Bernard, Lettres 437

LETTRE CDXXXVII. HUGUES (a), ÉVÊQUE D'OSTIE, AU CHAPITRE DE CÎTEAUX.



L'an 1153



Sur la mort du pape Eugène III.



A mes bien-aimés pères en Jésus-Christ, Gosvin, abbé de Cîteaux, Bernard, abbé de Clairvaux, et au chapitre général de l'ordre de Cîteaux, assemblé pour la gloire du Seigneur, Hugues, par la grâce de Dieu, évêque d'Ostie, salut et l'union des coeurs dans le lieu de la paix. L'auteur sacré l'a dit: Toute chair est semblable à l'herbe de la prairie, et son éclat est pareil à celui de la fleur des champs; les jours de l'homme sont courts, il passe comme une ombre; il n'est pas deux instants de suite semblable à lui-même; c'est une fumée qui se dissipe dans les airs, une feuille qui tombe de l'arbre et que le vent emporte. Celui qui était l'ornement de l'Église, le père de la justice et le zélé protecteur de la religion, qui avait forcé le front des orgueilleux et des grands à se courber jusqu'à ses pieds, qui était assis sur le trône de David et ceignait sa couronne pour affermir et fortifier l'Église commise à ses soins et dont il avait relevé l'influence et la gloire; oui, celui que nous appelions notre père et notre protecteur, Eugène 3, ce pontife d'heureuse mémoire, a dépouillé le vêtement de la chair, le 8 juillet, et a rendu son âme immaculée à Jésus-Christ. Il s'est envolé dans les cieux au-devant du Sauveur qu'il ne doit plus quitter désormais, car il suivra éternellement les pas de l'Agneau partout où il ira. Ses obsèques ont été célébrées avec une pompe qui a dépassé toute imagination; car il avait réduit le sénat presque à rien. Jamais on ne vit rien de pareil, et pendant deux jours le peuple et le clergé lui ont rendu de tels honneurs, qu'on eût pu croire que c'était moins à sa dépouille mortelle qu'à son âme déjà comptée parmi les bienheureux qu'ils s'adressaient. Le deuil était général, les veuves et les orphelins remplissaient les airs de leurs gémissements, tant de douleur sur la terre donnait assez à croire que sa belle âme était dans le sein de Dieu. On ne peut nier qu'elle n'ait échappé par le trépas aux piéges de l'ennemi du salut, dont il a rompu les filets en recouvrant sa liberté. Pour nous à qui il ouvrait sa conscience, il ne nous est pas possible de douter qu'en nous quittant il se soit élevé jusqu'au troisième ciel, où il n'est pas perdu pour ses enfants ainsi que plusieurs le pensent, car il va, dans ce séjour, prier pour nous Dieu le Père, son Fils unique et le Saint-Esprit qui est béni dans les siècles des siècles pendant toute la durée desquels il ne sera plus désormais éloigné de ces trois personnes divines. Mais vous; car c'est du milieu de vous qu'il est sorti pour aller s'asseoir sur un trône plus glorieux et plus élevé que celui des princes de la terre, priez pour lui, établissez pour son âme quelques bonnes oeuvres à perpétuité, afin que Dieu lui fasse grâce du reste de sa dette et lui donne une plus belle couronne. Priez pour celui qui fut notre frère d'heureuse mémoire, priez aussi pour moi qu'il a laissé dans cette vallée de misères, dans ce pays si différent de celui où il est allé, et au milieu d'un monde pervers; priez enfin pour l'Église romaine qui est tombée en un instant du plus haut comble de gloire jusqu'au plus profond de l'abîme; demandez à Dieu, je vous en conjure, qu'elle ne descende point dans cette profonde et grande mer où s'agitent des reptiles sans nombre. Enfin, si mou humble personne jouit de quelque crédit auprès de vous, je vous prie instamment d'écouter et d'exaucer avec bienveillance les prières que pourront vous adresser les porteurs de la présente en faveur des monastères de Saint-Anastase, de Fossa-Nova et de Casamario; d'ailleurs vous ne sauriez les repousser sans être cause d'un gland scandale.



a C'était un ancien religieux de Clairvaux à qui saint Bernard a adressé les lettres 286,299, et plusieurs autres encore.




LETTRE CDXXXVIII. BARTHÉLÉMI, ARCHEVÊQUE DEVENU MOINE, A SAMSON, ARCHEVÊQUE DE REIMS.



Il lui rend compte de son administration.



1. A monseigneur Samson, le vénérable et toujours aimable archevêque de Reims, et à la sainte assemblée réunie sous sa présidence, le frère Barthélemy, pauvre moine de Foigny, salut avec la miséricorde et la vérité à ceux qui ont la charité. Si d'un côté la solennité d'une aussi sainte assemblée m'intimide et me porte à garder le silence, de l'autre je sens mon coeur se ranimer et ma langue se délier en songeant qu'il y va pour moi de ma réputation en ce moment. Car je n'ignore pas qu'on répète partout et qu'on dit au Pape lui-même que j'ai détourné les revenus de mon évêché; c'est un bruit auquel l'évêque de Laon a trop facilement ajouté foi. C'est donc à moi de vous dire et à vous de voir et de juger ce qu'il en est en réalité.

2. L'Église de Laon était plongée dans le deuil et la tristesse, par suite des séditions et des incendies dont elle venait d'être le théâtre à l'époque où j'y fis mon entrée. Les biens de l'église principale de la ville étaient eux-mêmes fort compromis, et ses revenus presque nuls. Dieu sait tout ce que j'ai fait pour la tirer du triste état oit je l'ai trouvée, et je pourrais sur ce point invoquer le témoignage des gens mêmes de mon église, auxquels je n'ai abandonné, des revenus de mon évêché, que les porcs vulgairement appelés verrats que le personnel de l'église était tenu de fournir à la manse épiscopale. Comme il me répugnait de réclamer cette redevance, et que d'ailleurs je ne savais où loger ces porcs, j'en fis l'abandon à la prébende des chanoines. De plus, en arrivant dans ce diocèse, je n'y trouvai que cinq abbayes (a), encore étaient-elles dans un bien triste état, au spirituel comme au temporel; avec la grâce de Dieu, elles ne tardèrent point à voir le nombre et la ferveur de leurs habitants s'augmenter et leurs revenus s'accroître, ce qui n'a pas empêché la fondation en différents endroits du diocèse, de neuf (b) autres monastères dont le personnel est presque innombrable, la régularité exemplaire, la richesse considérable et les ressources abondantes.

3. Or, puisqu'il faut le dire, vous saurez que si les anciens monastères se sont relevés et si de nouveaux se sont construits, ce n'a pas été salis que j'y misse la main; il est vrai que je n'ai pas fait encore autant que je l'aurais voulu et dû. Ainsi le pape Calixte m'avait adressé le seigneur Norbert, dont la mémoire est maintenant en bénédiction, pour que je lui donnasse un emplacement convenable et que je l'aidasse de tous mes voeux; je n'ai pu lui donner qu'un terrain de deux charruées à peine du domaine épiscopal dont une partie sur Versigny et l'autre sur Cuisy étaient depuis nombre d'années restées incultes et stériles. Je n'ai pas souvenance d'avoir aliéné d'autre revenu de l'évêché que ceux-là. Si de notre consentement et avec notre approbation plusieurs bénéficiaires ont cédé à des monastères des terres qu'ils tenaient de nous, je n'ai fait à qui que ce soit abandon d'aucun droit à des redevances pour terres et pour vignobles.

4. Mais je ne veux point faire valoir aux yeux des hommes tout ce que j'ai fait pour augmenter les revenus et la considération de cet évêché, je n'ai qu'un désir, celui d'être jugé par vous, si j'ai failli en quelque chose comme il peut arriver à tout homme. Voilà pourquoi je vous ai pris pour juge de ce que j'ai fait, et vous ai mis à même de le constater. Qu'il me soit permis à présent d'aller un peu plus loin et de céder un instant au sentiment que tout autre éprouverait à ma place. Je vous demande si je n'ai rien fait dans l'intérêt et pour la gloire de mon siège épiscopal quand j'ai contribué à multiplier, comme je l'ai fait, le nombre des religieux. Sur quoi donc se fonde monseigneur l'évêque de Laon a pour préparer en secret contré moi, si j'en crois ce que j'entends dire, une attaque qu'il ne devrait même pas soutenir, supposé qu'un autre que lui en prît l'initiative? Si j'ai réuni les enfants de Dieu, si j'ai reçu le juste au nom de la justice, personne n'a le droit de m'en faire un crime; je souhaite qu'un autre ne disperse pas ceux qui sont réunis. Je prie le Père Tout-Puissant de vous conserver pour l'honneur de son nom et pour le bien de la religion et de sa sainte Eglise.



a En voici les noms; Saint-Vincent de Laon, Saint-Michel en Thierrache; Saint-Nicolas. au-Bois; Sainte-Marie-de-Nogent et Saint-Nicolas-des-Prés;ces cinq abbayes étaient des maisons d'hommes; on comptait encore deux monastères de femmes dans ce diocèse, celui de Saint-Jean de Laon et celui d'Aurigny.



b Voici d'après Hermann de Laon, livre 3, les rionts de ces neuf abbayes nouvelles Prémontré., Saint-Martin de Laon, Tenailles, Clairefontaine et Cuissy de l'ordre de Prémontré, Foigny, l'Epine et Vauclaire de l'ordre de Cîteaux. Le neuvième est le monastère de femmes de Montreuil-les-Dames au pied de la montagne de Laon. Selon Hermann, le diocèse de Laon mériterait d'être placé avant tous les autres, rien que parce qu'il a vu se fonder dans son sein ce monastère de femmes qui n'avait pas encore eu son pareil dans le monde. Les religieuses de cette maison renonçaient à toute espèce de vêtements de lin et à l'usage des fourrures pour ne porter que de la laine. Elles passaient leur temps non-seulement à filer et à tisser des étoffes, mais encore à bêcher la terre, à couper du bois, à arracher les ronces et les épines, et travaillant pour vivre, de leurs propres mains, en silence, à l'exemple des religieux de Clairvaux.




LETTRE CDXXXIX (b). TURSTIN, ARCHEVÉQUE D'YORK, A GUILLAUME, ARCHEVÊQUE DE CANTORBÉRY,



L'an 1132



1. Au très-révérend et bien-aimé Seigneur en Jésus-Christ, Guillaume, par la grâce de Dieu archevêque de Cantorbéry et légat du saint Siège; Turstin par la même grâce archevêque d'York, salut et progrès constant en Notre-Seigneur. Un prélat s'honore beaucoup en faisant part des motifs qui l'ont fait agir dans de grandes circonstances aux fils et aux princes de l'Eglise; aussi ai-je conçu la pensée de vous faire, mon excellent et vénérable Père, le récit des événements extraordinaires d'York, dans lesquels j'ai dû intervenir. Il n'est personne qui ne sache à quelle réputation de sainteté était arrivé le monastère de Sainte-Marie d'York avec quelle rapidité il avait vu ses richesses s'accroître. ses religieux se multiplier et sa régularité s'augmenter dans l'espace de quelques années. Mais les prospérités temporelles, loin d'être favorables, sont bien plutôt nuisibles à la pratique des vertus religieuses; aussi vit-on plusieurs religieux de cette abbaye, touchés, je le crois, de la grâce d'en haut,



a Barthélemy, après un épiscopat de trente-huit ans, avait eu pour successeur en 1151 le premier abbé de Saint-Martin de Laon, nommé Gautier, qui laissa, trois ans après, le siége épiscopal à un autre Gautier de Mauritanie, doyen de la cathédrale de Laon, celui même qui porta contre Barthélemy devenu religieux les accusations dont il est parlé dans cette lettre. Cette affaire n'en demeura pas là, et le débat entre Gautier et les religieux de Prémontré qui avaient le plus profité des bienfaits de Barthélemy, en vint au point que le pape Adrien IV fut obligé d'intervenir et d'écrire à ce sujet au roi de France Louis le Jeune une lettre qui se trouve rapportée dans la bibliothèque de Prémontré.



b Sur le même sujet que les lettres quatre-vingt-quatorzième et trois cent treizième de saint Bernard. L'auteur de celle-ci est le même que celui à qui sont adressées les quatre-vingt-quinzième et trois cent dix-neuvième lettres de saint Bernard, qui le félicite de sa conduite dans les circonstances mêmes dont il est parlé ici.



commencer à concevoir, il y a six mois environ, quelques inquiétudes sur la vie qu'ils menaient, et à sentir leur conscience vivement tourmentée, ils le disent eux-mêmes, à la pensée que, bien loin d'accomplir leurs voeux comme ils le devaient, ils ne leur étaient guère fidèles que dans les plus petites choses; ils se sentirent saisis d'une horreur extrême de l'état où ils se trouvaient, et de la crainte d'avoir couru en pure perte jusqu'alors, si tant est qu'ils eussent même couru, et qu'au lieu de la récompense de leurs voeux, ils n'eussent plutôt mérité le châtiment de leur excessif relâchement. C'était à leurs yeux le comble du mal, pour ne pas dire de la folie, de ne vivre sous la règle de saint Benoît que pour se damner plus certainement au lieu d'assurer leur salut. Troublés par toutes ces pensées, ces religieux prirent le parti de découvrir au prieur de la maison, nommé Richard, l'état perplexe de leur âme, de lui dire toutes leurs appréhensions à la vue du relâchement où ils étaient tombés et de lui demander de les aider à réformer leur conduite, pour la rendre conforme à leurs voeux, le suppliant, au nom de Jésus-Christ et de l'Esprit de Dieu même, de ne pas refuser de leur venir en aide, par l'espérance de n'importe quelle prospérité ou la crainte de quelque adversité que ce soit. Quoique surpris lui-même par l'ouverture qui lui était faite, il oublia la douceur de l'existence qu'il menait dans sa charge au milieu de ses frères, et, au premier mot d'une vie plus sainte à embrasser, il se mit à considérer d'un oeil attentif tout ce qu'il y avait de critique et de périlleux dans la situation; aussi ne tarda-t-il pas avec sa sùreté de jugement habituelle à démêler et à voir nettement l'état des choses. Alors il leur promit non-seulement de les aider, mais encore de s'unir à eux dans l'accomplissement de leurs desseins. Bref, ils se trouvèrent bientôt au nombre de treize dans les mêmes dispositions, résolus à réformer leur vie présente d'après la règle de saint Benoit, ou plutôt d'après la vérité même de l'Evangile.

2. En conséquence, la veille de la fête des apôtres Pierre et Paul, notre bien-aimé frère le prieur Richard, sur lequel reposait l'administration presque entière du monastère, prit avec lui le sous-prieur Gervais, qui jouissait de l'estime de ses confrères à cause de sa régularité et alla découvrir à son abbé, dans un entretien amical, les projets en question; celui-ci, homme droit et bon, mais simple et sans culture, effrayé de la proposition qui lui était faite, s'écria qu'il ne pouvait de son coin entreprendre de réformer des coutumes et des usages reçus à peu près dans tous les monastères du monde. Mais le prieur qui a l'esprit plus cultivé, lui répondit: Ce que nous vous proposons de faire n'est ni nouveau ni extraordinaire; car nous ne voulons, avec la grâce de Dieu, que travailler de toutes nos forces à remettre en vigueur, dans toute la pureté primitive, l'antique règle de notre père saint Benoit, ou plutôt la pratique même de l'Evangile, qui est bien antérieur lui-même à toutes les disciplines et à toutes les règles religieuses. Notre pensée n'est pas du tout d'entraîner les autres religieux avec nous ni de déconsidérer leur manière de vivre, nous savons bien que partout c'est le même Dieu qu'on adore, pour le même roi qu'on combat et que la grâce n'est pas moins efficace dans le monde que dans le cloître. En effet, Job ne se montra-t-il pas plus fort sur son fumier qu'Adam au sein même du Paradis terrestre? Toutefois il ne se peut rien concevoir de plus heureux, de plus saint et de meilleur que la règle qu'a tracée notre père saint Benoît, tant il est évident qu'il a été inspiré dans son couvre par le Saint-Esprit lui-même. Il savait bien, et il le répète assez souvent, que le désoeuvrement est l'ennemi de l'âme; aussi veut-il qu'on donne une partie du temps à la lecture et à la prière, et une autre au travail et aux occupations manuelles, de manière que l'âme et le corps s'exerçassent chacun à leur tour et qu'en aucun temps il n'y eût place ni pour la fatigue ni pour le dégoût. Il dit encore quelque part: Nous défendons partout et toujours les bouffonneries, les paroles inutiles et les mots pour rire, et nous ne voulons pas que ceux qui embrassent notre genre de vie se permettent quoi que ce soit de semblable. Ailleurs, on lit encore dans la règle que les religieux doivent aimer le silence en tout temps et le pratiquer surtout pendant la nuit; or quiconque connaît tant soit peu nos habitudes sait comment on observe ce point de la règle parmi nous; car, tandis qu'après la collation les uns se dirigent vers la chapelle pour y prier, les autres entament aussitôt des conversations légères et badines ou des entretiens d'une futilité et d'une inutilité complètes; on dirait que le jour n'est pas assez long pour pécher et qu'il faut encore y consacrer les heures de la nuit.»

3. Il s'étendit assez longuement ensuite sur la délicatesse des morceaux destinés à la table, sur l'habitude de servir plusieurs sortes de boissons propres à flatter le goût pendant le repas, enfin sur le prix et la finesse des vêtements. Ce n'est pas ainsi que l'entendait notre père saint Benoît: il voulait qu'on eût des habits pour couvrir et non pour parer le corps, et qu'on ne se mît à table que pour apaiser la faim, et non pas pour y goûter de bons morceaux. Saint Benoît ne reconnaît pour siens que ceux qui vivent dans leurs monastères, sous sa règle et sous la conduite de leur abbé. Je vous en prie, continuait-il, mon vénérable père, revenons aux pures et paisibles pratiques de la perfection évangélique, car il ne faut qu'avoir des yeux pour voir combien nos usages et notre conduite tout entière sont peu conformes, pour ne pas dire tout à fait étrangers à la doctrine de Jésus-Christ. Nous sommes consumés par une concupiscence sans bornes, la colère et l'emportement ont élu domicile chez nous; nous prenons le bien d'autrui et ne reculons point devant un procès pour nous faire rendre ce qui nous est dû; nous soutenons hardiment la fraude et le mensonge et nous sommes tout entiers à la chair et à ses passions. Nous ne vivons que pour nous: toute notre peur, c'est d'avoir le dessous en quelque circonstance que ce soit, et nous sommes on ne peut plus heureux et fiers si l'avantage est de notre côté; nous opprimons les autres et nous évitons nous-mêmes toute oppression; en même temps que nous voyons d'un oeil jaloux les succès d'autrui, nous nous montrons tout glorieux des nôtres, nous avons même alors le mot pour rire sur les lèvres; il est vrai que nous savons encore nous engraisser de la sueur des autres et mettre à contribution pour nous le monde entier, qui ne peut suffire à nos exigences. Il semblera peut-être que c'est fini de l'Evangile et qu'il est impossible que l'esprit en fleuris se de nouveau parmi nous. Mais jetons les yeux sur les religieux de Savigny et de Clairvaux qui viennent de s'établir au milieu de nous, on verra de quel éclat l'Evangile brille parmi eux; c'est au point qu'il vaudrait mieux suivre leurs exemples que de lire l'Evangile lui-même, s'il est permis de parler ainsi, car leur vie tout entière n'est que l'Evangile en action. En voilà qui ne réclament point le bien qu'on leur a pris, car ils n'ont rien et l'on ne peut rien leur prendre; en voilà qui n'ont aucun intérêt au malheur d'autrui, la culture d'un petit coin de terre et le produit de quelques bestiaux suffisent à leurs besoins, c'est tout ce qu'ils possèdent; encore n'y tiennent-ils qu'autant qu'il plaira à Dieu de les en laisser jouir, car ils regardent comme une faute même de désirer avoir ce que Dieu ne veut pas leur laisser. En voilà, si je ne me trompe, qui peuvent dire avec vérité,: Le monde est crucifié pour nous comme nous le sommes pour lui; en voilà enfin qui ne craignent pas de dire tous les jours: Remettez-nous nos dettes comme nous remettons les leurs à nos débiteurs, car ils n'ont point de débiteurs dont ils voudraient exiger quoi que ce fût. Combien j e les trouve heureux! Voilà des hommes qui rappellent l'Evangile par la simplicité de leur vêtement, par la frugalité de leurs repas et par la sainteté de leur vie tout entière! Dieu seul est tout leur héritage. Aimer Dieu et le prochain autant que la faiblesse humaine en est capable, telle est leur occupation; tout entiers à Dieu, ils font si peu de cas de toutes les choses de ce monde après l'humble et modeste vêtement qu'ils portent, qu'ils n'ont aucun désir dont le prochain puisse s'offusquer. Ne croyez donc. pas, ô mon père, qu'il soit impossible de pratiquer la règle de saint Benoit, quand Dieu lui-même nous place sous les yeux de pareilles preuves dit contraire et nous montre de tels modèles à imiter et à suivre. Si vous trouvez que nous ne pouvons au milieu du bruit de la ville, et entourés comme nous le sommes, imiter la pureté de leur vie, rendons au moins notre vie et notre profession conformes à la règle de saint Benoit, car nous ne saurions prétendre que nous existons encore en tant que religieux.»

4. Voilà en quels termes le prieur Richard parla de la réforme du monastère à l'abbé Geoffroy; mais celui-ci ne goûta point son langage, il est si difficile de corriger des abus invétérés! Toutefois, reconnaissant qu'il n'avait l'esprit ni assez perspicace ni assez cultivé, il demanda au prieur de lui faire clairement connaître par écrit les réformes qu'il ferait s'il était à sa place. Richard se rendit avec empressement à ce désir, et en réponse à ce qu'il lui avait demandé, il lui dit par lettre qu'il fallait renoncer aux entretiens que la règle interdit, aux étoffes et aux mets dont elle ne permet pas l'usage. Quant à l'emplacement et à l'ordre intérieur d'un monastère, il en fit une peinture telle qu'il devenait alors tout à fait indifférent qu'il fût placé dans un désert éloigné ou au coeur même de la ville la plus populeuse. Comme il est très-versé dans la connaissance des affaires, il réglait les propriétés du monastère de façon à ne blesser en aucun point à leur occasion les règles de l'Evangile; et pour les revenus, dîmes et redevances dues par des Églises dont l'investiture est pour les religieux une plus grande occasion d'être trouvés en faute, il voulait que la possession n'en fût légitime et canonique qu'à condition qu'elle serait approuvée par les évêques, et que ces biens seraient employés au soulagement des pauvres, des étrangers et des voyageurs; les religieux devaient, pour vivre, se contenter des produits d'un modeste coin de terre cultivé de leurs mains, et de quelques bestiaux soignés par eux. A peine le bruit de ces pensées de réforme se fut-il répandu parmi les autres religieux, qu'ils entrèrent dans une sorte de fureur contre Richard et ses partisans, et trouvèrent qu'ils devaient être expulsés de la communauté ou tenus dans une étroite prison.

5. Toutefois, après avoir eu plusieurs conférences amicales ensemble sur ce sujet, l'abbé répondit à Richard qu'il ne pouvait prendre sur lui de changer ce que ses prédécesseurs semblaient avoir pratiqué, et, voulant s'entourer de tous les conseils dont il avait besoin, il ajourna sa réponse définitive après la Nativité de la sainte Vierge.

6. Dans cet intervalle, les autres religieux, craignant de se voir ramenés à une observance plus rigoureuse, travaillèrent, en vrais pharisiens, à rendre le prieur et ses partisans de plus en plus odieux à la communauté; et, s'il ne s'était trouvé parmi eux quelques esprits un peu plus modérés que les autres, la lutte aurait dépassé les bornes d'une simple persécution intérieure. Cependant le bruit de ces divisions commença à transpirer au dehors et parvint sourdement jusqu'à mes oreilles, sans que toutefois je susse ce qu'il y avait au fond de toutes ces rumeurs. Mais le prieur Richard, de concert avec le sous-prieur et le secrétaire de la maison, me firent connaître l'état des choses tel qu'il était et me prièrent, au nom de saint Pierre, de concourir de tout mon pouvoir à leur faciliter l'accomplissement de leurs veaux; ils ajoutaient que les choses pressaient beaucoup, attendu que les autres religieux étaient résolus à excommunier quiconque parlerait de réforme. Déjà même plusieurs de ceux qui avaient partagé les pensées du prieur s'étaient retirés de son parti, et, soit crainte ou amour, soit légèreté, avaient fait leur paix avec les autres en reconnaissant qu'ils avaient eu tort de parler de réforme.

7. Quant à moi, par la grâce de Dieu, archevêque d'York, me trouvant informé que des serviteurs du Christ voulaient, selon la règle de saint Benoît, mettre l'amour du Sauveur au-dessus de tout, il me sembla que je manquerais à la grâce de Jésus-Christ, si je leur refusais en cette circonstance l'appui et le concours qu'ils devaient trouver dans un évêque dont un des premiers devoirs est de faire vivre les religieux dans le calme et la paix et de consoler les opprimés. En conséquence, et d'après les conseils de personnes religieuses, j'ai invité l'abbé Geoffroy, le prieur Richard et le sous-prieur à se rendre dans un endroit que je leur indiquai, où, en présence des ces mêmes personnes, on entendrait, d'un côté ce que demandaient ces religieux, et de l'autre, ce que l'abbé avait à répondre, afin d'arriver à rétablir la paix entre eux. Les premiers continuèrent à dire avec larmes qu'ils ne demandaient qu'une seule chose, de pouvoir marcher dans l'exercice de la pauvreté volontaire sur les pas de Jésus pauvre, de porter sa croix dans leur corps et d'observer entièrement la règle de saint Benoit leur père; et ils priaient le père abbé de vouloir bien consentir et prêter les mains à l'exécution de leurs desseins. L'abbé, de son côté, tout en reconnaissant également avec larmes que la réforme demandée n'était que trop nécessaire, se contentait de dire qu'il ne mettrait aucun obstacle à l'accomplissement de leurs projets, qui n'avaient rien que de bon, et s'excusait de promettre son concours avant d'avoir pris, sur ce sujet, l'avis de son chapitre.

8. L'abbé retourna donc à son monastère avec ses religieux après avoir reçu ma bénédiction et être convenu avec moi d'un jour où je me rendrais à leur chapitre pour y traiter toute cette affaire avec lui et quelques autres personnes de bien qui devaient s'y rendre également; mais en attendant, le reste de la communauté se montra animé de sentiments d'autant plus hostiles à l'égard du prieur et de son parti que leurs désirs de réforme étaient désormais moins douteux, et on fit venir des environs des religieux de Marmoutiers et de Cluny pour déclarer en leur présence, et avec leur assentiment, les religieux du parti de Richard violateurs et transfuges de l'ordre et les dépouiller de leurs charges et emplois; car après l'abbé c'étaient ceux qui occupaient les premières places dans la maison. Tout cela se passait dans l'intervalle de la première entrevue à la seconde. Pour moi, au jour dit, comme je me rendais au chapitre, je fus rejoint presque à la porte du couvent par quelques personnes aussi recommandables par leur piété que par leur prudence, parmi lesquelles je citerai le doyen Hugues, Guillaume, prieur des clercs réguliers de Cisbarne, Guillaume le trésorier, l'archidiacre Hugues, le chanoine Serlon, le chanoine Alfred, mon chapelain, et Robert, prêtre de l'hôpital. Nous laissâmes nos chevaux à la porte du cloître sous la garde de quelques hommes.

9. Lorsque je me présentai avec eux au chapitre, comme il avait été convenu, le père abbé vint à ma rencontre avec quelques moines, à l'entrée même de la salle. du chapitre, qui était toute pleine de religieux, et me déclara que je ne pourrais y être admis si je ne renvoyais les ecclésiastiques dont je m'étais fait accompagner. A peine avais je ouvert la bouche pour dire que je ne devais pas me présenter pour une affaire d'une si grande importance que celle dont il s'agissait, sans être accompagné de mes clercs, tous hommes de bien, d'une prudence consommée et d'un dévouement entier à leur maison, que la salle retentit d'un tumulte et de vociférations si épouvantables qu'on aurait pu croire qu'on avait affaire avec des hommes pris de vin et des fous furieux plutôt qu'avec d'humbles moines; il n'y avait plus en eux le moindre vestige de l'humilité religieuse. Plusieurs même d'entre eux s'élancèrent vers moi le poing en avant, comme s'ils avaient voulu engager la lutte et s'écrièrent que si j'entrais dans la salle du chapitre ils en 'sortiraient à l'instant. A cette vue, je m'écriai: «Dieu m'est témoin que je ne venais ici qu'avec les sentiments d'un père, et que je n'avais pas l'intention de vous faire la moindre peine; je voulais seulement rétablir la paix parmi vous et renouer les liens de la charité fraternelle. Mais, puisque vous voulez paralyser entre mes mains l'autorité épiscopale et m'empêcher de faire mon devoir, je vous retire le privilège dont vous avez- joui jusqu'à présent, et j'interdis votre église.» A ces mots, un religieux nommé Siméon s'écria: Eh bien, qu'elle soit frappée d'interdit pour un siècle, nous le voulons bien! De toutes parts des applaudissements frénétiques accueillirent ces paroles; en même temps on entendit ce cri sortir de toutes les bouches: Prenez-les! prenez-les! et on les vit tous s'emparer du prieur et de ses partisans et les entraîner, comme ils avaient comploté de le faire, pour les jeter dans les prisons du couvent ou pour les chasser de la maison. Mais ceux-ci, ne voyant plus d'autre moyen de s'échapper de leurs mains, me saisirent dans leurs bras en invoquant la protection du bienheureux apôtre Pierre et la mienne. Nous eûmes toutes les peines du monde au milieu de ce tumulte et des cris répétés: Arrêtez les rebelles! saisissez les traîtres! à nous réfugier dans l'église, où ces vociférations nous suivirent. Quand nous y fûmes arrivés, nous nous assîmes, et l'abbé avec les autres religieux retournèrent au chapitre.

10. Cependant les gens de l'abbaye avaient fermé les portes et les issues, et semblaient se tenir comme en embuscade. Quant à nous, redoutant, je l'avoue, que les moines ne vinssent fondre sur nous, nous nous empressâmes de fermer, en dedans, la porte de l'église qui conduit au cloître. Cependant le bruit de ce qui se passait se répandit au dehors, et on accourut de toutes parts à l'abbaye; le peuple toutefois ne fit et ne dit rien d'hostile au monastère. N'ayant donc pu mettre les religieux d'accord entre eux, je regagnai ma demeure en emmenant avec moi les douze religieux prêtres dont je vous ai parlé plus haut et un sous-diacre; il y en a plusieurs d'entre eux qui ont l'esprit très-cultivé, et tous sont animés du plus ardent désir d'observer la règle, de vivre en bons religieux et de suivre en tout la voix de l'Evangile. Ils se sont fixés dans la maison du bienheureux apôtre Pierre qui est aussi la mienne, et la violence dont ils ont été l'objet ne les a point fait renoncer à leur dessein. Quant aux autres religieux, ils sont toujours dans la même exaspération contre eux, tandis que l'abbé est parti en voyage je ne sais dans quel but.

11. Je viens donc, au nom de Jésus-Christ, supplier Votre Paternité de prendre le parti de ceux qui ne demandent qu'à embrasser des observances plus étroites et plus sévères. Si l'abbé va vous trouver, faites servir la prudence et l'autorité que Dieu vous a données à calmer son esprit et à lui persuader de n'apporter aucun obstacle à l'accomplissement des saints projets de ses enfants; s'il a prévenu ma lettre par sa visite, et qu'il ne soit plus auprès de vous, je vous prie de vouloir bien charger le messager de la présente, d'une lettre où vous l'engagerez non-seulement à ne plus s'opposer aux voeux de ses religieux, mais même à y prêter les mains et à favoriser l'entreprise de ceux de ses enfants qui veulent prendre au sérieux le saint Evangile et la règle de saint Benoît leur père. Cet abbé et ses religieux devraient au moins imiter en cette circonstance la conduite des Egyptiens et des Babyloniens, et permettre aux enfants d'Israël de retourner dans la terre promise. Laban lui-même, après avoir cruellement poursuivi Jacob qui s'était enfui secrètement de chez lui, le laissa enfin retourner en paix auprès de son père. Il faut bien se garder de voir des déserteurs de leur couvent, dans ces moines qui n'ont quitté l'endroit où ils étaient que parce qu'ils y avaient une plus grande facilité d'offenser Dieu, et qui n'ont d'autre désir que de le servir plus saintement. Ne devraient-ils pas craindre que le Seigneur ne leur fit les mêmes reproches qu'aux pharisiens dont il disait que, non contents de ne pas entrer eux-mêmes, ils empêchaient les autres d'entrer? Il n'est personne qui ne sache que la règle de saint Benoît a perdu actuellement son ancienne splendeur à peu près dans tous les couvents du monde; elle est tombée dans un tel oubli, qu'on ne peut s'étonner assez de voir encore des religieux venir promettre avec tant de solennité devant Dieu et devant les hommes, de pratiquer une loi que tous les jours ils violent; ou pour mieux dire, qu'ils sont contraints de violer. C'est bien d'eux que parlait le Prophète quand il s'écriait: «Ce peuple m'honore du bout des lèvres, mais son coeur est loin de moi ();» et que l'Apôtre disait: «Ils confessent Dieu de la voix et le renient dans leurs actes ().»

12. Peut-être se rassurent-ils dans leur relâchement en songeant qu'il est devenu général; hélas! je le dis en gémissant pour eux, leur sécurité est fausse, le nombre des pécheurs n'empêchera pas le péché d'être puni. D'où je conclus que, bien loin de s'opposer au dessein de ceux qui veulent observer dans sa rigueur la règle de leur ordre, on doit s'empresser d'en favoriser l'accomplissement, et louer au lieu de les blâmer ceux qui ne demandent à changer de monastère que pour donner suite à de semblables projets; car si l'endroit qu'ils habitent maintenant ne les porte pas à Dieu, c'est pour trouver Dieu qu'ils en choisissent un autre. Saint Benoît proclame hautement que c'est le même Dieu qu'on sert et sous les yeux du même roi qu'on combat en tous lieux (S. Bened., Reg., cap. 16). Dans les entretiens des Pères du désert, l'ermite Joseph dit expressément que celui qui va là où il est plus assuré d'observer fidèlement les commandements de Dieu, prend la voie la plus droite pour arriver à la perfection de son état (Cassien, coll. 17), tandis qu'un autre Père disait: Celui qui nous soutient dans les épreuves et les tribulations nous fait rechercher les moyens de salut. On doit donc, si je ne me trompe, regarder comme autant d'hérétiques et d'hypocrites pharisiens ceux qui ne frémissent pas et ne veulent point laisser trembler les autres à ces paroles de la vérité même: «Si vous ne valez mieux que les scribes et les pharisiens, vous n'entrerez point dans le royaume des cieux (Mt 5,20).» Si un ange du ciel venait vous tenir un autre langage que celui-là, vous devriez l'anathématiser. Or c'est annoncer un autre évangile que celui de Notre-Seigneur Jésus-Christ que d'empêcher ceux qui en ont le désir, de pratiquer en paix la règle angélique dont ils ont fait profession. Quel que soit celui qui ose s'opposer à l'accomplissement de ce dessein, il me semble digne de s'entendre appliquer ces paroles de la Vérité même: «Si c'est votre oeil droit qui vous scandalise, vous devez l'arracher et le jeter loin de vous (Mt 5,29).» Or il n'est rien de plus sensible et de mieux protégé que l'oeil dans le corps, et pourtant s'il devient un obstacle au salut, il faut se l'arracher dans l'intérêt de l'esprit. C'est en cela que consiste la prudence du serpent, à mettre sa tête, c'est-à-dire son âme à l'abri de tout ce qui peut lui nuire.

13. Toutefois, pour éviter de scandaliser les faibles que la vérité touche moins que les autres, je prie Votre Sainteté et tous ceux qui voudront prêter l'oreille à mes discours, de vouloir bien vous employer à rétablir la paix et la concorde entre l'abbé du monastère d'York et les religieux dont nous avons souvent parlé dans le courant de cette lettre. N'oublions pas d'ailleurs que ce sont des religieux de Molesmes qui, après avoir quitté leur couvent comme ceux d'York voulaient le faire, ont fondé et fait fleurir la règle de Cîteaux dont l'Église entière admire aujourd'hui la perfection. L'archevêque de Lyon, Hugues, de vénérable et pieuse mémoire, loua la pureté d'intention de ceux qui tentèrent cette réforme et s'empressa d'adopter ce louable retour vers le passé. Quand les plaintes de ceux qui avaient vu cette rénovation de mauvais oeil, furent portées aux pieds du saint Siège, le pape Urbain II décida que l'abbé seul qui avait aussi quitté sa charge pour suivre la réforme retournerait à son poste, et que, pour le reste des religieux, on n'empêcherai aucun de ceux qui voudraient observer la règle dans toute sa pureté de suivre leur penchant. Il faudrait être bien aveugle pour ne pas voir de quel éclat l'Evangile reluit maintenant dans toute leur conduite. Peut-être me suis-je étendu un peu longuement et vous ai-je fatigué par le récit de cette affaire, mais il m'a semblé que je devais vous faire connaître les dispositions où se trouvent les autres religieux, lesquelles ne vous plairont probablement pas, de peur que les choses ne vous fussent exposées par nos adversaires tout autrement qu'elles ne sont. Je prie Notre- Seigneur de garder Votre Sainteté en bonne santé.





Bernard, Lettres 437