Augustin sur Jean 106

106

CENT SIXIÈME TRAITÉ

Jn 17,6-8

LA MANIFESTATION DU PÈRE


DEPUIS CES PAROLES DE NOTRE-SEIGNEUR: "J'AI MANIFESTÉ VOTRE NOM AUX HOMMES", JUSQU'A CES AUTRES: "ET ILS ONT CRU QUE VOUS M'AVEZ ENVOYÉ".



Qu'il s'agisse des seuls disciples du Sauveur ou de tous les fidèles, toujours est-il que, en qualité d'homme, Jésus les avait reçus de Dieu et qu'il devait leur communiquer la connaissance de la sainte Trinité, et la foi en ce que le Père avait dit au Fils en l'engendrant.



1. Nous parlerons dans ce discours, selon que le Seigneur nous en fera la grâce, sur ces paroles qu'ajouta Notre-Seigneur: "J'ai manifesté votre nom aux hommes que vous m'avez donnés du monde". Si ces paroles s'adressaient seulement aux disciples avec lesquels il avait fait la cène, et auxquels il avait dit tant de choses avant de commencer sa prière, elles ne se rapporteraient pas à cette illustration, ou, comme tant d'autres traduisent, à cette glorification dont il parlait tout à l'heure, et par laquelle le Fils célèbre ou glorifie le Père. Quelle gloire, quelle grande gloire y aurait-il eu, pour le Père, d'être connu de douze ou plutôt de onze hommes mortels? Mais si, par ces paroles: "J'ai manifesté votre nom aux hommes que vous m'avez donnés du monde", le Christ a voulu désigner tous ceux qui, croyant en lui, devaient appartenir à sa grande Eglise, composée de toutes les nations et dont il est dit au Psaume: "Dans une grande église (1) je vous confesserai", assurément, voilà bien la glorification dont le Fils glorifie le Père, lorsqu'il fait connaître son nom à toutes les nations et à tant de générations d'hommes. Et ce qu'il dit ici: "J'ai manifesté votre nom aux hommes que vous m'avez donnés du monde", signifie la même chose que ce qu'il avait dit un peu auparavant: "Je vous ai glorifié sur la terre (2)". Il a mis ici et là le passé pour le futur, car il savait bien qu'il était décidé d'avance que cela se ferait, et par conséquent il dirait avoir fait ce qu'il devait faire très-certainement.

2. Cependant, que ce soit de ceux qui étaient déjà ses disciples, et non de tous ceux qui


1. Ps 34,18. - 2. Jn 17,4.

devaient croire en lui, que Notre-Seigneur ait dit: "J'ai manifesté votre nom aux hommes que vous m'avez donnés du monde", c'est ce que rendent plus croyable les paroles qui suivent. En effet, après avoir dit ces mots, il ajoute: "Ils étaient vôtres, et vous me les avez donnés, et ils ont gardé votre parole. "Maintenant ils ont connu que tout ce que "vous m'avez donné, vient de vous; car les paroles que vous m'avez données, je les leur ai données; et ils les ont reçues, et ils ont connu vraiment que je suis sorti de vous, et ils ont cru que vous m'avez envoyé". Sans doute il aurait pu dire toutes ces choses de tous les fidèles futurs; car elles étaient déjà accomplies en espérance, quoiqu'elles ne dussent réellement s'accomplir que plus tard; mais ce qui prouve davantage qu'il ne voulait point faire par là allusion seulement à ses disciples d'alors, c'est ce qu'il dit peu après: "Lorsque j'étais avec eux, je les gardais en votre nom; ceux que vous m'avez donnés, je les ai gardés et aucun d'eux n'a péri, sinon le fils de perdition, afin que l'Ecriture s'accomplit". Il indiquait ainsi le traître Judas, car, des douze, Apôtres, il a été le seul qui ait péri. Ensuite il ajoute: "Mais maintenant je viens à vous!" De là, il ressort évidemment qu'il faisait allusion à sa présence corporelle, quand il disait: "Lors"que j'étais avec eux, je les gardais u. On croirait, à l'entendre, que déjà il avait cessé de se trouver corporellement présent parmi eux. Ainsi a-t-il voulu indiquer son ascension qui devait avoir lieu prochainement, et de laquelle il dit: "Mais maintenant je viens à vous". Il devait, en effet, aller s'asseoir à la droite du Père, d'où, selon la règle de la foi (98) et la saine doctrine, il doit venir avec le même corps juger les vivants et les morts. Par sa présence spirituelle, il devait rester avec eux, même après son ascension, et doit rester avec toute son Eglise en ce monde jusqu'à la consommation des siècles (1). On ne comprendrait pas bien de qui il a dit: "Lorsque j'étais avec eux, je les gardais",. si on n'appliquait ces paroles qu'à ses disciples d'alors; comme ils croyaient en lui, il avait commencé à les garder corporellement, et il devait les abandonner corporellement, afin de les garder avec le Père d'une manière spirituelle. Il parle ensuite des autres qui sent aussi à lui, lorsqu'il dit: "Or, je prie non pas pour ceux-là seulement, mais aussi pour ceux qui doivent croire en moi par leur parole". Ceci montre bien clairement qu'il ne parlait pas de tous ses disciples lorsqu'il disait: "J'ai manifesté votre nom aux hommes que vous m'avez donnés", mais seulement de ceux qui l'écoutaient lorsqu'il prononçait ces mots.

3. Au commencement même de son discours, il avait élevé les yeux au ciel et dit: "Père, l'heure est venue, glorifiez votre Fils afin que votre Fils vous glorifie". Depuis ce moment jusqu'à celui où il prononça ces mots: "Et maintenant vous, Père, glorifiez-moi de la gloire que j'ai eue en vous, avant que le monde existât", Notre-Seigneur a voulu parler de tous ceux à qui il ferait connaître le Père, pour le glorifier. En effet, après avoir dit: "Afin que votre Fils vous glorifie", il montra comment la chose devait se faire; car il s'exprima en ces termes: "Comme vous lui avez donné pouvoir sur toute chair, afin qu'à tous ceux que vous lui avez donnés, il donne la vie éternelle. Or, la vie éternelle, c'est de vous connaître, vous le seul vrai Dieu, et celui que vous avez envoyé, Jésus-Christ (2)". Le Père, en effet, ne peut être glorifié par la connaissance des hommes, s'ils ne connaissent aussi celui par qui il est glorifié, c'est-à-dire par qui les peuples le connaissent. Cette glorification du Père ne se borne pas aux seuls Apôtres, elle s'étend à tous les hommes, qui sont les membres dont Jésus-Christ est le chef. On ne peut entendre des seuls Apôtres ces paroles: "Comme vous lui avez donné pouvoir sur toute chair, afin qu'à tous ceux que


1. Mt 28,20. - 2. Jn 17,1-20.

vous lui avez donnés, il donne la vie éternelle", il faut évidemment les entendre, de tous ceux qui, croyant en lui, obtiennent la vie éternelle.

4. Voyons donc maintenant ce qu'il dit de ses disciples qui l'entendaient. "Alors j'ai manifesté",dit-il, "votre nom aux hommes que vous m'avez donnés". Ils ne connaissaient donc pas le nom de Dieu, pendant qu'ils étaient Juifs? Que devient alors ce que nous lisons: "Dieu est connu dans la Judée; son nom est grand dans Israël (1)?" Donc "j'ai manifesté votre nom à ces hommes que vous m'avez donnés au milieu du monde", et qui m'entendent prononcer ces paroles; je leur ai manifesté, non pas ce nom par lequel on vous appelle Dieu, mais celui par lequel on vous appelle mon Père; et ce nom ne pouvait être manifesté sans que le Fils fût manifesté lui-même, car le nom par lequel il est appelé le Dieu de toute créature, n'a pu rester tout à fait inconnu à toutes les nations, même avant qu'elles crussent en Jésus-Christ. Telle est la force de la vraie divinité, qu'elle ne peut être ni absolument ni entièrement cachée à toute créature raisonnable qui a l'usage de sa raison. Excepté, en effet, un petit nombre d'hommes en qui la nature s'est trouvée trop dépravée, le genre humain tout entier confesse que Dieu est l'auteur de ce monde. En tant donc qu'il a fait ce monde composé du ciel et de la terre, Dieu était connu de toutes les nations, même avant qu'elles fussent imbues de la foi de Jésus-Christ. En tant qu'il ne doit pas être adoré avec les faux dieux d'un culte insultant pour lui, Dieu est connu dans la Judée. Mais en tant qu'il est le Père de ce Jésus-Christ, par qui il enlève les péchés du monde, ce nom précédemment caché à tous, Jésus-Christ l'a maintenant manifesté à ceux que le Père lui. même lui a donnés au milieu du monde. Pourtant, comment l'a-t-il manifesté, si elle n'est pas encore venue, cette heure dont il disait "qu'il viendra une heure, où je ne vous parlerai plus en paraboles, mais où je vous parlerai ouvertement de mon Père (2)?" Faut-il regarder comme ouvertement annoncé ce qui se dit en paraboles? Mais pourquoi dire: Je vous parlerai ouvertement, sinon parce que ce n'est point parler ouvertement que parler en paraboles? Ne pas cacher


1. Ps 75,2. - 2. Jn 16,25.


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ce qu'on dit sous des paraboles, mais le manifester par ses paroles, c'est ce qui s'appelle parler ouvertement. Comment donc Notre-Seigneur a-t-il manifesté ce qu'il n'a pas encore dit ouvertement? Il faut reconnaître qu'en cet endroit il emploie le temps passé pour le futur, comme il avait déjà fait en cet autre: "Tout ce que j'ai appris de mon Père, je vous l'ai fait connaître (1)"n. En réalité, il ne l'avait pas encore fait, mais il parlait comme s'il l'avait fait, parce qu'il savait que, d'après la prédestination, il le ferait certainement.

5. Mais que signifient ces mots: "Que vous m'avez donnés au milieu du monde?" Il a dit des Apôtres qu'ils n'étaient pas du monde: c'est là un effet de leur régénération, et non pas de leur naissance. Que signifie aussi ce qui suit: "Ils étaient à vous et vous me les avez donnés?" Y a-t-il eu un temps où ils appartenaient au Père, sans appartenir aussi à son Fils unique, et le Père a-t-il jamais eu quelque chose, sans que le Fils l'eût aussi? Loin de nous cette pensée. Néanmoins, pendant une certaine époque, le Fils a eu, comme Dieu, ce qu'il n'avait pas comme homme; car, avant de recevoir d'une mère la vie humaine, il possédait déjà toutes choses avec le Père. Aussi, quand il dit: "Ils étaient à vous", il n'a pas voulu se mettre de côté, puisqu'il était le Fils de Dieu et que le Père n'a jamais rien possédé sans lui; mais bien qu'il puisse tout, il attribue d'habitude tout ce qu'il petit à Celui qui l'a engendré; car il tient son pouvoir de Celui dont il a reçu l'être, et il a toujours possédé en même temps l'être et le pouvoir, car il a toujours existé et toujours le pouvoir a été inhérent à son être. Donc, tout ce que le Père a pu, le Fils l'a toujours pu avec lui; parce que le Fils, qui a toujours existé et n'a jamais été privé du pouvoir, n'a jamais non plus été sans le Père, comme aussi le Père n'a jamais été sans lui. Et ainsi, de même que le Père éternel est tout-puissant, de même le Fils qui lui est coéternel est tout-puissant; et s'il est tout-puissant, comme le Père, il tient tout dans sa main. Ainsi devons-nous traduire, si nous voulons rendre exactement le mot grec pantokratwr: ce mot veut dire qui contient tout; or, les nôtres ne l'auraient pas traduit par tout-puissant, si ces deux mots ne signifiaient pas la même chose. Mais si l'Eternel contient


1. Jn 15,15.

tout, Celui qui lui est coéternel et qui contient aussi tout, peut-il posséder quelque chose de moins que lui? Quand Jésus dit: "Et vous me les avez donnés", il montre donc que c'est en qualité d'homme qu'il a reçu la puissance de les posséder, parce que Celui qui a toujours été tout-puissant n'a pas toujours été homme. Il semble glorifier plus particulièrement le Père de ce qu'il les lui a donnés, parce que tout ce qu'il est,il le tient de Celui de qui il est. Cependant, il se les est donnés à lui-même; c'est-à-dire, Jésus-Christ Dieu a, conjointement avec le Père, donné les hommes à Jésus-Christ homme, mais homme sans le Père. Enfin, celui qui dit en cet endroit: "Ils étaient à vous, et vous me les avez donnés", avait déjà dit plus haut aux mêmes disciples: "C'est moi qui vous ai choisis du monde (1)". Que toute pensée charnelle soit ici anéantie et disparaisse. Le Fils dit que le Père lui a donné du monde des hommes auxquels il dit ailleurs: "C'est moi qui vous ai choisis du monde". Ceux que le Fils a, comme Dieu, choisis du monde conjointement avec le Père, le même Fils les a, comme homme, reçus du monde; car le Père les lui a donnés. Le Père ne les aurait pas donnés au Fils, s'il ne les avait pas choisis; et comme le Fils n'a pas voulu se séparer du Père quand il a dit: "C'est moi qui vous ai choisis du monde", parce que le Père les a choisis en même temps; de même encore il n'a pas voulu se séparer du Père lorsqu'il a dit: "Ils étaient à vous", parce qu'ils étaient également au Fils. Il faut donc dire que le même Fils a, comme homme, reçu ceux qui n'étaient pas à lui, parce que, comme Dieu, il a reçu la forme d'esclave qui n'était pas à lui.

6. Notre-Seigneur continue et dit: "Et ils ont gardé votre parole; maintenant ils ont appris que toutes les choses que vous m'avez données viennent de vous", c'est-à-dire, ils ont appris que je viens de vous. En même temps qu'il engendrait celui qui devait avoir toutes choses, le Père lui a donc donné toutes choses. "Parce que", continue-t-il, "les paroles que vous m'avez données, je les leur ai données, et ils les ont reçues"; c'est-à-dire, ils les ont comprises et retenues. On reçoit, en effet, une parole, quand on la perçoit par l'esprit. "Et ils ont connu vraiment que je suis sorti de vous, et ils ont cru que


1. Jn 15,19.

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vous m'avez envoyé". Ici il faut sous-entendre "vraiment". Après avoir dit: "Ils ont connu vraiment", il a voulu l'expliquer, en ajoutant: "Et ils ont cru". Ils ont donc cru "vraiment" ce qu'ils ont connu "vraiment"; car ces mots: "Je suis sorti de vous", ont le même sens que ceux-ci: "Vous m'avez envoyé". Il avait donc dit "Ils ont connu vraiment"; mais afin de ne point laisser supposer que cette connaissance était le résultat d'une vue claire et non celui de la foi, il ajoute comme explication: "Et ils ont cru", de telle sorte que nous devons sous-entendre "vraiment", et comprendre que ces mots: "Ils ont connu vraiment", signifient: "Ils ont cru vraiment"; en d'autres termes, ils n'ont pas cru de la manière à laquelle il faisait allusion lorsque, peu auparavant, il leur disait: "Maintenant croyez-vous? L'heure vient, et elle est déjà venue, "où vous serez dispersés chacun de votre côté et où vous me laisserez seul". Mais "ils ont cru vraiment (1)", comme il faut croire d'une foi inébranlable, ferme, stable et courageuse; ils ne devaient plus retourner chez eux et abandonner Jésus-Christ. Ses disciples n'étaient pas encore tels qu'il les disait, en se servant du temps passé, comme si déjà ils l'étaient devenus; mais il annonçait ce qu'ils deviendraient après avoir reçu le Saint-Esprit, qui devait, selon sa promesse, leur enseigner toutes choses. Avant d'avoir reçu cet Esprit, comment gardèrent-ils sa parole? Notre-Seigneur le leur dit, comme s'ils l'avaient déjà fait; le premier d'entre eux ne l'a-t-il pas, en effet, renié trois fois (2), quoi


1. Jn 16,31-32. - 2. Mt 26,63-74.

qu'il eût entendu de sa bouche même ce qui devait arriver à l'homme qui le renierait devant les hommes (1)? Suivant son expression même, il leur donna donc les paroles que lui avait données le Père; mais quand ils les reçurent spirituellement dans leurs coeurs, et non pas seulement extérieurement dans leurs oreilles, c'est alors qu'ils les reçurent véritablement, parce qu'alors ils les connurent véritablement; et ils les connurent véritablement, parce qu'ils les crurent véritablement.

7. Mais comment le Père a-t-il donné ces paroles au Fils lui-même? Par quelles paroles l'homme pourra-t-il l'expliquer? Sans doute, la question est plus facile, si l'on croit qu'il a reçu ces paroles du Père en tant que Fils de l'homme; et toutefois, qui racontera quand et comment celui qui est né d'une vierge a appris ces paroles? car, même sa génération dans le sein d'une Vierge, qui la racontera? Mais si l'on croit qu'il a reçu du Père ces paroles, en tant qu'il est son Fils et qu'il lui est coéternel, on doit faire abstraction du temps; par conséquent, on ne peut supposer qu'il ai} existé un seul instant sans les avoir, ou qu'il les ait reçues de manière à avoir ce qu'il n'avait pas auparavant. En effet, tout ce que Dieu le Père a donné à Dieu le Fils, il le lui a donné en l'engendrant. Car le Père a donné au Fils ce sans quoi il ne pourrait être le Fils, comme il lui a donné d'être. Comment pourrait-il donner autrement quelques paroles à son Verbe, puisque c'est en lui qu'il a dit toutes choses d'une manière ineffable? Pour ce qui suit, il faut attendre à un autre discours.


1. Mt 10,33.





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CENT-SEPTIÈME TRAITÉ

Jn 17,9-13

REMISE DES APOTRES A LA GARDE DU PÈRE

DEPUIS CES PAROLES DE JÉSUS: "MOI JE PRIE POUR EUX", JUSQU'A CES AUTRES: "AFIN QU'ILS AIENT MA JOIE ACCOMPLIE EN EUX-MÊMES".


Le Sauveur prie pour ses disciples qui sont1dans le monde, mais qu'en qualité d'homme il a reçus de la part de Dieu, du milieu du monde. Le Père va le glorifier, il est sur le point de les quitter; c'est donc au Père de veiller sur eux et de leur communiquer la plénitude de la paix et de la joie.


1. En parlant à son Père de ceux qu'il avait déjà pour disciples, le Sauveur lui dit entre autres choses: "Moi, je prie pour eux; je ne prie pas pour le monde, mais pour ceux que vous m'avez donnés" . Par monde, il veut ici qu'on entende ceux qui vivent selon la concupiscence du monde, et ne sont pas à tel point privilégiés de la grâce qu'ils soient par lui choisis du milieu du monde. Aussi dit-il qu'il prie, non pour le monde, mais pour ceux que le Père lui a donnés. En effet, par cela même que le Père les lui a déjà donnés, ils n'appartiennent plus à ce monde, pour lequel il ne prie pas.

2. Il ajoute ensuite: "Parce qu'ils sont à vous". De ce que le Père les a donnés au Fils, il ne suit pas qu'il les ait perdus; car le Fils continue et dit: "Et tout ce qui est à moi vous appartient, et tout ce qui est à vous est à moi". Par là, il paraît assez comment sont au Fils unique toutes les choses qui appartiennent au Père: c'est qu'il est Dieu lui-même et que, né du Père, il lui est égal. Il ne faut donc pas entendre ces paroles de la manière dont il a été dit à l'un des deux fils, c'est-à-dire à l'aîné: "Toi, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi. est à toi (1)". Dans le premier cas, il est question de toutes les créatures placées au-dessous de la créature sainte et raisonnable, et qui sont soumises à l'autorité de l'Eglise; or, dans cette Eglise universelle se trouvent compris ces deux fils, l'aîné et le plus jeune, avec tous les saints Anges, auxquels nous serons égaux dans le royaume de Jésus-Christ et de Dieu (2). Mais voici ce qu'a dit Jésus-Christ: "Tout ce qui est à moi est à vous, et tout ce


1. Lc 15,31. - 2. Mt 22,30.

qui est à vous est à moi". Ces paroles s'appliquent donc à la créature raisonnable elle-même, à cette créature qui n'est inférieure, qu'à Dieu et qui tient sous sa dépendance tout ce qui se trouve au-dessous d'elle. Cette créature raisonnable appartient à Dieu le Père, mais elle n'appartiendrait pas en même temps au Fils, si le Fils n'était pas égal au Père. C'est d'elle qu'il entendait parler, lorsqu'il disait: "Je ne prie pas pour le monde, mais pour ceux que vous m'avez donnés; parce qu'ils sont à vous, et que tout ce qui est à moi est à vous; et que tout ce qui est à vous est à moi". Et il est impossible que les saints dont il dit ces choses, appartiennent à d'autres qu'à celui qui les a créés et sanctifiés. Par conséquent, tout ce qui est à eux doit aussi nécessairement appartenir à Celui à qui ils appartiennent eux-mêmes. Donc, comme ils appartiennent et au Père et au Fils, c'est la preuve que le Père et le Fils sont égaux, puisqu'ils leur appartiennent également. Ce qu'il disait, en parlant du Saint-Esprit: "Tout ce que le Père possède est à moi; c'est pourquoi j'ai dit qu'il recevra de ce qui est à moi et vous l'annoncera (1)"; il le disait des choses qui appartiennent à la divinité même du Père, et dans lesquelles il lui est égal, puisqu'il a tout ce que le Père a lui-même. Car le Saint-Esprit ne devait pas recevoir d'une créature soumise au Père et au Fils ce qu'il veut indiquer par ces mots: "Il recevra du mien"; mais il le reçoit du Père dont il procède, et de qui le Fils lui-même est né.

3. "Et", ajoute Notre-Seigneur, "j'ai été glorifié en eux". Maintenant, il parle de sa


1 Jn 16,15.

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glorification comme si elle était déjà accomplie, quoiqu'elle ne doive s'accomplir que plus tard. Tout à l'heure il demandait à son Père qu'elle s'accomplît. Mais il faut voir si c'est bien là cette glorification dont il avait dit: "Et maintenant, vous, Père, glorifiez-moi de cette glorification que j'ai eue en vous, avant que le monde fût (1)". Oui, voilà ce qu'il faut voir. Si c'est "en vous", comment est-ce "en eux?" Ou bien, lorsqu'il s'est fait connaître à eux, ne lui ont-ils pas servi à le faire connaître à tous ses témoins qui les ont crus? Nous pouvons parfaitement admettre qu'en ce sens Notre-Seigneur avait été glorifié dans ses Apôtres. En parlant de cela comme d'un fait déjà accompli, il montre que c'était une chose prédestinée, et-il veut qu'on regarde comme certain ce qui ne devait néanmoins arriver que plus tard.

4. "Et déjà", continue Notre-Seigneur, "je ne suis plus dans le monde, et ils sont dans le monde". Si vous ne faites attention qu'au moment où il parle, ils étaient encore dans le monde, les uns et les autres, Notre-Seigneur et ceux dont il parlait. Mais ces paroles, nous ne pouvons ni ne devons les entendre des dispositions de leur coeur et de leur conduite, en ce sens que les disciples étaient encore dans le monde, parce qu'ils aimaient encore les choses du monde, tandis que Jésus-Christ n'était déjà plus dans le monde, parce qu'il goûtait les choses divines. Il se trouve là un mot qui nous empêche absolument de les interpréter ainsi. Il ne dit pas, en effet: Je ne suis pas dans le monde; mais bien: "Déjà, je ne suis plus dans le monde". Et il montre par là qu'il avait été dans le monde, et qu'il n'y était déjà plus. En conséquence, nous serait-il permis de croire qu'il avait, pendant quelque temps, aimé les choses du monde, et que, délivré de cette erreur, il ne les aimait plus? Qui est-ce qui pourrait admettre un sens si impie? Voici donc ce qui nous reste à admettre: Il annonce qu'il n'est déjà plus dans le monde, dans le sens dans lequel il s'y était trouvé, c'est-à-dire corporellement. Il faisait donc connaître qu'il allait bientôt s'éloigner du monde, tandis que ses disciples ne s'en éloigneraient crue plus tard, et, pour l'indiquer, il dit qu'il n'est déjà plus dans le monde


1. Jn 17,1-5.

et qu'ils y sont encore, quoiqu'ils y soient encore également les uns et les autres. Il a parlé ainsi, comme un homme qui s'adresse à des hommes, et selon le langage habituel des hommes. Ne disons-nous pas tous les jours: Il n'est déjà plus là, en parlant de quelqu'un qui doit partir bientôt? C'est surtout de ceux qui vont mourir qu'on parle ainsi. Toutefois, Notre-Seigneur prévoyait que ces paroles pourraient embarrasser ceux qui liraient ceci; car il ajoute:"Et je viens à vous", expliquant en quelque sorte pourquoi il a dit: "Déjà je ne suis plus dans ce monde".

5. Notre-Seigneur recommande donc au Père ceux qu'il allait en quelque sorte abandonner par son absence corporelle: "Père saint, conservez en votre nom ceux que vous m'avez donnés". Comme homme, il prie Dieu pour les disciples qu'il a reçus de Dieu; mais faites bien attention à ce qui suit: "Afin qu'ils soient un comme nous". Il ne dit pas: afin qu'ils soient un avec nous, ni afin que nous et eux nous soyons un, comme nous-mêmes nous sommes un; mais il dit: "Afin qu'ils soient un comme nous". C'est-à-dire qu'ils soient un. dans leur nature, comme nous sommes un dans la nôtre. Chose qui assurément ne serait pas vraie, s'il ne la disait pour montrer que c'est comme Dieu, et non comme homme, qu'il est de même nature que le Père, comme il le dit ailleurs: "Le Père et moi, nous sommes un (1)". Car, en tant qu'homme, il dit: "Le Père est plus grand que moi (2)". Mais comme, en lui, le Dieu et l'homme ne forment qu'une seule personne, nous le voyons homme quand il prie; et nous le voyons Dieu, quand il ne fait qu'un avec celui qu'il prie. Mais, dans ce qui suit, nous trouverons un passage où nous traiterons ce sujet avec plus de soin.

6. Maintenant, il continue: "Lorsque j'étais avec eux, je les gardais en votre nom". Et comme je viens à vous, gardez-les en votre nom, ce nom dans lequel je les gardais lorsque j'étais avec eux. En tant qu'homme, le Fils gardait ses disciples au nom du Père, lorsque son humanité était présente au milieu d'eux. Mais le Père, lui aussi, gardait au nom du Fils ceux qu'il exauçait quand ils le priaient en son nom. C'est à


1. Jn 10,30. - 2. Jn 14,28.

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eux-mêmes que le même Fils avait dit: "En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous demandez quelque chose au Père en mon nom, il vous le donnera (1)". Nous ne devons cependant pas donner à cela un sens charnel, comme si le Père et le Fils nous gardaient, chacun à son tour, la protection de l'un succédant à celle de l'autre, et le premier arrivant au moment où le second s'éloigne. Nous sommes gardés en même temps et par le Père, et par le Fils, et par le Saint-Esprit; car ils ne forment tous trois qu'un seul Dieu véritable et bienheureux. Mais l'Écriture ne nous élève qu'autant qu'elle descend jusqu'à nous, de la même manière que le Verbe, en se faisant chair, est descendu pour nous élever, mais n'est pas tombé à terre pour y rester. Si nous connaissons Celui qui est descendu vers nous, élevons-nous avec lui puisqu'il veut nous élever. Et comprenons-le bien, lorsqu'il parle ainsi, il distingue les personnes, mais il n'établit pas plusieurs natures. Quand donc le Fils gardait corporellement ses disciples, le Père, pour les garder, n'attendait pas que le Fils s'éloignât, afin de lui succéder; mais tous les deux les gardaient de leur puissance spirituelle. Et quand le Fils leur enleva sa présence corporelle, il continua avec le Père sa garde spirituelle. Lorsqu'en tant qu'homme le Fils reçut la mission de les garder, il ne les enleva pas à la garde du Père; et quand le Père les donna à garder au Fils, il ne les donna pas séparément de Celui à qui il les donnait;


1. Jn 16,23.

il les donna au Fils en tant qu'homme, mais il n'agit pas séparément de son Fils en tant que Dieu.

7. Le Fils continue donc et dit: "Ceux que vous m'avez donnés, je les ai gardés, et aucun d'eux n'a péri, si ce n'est le fils de perdition, afin que l'Écriture fût accomplie". Celui qui est appelé fils de perdition, c'est celui qui a trahi Jésus-Christ; il était prédestiné à la perdition, selon l'Écriture, car elle a prophétisé de lui surtout au psaume cent huitième.

8. "Mais maintenant", dit Notre-Seigneur, "je viens à vous, et je dis ces choses dans le "monde, afin qu'ils aient en eux la plénitude de ma joie". Voilà qu'il dit: je parle dans le monde, et pourtant, un peu auparavant il avait dit: "Déjà je ne suis plus dans le monde". Pourquoi l'a-t-il dit? C'est ce que nous avons alors expliqué; et même nous avons montré qu'il l'expliquait lui-même. Donc, comme il n'était pas encore parti, il était encore là, et comme il devait bientôt partir,il n'y était en quelque sorte déjà plus. Mais quelle est cette joie dont il dit: "Afin qu'ils aient en eux la plénitude de ma joie?" C'est ce qu'il a exprimé plus haut en disant: "Afin qu'ils soient un comme nous". Cette joie qui est la sienne, c'est-à-dire qu'il a alise en eux, il veut qu'elle y soit complète; voilà pourquoi il dit qu'il a parlé dans le monde. Cette joie, c'est la paix et la béatitude de la vie future; et pour l'obtenir il faut vivre en celle-ci avec tempérance, justice et piété.



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CENT HUITIÈME TRAITÉ

Jn 17,14-19

SANCTIFICATION DES APOTRES

DEPUIS CES PAROLES DE JÉSUS: "JE LEUR AI DONNÉ MA PAROLE", JUSQU'À CES MOTS: "AFIN QU'ILS SOIENT, EUX AUSS1,SANCTIFIÉS EN VÉRITÉ".



Notre-Seigneur prie son Père de préserver du mal ses disciples et de les sanctifier dans la vérité, mais non de les retirer du monde: ainsi pourra-t-il les envoyer dans le monde, comme il y a été lui-même envoyé.


1. Notre-Seigneur s'adressant encore au Père et priant pour ses disciples, dit: "Je leur ai donné votre parole, et le monde les a pris en haine". Ils n'avaient pas encore éprouvé (104) cette haine par les souffrances qui les attendaient dans la suite; mais selon sa coutume, Notre-Seigneur annonçait ces choses et indiquait par un temps passé ce qui était encore à venir; il ajoute ensuite la cause pour laquelle le monde les déteste: "Parce qu'ils ne sont pas de ce monde, comme moi-même je ne suis pas de ce monde". Cette grâce leur avait été conférée par la régénération: car par leur naissance ils étaient du monde; c'est pourquoi il leur avait déjà dit: "Je vous ai choisis du monde (1)". Il leur avait donc été accordé de n'être pas plus du monde, que lui-même, qui les avait délivrés du monde. Pour lui, il n'a jamais été du monde; car, même selon la forme d'esclave, il est né du Saint-Esprit qui leur a communiqué la grâce de renaître. En effet, si les disciples ne sont plus du monde, parce qu'ils ont puisé dans le Saint-Esprit une seconde vie, Notre-Seigneur n'a jamais été du monde, puisqu'il est né du Saint-Esprit.

2. "Je ne prie pas", continue-t-il, "pour que vous les enleviez du monde, mais pour que vous les préserviez du mal". En effet, quoiqu'ils ne fussent plus du inonde, ils avaient besoin d'y demeurer encore. Il répète la même pensée. "Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde, sanctifiez-les dans la vérité". Ainsi, en effet, seront-ils préservés du mal; voilà ce que tout à l'heure déjà il demandait pour eux. On peut faire cette question: Comment n'étaient-ils plus du monde, s'ils n'étaient pas encore sanctifiés dans la vérité; ou bien, s'ils l'étaient déjà, pourquoi Jésus-Christ demande-t-il qu'ils le soient? N'est-ce pas parce que, étant déjà sanctifiés, ils font des progrès dans cette sainteté et deviennent encore plus saints? Mais si leur sainteté se perfectionne, la grâce de Dieu est loin d'y être étrangère; car celui qui en a consacré le commencement, en consacre aussi le perfectionnement. Aussi l'Apôtre dit-il: "Celui a qui en vous a commencé la bonne oeuvre, la perfectionnera jusqu'au jour de Jésus-Christ (2)". C'est pourquoi les héritiers du Nouveau Testament sont sanctifiés dans la vérité, dont les sanctifications de l'Ancien Testament n'étaient que les ombres; et quand ils sont sanctifiés dans la vérité, assurément ils le sont en Jésus-Christ, qui a dit avec


1. Jn 15,19. - 2. Ph 1,6.


vérité: "C'est moi qui suis la voie, la vérité et la vie (1)". De même en est-il quand il dit: "La vérité vous délivrera"; car, pour expliquer ensuite ce qu'il a voulu dire, il ajoute peu après: "Si le Fils vous délivre, alors vous serez vraiment libres (2)". II voulait montrer par là que ce qu'il appelait la vérité était ce que plus loin il appelait le Fils. Que veut-il donc dire en cet endroit: "Sanctifiez-les dans la vérité", sinon: sanctifiez-les en moi?

3. Enfin Notre-Seigneur continue, et il ne cesse de faire entendre la même chose plus clairement: "Votre parole est la vérité". Etait-ce dire autre chose que ceci: Je suis la vérité? Le texte grec de l'Evangile porte le mot logos, qui se lit aussi au passage où il est dit: "Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu". Et nous avons reconnu que le Verbe était le Fils unique de Dieu, "qui s'est fait chair et qui a habité parmi nous (3)". C'est pourquoi on aurait pu mettre ici, et on le trouve dans quelques exemplaires: Votre Verbe est la vérité; de même que dans quelques exemplaires il est écrit: "Au commencement était la Parole". En grec, on lit invariablement ici et là: Logos. C'est pourquoi le Père sanctifie dans la vérité, c'est-à-dire dans son Verbe, dans son Fils unique, ses héritiers et les cohéritiers de celui-ci.

4. Mais le Sauveur parle encore des Apôtres, car il continue en ces termes "Comme vous m'avez envoyé dans le monde, et moi aussi je les ai envoyés dans le monde". Qui a-t-il envoyé, sinon ses Apôtres? Le nom même d'Apôtres, qui est un nom grec, ne signifie pas, en latin, autre chose qu'envoyés. Dieu a donc envoyé son Fils, non pas dans une chair de péché (4), mais sous la ressemblance de la chair du péché; et son Fils a envoyé ceux qui, étant nés dans la chair du péché, ont été par lui purifiés de la tache du péché.

5. Mais par cela même que le médiateur de Dieu et des hommes, Jésus-Christ homme est devenu le chef de l'Eglise, les Apôtres sont ses membres; c'est pourquoi Notre-Seigneur ajoute ce qui suit: "Et pour eux, je me sanctifie moi-même". Qu'est-ce à dire: "Et pour eux, je me sanctifie moi-même?" Le voici: Je les sanctifie en moi-même, puisqu'ils ne sont autre chose que moi-même. Car, comme


1. Jn 14,6. - 2. Jn 8,32-36. - 3. Jn 1,1 Jn 1,14. - 4. Rm 8,3.

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je viens de le dire, ceux dont il parle sont ses membres; et la tête et le corps ne forment qu'un seul Christ. C'est la doctrine de l'Apôtre, car il dit en parlant de la race d'Abraham: "Mais si vous êtes de Jésus-Christ, donc vous êtes la race d'Abraham". Il avait dit plus haut: "Il ne dit pas à plusieurs de la race, mais à un seul de sa race, lequel est Jésus-Christ (1)". Si donc la race d'Abraham n'est autre que Jésus-Christ, qu'a-t-on voulu dire à ceux auxquels l'Apôtre adressait ces paroles: "Donc vous êtes la race d'Abraham?" Ceci évidemment: Donc vous êtes Jésus-Christ. Telle est la base du raisonnement que le même Apôtre fait dans un autre endroit: "Maintenant je me réjouis en mes souffrances pour vous, et j'accomplis ce qui manque aux souffrances de Jésus-Christ en ma chair (2)". Il ne dit pas: à mes souffrances; mais, aux "souffrances de Jésus"Christ", parce qu'il était an membre de Jésus-Christ; et, par ses souffrances semblables à celles que Jésus-Christ devait endurer dans tout son corps, l'Apôtre accomplissait, pour sa part, ce qui manquait à celles de Jésus-Christ. Veux-tu te convaincre que tel est le sens de ces paroles de Notre-Seigneur? Ecoute ce qui suit. Après avoir dit: "Et c'est pour eux que je me sanctifie moi-même",



1. Ga 3,29 Ga 3,16. - 2 Col 1,24.

pour nous faire entendre qu'il parlait ainsi parce qu'il les sanctifiait en lui-même, le Sauveur ajoute aussitôt: "Afin qu'ils soient, eux aussi, sanctifiés dans la vérité"; ce qui veut dire, en moi-même, puisque la vérité c'est le Verbe, Dieu dès le commencement. C'est en ce même Verbe que le Fils de l'homme lui-même a été sanctifié dès le commencement de sa création, au moment où le Verbe s'est fait chair; car le Verbe et l'homme se sont réunis en une seule personne. Alors il s'est sanctifié lui-même, en lui-même, c'est-à-dire, lui homme, en lui Verbe; parce que le Verbe et l'homme sont un seul Jésus-Christ qui sanctifie l'homme dans le Verbe. "Et pour eux", dit-il, c'est-à-dire pour leur avantage, parce qu'ils sont moi, comme il m'a été avantageux en moi-même parce que je suis homme sans eux: "Et je me sanctifie moi-même"; c'est-à-dire, je les sanctifie en moi, comme moi-même, parce que en moi ils sont moi-même. "Afin qu'eux aussi soient sanctifiés dans la vérité". Que signifient ces mots: "eux aussi", sinon, comme moi? et, "dans la vérité", sinon ce que je suis moi-même? Ensuite, il parla non plus seulement de ses Apôtres, mais de ses autres membres. Avec la grâce de Dieu, nous expliquerons dans un autre discours la suite de ses paroles.




Augustin sur Jean 106