Augustin sur Jean 48

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QUARANTE-HUITIÈME TRAITÉ

Jn 10,22-42

LE CHRIST, FILS DE DIEU.

DEPUIS CET ENDROIT: "LES FÊTES DE LA DÉDICACE SE FIRENT A JÉRUSALEM", JUSQU'À: "OR TOUT CE QUE JEAN DIT DE LUI ÉTAIT VRA1,ET BEAUCOUP CRURENT EN LUI".


A l'occasion de la Dédicace, les Juifs rencontrèrent Jésus au temple, et voulant le surprendre dans ses paroles, ils lui demandèrent s'il était le Christ. En leur faisant dire ce qu'ils ne voulaient pas, il les amena jusqu'à leur parler de sa qualité de Fils de Dieu, de sa puissance, de ses oeuvres; puis, comme ils prenaient des pierres pour les lui jeter, il se retira au-delà du Jourdain, et y trouva des hommes qui crurent en lui.

1. Ainsi que je l'ai déjà recommandé à votre charité, vous devez certainement vous rappeler que Jean l'évangéliste ne veut pas que nous soyons toujours nourris de lait, mais bien de mets plus solides. Quiconque n'est pas encore propre à prendre la solide nourriture de la parole de Dieu, doit se nourrir du lait de la foi, et la parole qu'il ne peut comprendre, il doit la croire sans hésiter; car la foi, c'est le mérite; l'intelligence en est la récompense; dans le travail même de son attention, notre esprit épuise toute sa perspicacité pour écarter les ténèbres inhérentes à notre humanité et s'éclairer à la parole de Dieu. Nous ne refuserons donc pas la peine du travail, si l'amour nous anime; car, vous le savez, celui qui aime ne se fatigue pas, et tout travail est pénible pour ceux qui n'aiment point. Si la cupidité aide les avares à supporter tant de peines, l'amour n'en fera-t-il pas autant pour nous?

2. Ecoutez l'Evangile: "Or, les fêtes de la Dédicace (encoenia) se firent à Jérusalem". C'était la fête de la Dédicace du temple. En grec, en effet, le mot xainon veut dire nouveau. A chaque fois qu'une chose nouvelle est dédiée, on appelle cela (encoenia), et même aujourd'hui l'usage a consacré cette expression: si quelqu'un revêt une tunique neuve, on dit de lui: encoeniat. Le jour où le temple avait été dédié, les Juifs l'observaient avec solennité, et c'était cette fête même qu'on solennisait quand le Seigneur prononça les paroles qu'on vient de lire.

3. "C'était l'hiver, et Jésus se promenait dans le temple, sous le portique de Salomon; les Juifs l'environnèrent donc et ils lui disaient: "Jusques à quand tiendrez-vous notre âme en suspens? Si vous êtes le Christ, dites-le nous ouvertement". Ce n'était pas la vérité qu'ils désiraient, mais une calomnie qu'ils préparaient. "C'était l'hiver"; et ils étaient froids, car ils étaient lents à s'approcher de ce feu divin: s'approcher, c'est croire; qui croit, s'approche; qui nie, s'éloigne. Ce n'est pas avec les pieds que l'âme se met en mouvement, mais par les sentiments. Ils étaient devenus froids faute de charité et d'amour, et ils brûlaient du désir de nuire: ils étaient loin de lui, et ils étaient là; ils n'approchaient pas de lui en croyant, et ils le prenaient en le persécutant. Ils voulaient entendre dire au Seigneur: Je suis le Christ; et peut-être n'avaient-ils du Christ que des idées humaines. Les Prophètes ont annoncé le Christ, mais les hérétiques ne reconnaissent la divinité du Christ ni dans les prophéties, ni même dans l'Evangile; combien les Juifs le pouvaient-ils moins, tant qu'ils avaient un voile sur le coeur (2Co 3,15)! Enfin, dans un certain endroit de l'Evangile, le Seigneur Jésus sachant qu'ils ne connaissaient le Christ que comme homme et non comme Dieu, en tant qu'il était homme et non en tant qu'il restait Dieu, même après s'être revêtu de notre humanité, leur dit: "Que vous semble-t-il du Christ? de qui est-il fils?" Ils répondirent selon leur manière de penser: "De David"; ils avaient lu ainsi, et ils ne retenaient que cela, car ils lisaient bien qu'il était Dieu, mais ils ne comprenaient pas. Cependant, pour les étonner et les porter à chercher sa divinité, lui dont ils méprisaient (655) l'infirmité, le Seigneur leur répondit: "Comment donc David inspiré l'appelle-t-il Seigneur, disant: Le Seigneur a dit à mon Seigneur: Asseyez-vous à ma droite, jusqu'à ce que je place vos ennemis sous vos pieds? Si donc David inspiré l'appelle Seigneur, comment est-il son fils (Mt 22,12-15)?" Il ne nie point, il interroge. Que personne, en entendant ces paroles, ne pense que le Seigneur Jésus a nié qu'il fût vraiment fils de David: si Jésus-Christ eût nié qu'il était le fils de David, il n'aurait pas rendu la vue aux aveugles qui l'invoquaient sous ce nom-là. Comme il passait un jour, deux aveugles, assis le long du chemin, se mirent à crier: "Fils de David, ayez pitié de nous"; entendant ces paroles, Jésus eut pitié d'eux; il s'arrêta, les guérit et leur rendit la vue (Mt 20,30-34), parce qu'il reconnut son nom. Aussi l'apôtre Paul dit: "Il est né du sang de David, selon la chair (Rm 1,3)"; écrivant à Timothée, il dit encore "Souviens-toi que Jésus-Christ, qui est né de la race de David, est ressuscité d'entre les morts, selon mon Evangile (2Tm 2,8)". Comme la Vierge Marie tirait son origine de la race de David, le Seigneur était du sang de David.

4. Ce n'était pas sans intention que les Juifs interrogeaient Jésus-Christ; s'il répondait le suis le Christ, comme ils ne voyaient en lui que sa descendance de la race de David, ils l'accuseraient malicieusement de s'arroger le pouvoir royal; mais il leur fit une réponse bien plus relevée; ils ne voulaient l'accuser que de se faire le fils de David, il leur répondit qu'il était le Fils de Dieu. Et comment? Ecoutez: "Jésus leur répondit: Je vous parle et vous ne me croyez pas; les oeuvres que je fais au nom de mon Père rendent témoignage de moi; mais vous, vous ne croyez pas, parce que vous n'êtes pas de mes brebis". Déjà plus haut (5) vous avez appris quelles sont ces brebis; soyez donc ces brebis: on devient brebis en croyant, en suivant le Pasteur, en ne méprisant pas le Rédempteur, en entrant par la porte, en sortant et en trouvant les pâturages, en jouissant de la vie éternelle. Comment donc leur dit-il: "Vous n'êtes pas de mes brebis?" Parce qu'il les voyait prédestinés à la mort éternelle, et non pas rachetés au prix de son sang pour la vie éternelle.

5. Traité XLV.

5. "Mes brebis écoutent ma voix, et je les connais, et elles me suivent, et moi je leur donne la vie éternelle". Voilà les pâturages. Si vous vous le rappelez, il avait dit plus haut: "Et il entrera, et il sortira, et il trouvera des pâturages". Nous sommes entrés en croyant, nous sortons en mourant. Mais comme nous sommes entrés par la porte de la foi, de même soyons pleins de foi en sortant de notre corps. C'est ainsi qu'il nous faut sortir par la porte même, pour trouver les pâturages. Ces bons pâturages, c'est la vie éternelle. Là, aucune herbe ne sèche; tout y est vert, tout y est vigoureux. Il est une herbe qu'on appelle toujours vivante; mais là seulement se trouve la vraie vie. "Je leur donnerai", dit-il, "la vie éternelle", à mes brebis. Pour vous, vous cherchez une occasion de me calomnier, parce que vous ne pensez qu'à la vie présente.

6. "Et elles ne périront pas à jamais". C'est comme s'il leur eût dit: Mais vous, vous périrez à toujours, parce que vous n'êtes pas de mes brebis. "Personne ne les a arrachera de ma main". Ecoutez encore plus attentivement: "Ce que mon Père m'a donné est plus grand que toutes choses". Que peut le loup? que peuvent le voleur et le larron? Ils ne perdent que-les prédestinés à la mort. Mais pour les brebis dont l'Apôtre dit: "Le Seigneur connaît ceux qui sont à lui (1)"; et encore: "Ceux qu'il a connus d'avance, ceux-là il les a aussi prédestinés; ceux qu'il a prédestinés, il les a aussi appelés; ceux qu'il a appelés, il les a aussi justifiés; et ceux qu'il a justifiés, il les a aussi glorifiés (2)"; pour ces brebis, le loup ne peut les ravir, ni le voleur les enlever, ni le larron les mettre à mort. Il est assuré de leur nombre, Celui qui sait ce qu'il adonné pour elles, et c'est ce qu'il dit: "Nul ne les arrachera de ma main"; et encore ce qu'il dit pour son Père: "Ce que mon Père m'a donné est plus grand que toutes choses". Qu'est-ce donc que le Père a donné au Fils, qui soit plus grand que toutes choses? Il lui a donné d'être son Fils unique. Qu'est-ce donc à dire: "Il a donné?"Etait-il déjà pour qu'il lui donnât, ou lui a-t-il donné en l'engendrant? Car s'il était déjà pour, que le Père lui donnât d'être le Fils, alors il aurait existé pendant

1. 2Tm 2,19.- 2. Rm 8,29-30.

656

un certain temps sans être le Fils; loin de nous de dire qu'il y a eu un temps où le Seigneur-Christ a existé sans être le Fils. De nous cela peut se dire; pendant un temps nous étions fils des hommes, nous n'étions pas fils de Dieu. Nous, c'est la grâce qui nous a faits fils de Dieu; Lui, c'est sa nature, parce qu'il est né tel, et vous n'avez pas lieu de dire: Il n'était pas avant d'être né; car en aucun temps on ne peut dire: Il n'était pas né, Celui qui est coéternel au Père. Que celui qui goûte ces choses comprenne; s'il ne comprend pas, qu'il croie; qu'il s'en nourrisse et il comprendra. Le Verbe de Dieu est toujours avec le Père et toujours Verbe; et parce qu'il est le Verbe, il est le Fils. Il est donc toujours le Fils et toujours égal au Père. Car ce n'est pas en raison de sa croissance, mais en raison de sa naissance qu'il est égal au Père, lui qui toujours est né Fils du Père, Dieu de Dieu, coéternel de l'Eternel. Le Père n'est pas Dieu par son Fils, tandis que le Fils est Dieu par son Père. C'est pourquoi le Père, en engendrant son Fils, lui a donné d'être Dieu et de lui être coéternel et égal. Voilà ce qui est plus grand que toutes choses. Mais comment le Fils est-il la vie, et comment le Fils a-t-il la vie? C'est qu'il est lui-même ce qu'il a: pour toi, autre chose est ce que tu es, autre chose est ce que tu as. Par exemple, tu as la sagesse, es-tu pour cela la sagesse même? C'est pourquoi, comme tu n'es pas toi-même ce que tu as, si tu perds ce que tu as, tu reviens à ne plus l'avoir; et tantôt tu le reprends, et tantôt tu le perds. C'est ainsi que notre oeil n'a pas en lui-même la lumière, de manière à n'en être jamais séparé: il s'ouvre et il la reçoit; il se ferme et il la perd. Mais ce n'est pas ainsi que le Fils de Dieu est Dieu; ce n'est pas ainsi qu'est le Verbe du Père; ce n'est pas ainsi qu'est cette Parole qui ne s'évanouit pas avec le son, mais qui, étant née, demeure toujours. Il a la sagesse de telle sorte qu'il est lui-même la sagesse et qu'il fait les sages. Il a la vie de telle façon qu'il est lui-même la vie et qu'il fait vivre tout ce qui vit. Voilà ce qui est plus grand que toutes choses. L'évangéliste Jean, voulant parler du Fils de Dieu, a considéré le ciel et la terre; et après les avoir considérés, il s'est élevé au-dessus d'eux; il a considéré les milliers d'anges rangés en bataille bien au-dessus du ciel, et comme l'aigle s'élève au-dessus des nues, son âme s'est élevée au-dessus de toute créature; il s'est élevé au-dessus de tout ce qui est grand; il est parvenu à ce qui est plus grand que toutes choses, et il a dit: "Au commencement était le Verbe (Jn 1,1)". Mais comme Celui dont il est le Verbe n'est pas du Verbe, et que le Verbe est de Celui dont il est le Verbe, il dit: "Ce que m'a donné le Père", c'est-à-dire que je sois son Verbe, que je sois son Fils unique, que je sois la splendeur de sa lumière, "ce que m'a donné le Père est plus grand que toutes choses". C'est pourquoi "personne ne ravit", dit-il, "mes brebis de ma main. "Personne ne peut les enlever de la main de mon Père".

7. "De ma main" et "de la main de mon Père" . Qu'est-ce que cela veut dire: "Personne ne ravit de ma main", et: "personne ne ravit de la main de mon Père?" Est-ce que la main du Père est la même que la main du Fils? ou bien le Fils lui-même est-il la main de son Père? Si, par la main, nous entendons la puissance, une est la puissance du Père et du Fils, parce que une est leur divinité. Mais si cette main nous l'entendons dans le sens du Prophète: "Et le bras du Seigneur à qui a-t-il été révélé (Is 53,1)?" le Fils est lui-même la main du Père. Ce qui ne veut pas dire que Dieu a la forme humaine et un corps composé de membres. Car les hommes eux-mêmes ont coutume de nommer leurs mains les autres hommes par l'intermédiaire desquels ils font ce qu'ils veulent. Quelquefois aussi on appelle main d'un homme l'oeuvre que cet homme fait avec sa main; c'est ainsi que chacun dit reconnaître sa main lorsqu'il reconnaît ce qu'il a écrit. Si donc on entend de plusieurs façons la main de l'homme qui a réellement une main parmi les membres de son corps, à combien plus juste titre ne devons-nous pas entendre d'une seule manière ce qui est dit de la main de Dieu qui n'a aucune forme corporelle? En cet endroit il vaut mieux, par la main du Père et du Fils, entendre la puissance du Père et du Fils; car nous prenons la main du Père pour le Fils. Quelqu'un, dans une pensée toute charnelle, pourrait s'imaginer que le Fils a aussi un Fils, et regarder celui-ci comme la main du Christ. Donc: "Personne ne ravit de la main de mon Père"; c'est-à-dire, personne ne ravit à moi-même.

(657) 8. Mais n'hésite plus, car écoute ce qui suit: "Mon Père et moi sommes un". Jusque-là les Juifs avaient pu supporter ce qu'il leur disait; mais quand ils entendirent: "Mon Père et moi sommes un", ils ne l'endurèrent plus, et, pleins de dureté selon leur coutume, ils coururent aux pierres: "Ils prirent des pierres pour le lapider". Mais comme le Seigneur ne souffrait pas ce qu'il ne voulait pas souffrir, et qu'il n'a souffert que ce qu'il a voulu, il continue à leur parler, quoiqu'ils veuillent le lapider. "Les Juifs prirent des pierres pour le lapider. Jésus leur répondit: Je vous ai montré beaucoup de bonnes oeuvres de la part de mon Père; pour laquelle de ces oeuvres me lapidez-vous? Et ils lui répondirent: Ce n'est pas pour une bonne oeuvre que nous te lapidons, mais pour ton blasphème et parce qu'étant homme, tu te fais toi-même Dieu" . Ainsi répondaient-ils à ce qu'il avait dit "Mon Père et moi sommes un". Les Juifs comprenaient donc ce que ne comprennent pas les Ariens. Et ils s'indignèrent, parce qu'ils comprenaient qu'on ne pouvait dire: "Mon Père et moi sommes un", que s'il y a égalité du Père et du Fils.

9. Mais voyez ce que le Seigneur répondit à ces hommes lents à comprendre; voyant qu'ils ne pouvaient supporter la splendeur de la vérité, il en tempéra l'éclat par ces paroles: "N'est-il pas écrit dans votre loi", c'est-à-dire, dans la loi qui vous a été donnée: "J'ai dit: Vous êtes dieux?" Dieu, en effet, dit aux hommes par son Prophète, dans un psaume: "J'ai dit: Vous êtes dieux (Ps 81,6)". Ici le Seigneur appelle loi toutes les Ecritures en général, quoique ailleurs il désigne la loi d'une manière particulière et la distingue des Prophètes; comme quand il dit: "La loi et les Prophètes jusqu'à Jean (Lc 16,16)"; et encore: "Dans ces deux commandements sont renfermés toute la loi et les Prophètes (Mt 22,10)". Quelquefois il partage les Ecritures en trois parties, lorsqu'il dit: "Il fallait que s'accomplît tout ce qui est écrit de moi dans la loi, les Prophètes et les psaumes (Lc 14,44)" . Mais maintenant il désigne sous le nom de loi les psaumes eux-mêmes où se trouvent écrites ces paroles: "J'ai dit: Vous êtes dieux. Si la loi appelle dieux ceux à qui la parole de Dieu a été adressée, et l'Ecriture ne peut être détruite: moi que le Père a sanctifié et envoyé dans le monde, pourquoi dites-vous que je blasphème parce que j'ai dit: Je suis le Fils de Dieu?" Si la parole de Dieu a été adressée aux hommes de manière à ce qu'ils fussent appelés dieux, le Verbe même de Dieu qui est en Dieu pourrait-il ne pas être Dieu? Si par la parole de Dieu les hommes deviennent dieux, si en participant à cette parole ils deviennent dieux, celui auquel ils participent n'est-il pas Dieu? Si les lumières éclairées sont elles-mêmes des dieux, la lumière qui éclaire n'est-elle pas Dieu? Si, pour s'être réchauffées à ce feu salutaire, les créatures deviennent dieux, ce feu qui les réchauffe n'est-il pas Dieu? Tu t'approches de la lumière, tu en es éclairé, et l'on te compte parmi les fils de Dieu; si tu t'éloignes de la lumière, tu es dans l'obscurité et dans les ténèbres. Mais cette lumière ne s'approche pas d'elle-même, parce qu'elle ne s'en éloigne pas. Si donc la parole de Dieu vous fait dieux, comment le Verbe de Dieu ne serait-il pas Dieu? Le Père a donc sanctifié son Fils et l'a envoyé dans le monde. Quelqu'un dira peut-être: Si le Père l'a sanctifié, il n'a donc pas toujours été saint? Il l'a sanctifié comme il l'a engendré. Qu'il fût saint, il le lui a donné en l'engendrant, parce qu'il l'a engendré saint. Car si ce qui est sanctifié ne pouvait pas être saint auparavant, comment pourrions-nous dire à Dieu le Père: "Que votre nom soit sanctifié (Mt 6,9)?"

10. "Si je ne fais pas les oeuvres de mon Père, ne me croyez pas; mais si je les fais, et si vous ne voulez pas me croire, croyez à mes oeuvres, afin que vous sachiez et que vous croyiez que le Père est en moi et moi en lui". Le Fils ne dit pas: "Le Père est en moi et moi en lui", comme peuvent le dire les hommes. Car si nos pensées sont bonnes, nous sommes en Dieu, et si nous vivons saintement, Dieu est en nous. Si nous lui sommes fidèles, que nous participions à sa grâce, et que nous soyons illuminés par lui; nous sommes en lui, et il est en nous. Mais il n'en est pas ainsi pour le Fils unique; il est dans le Père et le Père est en lui, comme un égal est dans celui à qui il est égal. Enfin quelquefois nous pouvons dire: Nous sommes en Dieu et Dieu est en nous; mais pouvons- (658) nous dire: Dieu et moi sommes une même chose? Tu es en Dieu, parce que Dieu te contient; Dieu est en toi, parce que tu es devenu son temple. Mais de ce que tu es en Dieu et que Dieu est en toi, peux-tu dire: Celui qui me voit, voit Dieu: comme le Fils unique a dit: "Qui m'a vu, a vu aussi le Père (Jn 14,9)", et encore: "Le Père et moi sommes un?" Reconnais le bien propre du Seigneur, et la faveur faite par lui à son serviteur. Le propre du Seigneur, c'est l'égalité avec le Père; la faveur accordée au serviteur, c'est la participation à la grâce du Sauveur.

11. "Ils cherchaient donc à le saisir". Plût à Dieu qu'ils l'eussent saisi, mais en croyant en lui, en le comprenant, et non pas en le maltraitant et en le mettant à mort. Car maintenant, mes frères, quand je vous parle de ces choses, et que, faible, je vous annonce des choses fortes, petit, des choses grandes, fragile, des choses solides, vous qui êtes tirés de la même masse dont je suis sorti, et moi-même qui vous parle, tous ensemble nous voulons saisir Jésus-Christ. Mais qu'est-ce que le saisir? Si tu l'as compris, tu l'as saisi. Mais ce n'est pas ce que voulaient les Juifs. Tu l'as saisi, afin de l'avoir. Eux voulaient le saisir pour ne plus l'avoir, et parce qu'ils voulaient le prendre ainsi, que leur fit-il? "Il sortit d'entre leurs mains". Ils ne le saisirent pas, parce qu'ils n'avaient pas les mains de la foi.
Le Verbe s'est fait chair, mais ce n'était pas chose difficile pour le Verbe d'arracher sa chair de ces mains de chair. Saisir spirituellement le Verbe, c'est saisir Jésus-Christ comme il faut.

12. "Et il s'en alla au-delà du Jourdain, en ce lieu où Jean baptisait au commencement, et il resta là. Et beaucoup venaient vers lui et disaient: Jean n'a fait aucun miracle". Vous vous le rappelez, nous vous avons dit de Jean qu'il était une lampe et qu'il rendait témoignage au jour (Jn 5,33-35). Pourquoi donc disent-ils en eux-mêmes: Jean n'a fait aucun miracle? Jean, disent-ils, ne nous a montré aucun miracle; il n'a pas chassé les démons; il n'a pas guéri de la fièvre; il n'a pas rendu la vue aux aveugles; il n'a pas ressuscité les morts; il n'a pas nourri plusieurs milliers d'hommes avec cinq ou sept pains; il n'a pas marché sur la mer; il n'a pas commandé aux vents et aux flots: Jean n'a rien fait de ces choses; mais tout ce qu'il disait lui rendait témoignage. Par le moyen de cette lampe, arrivons donc au jour: "Jean n'a fait aucun miracle; mais toutes les choses que Jean a dites de lui étaient vraies". Ceux-là ont saisi Jésus, mais non de la même façon que les Juifs. Les Juifs voulaient le saisir pendant qu'il s'éloignait. Ceux-là l'ont saisi pendant qu'il restait au milieu d'eux. Enfin, que dit l'Evangéliste? "Et beaucoup crurent en lui".



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QUARANTE-NEUVIÈME TRAITÉ

Jn 11,1-54

RÉSURRECTION DE LAZARE.

DEPUIS L'ENDROIT OÙ IL EST DIT: "OR IL Y AVAIT UN MALADE NOMMÉ LAZARE", JUSQU'À: "IL S'EN ALLA DANS LE PAYS QUI EST PRÈS DU DÉSERT, DANS LA VILLE QUI EST APPELÉE EPHREM, ET LÀ IL DEMEURAIT AVEC SES DISCIPLES".



Le Christ a ressuscité trois morts pour manifester sa puissance. La mort corporelle est l'image de la mort spirituelle, avec cette différence, néanmoins, qu'on redoute l'une et qu'on ne craint guère l'autre: la résurrection des corps est aussi l'emblème de celle des âmes par la foi. Si la fille de Jaïre et le fils de la veuve de Naïm figurent les pécheurs non invétérés de pensée et d'action, Lazare représente ceux qui se trouvent plongés dans la corruption de mauvaises habitudes. Sa résurrection miraculeuse devait être une preuve de la divinité du Christ. En raison de la mauvaise volonté des Pharisiens, les Apôtres voulaient le dissuader de se rendre à Béthanie, mais Jésus, après les avoir rappelés au devoir, et leur avoir appris ce qu'est la mort avant le jour du jugement, s'en alla, et ils le suivirent. Avant de ressusciter Lazare, il déclara à Marthe qu'il est principe de vie pour le corps et pour l'âme; que quiconque croit, vivra toujours de la vie de la grâce. Arrivé prés de Marie, il frémit et pleura pour donner au pécheur l'exempte de ce qu'il doit faire pour revenir à la vie de l'âme. La suite indique comment les esclaves des mauvaises habitudes parviennent à en obtenir le pardon et à en sortir. A la suite de ce miracle eurent lieu et un grand émoi parmi les Pharisiens, et la prophétie de Caïphe.

1. De tous les miracles opérés par Notre-Seigneur Jésus-Christ, le plus célèbre est la résurrection de Lazare. Mais si nous en remarquons bien l'auteur, nous devrons bien plus nous en réjouir que nous en étonner. C'est celui qui a créé l'homme qui a ressuscité un homme; car il est le Fils unique du Père, et par lui, vous le savez, toutes choses ont été faites. Si donc c'est par lui qu'ont été faites toutes choses, y a-t-il rien d'étonnant à ce qu'un homme ait été ressuscité par lui, quand tant d'hommes naissent chaque jour par l'effet de sa puissance? C'est bien plus de créer les hommes que de les ressusciter. Cependant il a daigné créer et ressusciter; créer tous les hommes et en ressusciter quelques-uns. Car le Seigneur Jésus a fait beaucoup de choses; mais toutes n'ont pas été écrites; l'Evangéliste Jean lui-même nous atteste que le Seigneur Jésus a fait et dit beaucoup de choses qui n'ont pas été écrites (1): on choisit de préférence, pour les écrire, les choses qui paraissaient suffire au salut des croyants. Tu as entendu que le Seigneur Jésus a ressuscité un mort: il te suffit de savoir que, s'il avait voulu, il aurait ressuscité tous les morts; mais il s'est réservé de le faire à la fin du monde. Car pour lui qui, comme vous l'avez appris, a par un grand miracle fait sortir vivant du tombeau un mort qui y était

1. Jn 20,30.

renfermé depuis quatre jours, "l'heure viendra", comme il dit lui-même, "où tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront sa voix et sortiront". Il a ressuscité un mort déjà tombé en putréfaction; mais cependant ce cadavre infect avait encore la forme de corps humain; mais au dernier jour, c'est avec des cendres que d'un seul mot il reconstituera des corps. Il fallait néanmoins qu'en attendant il fît quelques miracles qui nous fussent donnés comme des marques de sa puissance, afin que nous croyions en lui, et que nous nous préparions à cette résurrection, qui sera pour la vie et non pour la condamnation. Car voici ce qu'il dit: "L'heure viendra où tous ceux qui sont dans les sépulcres entendront sa voix et ceux qui auront bien fait sortiront pour la résurrection de la vie; ceux qui auront mal fait, pour la résurrection du jugement (1)".

2. Nous lisons crans l'Evangile que trois morts ont été ressuscités par le Seigneur, et ce n'est assurément pas sans raison; car les oeuvres du Seigneur ne sont pas seulement des actions, elles sont aussi des signes. Si donc elles sont des signes, outre qu'elles ont un côté admirable, elles nous indiquent certainement aussi quelque chose de caché à nos yeux. Mais trouver ce que signifient ces actions offre parfois plus de difficulté que de les lire

1 Jn 5,28-29.

660

ou de les entendre. Nous écoutions avec admiration, comme en présence d'un grand miracle étalé à nos regards, lorsqu'on nous lisait dans l'Évangile de quelle manière Lazare a été ressuscité. Si nous y réfléchissons, par une opération bien plus admirable de Jésus-Christ, tout homme qui croit ressuscite: et si nous reportons notre attention sur tous ceux qui meurent, et si nous pensons au genre de mort le plus lamentable, celui qui pèche se fait mourir. La mort du corps, tout homme la craint, et la mort de l'âme, bien peu la redoutent. Pour la mort du corps, qui, sans aucun doute, doit arriver un jour, tous cherchent à l'empêcher de venir: c'est là tout leur travail. Il travaille à ne pas mourir, l'homme qui doit mourir, et l'homme qui doit vivre éternellement, ne travaille pas à ne point pécher, et lorsqu'il travaille à ne pas mourir, il s'occupe inutilement: car ce qu'il fait ne peut servir qu'à différer l'heure de la mort et non à l'éloigner tout à fait. Si, au contraire, il voulait ne pas pécher, il n'aurait pas tant de peine et il vivrait éternellement. Oh! si nous pouvions exciter les hommes et nous exciter nous-mêmes avec eux à aimer la vie permanente autant qu'ils aiment cette vie fugitive! Que ne fait pas l'homme tombé en danger de mort? En voyant le glaive suspendu sur leur tête, plusieurs ont livré ce qu'ils avaient en réserve pour assurer leur vie. Quel est celui qui n'aurait pas tout donné pour n'être pas frappé? Et après cet abandon peut-être a-t-il été frappé. Quel est celui qui, pour vivre, ne consentirait pas à l'instant à perdre ce qui le faisait vivre, préférant une vie de mendiant à une prompte mort? Quel est celui à qui l'on adit: Embarque-toi, si tu neveux pas mourir, et qui a hésité? Quel est celui à qui l'on a dit: Travaille, si tu ne veux pas mourir, et qui a été paresseux? Ils sont bien légers les ordres que Dieu nous donne pour nous faire obtenir une vie éternelle, et nous négligeons de lui obéir! Dieu ne te dit pas: Sacrifie tout ce que tu as, pour vivre pendant un temps bien court, et accablé de soucis; mais il dit: Donne aux pauvres une partie de ce que tu as, si tu veux vivre toujours et à l'abri de toute peine. Ils sont notre condamnation, les amateurs de cette vie temporelle qu'ils n'ont ni quand ils veulent, ni aussi longtemps qu'ils le veulent, et nous ne nous condamnons pas nous-mêmes, nous qui nous montrons si paresseux, si lâches à ne quérir la vie éternelle, que nous aurons si nous le voulons, et que nous ne perdions jamais quand nous l'aurons. Et cette mort que nous craignons tant, nous la subirons malgré nous.

3. Si donc le Seigneur par sa grâce et sa miséricorde infinie ressuscite nos âmes pour nous garantir de la mort éternelle, nous devons bien le comprendre, ces trois morts qu'il ressuscita dans leurs corps signifient quelque chose, et ils figurent la résurrection des âmes qui se fait par la foi. Il a ressuscité la fille du chef de la synagogue lorsqu'elle était encore étendue dans sa demeure (1); il a ressuscité le jeune fils de la veuve qu'on portait déjà hors de la ville (2); il a ressuscité Lazare enseveli depuis quatre jours. Que chacun examine l'état de son âme: si elle pèche, elle meurt; le péché, c'est la mort de l'âme. Mais quelquefois on pèche en pensée. Ce qui est mal t'a causé du plaisir. Tu as consenti, tu as péché. Ce péché t'a donné le coup de la mort; mais la mort est à l'intérieur, parce que la mauvaise pensée ne s'est pas réduite en acte. Voulant montrer qu'il ressusciterait cette âme, le Seigneur ressuscita cette jeune fille qui n'avait pas encore été portée dehors, mais qui gisait sans vie dans sa demeure, indiquant par là un péché caché. Toutefois, si tu ne t'es pas borné à consentir à la mauvaise pensée, mais qu'en outre tu aies fait le mal, tu as transporté le mort en dehors des portes; tu es dehors, et tu es emporté mort. Cependant le Seigneur ressuscita aussi ce mort et le rendit à sa mère qui était veuve. Si tu as péché, fais pénitence; et le Seigneur te ressuscitera et te rendra à l'Église, ta mère. Le troisième mort est Lazare. Il y a un genre de mort bien cruel: on l'appelle la mauvaise habitude; car autre chose est de pécher, autre chose est de contracter l'habitude du péché. Celui qui pèche et qui se corrige aussitôt, revient bien vite à la vie; comme il n'est pas encore enlacé par l'habitude, il n'est pas encore enseveli. Mais celui qui a l'habitude de pécher est enseveli, et l'on dit de lui avec raison: Il sent mauvais. Car il commence à avoir une mauvaise réputation, qui se répand autour de lui comme une odeur insupportable. Tels sont tous ceux qui s'accoutument aux crimes, qui sont perdus de moeurs. Tu lui dis: N'agis pas ainsi; est-ce qu'il t'entend, celui que la terre étouffe, que la corruption

1. Mc 5,41-42.- 2. Lc 7,14-15.

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déjà gagné et qui est écrasé sous le poids de l'habitude? Et cependant, même ce dernier, Jésus-Christ est assez puissant pour le ressusciter. Nous avons connu, nous avons vu, et nous voyons tous les jours des hommes qui, renonçant à une habitude criminelle, vivent ensuite beaucoup mieux que ceux qui les reprenaient. De tels hommes peut-être te faisaient horreur. Vois la soeur même de Lazare (si toutefois c'est elle qui couvrit de parfums les pieds du Seigneur, et les essuya avec ses cheveux après les avoir arrosés de ses larmes), cette soeur de Lazare fut plus avantageusement ressuscitée que son frère. Elle fut délivrée du poids énorme de ses habitudes criminelles. C'était en effet une pécheresse célèbre, et d'elle il a été dit: "Beaucoup de péchés lui sont remis, parce qu'elle a aimé beaucoup (1)". Nous en voyons beaucoup, nous en avons connu beaucoup qui ont été ainsi ressuscités; que personne ne désespère, mais que personne ne se laisse aller à la présomption. Si le désespoir est un mal, la présomption en est aussi un. Evite le désespoir et ne choisis point ce qui pourrait te donner de la présomption.

4. Le Seigneur ressuscita donc Lazare; vous avez entendu en quel état il était, c'est-à-dire ce que signifie sa résurrection. Continuons donc à lire; et comme dans ce récit beaucoup de choses sont très-claires, nous ne donnerons point l'explication de chaque passage, afin de pouvoir traiter plus au long ce qu'il est nécessaire d'expliquer. "Or, il y avait un malade nommé Lazare, de Béthanie, dans la demeure de Marie et de Marthe, ses soeurs". Vous vous souvenez que, dans la dernière lecture, le Seigneur s'échappa des mains de ceux qui voulaient le lapider, et qu'il se retira au-delà du Jourdain, au lieu où Jean baptisait (2). Pendant que le Seigneur était là, Lazare était malade à Béthanie, bourg rapproché de Jérusalem.

5. "Or, Marie était celle qui oignit le Seigneur de parfum et qui essuya ses pieds avec ses cheveux, et son frère Lazare était malade. Ses soeurs envoyèrent donc vers Jésus, disant". Nous avons déjà compris où elles envoyèrent; c'était là où se trouvait le Seigneur, car il était absent, et il se trouvait au-delà du Jourdain. Elles envoyèrent vers le Seigneur, lui annonçant que leur

1. Lc 7,47.- 2. Jn 10,39-40.

frère était malade, afin qu'il vînt, s'il le voulait bien, et qu'il le délivrât de sa maladie. Mais le Christ différa de le guérir, afin de pouvoir le ressusciter. Que lui firent donc dire les soeurs de Lazare? "Seigneur, celui que vous a aimez est malade"; elles ne lui dirent pas: Venez. Comme il aimait Lazare, il suffisait de lui annoncer qu'il était malade. Elles n'osèrent pas lui dire: Venez et guérissez-le; elles n'osèrent pas lui dire: Commandez du lieu où vous êtes, et il sera fait ici comme vous l'ordonnerez. Mais pourquoi n'osèrent-elles pas le faire, puisque ce fut précisément là le motif pour lequel la foi du centurion mérita des éloges? Le centurion dit en effet: "Je ne suis pas digne que vous entriez sous mon toit, mais seulement dites une parole et mon serviteur sera guéri (1)". Elles ne lui dirent rien de pareil, mais seulement ceci: "Seigneur, celui que vous aimez est malade". Il suffit que vous le sachiez, car ceux que vous aimez vous ne les abandonnez pas. Mais, dira quelqu'un, comment Lazare peut-il figurer le pécheur, puisque le Seigneur l'aimait si tendrement? Que celui-là écoute le Seigneur, car il nous dit: "Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs (2)". Si Dieu n'avait pas aimé les pécheurs, il ne serait pas descendu du haut du ciel sur la terre.

6. "Or, Jésus entendant cela, leur dit: Cette maladie ne va point à la mort, mais elle est pour la gloire de Dieu, afin que le Fils de Dieu soit glorifié". Cette glorification du Fils ne l'a pas grandi; c'est à nous qu'elle a profité. Il dit donc: "Cette maladie ne va pas à la mort", parce que la mort même de Lazare n'allait point à la mort, mais bien plutôt au miracle qu'il devait faire pour amener les hommes à croire en Jésus-Christ, et à éviter la mort éternelle. Remarquez comme Notre-Seigneur affirme indirectement qu'il est Dieu, à cause de quelques-uns qui disent que le Fils n'est pas Dieu. Il y a, en effet, des hérétiques qui nient que le Fils de Dieu soit Dieu. Qu'ils écoutent donc: "Cette maladie", dit Jésus, "ne va point à la mort, mais elle est pour la gloire de Dieu". Pour quelle gloire? pour la gloire de quel Dieu? Ecoute ce qui suit: "Afin que soit glorifié le Fils de Dieu". "Cette maladie ne va donc point à la mort", dit-il, "mais elle

1. Mt 8,8-10.- 2. Mt 9,13.

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est pour la gloire de Dieu, afin que le Fils de Dieu soit glorifié par elle". Par quoi? Par cette maladie.

7. "Or, Jésus aimait Marthe, et sa soeur Marie et Lazare". Lazare était malade, et ses soeurs étaient tristes; mais tous étaient ses amis. Ils étaient aimés de Celui qui sauvait les malades, je dis plus, de Celui qui ressuscitait les morts et consolait les affligés. "Ayant appris qu'il était malade, il resta deux "jours dans le même lieu n. On apporta donc la nouvelle à Jésus; mais il resta là, et il s'écoula quatre jours complets. Et ce ne fut pas sans raison; car peut-être, et même certainement, ce nombre de jours indique quelque mystère. "Et après cela, il dit à ses disciples "Allons de nouveau en Judée". Il s'y était presque vu lapider, et il semblait ne s'être éloigné que pour n'être pas lapidé. Il s'était éloigné comme homme; mais, en revenant, il oublia, en quelque sorte, sa faiblesse et montra sa puissance. "Allons en Judée", dit-il.

8. Quand il eut dit cela, voyez comme ses disciples furent effrayés. "Ses disciples lui disent: Maître, tout à l'heure les Juifs cherchaient à vous lapider, et vous y allez de nouveau? Jésus répondit: N'y a-t-il pas douze heures au jour?" Que signifie cette réponse? Ces disciples lui ont dit: "Tout à l'heure les Juifs voulaient vous lapider", et "de nouveau vous y allez?" Est-ce pour qu'ils vous lapident? Et le Seigneur leur répond: "N'y a-t-il pas douze heures au jour? Si quelqu'un marche pendant le jour, il ne chancelle point, parce qu'il voit la lumière de ce monde; mais s'il marche pendant la nuit, il chancelle, parce que la lumière n'est point en lui". Le Seigneur a parlé du jour; mais dans notre intelligence règne encore une sorte de nuit. Invoquons le jour, pour qu'il chasse la nuit et qu'il éclaire notre coeur des feux de sa lumière. Qu'a voulu dire le Seigneur? D'après ce qu'il me semble, et autant que me permettent de juger l'élévation et la profondeur de ce discours, il a voulu leur reprocher leur doute et leur infidélité. Ils voulaient conseiller au Seigneur de ne pas mourir, lui qui n'était venu que pour mourir et les empêcher de mourir eux-mêmes. C'est ainsi que, dans un autre passage, saint Pierre qui aimait Notre-Seigneur, mais ne comprenait pas encore pleinement pourquoi il était venu, témoigna la crainte qu'il avait de le voir mourir; par là il déplut à la vie, c'est-à-dire au Seigneur lui-même. En effet, comme. Notre-Seigneur apprenait à ses disciples ce qu'il aurait à souffrir de la part des Juifs à Jérusalem, Pierre, au milieu de tous les autres, lui dit: "A Dieu ne plaise, Seigneur; épargnez-vous, cela ne vous arrivera pas". Et aussitôt Notre-Seigneur lui répondit: "Retire-toi de moi, Satan, car tu goûtes non point les choses qui sont de Dieu, mais celles qui sont des hommes". Peu auparavant il avait confessé le Fils de Dieu et n1érité des louanges; il avait entendu Jésus lui adresser ces paroles: "Tu es heureux, Simon fils de Jona; car ce n'est pas la chair et le sang qui te l'ont révélé, mais mon Père qui est dans les cieux (1)". A celui auquel il avait dit: "Tu es heureux", il dit: "Retire- toi, Satan": parce que, s'il était heureux, ce n'était pas en lui-même qu'il trouvait le principe de son bonheur; quelle en était donc la cause? "Parce que ce n'est pas la chair et le "sang qui te l'ont révélé, mais mon Père qui est dans les cieux". Voilà ce qui te rend heureux; cela ne vient pas de toi, mais de moi. Non que je sois le Père, mais parce que tout ce que le Père possède est à moi (2). Mais si Pierre est heureux par le fait du Seigneur lui. même, qui est-ce qui fait de lui un Satan? Le Seigneur nous l'apprend ici même. Il a indiqué la raison de la béatitude de Pierre, en disant: "Ce n'est pas la chair et le sang qui t'ont révélé ceci, mais mon Père qui est dans les cieux"; voilà la cause de ta béatitude. Mais si j'ai dit: "Retire-toi de moi, Satan", écoutes-en la raison: "C'est que tu goûtes, non pas les choses qui sont de Dieu, mais les choses qui sont de l'homme". Que personne donc ne se flatte; de son propre fonds, l'homme est un satan; c'est Dieu seul qui le rend heureux. Qu'est-ce à dire: De son propre fonds, sinon de son péché? Ote le péché, que te reste-t-il en propre? Ce qui me fait juste, dira quelqu'un, vient de mon propre fonds. Mais "qu'as-tu que tu ne l'aies reçu (3)?" Comme donc des hommes s'adressaient à Dieu, des disciples à leur Maître, des serviteurs à leur Seigneur, des malades à leur Médecin, pour lui donner un conseil, il les reprit et leur dit: "N'y a-t-il pas douze heures au jour? Si quelqu'un marche dans

1. Mt 16,16-23.- 2. Jn 16,15.- 3. 1Co 4,7.

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le jour, il ne bronche point". Suivez-moi, si vous voulez ne pas broncher; ne cherchez pas à me donner des conseils, car vous devez en recevoir de moi. Que signifient donc ces mots: "N'y a-t-il pas douze heures au jour?" Le voici: pour montrer qu'il était lui-même le jour, il choisit douze disciples. Si je suis le jour, leur dit-il, et si vous êtes les heures, les heures doivent-elles donner des conseils au jour? Ce sont les heures qui suivent le jour, et non le jour qui suit les heures. Mais si les disciples étaient les heures, quel rôle Judas remplissait-il au milieu d'eux? Etait-il du nombre des douze heures? S'il était une heure, il éclairait; et s'il éclairait, comment livrait-il le jour à la mort? Mais en prononçant cette parole, le Seigneur avait en vue non Judas, mais son successeur. Judas étant déchu, Matthias lui succéda, et le nombre douze demeura intact (1). Ce n'est donc pas sans raison que le Seigneur choisit douze disciples: c'est parce qu'il est le jour spirituel. Que les heures suivent donc le jour; qu'elles l'annoncent, qu'elles reçoivent sa lumière, et que par la prédication des heures le monde croie au jour. C'est ce que Jésus leur dit d'un seul mot: Suivez-moi, si vous ne voulez point broncher.

9. Après cela il leur dit:"Lazare, notre ami, dort; mais je vais pour le réveiller". Il disait vrai: Lazare était mort pour ses soeurs; pour le Seigneur, il dormait. Il était mort pour les hommes qui ne pouvaient le ressusciter. Mais le Seigneur le fit sortir du sépulcre plus facilement que tu ne fais sortir de son lit un homme endormi. C'est donc eu égard à sa puissance qu'il a dit que Lazare dormait. Du reste, dans les Ecritures, les morts sont souvent appelés ceux qui dorment; ainsi les dénomme l'Apôtre: "Or, nous ne voulons pas, mes frères, que vous ignoriez ce qui a regarde ceux qui dorment, afin que vous ne a soyez point attristés, comme les autres qui n'ont point l'espérance (2)". L'Apôtre lui-même les appelle ceux qui dorment, parce qu'il annonce qu'ils doivent ressusciter. Donc tous les morts dorment, qu'ils soient bons ou mauvais. Mais il y a de la différence dans l'état de ceux qui dorment du sommeil quotidien et qui s'éveillent tous les jours, selon ce que chacun d'eux voit en songe: les uns ont des songes joyeux, d'autres en ont de si

1. Ac 1,26.- 2. 1Th 4,12.

effrayants qu'ils s'éveillent et craignent de se rendormir, de peur de retomber dans les mêmes songes. C'est ainsi que chaque homme s'endort avec sa cause, et se réveille avec elle; et il importe de savoir à quelle espèce de garde on est soumis jusqu'à ce moment où l'on paraît devant le juge. Car il y a différentes sortes de garde, selon que le demandent les différentes causes. Les uns sont confiés à un licteur: c'est là un traitement humain, doux et digne d'un citoyen. D'autres sont livrés aux geôliers; d'autres sont envoyés en prison; et dans la prison même tous ne sont pas traités de la même façon; ceux dont les causes sont plus graves sont enfermés dans des cachots plus profonds. Ainsi donc, comme il y a différentes prisons pour ceux qui paraissent en justice, il y a de même différentes prisons pour les morts et différents mérites en ceux qui ressuscitent. Le pauvre est reçu, et le riche aussi; mais le premier est reçu dans le sein d'Abraham, et le second en un lieu où il a soif et où il ne trouve pas même une goutte d'eau pour se rafraîchir (1).

10. Toutes les âmes ont donc, et je saisis cette occasion de l'enseigner à votre charité, toutes les âmes ont donc, lorsqu'elles sortent de ce monde, des demeures différentes. Les bonnes sont reçues dans la joie, les méchantes dans les tourments. Mais quand la résurrection sera faite, la joie des bons sera plus grande, et plus graves aussi seront les tourments des méchants, parce qu'ils seront torturés avec leur corps. Les saints patriarches, les Prophètes, les Apôtres, les martyrs, les bons chrétiens ont tous été reçus dans le séjour de la paix, mais tous ne recevront qu'à la fin des temps ce que Dieu a promis. Car il a promis la résurrection même de la chair, la destruction de la mort, le partage de la vie éternelle avec les anges. C'est là ce que tous recevront également, car pour le repos qui est accordé immédiatement après la mort, chacun, s'il en est digne, le reçoit aussitôt qu'il est mort. Les patriarches l'ont reçu les premiers; voyez depuis quand ils reposent. Après eux l'ont reçu les Prophètes, plus récemment les Apôtres, beaucoup plus tard encore les saints martyrs; et chaque jour les bons chrétiens le reçoivent. Et ainsi les uns y sont déjà depuis longtemps;d'autres, depuis moins de temps; d'autres, depuis quelques

1. Lc 16,22-24.664

années seulement; d'autres n'y sont pas encore. Mais quand ils s'éveilleront de ce sommeil, tous ensemble recevront ce qui a été promis.

11. "Lazare, notre ami, dort; mais je vais pour le tirer du sommeil. Les disciples lui a dirent donc". Comme ils comprenaient, ils répondirent: "Seigneur, s'il dort, il sera sauvé". Ordinairement, en effet, le sommeil des malades est un indice de guérison. "Or, Jésus avait parlé de sa mort; mais ils pensèrent qu'il parlait du sommeil ordinaire. Alors Jésus leur dit clairement". En effet, cette parole: "Il dort", ne manquait pas d'être obscure; il leur dit donc clairement: "Lazare est mort, et je me réjouis à cause de vous de ce que je n'étais pas là, afin que vous croyiez". Et je sais qu'il est mort, et cependant je n'y étais pas. On avait annoncé qu'il était malade, mais non pas qu'il était mort. Mais pouvait-il y avoir rien de caché pour Celui qui avait créé Lazare, et entre les mains duquel était passée l'âme du mourant? C'est pourquoi il dit: "Je me réjouis à cause de vous de ce que je n'étais pas là, afin que vous croyiez". Afin que dès lors ils fussent dans l'admiration de ce que le Sauveur avait pu dire qu'il était mort sans l'avoir ni vu ni entendu. C'est ici le cas de nous rappeler que, par ces miracles, le Christ consolidait la foi de ses disciples qui déjà avaient cru en lui; non en ce sens que la foi, qui n'était pas encore en eux, commençât à y exister; mais en ce sens que cette foi qui s'y trouvait déjà s'augmentât encore. Jésus s'est néanmoins servi d'un mot qui semble dire qu'ils commençaient seulement à croire. Il ne dit pas, en effet: "Je me réjouis à cause de vous", pour que votre foi soit augmentée ou affermie; mais: "Pour que vous croyiez". Ce qu'il faut entendre ainsi: Pour que vous croyiez d'une foi plus large et plus ferme.

12. "Mais allons à lui. Thomas, appelé a Didyme, dit à ses condisciples: Allons, nous aussi, et mourons avec lui. Jésus vint donc et le trouva déposé depuis quatre jours dans a le tombeau". Sur ces quatre jours, on peut dire bien des choses: les Ecritures obscures par elles-mêmes fournissant, selon la différence des intelligences, des sens différents. Disons, nous aussi, ce que nous semble signifier,ce mort de quatre jours. Comme dans l'aveugle dont nous vous parlions dernièrement, nous reconnaissions en quelque sorte le genre humain; dans ce mort nous pouvons bien aussi retrouver un grand nombre d'hommes, car une même chose peut être représentée de différentes manières. L'homme, quand il naît, naît déjà avec la mort, puisque d'Adam il hérite le péché; ce qui fait dire à l'Apôtre: "Par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la a mort; et ainsi elle a passé dans tous les a hommes, par celui en qui tous ont péché (1)". Voilà le premier jour de mort; c'est l'héritage auquel lui donne droit son origine. Ensuite l'homme grandit, il approche de l'âge de raison, où il peut se faire une idée de la loi naturelle que tous portent écrite dans leur coeur. "Ce que tu ne veux pas qu'on te fasse, ne le fais pas aux autres". Est-ce là une chose que nous apprenions dans les livres? Ne la lisons-nous pas en quelque sorte dans la nature? Voudrais-tu être volé? Non, certes, tu ne le veux pas; car voici la loi écrite dans ton coeur: Ce que tu ne veux pas endurer, ne le fais pas toi-même. Et cependant cette loi-là, les hommes la transgressent. Voilà le second jour de mort. Dieu a donné aussi une loi par son serviteur Moïse; il y est dit: "Tu ne tueras point; tu ne commettras point le péché de la chair; tu ne porteras point de faux témoignage; honore ton père et ta mère; tu ne convoiteras point le bien de ton prochain; tu ne convoiteras point l'épouse de ton prochain (2)". Voilà la loi écrite; elle aussi, on la méprise. C'est le troisième jour de mort. Que reste-t-il? Vient l'Evangile. Le royaume des cieux est annoncé; Jésus-Christ est prêché partout; il menace de l'enfer, il promet la vie éternelle: tout cela est méprisé. Les hommes transgressent l'Evangile. Voilà le quatrième jour de mort. C'est bien vrai que déjà il est en putréfaction. Mais à de telles gens faut-il refuser toute miséricorde? A Dieu ne plaise! Le Seigneur n'a pas dédaigné devenir pour ressusciter même ces sortes de morts.

13. "Or, beaucoup d'entre les Juifs étaient venus vers Marthe et Marie, pour les consoler de la mort de leur frère. Quand Marthe a apprit que Jésus venait, elle alla au-devant a de lui, mais Marie resta assise à la maison. "Marthe dit donc à Jésus: Seigneur, si vous a aviez été ici, mon frère ne serait pas mort;

1. Rm 5,12.- 2. Ex 20,12-17.

665

mais je sais maintenant que tout ce que vous demanderez à Dieu, Dieu vous l'accordera". Elle ne dit pas: mais maintenant je vous prie de ressusciter mon frère, car que savait-elle, s'il était avantageux pour son frère de ressusciter? Elle dit seulement: Je sais que vous le pouvez, et que si vous le voulez vous le ferez; mais le ferez-vous, c'est à vous d'en juger; ce serait présomption à moi de le décider. "Mais ce que je sais, c'est que tout ce que vous demanderez à Dieu, Dieu vous l'accordera".

14. "Jésus lui dit: Ton frère ressuscitera". Réponse peu claire, car il ne dit pas: Je vais ressusciter ton frère, mais: "Ton frère ressuscitera". "Aussi Marthe lui dit: Je sais qu'il ressuscitera à la résurrection du dernier jour". De cette résurrection, j'en suis certaine; d'une résurrection immédiate, je ne sais rien. "Jésus lui dit: Je suis la résurrection". Tu dis: "Mon frère ressuscitera au dernier jour". C'est vrai, mais celui par qui il ressuscitera alors, peut bien le ressusciter dès maintenant, parce que, dit-il, "Je suis la résurrection et la vie". Ecoutez, mes frères, écoutez ce que dit Notre-Seigneur. Certes, toute l'attente des Juifs réunis était de voir revivre Lazare, ce mort de quatre jours. Ecoutons et ressuscitons, nous aussi. Qu'ils sont nombreux dans cette assemblée ceux qu'écrase le poids des mauvaises habitudes! Peut-être en est-il parmi ceux qui m'écoutent, auxquels on pourrait dire: "Ne vous laissez point enivrer par le vin, d'où naît la luxure(1)". Et ils disent: Nous ne pouvons pas. Peut-être, parmi ceux qui m'écoutent y a-t-il des personnes impures, souillées de débauches et de corruption, auxquelles je dis: Ne faites point ces choses, si vous voulez ne point périr; et elles répondent: Nous ne pouvons pas nous tirer de cette habitude. O Dieu, ressuscitez-les. "Je suis", dit-il, "la résurrection et la vie". Il est la résurrection, parce qu'il est la vie.

15. "Celui qui croit en moi, quand même il serait mort, vivra, et quiconque vit et croit en moi, ne mourra jamais". Qu'est-ce à dire? "Celui qui croit en moi, quand même il serait mort", comme Lazare, "il vivra"; parce que le Christ n'est pas le Dieu des morts, mais le Dieu des vivants. Déjà, au sujet des patriarches morts depuis longtemps,

1. Ep 5,18.

c'est-à-dire, d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, il avait fait aux Juifs la même réponse: "Je suis le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac, le Dieu de Jacob. Or, Dieu n'est pas le Dieu des morts, mais le Dieu des vivants; car tous vivent pour lui (1)". Crois donc, et quand tu serais mort, tu vivras; mais si tu ne crois pas, quoique tu sois vivant, tu es réellement mort. Prouvons que si tu ne crois pas, quoique tu sois vivant, tu es réellement mort. Quelqu'un différait de suivre le Seigneur et s'excusait en disant: "Je vais d'abord ensevelir mon père". "Laisse a, dit le Seigneur, "laisse "les morts ensevelir leurs morts; pour "toi, viens et suis-moi (2)". Il y avait donc un mort à ensevelir, il y avait aussi des morts qui devaient ensevelir ce mort: l'un était mort dans son corps, les autres dans leur âme. D'où vient la mort dans l'âme? De ce que la foi n'y est plus. D'où vient la mort dans le corps? De ce que l'âme n'y est plus. Donc, l'âme de ton âme, c'est la foi. "Celui qui croit en moi", dit le Seigneur, "quand il serait mort" dans son corps, "vivra" dans son âme, jusqu'à ce que le corps lui-même ressuscite pour ne plus mourir; c'est-à-dire: "Celui qui croit en moi", quoiqu'il meure, "vivra"; et "quiconque vit" dans son corps "et croit en moi", bien qu'il doive mourir pour un temps à cause de la mort du corps, "ne mourra pas pour l'éternité", à cause de la vie de l'esprit et de l'immortalité que donnera la résurrection. C'est là ce que veut dire Jésus: "Et quiconque vit et croit en moi, ne mourra pas pour l'éternité. Crois-tu cela? Elle lui répondit: Oui, Seigneur, j'ai cru que vous êtes le Christ Fils de Dieu, qui êtes venu dans le monde". En croyant cela, j'ai cru que vous êtes la résurrection, j'ai cru que vous êtes la vie; j'ai cru que celui qui croit en vous, bien qu'il meure, vivra, et que celui qui vit et croit -en vous ne mourra pas pour l'éternité.

16. "Et quand elle eut dit cela, elle s'en alla, et appela Marie, sa soeur, en silence, disant: Le Maître est ici et il t'appelle". Il faut remarquer comment l'Evangile, pour indiquer une parole dite à voix basse, se sert du mot "silence". Comment, en effet, a-t-elle gardé le silence, puisqu'elle a dit: "Le "Maître est ici, et il t'appelle?" Il faut aussi remarquer que l'Evangéliste ne dit ni où, ni

1. Mt 22,32 Lc 20,37-38.- 2. Mt 8,21-22.

666

quand, ni comment le Seigneur appela Marie; mais il nous le fait comprendre par les paroles de Marthe, afin d'abréger son récit.

17. "Dès que Marie eut entendu, elle se leva aussitôt et vint vers lui. Car Jésus n'était pas encore arrivé dans le bourg, mais il se tenait au lieu même où Marthe s'était présentée à lui. Les Juifs donc qui étaient avec Marie. dans la maison, et la consolaient, quand ils virent qu'elle s'était levée a si promptement et qu'elle était sortie, la suivirent en disant: Elle va au tombeau pour y pleurer". Pourquoi l'Evangéliste a-t-il voulu nous raconter tout cela? C'est pour nous faire voir par quelle occasion ils se trouvèrent présents en grand nombre, quand Lazare fut ressuscité. Les Juifs pensant qu'elle ne se précipitait au dehors que pour chercher dans les larmes un soulagement à sa. douleur, la suivirent, et cela se faisait pour qu'un miracle aussi grand que la résurrection d'un mort de quatre jours eût un grand nombre de témoins.

18. "Mais quand Marie fut venue où était Jésus, en le voyant elle tomba à ses pieds et lui dit: Seigneur, si vous aviez été ici, mon frère ne serait pas mort. Jésus donc, voyant qu'elle pleurait et que les Juifs qui étaient avec elle pleuraient aussi, frémit en son esprit et se troubla lui-même, et il dit: Où l'avez-vous déposé?" Je ne sais ce qu'il a voulu nous apprendre en frémissant dans son esprit, et en se troublant lui-même. Car d'où aurait pu venir son trouble, sinon de lui-même? C'est pourquoi, mes frères, remarquez d'abord sa puissance, et cherchez ensuite ce qu'il a voulu signifier. Tu te troubles même quand tu ne le veux pas: Jésus-Christ s'est troublé parce qu'il l'a voulu. Jésus a eu faim, c'est vrai; mais c'est qu'il l'a voulu. Jésus a dormi, c'est vrai; mais c'est qu'il l'a voulu. Jésus a été triste, c'est vrai; mais c'est qu'il l'a voulu. Jésus est mort, c'est vrai; mais c'est qu'il l'a voulu. Il était en son pouvoir d'éprouver ces affections ou de ne les pas éprouver. Le Verbe a pris une âme et un corps, s'appropriant ainsi la nature de l'homme tout entier, dans l'unité d'une seule personne. Car l'âme de l'Apôtre a été éclairée par le Verbe; l'âme de Pierre a été éclairée par le Verbe; l'âme de Paul, les âmes des autres Apôtres et des saints Prophètes ont été éclairées par le Verbe; mais d'aucune il n'a été dit: "Le Verbe s'est fait chair (1)"; d'aucune il n'a été dit: "Mon Père et moi nous sommes un (2)". L'âme et le corps de Jésus-Christ ne forment avec le Verbe de Dieu qu'une seule personne, un seul Christ; et par là, comme en lui réside la souveraine puissance, il dispose de la partie faible selon sa volonté; c'est pourquoi: "Il se troubla lui-même".

19. Je vous ai montré la puissance du Christ, examinons ce qu'il a voulu nous faire entendre. Ce ne peut être qu'un grand coupable celui que représentent ces quatre jours de mort et de, sépulture. Pourquoi donc Jésus. Christ se trouble-t-il lui-même, sinon pour te montrer comme tu dois être troublé lorsque tu es chargé et accablé d'une si grande masse de péchés? Tu t'es examiné, tu t'es reconnu coupable et tu as dit en toi-même: J'ai fait cela, et Dieu m'a épargné; j'ai commis telle faute, et Dieu a différé de me punir; j'ai entendu l'Evangile, et je l'ai méprisé; j'ai reçu le baptême, et je suis retombé dans les mêmes fautes: que faire, où aller? comment m'échapper? Quand tu parles ainsi, déjà Jésus-Christ frémit en toi, car ta foi frémit, et dans la voix du frémissement, apparaît l'espérance de la résurrection. Si la foi est en nous, Jésus-Christ s'y trouve et frémit: si la foi est en nous, Jésus-Christ est en nous. L'Apôtre dit-il autre chose: "Jésus-Christ par la foi habite en nos coeurs (3)?" Donc ta foi en Jésus-Christ, c'est Jésus-Christ dans ton coeur. De là vient qu'il dormait dans la barque, et ses disciples craignant de périr. victimes du naufrage qui les menaçait, s'approchèrent de lui et l'éveillèrent. Jésus-Christ se leva, commanda aux vents et aux flots, et il se fit un grand calme (4). Ainsi en est-il de toi: les vents entrent dans ton coeur, pendant que tu navigues et que tu traverses la vie comme une mer pleine de tempêtes et de dangers. Les vents entrent dans ta barque; les flots l'agitent et la bouleversent. Quels sont ces vents? On t'adresse une injure, tu te laisses aller à la colère l'injure, c'est le vent; la colère, c'est le flot tu es en danger, car tu te disposes à répondre, tu te disposes à rendre malédiction pour malédiction; déjà la barque est sur le point de sombrer. Eveille Jésus-Christ qui dort, car si tu t'emportes, si tu te prépares à

1. Jn 1,11.- 2. Jn 10,30.- 3. Ep 3,17.- 4.Mt 8,24-26.

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rendre le mal pour le bien, c'est que Jésus-Christ dort dans la barque. Le sommeil de Jésus-Christ dans ton coeur, c'est l'oubli de la foi, car si tu réveilles Jésus-Christ, c'est-à-dire si tu te rappelles les enseignements de la foi, que te dit Jésus-Christ au moment où il se réveille dans ton coeur? Des hommes m'ont dit: "Vous êtes possédé du démon (1)"; et j'ai prié pour eux. Le maître reçoit une injure et il la supporte, et le serviteur se laissera aller à l'indignation! Mais tu veux te venger. Eh quoi! me suis-je moi-même vengé? Quand ta foi te parle de la sorte, elle commande aux vents et aux flots, et il se fait en toi un grand calme. De même donc que réveiller Jésus-Christ dans la barque, c'est y exciter la foi; de même dans le coeur de l'homme qu'oppressent une masse énorme d'iniquités et une longue habitude du péché, dans le coeur de l'homme qui a transgressé l'Evangile et méprisé les peines éternelles, que Jésus-Christ frémisse, que l'homme se condamne lui-même. Ecoute encore: Jésus-Christ a pleuré; que l'homme pleure sur lui-même. Pourquoi, en effet, Jésus-Christ a-t-il pleuré? N'est-ce point pour apprendre à l'homme à pleurer? Pourquoi a-t-il frémi et s'est-il troublé lui-même? N'est-ce point parce que la foi de l'homme, qui se déplaît à lui-même, à juste titre, doit frémir dans l'accusation de ses fautes, afin que l'habitude du péché cède à la violence de la pénitence?

20. "Et il dit: Où l'avez-vous déposé?" Eh quoi! vous avez su qu'il était mort, et vous ignorez où on l'a enseveli? Cela signifie que l'homme perdu de la sorte, Dieu ne le connaît pour ainsi dire pas. Je n'ai pas osé dire: Dieu ne le connaît pas; car, où est ce que Dieu ne connaît pas? mais j'ai dit: Il l'ignore pour ainsi dire. Et comment le prouver? Ecoute ce que le Seigneur doit dire au jour du jugement: "Je ne vous connais pas, retirez-vous de moi (2)". Qu'est-ce à dire: "Je ne vous connais pas?" Je ne vous vois point dans ma lumière, je ne vous vois point dans cette justice que je connais. C'est pourquoi, comme s'il ne connaissait pas un pécheur de cette espèce, il dit:"Où l'avez-vous déposé?" C'est aussi dans le même sens que Dieu parla dans le paradis, quand l'homme eut péché: "Adam, où es-tu (3)? Ils lui disent: Seigneur, venez et voyez.

1. Jn 7,20.- 2. Mt 7,23.- 3. Gn 3,9.

"Voyez", c'est-à-dire, ayez pitié. Le Seigneur voit, en effet, quand il fait miséricorde. C'est pourquoi le Psalmiste lui dit: "Voyez mon abaissement et ma peine, et pardonnez-moi tous mes péchés (1)".

21. "Jésus pleura. Alors les Juifs dirent: Voilà comme il l'aimait". Qu'est-ce à dire il l'aimait? "Je ne suis pas venu", dit-il lui-même, "appeler les justes, mais les pécheurs à la pénitence (2). Or, quelques-uns d'entre eux dirent: Celui qui a ouvert les yeux de l'aveugle ne pouvait-il pas faire aussi que cet homme ne mourût point?" S'il n'a pas voulu faire qu'il ne mourût pas, c'est qu'il voulait faire quelque chose de plus, le retirer vivant du séjour de la mort.

22. "Jésus donc, frémissant de nouveau en lui-même, vint vers le tombeau". Qu'il frémisse aussi en toi, si tu te prépares à revivre. A tout homme, accablé par une mauvaise habitude, il est dit: "Jésus vint vers le tombeau. Or, c'était une grotte, et une pierre avait été placée au-dessus". Le mort qui se trouve sous la pierre, c'est le pécheur sous la loi. Vous le savez, la loi donnée aux Juifs fut écrite sur la pierre (3). Or, tous les pécheurs sont sous la loi; ceux qui vivent bien sont avec la loi. La loi n'est point établie pour le juste (4). Que veulent donc dire ces paroles: "Ecartez la pierre?" Elles veulent dire: prêchez la grâce. Car l'apôtre Paul se dit ministre du Nouveau Testament, non de la lettre, mais de l'esprit. "Car", dit-il,,"la "lettre tue, et l'esprit vivifie (5)". La lettre qui tue est comme une pierre qui écrase. "Ecartez la pierre", dit-il, écartez le poids de la loi, prêchez la grâce. "Car, si la loi qui a été donnée pouvait vivifier, alors vraiment la justice viendrait de la loi. Mais la loi écrite a tout renfermé sous le péché, afin que la promesse fût, par la foi en Jésus-Christ, donnée en ceux qui croient (6)"; donc, "écartez la pierre".

23. Marthe, la soeur de celui qui était mort, lui dit: "Seigneur, il sent déjà mauvais; car il est là depuis quatre jours. Jésus lui dit: Ne t'ai-je pas dit que si tu crois, tu verras la gloire, de Dieu?" Qu'est-ce à dire, "tu verras la gloire de Dieu?" C'est-à-dire que ce mort enterré depuis quatre jours, et déjà tombé en putréfaction, il va le ressusciter.

1. Ps 24,18.- 2. Mt 9,13.- 3. Ex 31,18.- 4. 1Tm 1,9.- 5. 2Co 3,6. - 6. Ga 3,21-22.

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"Car tous ont péché et ont besoin de la gloire de Dieu (1)", et, "là où a abondé le péché, la grâce aussi a surabondé (2)".

24. "Ils enlevèrent donc la pierre, et Jésus, élevant les yeux en haut, dit: Mon Père, je vous rends grâces de ce que vous m'avez exaucé. Pour moi, je savais bien que vous m'exaucez toujours; mais je l'ai dit à cause du peuple qui m'entoure, afin qu'ils croient que vous m'avez envoyé. Ayant dit "ces mots, il cria à haute voix". Il frémit, il pleure, il crie à haute voix. Qu'il a de peine à se lever celui qu'oppresse le poids d'une, mauvaise habitude! Cependant il se lève; une grâce cachée lui rend intérieurement la vie; il se lève après avoir entendu ce grand cri,. Qu'arriva-t-il ensuite? "Il s'écria à haute voix: Lazare, viens dehors. Et soudain le mort sortit, ayant les mains et les pieds liés avec des bandes et le visage enveloppé d'un suaire". Tu t'étonnes qu'il ait marché les pieds liés, et tu n'es pas étonné qu'il soit ressuscité après quatre jours? En ces deux faits agissait la puissance de Dieu, et non les forces du mort. Il marcha, et il était encore lié; il était encore enveloppé, et cependant il sortit du tombeau qu'est-ce que cela signifie? Quand tu violes la loi, tu es étendu mort; et si tu la violes en choses graves, comme j'ai dit plus haut, tu es enseveli; quand tu confesses tes péchés, tu sors. Qu'est-ce, en effet, que sortir, sinon sortir d'un lieu caché et se montrer? Mais que tu confesses tes fautes, c'est Dieu qui le fait en te criant à haute voix, c'est-à-dire en t'appelant par une grande grâce. C'est pourquoi le mort qui s'avance encore lié, c'est le pécheur qui se confesse, mais qui est encore coupable; et pour que ses péchés soient remis, le Seigneur dit à ses ministres: "Déliez-le et laissez-le aller". Que veut dire: "Déliez-le et laissez-le aller? Ce que vous aurez délié sur la terre sera délié dans le ciel (3)".

25. "Plusieurs donc d'entre les Juifs qui étaient vénus vers Marie et avaient vu ce que Jésus avait fait, crurent en lui; mais quelques-uns d'entre eux s'en allèrent vers les Pharisiens, et leur dirent ce qu'avait fait Jésus". Tous ceux des Juifs qui étaient venus vers Marie ne crurent pas; et cependant il y en eut beaucoup pour croire. "Mais

1. Rm 3,23.- 2. Rm 5,20.- 3. Mt 16,19.

quelques-uns d'entre eux", soit de ceux qui s'étaient rassemblés, soit de ceux qui avaient cru, "s'en allèrent vers les Pharisiens et leur dirent ce qu'avait fait Jésus"; soit en leur annonçant ce prodige, pour les amener à croire eux-mêmes, soit plutôt pour le trahir et afin que les Pharisiens le poursuivissent. Mais n'importe par qui et de quelle manière la chose se fit, ce qui s'était passé fut rapporté aux Pharisiens.

26. "Les Pontifes et les Pharisiens assemblèrent le conseil, et ils disaient: Que faisons-nous?" Ils ne disaient pas: Croyons, car ces hommes perdus, songeaient bien plus à nuire à Jésus et à le perdre qu'à prévoir comment. ils éviteraient de périr eux-mêmes. Toujours est-il qu'ils craignaient et semblaient pourvoir à l'avenir (3). "Ils disaient" donc: "Que faisons-nous? car cet homme opère beaucoup de miracles; si nous le laissons ainsi, tous croiront en lui, et les Romains viendront, et ils nous extermineront, nous et notre ville". Ils craignaient de perdre les biens temporels, et ils ne pensaient pas à s'assurer la vie éternelle; et ainsi ont-ils perdu l'une et l'autre. Car, après la passion et la glorification du Seigneur, les Romains leur enlevèrent et leur ville qu'ils prirent d'assaut, et leur nation qu'ils transportèrent ailleurs, et à eux s'applique ce qui a été dit en un autre endroit: "Les enfants de ce royaume iront dans les ténèbres extérieures (1)". Le sujet de leur crainte était que si tous croyaient en Jésus-Christ, il ne restât personne pour défendre la cité de Dieu et le temple contre les Romains; car ils pensaient que la doctrine de Jésus-Christ allait contre le temple et contre les lois de leurs pères.

27. "Mais l'un d'eux, Caïphe, le grand "prêtre de cette année, leur dit: Vous n'y connaissez rien, et vous ne considérez pas qu'il vous est avantageux qu'un seul homme meure pour le peuple, et que toute la nation ne périsse point. Or, il ne dit pas cela de lui-même, mais comme il était grand prêtre de cette année, il prophétisa". Par là, nous apprenons que même les hommes méchants peuvent par l'esprit de prophétie annoncer les choses à venir. Cependant l'Evangéliste attribue ce dernier fait à un mystère tout divin; car, dit-il, il était

1 Mt 8,12.

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Pontife, c'est-à-dire grand prêtre. On peut se demander comment il est appelé Pontife de cette année, car Dieu n'avait établi qu'un seul grand prêtre qui, à sa mort, ne devait avoir qu'un seul successeur. Mais il faut croire que, par suite de l'ambition et des rivalités qui surgirent parmi les Juifs, il fut établi dans la suite qu'ils seraient plusieurs, et qu'ils exerceraient leurs fonctions à leur tour et chacun pendant une année. C'est ce qui est dit à propos de Zacharie: "Or il arriva, lorsque Zacharie remplissait en son rang les fonctions du sacerdoce devant Dieu, selon la coutume établie parmi les prêtres, que le sort décida qu'il offrirait l'encens dans le temple du Seigneur (1)". Par là il paraît qu'ils étaient plusieurs, et qu'ils avaient leur tour. Car il n'était permis qu'au grand prêtre d'offrir l'encens (2). Et peut-être pour la même année étaient-ils plusieurs qui remplissaient ces fonctions, auxquels d'autres succédaient pour l'année, et parmi eux, le sort désignait-il celui qui devait offrir l'encens? Que prophétisa donc Caïphe? "Que Jésus devait mourir pour la nation; et non-seulement pour la nation, mais aussi pour rassembler les enfants de Dieu qui étaient dispersés". Ces derniers mots ont été ajoutés par l'Evangéliste; car Caïphe, dans sa prophétie, n'a parlé que de la

1. Lc 1,8-9.- 2. Ex 30,7.

nation juive, où se trouvaient ces brebis dont le Seigneur dit lui-même: "Je n'ai été envoyé que vers les brebis perdues de la maison d'Israël (1)". Mais l'Evangéliste savait qu'il y avait d'autres brebis qui n'étaient pas de ce bercail, et qu'il fallait réunir, aria qu'il n'y eût qu'un seul bercail et un seul pasteur (2). Mais tout cela doit s'entendre par rapport à la prédestination; car ceux qui n'avaient pas encore cru, n'étaient encore ni les brebis ni les enfants de Dieu.

28. "A partir de ce jour, ils pensèrent donc à le mettre à mort. C'est pourquoi. Jésus n'allait plus en public parmi les Juifs; mais il s'en alla dans le pays qui est près du désert, en une ville appelée Ephrem, et là il demeurait avec ses disciples". Le motif de sa conduite n'était point la disparition de sa puissance. Certes, s'il l'eût voulu, il aurait vécu publiquement au milieu des Juifs, et ils ne lui auraient fait aucun mal; mais, dans cette faiblesse apparente de son humanité, il montrait à ses disciples l'exemple qu'ils devaient suivre: il leur prouvait que, pour les fidèles qui sont ses membres, il n'y aurait point de péché à se dérober aux yeux de leurs persécuteurs, et à éviter leur fureur criminelle, en se cachant, plutôt qu'à l'allumer davantage, en se présentant devant eux.

1. Mt 15,24.- 2. Jn 10,16.





Augustin sur Jean 48