Chrysostome sur 1Tm 701

701 1. Si l'apôtre veut que les guerres des nations, les combats et les troubles s'apaisent, et s'il exhorte, pour ce motif, le prêtre à faire des prières pour les rois et les princes, à bien plus forte raison les simples fidèles doivent le faire. En effet, il y a trois sortes de guerres qui sont cruellement douloureuses : la première, quand nos soldats sont combattus par les Barbares; la seconde, quand, pendant la paix, nous combattons les uns contre les autres; la troisième enfin, quand chacun combat contre lui-même; et celle-ci est la plus douloureuse de toutes. Celle des Barbares ne saurait nous nuire beaucoup. Que vous feraient-ils ? Ils égorgent, ils tuent; mais ils ne nuisent point à l'âme. La seconde même, si nous le voulons,, ne nous fera point de mal. Quand d'autres nous attaqueraient, nous pouvons demeurer en paix, car écoutez ce que dit le Prophète : « Au lieu de m'aimer, ils me calomniaient, mais moi je priais » (Ps 108,4) ; et encore : « Avec ceux qui haïssaient la paix, j'étais pacifique» (Ps 119,7) ; et: « Ils m'attaquaient gratuitement ». Mais pour la troisième, on ne peut échapper au péril. Car lorsque le corps est en lutte contre l'âme, lorsqu'il éveille de fâcheuses passions, arme les voluptés, suscite l'entraînement de la colère ou de l'envie, il est impossible, si cette guerre n'est réprimée, d'obtenir les biens promis; mais nécessairement celui qui laisse durer ce trouble, tombe, reçoit des blessures, et cette guerre enfante la mort de l'enfer. Il nous faut donc chaque jour vivre dans la sollicitude et la vigilance, afin que cette guerre ne naisse point en nous, ou, si elle naît, qu'elle ne persiste point, mais soit apaisée et assoupie. Car quel avantage auriez-vous, si, la terre jouissant d'une paix profonde, vous étiez en guerre contre vous-même? C'est la paix avec nous-même qu'il est nécessaire d'avoir; si nous la possédons, rien du dehors ne pourra nous nuire.

Mais la paix du pays y contribue notablement; c'est pourquoi le texte dit : « Afin que nous menions une vie paisible et tranquille ». Mais celui qui est troublé pendant la paix est bien malheureux. Voyez-vous que l'apôtre parle de cette sorte de paix, de la troisième? C'est pour cela qu'en disant : « Afin que nous menions une vie paisible et tranquille », il ne s'arrête pas là, mais ajoute : « En toute piété et retenue». Or, on ne peut vivre dans la piété et la retenue sans jouir de cette paix. Car lorsque des raisonnements inquiets troublent notre foi, quelle paix pouvons-nous avoir ? Lorsque nous sommes agités par le souffle du libertinage, quelle paix pouvons-nous avoir? Il veut donc prévenir la pensée qu'il parle d'une paix terrestre, quand il dit : « Afin que nous menions une vie paisible et tranquille » ; car, en ce sens, une vie paisible et tranquille peut être menée par les gentils, les gens déréglés, ceux qui se livrent à la mollesse et aux plaisirs. Sachez donc qu'il ne parle point de celle-là, mais de celle que l'on trouve dans la piété et la retenue. Car cette autre vie est pleine d'embûches et de combats, l'âme étant chaque jour atteinte par le trouble des raisonnements; ce n'est donc point d'elle qu'il parle, mais de celle qui réside en toute piété.

« En toute piété », dit-il, pour que l'on ne pense pas qu'il s'agit seulement de la croyance, mais aussi de la conduite; car c'est là qu'il faut chercher la piété. Que gagnent ceux qui, pieux quant à leur foi, sont impies dans leur conduite? Et pour ne pas douter qu'il y ait aussi là de l'impiété, écoutez ce bienheureux dire autre part : « Ils avouent connaître Dieu, et ils le nient par leurs actes» (Tt 1,16); et aussi: « Il a nié sa foi et est pire qu'un infidèle » (1Tm 5,8); ailleurs : « Si quelqu'un est nommé frère et est impudique, ou avare, ou idolâtre » (1Co 5,11), celui-là n'honore pas Dieu. L'Écriture dit aussi que « Celui qui hait son frère ne connaît pas Dieu». (1Jn 2,9) Vous voyez combien il y a de sortes d'impiété. C'est pourquoi l'apôtre dit : « En toute piété et retenue ». Car ce n'est pas l'impudique seul qui manque de retenue ; mais l'homme cupide, l'homme sans frein méritent le même reproche; il y a là une passion non moindre que la volupté. Celui donc qui ne la réprime pas est un homme sans frein, car on appelle ainsi celui qui ne refrène pas ses passions. Je donnerai donc ce nom à l'homme colère, à l'envieux, à l'avare, au perfide, à tous ceux qui vivent dans le péché; tous sont sans retenue ni modération. « Car voilà ce qui est beau et digne aux yeux de Dieu notre Sauveur ». Et qu'est-ce? C'est (300) de prier pour tous; voilà ce que Dieu accueille, voilà ce qu'il veut, lui « qui veut que tous les hommes soient sauvés et arrivent à reconnaître la vérité ».

702 2. Imitez Dieu puisqu'il veut que tous soient sauvés, vous devez apparemment prier pour tous; s'il a souhaité que tous le fussent, souhaitez-le aussi. Et s'il en est ainsi, priez, car c'est pour de tels objets qu'il faut prier. Voyez-vous comment l'apôtre a de toutes parts fait pénétrer dans nos âmes le devoir de prier même pour les païens? Il nous montre l'avantage immense que nous en retirons, en disant « Afin que nous menions une vie paisible « et tranquille » ; il nous montre aussi ce motif bien supérieur, que cela plaît à Dieu et que nous devenons ainsi semblables à lui, en ayant le même vouloir que lui. Cela devrait suffire pour faire honte même à une bête féroce. Ne craignez donc pas de prier pour les païens, Dieu lui-même le veut; craignez seulement de maudire, car c'est là ce qu'il ne veut pas. Et s'il faut prier pour les païens, il est clair qu'il faut aussi prier pour les hérétiques, car nous devons le faire pour tous les hommes, et non les persécuter. Oui, il est beau de prier pour eux : n'ont-ils pas avec nous une même nature ? Dieu loue et agrée l'amour et la tendresse que nous avons les uns pour les autres. Mais, dira-t-on, si le Seigneur a cette volonté, qu'a-t-il besoin de nos prières? Il est fort utile aux païens et aux hérétiques que nous les fassions; elles les entraînent à nous aimer et vous empêchent vous-mêmes de vous aigrir tout cela est propre à les attirer à la foi. Car beaucoup d'hommes se sont éloignés de Dieu par animosité contre les hommes. C'est là le salut dont parle l'apôtre, quand il dit: «Notre Sauveur qui veut que tous les hommes soient sauvés » : c'est là le salut véritable; tout autre est peu de chose et n'a que le nom et le titre de salut. — « Et arrivent à reconnaître la vérité ». La vérité, c'est la foi en lui. L'apôtre, en effet, a d'abord averti Timothée d'exhorter les hommes à ne point enseigner de nouvelles doctrines. Et pour qu'il ne trouve pas en eux des ennemis, pour qu'il n'engage pas de luttes contre eux, que lui dit-il encore? Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et arrivent à reconnaître la vérité. Il ajoute : « Il n'y a qu'un seul Dieu, et qu'un seul médiateur entre Dieu et les hommes (1Tm 2,5) ». Il a dit : « Arrivent à te connaître la vérité », montrant ainsi que terre n'en est point en possession; puis: « il n'y a qu'un seul Dieu », et non plusieurs comme le croient les gentils. Pour montre que Dieu veut que tous soient sauvés, il ajout qu'il a envoyé son Fils comme médiateur. Eh quoi, le Fils n'est-il pas Dieu? Oui, certes. Pourquoi donc l'apôtre dit-il : Un seul? Par opposition aux idoles et non au Fils, car il parle à la fois ici de la vérité et de l'erreur. Mais le médiateur doit participer à ceux dont il est le médiateur; l'essence de la médiation est de tenir et de participer à tous deux; s'il tient à l'un et est séparé de l'autre, il n'est pas médiateur. Si donc il ne participe pas à la nature du Père, il n'est point médiateur, mais séparé. Car de même qu'il participe à la nature humaine, parce qu'il est venu parmi les hommes, il participe à celle de Dieu, parce qu'il est venu de Dieu. Puisqu'il est le médiateur de deux natures, il ne peut en être isolé. Comme un lieu intermédiaire entre deux autres les a tous deux pour voisins, de même en doit-il être pour celui qui est le lien entre deux natures. S'il s'est fait homme, il n'en était pas moins Dieu. Simplement homme, il n'aurait pu être médiateur, car il fallait qu'il traitât avec Dieu même; simplement Dieu, il ne l'an. rait pu encore, car ceux pour qui il se faisait médiateur ne l'auraient pas reçu.

Car de même que dans un autre endroit l'apôtre dit: « Il n'y a qu'un Dieu le Père... et un Seigneur Jésus-Christ» (1Co 8,6), ainsi en ce passage même, il dit un Dieu et un médiateur. Il ne met pas « deux », car il parlait ici du polythéisme et ne voulait pas que personne abusât du mot « deux » pour supposer deux dieux; il a dit « un » et puis encore il dit « un ». Voyez-vous quelle précision de langage on trouve dans l'Ecriture ! Un et un sont deux, mais nous ne prononcerons pas ce mot, bien que le raisonnement nous y invite. Ici vous ne dites pas : Un et un, deux. Vous dites ce que le raisonnement ne vous suggère pas. S'il est né, il a souffert. « Il n'y a », dit-il, « qu'un seul Dieu et qu'un seul médiateur entre Dieu et les hommes, c'est Jésus-Christ, qui est homme, qui s'est donné comme rançon pour tous ». (1Tm 2,5-6) Eh quoi? pour les païens aussi? Il est le Christ et il est mort pour eux, et vous, vous ne consentez pas à prier pour eux ! Comment donc, me dira-t-on, n'ont-ils pas cru ? Parce qu'ils. ne l'ont pas voulu, (301) mais, ce qu'il avait à faire, il l'a fait. Le « témoignage » dont parle l'apôtre (1Tm 2,5-6), c'est sa passion. Car il est venu rendre témoignage à la vérité du Père, et il a été égorgé. En sorte que non-seulement le Père lui rend témoignage, mais lui aussi au Père. « Pour moi », dit-il, « je suis venu au nom de mon Père ». (Jn 5,43) Et ailleurs : « Nul n'a jamais vu Dieu ». (Jn 1,18) Et encore : « Afin qu'ils vous connaissent, vous le seul Dieu véritable » (Jn 17,3) ; et : « Dieu est esprit ». (Jn 4,24) Il a donc rendu témoignage jusqu'à la mort « en son temps », c'est-à-dire au temps opportun.

703 3. « C'est pourquoi j'ai été placé comme prédicateur et apôtre (je dis la vérité, je ne ment point); docteur des nations dans la foi et la vérité (1Tm 2,7) ». Puis donc que le Sauveur a souffert pour les nations, et que c'est aussi pour être docteur des nations que j'ai été mis à part, pourquoi ne priez-vous pas pour les gentils? Il réclame la confiance, comme ayant été mis à part pour être le docteur des nations; car les apôtres s'étaient montrés bien lents à cet égard. Il ajoute «docteur des nations, dans la foi et la vérité ». — « Dans la foi» ; De pensez pas que ce soit un leurre, car il dit aussi : « Dans la vérité » ; ce n'est point une fraude. Vous voyez que la grâce s'étend; chez les juifs on ne faisait point de prières pour un tel but; mais maintenant la grâce s'est étendue. « Docteur des nations dans la foi et la vérité». — «Qui s'est donné comme rançon». Comment a-t-il été livré par son Père? C'est que sa bonté l'a voulu. Qu'est-ce que cette rançon ? Il devait punir ces hommes; ils devaient périr; mais à leur place il a livré son propre fils, afin que la croix fût prêchée.

C'en est assez pour attirer tous les hommes et pour faire connaître la charité du Christ; carde tels bienfaits sont immenses et inénarrables. Il s'est immolé lui-même pour ses ennemis, pour ceux qui le haïssent et se détournent de lui. Ce qu'un homme ne ferait pas pour ses amis, pour ses enfants, pour ses frères, le Maître l'a fait pour ses serviteurs; et non un maître de la même espèce qu'eux, mais un Dieu pour des hommes et pour des hommes coupables. Ce qui ne se fait pas pour ses semblables, s'est fait alors, et nous, objets d'une telle charité, nous semblons nous y refuser, nous n'aimons pas le Christ. Il s'est immolé pour nous, et nous le voyons d'un oeil distrait privé de nourriture ; il est malade, il manque de vêtements et nous n'y prenons pas garde. Quelle colère, quels châtiments, quel enfer ne mérite pas une telle conduite? Quand il n'eût rien fait que daigner s'approprier les souffrances des hommes, que nous dire : J'ai faim, j'ai soif, n'était-ce pas assez pour nous entraîner tous ? Mais, ô tyrannie des richesses, ou plutôt, ô perversité de leurs esclaves volontaires, de telles pensées ont peu de pouvoir; nous sommes lâches et dissolus, abjects et terrestres, charnels et insensés; car ce ne sont pas les richesses qui ont cette puissance. Que peuvent-elles? Dites-le-moi; elles sont muettes et inanimées. Si le diable, si le mauvais génie ne peut rien sur nous, malgré toute sa malice et bien qu'il trouble tout, quelle force possèdent les richesses? Quand vous voyez de l'argent, pensez que c'est de l'étain, Mais vous ne le pensez pas? Pensez alors, ce qui est vrai, que n'est de la terre, car il fait partie de la terre. Mais ce raisonnement ne fait point impression sur vous? Pensez donc que nous mourrons, nous aussi ; que beaucoup de ceux qui l'ont possédé n'en ont tiré presque nul profit; qu'un grand nombre de ceux qui s'en sont enorgueillis sont devenus cendre et poussière, qu'ils subissent aujourd'hui les plus rigoureux châtiments, et que bien des hommes qui reposaient sur des lits d'ivoire sont maintenant beaucoup plus misérables que ceux qui avaient des vases de terre et de verre, plus dénués que ceux qui vivaient dans la fange. Mais cela réjouit la vue ? Il est bien d'autres objets qui le peuvent davantage. Les fleurs, l'air pur, le ciel, le soleil la réjouissent bien plus. L'argent se rouille au point que quelques-uns ont montré qu'il est noir, comme on le voit, puisqu'il noircit la serviette qui l'essuie : rien de semblable dans le soleil, dans le ciel et dans les étoiles. Les fleurs ont un aspect bien plus agréable que la couleur de l'argent. Ce n'est donc pas son éclat qui vous enchante, c'est la cupidité, c'est l'injustice; c'est là ce qui séduit les âmes et non l'argent lui-même.


Chassez la cupidité de votre âme, et vous verrez que ce qui vous paraît si digne d'estime, est plus méprisable que la boue. Chassez la passion : quand ceux qui ont la fièvre aperçoivent une eau bourbeuse, ils désirent s'en abreuver, comme si c'était une source; ceux dont la santé est bonne ne désirent de l'eau (302) que par intervalles. Eloignez la maladie, et vous verrez les choses comme elles sont réellement ; et pour vous prouver que je ne ments point, je puis en produire beaucoup d'exemples. Eteignez le feu qui vous brûle, et vous verrez que tout cela est moins précieux que des fleurs. L'or est beau ; oui, mais dans l'aumône, pour le soulagement des malheureux, et non pour un vain usage, non pour être enfoui dans un coffre ou dans la terre, non pour être étalé sur les mains, les pieds et la tête. S'il a été découvert, ce n'est point pour en lier l'image de Dieu, mais pour délivrer les captifs; c'est ainsi que vous en ferez vraiment usage; délivrez le captif au lieu d'en lier cette image libre de ses mouvements. Car pourquoi, s'il vous plaît, préférer à tout un objet de si peu de valeur? Si c'est de l'or, en forme-t-il moins une chaîne? est-ce donc dans le choix de la matière que consiste le lien? D'or ou de fer, c'est toujours une chaîne, si ce n'est que l'une est encore plus lourde que l'autre. Mais pourquoi vous paraît-elle légère? C'est à cause de votre cupidité, du désir d'attirer tous les regards, ce dont une femme devrait plutôt rougir. Comme preuve de cette parole, chargez-la de chaînes d'or et envoyez-la dans un désert, où elle ne trouvera personne pour la regarder : bientôt ce lien lui paraîtra pesant et insupportable. Redoutons, mes bien-aimés, d'entendre ces redoutables paroles : « Liez-lui les mains et les pieds ». (Mt 22,13) Pourquoi dès ce monde vous lier ainsi vous. mêmes? Un prisonnier n'est pas enchaîné, des mains et des pieds. Et cela ne vous suffit donc pas? Pourquoi lier votre tête, pourquoi environner votre cou de tant de liens? J'omets les soucis qui en résultent, la crainte, les tourments, les querelles avec son mari pour de pareils objets, quand on les demande, le supplice que l'on éprouve, si l'on en perd quelqu'un. C'est donc là le bonheur, dites-le-moi? Afin de plaire aux yeux d'un autre, vous subissez volontairement les liens, les soucis, les périls, les chagrins, les querelles de chaque jour, N'est-ce pas là un sort digne à tous égards de blâme et de réprobation? Je vous en conjure, n'agissons point ainsi, mais dégageons-nous de tout lien d'iniquité; rompons le pain à celui qui a faim, accomplissons toutes les oeuvres qui peuvent nous donner assurance en présence de Dieu, afin d'obtenir les biens promis, en le Christ Jésus Notre-Seigneur, avec qui soient au Père et au Saint-Esprit, gloire, puissance, honneur, à présent et toujours, et aux siècles des siècles. Ainsi soit-il.





800

HOMÉLIE VIII (2,8-10). JE VEUX DONC QUE LES HOMMES PRIENT EN TOUT LIEU, EN ÉLEVANT DES MAINS INNOCENTES,

SANS COLÈRE NI DISCUSSION; ET DE MÊME AUSSI LES FEMMES, VÊTUES AVEC CONVENANCE, SE PARANT AVEC PUDEUR ET RETENUE, SANS FRISURES, SANS OR, SANS PERLES NI HABITS LUXUEUX, MAIS COMME IL SIED A DES FEMMES QUI ANNONCENT LA PIÉTÉ PAR LEURS BONNES OEUVRES. (1Tm 2,8-10)

Analyse,

1. On peut prier partout sous la loi de grâce, contrairement à ce qui avait lieu sous la loi de Moise. — Contre le luxe des femmes.
2 et 3. Contre les vierges dont la mise est trop étudiée.


801 1. « Lorsque vous prierez», dit le Seigneur, « ne soyez pas comme les hypocrites, qui ai« ment à prier debout dans les synagogues et aux angles des places publiques, afin d'être vus par les hommes. En vérité, je vous le dis, ils reçoivent ici leur récompense. Mais vous, lorsque vous priez, entrez dans votre chambre, fermez la porte et priez votre « Père dans le secret; il vous le rendra publiquement ». (Mt 6,5-6) Pourquoi donc Paul dit-il : « Je veux que les hommes prient « en tout lieu, en élevant des mains pures, sans « colère ni discussion ? » N'y a-t-il pas contradiction entre ces deux textes? A Dieu ne plaise; mais plutôt parfaite conformité. Et comment donc? D'abord il faut expliquer ce que veulent dire ces mots : « Entrez dans votre chambre », et ce que prescrit l'apôtre; s'il faut prier (303) en tout lieu, ou s'il ne faut pas prier à l'église, ni dans aucune autre partie de sa maison que celle-là. Que signifie ce texte? Le Christ nous enseignant ici à fuir la vanité, ne nous dit pas absolument de prier dans un lieu secret; mais de faire nos prières sans ostentation. De même que, lorsqu'il dit : « Que votre main gauche ne sache pas ce que fait votre main droite » (Mt 3), il ne parle pas de nos mains, mais il exprime l'humilité par une hyperbole; de même il enseigne ici la même chose dans un langage figuré. Par là donc, il n'a pas limité la prière à un lieu déterminé, mais il nous a enseigné une seule chose: à fuir l'ostentation. Et Paul dit ceci pour distinguer la prière des chrétiens de celle des juifs. Voyez en effet comment il s'exprime : « En tout lieu, élevant des mains innocentes » ; ce qui n'était point permis aux juifs. Car il ne leur, était point permis de se présenter devant Dieu, pour offrir des sacrifices et accomplir les cérémonies du culte, ailleurs que dans un lieu unique, où de toutes les contrées de la terre chacun devait accourir pour accomplir dans le temple des cérémonies saintes. Paul nous donne un conseil tout différent, et nous délivre de cette contrainte; car notre loi n'est point telle que la loi des juifs. De même qu'il nous prescrit de prier pour tous, puisque le Christ a souffert pour tous et que l'apôtre prêche pour tous; de même il est bonde prier partout; et désormais ce n'est plus au lieu, mais à la manière dont on prie qu'il faut prendre garde. Priez partout, dit-il, partout élevez des mains innocentes; voilà ce qui vous est demandé.

Qu'est-ce que des mains innocentes? des mains pures ; et qu'est-ce que des mains pures? non pas celles qui sont lavées avec de l'eau, mais celles qui sont pures d'avarice, de rapine, de meurtres, de violences. — « Sans colère ni. discussion » : Que veut dire cela? Qui donc se met en colère quand il prie? L'apôtre veut dire sans animosité. Que la pensée de celui qui prie soit pure, dégagée de toute passion; que personne ne se présente devant Dieu avec de la haine dans le coeur, avec un esprit chagrin et discutant avec, soi-même. Que veulent dire ces derniers mots? Ecoutons-le: c'est qu'il né faut point mettre en doute si nous serons exaucés : « Tout ce que vous demanderez avec foi », dit le Seigneur, « vous le recevrez » (Mt 21,22); et ailleurs: « Lorsque vous serez debout pour prier, pardonnez et il vous sera pardonné». (Mc 11,25) Voilà ce qu'est une prière faite sans discussion. Et comment, me direz-vous, pourrai-je croire que j'obtiendrai l'objet de ma demande? Oui, vous l'obtiendrez si vous ne demandez rien qui soit contraire, à ce que Dieu est résolu d'accorder, rien qui soit indigne de sa royauté, rien de temporel, mais seulement des choses spirituelles, et si vous vous présentez devant lui sans colère, avec des mains pures et innocentes. Des mains innocentes sont celles qui pratiquent les oeuvres de miséricorde. Si vous vous présentez ainsi devant Dieu, vous obtiendrez toutes vos demandes. « Si vous », dit le Seigneur, «tout méchants que vous êtes, savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père qui est dans les cieux ». (Mt 7,11) La discussion dont parle l'apôtre, c'est le doute.

« Et de même aussi les femmes » (1Tm 2,9), ajoute l'apôtre ; je veux, dit-il, que, sans colère et sans discussion, elles conservent leurs mains innocentes, ne cèdent point à leurs désirs, à la rapacité, à l'avarice. Et que penser de celles qui, ne se livrant pas elles-mêmes aux rapines, en font commettre par leurs maris? Mais Paul demande des femmes quelque chose de plus. « Qu'elles se parent», dit-il, «avec pudeur et retenue, d'une façon convenable, sans frisures, sans or, sans perles, mais comme il sied à des femmes qui annoncent la piété par leurs bonnes oeuvres » (1Tm 2,9-10). De quelle parure veut-il parler? D'une toilette honorable, convenable, exempte de superfluité ; car c'est ainsi qu'elles observeront la loi de la réserve. Quoi donc ! vous venez prier Dieu et vous vous couvrez de bijoux et de frisures ! allez-vous donc danser? vous rendez-vous donc à des noces? ou assistez-vous à une fête mondaine ? C'est là que les bijoux, les frisures, les riches vêtements ont leur place; maintenant il n'en est nul besoin. Vous êtes venue pour supplier, pour demander le pardon de vos fautes, la miséricorde pour vos offenses, pour fléchir votre Maître par vos prières. Pourquoi donc vous parer ? Tel n'est point l'appareil d'une suppliante. Comment pouvez-vous gémir et pleurer, persévérer dans votre prière, quand vous êtes ainsi chargée d'ornements ? Si vous pleurez, vos larmes feront rire ceux qui vous verront, car les bijoux d'or ne conviennent point à celle qui pleure; n'est-ce pas comédie (304) et spectacle que de faire sortir des larmes d'un coeur où réside tant d'amour du luxe et tant de vanité ? Mettez de côté toute cette comédie : on ne se joue point de Dieu. Tout cela convient aux mimes et aux danseurs qui figurent sur la scène, mais nullement à une femme pudique.

802 2. « Avec pudeur et retenue » (1Tm 2,9). N'imitez donc pas les femmes perdues, car c'est par de telles parures qu'elles séduisent leurs amants; c'est là ce qui fait naître tant de soupçons contre tant de femmes et sans nul avantage, car cette mauvaise renommée n'engendre pour autrui que du mal. La femme impudique, eût-elle bonne renommée, n'en tirera aucun avantage, quand celui qui juge les actions cachées produira tout au grand jour; de même la femme honnête, si elle acquiert la réputation d'adultère par les soins qu'elle donne à son extérieur, ne tirera point avantage de son honnêteté, car sa renommée a perdu des âmes. Que puis-je faire, direz-vous, si un autre me soupçonne ? C'est que vous y donnez occasion par votre parure, par vos regards et par votre tenue. C'est pour cela que Paul insiste sur la toilette et sur la pudeur. Mais s'il retranche ainsi ce qui n'est que marque d'opulence, l'or, les perles, les vêtements somptueux, combien plus les artifices de la coquetterie, le fard, la peinture des yeux (1), la démarche molle, la voix énervée (2), un oeil langoureux et impudique, les voiles, les tuniques d'une forme si étudiée, et les ceintures d'un travail encore plus exquis, les chaussures faites avec tant d'art. Il a entendu bannir tout cela, quand il a dit : « Vêtues avec convenance », et : « Avec pudeur » ; car ce sont là des parures qui conviennent à l'impudeur et à l'effronterie.

1 Cet usage existe encore chez les femmes turques.
2 Comme les « incroyables » du Directoire, qui avaient horreur des consonnes.

Supportez ce discours, je vous prie, car le prédicateur énonce des reproches sans déguisement, non pour blesser et faire souffrir, mais pour éloigner du troupeau tout ce qui lui est contraire. Et si l'apôtre défend tout cela aux femmes mariées et riches qui vivent dans l'opulence, combien plus à celles qui ont adopté la virginité. Mais, dira-t-on, quelle vierge porte des bijoux et des frisures? Elles apportent tant de recherches dans leurs simples vêtements que la parure n'est rien auprès.

On peut, avec des vêtements peu coûteux, avoir plus de recherche qu'une femme couverte de bijoux. Une robe d'un beau bleu, serrée avec soin par la ceinture, comme celles des danseuses du théâtre, en sorte qu'elle ne soit ni gonflée à droite ni retirée à gauche, mais que les deux côtés de la taille soient parfaitement symétriques, avec des plis nombreux sur la poitrine, ne charmera-t-elle pas plus que des vêtements de soie? La chaussure d'un noir bien brillant, terminée en pointe, sera d'une perfection artistique et aura peine à contenir le pied ? Le visage ne sera pas fardé, mais lavé bien à loisir et l'on couvrira le front d'un voile plus blanc que le visage lui-même, puis par dessus on jettera un voile flottant dont la couleur noire ressortira sur le blanc. Et que dirait l'apôtre de ces yeux roulant sans cesse, de ce noeud de la ceinture qui tantôt se cache et tantôt se découvre, de manière à faire ressortir l'art avec lequel la ceinture est enlacée, tandis que le voile est relevé autour de la tête ? Les mains, comme celles des acteurs tragiques, sont gantées avec tant de soins, que le gant ne semble faire qu'un à la main. Que dirait-il encore de cette démarche et de ces manières plus capables que tous les bijoux de séduire ceux qui les voient ? Craignons, mes biens-aimés, d'entendre aussi, nous, ce que le Prophète disait aux femmes des Hébreux préoccupées de leur parure extérieure. « Au lieu d'une ceinture vous vous ceindrez d'une corde, et votre tête, aujourd'hui parée, sera chauve ». (Is 3,24) Ainsi, cette toilette est plus dangereuse que les bijoux; bien d'autres s'y sont étudiées pour être vues et captiver ceux qui les regardaient. Ce n'est point là une faute légère, mais une arme capable d'irriter Dieu et de corrompre les vierges.

803 3. Vous avez le Christ pour époux, pourquoi voulez-vous gagner des amants parmi les hommes ? Le Christ vous condamnera comme adultères. Pourquoi n'adoptez-vous pas la parure qui lui convient, celle qu'il aime: la pudeur, la retenue, la décence, un vêtement modeste ? le vôtre est celui d'une femme déshonorée. On ne reconnaît plus les femmes impudiques et les vierges ; voyez à quelle inconvenance celles-ci sont arrivées. Une vierge doit être dépourvue de recherche, simple et sans art, et celle-ci invente mille artifices pour parer son extérieur. Laisse là cette folie, femme, donne tes soins à la parure intérieure (305) de ton âme, car cette parure extérieure est opposée à la parure intérieure. Celui qui se préoccupe du dehors dédaigne ce qui est intérieur, comme celui qui dédaigne le dehors met tous ses soins à parer son âme. Ne me dites pas : Ah ! je ne porte qu'un vêtement usé, une chaussure de vil prix, un voile sans valeur; quelle est donc cette parure? Ne vous trompez point vous-même. On peut, je vous l'ai dit, se parer ainsi plus qu'avec une toilette somptueuse ; on le peut fort bien avec une étoffe usée, mais aux formes élégantes et taillées pour séduire, auxquelles s'adapte une chaussure noire et brillante. — Mais je ne le fais point dans une pensée impudique. Vous pouvez me le dire, mais que direz-vous à Dieu qui pénètre au fond de votre pensée même ? Vous ne le faites pas dans une pensée impudique? Mais pourquoi? Le faites-vous pour être admirée? Et vous n'avez pas honte, vous ne rougissez pas de vouloir être admirée pour un tel motif. Mais non, direz-vous encore, je le fais tout simplement et non dans ce but. Dieu connaît la vérité de ce que vous nous dites. Ce n'est pas à moi que vous avez à rendre compte, c'est à Dieu présent partout, Dieu qui a scruté votre action, Dieu devant qui tout est à découvert et au grand jour. C'est pour cela que nous vous parlons ainsi, afin de vous dérober à ce compte redoutable.

Craignez le reproche adressé par le Prophète aux femmes d'Israël : « Les filles de Sion ont étudié leur démarche et mesuré leurs pas». (
Is 3,16) Vous avez un grand combat pour lequel il faut des exercices d'athlète et non le soin de sa parure, la force du pugiliste et non une vie efféminée. Ne voyez-vous pas les pugilistes, les athlètes ? s'occupent-ils de leur démarche et de leur toilette ? Nullement ; mais négligeant tout cela, couverts d'un vêtement imbibé d'huile, ils ne songent qu'à une chose : frapper et ne pas être atteints. Le démon est là, grinçant des dents, cherchant de tous côtés à vous perdre, et vous demeurez embarrassée dans cette parure satanique. Je ne veux rien dire de cette voix étudiée qu'affectent un si grand nombre, ni de leurs parfums et de leurs molles recherches. C'est pour cela que les mondaines vous raillent. La dignité de la virginité est perdue ; personne ne considère une vierge avec l'honneur qui lui est dû, car elles-mêmes se sont exposées au mépris. Ne fallait-il pas qu'elles fussent admirées dans l'Eglise de Dieu comme des êtres descendus du ciel? Et maintenant elles sont méprisées par leur faute et non par celle des vierges sages. Car vous, qui deviez être crucifiée, lorsqu'une femme qui a un mari et des enfants, qui est à la tête d'une maison, vous verra plus avide de parure qu'elle-même, comment échapperez-vous à ses railleries et à son dédain? Quel soin, quel empressement! Avec vos vêtements peu coûteux vous l'emportez sur l'opulence, vous êtes mieux parée qu'une femme couverte de bijoux. Vous ne cherchez pas ce qui vous convient, vous poursuivez avec ardeur ce qui vous messied, quand vous devriez produire des bonnes oeuvres. C'est pour cela que les vierges sont moins honorées que les femmes mondaines, car elles ne produisent pas d'oeuvres dignes de leur virginité. Nous ne parlons point ainsi à toutes, ou plutôt nous parlons à toutes : à celles qui méritent des reproches, afin qu'elles deviennent sages, et aux autres pour qu'elles leur inspirent la sagesse. Mais prenez garde qu'après le blâme ne vienne le châtiment, car nous n'avons point parlé dans le but de vous faire de la peine, mais pour vous redresser et pouvoir nous glorifier en vous. Puissiez-vous tous faire ce qui plaît à Dieu et vivre pour sa gloire ; de telle sorte que vous obteniez les biens promis par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui soient au Père et au Saint-Esprit, gloire, puissance, honneur, maintenant et toujours, et aux siècles des siècles. Ainsi soit-il.



900

HOMÉLIE IX (2,11-15). QUE LA FEMME SE LAISSE INSTRUIRE EN SILENCE ET EN TOUTE SOUMISSION.

JE NE PERMETS POINT A LA FEMME D'ENSEIGNER, NI D'AVOIR AUTORITÉ SUR L'HOMME ; MAIS QU'ELLE DEMEURE DANS LE SILENCE. CAR ADAM A ÉTÉ FORMÉ LE PREMIER, ÈVE ENSUITE; ET CE NE FUT POINT ADAM QUI FUT SÉDUIT, CHRIST. LA FEMME QUI FUT SÉDUITE ET PRÉVARIQUA ; MAIS ELLE SERA SAUVÉE PAR SA MATERNITÉ, SI ELLES DEMEURENT DANS LA FOI, LA CHARITÉ ET LA SANCTIFICATION, AVEC TEMPÉRANCE. (1Tm 2,11-15)

306

Analyse.

1. Profitant du texte de l'apôtre qui défend aux femmes de parler dans l'église, l'orateur blâme vivement les conversations aux. quelles les femmes se livraient de son temps pendant le service divin et pendant le sermon.
2. Importance de la bonne éducation des enfants.


901
Chrysostome sur 1Tm 701