre différent; de sorce qu'on ne voit pas ce qui s'est fait en premier lieu, si d'abord ont été montrés au Sauveur les royaumes de la terre et qu'ensuite il ait été transporté sur le pinacle du temple, ou si ce dernier fait a précédé, et que l'autre ait suiv1,Mais peu importe dans quel ordre les choses soient racontées, pourvu qu'on fasse connaître qu'elles se sont toutes accomplies. Du reste, que

1 Jn 1,33. - 2 Mt 3,14. - 3 Lc 1,41.

saint Luc rende les mêmes pensées en d'autres termes, est-il besoin de rappeler toujours que cela ne nuit en rien à la vérité? Quant à saint Mc il atteste, lui aussi, que Jésus demeura au désert quarante jours et quarante nuits et y fut tenté par le démon; mais il ne dit rien des paroles du démon, ni des réponses de Jésus . Cependant il n'a pas gardé le silence sur un point négligé par saint Lc savoir que les anges vinrent servir le divin Maître (1). Quant, à saint Jn il a passé sous silence tout ce qui regarde cette tentation .


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CHAPITRE 17,VOCATION DES APOTRES.

34. Le récit de saint Matthieu continue en ces termes: "Or Jésus ayant appris que Jean-Baptiste avait été jeté en prison, se retira en Galilée." C'est ce que disent aussi saint Mc et saint Luc (2) excepté que saint Luc ne fait ici nulle mention de l'emprisonnement de Jean-Baptiste. D'après l'évangéliste saint Jn avant la retraite de Jésus en Galilée, Pierre et André demeurèrent un jour avec lui et alors fut donné ce nom de Pierre au premier, qui s'appelait auparavant Simon. Le même dit encore que le jour suivant, comme Jésus voulait sortir et se rendre en Galilée, il trouva Philippe et lui commanda de le suivre; il arrive de là à raconter aussi ce qui regarde Nathanaël; puis il dit que le troisième jour, étant en Galilée, Jésus fit à Cana le miracle du changement de l'eau en vin (3). Les autres évangélistes ont omis tous ces détails, quand après avoir rappelé la tentation du Sauveur ils ont parlé de son retour en Galilée. On doit donc comprendre qu'il y eut un intervalle de quelques jours durant lequel eut lieu ce que rapporte saint Jean au sujet des disciples. Mais ce qu'il dit de Pierre n'est pas en opposition avec le passage où plus loin saint Matthieu raconte que le Seigneur dit à l'Apôtre: "Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai man Eglise (4)." Car il faut croire que ce nom lui fut donné, non pas quand Jésus lui adressa les paroles que nous venons de citer, mais bien quand, d'après saint Jn il lui parla ainsi Tu t'appelleras Céphas, c'est-à-dire Pierre;" de sorte qu'en lui disant plus tard: "Tu es Pierre," il l'appelait par le nom que l'Apôtre portait déjà. En effet, s'il ne lui dit pas alors: Tu t'appelleras Pierre; mais: "Tu es Pierre," c'est

1 Mt 4,1-11 Mc 1,12-13 Lc 4,1-13. - 2 Mt 4,12 Mc 1,1-4 Lc 4,14. - 3 Jn 1,39 Jn 2,11. - 4 Mt 16,18.

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qu'il lui avait dit précédemment: "Tu t'appelleras."

35. Après cela nous lisons dans le récit de saint Matthieu: "Et Jésus, ayant quitté Nazareth, vint habiter Capharnaüm, ville maritime sur les frontières de Zabulon et de Nephtali," et le reste, jusqu'à la fin du sermon sur la montagne. Saint Mc lui fait écho dans l'ordre et la suite du récit pour la vocation de Pierre et d'André, puis, un peu après, de Jacques et de Jean. Mais tandis que saint Matthieu, aussitôt après avoir parlé de la multitude des malades guéris par Jésus et des foules nombreuses qui le suivaient, s'applique à reproduire le long discours du Sauveur sur la montagne, saint Mc interpose d'autres détails; à savoir, que Jésus enseignait dans la synagogue de Capharnaüm et qu'on était éperdument étonné de sa doctrine; puis il remarque, comme saint Matthieu le fait après le grand discours sur la montagne, que Jésus enseignait comme ayant puissance et non comme les scribes et les docteurs de la loI," Saint Mc raconte aussi l'histoire de cet homme qui fut délivré d'un esprit immonde, ensuite la guérison de la belle-mère de Pierre. Pour ces détails le récit de saint Luc s'accorde avec le sien (1). Saint Matthieu n'a rien dit du possédé: il n'a parlé que plus loin de la belle-mère de Pierre (2).

36. Mais dans la partie de son récit que nous considérons maintenant, le même saint Matthieu, après avoir décrit la vocation des disciples auxquels Jésus ordonna d'abandonner leurs barques de pêcheurs et de le suivre, rapporte que le Sauveur parcourut la Galilée, enseignant dans les synagogues, prêchant l'Evangile, guérissant toute sorte d'infirmités, et que se voyant entouré d'une grande multitude il gagna le haut d'une montagne où il fit son grand discours. Il donne ainsi lieu de comprendre que les choses rappelées par saint Mc après l'élection des disciples dont il s'agit, furent accomplies quand Jésus parcourait la Galilée et qu'il instruisait dans les synagogues; qu'alors aussi fut guérie la belle-mère de Pierre; mais qu'il n'a rapporté que plus loin ces événements, encore qu'il n'ait pas fait rentrer dans sa narration tout ce qu'il y avait omis précédemment.

37. Voici cependant une difficulté. D'après saint Jn ce fut sur les bords du Jourdain, non en Galilée, qu'André s'attacha au Seigneur avec un autre dont le nom n'est pas cité; que Jésus-Christ

1 Mt 4,13 Mt 7,29 Mc 2,16-31 Lc 4,31-39. - 2 Mt 8,11-15.

donna à Simon le nom de Pierre, et troisièmement qu'il appela Philippe à le suivre: tandis que d'après les trois autres Evangélistes, dont le récit se trouve ici complètement d'accord, d'après surtout saint Matthieu et saint Mc André, Simon et les fils de Zébédée étaient occupés à pêcher sur la mer de Galilée lors qu'ils furent appelés . Si en effet saint Matthieu et saint Mc rapportent qu'André était dans la même barque que Simon, saint Luc ne le nomme point, tout en donnant à entendre qu'il y était; si de plus eux-mêmes n'exposent qu'en peu de mots l'événement, lorsque saint Luc le présente avec plus de détails; car il rapporte l'histoire de la pèche miraculeuse et il nous montre le Seigneur adressant de la barque de Simon ses premières paroles à la multitude;il n'y a là aucune opposition. Une autre différence serait que d'après saint Lc le Seigneur dit, seulement à Simon Pierre: "Dès ce jour tu seras pêcheur d'hommes," et que suivant les récits de' saint Matthieu et de saint Mc il tient ce langage aux deux frères en même temPs Mais sans nul doute, il est possible que Jésus ait ainsi parlé d'abord à Pierre, surpris de la quantité de poissons qu'on venait de prendre; puis à tous deux. Alors les récits se concilient facilement.
Revenons donc et appliquons-nous à la difficulté offerte par le texte de saint Jean comparé à ceux de saint Matthieu, de saint Mc et de saint Luc. On peut la regarder en effet comme très-sérieuse; puisqu'il y a une différence notable pour le temps, le lieu et le fait même de la vocation. Si c'est près du Jourdain, et avant le départ de Jésus pour la Galilée que sur le témoignage de Jean-Baptiste les deux disciples, dont l'un était André, suivirent le Sauveur; si c'est alors, que conduit à Jésus par son frère André, Simon reçut le nom de Pierre: comment, d'après la leçon des autres Évangélistes, est-ce en Galilée que Jésus, les trouvant sur leurs barques de pêcheurs, les appela à devenir ses disciples (1)? Mais il suffit de supposer que quand ils virent le Seigneur près du Jourdain, ils ne s'attachèrent pas à lui inséparablement, mais seulement commencèrent à le connaître, et retournèrent ensuite à leurs foyers, pleins d'admiration polir sa personne.

38. Aussi bien le même saint Jean dit-il que les disciples de Jésus crurent en lui à Cana en Galilée, quand il changea l'eau en vin. Ce qu'il raconte en ces termes: "Or le troisième jour il

1 Mt 4,13-23 Mc 1,16-20 Lc 5,1-11 Jn 1,35-14.

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y eut des noces à Cana en Galilée, et la mère de Jésus y était. Jésus fut aussi convié aux noces avec ses disciples (1)." Si ce fut alors qu'ils crurent en lui, comme l'Évangéliste ledit un peu après, ils n'étaient pas encore ses disciples quand ils furent conviés aux noces. Mais l'écrivain sacré emploie ici une manière de parler que nous employons lorsque nous disons, par exemple, que l'Apôtre Paul reçut le jour à Tarse en de Cilicie (2), quoique Paul n'ait pas été Apôtre en naissant. Quand donc il dit que les disciples de Jésus furent conviés aux noces, nous devons par ce nom de disciples entendre, non pas ce que ces hommes étaient alors, mais ce qu'ils devaient être ensuite. Sans aucun doute ils étaient disciples de Jésus lorsque saint Jean raconta et écrivit cet événement; et c'est pour cette raison qu'en sa qualité d'historien du passé il leur donne ce titre.

39. "Après cela, continue saint Jean il descendit à Capharnaüm avec sa mère, ses frères et ses disciples: mais ils n'y demeurèrent pas longtemps (3)." On ne sait pas si alors Pierre, André et les fils de Zébédée lui étaient déjà attachés Car saint Matthieu rapporte d'abord que Jésus vint habiter à Capharnaüm et ensuite que les ayant trouvés sur leurs barques occupés à pêcher, il leur commanda de le suivre; tandis que, selon saint Jn les disciples vinrent avec lui à Capharnaüm. Serait-ce que saint Matthieu rappelle ici un fait que d'abord il avait omis? Aussi bien, ne dit-il pas: après cela, comme Jésus marchait sur le rivage de la mer de Galilée, il vit deux frères. Mais sans exprimer aucun rapport de temps: "Comme Jésus, dit-il, marchait sur le bord de la mer de Galilée, il vit deux frères, etc." Il est donc possible que saint Matthieu, relate en cet endroit non un fait postérieur à ceux dont le narré précède; mais un fait qu'il a omis auparavant de rapporter. Ainsi rien n'empêche de comprendre que les disciples soient venus à Capharnaüm avec le Sauveur, puisque, selon saint Jn il s'y rendit accompagné de sa mère et de ses disciples. Qu plutôt ne s'agit-il pas d'autres disciples? Car Philippe déjà le suivait, puisqu'il l'avait précédemment appelé en lui disant Suis-moi?" En effet les récits évangéliques ne nous montrent pas quel a été, pour tous les douze Apôtres, l'ordre de leur vocation; attendu qu'ils ne mentionnent même pas la vocation de

1 Jn 2,1-2. - 2 Ac 22,3. - 3 Jn 2,11-12.

tous, mais parlent seulement de celle de Philippe, de Pierre et d'André, des fils de Zébédée et de Matthieu le publicain, lequel se nommait aussi Lévi (1): Pierre cependant est le premier et le seul qui ait reçu en particulier de la bouche de Jésus-Christ un nom nouveau. Car ce ne fut pas chacun en particulier mais tous deux ensemble, que les fils de Zébédée reçurent le nom de Fils du tonnerre (2).

40. Du reste observons que l'Evangile et les livres Apostoliques nomment disciples de Jésus-Christ, non seulement les douze Apôtres, mais tous ceux qui, croyant au divin maître, étaient par ses leçons formés au royaume des cieux. C'est parmi eux qu'il en choisit douze auxquels il donna le nom d'Apôtres. Saint Lc de qui nous apprenons ce fait, dit un peu plus bas: "Il descendit ensuite avec eux et s'arrêta dans la plaine, où il se vit entouré de la foule de ses disciples et d'une grande multitude de peuple (3)." Assurément l'Évangéliste n'appellerait pas la réunion de douze hommes,une foule de disciples. Plusieurs autres passages des Écritures nous montrent avec non moins d'évidence que le nom de disciples de Jésus appartenait à tous ceux qui apprenaient de lui, discerent, ce qui regarde la vie éternelle.

41. Mais on peut demander comment, d'après les récits de saint Matthieu et de saint Mc Jésus appela de leurs barques de pêcheurs, d'abord Pierre et André, puis s'étant avancé un peu plus loin, les deux fils de Zébédée; quand, suivant saint Lc chacune des barques se trouvant remplie des poissons de la pêche miraculeuse, Pierre fit signe aux fils de Zébédée, Jacques et Jn ses compagnons, de venir l'aider à retirer les filets: et que tous ensemble ils témoignèrent leur étonnement d'une si grande quantité de poissons, et que tous en même temps quittant leurs barques ramenées à bord, suivirent le Seigneur, bien qu'à Pierre seul il eût dit: "A dater de ce jour tu seras un pêcheur d'hommes." Il faut donc admettre que le fait rapporté par saint Luc fut antérieur à la vocation formelle des quatre disciples; que le Seigneur ne les appela point dans cette circonstance à le suivre, mais prédit seulement à Pierre que dorénavant il prendrait des hommes. Ce qui ne voulait pas dire qu'il ne prendrait jamais plus de poissons; car nous lisons que même après la résurrection

1 Mt 4,18-22 Mt 9,9 Mc 1,16-20 Mc 2,14 Lc 5,1-11 Jn 1,35-44. - 2 Mc 3,17. - 3 Lc 6,13-17.

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du Sauveur, les Apôtres se livraient encore à la pêche (1). Si donc Jésus-Christ annonça à Pierre que désormais il prendrait des hommes, ce ne fut pas pour lui dire qu'il ne prendrait plus de poissons. Ainsi l'on peut comprendre que les disciples revinrent pêcher selon leur coutume sur la merde Galilée, et qu'ensuite eut lieu ce que rapportent saint Matthieu et saint Marc; c'est-à-dire que le Seigneur les appela deux à deux, d'abord Pierre et André, puis les fils de Zébédée. Aussi bien cette fois ils n'amenèrent pas leurs barques à terre comme ayant l'intention de revenir un autre jour à la pêche, mais ils suivirent Jésus-Christ comme un maître qui les appelait et leur intimait l'ordre de s'attacher à luI,

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CHAPITRE 18,DU TEMPS OU JÉSUS-CHRIST SE RENDIT EN GALILÉE.


42. Une autre question se présente. L'Evangéliste saint Jean fait venir Jésus en Galilée avant l'emprisonnement de Jean-Baptiste. Car après avoir rapporté que le Sauveur changea l'eau en vin à Cana de Galilée, puis descendit pour quelques jours à Capharnaüm.avec sa mère et ses disciples, il nous le montre allant à Jérusalem pour la fête de Pâque, venant ensuite avec ses disciples habiter et baptiser dans la terre de Judée. C'est alors qu'il dit en continuant- son récit: "Or Jean baptisait lui-même à Ennon près de Salim, parce qu'il y avait là beaucoup d'eau: plusieurs y venaient, et y étaient baptisés; car Jean n'avait pas encore été mis en prison (2)." Cependant nous lisons dans saint Matthieu: "Ayant appris que Jean avait été arrêté, Jésus se retira en Galilée (3)." C'est ce que nous lisons pareillement dans saint Marc
Après que Jean eut été mis en prison, dit-il, Jésus vint en Galilée (4)." Saint Luc de son côté, sans faire aucune mention de l'emprisonnement de Jean-Baptiste, nous dit comme eux, après avoir raconté le baptême et la tentation de Jésus-Christ, que le Sauveur se retira en Galilée. Car voici la suite de sa narration: "Le diable ayant fini de le tenter, s'éloigna de lui pour un temps; et Jésus, par la vertu de l'Esprit, retourna en Galilée; et sa réputation se répandit dans tout le pays (5)." On doit conclure de là non pas que les trois évangélistes contredisent

1 Jn 21,3. - 2 Jn 2,13 Jn 3,22-24. - 3 Mt 4,12. - 4 Mc 1,14. - 5 Lc 4,13-14.

le récit de saint Jn mais d'abord qu'ils ont omis de rappeler.une première apparition du Seigneur en Galilée après son baptême, alors que le précurseur n'avait pas encore été mis en prison; et secondement que sans rien dire de cette première démarche signalée parle miracle de Cana, ils en ont tout de suite rapporté une autre qui suivit l'emprisonnement de Jean-Baptiste. Saint Jean parle lui-même de cette seconde retraite de Jésus en Galilée après son baptême. "Jésus donc, dit-il, ayant su que les Pharisiens avaient appris qu'il faisait plus de disciples et baptisait plus de personnes que Jn "bien que Jésus ne baptisât pas, mais ses disciples, quitta la Judée et s'en alla de nouveau en Galilée (1)." Il nous laisse entendre ici que dès lors Jean-Baptiste était en prison, mais que les Juifs avaient appris que Jésus faisait plus de disciples que n'en avait faits Jn et baptisait plus de personnes que celui-ci n'en avait baptisées.

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CHAPITRE 19,SERMON SUR LA MONTAGNE.


43. Voyons maintenant si l'Evangéliste saint Matthieu ne semble en rien contredit par les autres, au sujet du long discours que, d'après lui, le Seigneur prononça sur la montagne. Saint Mc n en dit rie n; il n'a même rien rapporté de semblable, si ce n'est quelques maximes éparses dans son récit, et que le Seigneur aura répétées en d'autres lieux. Il nous permet cependant de voir dans le texte de sa narration la place de ce discours et nous laisse conclure que Jésus-Christ l'a prononcé, mais que lui-même a omis de le reproduire. "Jésus, dit-il, prêchait dans leurs synagogues et par toute la Galilée, et il chassait les démons." Dans cette prédication de Jésus par toute la Galilée, se trouve compris aussi le discours qu'il fit sur la montagne, et que rapporte saint Matthieu. Carie même saint Mc continue ainsi: "Or, un lépreux vint à lui; le suppliant et se jetant à genoux il lui dit: Si vous voulez, vous pouvez me guérit (2); et il expose de telle sorte ce qu'il dit ensuite de la guérison de ce lépreux qu'on doit le reconnaître pour le même que saint Matthieu dit avoir été guéri, quand, après le discours dont nous parlons, le Seigneur fut descendu de la montagne. Voici en effet le texte de saint

1 Jn 4,1-3. - 2 Mc 1,39-40

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Matthieu: "Jésus étant descendu de la montagne une grande multitude de peuple le suivit.Et voilà qu'un lépreux, venant à lui, l'adorait en disant: Seigneur, si vous voulez,vous pouvez me guérir," et le reste (1).

44. Saint Luc a parlé aussi de ce lépreux (2), non pas au même endroit, mais suivant l'usage des évangélistes d'exposer certains faits après les avoir d'abord omis, ou d'anticiper le récit de faits postérieurs, selon le mouvement de l'inspiration divine qui les portait à n'écrire qu'ensuite en se le rappelant à la mémoire, ce qui pourtant leur était bien connu: néanmoins le même saint Luc rapporte aussi du divin maître un long discours qui débute comme celui que nous donne saint Matthieu. Car dans ce dernier nous lisons: "Bienheureux les pauvres en esprit, parce que le royaume des cieux est à eux:" et dans l'autre: "Vous êtes bienheureux, pauvres, parce que le royaume des cieux est à vous." Le texte de saint Luc présente ensuite beaucoup d'autres ressemblances, et à la fin du discours la conclusion est toute pareille; c'est de part et d'autre la comparaison prise de l'homme sage qui bâtit sur la pierre ferme, et de l'insensé qui bâtit sur le sable. Toute la différence est que dans saint Lc il n'est parlé que du fleuve qui vient se précipiter contre la maison, tandis que le récit de saint Matthieu y joint les vents et la pluie. On pourrait donc très-facilement admettre qu'il s'agit d'un seul et même discours dans les deux évangélistes; que saint Luc a laissé de côté certaines pensées rendues par saint Matthieu; qu'il en a reproduit d'autres, omises par lui, et qu'il en a aussi présenté plusieurs dont il exprime semblablement tout le sens et toute la vérité, quelle que soit la différence des termes.

45. On pourrait, dis-je, admettre cela très-facilement, si ce n'était que, d'après saint Matthieu, le Seigneur parle assis sur une montagne, et que d'après saint Luc c'est debout et dans une plaine. Cette diversité porte donc à penser que,le discours rapporté par l'un, n'est pas le discours rapporté par l'autre. Et pourquoi aussi bien Jésus-Christ n'aurait-il pas répété ailleurs ce qu'il avait déjà dit, ou fait de nouveau certaines choses qu'il avait déjà faites auparavant? Du reste, entre ces deux discours dont l'un est reproduit par saint Matthieu et l'autre par saint Lc il n'a pas dû s'écouler beaucoup de temps;

1 Mt 8 Mt 1,2. - 2 Lc 5,12-13.

car avant et après les deux évangélistes rapportent des choses semblables ou parfaitement identiques; et l'on peut avec raison penser que leurs récits regardent les mêmes jours et les mêmes lieux. Voici, en effet, ce que nous lisons dans saint Matthieu: "Et une grande multitude de peuple le suivit de la Galilée, de la Décapote, de Jérusalem, de la Judée, et d'au-delà du Jourdain. Or, voyant cette foule, Jésus gagna le haut d'une montagne; et lorsqu'il s'y fut assis, ses disciples s'approchèrent de lui; et ouvrant la bouche, il les instruisait en disant. Bienheureux les pauvres en esprit, parce que le royaume des cieux est à eux," et le reste (1). On peut croire ici que Jésus voulut échapper à la presse de la multitude; et qu'alors il gagna le haut de la montagne, pour s'éloigner de la foule afin de parler à ses seuls disciples. C'est ce que semble aussi confirmer la narration de saint Luc. "En ce temps là, dit-il, Jésus alla sur une montagne, pour y prier, et il y passa toute la nuit en prière. Quand le jour fut venu, il appela ses disciples et choisit douze d'entre eux qu'il nomma Apôtres, savoir: Simon auquel il donna le nom de Pierre, André, son frère, Jacques et Jn Philippe et Barthélemy, Matthieu et Thomas, Jacques fils d'Alphée et Simon appelé le zélé, Jude frère de Jacques et Judas Iscarioth, qui fut le traître. Il descendit ensuite avec eux et s'arrêta dans une plaine où il se vit environné de la troupe de ses disciples et d'une grande multitude de peuple, accouru de toute la Judée, de Jérusalem, du pays maritime, de Tyr et de Sidon, pour l'entendre et pour être guéris de leurs maladies. Ceux d'entre eux qui étaient possédés d'esprits impurs étaient aussi guérIs Or tout le peuple tâchait de le toucher, parce qu'il sortait de lui une vertu qui les guérissait tous. Alors levant les yeux sur ses disciples, Jésus dit: Vous êtes bienheureux, pauvres, parce que le royaume des cieux est à vous (2)." On peut donc croire que quand Jésus, sur la montagne, eut choisi parmi tous ses disciples, les douze Apôtres, détail omis par saint Matthieu, il y prononça le discours que cet évangéliste a reproduit et dont saint Luc ne parle pas; qu'ensuite, étant descendu dans la plaine, il fit un autre discours semblable, dont saint Matthieu ne dit rien, mais dont parle saint Luc: et qu'il les termina tous deux de la même manière.

1 Mt 4,26 Mt 7,29. - 2 Lc 6,12-49.

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46. Nous lisons dans le texte de saint Matthieu immédiatement après le discours du Seigneur: "Jésus ayant achevé de parler, la foule était dans l'admiration de sa doctrine;" ceci peut-être rapporté à la foule des disciples parmi lesquels avaient été choisis les douze Apôtres. Le même Evangéliste dit un peu plus loin: "Lorsqu'il fut descendu de la montagne, une grande multitude de peuple le suivit; et voilà qu'un lépreux venant à lui l'adorait." Nous pouvons entendre cela comme ayant eu lieu non-seulement après le discours que lui-même rapporte, mais après l'autre que reproduit le texte de saint Luc. Car on ne voit rien qui fasse connaître quel espace de temps s'écoula entre la descente de la montagne et le fait relatif au lépreux; et sans rien insinuer à cet égard, saint Matthieu a voulu marquer seulement, qu'après être descendu de la montagne le Seigneur était accompagné d'une grande foule de peuple lorsqu'il guérit le lépreux. Ceci est d'autant mieux fondé que, suivant saint Lc Jésus était déjà dans la ville quand il opéra cette guérison; circonstance que saint Matthieu ne relève pas.

47. Cependant on pourrait admettre encore que d'abord le Seigneur était seul avec ses disciples sur la partie la plus élevée de la montagne, quand parmi eux il choisit les douze Apôtres; qu'ensuite il descendit, non jusqu'au bas, mais dans un lieu qui est spacieux, c'est-à-dire une espèce de plaine qui se trouvait au flanc de cette montagne et qui pouvait contenir une foule nombreuse; qu'il s'arrêta là, y resta debout attendant que la multitude fût rassemblée autour de lui; qu'enfin s'étant assis et les disciples s'étant approchés, il leur fit à eux et à toute la foule un seul et même discours: discours que saint Matthieu et saint Luc auront rapporté, non de la même manière, mais sans varier pour le fond des choses et des pensées reproduites par tous deux. Car déjà nous avons averti et, en dehors même de tout avertissement, chacun doit voir, qu'il n'y a pas d'opposition entre deux évangélistes dont l'un omet de dire ce que dit l'autre; qu'il n'y en a pas davantage si les expressions sont différentes, du moment que les mêmes choses et les mêmes pensées s'y retrouvent. De sorte donc que quand saint Matthieu dit: "Jésus étant descendu de la montagne;" il est permis d'entendre qu'il s'agit en même temps de la plaine, qui a pu s'étendre sur le flanc de cette montagne. Vient encore l'histoire du lépreux guéri, que rapportent également saint Matthieu, saint Mc et saint Luc.

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CHAPITRE 20,LE SERVITEUR DU CENTURION.


48. Saint Matthieu poursuit ainsi: "Lorsqu'il fut entré dans la ville de Capharnaüm, un centurion s'approcha de lui et lui fit cette prière: Seigneur, mon serviteur gît paralytique dans ma maison et il souffre extrêmement;" et le reste jusqu'à l'endroit où nous lisons: "Et à l'heure même son serviteur fut guéri (1)." Saint Luc de son côté rapporte cet événement, relatif au serviteur du centurion, non, comme saint Matthieu, après avoir parlé de la guérison du lépreux dont il fait plus tard le récit, mais immédiatement après l'exposition du long discours sur la montagne. "Jésus, dit-il, ayant achevé de faire entendre toutes ces paroles aux oreilles du peuple, entra dans Capharnaüm. Or, il. y avait là un Centurion dont le serviteur qui lui était cher était fort malade et près de mourir," et le reste, jusqu'à l'endroit où nous voyons ce serviteur guéri (2). Entendons ici qu'à la vérité Jésus entra dans la ville de Capharnaiim après avoir achevé d'adresser au peuple toutes ses paroles, c'est-à-dire qu'il n'y entra pas avant d'avoir fini de parler; mais que l'Evangéliste ne marque point l'intervalle de temps compris entre le discours du Seigneur et son entrée à Capharnaüm. Dans cet intervalle fut guéri le lépreux dont saint Matthieu fait l'histoire en son lieu, et que saint Luc rappelle plus tard.

49. Voyons actuellement si les deux évangélistes sont d'accord entre eux au sujet de ce serviteur du Centurion. Voici comme parle saint Matthieu: "Un centurion s'approcha de lui, le priant et disant: Mon serviteur gît paralytique dans ma maison." Or saint Luc paraît le contredire: "Ce centurion, dit-il, ayant entendu parler de Jésus, lui envoya des anciens d'entre les Juifs pour le prier de venir guérir son serviteur. Etant donc venus trouver Jésus, "ces anciens le suppliaient instamment et lui disaient: Il mérite que vous fassiez cela pour lui. Il aime en effet notre nation, et il nous a même bâti une synagogue. Jésus s'en alla donc avec eux, et comme il n'était plus loin de la maison, le Centurion envoya de ses

1 Mt 8,6-13. - 2 Lc 7,1-10.

amis pour lui dire de sa part: Seigneur, ne vous donnez point tant de peine, car je ne suis pas digne que vous entriez chez mo1,C'est pourquoi je ne me suis pas jugé digne d'aller vous trouver; mais dites seulement une parole et mon serviteur sera guérI," Si la chose a eu lieu de cette sorte, où est la vérité dans ces mots de saint Matthieu: "Un centurion s'approcha de lui," puisqu'il ne vint pas lui-même le trouver, mais lui envoya ses amis? Ne faut-il pas qu'une observation attentive nous fasse comprendre que saint Matthieu a employé ici une figure de langage assez habituelle? Car, non-seulement nous disons de quelqu'un qu'il s'approche, avant même qu'il arrive près de l'objet dont, il est dit s'approcher; et de là les expressions: il s'approche peu, ou, il s'approche beaucoup du but qu'il veut atteindre: mais de plus, nous disons ordinairement qu'on est parvenu près de quelqu'un, (et l'on ne s'approche que pour parvenir,) bien qu'on ne le voie pas soi-même, quand on arrive, par l'intermédiaire d'un ami, près de quelqu'un dont on recherche la faveur. Cette forme de langage a tellement prévalu, que l'on dit vulgairement d'un homme, qu'il est parvenu jusqu'à certains personnages puissants, quand avec les manoeuvres de l'ambition et au moyen de ceux qui les entourent, il a pu agir sur leur esprit, dont l'accès lui était en quelque sorte fermé. Si donc nous disons communément qu'on parvient soi-même, quand on parvient par autrui; à combien plus forte raison peut-on s'approcher par d'autres, puisque d'ordinaire on n'avance pas autant en s'approchant qu'en parvenant; car il est possible qu'on s'approche beaucoup, sans toutefois parvenir. Le centurion s'étant donc approché du Seigneur, par l'intermédiaire des anciens, saint Matthieu a pu dire pour abréger: "Un centurion s'approcha de luI," C'est une façon de parler que tout le monde est capable d'entendre.

50. Il ne faut pas du reste négliger de considérer la vérité profonde que révèle dans le sens mystique le langage du saint Évangéliste et qu'expriment ces paroles d'un Psaume: "Approchez-vous de lui, et vous serez éclairés (1)." Aussi bien, la foi du centurion ayant été l'objet de ce magnifique éloge du Sauveur: "Je n'ai point trouvé une si grande foi dans Israël;" l'Évangéliste a voulu dire qu'à raison de cette vertu qui nous approche

1 Ps 33,6.

véritablement de Jésus, le centurion s'était plutôt lui-même approché de lui que ceux qu'il avait chargés de lui présenter sa requête. Quant à saint Lc s'il a expliqué comment tout s'est passé, c'est pour nous faire comprendre dans quel sens saint Matthieu, également infaillible, a dit que le centurion s'était approché de Jésus. C'est ainsi qu'en touchant seulement la frange du vêtement du Sauveur, l'hémorroïsse le toucha mieux que la foule dont il était pressé (1). De même donc qu'elle toucha d'autant plus le Seigneur qu'elle avait plus de foi en lui, ainsi le centurion s'approcha d'autant plus de Lui que sa foi fut plus vive. A quoi bon maintenant discuter les particularités que l'un des évangélistes relève et que l'autre néglige dans ce passage, puisque selon la règle établie précédemment, on n'y trouve aucune opposition entre les deux récits?

221

CHAPITRE 21,GUÉRISON DE LA BELLE-MÈRE DE PIERRE.

51. Saint Matthieu continue ainsi: "Jésus étant venu dans la maison de Pierre, vit sa belle-mère gisante et travaillée de ta fièvre; il lui toucha la main et la fièvre la quitta; puis se levant elle se mit à les servir (2)." Saint Mathieu n'indique pas en quel temps, c'est-à-dire, après quoi ni avant quoi ce fait eut lieu. Carde ce qu'une chose soit racontée à la suite d'une autre, on n'est pas obligé de conclure qu'elle s'est accomplie immédiatement après. On voit bien cependant qu'ici l'Évangéliste rappelle une oeuvre qu'il a omis de mentionner plus haut. Car saint Mc raconte le même fait (3), avant de rapporter la guérison du lépreux, qui dans son Evangile semble venir après le discours du Seigneur sur la montagne, quoiqu'il n'ait point parlé de ce discours. Aussi saint Luc parle de la belle-mère de Pierre, après avoir rapporté le même fait que saint Mc (4), et avant d'arriver à ce long discours qu'il a reproduit, et dans lequel il est permis de. voir celui qui, selon saint Matthieu, fut prononcé sur la montagne. Mais qu'importe à un fait d'être relaté soit à sa place naturelle, soit avant soit après qu'il a été accompli, pourvu que l'historien ne soit en contradiction ni avec lui-même ni avec un autre, qu'il s'agisse du même fait ou de faits différents? Il n'est au pouvoir de personne de

1 Lc 8,42-48. - 2 Mt 8,14-15. - 3 Mc 1,29-31. - 4 Lc 5,38-39.

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fixer toujours l'ordre de ses souvenirs à l'égard même de ce qu'il tonnait le mieux; car une chose ne revient pas plus tôt ou plus tarda l'esprit selon la volonté de l'homme, mais suivant l'inspiration qu'il reçoit. Il est donc assez probable que chacun des évangélistes a cru devoir écrire les faits à mesure qu'il plaisait à Dieu de les lui remettre en mémoire; ce qu'il faut entendre uniquement des faits dont l'ordre, quel qu'il soit, ne nuit en rien à l'autorité ni à la vérité de l'Évangile.

52. Pourquoi l'Esprit-Saint, qui distribue à chacun ses dons comme il veut (1), qui par conséquent et sans aucun doute, gouverne et dirige aussi l'intelligence et les souvenirs des auteurs sacrés dans la rédaction de Livres destinés à jouir d'une si haute autorité, a-t-il permis que l'un ordonnât son récit . de telle manière et l'autre de telle autre? Quiconque en recherchera la raison avec attention et piété, pourra la trouver moyennant l'aide de, Dieu. Cette question cependant est étrangère au plan. d'un ouvrage où nous nous proposons seulement de montrer que chaque évangéliste n'est en contradiction ni avec lui-même ni avec les autres, quel que soit l'ordre que chacun ait pu ou voulu suivre en rapportant les mêmes actes et les mêmes paroles, ou des paroles et des actes différents. Ainsi donc, quand la suite des temps n'est point marquée, nous ne devons pas nous préoccuper de l'ordre suivant lequel un évangéliste a disposé son récit: dans le cas contraire, si quelque chose parait le mettre en opposition avec lui-même ou avec un autre, alors il faut examiner et résoudre la difficulté.


Augustin acc. évangélistes 215