Augustin, de la foi 3027

CHAPITRE XVI. VRAIE DOCTRINE SUR LA FOI ET LES OEUVRES. - LE JEUNE HOMME RICHE. - FOI DE LA CHANANÉENNE.


3027 27. On va sans doute m'arrêter ici et me demander quel est le sens que j'attache à ce passage de l'apôtre saint Paul, et quelle en est la véritable interprétation. J'aimerais mieux, je l'avoue, que mon rôle se bornât à recueillir, de la bouche de personnes plus éclairées et plus judicieuses une explication capable de concilier, avec ce passage tous les textes d'une vérité incontestable que j'ai cités ou que j'aurais pu citer plus haut,et qui prouvent, par le témoignage irrécusable des Ecritures, que la foi qui sauve est exclusivement celle qui, d'après la définition de l'Apôtre, opère par la charité (Ga 5,6), tandis que, si elle n'est pas accompagnée des oeuvres, la foi est impuissante à sauver avec ou sans le concours du feu. Car, si elle (566) opère le salut avec le concours du feu, elle a réellement par elle-même la vertu de sauver; or il a dit clairement et sans restriction: «A quoi sert-il de dire qu'on a la foi, si on n'a pas les oeuvres? La foi peut-elle sauver seule?» Cependant je vais exposer le plus brièvement possible la manière dont j'interprète ce texte si difficile à comprendre; on n'oubliera pas que j'aimerais mieux, comme je viens d'en faire l'aveu., entendre des théologiens plus éclairés que moi discuter ce passage.
Le fondement de l'édifice élevé par un sage architecte, c'est Jésus-Christ; ce principe n'a pas besoin de démonstration: car, selon la parole expresse de l'Apôtre, «personne ne peut jeter d'autre fondement que celui qui a été établi et qui n'est autre que Jésus-Christ.» Par Jésus-Christ il faut entendre évidemment la foi en Jésus-Christ, puisqu'il habite dans nos coeurs par la foi, selon les expressions du même Apôtre (Ep 3,17). Or, cette foi nécessaire en Jésus-Christ n'est autre que la foi agissant par la charité, comme la définit encore l'Apôtre. Car il serait insensé de prendre pour fondement cette sorte de foi qui s'impose aux démons eux-mêmes, les fait trembler et leur arrache l'aveu que Jésus est le Fils de Dieu. Voudrait-on prendre pour la foi, non la croyance que féconde la charité, mais l'aveu qu'arrache la crainte? Donc, c'est la foi en Jésus-Christ, la foi qu'inspire la grâce chrétienne, et que la charité rend féconde en bonnes oeuvres, qui est être que le fondement du salut pour tous les hommes. Que faut-i1 maintenant entendre par l'édifice d'or, d'argent, de pierreries, ou de bois, de paille et de foin élevé sur ce fondement? J'ai peur de donner, en approfondissant trop le texte, une explication plus obscure que le texte lui-même; cependant je vais essayer, avec l'aide de Dieu, d'exposer mon sentiment avec toute la précision et toute la clarté dont je suis capable.
N'avez-vous pas sous les yeux celui qui demanda au Principe même du Bien, le bien qu'il devait accomplir pour posséder la vie éternelle? Il apprit qu'il devait garder les commandements, s'il voulait conquérir le bonheur éternel; et, comme il demandait encore quels étaient les commandements, il lui fut répondu: «Tu ne tueras point; Tu ne commettras point d'adultère ni de vol; Tu ne porteras pas de faux témoignage; Honore ton père et ta mère; Tu aimeras ton prochain comme toi-même.» En agissant ainsi sous l'inspiration de la foi en Jésus-Christ, il aurait eu manifestement la foi qui opère par la charité. Car comment aimer le prochain comme soi-même, sans avoir reçu le don.de l'amour de Dieu, véritable;principe de l'amour de soi-même? Mais s'il est observé ensuite ce qu'ajoute Notre-Seigneur: «Veux-tu être parfait? Vends tous tes biens, donne-les aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel; puis viens et suis-moi (Mt 19,16-21);» il aurait bâti sur ce fondement un édifice d'or, d'argent, de pierres précieuses; car toutes ses pensées, n'ayant plus pour objet que les choses divines, auraient été consacrées à plaire à Dieu, et ce sont ces hautes pensées que figurent, à mon sens, l'or, l'argent, les pierreries. Mais, comme il était attaché par une affection toute charnelle à ses richesses, il aurait en vain fait de ses biens d'abondantes aumônes, évité la fraude et le larcin pour grossir ses trésors, résisté à toutes les tentations du crime et du déshonneur pour ne pas les voir s'amoindrir ou s'épuiser; eu vain il ne se serait jamais écarté du principe inébranlable qiü lui servait de fondement; dans cette passion toute mondaine qui l'empêchait de renoncer sans regret à sa fortune, il n'aurait élevé sur le fondement solide qu'un édifice de bois, de foin, de paille, surtout, s'il avait eu une épouse qui l'aurait entraîné, pour lui plaire, à ne songer qu'aux choses du monde dans l'intérêt de sa vanité. Ne peut-on se résoudre à perdre sans regret ces biens auxquels on ne s'attache que par un sentiment tout charnel; les possédât-on en prenant pour fondement la foi qui agit sous l'impulsion de la charité; ne mit-on jamais, par calcul ou par avarice, son or au-desssus de ses croyances si leur perte afflige comme un sacrifice, on n'obtiendra le salut qu'en traversant la peine cuisante du feu. On est d'autant moins exposé à ce supplice et à ces regrets qu'on s'attache moins aux richesses ou qu'on les possède comme ne les possédant pas; tombe-t-on pour les conserver ou les acquérir dans l'homicide, l'adultère, la fornication, l'idolâtrie, et autres crimes aussi monstrueux? La solidité du fondement n'assure pas le salut à travers la flamme; on aura perdu cet appui et on sera abandonné aux tourments éternels.

3028 28. C'est donc en vain que, pour prouver l'efficacité de la foi en elle-même, ils allèguent ce passage de l'Apôtre: «Si le mari infidèle se retire, (567) qu'on le laisse aller: car la partie fidèle n'est plus, en pareil cas, sous la servitude du mariage; (1Co 7,15)» ce qui signifie que la foi seule en Jésus-Christ autorise à quitter une épouse légitime si elle refuse de cohabiter avec son mari parce qu'il est chrétien. - Ici nos adversaires ne prennent pas garde qu'il y aurait toute justice à répudier une femme qui tiendrait à son mari ce langage. Je ne veux plus être ton épouse, si tu ne m'enrichis plus de tes vols, si tu cesses d'exercer, parce que tu es chrétien, le trafic qui changeait ta maison en un lieu de plaisirs; bref, une femme qui retiendrait son mari dans tous les vices, dans toutes les infamies qu'elle connaissait en lui et dont elle profitait avec plaisir, soit pour satisfaire sa lubricité, soit pour vivre dans l'aisance ou même se parer avec plus de pompe. Assurément l'homme à qui sa femme tiendrait ce langage, ne manquerait pas d'éprouver, s'il avait renoncé par la pénitence aux oeuvres de mort, en s'approchant du baptême, et pris pour fondement de sa conduite la foi agissant par les oeuvres, un attrait plus vif et plus puissant pour la grâce divine que pour la beauté toute physique de sa femme, et il aurait assez d'énergie pour couper le membre qui le scandalise. Or, cet homme éprouve-t-il, en rompant son mariage, une douleur inspirée à son coeur par un attachement tout charnel pour son épouse? Voilà la paille que la flamme consumera sans compromettre son salut. Au contraire, avait-il une femme comme n'en ayant pas, moins par concupiscence que par un sentiment de miséricorde qui lui faisait désirer de la sauver avec lui et remplir plutôt qu'exiger les engagements du mariage? La chair ne se révoltera pas en lui, quand il verra se rompre une pareille union; car, elle ne l'empêchait pas de penser uniquement aux choses du Seigneur et ne lui inspirait qu'un désir, celui de plaire à Dieu (1Co 7,29-34). Donc, comme il n'a surajouté au fondement que l'or, l'argent, les pierres précieuses, en s'entretenant dans ces pensées toutes divines, il ne perdra rien, et son édifice, auquel la paille ne s'est pas mêlée, ne saurait être consumé par la flamme.

3029 29. Que les hommes voient dès ici-bas leurs oeuvres s'épurer ainsi, on qu'un jugement après la mort les condamne à cette peine, le sens que j'attache à ce passage n'a rien qui soit en contradiction avec la véritable doctrine: s'il en comporte un autre, qui ne se présente pas à mon esprit,prit, qu'on l'adopte de préférence: Du moins cette interprétation ne nous laisse pas dans la nécessité de dire aux injustes, aux incorrigibles, aux sacrilèges, aux scélérats, aux parricides, aux homicides, aux fornicateurs, aux infâmes, à ceux qui trafiquent des hommes libres, aux menteurs, aux parjures, en un mot à tout ce qui est contraire à la saine doctrine, contenue dans l'Evangile dont Dieu souverainement heureux tire sa gloire (1Tm 1,9-11): croyez seulement en Jésus-Christ et recevez le sacrement de baptême; lors même que vous ne renonceriez pas à votre vie abominable, vous serez sauvés.

3030 30. L'exemple de la Chananéenne ne saurait non plus nous induire dans cette erreur. Sans doute le Seigneur a exaucé sa prière après lui avoir dit: «Il n'est pas juste de prendre le pain des enfants pour le jeter aux chiens.» Mais le Dieu qui sonde les coeurs avait vu sa conversion intérieure lorsqu'il loua sa foi, aussi ne lui dit-il pas Chienne, ta foi est grande, mais: «O femme ta foi est grande (Mt 15,26-28).» Il change son expression parce qu'il, voit que les sentiments de la Chananéenne sont changés et que ses reproches ont porté leurs fruits. Je ne saurais penser sans étonnement qu'il préconise en cette femme la foi sans les oeuvres, cette foi que la charité ne seconde pas, cette foi morte qui est le privilège non des chrétiens, mais des démons, comme n'hésite pas à le dire l'apôtre saint Jacques. Ne veulent-ils pas comprendre que la Chananéenne ait vu s'opérer un revirement dans ses passions criminelles sous la parole dédaigneuse et sévère de Jésus-Christ Eh bien! quand ils rencontreront des gens qui ont la foi sans cacher leur conduite déréglée et vont même jusqu'à l'étaler publiquement et refusent de reconvertir, qu'ils guérissent leurs enfants, s'ils mont la puissance, comme Jésus guérit la fille de la Chananéenne, mais qu'ils n'en fassent pas des membres de Jésus-Christ malgré leur obstination à rester ceux d'une prostituée. Ils ont raison, je le sais, de penser qu'on commet envers l'Esprit-Saint un péché irrémissible, en persévérant dans l'incrédulité jusqu'à la fin de ses jours; mais encore faudrait-il comprendre quel est le caractère de la croyance véritable en Jésus-Christ. Ce n'est pas une foi morte, comme on l'ajustement appelée, et qui se trouve dans les démons eux-mêmes, c'est la foi qui agit par la charité.

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CHAPITRE XVII. LES PARABOLES DE L'IVRAIE ET DU SERVITEUR NÉGLIGENT N'ONT AUCUN RAPPORT AVEC LE SUJET.


3031 31. D'après ces principes, notre but, en refusant le baptême à ces sortes de pécheurs, n'est pas d'arracher l'ivraie avant la moisson, mais de ne point la semer, comme le fait Satan; loin de repousser ceux qui veulent venir à Jésus-Christ, nous, leur prouvons par leur propre conduite qu'ils refusent de venir à lui; loin de les empêcher de croire, nous leur démontrons qu'ils sont coupables de leur incrédulité, puisqu'ils ne veulent pas reconnaître un adultère dans l'acte qualifié d'adultère parle Seigneur, et qu'ils s'imaginent pouvoir incorporer à Jésus-Christ ceux qui ne posséderont jamais le royaume de Dieu, comme il ledit encore par la bouche de l'Apôtre, et qui s'opposent à la saine doctrine dont Dieu se glorifie dans sa félicité sans bornes. N'assimilons donc plus ces pécheurs aux convives qui vinrent au festin des noces: ils doivent être rangés parmi ceux qui refusent de venir. Assez audacieux pour se mettre en pleine contradiction avec la doctrine même de Jésus-Christ et se révolter contre le saint Evangile, ils dédaignent de venir, loin d'essuyer un refus. Il en est qui renoncent au monde en paroles sinon en actes; ceux-là du moins se présentent: ils sont semés parmi les bons; ils sont rassemblés dans l'aire; ils sont réunis aux brebis; ils entrent dans le filet; ils sont accueillis parmi les convives. Qu'ils soient hypocrites, ou qu'ils soient sincèrement dociles; on n'a plus de raison pour les repousser, puisqu'on ne saurait pénétrer dans leur conscience, et qu'on ne doit pas préjuger les motifs, qui justifieraient leur excommunication. Loin de nous la pensée que si on rassembla dans la salle des noces ceux qu'on rencontra et bons et mauvais (1), on y amena également ceux qui avaient affiché leur résolution de persévérer dans le mal. A ce titre, en effet, les serviteurs du père de famille auraient eux-mêmes semé l'ivraie et tout serait vain dans ce passage: «L'ennemi qui l'a semée, c'est le démon (2).» Cette hypothèse étant impossible, il faut penser que les serviteurs ont amené les bons et les méchants cachés sous de faux dehors ou reconnus seulement après avoir été introduits dans la salle du festin. Peut-être encore l'expression de bons et de mauvais a-t-elle la même signification que dans le langage

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Mt 22,2-10 - 2 Mt 13,39

ordinaire où elle n'est qu'un terme de louange ou de mépris on qualifie même les païens. C'est en ce sens que Jésus-Christ parle aux disciples qu'il envoya la première fois prêcher l'Evangile: il leur recommande de s'informer, dans toutes les villes où ils entreront, des personnes qui sont dignes de les recevoir chez eux jusqu'à leur départ (1). Or, à quelle marque reconnaîtra-t-on les gens dignes, sinon à l'estime dont ils jouissent parmi leurs concitoyens, et les gens indignes, sinon à leur mauvaise réputation? Voilà les bons et les méchants qui sont amenés à Jésus-Christ et qui se présentent pour croire en lui. On les accueille s'ils consentent à se dégager par la pénitence des oeuvres de mort. Ne consentent-ils pas? on les repousse, et loin de chercher à entrer, ils se ferment eux-mêmes la porte par une opposition aussi éclatante.

3032 32. Et le serviteur de l'Evangile qui refusa de faire valoir le talent de son Maître! Il devrait bannir toute inquiétude et ne pas craindre d'être accusé de négligence. On lui ressemble, on ne veut pas recevoir le talent que le Seigneur confie. Car cette parabole (2) s'adresse à ceux qui ne veulent pas se charger dans l'Eglise de la fonction de distribuer les trésors du Seigneur en déguisant leur indifférence sous le prétexte qu'ils ne veulent pas répondre des péchés d'autrui; ils écoutent sans agir, ils reçoivent sans rien rendre. Or, quand le serviteur exact et fidèle; plein d'ardeur pour faire valoir les trésors de son maître et attentif à ménager ses intérêts, vient dire à un adultère: Si tu veux être baptisé, cesse d'être adultère, crois en Jésus-Christ qui qualifie d'adultère le commerce, que tu entretiens; cesse d'appartenir à une prostituée, situ veux devenir membre de Jésus-Christ; si cet homme lui répond: je n'obéirai pas, je ne cesserai pas; il est clair qu'il refuse de recevoir te talent de bon aloi du Seigneur, ou plutôt qu'il voudrait mêler à ce trésor sa fausse-monnaie. Supposons au contraire qu'après avoir promis d'obéir il ne tienne pas ses engagements sans qu'on puisse le corriger: on verrait ce qu'il faut faire de lui pour l'empêcher de nuire aux autres après s'être nui à lui-même; méchant poisson, égaré dans le flet divin, on l'empêcherait de prendre à ses pièges les poissons du Seigneur, on ne permettrait pas qu'en menant une vie coupable dans l'Eglise il y fit naître une doctrine pernicieuse. Si ces pécheurs, tout en faisant l'apologie de leurs turpitudes, tout en étalant l'intention expresse d'y persévérer, sont

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Mt 10,11 - 2 Mt 25,14-30

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admis au baptême, alors il ne reste plus, ce semble, qu'à prêcher que les fornicateurs et les adultères, dussent-ils garder leurs criminelles habitudes jusqu'à la lin de leurs jours, posséderont le royaume de Dieu et, par la vertu de la foi, toute morte qu'elle est sans les oeuvres, obtiendront la vie et le salut éternel. C'est là le plus dangereux des filets, et les pêcheurs doivent surtout s'en défier; je parle ainsi dans la pensée que la parabole de l'Evangile désigne les Evêques ou les directeurs subalternes de l'Eglise, d'après cette parole: «Venez et je vous ferai pêcheurs d'hommes (1).» Le filet prend toute sorte de poissons, bons et mauvais: mais un mauvais filet ne prendra jamais les bons poissons. Or, dans le sein de la véritable doctrine on peut être bon si l'on joint les oeuvres à la foi, mauvais si l'on croit sans pratiquer; dans l'hérésie on est mauvais, tout en ne se conformant pas à ce que l'on croit la vérité, -plus coupable encore, si on s'y conforme.



CHAPITRE XVIII. CE N'EST PAS UNE NOUVEAUTÉ D'ÉCARTER DU BAPTÊME LES PÉCHEURS ENDURCIS.


3033 33. Dans l'opinion qui nous sépare de nos frères et que ses conséquences dangereuses obligent à rejeter, qu'elle soit ancienne ou moderne, une chose me parait étrange: c'est le reproche de nouveauté attaché à la' doctrine qui défend d'admettre au baptême les gens assez pervers pour afficher la résolution de persister dans leur égarements. On dirait que leur imagination les emporte je ne sais où; car les courtisanes, les histrions et autres pourvoyeurs' de la corruption publique ne sont admis aux sacrements de l'Eglise qu'à la, condition de briser leur chaîne; or, en suivant les maximes de nos adversaires, on les admettrait tous indifféremment, Mais la sainte Eglise reste fidèle à l'antique et inaltérable tradition qui remonte à ce principe si clairement établi par ces paroles: «Tous ceux qui commettent de pareils crimes ne posséderont point le royaume de Dieu (2).» Si la pénitence n'efface pas ces oeuvres de mort, le baptême est interdit aux pécheurs s'ils l'obtiennent par surprise et qu'ils ne réforment pas leurs moeurs, leur salut est impossible. Les ivrognes, les avares, les médisants et tous les pécheurs dont les habitudes criminelles ne prêtent pas matière à une condamnation motivée sur des actes

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Mt 4,19 - 2 Ga 5,19-21 1Co 6,9-10

notoires, sont l'objet des vigoureuses admonestations du catéchisme, et n'entrent dans le bain sacré qu'après avoir témoigné des dispositions meilleures. Quant aux adultères, condamnés par les lois divines et non par les lois humaines, on les a peut-être admis trop légèrement au baptême dans quelques Eglises; mais ce sont des exceptions qu'il faut condamner au nom de la règle, au lieu de fausser la règle d'après ces précédents; en d'autres.termes, il faut repousser les indignes au lieu d'admettre en principe que les postulants ne doivent recevoir aucune instruction morale, et d'accueillir par une conséquence nécessaire tous les esclaves de la corruption publique, courtisanes, prostitueurs, gladiateurs et autres gens de cette espèce, dussent-ils rester attachés à leur métier. Les crimes dort l'Apôtre fait l'énumération terminée par cette sentence: «Ceux qui les commettent ne posséderont point le royaume de Dieu,» trouvent, dans les personnes qui agissent avec énergie, des censeurs vigoureux. Les confesse-t-on? elles les blâment avec toute la divinité de leur caractère; est-on rebelle et affiche-t-on l'intention de persévérer? elles refusent le baptême.



CHAPITRE XIX. TROIS ESPÈCES DE PÉCHÉS MORTELS, ENTRAINANT L'EXCOMMUNICATION. - SILENCE DES CATÉCHISMES SUR LES UNIONS ADULTERES. - MARIAGES AVEC LES INFIDÈLES.

3034 34. Ceux qui pensent que l'aumône peut aisément racheter les péchés, n'hésitent pas à reconnaître qu'il y en a trois qui sont mortels et dignes de l'excommunication, tant qu'ils ne sont pas expiés par les humiliations de la pénitence: l'impudicité, l'idolâtrie, l'homicide. Il serait superflu d'examiner ici cette opinion et de rechercher s'il faut l'admettre avec réserve ou l'approuver: ce serait compliquer notre sujet d'une question étrangère à son but. Cet aveu nous suffit; car, si tous les péchés sont un motif pour exclure du baptême, l'adultère en fait parties'il n'y a exception que pour trois, l'adultère y est encore compris; or, c'est là le péché qui a soulevé cette controverse.

3035 35. Comme les chrétiens, quelle qu'ait été la corruption des moeurs dans les siècles précédents, semblent être restés étrangers à l'union criminelle d'une homme avec une femme ou d'une femme avec un homme, au mépris d'un mariage (570) antérieurement contracté, c'est probablement pour cette raison qu'on ne s'est pas préoccupé de ce désordre dans certaines Eglises et qu'on a oublié de mêler à l'instruction des postulants la peinture et la condamnation de cette immoralité: cette négligence a fait naître la nécessité de proscrire un tel désordre; toutefois il ne se rencontre guère chez les personnes qui ont reçu le baptême, et s'il y en a des exemples encore trop nombreux, il faut les attribuer à notre apathie. Ce défaut de vigilance qui tient à l'indifférence chez les uns, à l'inexpérience chez les autres, et quelquefois à l'ignorance, a été vraisemblablement désigné par le Seigneur sous le nom de sommeil quand il a dit: «Et pendant qu'ils dormaient, l'ennemi vint et sema l'ivraie parmi le bon grain (Mt 13,25).» Une preuve que ce désordre n'éclatait pas dans les moeurs même des mauvais chrétiens, c'est que le bienheureux Cyprien, dans sa lettre sur les fidèles tombés, parmi tous les crimes qu'il signale en les déplorant et en les stigmatisant, et qui, selon lui, ont été capables de provoquer en Dieu une indignation assez vive pour qu'il abandonnât son Eglise aux horreurs d'une épouvantable persécution, ne cite jamais ce péché; et ce silence est d'autant plus significatif, qu'il n'oublie pas de signaler comme un trait de corruption le mariage avec les infidèles, où il ne voit qu'une prostitution des membres de Jésus-Christ aux païens. Cependant aujourd'hui ce mariage n'est plus regardé comme un péché; le nouveau Testament n'ayant laissé aucun précepte sur ce point, on en a conclu qu'une pareille union était légitime ou du moins sujette à controverse. On ne sait trop non plus si Hérode a épousé la femme de son père avant ou après sa mort, et par conséquent on n'est pas fixé sur la nature même du crime que Jean lui reprochait (Mt 14,3-6). Doit-on admettre au baptême une concubine, qui s'est engagée à ne jamais connaître d'autre homme et qui même a été renvoyée par son séducteur? Le cas est douteux et à j este titre. Il ne faut pas non plus confondre ensemble le mari outragé qui se sépare d'avec sa femme et en prend une autre, et celui qui, sans avoir surpris sa femme en adultère, divorce et contracte un nouveau mariage. Les textes sacrés sont tellement obscurs sur ce point qu'il est difficile de décider si un mari, tout en pouvant renvoyer sa femme adultère, ne devient pas lui-même adultère en formant une nouvelle union: dans ce cas je crois, autant que j'en puis juger, l'erreur vénielle. Par conséquent tous les péchés d'impureté, quand ils sont évidents, entraînent l'exclusion du baptême, à moins qu'ils ne soient expiés par une conversion sincère et par la pénitence; sont-ils douteux et mal définis? il faut empêcher par tous les moyens ces mariages équivoques. Car à quoi bon compromettre un principe dans de pareilles énigmes? Toutefois si le mariage est déjà consommé, j'inclinerais à croire qu'on ne doit pas refuser le baptême.


CHAPITRE XX. COMMENT FAUT-IL PROCÉDER A LA GUÉRISON DE CEUX QUI DOIVENT ÊTRE BAPTISÉS?


3036 36. Pour garder dans son intégrité la véritable doctrine qui défend d'assurer à tout péché mortel une dangereuse sécurité ou de l'environner d'un prestige funeste, voici l'ordre dans lequel on doit procéder à la guérison des catéchumènes: ils doivent croire en Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, selon la formule du Symbole: faire pénitence des oeuvres de mort, et être persuadés qu'ils vont recevoir dans le baptême la rémission de leurs péchés, non pour être autorisés à pécher dans l'avenir, mais pour être exempts des peines attachées à leurs fautes dans le passé: car la rémission du péché n'entraîne pas la liberté de le commettre. Sont-ils dans ces dispositions? alors on peut leur appliquer, dans un sens tout spirituel, ce passage: «Tu es guéri, ne pèche, plus (Jn 5,14).» Si le Seigneur, en effet, a parlé ici de la santé du corps, c'est qu'il savait bien que l'affaiblissement des organes était chez celui qu'il avait guéri une suite de ses péchés. Mais je ne sais pas dans quel sens nos adversaires pourraient dire à celui qui entré adultère dans le bain sacré en sort adultère: «Tu es guéri.» Quelle maladie serait donc mortelle, si l'adultère était la,santé même?



CHAPITRE XXI. CONDUITE DES APOTRES. - LES JUIFS NE SESONT-ILS PERDUS QUE PAR LEUR INCRÉDULITÉ? - LE ROYAUME DU CIEL, SOUFFRE VIOLENCE.


3037 37. Mais, objecte-t-on encore, parmi les trois mille hommes qui furent baptisés le même jour par les Apôtres, ou dans la multitude des fidèles auxquels Paul a annoncé l'Evangile depuis Jérusalem (571) jusqu'aux confins de l'Illyrie (1); il a dû se rencontrer des hommes et des femmes unis ensemble au mépris (le la foi conjugale: l'Apôtre devait en ce cas établir une règle destinée à guider les Eglises et décider qu'on devait refuser le baptême à tous ceux qui n'auraient pas renoncé à l'adultère. - N'est-il pas aisé de rétorquer cet argument en demandant qu'on cite le nom d'un seul homme admis au baptême, malgré ses liaisons criminelles? D'autre part n'est-il pas impossible d'énumérer les fautes particulières de chaque individu? Ce calcul serait interminable et fort inutile, puisque la règle établie par Pierre dans sa longue exhortation à ceux qui devaient être baptisés: «sauvez-vous de cette génération perverse (2),» suffit par son universalité. Car peut-on douter que la corruption du;monde n'embrasse à la fois l'adultère et ceux qui s'obstinent dans cette iniquité. En suivant ce principe, il faudrait également soutenir qu'il a pu se rencontrer dans cette multitude de fidèles répandus chez toutes les nations, des prostituées, malheureuses qu'aucune Eglise n'a jamais admises avant de les avoir tirées de leur infâme métier, et que l'Apôtre aurait dû fixer les conditions auxquelles on pouvait les admettre ou les exclure. Mais on peut conclure du moins au plus: Les publicains qui se présentèrent au baptême de Jean reçurent ordre de ne pas exiger au delà de ce qui était convenu (3); je serais fort surpris que l'adultère fut autorisé chez ceux qui se présentent au baptême de Jésus-Christ.

3038 38. On cite encore les Israëlites dont la ruine complète vient, non des crimes énormes qu'ils ont commis, non du sang des prophètes qu'ils ont répandu tant de fois, mais de l'incrédulité qui leur a fait méconnaître le Christ. On oublie que le péché des Juifs n'est pas seulement d'avoir renié le Christ, mais de l'avoir immolé: leur crime tient de la barbarie autant que de l'incrédulité c'est une iniquité autant qu'un manque de foi. Or ce double péché ne se rencontre pas chez celui qui a la foi en Jésus-Christ, non la foi morte qui n'est pas étrangère même aux dénions (4), mais la foi de la grâce qui opère par la charité (5).

3039 39. Voilà la foi que désigne ce passage: «Le royaume des cieux est au dedans de vous (6).» Car ceux-là seuls le ravissent qui obtiennent par la vivacité de la foi l'Esprit de charité; car la charité renferme toute la loi (7), et séparée d'elle, la loi n'est plus qu'une lettre morte qui rend coupable

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Rm 15,19 - 2 Ac 2,40-41 - 3 Lc 3,13 - 4 Jc 2,19-20 - 5 Ga 5,6 - 6 Lc 17,21 - 7 Rm 13,10

du crime même de prévarication. On se tromperait donc si on croyait que cette parole: «Le royaume des cieux souffre violence et les violents le ravissent (1),» signifie que les méchants obtiennent parla vivacité de leur foi et malgré l'indignité de leur conduite le royaume des cieux: elle nous enseigne seulement que l'accusation de prévarication sous le coup de laquelle nous laissait la loi, je veux dire, la lettre sans l'esprit, tombe par la vertu de la foi dont la vivacité nous fait obtenir le Saint-Esprit: par lui, la charité se répand dans nos coeurs (2), et la loi s'accomplit moins par crainte du châtiment que par amour de la justice.



CHAPITRE XXII. LA VRAIE CONNAISSANCE DE DIEU. - LES PÉCHEURS CONVERTIS DOIVENT SEULS COMPTER SUR L'INDULGENCE: LES IMPÉNITENTS EN SONT INDIGNES.


3040 40. C'est donc en vain qu'un esprit léger s'imagine connaître Dieu, quand il le confesse avec une foi morte, je veux dire, sans les bonnes oeuvres, à la manière des démons, et qu'il se flatte d'arriver à la vie éternelle, en s'appuyant sur ce passage: «La vie éternelle consiste à vous con«naître, vous qui êtes le seul Dieu véritable et Jésus-Christ que vous avez envoyé (3).» On devrait en effet se rappeler cet autre passage: «Nous sommes assurés que nous le connaissons, si nous observons ses commandements. Celui qui dit qu'il le connaît et qui n'observe pas ses commandements, est un menteur et la vérité n'est point en lui (4).» Croirait-on que ces commandements n'ont rapport qu'à la foi? Bien que personne n'ait osé soutenir cette opinion, l'expression de commandements empêche l'esprit de songer à une foule d'autres préceptes en lui rappelant les deux commandements qui résument la loi et les prophètes . Bien qu'on puisse dire avec raison que les commandements de Dieu se rattachent à la foi, si l'on entend par là, non la foi morte, mais la foi vivante qui agit par la charité, touefois Jean a lui-même expliqué ailleurs sa pensée en disant: «Voici son commandement, croire au nom de Jésus-Christ et nous aimer les uns les autres (6).»

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Mt 11,12 - 2 Rm 5,5 - 3 Jn 17,3 - 4 1Jn 11,3-4 - 5 Mt 22,40 - 6 1Jn 3,23

3041 41. Le bienfait que nous vaut la grâce de croire sincèrement en Dieu, d'honorer Dieu, de connaître Dieu, c'est d'obtenir, son assistance pour bien vivre, sa miséricorde, si nous avons (572) péché; et,nous obtenons cette faveur, non en persévérant avec indifférence dans les désordres qu'il condamne, mais en y renonçant. «Seigneur, ai-je dit, ayez pitié de moi; guérissez mon âme, «parce que j'ai péché contre vous (1).» Or, on ne,sait à quel être adresser ce langage, si on ne croit pas en Dieu, et on le tient inutilement, si on est éloigné de lui,pour n'avoir aucune part à la grâce da Médiateur. De là cette parole tirée du livre de la Sagesse, et entendue, je ne sais comment, par les gens qui s'endorment dans une.fausse sécurité . «Eussions-nous péché, nous vous appartenons.» Car, si notre Dieu- est assez bon et assez puissant pour avoir le désir et le pouvoir de guérir le péché accompagné du repentir, il ne pousse pas la faiblesse jusqu'à craindre, de pendre ceux qui s'endurcissent dans leur crime. Aussi le Sage après avoir dit: «Nous vous appartenons,» ajoute-t-il: «Nous qui connais sons votre puissance» puissance infinie dont le pécheur ne peut éviter ni les coups ni les regards. Et il conclut: «Nous ne pécherons plus en nous rappelant que nous vous appartenons (2).» Pourrait-on en effet concevoir dans toute sa beauté le séjour que doivent habiter avec Dieu tous ceux qui y sont prédestinés d'après les conseils éternels, sans s'efforcer de mener une vie digne de cette demeure céleste lorsque Jean s'exprime ainsi: «Je vous ai écrit ces choses pour que vous ne péchiez plus cependant si quelqu'un pèche, nous avons, auprès du Père, Jésus-Christ, le juste par excellence: c'est lui qui intercède pour nos péchés (3),» veut-il que nous péchions sans crainte? Non; il veut que, renonçant aux péchés que nous avons pu commettre, nous ayons confiance dans l'avocat qui manque aux infidèles, pour ne point désespérer de la miséricorde divine.


CHAPITRE XXIII. MAUVAISE INTERPRÉTATION. - LE MOT JUGEMENT DANS L'ÉCRITURE.


3042 42. Si le passage que nous venons de citer ne permet guère à ceux qui veulent croire en Dieu sans interrompre leurs désordres, de compter sur un sort heureux, ils doivent trouver plus menaçant encore celui où l'Apôtre dit: «Ceux qui ont péché sans la loi seront punis sans la loi: ceux qui ont péché sous la loi seront jugés d'après la loi (4).» On croirait que ces deux expressions

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Ps 40,5 - 2 Sg 15,2 - 3 1Jn 2,12 - 4 Rm 2,12

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«être punis» et «être jugés» sont différentes: cependant elles sont rigoureusement synonymes. Dans le langage ordinaire de l'Ecriture le mot jugement signifie damnation éternelle: c'est dans ce sens que l'emploie Notre-Seigneur: «Le moment viendra où ceux qui sont dans le tombeau entendront la voix: du Fils de Dieu; et ceux qui auront fait le bien ressusciteront pour la vie éternelle; ceux qui auront fait le mal ressusciteront pour être jugés (1),» ou condamnés. Et ici on ne parle pas de ceux qui ont eu la foi ou qui ont été incrédules: il n'est question que de ceux qui ont fait le bien et de ceux qui ont fait le mal. Car la vie honnête est inséparable de la foi agissant par la charité, ou plutôt elle y est renfermée tout entière. Il est donc clair que par «résurrection suivie du jugement,» le Seigneur entend la résurrection suivie de la damnation éternelle. Car il range en deux classes tous ceux qui ressusciteront, sans excepter les incrédules qui eux aussi sont dans le tombeau, en déclarant que les uns ressusciteront pour la vie éternelle; les autres pour être jugés.

3043 43. Soutiendra-t-on que ce passage ne désigne pas les incrédules, mais les croyants que leur foi sauvera à travers les flammes, malgré leur vie criminelle, et qu'il faut entendre par le terme de jugement la peine passagère à laquelle ils seront condamnés? Ce langage serait bien impudent après que le Seigneur a partagé tous ceux qui ressusciteront, sans excepter les incrédules, en deux classes distinguées par les termes de «vie» et de «jugement:» il désignait donc implicitement la vie et le jugement éternels, d'autant plus qu'il ne qualifie pas d'éternelle la vie à laquelle ressusciteront les bons, bien qu'on ne puisse attacher un autre sens à son expression. Mais que répondra-t-on à ce passage: «Celui qui ne croit pas est déjà jugez?» Ici en effet on est dans l'alternative ou de reconnaître que le jugement implique la damnation éternelle, ou d'admettre hardiment que les incrédules eux-mêmes s'échapperont a travers le feu, le mot jugé, dans ce passage, signifiant destiné au jugement: «Celui qui ne croit pas est déjà jugé.» A ce titre, on ne promettrait pas une faveur merveilleuse aux croyants qui vivent dans le mal, puisque les incrédules aussi auraient à subir un jugement plutôt qu'une condamnation. N'est-on pas assez hardi pour tenir ce tangage? Qu'on n'ait plus alors la hardiesse de flat ter d'une douce espérance ceux dont

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Jn 5,28-29 - 2 Rm 3,18

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il a été dit: «Ils seront jugés au nom de la loi;» car il est incontestable que le mot jugement est d'ordinaire synonyme de damnation éternelle.
Ajouterai-je que ceux qui pèchent sciemment sont menacés un sort bien plus rigoureux, loin d'avoir à espérer un traitement plus doux Ces pécheurs sont principalement ceux qui ont admis la loi. Car, selon qu'il est écrit, «Où il n'y a point de loi, il n'y a point de transgression (1);» et ailleurs: «Je n'aurais point connu la convoitise, si la loi ne m'eût dit: Tu ne convoiteras point. Ainsi l'habitude vicieuse prenant occasion du précepte a fait naître en moi toutes sortes de mauvais désirs (2).» J'omets une foule de passages où l'Apôtre traite ce point de doctrine. Cette accusation est plus grave, mais elle tombe, sous l'influence de la grâce du Saint-Esprit, au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ: la grâce, en effet, se répandant par la charité au fond de nos coeurs, nous inspire pour la justice un amour capable d'arrêter les entraînements de la concupiscence. C'est la preuve évidente que «ceux qui seront jugés d'après la loi sous l'empire de laquelle ils ont péché» subiront un châtiment plus sévère et plus rigoureux que ceux qui, ayant péché en dehors de la loi, seront condamnés en dehors de la loi: le mot jugement ne désigne donc pas dans cet endroit un supplice passager, mais la peine même qui sera décernée contre les incrédules.

3044 44. En effet s'appuyant sur ce passage: «Ceux qui ont péché en dehors de la loi, seront jugés en dehors de la loi; ceux qui ont péché sous l'empire de la loi seront jugés d'après la loi,» pour entretenir dans les fidèles, attachés à une vie déréglée, l'espoir de se sauver à travers les flammes, comme s'il était question ici qu'au lieu de périr, ils seront purifiés par le feu, on n'a oublié qu'un point: c'est que l'Apôtre, parlant à la fois aux Juifs et aux Gentils, avait en vue les pécheurs soumis à la loi ou étrangers à ses prescriptions . Il voulait prouver aux uns et aux autres que la grâce de Jésus-Christ était la condition indispensable de leur salut, vérité capitale qui fait le fond de la lettre aux Romains. Qu'on n'hésite donc pas à promettre aux Juifs prévaricateurs qui vivent sous l'empire de la loi et qui «seront jugés d'après la loi,» que le feu les purifiera sans la grâce de Jésus-Christ parce qu'ils «seront jugés d'après la loi.» N'ose-t-on aller jusque-là dans la crainte de se contredire et de nier, après

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Rm 4,16 - 2 Rm 7,7-8

l'avoir reconnue,. l'accusation accablante d'incrédulité qui pèse sur les Juifs? Pourquoi alors appliquer aux fidèles et aux incrédules et ramener à une question de foi en Jésus-Christ un passage relatif à ceux qui ont péché sans la Loi ou avec la Loi, et inspiré à propos des Juifs et des Gentils, dans l'unique but de les attirer à la grâce de Jésus-Christ?
On n'a pas dit en effet: ceux qui ont péché, n'étant pas sous l'empire de la foi, seront condamnés au nom de la foi: non, il ne s'agit que de la Loi, et delà il ressort évidemment que toute la question roule sur la discussion qui se débattait alors entre les Juifs et les Gentils, et qu'elle, n'a aucun rapport au bons et aux mauvais chrétiens.




Augustin, de la foi 3027