Augustin acc. évangélistes 229

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CHAPITRE 29,DES DEUX AVEUGLES ET DU DÉMON MUET DONT PARLE SEUL SAINT MATTHIEU.

69. Saint Matthieu continue ainsi: "Comme Jésus sortait de là, deux aveugles le suivirent et ils criaient: Fils de David, ayez pitié de nous;" et le reste, jusqu'à l'endroit où nous lisons ces mots: "Mais les Pharisiens disaient: "Il chasse les démons par la vertu du prince des démons (4)." Saint Matthieu est le seul qui ait parlé de ces deux aveugles et du démon muet. Car les deux aveugles dont il est question dans saint Mc et dans saint Luc (5), ne sont pas les mêmes que ceux-c1,Il s'agit néanmoins d'un fait qui s'est accompli dans des conditions toutes semblables: et si saint Matthieu ne l'avait également relevé (6), on pourrait croire que saint Marc

1 Gn 2,22. - 2 Nb 31,18. - 3 Ga 4,4. - 4 Mt 9,27-34. - 5 Mc 10,46-62 Lc 18,35-43. - 6 Mt 20,29-34.

et saint Luc ont voulu raconter ce que lui-même expose ic1,Remarquons bien et n'oublions pas qu'il y a dans l'histoire évangélique certains faits qui se ressemblent. Nous en avons la preuve quand nous les trouvons relatés par le même Evangéliste. Et si telle ou telle circonstance met de l'opposition entre deux écrivains sacrés pour un fait qui parait le même, sans qu'on puisse les concilier sur ce point, nous devons penser qu'il ne s'agit pas du même fait, mais d'un autre qui est semblable ou qui s'est accompli semblablement.


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CHAPITRE 30,MISSION CONFIÉE AUX DISCIPLES.


70. On ne voit point si maintenant l'Evangéliste continue à suivre l'ordre des événements. Car après avoir parlé des deux aveugles et du démon muet, il reprend ainsi: "Or Jésus parcourait toutes les villes et les bourgades, enseignant dans leurs synagogues, prêchant le royaume de l'Evangile et guérissant toutes sortes de maladies et d'infirmités. Voyant ces troupes de peuples il eu eut compassion, parce qu'ils étaient accablés et abattus comme des brebis qui n'ont point, de pasteur. Alors il dit à ses disciples: La moisson est abondante, mais il y a peu d'ouvriers. Priez donc le maître de la moisson d'envoyer des ouvriers. Puis ayant appelé ses douze disciples, il leur donna puissance sur les esprits impurs," et le reste, jusqu'à ces mots: "Je vous le dis en vérité, il ne sera point privé de sa récompense (1)." Dans tout ce passage on trouve un grand nombre de recommandations adressées aux disciples: mais je le répète, on ne voit pas si l'évangéliste suit dans sa narration l'ordre des événements ou l'ordre de ses souvenirs. Saint Mc parait avoir résumé en peu de mots ce passage; et voici comme il aborde ce sujet: "Jésus cependant allait enseigner partout dans les bourgades des environs. Or, ayant appelé les douze, il commença à les envoyer deux à deux et leur donna puissance sur les esprits impurs;" et le reste, jusqu'aux paroles: "Secouez la poussière de vos pieds, afin que ce soit un témoignage contre eux (2)." Mais avant de faire ce récit, et après avoir rapporté la résurrection de la fille de Jaïre, saint Mc nous montre Jésus venant en son pays,

1 Mt 9,35 Mt 10,42. - 2 Mc 6,6-11.

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où on se demandait avec étonnement d'où pouvait lui venir une si grande sagesse, une puissance si merveilleuse. Saint Matthieu ne parle de ce fait qu'à la suite des avis donnés aux disciples et après plusieurs autres choses (1). Est-ce donc saint Matthieu qui rappelle un détail oublié précédemment? Est-ce saint Mc qui expose par avance ce que lui offre son souvenir? A cet égard nous restons dans l'incertitude. Immédiatement après avoir décrit la résurrection de la fille de Jaïre, saint Luc parle, aussi brièvement que saint Mc du pouvoir conféré aux disciples et des recommandations qui leur furent adressées (2); mais sans indiquer non plus l'intention de raconter les choses suivant l'ordre dans lequel elles sont arrivées. Pour les nones que le même évangéliste donne aux douze Apôtres, en parlant plus haut de leur élection sur la montagne; il n'y a de la différence entre lui et saint Matthieu, que dans le nom de Jade, fils de Jacques (3), que saint Matthieu appelle Thaddée, et, selon quelques exemplaires, Lebbée. Mais qui peut jamais empêcher qu'un même personnage porte deux ou trois noms?

71. Il est ordinaire aussi de demander comment d'après saint Matthieu et saint Luc Jésus dit aux disciples de ne point porter de bâton, quand d'après saint Mc "il leur commanda de ne porter en chemin qu'un bâton," et que la suite du récit où il est dit encore: "Ni sac, ni pain, ni argent dans leur bourse," accuse évidemment un discours qui roule sur le même objet et se rapporte aux mêmes circonstances que ceux des autres évangélistes, d'après lesquels les disciples ne devaient point porter de bâton. Il faut . comprendre, pour résoudre la difficulté, que ce terme n'a pas dans saint Mc la même signification que dans saint Matthieu et dans saint Luc; et que le bâton dont l'usage est interdit suivant les uns, n'est pas celui dont l'usage est permis suivant l'autre. Ainsi l'idée de tentation se prend, de deux manières bien différentes dans ces deux passages: "Dieu ne tente personne (4)," et: "Le Seigneur votre Dieu vous tente, afin qu'il paraisse si vous l'aimez (5)." Dans le premier c'est le sens de séduction; dans l'autre le selfs d'épreuve. Ainsi encore quand il est dit: "Ceux qui auront fait le bien ressusciteront pour la vie éternelle, et ceux qui auront fait le mal ressusciteront pour le jugement (6);" ce jugement

1 Mt 13,64. - 2 Lc 9,1-6. - 3 Lc 6,14-16. - 4 Jc 1,13. - 5 Dt 13,3. - 6 Jn 5,29.

n'est pas celui dont parle en ces termes le Psalmiste: "Jugez-moi, Seigneur, discernez-moi de la nation qui n'est pas sainte (1)." Là c'est un jugement qui condamne, ici un jugement qui distingue des condamnés.

72. Il est encore beaucoup d'autres mots qui n'ont pas une signification unique, mais dont le sens varie selon la place qu'ils occupent dans le discours, et qui sont quelquefois accompagnés de leur explication. Ainsi dans.ce passage: "Ne soyez pas enfants pour la sagesse, mais soyez enfants pour la malice, afin que vous soyez sages comme des hommes parfaits (2); A l'Apôtre, en voilant sa pensée, pouvait dire plus brièvement: Ne soyez pas enfants, mais soyez enfants. Ainsi encore dans cet autre verset (3): "Si quelqu'un d'entre vous pense être sage selon le monde, qu'il devienne fou pour devenir sage;" n'est-ce pas dire: Qu' il ne soit pas sage afin d'être sage? Quelquefois cependant, pour exercer l'intelligence, ces mots ne sont point expliqués, comme dans cet endroit de l'Epître aux Galates: "Portez les fardeaux les uns des autres et vous accomplirez ainsi la loi du Christ. Car si quelqu'un s'estime être quelque chose, il se trompe lui-même, parce qu'il n'est rien. Mais que chacun examine ses actions et alors il trouvera sa gloire seulement en lui-même et non dans les autres: car chacun portera son propre fardeau (4)." A moins de voir plusieurs significations dans le mot fardeau, a on croira sans doute que l'Apôtre se contredit, et cela dans l'exposition de la même pensée, à quelques lignes d'intervalle; puisque après ces paroles: "Portez les fardeaux les uns des autres," il ajoute un peu plus loin: "Chacun portera son propre fardeau." Mais le fardeau de l'infirmité à laquelle il faut compatir, n'est pas le fardeau du compte que nous devons rendre à Dieu de nos actions. Le premier se. communique et la charité nous fait un devoir de le porter avec nos frères; on porte l'autre chacun pour soi-même. C'est ainsi encore que nous entendons au figuré cette verge dont parle l'Apôtre quand il dit: "Viendrai-je à vous la verge à la main (5)?" et à la lettre celle que l'on emploie pour conduire un cheval, ou pour quelque autre usage: je m'abstiens de relever ici toutes les significations métaphoriques du mot.

73. Il faut donc penser que le Seigneur Jésus

1 Ps 42,1. - 2 1Co 14,20. - 3 1Co 3,18. - 4 Ga 6,2-5. - 5 1Co 4,21 .

recommanda également aux Apôtres et de ne point porter de bâton et de ne porter autre chose que le bâton. Aussi bien, après leur avoir dit, suivant saint Matthieu: "Ne possédez ni or, ni arc gent, ni monnaie quelconque dans votre bourse; n'ayez pour le voyage ni sac, ni deux habits, "ni souliers, ni bâton;" il ajouta aussitôt: "Celui, en effet, qui travaille mérice qu'on le nourrisse." D'où l'on voit suffisamment la raison pour laquelle il disait aux Apôtres de ne rien posséder et de ne rien porter avec eux. Il ne prétendait pas que l'usage des choses du monde ne fût point nécessaire à la vie, mais il les envoyait de manière à leur faire. Connaître que de la part des croyants évangélisés par eux toutes ces choses leurs seraient dues; qu'ils y auraient droit comme le guerrier à sa solde, comme le vigneron au fruit de la vigne qu'il a plantée, comme le berger au lait du troupeau. C'est pourquoi a dit: saint Paul. "Qui fait la guerre à ses dépens? Qui plante une vigne et ne mange pas de son fruit? Qui paît un troupeau sans en recueillir le lait (1)?" L'Apôtre parle ici des choses nécessaires aux prédicateurs de l'Evangile; aussi dit-il un peu plus loin: "Si nous avons semé en vous des biens spirituels, est-ce une grande chose que nous moissonnions de vos biens temporels? Si d'autres usent de ce pouvoir à votre égard, pourquoi pas plutôt nous-mêmes? Mais nous n'en avons point usé." Ces dernières paroles montrent que Jésus-Christ n'a pas voulu faire, aux prédicateurs de l'Evangile, une obligation de vivre uniquement sur les offrandes des fidèles instruits par eux de la sainte doctrine; autrement l'Apôtre, vivant du travail de ses mains pour n'être à charge à personne, aurait agi contre ce précepte (2); mais qu'il a entendu leur donner un droit qui implique un devoir pour autrui. Or, quand le Seigneur commande une chose, il y a péché de désobéissance à ne pas la faire; mais quand il accorde un droit, on est libre de l'exercer ou d'y renoncer. Jésus-Christ donc en adressant aux disciples les paroles qui nous occupent, faisait ce que nous explique mieux le même Apôtre quand il dit un peu plus loin: "Ne savez-vous pas que les ministres du temple mangent de ce qui est dans le temple, et que ceux qui servent à l'autel ont part aux oblations de l'autel? AinsI,le Seigneur a établi que les prédicateurs de l'Evangile vivraient de l'Evangile. Pour moi cependant je n'ai usé d'aucun

1Co 9,7. - 2 1Th 2,9

de ces droits (1)." En disant que le Seigneur l'a ainsi établi, mais que lui-même n'en a point profité, il montre qu'il s'agit d'un simple droit pour les ministres de l'Evangile, et non pas d'une obligation.

74. En établissant donc, comme le dit l'Apôtre, que les prédicateurs de l'Evangile devraient vivre de l'Evangile, Jésus-Christ voulait faire comprendre aux douze disciples qu'il leur fallait bannir toute inquiétude, et ne posséder ni ne porter absolument rien des choses de la vie. C'est pour cela qu'il dit: "pas même un bâton," mettant ainsi en relief ce principe que les fidèles doivent tout procurer à leurs ministres, qui du reste ne demandent rien de superflu. Et en ajoutant: "L'ouvrier en effet mérice qu'on le nourrisse," il déclarait parfaitement pourquoi et dans quel but il tenait ce langage.
D'un autre côté c'est ce droit qu'il désigne sous le nom de verge lorsqu'il dit de ne rien porter en chemin que le bâton seulement;" on pourrait exprimer ainsi brièvement sa pensée: Ne portez rien avec vous des choses nécessaires, pas même de bâton, ou: le bâton seulement. Pas même de bâton, c'est-à-dire: pas même les moindres choses, ou: seulement le bâton, c'est-à-dire le pouvoir que je vous donne et en vertu duquel ce que vous ne porterez pas ne vous fera point défaut. Le Sauveur a donc recommandé également les deux choses. Mais parce que le même Evangéliste ne les a pas mentionnées dans son récit, on est porté à voir de l'opposition entre la défense de porter le bâton pris dans un sens, et l'ordre de ne porter que le bâton, pris dans un autre sens; or notre explication doit éloigner cette idée.

75. Ainsi encore, en disant aux Apôtres, comme nous le lisons dans saint Matthieu, de ne point porter de chaussure avec eux, Jésus leur défendait le soin de s'en procurer et la crainte d'en manquer. C'est ainsi encore qu'il faut comprendre ce qui regarde les deux tuniques. Le Sauveur ne voulait pas qu'ils se missent en peine d'en porter une seconde pour remplacer au besoin celle dont ils étaient couverts, puisqu'ils avaient le pouvoir de s'en procurer autrement. Dès lors, si d'après le texte de saint Mc les Apôtres devaient avoir aux pieds des sandales ou des semelles, c'était pour faire ressortir une signification mystique de cette chaussure.

1 1Co 9,7-15

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Comme la semelle ne couvre pas le pied, mais l'empêche de toucher la terre; ainsi l'Evangile rie devait ni se cacher, ni s'appuyer sur des moyens terrestres. De même encore, s'il leur est défendu, non de porter ou d'avoir deux tuniques mais d'en être revêtus, n'était-ce pas pour les avertir de n'agir point avec dissimulation, mais toujours avec simplicité?

76. Ainsi donc il ne faut nullement douter que le Sauveur a parlé tantôt dans le sens propre et tan tôt en termes figurés et que chacun des évangélistes a rappelé telles ou telles de ses paroles; que quelques-unes ont été relatées par deux, par trois, ou même par les quatre, sans que néanmoins tout ce qu'a dit ou fait le Sauveur ait été écrit par eux. Si l'on pense que le Seigneur n'a pu dans un même discours employer le langage propre et le langage figuré, qu'on veuille bien considérer le reste de ses paroles; on verra combien ce sentiment est téméraire et accuse d'ignorance. Pour ne citer qu'un exemple qui me revient à l'esprit, il faudrait donc ne prendre qu'au figuré le précepte de l'aumône et les autres qui le suivent, parce que la main gauche doit ignorer ce que fait la main droite (1).

77. Je fais, du reste, observer encore une fois, ce que le lecteur doit se rappeler constamment, pour n'avoir pas souvent besoin qu'on le luit appelle, que dans ses discours, Jésus-Christ a répété plusieurs choses qu'il avait déjà dites ailleurs . Par conséquent, si la suite du récit n'est pas la même entre deux évangélistes, on ne doit pas croire à une contradiction; on doit comprendre au contraire qu'il s'agit d'instructions données et répétées dans plusieurs circonstances. Cette observation regarde non-seulement les discours, mais encore les actions du Sauveur; car rien n'empêche d'admettre qu'un même fait se soit produit deux fois; et il y aurait une vanité sacrilège à calomnier l'Evangile en refusant d'admettre la réitération d'un acte, quand personne ne prouve qu'il n'a pu se reproduire.

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CHAPITRE 31,DISCIPLES DE JEAN-BAPTISTE ENVOYÉS A JÉSUS.

78. Saint Matthieu continue ainsi sols récit Après que Jésus eut achevé les instructions qu'il donnait à ses douze disciples, dit-il, il partit de là pour aller enseigner et prêcher dans leurs villes.

1 Mt 6,3.

Or Jean ayant appris, dans le prison, les oeuvres de Jésus-Christ, envoya deux de ses disciples lui dire: Etes-vous celui qui doit venir, ou est-ce un autre que nous attendons?" et le reste, jusqu'à l'endroit où nous lisons: "Mais la sagesse a été justifiée par ses enfants (1)." Nous trouvons dans saint Luc tout ce passage relatif à Jean-Baptiste, aux deux disciples qu'il envoya à Jésus, à la réponse que reçurent ces envoyés et ce que dit le Sauveur après leur retour au sujet de Jean (2). Ce n'est pas pourtant dans le même ordre, et l'on ne voit pas lequel des deux garde ici l'ordre des événements, lequel s'attache à l'ordre de ses souvenirs.


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CHAPITRE 32,MENACES ADRESSÉES A PLUSIEURS CITÉS.


79. Saint Matthieu dit ensuite: "Alors il commenta à reprocher aux villes où il avait opéré plusieurs de ses miracles, de n'avoir point fait pénitence," et le reste, jusqu'aux mots: "Le pays de Sodome sera traité moins rigoureusement que toi au jour du jugement (3)." Saint Luc rappelle ces reproches dans la suite d'un discours prononcé par le Sauveur (4); ce qui fait croire qu'il retrace plus probablement les paroles de Jésus-Christ suivant l'ordre où elles ont été dites, et que saint Matthieu écrit, ici, suivant l'ordre de ses souvenirs. Estime-t-on que, dans ce texte de saint Matthieu: "Alors Jésus commença à faire des reproches aux villes," le terme "alors," doit s'entendre d'un moment précis et non du temps plus long durant lequel s'étaient faites ou dites plusieurs autres choses? On est obligé de croire que les mêmes reproches ont été adressés deux foIs Aussi bien, puisque nous voyons dans un même évangéliste certaines choses dites deux fois par le Seigneur: comme dans saint Lc la prescription relative au sac et à tous les objets que les Apôtres ne devaient point porter en chemin (5); faut-il s'étonner qu'une autre pensée pareillement exprimée deux fois, se trouve à sa place dans les récits des deux évangélistes? car si l'ordre parait différent, c'est que chacun des écrivains sacrés la rapporte au moment différent où elle a été énoncée.

1 Mt 11,1-19. - 2 Lc 7,18-35. - 3 Mt 11,20-24. - 4 Lc 10,2-15. - 5 Lc 9,3 Lc 10,4.

173

233

CHAPITRE 33,LE JOUG ET LE FARDEAU DU CHRIST. MAIN DESSÉCHÉE.


80. Saint Matthieu dit ensuite: "En ce temps-là, Jésus prononça ces paroles: Je vous bénis, "mon Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents;" et le reste, jusqu'aux mots Car mon joug est doux et mon fardeau léger (1)." Saint Lc lui aussi, a cité ce discours; mais en partie seulement. Car il ne dit pas: "Venez à moi, vous tous qui êtes dans la peine," ni les paroles suivantes. Or, il est à croire que ceci n'a été dit qu'une fois, mais que saint Luc n'a pas tout rapporté. Aussi bien quand après les reproches du Sauveur aux villes impénitentes saint Matthieu nous fait lire: "En ce temps-là Jésus prononça ces paroles etc;" saint Luc fait suivre ces mêmes reproches de quelques paroles encore, peu nombreuses, puis il dit: "A cette même heure Jésus tressaillit de joie dans le Saint-Esprit, et s'écria (2)." Ainsi, quand saint Matthieu au lieu de dire: "En ce temps-là," aurait dit. "A cette même heure," l'expression n'eût pas laissé d'être exacte, tant est peu long ce qu'intercale saint Luc.

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CHAPITRE 34,ÉPIS ROMPUS.


81. Saint Matthieu continue ainsi: "En ce temps-là Jésus passait le long des blés, un jour de sabbat; et ses disciples ayant faim, se mirent à rompre des épis et à en manger," et le reste, jusqu'à l'endroit où nous lisons: "Car le Fils de l'homme est le maître du sabbat même (3)." C'est ce que rapportent aussi saint Mc et saint Lc sans aucune apparence de contradiction (4). Mais ils ne disent point: "En ce temps-là;" ce qui peut faire croire que saint Matthieu a plutôt gardé ici l'ordre des événements, et les autres celui de leurs souvenirs; à moins que les mots: "En ce temps là," ne doivent se prendre dans un sens plus étendu et ne désignent tout le temps où s'accomplissaient tant de merveilles de tout genre.

1 Mt 11,25-30. - 2 Lc 10,21. - 3 Mt 12,1-8. - 4 Mc 2,23-28 Lc 6,1-5.


235 82. Saint Matthieu poursuit: "Jésus s'étant éloigné de là, vint dans leur synagogue. Alors se présenta un homme qui avait une main desséchée," et le reste, jusqu'à l'endroit où nous lisons: "Il étendit sa main et elle devint saine comme l'autre (1)." Saint Mc et saint Luc parlent aussi de la guérison de cet homme qui avait une main desséchée (2). Or on pourrait croire que le fait arriva le même jour que ce qui est relatif aux épIs Car il s'agit encore d'un jour de sabbat: mais saint Luc déclare que cette guérison eut lieu un autre jour de sabbat. Ainsi donc ces termes de saint Matthieu: "Jésus s'étant éloigné delà, vint dans leur synagogue," nous font connaître, à la vérité, qu'il y vint seulement 'après s'être éloigné, mais ne nous disent pas combien de jours après, ni s'il y alla directement et immédiatement après avoir quitté le champ de blé; ce qui donne place à la guérison de la main desséchée, rapportée par saint Luc à un autre jour de sabbat.
Mais voici peut-être l'objet d'une difficulté. Selon saint Matthieu les Pharisiens interrogèrent le Seigneur et lui demandèrent s'il était permis de guérir quelqu'un le jour du sabbat," voulant trouver une occasion de l'accuser; puis il leur proposa lui-même la comparaison suivante: "Quel est celui d'entre vous qui, ayant une brebis qui vienne à tomber dans une fosse le jour du sabbat, ne la saisisse et ne l'en retire pas? Or, combien un homme vaut mieux qu'une brebis! Il est donc permis de faire du bien les jours de sabbat." Saint Mc et saint Luc disent au contraire que ce fut le Seigneur, qui leur adressa cette question: "Est-il permis, les jours de sabbat, de faire du bien ou du mal? de sauver la vie ou de l'ôter?" Il faut donc entendre que d'abord ils interrogèrent le Sauveur, et lui demandèrent: "s'il était permis de guérir au jour du sabbat;" qu'ensuite, connaissant les pensées de ces hommes qui cherchaient un moyen de l'accuser, il plaça au milieu d'eux celui dont il avait guéri la main; qu'alors il leur adressa les questions rapportées par saint Mc et saint Luc; puis, que les voyant garder le silence, il proposa la comparaison de la brebis tombée dans une fosse, et conclut au droit de faire du bien le jour du sabbat; qu'enfin les ayant regardés

1
Mt 12,9-13. - 2 Mc 3,1-5 Lc 6,6-10.

174

avec colère, suivant le texte de saint Mc et touché d'un profond sentiment de tristesse à cause de l'aveuglement de leur coeur, il dit à l'homme guéri: "Étends la main."

236

CHAPITRE 36,CHRONOLOGIE INCERTAINE.


83. Saint Matthieu continue ainsi sa narration: "Les Pharisiens étant sortis tinrent conseil ensemble, contre lui, sur les moyens de le perdre. Mais Jésus, qui le savait, s'éloigna de là, et une multitude de gens l'ayant suivi, il les guérit tous; et il leur commanda de ne point le découvrir. Or il agissait de la sorte, afin que fût accomplie cette parole du prophète Isaïe;" et le reste, jusqu'à cet endroit: "Et toutes les nations espéreront en son nom (1)." Saint Matthieu seul rappelle ce. fait. Saint Mc et saint Luc passent à autre chose. Saint Mc paraît sans doute garder quelque temps l'ordre des faits, quand il dit que Jésus, connaissant la mauvaise disposition des Juifs contre lui, se retira du côté de la mer avec ses disciples, et qu'une grande multitude étant venue le trouver il guérit beaucoup de malades (2). Mais en quel endroit l'Evangéliste commence-t-il à s'écarter de l'ordre chronologique? Il n'est pas facile de le voir. Est-ce quand il dit qu'une grande multitude vint trouver le Sauveur? Mais cela peut se rapporter à un autre temPs Ou bien est-ce quand il dit que Jésus gagna le haut d'une montagne; ce que parait rappeler aussi l'évangéliste saint Luc en disant: En ces jours-là, Jésus alla sur une montagne pour y prier;" car les mots en ces jours-là," montrent suffisamment que la chose n'eut pas lieu tout aussitôt (3)?

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CHAPITRE 37,MUET ET AVEUGLE POSSÉDÉ DU DÉMON.


84. On lit ensuite dans saint Matthieu: "Alors lui fut présenté un homme possédé d'un démon qui le rendait aveugle et muet; et il le guérit, en sorte que cet homme parlait et voyait (4)." Saint Luc ne raconte pas ce fait dans le même ordre, mais après beaucoup d'autres choses. Il dit seulement que cet homme était muet, sans ajouter qu'il était aveugle 5. De ce qu'il omet quelque chose, il ne faut pas conclure

1 Mt 12,14-22. - 2 Mc 3,7-12. - 3 Lc 6,12. - 4 Mt 12,22. - 5 Lc 11,14.

cependant qu'il parle d'une autre guérison; car les circonstances qui suivent sont les mêmes que dans saint Matthieu.

238

CHAPITRE 38,JÉSUS ACCUSÉ D'ÊTRE LE SUPPOT DE BÉELZÉBUD.

85. Saint Matthieu dit ensuite: "Or tout le peuple était dans l'étonnement et disait: Ne serait-ce point ici le fils de David? Mais les Pharisiens entendant ces paroles répliquèrent Il ne chasse les démons que par Béelzébud prince des démons. Jésus connaissant leurs pensées leur dit alors: Tout royaume divisé contre lui-même sera ruiné," et le reste, jusqu'à l'endroit où nous lisons: "Tu seras justifié par tes paroles et par tes paroles tu seras condamné (1)." L'accusation élevée contre Jésus de chasser les démons au nom de Béelzébud, ne vient pas dans le récit de saint Mc à la suite de la guérison du muet, dont il ne parle pas; mais à la suite de plusieurs autres choses que lui seul rappelle; soit que cette accusation lui revenant à l'esprit, il l'insère au milieu de détails étrangers, soit que, sans redire ce qui a précédé, il reprenne ici l'ordre des événements (2). Mais saint Luc rapporte à peu près mot pour mot ce que raconte ici saint Matthieu (3). S'il appelle doigt de Dieu l'Esprit de Dieu, le sens est le même; de plus cette expression nous apprend ce que nous devons entendre par Doigt de Dieu partout où ces mots se rencontrent dans les Ecritures. Quant aux omissions faites ici par saint Mc et saint Lc elles ne peuvent devenir le sujet d'aucune controverse: il en est ainsi des termes différents qu'ils emploient et qui ne changent rien à la pensée.

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CHAPITRE 39,JONAS ET LA REINE DE SABA.

86. Saint Matthieu continue ainsi: "Alors quelques-uns des Scribes et des Pharisiens lui dirent: Maître, nous voudrions que vous nous fissiez voir quelque prodige," et le reste, jusqu'aux mots: "C'est ce qui arrivera à cette race criminelle (4)." Saint Luc aussi rapporte cela au même endroit, mais dans un ordre un peu différent (5). Car il a rappelé plus haut et après la guérison du muet, la demande que firent les

1 Mt 12,23-37. - 2 Mc 3,22-30. - 3 Lc 11,14-26. - 4 Mt 12,38-45. - 5 Lc 11,16-37.

175

Juifs à Jésus-Christ d'un signe dans le ciel, mais sans relater alors la réponse du Seigneur; il ne la rapporte que plus tard, quand le peuple est réuni autour de Jésus; et il donne à comprendre que là se trouvaient ceux qui précédemment, demandaient à Jésus un signe dans le ciel; il rattache même cette réponse à ce qu'il dit de cette femme qui s'est écriée devant le Seigneur: "Heureux le sein qui vous a porté." Cette femme à son tour intervient à la suite du discours où le Sauveur a parlé de l'esprit immonde, qui après être sorti d'un homme y revient et trouve la maison nettoyée et parée. Or quand, après avoir parlé de cette femme, l'Evangéliste a rapporté la réponse que Jésus fit à la foule en faisant intervenir la comparaison du prophète Jonas, sur le signe qu'elle désirait voir dans le ciel, il continue le discours du Seigneur et rapporte ce qu'il dit de la reine du Midi et des Ninivites. Ainsi au lieu d'omettre rien de ce que relate saint Matthieu, il dit plus que lui. Qui ne voit du reste qu'il serait inutile de demander dans quel ordre le Sauveur a dit tout cela, quand nous devons apprendre, par l'autorité suréminente des Evangélistes, qu'il n'y a pas de mensonge à rapporter les pensées d'un discours quelconque dans un ordre différent de celui où elles ont été exposées, l'ordre, quel qu'il soit, ne changeant rien au fond? De plus, saint Luc permet de croire que ce discours fut plus long dans la bouche du Seigneur, et il y a inséré des pensées semblables à celles que nous a présentées saint Matthieu en reproduisant le discours prononcé sur la montagne (1); ce qui nous fait comprendre que ces pensées ont été exprimées dans l'une et l'autre circonstance. Saint Lc après ce discours, passe à un autre sujet; mais on ne voit pas s'il suit l'enchaînement des faits, car voici ce qu'il dit ensuite: "Pendant que Jésus parlait, un Pharisien le pria de dîner chez luI," L'Evangéliste ne dit pas: Comme il parlait ainsi; mais: "Pendant qu'il parlait." S'il avait dit: Pendant qu'il parlait ainsi, on devrait croire que ces actes du Sauveur se sont succédé dans l'ordre où son récit les présente.

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CHAPITRE XL. LA MÈRE ET LES FRÈRES DE JÉSUS.

87. Saint Matthieu continue: "Comme il parlait encore au peuple, sa mère et ses frères

1 Mt 5,7

étaient dehors cherchant à lui parler;" et le reste, jusqu'à cet endroit: "Quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mon frère, ma soeur et ma mère (1)." Sans aucun doute nous devons voir ici la suite de ce qui précède. Car le texte commence ainsi: "Tandis que Jésus parlait encore au peuple." Que signifie ce mot: "encore," sinon la fin du discours qui vient d'être rapporté? Il n'est pas dit en effet: Tandis qu'il parlait au peuple, sa mère et ses frères, mais: "Tandis qu'il parlait encore au- peuple;" c'est-à-dire, évidemment, tandis qu'il lui disait ce qui vient d'être rappelé. Car après avoir rapporté les paroles. de Jésus-Christ louchant le blasphème contre l'Esprit-Saint, saint Mc ajoute aussitôt: "Cependant arrivent sa mère et ses frères;" il omet ainsi plusieurs passages que rapporte saint Matthieu dans le discours du Seigneur, et ceux que saint Luc ajoute encore au texte de saint Matthieu (2). Sans égard à l'ordre des événements et saisissant le fait quand son souvenir le lui présente, saint Luc de son côté anticipe le récit de ce qui est relatif à la mère et aux frères de Jésus, il le place de telle façon qu'on ne le voit lié ni à ce qui précède ni à ce qui suit.: En effet, c'est après l'exposition de quelques paraboles du Sauveur, que ce fait lui revenant à la mémoire il écrit: "Or, sa mère et ses frères vinrent le trouver, et ils ne pouvaient pénétrer jusqu'à lui, à cause de la foule du peuple;" ce n'est pas marquer le temps où ils vinrent. Puis le même saint Lire passant à un autre objet, s'exprime ainsi: "Un certain jour, il monta dans une barque, avec ses disciples." Là encore, quand il dit: "Un certain jour," il montre suffisamment que rien n'oblige à penser que ce fut le jour où arriva ce qu'on vient de lire, ni le jour suivant. Donc en racontant ce qui a rapport à la mère et aux frères de Jésus, saint Matthieu ne contredit les deux autres évangélistes ni pour les paroles du Seigneur ni pour l'ordre des événements.

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CHAPITRE 41,LES HUIT PARABOLES.

88. Saint Matthieu continue ainsi: "En ce jour là Jésus étant sorti de la maison s'assit sur le bord de la mer. Et il s'assembla près de lui une si grande multitude qu'il monta dans une barque, il s'y assit et le peuple resta sur le

1 Mt 12,46-60. - 2 Mc 3,31-36.

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rivage. Et il leur dit beaucoup de choses en paraboles, leur parlant de cette sorte:" et le reste, jusqu'à l'endroit où nous lisons: "Tout docteur bien instruit de ce qui regarde le royaume des cieux, est semblable à un père de famille qui tire de son trésor des choses nouvelles et des choses anciennes (1)." Le texte de saint Matthieu insinue que ceci arriva aussitôt après ce qui vient d'être rapporté de lanière et des frères de Jésus, et que l'ordre du récit ne diffère pas de celui des faits: "En ce jour-là, dit en effet l'Evangéliste pour passer d'un objet à l'autre, Jésus étant sorti de la maison, vint s'asseoir près de la mer, et une foule nombreuse se réunit autour de luI," Qu'est-ce -à dire: "En ce jour là?" A moins que jour ne signifie ici temps, comme dans plusieurs passages des livres saints, l'expression indique assez clairement ou qu'il s'agit d'un fait qui suivit d'une manière immédiate, ou qu'il ne se fit pas grand-chose dans l'intervalle. Du reste saint Mc suit le même ordre (2). Si saint Lc après avoir raconté ce qui regarde la mère et tes frères de Jésus, rapporte autre chose, la transition qu'il emploie n'a rien d'opposé à l'enchaînement indiqué par saint Matthieu (3). Ainsi donc, il n'y a pas l'ombre de contradiction ni dans les paroles que les trois évangélistes prêtent à Jésus-Christ ni, bien moins encore, dans ce que saint Matthieu seul lui attribue. Je ne vois pas non plus que, pour l'ordre même, un évangéliste soit en opposition avec un autre, quoiqu'il présente les choses un peu différemment, suivant en partie la suite des faits, en partie aussi la suite de ses souvenirs.


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CHAPITRE 42,JÉSUS DANS SA PATRIE.

89. On lit ensuite dans saint Matthieu: "Après que Jésus eut achevé ces paraboles, il partit de là, et, venant en son pays, il les instruisait dans leurs synagogues," et le reste, jusqu'à cet endroit: "Or il ne fit que peu de miracles parmi eux à cause de leur incrédulité (4)." Le texte n'oblige pas de regarder ce fait comme ayant eu lieu immédiatement après les paraboles qui précèdent. D'ailleurs saint Mc en relate un autre et le même que saint Lc à la suite de ces paraboles, et sa transition même porte à croire qu'aux paraboles a succédé d'une manière immédiate

1 Mt 13,1-52. - 2 Mc 4,1-34. - 3 Lc 8,22. - 4 Mt 13,53-58.

non pas ce qui vient dans le récit de saint Matthieu, mais ce que disent saint Mc et saint Lc de la barque sur laquelle dormait Jésus et du miracle de l'expulsion des démons au pays des Géraséniens (1); deux faits que saint Matthieu a exposés plus haut quand le souvenir lui en est revenu (2). Voyons donc si pour ce que dit le Seigneur, et pour ce qui fut dit dans sa patrie, saint Matthieu est d'accord avec saint Mc et saint Luc. Car pour saint Jn c'est dans des circonstances bien différentes (3) qu'il place des traits analogues à ceux que rappellent ici les trois autres évangélistes.

90. Or, le récit de saint Mc est ici presque absolument le même que celui de saint Matthieu. Toute la différence, c'est que Jésus y est appelé charpentier et fils de Marie par ses compatriotes (4); tandis que selon saint Matthieu on l'appelait le fils du charpentier. Mais cela ne doit pas nous surprendre. Il put à la fois être appelé charpentier et le fils du charpentier; puisque s'ils le croyaient charpentier, c'est qu'ils le regardaient comme le fils d'un charpentier. Mais saint Luc expose le même fait avec beaucoup plus de détails; et nous le trouvons dans son récit un peu après ce qui regarde le baptême et la tentation du Seigneur; et sans aucun doute il relate d'avance ce qui arriva plus tard, à la suite de beaucoup d'autres choses. Ceci nous donne lieu de faire une remarque très-importante pour cette grande question de l'accord des Évangélistes, que nous avons entrepris de résoudre avec l'aide de Dieu: C'est que ce n'est pas pour avoir ignoré ni les faits ni leur enchaînement naturel qu'ils en ont omis quelques uns ou qu'ils ont suivi de préférence l'ordre de leur souvenirs. Cette remarque est justifiée avec éclat par le texte de saint Luc; car sans avoir fait nulle mention des miracles de Jésus à Capharnaüm, il rapporte, ce que nous examinons maintenant, comment les compatriotes du Sauveur admiraient sa vertu merveilleuse et méprisaient la bassesse de sa naissance. D'après lui en effet Jésus leur parlait ainsi: "Vous me direz, sans doute: Médecin, guéris-toi toi-même; ces grandes choses faites à Capharnaüm et dont le bruit est arrivé jusqu'à nous, fais-les ici encore, dans ta patrie," et cependant le même saint Luc n'a jusque là rien raconté des prodiges opérés à Capharnaüm. Comme le passage n'est pas long, mais très-facile à comprendre,

1 Mc 4,35 Mc 5,17 Lc 8 Lc 22-37. - 2 Mt 8,23-34. - 3 Jn 6,42. - 4 Mc 6,1-6.

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Et d'ailleurs très-nécessaire, nous le mettons tout entier sous les yeux du lecteur avec la transition qui l'amène.
Après avoir parlé du baptême et de la tentation du Sauveur, l'évangéliste poursuit ainsi: "Or toute tentation achevée, le diable s'éloigna de lui pour un temPs Alors Jésus par la vertu de l'Esprit revint en Galilée, et sa renommée se répandit dans tout le pays. Il enseignait dans leurs synagogues, et tout le monde lui donnait de grandes louanges. Etant venu ensuite à Nazareth, où il avait été élevé, il entra selon sa coutume dans la synagogue le jour du sabbat et il se leva pour lire. Ou lui présenta le livre des prophéties d'Is et l'ayant ouvert il trouva l'endroit où il était écrit: L'Esprit du Seigneur est sur moi; c'est pourquoi il m'a consacré par son onction et m'a envoyé évangéliser les pauvres, annoncer aux captifs leur délivrance, aux aveugles qu'ils vont recouvrer la vue, mettre en liberté ceux qui sont accablés sous les fers, publier l'année des miséricordes du Seigneur et le jour de la rétribution. Ayant replié le livre, il le rendit au ministre et s'assit. "Et tous dans la synagogue avaient les yeux arrêtés sur lui. Or il commença à leur dire: "Ce que vous entendez aujourd'hui de vos oreilles est l'accomplissement de ces paroles de l'Ecriture. Et tous lui rendaient témoignage, et dans l'étonnement où ils étaient des paroles pleines de grâce qui sortaient de sa bouche, "ils disaient: N'est-ce pas là le fils de Joseph? Alors il leur dit: Vous m'appliquerez sans doute ce proverbe: Médecin, guéris-toi toi-même; et vous me direz: Les grandes choses faites à Capharnaüm et dont le bruit est arrivé jusqu'à nous, fais-les ici encore, dans ta patrie (1)." Nous laissons ce qui termine cette partie du récit de l'évangéliste.
N'est-il pas évident qu'il a sciemment anticipé ce fait dans son récit? Car il connaissait certainement les merveilles opérées à Capharnaüm, puisqu'il en parle; puisque d'ailleurs il sait qu'il ne les a pas rapportées. Il est encore si près du baptême de Jésus qu'un pareil oubli n'est pas vraisemblable; car depuis ce baptême il n'a presque rien dit encore.

1 Lc 4,13-23.



Augustin acc. évangélistes 229