Bernard, Lettres 336

LETTRE CCCXXXVI. A UN CERTAIN ABBÉ, SUR LE MÊME SUJET.



A son très-cher frère et confrère, le frère Bernard, abbé de Clairvaux, avoir le zèle de Dieu selon la science.



Il faut qu'il y ait des hérésies, afin que ceux qui sont solidement à Dieu soient discernés des autres (1Co 11,19); que ceux donc qui sont pour lui se serrent autour de lui, car ce n'est rien moins que lui qu'on attaque en ce moment, puisqu'on s'en prend à la vérité; ce sont ses vêtements qu'on met en lambeaux en déchirant les sacrements de l'Église; de la plante des pieds jusqu'au sommet de la tète, il n'y a pas un endroit qui ne soit attaqué en elle, et on se joue de la simplicité des fidèles. Le lion est sur le point de s'élancer de son antre pour se jeter sur l'Église et dévorer les nations qui sont dans son sein. Pierre Abélard est comme le précurseur de l'antéchrist, auquel il prépare les voies en parlant sans aucun respect pour la tradition, de la foi, des sacrements et du mystère de la sainte Trinité. Écrits, leçons, disputes, tout en lui tend à la perte de ceux qui l'écoutent. Il a de commun avec Arius de distinguer des degrés dans la sainte Trinité; avec Pélage de faire le libre arbitre supérieur à la grâce; avec Nestorius, de diviser Jésus-Christ en niant l'union de son humanité à la Trinité. Néanmoins il se flatte d'être le protégé de l'Église romaine, d'avoir fait recevoir et goûter des Romains ses livres et ses maximes, et de compter des partisans dévoués dans tous ceux dans lesquels il ne devrait trouver que des juges pour le condamner. Que Dieu jette un regard sur nous et ferme lui-même la bouche à cet homme impie. Celui qui portera cette lettre doit vous expliquer tout en détail.



a C'était peut-être un abbé italien du nom de Bernard que notre saint avait envoyé à Rome. Voir les lettres trois cent quarante-troisième et trois cent quarante-quatrième.




LETTRE CCCXXXVII. AU PAPE INNOCENT, AU NOM DES ÉVÊQUES DE FRANCE (a).



Les évêques exposent au souverain Pontife ce qui s'est passé dans Parfaire de Pierre Abélard qui, après avoir provoqué saint Bernard à se rendre au synode de Sens, a refusé de répondre au reproche. d'hérésie qui lui était adressé et s'est contenté d'inter jeter appel au saint Siège.



Au très-révérend père et seigneur innocent, parla grâce de Dieu souverain Pontife, fleuri, archevêque de Sens, Geoffroy, évêque de Chartres et légat (b) du saint Siège, Hélie, évêque d'Orléans, Hugues, évêque d'Auxerre, Hatton, évêque de Troyes, et Manassès, évêque de Meaux, l'hommage de leurs ardentes prières et de leur obéissance.



1. Comme tout le monde reconnaît que ce qui a été confirmé par le saint Siège apostolique passe pour si sûr et si certain qu'il n'est chicane ou passion mauvaise qui puisse en détruire l'autorité, nous avons cru que nous devions vous rendre compte, très-saint Père, de tout ce qui s'est fait dans notre dernière réunion, afin que Votre Sérénité daigne approuver et confirmer pour toujours, de son autorité apostolique, ce que, de concert avec plusieurs personnes pieuses et éclairées, nous avons jugé, à propos de décider. Dans la France entière, il n'est presque pas une ville, une bourgade, un château même où l'on n'entende de simples écoliers, non pas des hommes versés dans la connaissance des lettres ou recommandables par leur âge, mais des enfants, des gens simples et sans lettres, des insensés même disputer, non-seulement dans l'intérieur des écoles, mais en public et dans les carrefours, sur le mystère de la sainte Trinité, qui n'est autre que Dieu même, et avancer mille propositions non moins contraires à la raison qu'aux enseignements de la foi catholique et à la doctrine des saints Pères. C'est en vain que les personnes bien pensantes les avertissaient, les



a Dans le manuscrit du Vatican portant le n. 662, cette lettre se trouve placée la cent quatre-vingt-dixième, avec ce titre: Les évêques de France au pape Innocent. Par le mot France, il faut entendre la province métropolitaine de Sens; de là vient que dans la lettre cent soixante et unième il est dit que la voix du sang d'Archambaut, sous-doyen d'Orléans, crie de la terre de France vers le pape Innocent, et que dans la lettre cent vingt-sixième, n. 4, saint Bernard distingue la France de la Bourgogne. Toutefois, même à cette époque, on comprenait aussi sous le nom de France nue grande partie de la Belgique seconde.


b Il y a dans le texte serviteur, au lieu de légat du saint Siége. Geoffroy, par un sentiment de modestie, aimait à prendre le litre de serviteur ait lieu de celui de légat, comme on le voit dans le cartulaire de Saint-Etienne de Dreux. On trouve aussi en plusieurs endroits les légats désignés par le titre de vicaires du saint Siège.



reprenaient et les exhortaient à renoncer à toutes ces inepties (a); ces dogmatiseurs semblaient ne s'en montrer que plus ardents encore; forts de l'autorité de leur maître, Pierre Abélard, et s'appuyant sur son livre. intitulé sa Théologie, ainsi que sur plusieurs autres ouvrages du même genre, ils s'obstinaient tous les jours davantage, au grand détriment des âmes, à soutenir et à défendre leurs dangereuses nouveautés. Emus, alarmés même de cet état de choses, nous n'osions pourtant, non plus que ceux qui partageaient nos sentiments, agiter ces questions délicates et brûlantes.

2. Mais l'abbé de Clairvaux, qui avait beaucoup entendu parler de ces choses, étant tombé, par hasard, sur le fameux livre que maître Abélard appelle sa Théologie et sur plusieurs autres de ses ouvrages, les lut avec attention et se crut obligé de faire d'abord en secret une réprimande à l'auteur, puis, selon le précepte de l'Evangile, de le reprendre une seconde fois, en présence de deux ou trois témoins, en l'invitant avec douceur et bonté à détourner ses disciples de s'occuper de toutes ces questions et à corriger ses livres: il exhorta même plusieurs de ses partisans à renoncer à la lecture de ses écrits empoisonnés, à se défaite de ses ouvrages et à se tenir en garde contre une doctrine qui blessait la foi catholique et même à y renoncer formellement. Mais ce docteur se sentit blessé au vif par tout cela et ne put se contenir; dès lors il se mit à nous presser sans relâche et ne se donna de cesse qu'il ne nous eût décidés à écrire à l'abbé de Clairvaux au sujet de cette affaire, pour l'assigner à comparaître devant nous le jour de l'octave de la Pentecôte, à Sens, où il se disait prêt, lui, Pierre Abélard, à. venir soutenir et défendre les propositions que cet abbé avait précédemment notées d'hérésie. De son côté, l'abbé de Clairvaux ne prit l'engagement ni de rendre à Sens au jour indiqué, ni d'accepter la discussion avec Pierre Abélard. Mais, comme dans l'intervalle, ce dernier fit appel à tous ses partisans en les invitant à se rendre de tous côtés à la controverse qu'il allait avoir à soutenir contre l'abbé de Clairvaux, et en les pressant vivement de venir se grouper autour de lui pour donner, par leur présence, plus de force à ses opinions et à son système, l'abbé de Clairvaux, qui ne pouvait ignorer toutes ces menées, craignit que son absence ne fût un prétexte pour les sots et pour les partisans de ferreux. de regarder toutes les propositions, ou plutôt toutes les folies du maître, comme beaucoup plus fortes et plus solides qu'elles ne l'étaient en effet,



a Les anciens donnaient le nom d'inepties aux hérésies même les plus graves, ainsi que nous l'avons dit dans la seconde préface du IVe siècle bénédictin, page 133. Saint Jérôme dans sa lettre à Alypius et à saint Augustin, disait aussi en parlant de l'hérésie de Cèlestius: «Il n'est pas bien difficile de répondre à ces misérables inepties.» Saint Bernard se sert encore de la trime expression dans le sermon soixante-cinquième sur le Cantique des cantiques, n. 8.



et se présenta dans l'ardeur d'un saint zèle, de son propre mouvement ou plutôt par un véritable mouvement du Saint-Esprit, devant nous, à Sens, le jour même qui lui avait été indiqué, mais pour lequel il n'avait d'abord voulu prendre aucun engagement. Or ce jour-là, qui était celui de l'octave de la Pentecôte, tous nos frères, les suffragants de notre métropole, s'étaient réunis à nous dans la ville de Sens pour contribuer par leur présence à la pompe de la révélation des saintes reliques que nous nous proposions de faire ce jour-là au peuple dans notre église métropolitaine.

3. Ce fut donc en présence du glorieux roi de France, Louis (a), du pieux Guillaume, comte de Nevers, de monseigneur l'archevêque de Reims, accompagné de quelques-uns de ses suffragants, devant nous et en présence de tous les évêques nos suffragants, excepté ceux de Nevers et de Paris, d'un grand nombre d'abbés aussi distingués par leur science que par leur piété, et de clercs fort instruits, que l'abbé de Clairvaux et Pierre Abélard, suivi de ses partisans, firent leur entrée dans l'assemblée. Pour abréger, le seigneur abbé mit sous nos yeux lé livre de la Théologie de Pierre Abélard, en signala plusieurs propositions qu'il qualifiait d'absurdes et même de pleinement hérétiques, et mit maître Pierre en demeure ou de nier qu'elles étaient de sa plume, ou de les prouver, ou enfin de les rétracter s'il reconnaissait les avoir écrites. Maître Pierre, comme s'il ne fût pas bien sûr de lui-même, commença par chercher des détours, et finalement refusa de s'expliquer, quoiqu'il eût pleine liberté de le faire, qu'il fût en lieu parfaitement sûr et qu'il eût des juges équitables. Il aima mieux en appeler à Vous, très-saint Père, et se retira ensuite de l'assemblée avec tous ceux qui l'y avaient suivi.

4. Pour nous, quoique cet appel ne nous parût point cationique, nous nous sommes abstenus, par respect pour le saint Siège apostolique, de prononcer aucun jugement contre sa peine; mais quant à ses erreurs dogmatiques, qui déjà avaient infesté une foule de personnes et pénétré jusqu'au fond du coeur d'un grand nombre de gens, nous les avion; condamnées la veille du jour où Abélard interjeta son appel; après les avoir, à plusieurs reprises différentes, lues et relues en pleine assemblée, et après avoir entendu par quelles raisons excellentes et par quels arguments, tirés de saint Augustin et des autres Pères le seigneur abbé de Clairvaux en démontrait la fausseté et le sens évidemment



Tous les historiens avec Hugues, chronographe de Saint-Marien, placent cette cérémonie en 1140, mais ne parlent pas de la révélation des reliques dont il est question ici. La chronique de Saint-Pierre-le-Vif se tait également sur cette particularité. En parlant de cette assemblée d'évêques, Othon, évêque de Freisingen, dit que le comte palatin Thibaut y assista avec plusieurs autres personnages de distinction. Voir livre des Faits et Gestes de Frédéric, chap. 48.



hérétique. Mais, comme ces erreurs entraînent une infinité les d'âmes dans une voie on ne peut plus pernicieuse et tout à fait damnable, nous vous prions tous d'une voix, très-saint Père, de les censurer de votre propre autorité et de décerner des peines contre quiconque s'opiniâtrera méchamment à les défendre. De plus, si Votre Révérence jugeait à propos d'imposer silence à leur auteur, de lui ôter le pouvoir d'enseigner et d'écrire, de condamner ses ouvrages comme remplis de dogmes impies, elle arracherait ainsi les ronces et les épines du champ de l'Eglise et pourrait encore jouir de la consolation de voir l'héritage du Christ se couvrir de verdure, de fleurs et de fruits. Nous vous adressons, très-révérend Père, la liste de quelques-unes des propositions que nous avons condamnées, afin que par ces extraits vous puissiez vous faire plus aisément une idée du reste de l'ouvrage.




LETTRE CCCXXXVIII. A HAIMERIC, CARDINAL ET CHANCELIER DE LA COUR DE ROME.

Pierre Abélard étant convaincu d'hérésie ne devrait pas pouvoir espérer qu'il trouvera un refuge auprès des cardinaux et de la cour de Rome.



A son intime et très-illustre ami Haimeric, cardinal diacre et chancelier de la cour romaine, Bernard, abbé de Clairvaux, souhaits qu'il se conduise avec sagesse devant Dieu et devant les hommes.



1. Ce que je n'avais entendu que de mes oreilles de la doctrine de Pierre Abélard, je l'ai vu de mes propres yeux dans ses livres. J'ai remarqué ses expressions, j'ai noté le sens qu'elles cachaient, lequel pour moi n'est qu'un sens pernicieux. Notre nouveau théologien se sert des propres paroles de la loi pour renverser la loi elle-même; il jette les choses saintes aux chiens et les perles aux pourceaux; corrupteur de la foi des simples, il souille la pureté même de l'Eglise. Il est dit que le vase garde longtemps sa première odeur (Horace). On a retiré des flammes un livre qu'on avait condamné à y périr, et c'est dans le sein de l'Eglise qu'un ennemi déclaré de l'Eglise, un persécuteur de la foi vient chercher un asile; c'est elle-même qui le relève après qu'il a été terrassé: Périsse, est-il dit, celui qui souille la couche de son père et porte atteinte à l'honneur de son lit! Or cet homme a déshonoré l'Eglise et infesté de ses vices les âmes des simples. Il prétend aborder avec les seules lumières de la raison les mystères qui ne sont accessibles qu'à la vivacité d'une foi pieuse et soumise qui croit sans examen. Pour lui, doutant de Dieu même, il ne veut croire que ce que sa raison saisit et comprend. Le Prophète a beau dire: «Vous ne comprendrez pas si vous ne croyez pas (Is 7,9),» Abélard traite la foi spontanée de pure crédulité, en se fondant mal à propos sur ces paroles de Salomon: «Celui qui croit promptement est un esprit léger (Si 19,4).» Qu'il blâme donc Marie d'avoir cru sans hésiter à la parole de l'ange lui disant: «Vous concevrez et vous mettrez un enfant au monde (Lc 1,21);» qu'il blâme également celui qui, à sa dernière heure, à sa dernière minute, ajouta foi sans balancer aux paroles du mourant qui lui disait: «Aujourd'hui même vous serez avec moi dans le paradis (Lc 23,43),» et qu'il réserve ses louanges pour les coeurs durs qui méritèrent d'entendre ce reproche du Sauveur lui-même: «O insensés! coeurs lents et tardifs à croire ce que les prophètes ont prédit (Lc 24,25), n et qu'il garde son approbation pour celui qui â mérité d'entendre ces mots: «Pour n'avoir point ajouté foi à ce que je vous ai dit, vous allez perdre la parole et devenir muet (Lc 1,20).»

2. Mais, pour renfermer en peu de mots ce que le cadre étroit d'une lettre ne peut recevoir tout au long, je vous dirai que notre admirable docteur à de commun avec Arius de distinguer des degrés dans la Trinité; avec Pélage, de faire le libre arbitre supérieur à la grâce; avec Nestorius, de diviser Jésus-Christ en niant l'union de son humanité à la Trinité, après tout cela il se vante d'avoir ouvert les canaux de la science aux cardinaux et aux ecclésiastiques de la cour de Rome, de leur avoir fait recevoir et goûter ses livres et ses maximes, et de compter des partisans dévoués de ses erreurs dans ceux mêmes en qui il ne devrait trouver que des juges pour le condamner.

Hyacinthe m'a fait bien des menaces qui sont demeurées sans effet, parce qu'il n'a pu y donner suite. Après tout, je n'en ai pas été surpris, puisqu'il n'a su garder de mesure à Rome même, ni envers le Pape, ni envers la cour de Rome. Mon cher Nicolas, qui d'ailleurs vous est aussi dévoué qu'à moi, vous apprendra de vive voix, mieux que je ne pourrais le faire par écrit, tout ce qu'il a vu et entendu.




LETTRE CCCXXXIX. AU PAPE INNOCENT.


L'an 1140



Saint Bernard prend la défense d'Alvise, évêque d'Arras contre les calomniateurs de son innocence.



A son très-cher père et seigneur Innocent, par la grâce de Dieu souverain Pontife, Bernard, abbé de Clairvaux, l'hommage de son néant.



Je ne trouve ni surprenant ni nouveau que les hommes puissent être trompés et trompeurs, mais comme c'est un double mal qu'il faut éviter, l'Ange du grand conseil nous en suggère deux moyens quand il nous dit: «Soyez prudents comme des serpents et simples comme des colombes (Mt 10,15).» La prudence empêchera que vous ne soyez induit en erreur, et la simplicité nous mettra hors d'état d'y induire les autres. Les religieux de Marchiennes (a) ont été se présenter devant vous, conduits par un esprit de mensonge et d'erreur, pour attaquer le Seigneur et son Christ, en accusant injustement, à votre tribunal, l'évêque d'Arras, dont la vie est partout en odeur de sainteté. Qu'est-ce donc que ces hommes à la langue mordante, qui savent donner au mal la couleur du bien et le nom de ténèbres à la lumière? Qu'est-ce que ces gent qui, en dépit de la loi, disent des injures à un muet et placent méchamment une pierre d'achoppement sur le passage de l'aveugle (Lv 19,14)? Pourquoi, monseigneur, vous indigner contre votre fils, et faire la joie de ses ennemis? Auriez-vous donc oublié cette recommandation de l'Apôtre: «Ne vous fiez point à tout esprit, assurez-vous d'abord s'il est de Dieu (1Jn 4,1)? Quant à moi, j'espère bien que Dieu confondra leurs projets et fera tourner leur imposture contre eux-mêmes, en permettant à la vérité de se faire jour et de mettre le mensonge en fuite. J'ai entendu, de mes propres oreilles, raconter le zèle et la constance dont il a fait preuve en présence du roi de France et des grands de sa cour pour la défense de l'Eglise de Rome, Il se propose, dans l'innocence de son âme, d'aller un jour se présenter à vous; mais, en attendant, il vous a député son archidiacre qui s'est chargé de vous remettre cette lettre. Je vous prie d'accueillir avec votre bonté ordinaire cet envoyé, qui est aussi recommandable par son mérite que par le rang qu'il occupe. Je sais d'ailleurs que l'abbé (b) de Saint-Waast est allé vous trouver, c'est un homme qui n'a pas de plus grand ennemi que lui-même, et qui n'est pas moins redoutable à ses religieux qu'à son abbaye; je ne sais de quel front il prend le titre d'abbé, car il est bien plus préoccupé de ses intérêts que de ceux de Jésus-Christ. Quant au religieux G..., qui l'accompagne, on peut dire que c'est un digne fils d'un tel père; il a si peu ménagé son propre honneur et si bien foulé sa conscience aux pieds, qu'il est devenu la fable et la risée de tout son voisinage. Que l'esprit de vérité nous fasse discerner la lumière des ténèbres, favoriser le bien et réprouver le mal,



a Abbaye de Bénédictins, située sur la Scarpe, dans le diocèse de Tournai. Elle fut fondée au septième siècle par sainte Rictrude.

b C'était Gautier, qui eut pour successeur, en 1147, l'abbé Guérin, dont il est parlé dans la lettre deux cent quatre-vingt-quatrième. La Gallia christiana constate à son honneur que le pape Innocent ne décréta rien contre lui.




LETTRE CCCXL. AU MÊME PAPE INNOCENT.


L'an 1140



Pour l'évêque d'Angers.



A son très-aimé père et seigneur Innocent, parla grâce de Dieu, souverain Pontife, Bernard, abbé de Clairvaux, l'hommage de son néant.



Il faudrait avoir perdu toute sensibilité d'âme et dépouillé tout sentiment humain pour voir d'un oeil indifférent l'âge avancé de l'évêque d'Angers (a), les travaux qu'il a entrepris, les périls qu'il a courus. Pour moi, je ne puis penser, sans me sentir ému jusqu'au fond des entrailles, à ce vieillard, à qui on ne peut adresser qu'un seul reproche, que sa vie tout entière et son savoir rendent vénérable à mes yeux. Ignorant ce qui s'est passé entre lui et la maison religieuse avec laquelle il est en procès, je n'ose me permettre de vous rien écrire sur ce sujet. Mais pourtant, s'il est démontré qu'il a rempli ses engagements, je ne vois pas ce qui peut s'opposer à ce qu'il soit rétabli dans la plénitude de vos bonnes grâces et dans l'exercice de ses fonctions.

a Il se nommait Ulger, c'est le même que celui à qui est adressée la deux centième lettre



LETTRE CCCXLI. A MALACHIE ARCHEVÊQUE D'IRLANDE.


L'an 1140



Saint-Bernard le remercie des moines, de la lettre et du bâton qu'il lui a envoyés; il lui recommande de disposer un lieu convenable pour recevoir des religieux et se recommande à ses prières.



A son vénérable seigneur et bienheureux père Malachie, par la grâce de Dieu archevêque d'Irlande (b) et légat du saint Siège, le frère Bernard, abbé de Clairvaux, voeux ardents qu'il se rende agréable au Seigneur.



1. Au milieu des inquiétudes sans nombre dont je suis agité, des soins et des tracas dont la multitude m'empêche presque de savoir où donner de la tête, les religieux que vous m'envoyez de si loin pour que je les forme au service de Dieu, votre lettre et le bâton dont vous me faites présent, ont été pour moi un sujet de consolation. Votre lettre m'est en effet un gage de votre affection; le bâton qui vous me destinez soutiendra le poids de mon corps, que les infirmités ont alourdi; enfin la vue de vos religieux me fera du bien, à cause de leur humilité dans le service de Dieu. J'ai reçu tous vos présents, et tous me sont aussi agréables qu'utiles. Pour ce qui est du désir que je vous envoie deux de vos religieux pour vous aider à faire choix d'un endroit convenable, je n'ai pas cru, après en avoir conféré avec mes frères, devoir vous les envoyer avant les autres, il vaut mieux attendre que Jésus-Christ soit complètement formé en eux, et qu'ils soient eux-mêmes tout à fait aguerris aux combats du Seigneur. Mais quand ils auront été instruits à l'école du Saint-Esprit et revêtus de la force qui vient d'en haut, alors ils iront retrouver leur père, pour chanter les cantiques du Seigneur, non plus dans une terre étrangère, mais dans leur propre patrie.

2. En attendant, faites choix, avec la sagesse que Dieu vous a départie, d'un endroit isolé du monde et pareil à ceux que vous nous avez vus préférer, pour l'établissement de nos maisons; car le jour approche où avec la grâce de Dieu, je pourrai vous renvoyer des hommes nouveaux à la place de ceux que vous m'aviez confiés encore revêtus du vieil homme. Je ne saurais assez bénir le Seigneur qui a permis que vos enfants devinssent aussi les miens, que mes exhortations fussent comme la rosée répandue au pied des jeunes plantes que vos prédications avaient plantées, et auxquelles le Seigneur a donné ensuite l'accroissement. Je prie Votre Sainteté de s'appliquer à la prédication de la parole de Dieu; et à l'instruction de son peuple, c'est une double nécessité pour vous, parce que vous êtes évêque et légat du saint Siège. Il est dit en général: «Nous tombons tous dans une multitude de fautes (Jc 3,2).» Mais moi, répandu comme je le suis au milieu du monde, j'y ramasse une quantité de poussière; aussi me recommandé je particulièrement à vos prières et à celles de vos amis. Demandez pour moi à Celui qui dit un jour à Pierre: «Si je ne vous lave les pieds, vous n'aurez point de part avec moi (Jn 13,8),» qu'il daigne me laver et me purifier dans les eaux de la miséricorde. Voilà ce que je réclame de vous avec instance ou plutôt ce que j'exige comme le paiement d'une dette à raison des prières que je ne cesse d'adresser pour vous au Seigneur, si toutefois la voix d'un pécheur peut s'élever jusqu'à lui. Adieu en Notre-Seigneur.


b Usher cite cette lettre parmi les irlandaises et il prouve contre Jean Picard que les évêques d'Armagh reçurent le nom d'archevêque et tirent actes de métropolitains longtemps avant d'avoir reçu le pallium, qui ne leur fut accordé qu'en 1150. Usher a montré un très-grand étonnement qu'on eût donné le titre d'archevêque à Malachie, qui avait déjà depuis plusieurs années, renoncé à son archevêché pour prendre en mains l'administration du diocèse des Dunes (voir sa Vie, chap. XIV). Mais il est aisé de répondre à cela que saint Bernard a pu lui donner le titre d'archevêque parce qu'il en avait eu précédemment la dignité, et ne plus lui donner ensuite dans ses autres lettres que le titre d'évêque.


a Ce fut plus tard l'abbaye de Monaster-Mohr, fondée en 1141, au diocèse d'Armagh; elle eut pour premier abbé un religieux du nom de Chrétien, dont il est parlé au n. 3 de la lettre trois cent cinquante-septième. On peut consulter sur cette abbaye les Actes de saint Malachie et la Vie de saint Bernard, ainsi que la lettre deux cent cinquante-quatrième du tome IV de Duchesne.




LETTRE CCCXLII. A JOSSELIN, ÉVÊQUE DE SOISSONS.


L'an 1140



Saint Bernard prie cet évêque d'apaiser le roi qui était irrité contre l'archevêque de Bordeaux.



A son très-vénéré seigneur et bien-aimé père Josselin, par la grâce de Dieu évêque de Soissons, Bernard, abbé de Clairvaux, vieux ardents qu'il se rende agréable au Seigneur.



1. C'est un malheur pour un royaume et pour les grands qui le gouvernent qu'un roi cède à la fougue de son caractère et ne se possède pas assez pour dérober au public le secret des desseins qu'il n'a pas concertés avec assez de maturité. Aussi ne huis-je trop vous dire combien je suis heureux en voyant toute la confiance que le roi a en vous; car je sais que votre dévouement au roi et à l'État est inséparable en vous des qualités d'un bon conseiller. L'ordre et la raison veulent, en effet, que le conseiller d'un roi réunisse an même degré le dévouement et la prudence; tout est là pour lui; avec ces deux qualités il ne peut manquer d'ètre d'un bon conseil et de donner une bonne direction aux entreprises d'un prince; mais si le dévouement fait défaut à la prudence, ou la prudence au dévouement, malheur à l'État surtout dont le roi est jeune encore. Que Dieu me préserve d'avoir jamais pour conseillères des personnes dont la prudence n'est pas égale au dévouement, ou dont le dévouement manque de prudence. Dans une pareille occurrence, le malheureux Adam perdit ses droits à l'immortalité, pour avoir cédé aux conseils d'une épouse aussi imprudente que dévouée, et du serpent dont la prudence n'avait pas le dévouement pour règle.

2. Or je vous demande d'où vient que le roi mon maître prend à partie, sans raison, l'archevêque de Bordeaux (a)? Est-ce vous qui le conseillez en cette circonstance? Que Dieu vous garde de le faire et moi de, le penser! Que reproche-t-on à ce prélat? Lui fait-on un crime d'avoir observé les canons en consacrant un évêque (b), que tout Poitiers a élu d'une voix unanime, sans trouble ni cabale; ou bien le trouve-t-on en défaut de n'avoir pas voulu ravir aux pauvres et aux églises de Poitiers l'argent qu'un de leurs concitoyens leur avait légué en mourant? Ah! si c'est un tort de donner un pasteur à des brebis errantes, de ne pas dépouiller la veuve et l'orphelin, de maintenir intacts les



a C'était Geoffroy de Lorroux; il n'était pas encore évêque à l'époque où saint Bernard lui écrivit sa lettre cent vingt-cinquième. C'est à tort que dans plusieurs éditions celle-ci a ces mots pour suscription: A Jean.



b C'était Grimoard,ex-abbé de Sainte-Marie-des-Allois. Louis VII refusa pendant quelque temps de ratifier sou élection qui date de 1140.



privilèges du saint Siège, à la bonne heure, qu'on le condamne, il est sans excuse. Mais quel conseil indigne de ce nom que celui pour lequel la justice est un crime, et l'innocence une faute! Prenez garde: vous êtes évêques, cette affaire vous touche de près, et l'incendie qui dévore la maison de votre voisin menace aussi la vôtre.

3. Quoi qu'il en soit, je vous déclare, à vous qui approchez du roi de plus près que les autres, et comptez pour beaucoup dans les résolutions auxquelles il s'arrête, que vous devez employer toute votre influence dans l'intérêt de tous les évêques vos frères, à calmer l'emportement du roi; car je vous déclare que vous avez affaire avec un homme résolu, puissant en oeuvres et en paroles, qu'il est bien difficile de faire renoncer à son droit. Il jouit d'une très-grande influence dans son pays et, si on l'inquiète, vous verrez beaucoup de gens se mettre de son parti. Prenez donc garde de jeter de l'huile sur le feu, cherchez plutôt à éteindre l'incendie dès le début. Vous savez qu'il est bien tard de songer au remède quand on a laissé au mal le temps de se développer.





LETTRE CCCXLIII. L'ABBÉ BERNARD D'ITALIE AU PAPE INNOCENT.


L'an 1140.



L'abbé Bernard se plaint ait Pape de ce que les choses ne se pas faites selon sa promesse, dans l'abbaye de Saint-Sauveur.



Au très-regretté seigneur et bien-aimé père Innocent, par la grâce de Dieu souverain Pontife, son serviteur Bernard, la prière et les voeux des pauvres.



Mon âme est dans la perplexité; d'un côté, le respect lui fait un devoir de garder le silence, et de l'autre, la nécessité lui en fait un de le rompre. Je parlerai donc à mon seigneur, quoique je ne sois que cendre et poussière; mais je parlerai dans toute l'amertume de mon âme, car si c'est à vous, monseigneur, c'est en même temps de vous que je me plains; je le fais dans l'ombre et le secret, mais la cause de mes plaintes n'est que trop manifeste. Sur votre ordre formel et d'après la lettre que vous avez écrite à votre serviteur, notre père (Saint Bernard), je me suis rendu au monastère de Saint-Sauveur (a); or je vous le demande, que sont devenues les espérances que vous m'aviez données et les promesses que vous aviez faites? J'ai passé par l'eau et par le feu; j'y aurais certainement péri si Dieu ne m'avait point assisté. Quels dangers n'ai-je point courus au milieu des voleurs et sur les fleuves, dans les cités les



a Ce monastère subsistait encore du temps de Mabillon, à huit milles de l'abbaye de Farta, dont il dépendait, et servait de maison de campagne aux religieux de Farta qui s'y retiraient pendant les grandes chaleurs de l'été. Voir la lettre cent quatre-vingt-quatrième et ses notes.



plus populeuses et dans les lieux les plus déserts! Que de fatigues ai-je essuyées sur terre et sur mer enfin, sans trouver nulle part une main secourable! Toutes ces épreuves ont fondu surmoi et je n'en vois pas encore la fin. Un mot de votre main a suffi pour m'arracher du sein de ma mère où je goûtais toutes sortes de consolations, et pour me tirer du séjour de bonheur à l'entrée duquel vous avez, seigneur, placé un glaive de feu pour m'en défendre l'entrée. Hélas! que n'est-ce le glaive versatile et changeant de l'ange! Ma couronne est tombée de ma tête et mes chants d'allégresse ont fait place aux plaintes et aux gémissements. Quels chants, en effet, Seigneur, pourrais-je faire entendre dans une terre étrangère? Combien n'était-il pas plus doux et plus sûr pour moi d'épancher autrefois mon âme avec allégresse dans le sein de ma mère et dans la demeure de celle qui m'a donné le jour? J'ai donc couru, mais au hasard; j'ai livré des combats, mais en l'air, parce que je m'en suis reposé sur votre promesse, que je croyais aussi pleine de vérité que de grâces. Maintenant donc, puisque l'hiver est passé et le mauvais temps fini, je vous demande, Seigneur, la permission de chercher et de voir où je pourrai enfin fixer mes pas; car jusqu'à ce jour la grêle et la neige, les glaces et les tempêtes m'ont empêché de le faire. Il ne se pourrait voir rien de plus dur et de plus inhumain que de frustrer les voeux et les espérances de celui (a) qui m'a aimé avant de me connaître et qui s'est montré pour moi un père si tendre qu'il se serait arraché les yeux pour me les donner, si c'eût été possible; Mon maître et mon Dieu, dont le royaume n'est pas de ce monde, n'avait point où reposer sa tète; que je serais heureux de me voir rejeté du monde et refoulé six milieu des déserts, au sein des montagnes, dans les antres et les cavernes de la terre!

a C'était Atenoulphe, abbé de Farfa, dont il sera parlé plus bas.




LETTRE CCCXLIV. DU MÊME BERNARD A SAINT-BERNARD.


L'abbé Bernard se plaint à saint Bernard de la prélature qu'on l'a forcé d'accepter.



Au vénérable seigneur et bien-aimé P... (b), abbé de Clairvaux, son fils B...., l'onction de la grâce qui enseigne toutes choses (1Jn 11,27).

b C'est-à-dire père, car il est prouvé que cette lettre s'adresse à saint Bernard et qu'elle a été écrite par cet abbé Bernard qui devint plus tard abbé de Saint-Anastase, près de Rome, puis souverain pontife sous le mort d'Eugène III. La lettre précédente est aussi de lui, de même que la quatre cent vingt-huitième. Toutes ces lettres ont paru d'abord sous le nom de notre saint.


1. Je ne puis songer au jour d'affliction et de misère où je me vis sevré du lait de vos consolations sans me sentir plus d'envie de pleurer que d'écrire. Si l'éloquence de mes prières égalait l'abondance de mes larmes, il vous serait facile de comprendre toute ma misère et tout mon dénûment. Lorsque j'essaie d'appliquer mon esprit à la méditation ou ma main à tracer quelques lignes, la douleur de mon âme se réveille plus vive que jamais; pendant que j'écris, j'ai l'esprit assailli par le souvenir plein d'une amertume extrême du triste jour où mon obscurité fut placée sur le flambeau et j'en suis ému jusqu'au plus intime de mon être. Vous savez, mon Père, que je ne blâme ni ce que vous avez fait, ni le mobile qui vous a fait agir; il me semble qu'il n'y en a pas eu d'autre que l'inspiration de Dieu même, mais laissez-moi pleurer au moins un peu sur mon triste sort. Depuis que je suis éloigné de vous, ma vie entière se consume dans la douleur et mes années s'écoulent dans les gémissements et les larmes. Hélas! que je me trouve à plaindre depuis que j'ai perdu de vue le modèle sur lequel j'essayais de me façonner, le miroir qui ne réfléchissait à mes regards que l'image de ce que je devais être, la lumière qui seule parlait à mes yeux! Je n'entends plus les doux accents de cette voix que j'aimais, et je ne vois plus apparaître devant moi cette figure imposante qui ne déconcertait que mes écarts, Seigneur mon Dieu, pourquoi m'avez-vous frustré de mon unique espérance, pourquoi me refusez-vous le seul bien que je désire? Il me semble maintenant que ma vie a été tranchée comme le fil d'une trame inachevée. Je sens s'accomplir en moi la parole du Cantique des cantiques et celle que vous prononciez, Seigneur mon Dieu, par la bouche du Prophète quand vous lui faisiez dire (Ps 48,13): «Et l'homme n'a rien compris quand il s'est senti élevé en honneur!» Car il est bien certain que je lue comprenais pas mon bonheur quand j'étais dans le délicieux séjour de Clairvaux, comme à l'ombre même des arbres du paradis terrestre; et je n'estimais pas assez cette demeure à jamais regrettable. Je vous demande, mon père, ce qui a pli vous donner la pensée de me placer à la tête des autres pour leur servir de guide et de maître, et de faire de moi le premier de vos enfants. Est-ce la vie que j'ai menée dans le monde? Hélas! elle fut trop remplie de souillures polir cela! Est-ce celle dont j'ai vécu dans le cloître? Elle fut bien tiède et bien languissante. Pourquoi donc, puisque je suis si peu de chose à mes yeux, ai-je été choisi pour devenir le chef de la tribu d'Israël? Pourquoi, lorsque je n'avais pas encore assez fait pour me purifier de mes propres iniquités, me charger des infidélités des autres? Que faire? le souvenir du passé m'accable, la vue du présent m'écrase et la pensée de l'avenir m'épouvante. Au comble de la douleur et de l'affliction, je ne puis vous dire qu'une chose, ô père que je ne regretterai jamais trop, c'est que les coups qui m'ont accablé me sont venus de la main dont je ne soupçonnais pas que j'eusse rien à craindre. Maintenant ô mon père, pour vous parler de l'endroit où vous m'avez envoyé, je puis vous dire que j'ai couru, mais au hasard; que j'ai livré des combats, mais en l'air; car le souverain Pontife, sur la lettre duquel nous sommes partis, n'a pas encore donné suite à sa promesse de confirmer la donation de ce lieu; ce qui se passe en ce moment en est bien la preuve. Monseigneur l'abbé de Farfa (a) nous a accueillis à notre arrivée avec toutes les démonstrations possibles de satisfaction et a reçu vos enfants de tout coeur; c'est au point, si on peut s'exprimer ainsi, qu'il se serait arraché les yeux de la tète pour nous les donner, s'il l'avait fallu. Le seul reproche que je puisse lui faire et que vous devrez lui adresser, c'est d'aller même beaucoup trop loin et de dépasser de beaucoup non-seulement ses promesses, mais même nos propres désirs. Comme je m'aperçois que ma lettre est un peu trop longue, je vous dirai en deus mots 1jieu courts et bien vrais au sujet de mon intérieur que je perds absolument mes peines.

a C'était l'abbé Atenoulphe qui avait demandé des religieux à notre Saint. Voir livre III de la Vie de saint Bernard, chap. VII, n. 23.




Bernard, Lettres 336