Chrysostome sur Actes 2004

HOMÉLIE 21 ÉTANT VENU A JÉRUSALEM, PAUL CHERCHAIT A SE JOINDRE AUX DISCIPLES; MAIS TOUS LE CRAIGNAIENT, (CHAP. 9,26, 27, JUSQU'A LA FIN DU CHAPITRE.)

NE CROYANT PAS QU'IL FUT LUI-MÊME DISCIPLE. ALORS BARNABÉ L'AYANT PRIS AVEC LUI, L'AMENA AUX APOTRES, ET LEUR RACONTA COMMENT LE SEIGNEUR LUI ÉTAIT APPARU DANS LE CHEMIN.
2100 Ac 9,26-43

ANALYSE. 1-3. Paul à Jérusalem. — Discussion sur les premiers voyages de Paul. — Démonstration de la principauté de Pierre. — Résurrection de Thabite.
4 et 5. Magnifique mouvement d'éloquence : la mort du pécheur, le vrai deuil, les vrais sujets de larmes; les aumônes utile aux morts ; les offrandes pour les défunts.

2101 Nous aurons raison ici de nous demander comment il a pu écrire, dans sa lettre aux Galates : « Je ne suis point retourné à Jérusalem, mais je m'en suis allé en Arabie et à Damas; et ainsi, trois ans s'étant écoulés, je retournai à Jérusalem pour voir Pierre, et je n'ai vu aucun des apôtres ». (Ga 1,17-19) D'où vient qu'ici, au contraire, le texte dit que Barnabé l'amena aux apôtres? Ou l'apôtre veut dire : Je ne suis pas allé pour demeurer (car il dit immédiatement avant : « Je n'ai pas pris conseil de la chair et du sang » (Ga 16) je ne suis pas allé à Jérusalem trouver les apôtres qui me précédaient) ; ou voici encore l'explication que l'on peut donner : les piéges qui lui furent tendus à Damas, furent postérieurs au voyage en Arabie; ensuite il retourna de Damas à Jérusalem. Donc lui-même n'alla pas voir les apôtres, mais il cherchait à se joindre aux disciples, comme n'étant pas encore docteur, mais simplement disciple lui-même. Il n'alla donc pas pour voir les apôtres qui le précédaient; et en effet, ils ne lui ont rien appris. Ou il ne parle pas de ce voyage, (95) il le passe sous silence, et voici ce qui est arrivé: Il s'en est allé en Arabie, ensuite à Damas, ensuite à Jérusalem, de là en Syrie; ou bien, s'il n'en est pas ainsi, voici ce qu'il faut croire : Il alla à Jérusalem, de là il fut envoyé à Damas ; il alla ensuite en Syrie, ensuite une seconde fois à Damas, ensuite à Césarée ; et alors, après quatorze ans sans doute, Barnabé l'amena aux frères. Si cette explication n'est pas vraie, il s'agit alors d'une autre époque, car l'historien abrège considérablement le récit, entassant les époques. Voyez quel détachement de la gloire ! Il ne raconte pas cette fameuse vision, il passe outre, et ensuite il commence de cette manière : « Etant venu à Jérusalem, il cherchait à se joindre aux disciples, mais tous le craignaient ». Et voici ce qui montre encore la chaleur de Paul : Ce n'est pas l'histoire d'Ananie, ce n'est pas l'admiration qu'il excitait à Damas, mais ce sont les faits qui se sont passés à Jérusalem. Il est certain qu'on attendait de lui quelque chose de supérieur à l'homme; et remarquez : Paul ne va pas trouver les apôtres; la modestie le retient; il va voir les disciples, parce qu'il est lui-même disciple; on ne le regardait pas encore comme un fidèle.

« Alors Barnabé l'ayant pris, l'amena aux apôtres, et leur raconta comment le Seigneur lui était apparu dans le chemin ». Ce Barnabé était un homme doux et bon, son nom signifie « fils de la consolation » ; d'où il suit qu'il fut l'ami de Paul. Quant à sa bonté, à son affabilité, la preuve c'est sa conduite présente, et sa conduite avec Jean ; c'est ce qui explique l'assurance de Paul, qui lui raconte comment le Seigneur lui est apparu dans le chemin, et que Dieu lui a parlé, et qu'à Damas il s'est montré librement un serviteur du Seigneur Jésus. Il est vraisemblable qu'à Damas, Barnabé avait entendu parler de Paul. Telle fut la préparation de son apostolat dans lequel les oeuvres confirmèrent les paroles. « Et il était avec eux, entrant et sortant dans Jérusalem, et parlant avec force et liberté au nom du Seigneur Jésus. Il parlait aussi et il discutait «avec les Juifs grecs (28, 29) ». Les disciples le craignant, les apôtres n'ayant pas encore confiance en lui, Paul s'arrange de manière à dissiper leurs craintes. Il parlait, dit le texte, et il discutait avec les Juifs grecs. Les Juifs grecs étaient ceux qui parlaient grec, et l'Ecriture a tout à fait raison; car les autres ne voulaient même pas le voir : « Et ceux-ci cherchaient à le tuer» ; ce qui prouve à la fois, et la violence des vaincus et l'éclat de la victoire et le chagrin qu'elle causait : « Ce que les frères ayant reconnu, ils le menèrent à Césarée.(30) ». Cette conduite s'explique par la crainte; ils craignaient pour lui ce qui était arrivé à Etienne ; ils le mènent à Césarée : « Et ils l'envoyèrent à Tarse ». Quelle que soit leur crainte, ils l'envoient toutefois, et pour qu'il prêche, et pour qu'il soit en sûreté, Tarse étant sa patrie. Eh bien ici, voyez comme il est vrai de dire que la grâce n'agit pas toujours seule, que Dieu permet aussi aux hommes de faire beaucoup de choses par la sagesse qui leur est propre, par la prudence humaine. Ce qui est vrai de Paul, l'est bien plus des autres hommes. Il lui permet donc d'enlever tout prétexte à ces malheureux : « Cependant l'Eglise était en paix par toute la Judée et la Samarie, et elle s'établissait marchant dans la crainte du Seigneur, et elle était remplie de la consolation du Saint-Esprit (31) ». L'historien va parler de Pierre visitant les fidèles; il ne veut pas que cette démarche paraisse un effet de la crainte; il expose donc d'abord l'état de l'Eglise, montrant qu'au temps de la persécution Pierre était resté à Jérusalem. Mais l'Eglise étant partout en paix, Pierre laisse Jérusalem, telle est la ferveur qui l'emporte ! En effet, la paix n'était pas une raison pour que l'on n'eût pas besoin ailleurs de sa présence. Et pourquoi, dira-t-on, ce voyage, en pleine paix, après le départ de Paul? C'est que les peuples vénéraient surtout ceux qu'ils voyaient souvent, et qui excitaient l'admiration de la foule. Quant à Paul, on le méprisait, et les haines étaient allumées contre lui.


2102 Avez-vous bien compris comment la paix succède à la guerre, ou plutôt avez-vous bien compris le résultat de cette guerre? Elle a dispersé les auteurs de la paix. Dans la Samarie, Simon fut couvert de honte; dans la Judée, arriva l'histoire de Sapphire; donc, quoique la paix régnât, il n'y avait pas lieu à se relâcher, c'était une paix qui avait besoin de consolation. « Or, Pierre, visitant de ville en ville tous les disciples, vint aussi voir les saints qui habitaient à Lydde (32) ». C'était comme un général qui passe la revue pour voir ce qui est bien aligné, ce qui est dans l'ordre, en quel lieu sa présence est nécessaire. Voyez-le courant de tous les côtés, et se trouvant partout (96) le premier. S'agit-il de choisir un apôtre? il est le premier; s'agit-il de répondre aux Juifs accusant les apôtres d'être ivres, de guérir un boiteux, de haranguer les peuples? on le voit avant tous les autres. Faut-il, parler aux magistrats? c'est lui qui se montre. Quand il faut punir Ananie, opérer des guérisons par son ombre, c'est toujours lui. On le trouve partout où il y a du danger, et partout où il y a quelque chose à administrer. Quand les choses vont d'elles-mêmes, tous agissent en commun; Pierre ne recherche pas de prérogatives d'honneur. Mais maintenant, quand il faut opérer un miracle, c'est lui qui s'élance; et ici, c'est lui encore qui se, charge d'un travail, et qui fait un voyage. « Il y trouva un homme, u nommé Enée, qui, depuis huit ans, était couché sur un lit, étant paralytique, et Pierre lui dit : Enée, le Seigneur Jésus-Christ vous guérit; levez-vous, et faites vous-même votre lit; et aussitôt il se leva (33, 34) ».

Et pourquoi n'attendit-il pas que l'homme lui montrât sa foi? pourquoi ne lui demanda-t-il pas s'il voulait être guéri ? Assurément c'est parce qu'il fallait produire un grand effet sur la foule, que ce miracle s'opéra. Aussi combien l'utilité en fut grande ! Ecoutez ce que le texte ajoute : « Tous ceux qui demeuraient à Lydde, et à Sarone, virent cet homme guéri, et ils se convertirent au Seigneur (33) ». Pierre a donc eu raison de parler ainsi. C'était un homme connu de tout le monde, et, pour prouver la vérité du miracle, l'apôtre lui ordonne d'emporter son grabat. En effet, les apôtres ne se bornaient pas à guérir; mais, avec la santé, ils rendaient aussi la force. D'ailleurs, ils n'avaient pas encore donné de preuves de leur puissance; il n'est pas étonnant que le paralytique ne fût pas tenu de croire, puisque le boiteux n'avait pas dû manifester sa foi. De même que le Christ, lorsqu'il commença d'opérer des miracles, n'exigeait pas la foi, de même firent les apôtres. A Jérusalem, on exigeait la foi; de là vient qu'à cause de leur foi tous les malades étaient exposés dans les rues, afin que l'ombre de Pierre, venant à passer, s'étendît au moins sur quelqu'un d'entre eux. A Jérusalem, en effet, il y avait eu beaucoup de miracles; mais c'était pour la première fois qu'on en voyait à Lydde. Parmi les miracles, les uns avaient pour but d'attirer les infidèles, les autres de consoler ceux qui partageaient la foi. « Il y avait aussi à Joppé, entre les disciples, une femme nommée Thabite, ou. en grec, Dorcas; elle était remplie de bonnes oeuvres et des aumônes qu'elle faisait. Or, il arriva en ce temps-là, qu'étant tombée malade, elle mourut; et, après qu'on l'eut lavée, on la mit dans une chambre haute ; et comme Lydde était près de Joppé, les disciples, ayant appris que Pierre y était, envoyèrent vers lui deux hommes pour le prier de venir auprès d'eux (36, 37, 38) ».

Pourquoi les disciples attendirent-ils qu'elle mourût? Pourquoi ne se pressèrent-ils pas d'importuner Pierre? C'est que, dans leur sagesse, ils regardaient comme inconvenant d'importuner les apôtres pour de telles choses, et de les arracher à la prédication. Et si le texte dit que Joppé était près de Lydde, c'est pour montrer que, vu la proximité, les disciples demandaient ce qui pouvait se faire sans dérangement (cette femme faisait partie des disciples); et qu'ils n'y attachaient pas une extrême importance. « Pierre partit aussitôt, et s'en alla avec eux. Lorsqu'il fut arrivé, ils le menèrent à la chambre haute (39) ». Ils ne lui demandent rien, ils s'en rapportent à lui, pour la rendre à la vie, si c'est sa volonté; et ainsi se trouve accomplie cette parole : « L'aumône délivre de la mort (
Tb 12,9). « Et toutes les veuves l'entourèrent, en pleurant, et lui montrant les tuniques et les robes que Dorcas leur faisait ». C'est dans la chambre où cette morte était exposée qu'ils conduisent Pierre, avec la pensée peut-être que ce spectacle serait pour lui une occasion de manifester la sagesse chrétienne. Voyez-vous tout ce que cette conduite dénote de progrès dans la sagesse? Et le nom de cette femme n'est pas rappelé au hasard, il montre la conformité de son nom et de sa vie : une femme vigilante, alerte, comme une chèvre, Dorcas; car il y a beaucoup de noms qui portent en eux-mêmes leur raison; nous vous l'avons souvent dit. « Elle était remplie », dit le texte, « de bonnes oeuvres, et des aumônes qu'elle faisait ». Grand éloge pour cette femme, d'avoir fait ses bonnes couvres et ses aumônes, de manière à en être remplie. Or, il est manifeste qu'elle s'appliquait d'abord aux bonnes couvres, ensuite aux aumônes, « qu'elle faisait », dit le texte. Grande humilité. Ce n'est pas ce qu'on voit chez nous; tous alors attachaient une grande importance à (97) l'aumône. Alors Pierre, ayant fait sortir tout le monde, se mit à genoux, et en prières, et, se tournant vers le corps, il dit : « Thabite, levez-vous; elle ouvrit les yeux et, ayant vu « Pierre, elle se mit sur son séant (40) ». Pourquoi faire sortir tout le monde? pour éviter l'émotion, le trouble causé par les larmes. « Se mit à genoux, et en prières »; c'était la marque d'une grande application pour prier. « Il lui donna la main », dit le texte (41). Ici, le texte montre successivement la vie, ensuite la force communiquée, l'une par la parole, l'autre par la main. « Il lui donna la main; et la leva, et ayant appelé les saints et les veuves, il la leur rendit vivante ». C'était, pour les uns, une consolation; ils revoyaient leur soeur; ils contemplaient un miracle; pour les veuves, c'était une protection qu'elles retrouvaient. « Ce miracle fut su de toute la ville de Joppé, et plusieurs crurent au Seigneur; et Pierre demeura plusieurs jours, dans Joppé, chez un corroyeur nommé Simon ».


2103 Voyez la modestie et la douceur de Pierre : il ne reste pas auprès de cette femme, auprès de quelqu'autre personnage marquant, mais chez un corroyeur; par tous les moyens, il enseigne l'humilité. Il ne veut pas que les humbles rougissent, que les grands s'élèvent. S'il fit son voyage, c'est qu'il pensait que les fidèles avaient besoin de sa doctrine. Mais reprenons les paroles de notre texte : « Il cherchait », dit le texte, « à se joindre aux disciples ». Paul ne les aborde pas effrontément, mais avec humilité. L'Ecriture ici donne le nom de disciple même à ceux qui ne faisaient pas partie des douze; c'est que tous méritaient alors ce nom de disciples, par l'excellence de leurs vertus. Leur vie était conforme à un modèle illustre. « Mais tous le craignaient », dit le texte. Voyez comme ils redoutaient les périls, comme la crainte était puissante encore. « Alors Barnabé, l'ayant pris avec lui, l'amena aux apôtres et leur raconta ». Ce Barnabé, je crois, était depuis quelque temps l'ami de Paul; de là vient qu'il raconte tout ce qui le concerne. Quant à Paul, il n'en dit rien lui-même, et je pense que plus tard il n'en parle pas davantage, excepté dans quelque nécessité. « Et il était avec eux dans Jérusalem, parlant avec force et liberté au a nom du Seigneur Jésus ». Ce qui donnait aux autres de la confiance. Voyez-vous, ici encore, ce que vous avez vu ailleurs, des fidèles qui veillent prudemment sur lui, et qui le font partir, et comment la main de Dieu ne se montre pas encore pour le défendre? Et c'est par là qu'éclate son énergie propre. Dès ce moment, je ne crois pas qu'il voyage par terre; il dut s'embarquer; ce qu'il fit par le conseil de celui qui voulait faire servir son voyage à la prédication. Et les piéges qu'on lui tendait, et le voyage à Jérusalem, tout cela était disposé, non sans dessein, mais afin qu'il ne demeurât pas plus longtemps suspect. « Et il disputait avec les Juifs grecs. Cependant « l'Eglise », dit le texte, « était en paix, et elle s'établissait, marchant dans la crainte du Seigneur, et elle était remplie de la consolation du Saint-Esprit », c'est-à-dire, elle croissait, elle portait la paix dans son sein, la véritable paix; et il était bon qu'il en fût ainsi, car la guerre extérieure lui avait fait beaucoup de mal. « Et elle était remplie de la consolation du Saint-Esprit ». L'Esprit-Saint les consolait, et par les prodiges, et par les oeuvres. En outre, il résidait dans chacun des apôtres en particulier. « Or Pierre, visitant de ville en ville tous les disciples, vint aussi voir les saints qui habitaient à Lydde. Il y trouva un homme nommé Enée, qui était couché et il lui dit : Enée, le Seigneur Jésus-Christ vous guérit ». Parole, non d'ostentation, mais de confiance. Quant à moi, je suis tout à fait porté à croire que le malade a ajouté foi à la parole, et que c'est là ce qui l'a guéri. Que le miracle ait été fait sans ostentation, c'est ce qui résulte de ce qui suit. En effet, Pierre ne dit pas : Au nom de Jésus-Christ, mais il semble annoncer un miracle plutôt que l'opérer. « Tous ceux qui demeuraient à Lydde en furent témoins, et ils se convertirent au Seigneur ». J'ai donc eu raison de dire que les miracles avaient pour but la persuasion et la consolation.

« Il y avait aussi à Joppé, entre les disciples, une femme nommée Thabite. Or, il arriva en ce temps-là, qu'étant tombée malade, elle mourut ». Voyez vous les signes miraculeux qui se montrent partout? Il n'est pas dit simplement que Thabite mourut, mais, après être tombée malade; mais l'on n'appela pas Pierre avant qu'elle fût morte. « Et les disciples, ayant appris que Pierre y était, envoyèrent vers lui pour le prier de venir auprès d'eux»: Voyez, ils ont recours à d'autres pour le faire venir, (98) et ils l'appellent, et Pierre consent, il vient, il ne se formalise pas de ce qu'on le fait venir; c'est un grand bien que la tribulation, qui rapproche ainsi nos âmes. Et maintenant, pas de larmes, pas de sanglots. « Après qu'on l'eut lavée, on la mit dans une chambre haute », c'est-à-dire, on lui fit tout ce qui convient aux morts. «Pierre partit aussitôt et s'en alla avec eux. Lorsqu'il fut arrivé dans la chambre haute, il se mit à genoux et en prières, et, se tournant vers le corps, il dit : Thabite, levez-vous ». Dieu ne permet pas tous les signes avec la même facilité ; celui-ci était dans l'intérêt des disciples. Dieu ne s'inquiétait pas seulement de sauver les autres hommes, il voulait aussi le salut de ses serviteurs. Donc celui dont l'ombre seule guérissait tant de malades, s'applique maintenant et fait tout pour ressusciter cette femme. Il faut dire aussi que la foi des assistants coopérait à cette oeuvre. Donc, il ressuscite cette morte d'abord en l'appelant par son nom. Cette femme, comme si elle se réveillait, ouvrit d'abord les yeux; à la vue de Pierre, elle se mit aussitôt sur son séant, et enfin, sentant sa main, la voilà raffermie. Quant à vous, considérez ici le fruit qu'il vous faut recueillir, l'utilité du miracle, et non le spectacle. Si Pierre fait sortir tout le monde, c'est pour imiter son Maître. En effet, là où se versent les pleurs, un si grand mystère n'est pas à sa place; disons mieux, là où s'opèrent les miracles, il ne faut pas de larmes. Ecoutez, je vous en conjure, quoique nos yeux ne voient plus rien de pareil, il n'en est pas moins vrai que, maintenant encore, au milieu des morts, s'accomplit un grand mystère. Voyons, répondez-moi, si, pendant que nous sommes ici, l'empereur appelait quelqu'un de nous à sa cour, faudrait-il donc pleurer et gémir? Des anges se présentent, envoyés du ciel, c'est du ciel qu'ils viennent, de la part du souverain Seigneur, pour appeler leur compagnon d'esclavage, et vous pleurez, et vous ne comprenez pas le mystère qui s'accomplit? Combien redoutable est ce mystère, comme il est fait pour exciter l'épouvante, et, en même temps, combien il mérite et nos chants d'allégresse et notre joie !


2104 Comprendrez-vous enfin qu'il n'y a pas là un sujet de larmes? Ce mystère est la plus grande marque de la sagesse de Dieu. Comme on abandonne une maison, ainsi fait l'âme, pressée de se réunir à son Seigneur. Et vous êtes dans le deuil? Il fallait donc pleurer à la naissance de l'enfant, car la dernière naissance est bien plus heureuse. L'âme s'en va vers une autre lumière; elle s'échappe comme d'une prison; elle retourne comme on revient, d'un combat. Sans doute, m'objectera-t-on; mais vous parlez des justes; et que t'importe, ô homme? auprès des justes éprouves-tu ce que je dis ? Eh bien, dites-moi, que peut-on reprocher à l'enfant, au petit enfant? Pourquoi votre deuil pour le nouveau baptisé, car, pour celui-ci encore, la condition est la même? Pourquoi donc votre deuil? Ne voyez-vous pas que c'est comme un pur soleil qui s'élève? que l'âme pure, quittant son corps, est une lumière brillante ? L'empereur, faisant son entrée dans la ville, ne mérite pas le silence de l'admiration autant que l'âme rejetant son corps pour s'en aller avec les anges. Réfléchissons donc sur l'âme, sur le saisissement, sur l'admiration, sur la volupté qu'elle éprouve. Pourquoi votre deuil, encore une fois? Ne pleurez-vous donc que sur les pécheurs ? Plût au ciel qu'il en fût ainsi! Je ne l'empêcherai pas ce deuil-là; plût. à Dieu que telle en fût la cause ! De là les larmes apostoliques; de là les larmes du Seigneur. Jésus aussi, Jésus pleura sur Jérusalem. Je voudrais que ce fût à ce caractère qu'on reconnût le deuil ; mais lorsqu'aux exhortations qu'on vous adresse, vous n'opposez que des mots, l'habitude, les liaisons rompues, la protection qui vous est enlevée, vous ne parlez pas du vrai deuil, je ne vois là que des prétextes. Faites le deuil du pécheur, versez sur lui des larmes; et moi aussi, j'en verserai avec vous, j'en verserai plus que vous, d'autant qu'il est plus exposé aux châtiments, le pécheur ; et moi aussi, je me lamenterai, et de mes lamentations je vous dis la cause, et ce n'est pas vous seulement qui devez pleurer le pécheur, mais la cité tout entière et tous ceux que vous rencontrez, comme vous pleurez sur les malheureux que l'on mène à la mort, car c'est la réalité, c'est une mort sinistre que celle des pécheurs. Mais toutes les idées sont confondues. Voilà le deuil que commande la sagesse, qui est un grand enseignement, l'autre n'est que faiblesse, pusillanimité. Si nous sentions tous le vrai deuil, nous corrigerions les vivants. Si l'on vous donnait des remèdes contre la mort qui frappe les corps, vous ne manqueriez pas d'y (99) recourir; si vous saviez pleurer la mort du pécheur, vous l'empêcheriez, vous l'écarteriez, et de vous, et de lui.

Mais, ce que nous voyons c'est une énigme; nous pourrions empêcher cette mort, nous ne l'empêchons pas; et, quand elle arrive, nous nous livrons au deuil. O hommes, vraiment dignes d'être pleurés ! quand ils se présenteront au tribunal du Christ, quelle parole entendront-ils, quel traitement leur faudra-t-il subir? C'est en vain qu'ils ont vécu, ou plutôt non, ce n'est pas en vain, mais c'est pour leur malheur. Il convient de dire, en parlant d'eux : « C'eût été un bien pour eux de ne pas être nés ». (
Mc 14,21) Car quelle utilité pour eux, répondez-moi, d'employer tara de temps pour assurer le malheur de leurs têtes? S'ils n'avaient fait que le perdre, la perte ne serait pas si grande. Répondez-moi : qu'un mercenaire dissipe vingt ans de sa vie en labeurs inutiles, ne le verrez-vous pas se lamenter et (;émir? Ne paraîtra-t-il pas le plus misérable de tous les hommes ? Eh bien, voici un pécheur qui a dissipé, sans profit, sa vie entière; il n'a pas vécu un seul jour pour lui ; il a tout livré aux plaisirs, à la luxure, à la cupidité, au péché, au démon ; ne devons-nous pas le pleurer? répondez-moi. N'essaierons-nous pas de l'arracher à ses dangers? Car nous pouvons, oui, nous pouvons, nous n'avons qu'à le vouloir, alléger son châtiment. Prions pour lui sans cesse, faisons l'aumône. Quand ce pécheur serait indigne, Dieu nous exaucera. Si en faveur de Paul, il a sauvé des pécheurs; si en faveur des uns il fait grâce aux autres, pourquoi, par égard pour nous, ne le ferait-il pas? Faites-vous des richesses de votre prochain, de vos propres richesses. des ressources de qui vous voudrez, un moyen de secours; versez l'huile goutte à goutte, ou plutôt épanchez l'eau en abondance. Un tel n'a pas les moyens de faire l'aumône? qu'il puisse au moins avoir pour lui les aumônes de ses parents; il ne peut pas se prévaloir des aumônes qu'il a faites? qu'il montre au moins les aumônes faites pour lui. C'est ainsi que l'épouse priera avec confiance dans l'intérêt de l'époux, présentant pour lui le prix qui le rachètera; et plus il a été pécheur, plus il a besoin de l'aumône. Et ce n'est pas là la seule raison c'est qu'il n'a plus maintenant la même force qu'autrefois, ou plutôt il a bien moins de pouvoir. Ce n'est pas la même chose pour le salut de travailler pour soi ou de laisser travailler les autres. Ce dernier moyen étant par lui-même moins efficace, compensons du moins ce désavantage à force de zèle.

Ce n'est pas auprès des monuments, ce n'est pas auprès des sépulcres qu'il nous faut nous fatiguer; protégez les veuves, voilà le plus grand des devoirs à rendre aux morts. Prononcez un nom, et dites à toutes les veuves qui entendent ce nom, d'adresser à Dieu leurs prières, leurs supplications, voilà qui apaisera le Seigneur. Si Dieu ne regarde pas celui qui n'est plus, il regardera celui qui fait l'aumône dans l'intention du mort; preuve touchante de la bonté de Dieu. Les veuves qui vous entourent, en versant des larmes, peuvent vous affranchir, non pas de la mort présente, mais de la mort à venir. Un grand nombre d'hommes ont été fortifiés par les aumônes des autres à leur intention. Supposez qu'ils n'aient pas été entièrement délivrés, ils ont du moins reçu quelque consolation; s'il n'en était pas ainsi, expliquez le salut des petits enfants. Certes, d'eux-mêmes, ils ne méritent rien, leurs parents seuls font tous les frais ; souvent des femmes ont reçu et conservé, comme présents du Seigneur, des enfants qui n'avaient rien fait pour être sauvés. Le Seigneur nous a donné, pour le salut, des ressources nombreuses, c'est à nous de ne pas les négliger.


2105 L'aumône? répondra-t-on. Mais si l'on est pauvre ? A mon tour je réponds : La valeur de l'aumône, ce n'est pas le don, mais l'intention. Donnez dans la mesure de vos ressources, et vous avez payé votre dette. Mais, m'objectera-t-on, un étranger qui est seul, qui ne connaît personne? Et pourquoi ne connaît-il personne? dites-moi. Cela même est un châtiment de n'avoir pas un ami, de ne pas connaître un honnête homme. Si nous ne sommes pas, par nous-mêmes, en possession de la vertu, sachons au moins nous faire des amis vertueux, nous ménager une épouse, un fils qui ait la vertu en partage, afin que nous puissions, par eux, en recueillir quelque fruit, un fruit si mince qu'il soit, mais enfin que nous puissions recueillir. Procurez-vous, non pas une épouse riche, mais une épouse vertueuse; ce sera votre consolation ; appliquez-vous à donner à votre fils, non la fortune, mais la piété; à votre fille, la chasteté ; ce sera, pour vous encore, une consolation. Si c'est à de tels biens que vous attachez votre coeur, et vous aussi, (100) vous serez vertueux; c'est une partie de la vertu de savoir se ménager de tels amis, une telle épouse, de tels enfants.

Ce n'est pas en vain que l'on fait des offrandes pour ceux qui ne sont plus; ce n'est pas en vain qu'on fait pour eux des prières; ce n'est pas en vain qu'on distribue pour eux des aumônes. L'Esprit-Saint a disposé toutes ces pratiques, afin que nous puissions nous aider les uns les autres ; car, voyez ce qui arrive vous portez secours à celui-là, et celui que vous avez aidé vous aide à son tour; vous avez, d'un instinct généreux, méprisé les richesses, et celui que vous avez sauvé vous enrichit des grâces de l'aumône. Ne mettez pas en doute le fruit qu'il vous sera donné de recueillir. Ce n'est pas en vain que le diacre vous crie : Pour ceux qui sont morts dans le Christ et pour ceux qui gardent leur souvenir; ce n'est pas le diacre qui fait entendre cette parole, c'est l'Esprit-Saint lui-même ; et je vous annonce le don de l'Esprit. Que dites-vous? Dans les mains du prêtre est l'hostie sainte, et tout est prêt; arrivent les anges, les archanges, arrive le Fils de Dieu; une sainte horreur s'empare de tous ; et, dans le silence universel, les diacres élèvent seuls la voix; et vous pensez que tout cela se fait en vain ? Et,out le reste aussi se fait donc en vain, et les offrandes au nom de l'Eglise, et les offrandes au nom des prêtres, et les offrandes pour obtenir la plénitude. Loin de nous cette pensée! mais tout s'accomplit avec foi. Que signifient les offrandes au nom des martyrs, invoqués à cette heure solennelle ? Quelle que soit la gloire des martyrs, même pour ces glorieux martyrs, c'est une grande gloire que leur nom soit prononcé en la présence du Seigneur, au moment où s'accomplit cette mort, ce sacrifice plein de tremblement, cet ineffable mystère. Lorsque l'empereur est présent, assis sur son trône, tout ce que l'on veut de lui on peut l'obtenir; une fois qu'il s'est levé, toutes les paroles sont inutiles ; de même ici, au moment où s'accomplissent les mystères, c'est pour tous un honneur insigne d'obtenir un souvenir. Voyez, en effet, méditez; on annonce le mystère terrible, Dieu q ni s'est livré lui-même pour le monde; au moment où s'accomplit ce miracle, c'est avec un grand sentiment de l'àpropos que le prêtre évoque le souvenir de ceux qui ont péché. Quand les rois sont conduits en triomphe, alors on célèbre aussi tous ceux qui ont pris leur part de la victoire; en même temps on relâche les prisonniers, parce que c'est un jour de fête; la fête une fois passée, celui qui n'a rien obtenu, n'en recueille aucun fruit : il en est de même ici, dans ce triomphe du Seigneur. Car, dit l'apôtre, « toutes les fois que vous mangez ce pain, vous annoncez la mort du Seigneur ». (
1Co 11,26) C'est pourquoi ne nous approchons pas à la légère, et ne disons pas que ces choses se font au hasard. D'ailleurs si nous rappelons le souvenir des martyrs, c'est parce que nous croyons que le Seigneur n'est pas mort; et c'est un témoignage que la mort est morte, de voir que le Seigneur a passé par la mort. Pénétrés de cette vérité, considérons quelle magnifique consolation nous pouvons apporter à ceux qui ne sont plus; au lieu de nos larmes, au lieu de nos lamentations, au lieu de nos monuments, donnons-leur nos aumônes, nos prières, nos pieuses offrandes, afin de leur obtenir, d'obtenir pour nous-mêmes, les biens qui nous ont été promis, par la grâce et par la bonté du Fils unique de Dieu, à qui appartient, comme au Père, comme au Saint-Esprit, la gloire, la puissance, l'honneur, et maintenant, et toujours, et dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.



HOMÉLIE 22 IL Y AVAIT A CÉSARÉE UN HOMME NOMMÉ CORNEILLE, QUI ÉTAIT CENTENIER (CHAP. X, 1, 2, 3, 4, JUSQU'AU VERS. 22.)

DANS UNE COHORTE DE LA LÉGION APPELÉE L'ITALIENNE ; IL ÉTAIT RELIGIEUX ET CRAIGNANT DIEU; AVEC TOUTE SA MAISON, IL FAISAIT BEAUCOUP D'AUMÔNES AU PEUPLE, ET IL PRIAIT DIEU INCESSAMMENT. UN JOUR, VERS LA NEUVIÈME HEURE, IL VIT CLAIREMENT DANS UNE VISION UN ANGE DE DIEU QUI SE PRÉSENTA DEVANT LUI ET LUI DIT : « CORNEILLE! » ALORS, REGARDANT L'ANGE, IL FUT SAISI DE FRAYEUR, ET LUI DIT : « SEIGNEUR, QU'Y A-T-IL ? » L'ANGE LUI RÉPONDIT : « VOS PRIÈRES ET VOS AUMÔNES SONT MONTÉES JUSQU'EN LA PRÉSENCE DE DIEU, ET IL S'EN EST SOUVENU ».
2200 Ac 10,1-22
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ANALYSE. 1-3. Histoire du centurion Corneille.
3 et 4. Développement original et brillant sur la charité comparée à une source d'eau vive.

2201 1. Ce n'est pas un Juif, il ne vit pas selon la loi; mais c'est un homme qui suit déjà nos institutions. Et voyez, deux croyants : l'eunuque de Gaza, et l'homme d'aujourd'hui ; tous deux, constitués en dignité, tous deux l'objet d'un soin spécial. Mais ne croyez pas que cette grâce leur vienne de leur dignité; non, éloignez de vous cette pensée ; elle leur est accordée à cause de leur piété. Leur dignité ne leur a été accordée que pour mieux faire briller leur piété. En effet, on admire plus un riche, un homme puissant, qui montre des vertus semblables. Certes, c'est une grande gloire pour l'eunuque que ce grand voyage entrepris par lui,que ces lectures non interrompues dans de pareilles circonstances, au milieu du voyage; que ce soin de faire monter Philippe à côté de lui dans son char, et tant d'autres détails. C'est une belle gloire aussi pour le centenier, que ses aumônes, ses prières, au milieu du commandement qu'il exerce. Voilà pourquoi l'Ecriture fait mention de sa charge, et c'est avec raison, pour éviter le reproche de mensonge. «Dans une cohorte », dit l'Ecriture, « de la légion appelée italienne ». Le mot « cohorte » correspond à ce que nous appelons aujourd'hui « nombre ». — « Il était religieux et « craignant Dieu, avec toute sa maison ». Ceci est dit afin que vous n'alliez pas attribuer à sa dignité la faveur qu'il a reçue. Quand il fallut attirer Paul à la foi, ce: ne fut pas un ange, ce fut le Seigneur lui-même qui lui apparut. Et le Seigneur ne l'envoie pas au premier venu parmi les douze, mais à Ananie. Ici, an contraire. Dieu envoie.un ange, comme il envoie Philippe à l'eunuque, s'accommodant à l'infirmité de ses serviteurs, et enseignant par là comment nous devons nous conduire dans les mêmes circonstances. Car le Christ se montre souvent lui-même à ceux qui souffrent et qui ne trouvent pas en eux les moyens de s'approcher de lui. Maintenant, voyez encore ici un éloge de l'aumône, comme nous en avons. vu un à propos de Thabite. « Il était religieux et craignant Dieu, avec toute sa maison». Ecoutons, tous tant que nous sommes, nous qui ne prenons pas de soin de nos domestiques. Celui-ci prenait soin de ses soldats et faisait l'aumône à tout le peuple. C'est ainsi qu'il était irréprochable dans ses croyances, dans sa conduite. « Un jour, vers la neuvième heure, il vit clairement, dans une vision, un ange de Dieu, qui se présenta devant lui, et lui dit : Corneille ! » Pourquoi voit-il un ange? C'est afin que Pierre soit pleinement convaincu; ou plutôt, ce n'est pas pour (102) prévenir l'hésitation de Pierre, mais celle des autres moins fermes que lui. Maintenant, « vers la neuvième heure », c'est-à-dire, quand il était libre de soins, en repos, en prières, dans la contrition du coeur. « Alors, regardant l'ange, il fut saisi de frayeur ». Remarquez: l'ange ne lui dit pas tout de suite ce qu'il doit lui annoncer; il le rassure d'abord et relève son esprit. Si la vision lui inspira de la crainte, ce fut toutefois une crainte modérée, qui ne faisait qu'appeler son attention. Les paroles de l'ange le rassurèrent, ou plutôt l'éloge qu'elles renfermaient, adoucirent sa crainte. Quelles furent ces paroles? Ecoutez : « Vos prières et vos aumônes sont montées jusqu'en la présence de Dieu, et il s'en est souvenu. Envoyez donc présentement des personnes à Joppé, et faites venir un certain Simon, surnommé Pierre (5) ». Pour prévenir toute erreur des envoyés, il ne se contente pas de dire le surnom, il marque aussi le lieu où l'on trouvera celui que l'on cherche. « Qui est logé chez un corroyeur, nommé Simon, dont la maison est près de la mer (6) ».

Voyez-vous comme les apôtres, dans leur amour de la solitude, de la tranquillité, recherchaient les parties des villes qui se trouvaient à l'écart? Que serait-il arrivé, s'il s'était rencontré un autre Simon, corroyeur aussi lui-même ? Mais l'ange donne encore une autre indication : l'habitation près de la mer. Ces trois circonstances ne pouvaient pas se rencontrer. L'ange ne lui dit pas pourquoi il devait agir ainsi, ce qui aurait pu ralentir son ardeur; il le laissa, excité du désir de savoir ce qui allait arriver. « Dès que l'ange, qui lui parlait, se fut retiré, Corneille appela deux de ses domestiques, et un soldat craignant Dieu, du nombre de ceux qu'il commandait, et, leur ayant dit tout ce qui lui « était arrivé, il les envoya à Joppé (7, 8) ». Vous comprenez? L'Ecriture n'ajoute pas ce détail sans motif ; c'est pour montrer que ceux qui lui obéissaient craignaient Dieu comme lui. « Et leur ayant dit tout ce qui lui était arrivé», dit le texte. Voyez la modestie de cet homme ! il ne dit pas: faites venir auprès de moi Pierre ; ce n'est que pour persuader l'apôtre qu'il raconte ainsi tout; il montre, en cela, de la prévoyance. Il ne croit pas devoir prendre un ton d'autorité, pour appeler Pierre; voilà pourquoi il raconte tout ce qui lui est arrivé; il fait preuve ainsi d'une rare modestie, quoiqu'il ne dût pas avoir grande idée d'un homme logé chez un corroyeur. « Le lendemain, lorsqu'ils étaient en chemin, et qu'ils approchaient de la ville, Pierre monta sur le haut de la maison où il était vers la sixième heure, pour prier (9) ». Voyez comme l'Esprit ménage les temps, n'allant ni trop vite, ni trop lentement ! « Pierre monta », dit le texte, « sur le haut de la maison, vers la sixième heure, pour prier », c'est-à-dire, se mit à l'écart, dans un lieu tranquille, comme le sont les chambres hautes. « Et ayant faim, il voulut manger; mais, pendant qu'on lui apprêtait de la nourriture, il lui survint un ravissement d'esprit, et- il vit le ciel ouvert (10) ». Qu'est-ce qu'un ravissement d'esprit? Son esprit entra en contemplation; son âme, pour ainsi dire, sortit de son corps. « Et il vit le ciel ouvert, et comme une grande nappe, liée par les quatre coins, qui descendait du ciel en terre, où il y avait de toutes sortes d'animaux terrestres, quadrupèdes, reptiles et oiseaux du ciel; et il entendit une voix, qui lui dit : Levez-vous, Pierre, tuez et mangez. Mais Pierre répondit : Je n'ai garde, Seigneur, car je n'ai jamais rien mangé de tout ce qui est impur et souillé. Et la voix, lui parlant encore, une seconde fois, lui dit : N'appelez pas impur ce que Dieu a purifié. Cela s'étant fait jusqu'à trois fois, la nappe fut retirée dans le ciel (11, 12, 13, 14, 15, 16) ».

2202 2. Que signifie cette vision ? C'est un symbole pour l'univers tout entier. Il s'agissait d'un incirconcis, n'ayant rien de commun avec les Juifs. Tous devaient bientôt accuser Pierre de transgresser la loi, qui leur était fort à coeur. Il était nécessaire que Pierre pût dire « Je n'ai jamais mangé ». Ce n'est pas que Pierre eût peur ; loin de nous cette pensée ! mais l'Esprit-Saint, comme je l'ai déjà dit, lui ménageait une réponse à ses accusateurs, à qui il pourrait dire qu'il avait fait résistance. C'étaient des gens qui tenaient fort à ce que la loi fût observée. Il était envoyé aux gentils. Donc il fallait que les Juifs ne pussent pas l'accuser, et toutes choses, comme je me suis empressé de le dire, furent disposées d'en-haut à cet effet. Il ne fallait pas non plus que cette visionne parût qu'une image fantastique. Pierre dit: « Je n'ai garde, Seigneur, car je n'ai jamais rien mangé de tout ce qui est impur et (103) souillé ». Et la voix lui dit : « N'appelez pas impur ce que Dieu a purifié ». Ces paroles, qui ne semblent s'adresser qu'à Pierre, sont dites uniquement pour les Juifs, car le reproche qui s'adresse au Maître, tombe à bien plus forte raison sur ceux-ci. La nappe c'est la terre, et les animaux qui sont dedans, représentent les gentils. Quant à ces paroles : « Tuez et mangez », elles signifient qu'il faut s'approcher des gentils; et ce fait, qui se reproduit jusqu'à trois fois, c'est l'emblème du baptême. « Je n'ai garde, Seigneur, car je n'ai jamais rien mangé de tout ce qui est impur et souillé ». Mais pourquoi, direz-vous, ce refus? C'est pour qu'il ne fût pas dit que Dieu l'avait tenté, comme il tenta Abraham, en lui donnant l'ordre d'offrir son fils en sacrifice ; comme le Christ tenta Philippe, en lui demandant : Combien de pains avez-vous? Cette question n'était pas pour obtenir un renseignement, mais pour le tenter. Maintenant, dans la loi sur les choses pures et impures, les prescriptions de Moïse étaient précises, aussi bien en ce qui concerne les animaux terrestres qu'en ce qui concerne ceux de la mer. Et cependant Pierre ne savait à quoi se résoudre. « Lorsque Pierre était en peine en lui-même de ce que pouvait signifier la vision qu'il avait eue, les hommes envoyés par Corneille, s'étant enquis de la maison de Simon, se présentèrent à la porte. Ils appelèrent, et demandèrent, si ce n'était pas là que Simon, surnommé Pierre, était logé (17, 18) ».

Ainsi Pierre s'étonne en lui-même, il hésite, et ces hommes arrivent à temps pour le tirer de son hésitation. C'est ainsi que le Seigneur permit que Joseph eût un moment d'hésitation, et alors il lui envoya l'archange. (
Mt 2,13) C’est un bonheur pour l'âme de se voir délivrée de l'hésitation qui a commencé par la troubler. Pour l'hésitation de Pierre, elle n'était pas de longue date, il ne la ressentit qu'au moment du repas. « Cependant Pierre, pensant à la vision qu'il avait eue, l'Esprit lui dit: Voilà trois hommes qui vous demandent; levez-vous donc, descendez, et ne faites point difficulté d'aller avec eux, car c'est moi qui les ai envoyés (19, 20) ». Il faut voir, encore ici, une défense ménagée à Pierre auprès des disciples. C'est pour que ceux-ci sachent bien que Pierre a hésité, et qu'il a appris gaie son hésitation devait cesser : « Car c'est moi qui les ai envoyés ». Admirez la puissance de l'Esprit ! Ce que Dieu fait, on l'attribue à l'Esprit. L'ange ne s'était pas exprimé ainsi. Ce n'est qu'après avoir dit : « Vos prières et vos aumônes », qu'il ajoute : « Envoyez » ; il montre d'abord qu'il vient d'en-haut; mais comme l'Esprit est le Seigneur lui-même il dit : « C'est moi qui les ai envoyés. Pierre, étant descendu pour aller trouver ces hommes, leur dit : Je suis celui que vous cherchez; quel sujet vous amène? Ils lui répondirent : Corneille, centenier, homme juste et craignant Dieu, selon le témoignage que lui rend toute la nation juive, a été averti par un saint ange, de vous « faire venir dans sa maison, et d'écouter vos « paroles (21, 22) ». Ils font entendre cet éloge afin de bien montrer que c'est un ange qui a apparu à Corneille. Pierre les ayant donc fait entrer les logea (23) ». Voyez-vous par quoi commence l’oeuvre des gentils? Par un homme pieux que ses oeuvres ont rendu digne d'une telle faveur. Si, même dans ces circonstances, les Juifs sont scandalisés, supposez un homme ne méritant rien, que n'auraient-ils pas dit? « Pierre les ayant fait entrer », dit le texte, « les logea ». Voyez quelle sécurité ! il ne veut pas qu'il leur arrive rien; il les fait entrer, et il les reçoit avec une pleine confiance auprès de lui. « Le jour d'après, Pierre partit avec eux, et quelques-uns des frères de la ville de Joppé l'accompagnèrent; le jour d'après. ils arrivèrent à Césarée (24) ». Corneille était un personnage important, d'une ville importante ; en ce qui le concerne, tout est disposé avec sagesse; l'histoire commence par la Judée ; Corneille n'est pas endormi, mais il veille; et c'est pendant le jour que l'ange lui apparaît, environ à la neuvième heure ; c'était un homme d'une conduite exacte et régulière. Mais voyons, reprenons ce que nous avons déjà dit : « Et l'ange lui dit : « Vos prières et vos aumônes sont montées jusqu'en la présence de Dieu, et il s'en est souvenu ». D'où il est évident que l'ange l'appela, et que c'est là ce qui fait que Corneille a vu l'ange. Si l'ange ne l'avait pas appelé, il ne l'aurait pas vu, tant ce Corneille était appliqué à tout ce qu'il faisait! « Et faites venir Simon, surnommé Pierre ». En ce moment, l'ange lui montre qu'il doit le faire venir pour son utilité; mais pour quelle espèce d'utilité? L'ange n'en dit rien. Eh bien, de même, (104) Pierre ne dit pas tout. Vous ne voyez de toutes parts que des récits écourtés, pour piquer la curiosité. C'est ainsi qu'on appelle Philippe, seulement pour aller dans la solitude. « Pierre monta sur le haut de la maison, vers la sixième heure, pour prier, et il lui survint un ravissement d'esprit ». Il vit « comme une nappe » ; réfléchissez : la faim n'a pas été assez forte pour faire courir Pierre au linge déployé devant lui. Ce qui devait couper court à son hésitation, c'est la voix qu'il entendit : « Levez-vous, Pierre, tuez et mangez ». Peut-être était-il à genoux quand il vit la vision. Moi, je pense que c'est le prédication que signifie cette vision. Maintenant, qu'elle lui vint de Dieu, ce qui le prouve, c'est qu'elle descendait sur lui d'en-haut, et de plus, qu'il était dans un ravissement d'esprit. Ajoutez à cela qu'une voix se fit entendre d'en-haut; que le fait eut lieu trois fois; que le ciel s'ouvrit; que cela venait du ciel et y fut retiré; grande preuve que c'était là une opération tout à fait divine !

2203 3. Et maintenant, pourquoi la chose se passe-t-elle ainsi ? Par égard pour ceux à qui Pierre devait la raconter; parce que lui-même avait entendu ces paroles : « N'allez point vers les gentils ». (Mt 10,5) Et ne soyez pas dans l'étonnement : si Paul fut forcé d'avoir recours à la circoncision et d'offrir des victimes, à bien plus forte raison ces ménagements furent utiles au début de la prédication pour ceux qui étaient encore. peu affermis. « Et voici », dit le texte, « que les hommes envoyés par Corneille se présentèrent à la porte ; ils appelèrent et demandèrent si ce n'était pas là que Simon, surnommé Pierre, était logé ». La maison était misérable ; voilà pourquoi ils demandent en bas des renseignements; ils ne vont pas interroger les voisins. « Cependant Pierre, pensant à la vision qu'il avait eue, l'Esprit lui dit: Levez-vous, descendez et ne faites point difficulté d'aller avec eux, car c'est moi qui les ai envoyés ». Remarquez, l'Esprit ne dit pas Car voilà pourquoi une vision vous est apparue; mais : « C'est moi qui les ai envoyés », montrant ainsi qu'il faut obéir, qu'il n'y a pas de compte à demander. Il devait suffire à Pierre, pour être persuadé, d'entendre l'Esprit. Faites cela, dites cela, n'en cherchez pas plus long. « Pierre étant descendu, leur dit : « Je suis celui que vous cherchez ». Pourquoi ne les reçoit-il pas aussitôt ? Pourquoi la question qu'il leur adresse? Il voit des soldats; il ne se contente pas de les interroger; il commence par se faire connaître, et il leur demande ensuite ce qui les amène, afin que sa question ne fasse pas croire qu'il veut se cacher. Et la question qu'il leur adresse est de telle sorte, que, si on le pressait, il partait tout de suite avec eux; sinon, il les logeait chez lui. Maintenant, pourquoi ceux-ci lui disent-ils : « Il vous prie de venir dans sa maison?» C'est parce que cet ordre leur avait été donné. Peut-être aussi est-ce une excuse au nom de Corneille, comme s'ils disaient : Ne le condamnez pas; ce n'est pas parce qu'il vous méprise qu'il nous a envoyés vers vous; il obéit à un ordre qu'il a reçu. « Et Corneille les attendait avec ses parents et ses plus intimes amis, qu'il avait assemblés chez lui ». Et c'est avec raison : il n'eût pas été convenable de ne pas réunir ses parents et ses amis; d'ailleurs ceux-ci, en se réunissant, devaient mieux entendre la parole de Pierre.

Avez-vous bien compris la puissance de l'aumône, et dans notre entretien précédent, et dans celui-ci ? Vous avez vu l'aumône délivrer de la mort qui n'a qu'un temps, elle délivre aujourd'hui de la mort éternelle.. Aujourd'hui l'aumône ouvre, de plus, les portes du ciel. Voyez quel bien précieux fut la foi pour Corneille ! elle lui valut la visite d'un ange, l'opération de l'Esprit en lui, le voyage du prince des apôtres se rendant auprès de lui, et une vision, qui ne laisse rien à désirer. Combien n'y avait-il pas à cette époque de centurions, de tribuns, de souverains? Et aucun d'eux n'a reçu pareille faveur. Ecoutez, vous tous, qui remplissez les armées, qui formez les cortèges des rois. « Il était religieux », dit le texte, « et craignant Dieu », et, ce qui vaut mieux encore, « avec toute sa maison ». Il était donc si attentif à la piété que, non-seulement il savait se conduire, mais il conduisait de même tous les gens de sa maison. Ce n'est pas là notre habitude à nous, qui ne négligeons rien pour nous faire craindre de nos serviteurs; mais qui, de leur piété, nous soucions fort peu. Il n'en était pas de même de Corneille; c'était avec sa maison tout entière qu'il craignait Dieu. Et il n'était pas seulement le père commun de tous ceux qui vivaient avec lui, mais le père de ses soldats. Ecoutez ce que l'on dit encore; ce n'est pas (105) sans dessein que le texte ajoute : « Tout le peuple rendait de lui témoignage ». C'était pour prévenir le reproche d'incirconcision. Les Juifs mêmes, dit le texte, lui rendent témoignage; donc il n'est rien d'égal à l'aumône; disons mieux : si grande est l'efficacité de l'aumône, lorsque les mains qui la dispensent sont pures, que, si les trésors injustement amassés ressemblent à des sources d'où jaillirait de la boue, les dons qu'épanche l'aumône ressemblent aux eaux limpides et pures, aux ruisseaux du paradis, pleins de charmes pour la vue, de charmes pour le toucher, répandant au milieu du jour une douce fraîcheur ; telle est l'aumône. Sur les rives de cette source ne s'élèvent pas des peupliers, des pins, des cyprès, mais des plantes bien supérieures et beaucoup plus élevées.: l'amour de Dieu, la considération auprès des hommes, la gloire rejaillissant jusqu'à Dieu, l'amour de tous, la rémission des péchés, la plénitude de la confiance, le mépris des richesses; l'aumône qui alimente l'arbre de la charité. Rien, en effet, n'entretient la charité autant que la miséricorde. C'est par elle que l'arbre élève ses rameaux dans les airs. Cette source vaut mieux que le fleuve du paradis; elle n'est pas divisée en quatre branches, elle touche le ciel même. C'est d'elle que sort le fleuve, rejaillissant dans la vie éternelle. (Jn 4,14) La mort y tombe comme l'étincelle dans l'eau, où elle s'éteint, tant il est vrai que partout où elle jaillit, elle opère des biens ineffables ! elle éteint le fleuve de feu comme l'eau fait d'une étincelle; elle étouffe lever sinistre et le réduit à rien. Qui possède cette source ne grince pas des dents ; cette eau tombant sur les fers, les brise ; tombant sur les fournaises, les éteint toutes à l'instant.

2204 4. Et comme le fleuve du paradis, on ne la voit pas tantôt verser des ruisseaux, tantôt se dessécher (s'il en était ainsi ce ne serait plus une source). C'est une source toujours jaillissante. Notre source épanche toujours des eaux plus abondantes, avant tout sur ceux qui ont le plus besoin de miséricorde; et, en même temps, la source est inépuisable. Et qui la reçoit se réjouit. Voilà l'aumône. Ce n'est pas seulement un courant rapide, mais un courant non interrompu. Veux-tu faire pleuvoir sur toi, des divines fontaines, la miséricorde de Dieu ? commence par avoir ta source à toi; rien ne vaut ce trésor. Si tu ouvres les issues de cette source, l'écoulement sera tel que tous les abîmes en seront comblés. Dieu n'attend de nous que l'occasion d'épancher sur nous tous les trésors qu'il tient en réserve. Dépenser, prodiguer, voilà, pour lui, la richesse, voilà l'abondance. Elle est grande l'ouverture de cette source ; pur et limpide en est le courant. L'ouverture, ne la bouchez pas, n'obstruez pas le courant, qu'aucun arbre stérile ne se dresse auprès pour en absorber les eaux. Avez-vous des richesses? ne plantez pas là des saules; tels sont les plaisirs, attirant tout à soi, n'ayant rien à montrer, ne portant pas de fruits; ne plantez pas de pins, ni rien de semblable, rien, de ce qui dépense et ne produit point. Tel est le plaisir de la toilette : c'est beau à voir, mais inutile; remplissez les abords avec de la vigne ; tous les arbres fruitiers que vous voudrez, plantez-les, dans les mains des pauvres. Rien n'est plus gras que cette terre-là. La capacité de la main est peu de chose, et pourtant, l'arbre planté là, s'élève jusqu'au ciel, et tient bon. Voilà ce qui s'appelle vraiment planter; car, si ce qu'on plante en terre ne meurt pas tout de suite, c'est pour périr dans cent ans. A quoi bon planter des arbres dont tu ne peux jouir? Avant que tu en jouisses, la mort arrive, et t'enlève; l'arbre dont je te parle, à ta mort, te donne son fruit. Si tu plantes, ne plante pas dans le ventre inutile de la gloutonnerie, le fruit s'en irait où chacun sait; mais plante dans les entrailles fertiles de l'affliction, dont le fruit bondit jusqu'au ciel. Fais goûter le repos à l'indigent déchiré dans les sentiers étroits, si tu ne veux pas voir l'affliction rétrécir ton large chemin. Ne remarques-tu pas que les arbres, arrosés sans mesure, ont les racines pourries; au contraire, ceux qu'on arrose modérément, s'accroissent et grandissent. Eh bien ! n'inonde pas ton ventre d'un excès de boisson, ne fais pas pourrir la racine de L'arbre. Donne à boire à celui qui a soif, afin que l'arbre porte son fruit. Le soleil préserve de pourriture les arbres arrosés modérément; mais ceux qu'on arrose sans fin, il les pourrit, voilà ce que fait le soleil. Partout l'excès est funeste, fuyons-le donc, pour obtenir ce que nous désirons. C'est, dit-on, sur les hauteurs que jaillissent les sources; tenons donc nos âmes dans les hauteurs, et bientôt l'aumône en découlera; car il est impossible, sans la miséricorde, qu'une âme soit (106) haute, et il est impossible qu'une âme miséricordieuse ne soit pas une âme élevée. Qui méprise les richesses, voit donc, au-dessous de lui, la racine de tous les maux. Les sources, le plus souvent, sont dans les lieux déserts ; sachons donc aussi retirer notre âme loin des choses tumultueuses, et l'aumône jaillira auprès de nous. Plus les sources sont purifiées, plus elles sont abondantes; nous aussi, plus nous nous purifierons à notre source, plus nous verrons tous les biens jaillir autour de nous. Celui qui possède une source, est rassuré; si nous avons, nous aussi, la source de l'aumône, nous serons rassurés, car cette fontaine nous est utile pour nos breuvages, pour nos irrigations, pour nos édifices, pour tous nos besoins Rien n'est meilleur que ce breuvage; cette fontaine ne verse pas l'ivresse ; cette fontaine, il vaut mieux la posséder que de verser des flots d'or; plus riche que toutes les mines d'or est l'âme qui renferme l'or dont je parle. Car cet or-là ne nous accompagne pas dans les palais de la terre, mais il nous suit dans le palais céleste. Cet or est l'ornement de l'Eglise de Dieu ; de cet or se fait le glaive de l'esprit, le glaive qui sert à déchirer le dragon ; de cette fontaine sortent des perles précieuses, qui ornent la tête du roi. C'est pourquoi ne négligeons pas de telles richesses, mais faisons l'aumône largement, afin de mériter la bonté de Dieu, par la grâce et par la miséricorde de son Fils unique, à qui appartient toute gloire, l'honneur et l'empire, ainsi qu'au Saint-Esprit, dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il.




Chrysostome sur Actes 2004