Chrysostome sur Mt 83

HOMÉLIE LXXXIII

Mt 26,36-51

«APRÈS CELA JÉSUS S’EN VINT EN UN LIEU APPELÉ GETHSEMANI, ET DIT A SES DISCIPLES: ASSEYEZ-VOUS ICI PENDANT QUE J’IRAI LA POUR PRIER. PUIS PRENANT AVEC LUI PIERRE ET LES DEUX FILS DE ZÉBÉDÉE, IL COMMENÇA D’ÊTRE DANS LA TRISTESSE ET DANS L’ABATTEMENT; ET ALORS IL LEUR DIT: MON ÂME EST TRISTE JUSQU’À LA MORT, DEMEUREZ ICI ET VEILLEZ AVEC MOI ». (CHAP. 26,36, 37, 38, JUSQU’AU VERSET 51)

ANALYSE.

1. Jardin de Gethsémani, prière, agonie du Sauveur. - Sommeil des disciples.
2. Judas accomplit son crime.
3 et 4. Contre les avares - À quels excès de cruauté l’avarice porte les âmes qu’elle possède. - Que c’est inutilement que les riches cherchent de beaux ameublements. - Combien les maisons des pauvres sont préférables à celles des grands. - Que nous devons imiter Jésus-Christ dans l’amour qu’il a témoigné de la pauvreté.



1. Comme ces trois disciples étaient plus attachés à Jésus-Christ que tous les autres, il les prend avec lui, et il leur dit: «Asseyez-vous ici pendant que j’irai là pour prier ». C’était son habitude de se retirer à l’écart pour prier: il le faisait pour nous apprendre à chercher, par son exemple, le repos et la tranquillité, lorsque nous nous appliquons à la prière. Il choisit donc ces trois disciples pour être près de lui, et il leur dit: «Mon âme est triste (40) «jusqu’à la mort». Pourquoi ne mène-t-il pas aussi tous les autres? C’est parce qu’il craignait qu’ils ne tombassent dans l’abattement en le voyant dans une si grande tristesse. Il ne voulut en rendre témoins que ceux qui avaient vu sa gloire sur la montagne, et alors même il les laissa un peu loin de lui.

«Et s’en allant un peu plus loin, il se prosterna le visage contre terre, priant et disant: Mon Père, s’il est possible que ce calice passe «loin de moi; toutefois, non ma volonté, mais la vôtre (39). Ensuite étant venu vers ses disciples, et les ayant trouvés qui dormaient, il dit à Pierre: Quoi! vous n’avez pu veiller une heure avec moi (40)? Veillez et priez, afin que vous ne tombiez point dans la tentation: l’esprit est prompt, mais la chair est faible (44)». Ce n’est pas sans sujet qu’il s’adresse particulièrement à saint Pierre, quoique les autres fussent aussi endormis que lui. Il voulut le piquer ainsi par la raison que nous avons déjà rapportée, et lui reprocher sa tiédeur après tant de protestations qu’il avait faites de mourir pour lui. Mais comme tous les autres disciples avaient dit aussi bien que saint Pierre qu’ils mourraient plutôt que de le renoncer: «Tous ses disciples», dit l’Evangile, «dirent la même chose»; après avoir fait ce reproche en particulier à saint Pierre, il leur parle à tous pour leur représenter leur faiblesse, à eux qui, après avoir promis de mourir même avec lui, ne peuvent pas veiller durant une heure pour prendre part à la profonde tristesse de leur maître. Ils se laissent abattre de sommeil pendant que Jésus-Christ était dans une agonie qui faisait sortir une sueur de sang de tout son corps.

Le Fils de Dieu, mes frères, permit cette sueur si extraordinaire, afin qu’on reconnût visiblement que cette tristesse n’était point une fiction, et que les hérétiques ne pussent dire qu’il n’était triste qu’en apparence. Ce fut pour la même raison qu’un ange lui apparut pour le fortifier, et qu’il donna d’autres preuves si convaincantes de la crainte dont il était saisi, qu’il n’y a point de personne raisonnable qui les puisse faire passer pour un jeu et pour une feinte. Sa prière s’explique encore par les mêmes principes. Cette parole: «Que ce calice, s’il se peut, s’éloigne de moi», montre l’humanité; mais celle-ci: « Néanmoins, non ma volonté, mais la vôtre», fait voir la résignation d’une âme forte et vertueuse et nous apprend à obéir à Dieu en dépit des répugnances de la nature.

Comme il n’eût pas suffi pour instruire des esprits peu intelligents, de leur montrer seulement un visage empreint de tristesse, Jésus-Christ y joint des paroles. D’un autre côté, comme une démonstration en paroles eût été insuffisante aussi, si elle n’eût été appuyée d’une démonstration par les faits, Jésus-Christ unit les faits aux paroles afin de convaincre les plus opiniâtres qu’il s’est fait homme et qu’il est mort réellement. Si, malgré tant de preuves convaincantes, l’incrédulité de quelques-uns subsiste encore sur ce point, quelle n’est pas été cette incrédulité en l’absence de ces preuves ! Ainsi remarquez, mes frères, en combien de manières Jésus-Christ prouve, et par ses paroles et par ses actions, la vérité de la chair et de l’humanité qu’il a prise.

«Il vient donc à Pierre», et lui dit: «Quoi! vous n’avez pu veiller une heure avec moi»? Ils dormaient tous, et il ne reprend que Pierre, pour lui reprocher sans doute cette présomption avec laquelle il venait de protester qu’il mourrait plutôt que de le renoncer jamais. Ce mot «avec moi» n’est pas mis non plus au hasard et il a bien aussi sa portée. C’est comme si le Sauveur disait: Vous n’avez pu veiller une heure avec moi, et vous pourriez mourir pour moi? On trouve encore la même intention et la même allusion dans ce qui suit: «Veillez et priez afin que vous ne tombiez point dans «la tentation ». Il s’efforce par cet avis de les délivrer de la vanité, et de leur ôter cette enflure d’une vaine présomption pour leur inspirer l’humilité et la contrition du coeur, en leur apprenant qu’ils doivent rendre grâces à Dieu de tout, et lui attribuer le bien qu’ils font.

Cet avertissement, tantôt il l’adresse à saint Pierre, tantôt aux autres en général. Il dit à saint Pierre: «Simon, Simon, Satan a demandé à vous cribler tous comme on crible le froment, mais j’ai prié pour vous». Et il dit en général aux autres: «Priez afin que vous «n’entriez point dans la tentation». Ainsi il a soin partout de réprimer leur orgueil, et de les tenir dans la crainte. Mais afin qu’il ne parût pas trop sévère, il adoucit ce qu’il avait dit par cette parole qu’il ajoute: « L’esprit est prompt, mais la chair est faible». Car, encore une vous désiriez mépriser la mort, la (41) chair néanmoins en a tant d’horreur, que vous ne le pourrez faire, si Dieu ne vous assiste de son Saint-Esprit. La même pensée se retrouve encore exprimée plus loin.

«Il s’en alla donc prier encore une seconde fois en disant: «Mon Père, si ce calice ne peut passer sans que je le boive, que votre volonté soit faite(42)». Il fait voir, dans cette prière, combien il était attaché à la volonté de Dieu, et combien nous devions travailler à nous y rendre conformes. «Il retourna ensuite vers eux, et il les trouva dormant (43)». Car, outre qu’ils étaient en pleine nuit, «leurs yeux étaient encore appesantis par la tristesse».

« Et les quittant, il s’en alla encore prier pour la troisième fois, usant des mêmes paroles (44)». Il prie par deux ou trois fois pour prouver qu’il était homme par cette triple prière; car dans l’usage de 1’Ecriture, ces sortes de répétitions sont une marque de vérité. C’est ainsi que Joseph dit à Pharaon: « Pour cet autre second songe qui vous est apparu, ce n’est que pour vous confirmer la vérité du premier ». (Gn 41,32) Dieu n’a permis cela qu’afin qu’il ne vous restât plus aucun doute. C’est pour cette raison que Jésus-Christ fait ici deux et trois fois la même prière, afin qu’on ne pût douter de la vérité de sa chair.

Mais pourquoi retourne-t-il encore la seconde fois à ses disciples? Pour les reprendre de ce qu’ils étaient tellement plongés dans la tristesse qu’ils ne s’apercevaient même plus de sa présence. Il ne leur fait plus néanmoins de reproche, mais il se retire un peu; montrant quelle était leur faiblesse, puisque même après la réprimande qu’il leur avait faite, ils n’en étaient pas plus vigilants. Et il est à remarquer qu’à la troisième fois il ne les réveille point, et qu’il ne les reprend plus, de peur de les troubler encore davantage: il se retire sans leur parler, et va prier encore, puis retournant à eux, il leur dit: «Dormez maintenant et reposez-vous (45)». Quoiqu’ils eussent alors plus besoin de veiller que jamais, il leur commande néanmoins de dormir pour leur témoigner qu’ils n’avaient pas même la force d’envisager les maux, et qu’ils fuyaient aussitôt qu’ils en sentaient les approches. Il leur marque encore, en leur ordonnant de dormir alors, qu’il n’avait aucun besoin de leurs secours, pour se délivrer des Juifs, et que de toute nécessité il devait être livré.

«Dormez maintenant et reposez-vous. Voici l’heure qui est proche, et le Fils de l’homme va être livré entre les mains des pécheurs». Il montre encore par ces paroles qu’il ne lui arrivait rien dans cette rencontre que par une conduite admirable de sa sagesse. Car en disant « qu’il sera livré entre les mains des pécheurs», il montre que sa mort n’était que l’effet de leurs crimes; et qu’ainsi c’était son Père même qui l’abandonnait à la fureur des méchants, quoiqu’il fût l’innocence même.

2. « Levez-vous, allons: Celui qui me doit trahir est bien près d’ici (46) ». Toutes ses paroles ne tendent qu’à faire comprendre à ses disciples que sa passion, sa croix et sa mort ne seraient point un effet de sa faiblesse ou de quelque nécessité dont il ne se pouvait dispenser s’il l’eût voulu; mais seulement l’accomplissement d’un ordre établi de son Père par une providence admirable et auquel il s’était volontairement soumis. Car sachant que celui qui le devait trahir était proche, non-seulement il ne fuit pas, mais il va même au devant de lui. «Il parlait encore, lorsque Judas, un des douze, arriva, et avec lui une grande troupe de gens armés d’épées et de bâtons, qui avaient été envoyés par les princes des prêtres, et par les sénateurs du peuple juif (47) ». Les honorables instruments pour des prêtres! vous l’entendez, ils viennent avec des épées et des bâtons. Et avec eux, dit l’évangéliste, se trouvait Judas, l’un des douze. Il l’appelle encore une fois l’un des douze, la honte ne peut l’empêcher de l’appeler ainsi.

« Or, celui qui le trahissait leur avait donné ce signal. Celui que je baiserai est celui que vous cherchez: Saisissez-vous-en (48) ». Considérez, mes frères, combien ce disciple devait avoir l’âme noire et corrompue pour agir de la sorte. De quels yeux put-il alors regarder son maître? ou de quelle bouche l’osa-t-il baiser? Disciples malheureux, quels sont vos desseins? quelles sont vos pensées? qu’osez-vous entreprendre? Et, quel signal donnez-vous pour livrer votre maître? «Or, celui qui le trahit leur avait donné ce signal: Celui que «je baiserai», dit- il, « est celui que vous cherchez: Saisissez-vous-en (48). Aussitôt, venant à Jésus, il lui dit: Je vous salue, mon maître, et il le baisa (49)». Il se fiait en la douceur de Jésus-Christ, et il prenait pour marque de sa trahison un signal qui suffisait (42) lui seul pour le confondre et pour le rendre indigne de tout pardon, puisqu’il trahissait un maître qu’il savait lui-même être si bon et si doux. Mais pourquoi donnait-il ce signal aux Juifs? Parce qu’il avait souvent vu que Jésus- Christ était passé sans être reconnu au milieu de ceux qui venaient pour le prendre. Ce qui néanmoins serait encore arrivé cette fois, s’il n’eut voulu se laisser prendre. C’est pour faire comprendre ceci à Judas, qu’il frappa d’aveuglement tous ces hommes. «Qui cherchez-vous»? leur demanda-t-il; ils ne le connaissaient pas, et cependant ils avaient des lanternes et des flambeaux, et Judas avec eux. Lorsqu’ils eurent répondu «Jésus », il leur dit: «Je suis celui que vous cherchez ». Mais il dit à Judas: «Mon ami, qu’êtes-vous venu faire ici (50)?» Après qu’il a fait voir quelle était sa force et sa puissance, il permet alors qu’on le prenne. Mais saint Luc marque que jusqu’au moment même où Judas commettait une action si noire, Jésus-Christ ne cessait point de l’avertir: «Judas », lui dit-il, « vous trahissez le Fils de l’homme par un baiser»? Et vous ne rougissez point de vous servir de ce signal pour accomplir votre perfidie? Cependant ce reproche si modéré ne peut retenir ce coeur de pierre. Il le baise, et Jésus-Christ de son côté souffre ce baiser parricide, pour s’abandonner lui-même entre les mains des pécheurs.

«En même temps ils s’avancèrent, ils mirent la main sur Jésus, et se saisirent de lui (50) ». Ils le prirent la nuit même où ils avaient mangé la Pâque, tant ils étaient bouillants d’impatience et de fureur. Toute cette rage néanmoins eût été inutile et sans aucun effet, si Jésus-Christ n’eût permis qu’elle agît sur sa personne: mais cette condescendance du Sauveur n’excuse point la perfidie de Judas. Elle l’augmente au contraire et la redouble, puisque ce traître, ayant tant de preuves de la bonté de son maître, ne laissait pas de le traiter avec une dureté si inhumaine.

Que cet exemple, mes frères, nous inspire de l’horreur pour l’avarice, puisqu’elle inspire cette fureur à Judas, et qu’elle rend cruelles et impitoyables toutes les âmes qu’elle possède. Si l’avare n’épargne pas sa propre vie, comment pourrait-il épargner celle des autres? On le voit tous les jours, cette passion est si furieuse, qu’elle va même au delà de cette rage que l’amour brutal inspire aux âmes dont il se rend maître. Rougissons, mes frères, lorsque nous voyons que tant de gens renoncent aux plaisirs infâmes plutôt par le mouvement de leur avarice, que par l’amour de Jésus-Christ, et par le désir d’être chastes.

Je ne cesserai jamais de parler contre ce vice. Car enfin dans quel dessein amassez-vous tant de richesses? Pourquoi voulez-vous ainsi appesantir votre fardeau? Pourquoi voulez-vous vous rétrécir vos liens, et vous resserrer vos chaînes? Pourquoi voulez-vous vous accabler de nouveaux soins? Croyez si vous voulez que l’or de toutes les mines du monde, et que tout l’argent qui est dans le sein de la terre est à vous. Regardez tout ce qu’il y a dans les trésors publics comme s’il vous appartenait; si tout cela était à vous, qu’en auriez-vous autre chose que l’inquiétude de le garder? Si vous craignez de telle sorte de toucher à ce que vous possédez déjà; si vous le conservez aussi religieusement que s’il appartenait à des étrangers, combien seriez-vous plus avare si vous étiez encore plus riche? Car plus un avare a de bien, plus il le ménage.

Mais je sais, me direz-vous, que je suis riche, et que tous ces biens sont à moi. Vous ne cherchez donc les richesses que pour satisfaire votre esprit, et non pour en user? Les hommes, me direz-vous, m’en honorent davantage, et j’en suis plus craint. Dites plutôt que vous en êtes plus en butte aux riches et aux pauvres, aux voleurs et aux calomniateurs. Voulez-vous véritablement qu’on vous craigne, et qu’on tremble devant vous? Retranchez d’abord tout ce qui peut donner prise aux hommes sur vous, et dont ceux qui s’efforcent de vous nuire peuvent se servir pour vous faire tort.

3. N’avez-vous jamais entendu ce proverbe: Que cent hommes ensemble ne peuvent dépouiller un seul homme nu? Sa pauvreté est comme un rempart qui le défend contre toutes leurs violences; et il n’y a point de roi, ni d’empereur qui le puisse vaincre. Tout le monde, au contraire, peut aisément nuire à l’avare, et non-seulement les hommes, mais les vers. Que dis-je, les vers? le temps seul lui enlève ses trésors, et les consume par la rouille. Après cela, où est le plaisir et le repos d’esprit qu’on trouve dans les richesses? Pour moi, je vous avoue que je n’y vois que des sujets d’affliction et de misère, des soins, des divisions, (43) des querelles, des piéges, des haines, des craintes, une avidité continuelle et insatiable, et un chagrin qui ne donne point de relâche. Un avare au milieu des richesses est, selon l’expression de l’Ecriture, comme un eunuque auprès d’une vierge, il brûle d’un feu qu’il ne peut éteindre. (Qo 20,2)

Qui pourrait dire tous les maux que ce vice entraîne, et qui sont comme sa suite inséparable? Combien l’avare est-il à charge à tout le monde? Combien ses domestiques le haïssent-ils? Combien ses voisins en ont-ils d’horreur? Combien les magistrats, combien les ministres, combien les riches et les pauvres, combien les fermiers et les laboureurs, combien sa femme même et ses enfants qu’il traite comme des esclaves, enfin combien tout le monde ensemble le déteste-t-il? Il se rend le jouet et la fable de tous les hommes. Il est le sujet de l’entretien et du divertissement de toutes les compagnies. On le raille et on le déchire partout.

Voilà l’état où se jette un avare; ou plutôt voilà un faible crayon et une ombre du véritable malheur dans lequel il se précipite, puisqu’il n’y a point de paroles qui le puissent égaler. Comparez avec cela les déplorables satisfactions qu’il retire de ses richesses. Je passe, dit-il, pour riche dans l’esprit du monde. Quel est ce misérable plaisir de passer pour riche, et de devenir en même temps l’objet de l’envie? Cette réputation n’est-elle pas un nom vain et une pure chimère qui n’a rien de, réel et de véritable?

Vous me direz peut-être qu’il suffit que l’avare se contente, et qu’il se satisfasse dans cette pensée. Et moi je vous demande s’il lui est avantageux de se réjouir de ce qui le devrait faire pleurer, puisque ses richesses ne servent qu’à le rendre lâche, efféminé, et inutile à toute chose. Il n’ose entreprendre un voyage, il craint la mort infiniment plus que tous les autres. Il aime plus l’argent que la vie; il ne se plait pas même à voir la lumière du soleil, ni la beauté de cet astre, parce qu’il ne devient pas plus riche en le regardant, et que ses rayons ne sont pas de l’or qu’il puisse serrer dans ses coffres.

Mais vous m’objecterez qu’on ne peut pas nier qu’il n’y en ait au moins plusieurs qui jouissent fort longtemps de leurs richesses, qui en usent avec plaisir, qui sont toujours dans les délices et dans les festins, et qui tâchent de satisfaire leur sensualité en toute chose. Ce sont certainement ceux qu’on doit regarder comme les plus misérables, et je les plains encore plus que ces avares qui se contentent de posséder leurs richesses sans en user. Ces derniers s’abstiennent au moins de tous les autres vices, et ils ne s’attachent qu’au seul amour de l’argent qui les dominent, au lieu que les autres, outre cet amour insatiable pour l’argent dont ils brûlent, sont encore les esclaves de beaucoup de vices qui sont autant de tyrans auxquels ils sont forcés d’obéir.

«Ils servent leur ventre », comme dit saint Paul, et ils s’en font un Dieu; ils se plongent dans les plaisirs, et ils s’abandonnent à toutes sortes d’excès. Ils donnent leur bien à des infâmes et à des prostituées. Le soin d’avoir une table magnifique est la plus grande de leurs affaires. Ils se font suivre partout d’une troupe de flatteurs. Ils s’abandonnent à toutes sortes de passions, dont le déréglement ruine la nature et remplit leur corps et leur âme d’une infinité de maladies. Ils ne se servent jamais des choses pour la seule nécessité, ils en passent toujours les bornes, et ils ne travaillent par ce luxe et par ces superfluités qu’à se perdre sans ressource, et pour ce monde et pour l’autre. Ils tombent par cette recherche si raffinée de leurs délices dont ils croient ne pouvoir se passer, dans la même erreur où tombent ces personnes qui font de grandes dépenses pour s’embellir, et qui croient que ces profusions sont nécessaires.

Mais celui-là seul, mes frères, est véritablement dans le plaisir et est véritablement riche, qui est le maître de ses richesses, et qui en sait user’ sagement. Les autres ne sont que les esclaves de leurs biens, et ils ne s’en servent que pour nourrir leurs passions, et pour multiplier leurs maux et leurs maladies. Où sera donc la paix et le repos dans cette âme toujours troublée, toujours tourmentée de ses passions? Si les richesses trouvent un homme peu sensé et peu solide, elles lui gâtent tout à fait l’esprit; et si elles le trouvent un peu déréglé, elles le rendent entièrement vicieux.

Vous me direz peut-être: A quoi sert la sagesse, lorsqu’on n’a rien? Que sert au pauvre d’être prudent puisqu’il est pauvre? Je ne m’étonne pas de cette demande. Je sais que ceux qui n’ont point d’yeux ne peuvent voir la beauté de la lumière. Salomon dit que «le Sage a autant d’avantage sur l’insensé que (44) la lumière en a sur les ténèbres ». (Si 2,43) Comment peut-on instruire quelqu’un qui est dans un si profond aveuglement? Car l’avarice est une sorte de nuit qui obscurcit toutes choses, ou plutôt qui les fait voir autrement qu’elles ne sont en elles-mêmes. Un homme qui serait dans des ténèbres épaisses, ne pourrait discerner la beauté d’un vase très-précieux, ou le prix des diamants ou des étoffes de pourpre qu’on lui montrerait. L’avare de même ne peut comprendre la beauté des choses spirituelles. Renoncez donc à cette passion, et vous commencerez alors à juger équitablement des choses, et selon ce qu’elles sont en elles-mêmes. C’est ce qu’on ne peut bien faire que lorsqu’on est pauvre. Ce qui paraît être quelque chose et n’est rien en effet, ne trahira son néant en aucun autre état aussi bien que dans celui d’une vertueuse pauvreté.

4. Mais quelle est cette frénésie qui fait que vous avez horreur des pauvres, et qui vous fait dire que leur pauvreté est la honte et de leur vie et de leur maison? Dites-nous donc, je vous prie, quelle est cette infamie que la pauvreté apporte avec elle, et en quoi la maison du pauvre est déshonorée. Ses lits à la vérité ne sont pas d’ivoire, ses vases ne sont pas d’argent ni d’une matière précieuse. Tout y est de terre ou de bois. Mais c’est en cela même que consiste la gloire de sa maison. Le mépris de tout cet ornement extérieur fait que l’âme s’applique tout entière à elle-même, et qu’elle met tous ses soins à devenir belle et précieuse aux yeux de Dieu. Lorsqu’un homme au contraire est tout occupé des choses de ce monde, il témoigne dès-là une bassesse dont tout homme sage devrait rougir.

C’est au contraire dans les maisons des riches qu’on ne voit rien de beau ni rien d’honnête aux yeux de la foi. Car, à quoi ressemblent ces tapisseries relevées d’or et de soie, ces lits d’argent et ces autres ornements si précieux, sinon à la magnificence et aux décorations des théâtres? Qu’y a-t-il donc de plus indigne d’un chrétien, que de rendre sa maison semblable à une salle de bal et de comédie? Ainsi, les maisons des riches ressemblent à des théâtres, et celles des pauvres sont semblables à celle de l’apôtre Paul ou du patriarche Abraham. Après cela, peut-on douter lesquelles de ces maisons nous doivent paraître plus belles et mieux parées?

Pour mieux comprendre ceci, je vous prie d’entrer en esprit, et par la pensée dans la maison de Zachée, et de considérer de quelle manière il l’orna lorsque Jésus-Christ y devait entrer. Il n’alla point emprunter de ses voisins leurs plus magnifiques meubles. Il ne s’empressa point de tirer de ses coffres de riches tapisseries. Il ne voulut point d’autres ornements pour recevoir Jésus-Christ, que ceux qui plaisent à Jésus-Christ: « Je donne», dit-il, «la moitié de mes biens aux pauvres; et je rends au quadruple tout ce que j’ai pris ». (Lc 19,7) Parons de cette manière nos maisons, mes frères, pour mériter d’y recevoir le Sauveur. Nous ne pouvons lui rien préparer qui lui plaise davantage. Ces ornements, dont je vous parle, ne se font que dans le ciel. C’est de là qu’ils descendent sur la terre; et partout où ils se trouvent, là se trouve aussi le Roi du ciel. Si vous pensez à quelque autre magnificence, et à ce luxe qui ne satisfait que les yeux, c’est le démon et ses anges que vous recevez dans votre coeur.

Lorsque le même Sauveur alla chez Matthieu, qui était encore publicain, que fit celui-ci pour se préparer à le recevoir, sinon de commencer à s’orner au dedans de lui-même par une charité ardente, qui le porta à quitter tout pour suivre le divin Maître? (Mt 9,10) Ainsi, Corneille le Centenier orna sa maison, non par les pierres précieuses, mais par les prières et par les aumônes: et ces ornements lui ont mérité un palais dans le ciel, où il habite éternellement. (Ac 10,4) Une maison n’est point méprisable parce qu’on y voit des vases pauvres, des meubles mal arrangés, des lits en désordre, des murailles nues et toutes noircies de fumée. Mais ce qui la déshonore véritablement, c’est le déréglement de ceux qui l’habitent. Jésus-Christ nous a assez persuadés de cette vérité, lorsqu’il n’a pas dédaigné d’entrer dans de pauvres cabanes, et dans des maisons de boue, quand ceux qui y demeuraient étaient riches en vertus; au lieu qu’il fuit les maisons des méchants et des impies, quand elles seraient toutes pleines d’or. Peut-on nier donc que le lieu où Dieu même habite ne soit préférable à tous les palais du monde? et que les maisons des méchants, quelque magnifiques qu’elles soient, sont au contraire devant Dieu comme des amas de boue et des lieux d’ordure et d’infection?

Je dis ceci, mes frères, non pas des riches qui usent bien de leurs richesses, mais de ces (45) riches avares qui volent et qui pillent tout le monde. On ne travaille jamais dans ces maisons à satisfaire simplement le nécessaire. On donne tout au luxe et aux plaisirs. Mais ceux d’entre les riches qui sont sages ne font point ces dépenses superflues. C’est pour ce sujet, mes frères, qu’il n’est point marqué que Jésus-Christ soit entré dans les palais des princes. Il a fui ces maisons superbes des rois de la terre, et il a été chercher des maisons de publicains, et des cabanes de pécheurs.

Si vous voulez donc attirer Jésus-Christ chez vous, travaillez à orner votre maison par l’aumône, par la prière, par les supplications, et par les veilles. Ce sont là les ornements qui plaisent au Roi que nous servons. Les autres ne plaisent qu’au démon qui est l’ennemi de Jésus-Christ. Ainsi, que les chrétiens ne rougissent plus de voir leurs murailles nues, puisque lorsque leurs maisons sont sans ces ornements extérieurs, ils les parent beaucoup mieux lar la sainteté de leur vie. Que les riches au contraire ne se glorifient point de leurs meubles somptueux, mais qu’ils en rougissent plutôt, et qu’ils préfèrent à leurs bâtiments magnifiques une petite cabane, puisque c’est là qu’ils mériteront de recevoir Jésus-Christ en cette vie, et d’être reçus de lui dans l’autre, par la grâce et par la miséricorde du même Jésus-Christ Notre-Seigneur, à qui est la gloire et t’empire dans tous les siècles des siècles. Ainsi soit-il. (46)


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HOMÉLIE LXXXIV

Mt 26,51-67

« ALORS UN DE CEUX QUI ÉTAIENT AVEC JÉSUS, METTANT LA MAIN A L’ÉPÉE, ET FRAPPANT UN DES GENS DU GRAND PRÊTRE, LUI COUPA L’OREILLE. JÉSUS LUI DIT: REMETTEZ VOTRE ÉPÉE EN SON LIEU; CAR TOUS CEUX QUI PRENDRONT L’ÉPÉE, PÉRIRONT PAR L’ÉPÉE ». (CHAP. 26,51, 52, JUSQU’AU VERSET 67)

ANALYSE

1. Ce que signifient ces deux glaives dont il est question dans le 26e chapitre de saint Matthieu et dans les autres évangélistes; comment ils se trouvaient là et pourquoi Jésus-Christ permet à ses disciples de les prendre.

2. Dans leur préoccupation à chercher le moyen de se défaire de Jésus-Christ en le mettant à mort, Caïphe et les autres prêtres juifs avaient oublié de manger la Pâque au temps présent.

3 et 4. Caïphe, dans un mouvement d’indignation feinte, déchire ses vêtements et obtient du conseil la condamnation de Jésus-Christ. - Combien il est avantageux à un chrétien de céder à celui qui lui fait violence, et de souffrir d’être vaincu.- Que la patience est la plus grande de toutes les victoires. - Exemple du patriarche Joseph.



1. Quel est, mes frères, ce disciple qui frappa un des gens du grand prêtre, et qui lui coupa l’oreille? Saint Jean le nomme, et nous dit que ce fut saint Pierre, car cette action était l’effet de son zèle et de sa chaleur ordinaire. On peut se demander ici pourquoi les disciples avaient des épées, puisqu’on ne peut douter qu’ils n’en eussent, tant par la circonstance de ce serviteur blessé, que par la réponse qu’ils firent à Jésus-Christ, lorsqu’étant interrogés s’ils avaient avec eux quelque épée, ils lui répondirent qu’ils en avaient deux. Mais pourquoi Jésus-Christ leur permettait-il d’en porter? Car saint Luc marque qu’il dit à ses disciples: «Quand je vous ai envoyés sans bourse, sans sac, sans souliers, avez -vous manqué de quelque chose »? Et lorsqu’ils lui eurent répondu que non, il leur dit: «Que celui maintenant qui a une bourse, ou un sac, les prenne; et que celui qui n’en a point, vende son manteau pour acheter une épée ». (Lc 22,36)

Ils répondirent à cela qu’ils en avaient deux, (46) à quoi le Fils de Dieu répliqua: «Cela suffit».

Pourquoi leur parlait-il alors d’épées, sinon pour leur faire mieux comprendre qu’il allait être bientôt livré? Ce n’était que pour les assurer que son heure était proche, qu’il leur commanda de prendre avec eux une épée, et non pour les exhorter à s’en servir. Pourquoi voulait-il aussi qu’ils eussent alors une bourse? C’était pour leur témoigner qu’ils devaient à l’avenir prendre soin d’eux-mêmes. Il les soutenait lui seul dans les commencements, parce qu’ils étaient faibles, mais il les traite maintenant comme de petits oiseaux que la mère fait sortir du nid, lorsqu’ils commencent à avoir des ailes, afin qu’ils s’en servent à l’avenir, et qu’ils cherchent eux-mêmes leur nourriture. Et pour leur faire voir plus clairement que ce n’était point par faiblesse ou par impuissance qu’il se déchargeait de ce soin pour les en charger eux-mêmes, il rappelle à leur mémoire tout ce qui s’était passé: «Quand je «vous ai envoyés», dit-il, «sans sac, sans «bourse et sans souliers, avez-vous manqué de «quelque chose»? Il veut qu’ils demeurent persuadés de son amour envers eux, et qu’ils reconnaissent, dans ce changement de sa conduite, sa tendresse et sa puissance; en ce que d’abord il les a soutenus comme il a fait en prévenant tous leurs besoins; et en ce que dans la suite, il les a peu à peu rendus capables de se soutenir eux-mêmes.

Mais comment ces épées se trouvaient-elles là? C’est parce qu’ils sortaient de la cène, où, à cause de la cérémonie de l’Agneau, ils devaient avoir des glaives. Et comme ils avaient ouï dire que l’on conspirait contre leur maître, ils les prirent avec eux comme pour s’en servit’ au besoin, et pour le défendre. C’était la seule raison pour laquelle ils étaient armés alors de ces épées. C’est pourquoi Jésus-Christ fit un sévère reproche à saint Pierre, lorsqu’il s’en servit en frappant un des gens du grand prêtre, quoiqu’il, n’eût point d’autre dessein en le frappant que de défendre son maître qu’il aimait avec ardeur.

Jésus-Christ ne put souffrir qu’on eût ainsi blessé ce serviteur du grand prêtre, il le guérit à l’heure même par un grand miracle, qui suffisait seul pour témoigner d’un côté quelle était la douceur et la puissance de ce divin Maître, et pour nous donner lieu de l’autre de connaître quel était l’amour et l’humilité de ce disciple. Car comme il n’avait tiré l’épée que par l’amour extrême qu’il avait pour le Sauveur, il la remit dans le fourreau par soumission dès que Jésus-Christ lui eut dit «Remettez votre épée en son lieu» (Lc 22,49). Saint Luc dit que les apôtres demandèrent à Jésus-Christ s’ils tireraient l’épée pour frapper, mais que Jésus-Christ les empêcha de le faire, et qu’il guérit celui qui était déjà blessé; faisant en même temps une réprimande sévère à saint Pierre, afin que les autres ne pensassent point à l’imiter: «Tous ceux», dit-il, «qui frapperont de l’épée, mourront par l’épée». Il donne ensuite la raison de cette défense qu’il leur fait:

«Pensez-vous que je ne puisse pas prier mon Père, et il m’enverrait aussitôt plus de douze légions d’anges (53)? Comment donc s’accompliront les Ecritures, où il est dit qu’il en doit être ainsi (54)»? Il arrête par ces paroles la passion de ces disciples, en leur faisant voir qu’il ne se faisait rien alors qui n’eût été prédit par les Ecritures. C’est pour la même raison qu’il avait auparavant prié par trois fois, afin que ses disciples reconnaissant si visiblement la volonté de Dieu dans ce qui lui arrivait, ils s’y soumissent avec moins de peine. Ainsi, il les console par une double considération, en leur faisant voir d’un côté les maux que souffriraient un jour ceux qui lui tendaient ce piége: «Tous ceux», dit-il, «qui prendront l’épée périront par l’épée»: et en leur montrant de l’autre, combien il acceptait volontairement ces souffrances si rudes auxquelles il s’offrait lui-même, puisque s’il ne les eût pas voulu souffrir, il n’avait qu’à s’adresser à son Père, pour rendre inutile toute la fureur de ses ennemis: «Pensez-vous que «je ne puisse pas prier mon Père, et il m’enverrait aussitôt plus de douze légions «d’Anges»?

Pourquoi ne dit-il pas plutôt: Croyez-vous que je ne puisse perdre moi-même tous mes ennemis? C’est parce que ses apôtres n’avaient pas encore une idée assez haute de sa puissance. Ils étaient bien plus disposés à croire que ce secours dont il parlait lui pourrait venir de son Père, surtout après ces paroles qu’ils venaient d’entendre: «Mon âme est triste jusqu’à la mort: Mon Père, que ce calice s’éloigne de moi»; en outre il avait été vu dans une agonie qui lui fit répandre une sueur de sang, et dans laquelle un ange le vint (47) soutenir. Comme donc en ce moment ce qu’il faisait, laissait plus voir en lui, l’homme que le Dieu, s’il eût dit à ses apôtres qu’il pouvait perdre ces troupes qui le venaient prendre, ceux-ci ne l’eussent pas pu croire.

C’est pourquoi il leur dit modestement: « Pensez-vous que je ne puisse pas prier mon Père, et il m’enverrait aussitôt plus de douze légions d’Anges»? (2R 19,35) Si un seul ange autrefois eut la force de tuer cent quatre-vingt-cinq mille hommes armés, était-il besoin de douze légions d’anges contre un millier d’hommes? Nullement; mais il parle ainsi pour s’accommoder à la frayeur de ses disciples et à leur faiblesse; car ils étaient à demi-morts de frayeur. Il s’appuie même sur l’autorité des Ecritures, en disant: «Comment donc s’accompliront les Ecritures, où il est «dit qu’il en doit être ainsi»? Il ne pouvait leur dire rien de plus puissant pour leur ôter la pensée de le défendre: Puisque cela, leur dit-il, est ordonné et marqué même dans l’Ecriture, pourquoi voulez-vous vous y opposer? Mais, pendant qu’il parle de la sorte à ses apôtres, voyons ce qu’il dit à ces troupes qui le prennent.

2. «Vous êtes venus à moi comme à un voleur avec des épées et des bâtons pour me prendre: j’étais tous les jours assis au milieu de vous, enseignant dans le Temple, et vous, ne m’avez point pris (55)». Voyez en combien de manières il tâche de les faire rentrer en eux-mêmes. Il les renverse tous par terre, il guérit la plaie de ce serviteur. Il les menace de les faire périr par l’épée, et accompagne cette menace d’un miracle, afin qu’ils en doutent moins. Ainsi, il leur fait voir par ce qu’il fait sur-le-champ, et par ce qu’il leur prédit de l’avenir, quelle est sa puissance, afin qu’ils n’attribuent point sa prise à leur propre force. C’est pourquoi il ajoute: «J’étais tous les jours au milieu de vous, enseignant dans le temple, et vous ne m’avez point pris»; pour leur faire remarquer dans ces paroles qu’ils ne l’avaient pris dans ce moment que parce que lui-même le leur avait permis.

Il ne leur parle que de ses prédications, et non point de ses miracles, de peur qu’ils ne crussent qu’il leur parlait de ces choses par vanité. Vous ne m’avez point pris, leur dit-i1, lorsque je vous enseignais, et vous venez m’attaquer lorsque je suis dans le silence, J’étais tous les jours dans le temple sans que personne m’arrêtât: et vous me venez chercher maintenant au milieu de la nuit, dans un lieu secret et solitaire. Qu’aviez-vous besoin d’armes pour prendre quelqu’un qui était tous les jours au milieu de vous? Il prouve par toutes ces paroles que s’il ne se fût offert volontairement à la mort, ses ennemis n’auraient jamais eu de pouvoir sur lui. Car si lorsqu’ils l’avaient entre leurs mains, et qu’ils le tenaient au milieu d’eux, ils ne pouvaient néanmoins le prendre; n’est-il pas visible qu’ils n’eussent pas eu alors plus de pouvoir sur sa personne, s’ils ne l’avaient reçu de lui-même? Enfin l’évangéliste fait voir clairement pourquoi les choses se passaient de la sorte, et lève toute ambiguïté lorsqu’il dit «Tout cela s’est «fait afin que l’Ecriture et les prophéties fussent accomplies (56)». Considérez, mes frères, qu’au moment même où l’on prenait le Fils de Dieu, il n’avait point d’autre pensée que de faire du bien à ceux même qui l’outrageaient. Il les guérit, il leur prédit des choses terribles, il les menace de l’épée, il leur montre combien il s’offrait volontairement à la mort. Et il fait voir qu’il n’avait qu’une même volonté avec son Père, en disant qu’il fallait accomplir les Ecritures.

Mais d’où vient qu’ils ne le prirent pas dans le Temple? C’était parce qu’ils craignaient le peuple. C’est pour cette raison que Jésus-Christ se retire de lui-même, qu’il va dans un lieu plus propre pour sa prise, et qu’il leur donne un temps et une heure favorable, afin de leur ôter jusqu’au dernier moment de sa vie tout prétexte de s’excuser à l’avenir. Car comment celui qui s’offrait lui-même pour être pris, afin d’accomplir les Ecritures, eût-il pu être contraire à Dieu en aucune chose?

«Alors ses, disciples l’abandonnant s’enfuirent tous (56). Mais ceux qui s’étaient saisis «de Jésus l’emmenèrent chez Caïphe qui était «grand prêtre, où les docteurs de la Loi et les sénateurs étaient assemblés (57) ». Lorsque les Juifs prenaient Jésus-Christ, et qu’ils le liaient, ses disciples ne s’enfuyaient point encore; mais lorsqu’ils voient le Sauveur parler ainsi à ces troupes, et que, sans rien faire pour se défendre, il s’offre de lui-même pour être pris, et pour accomplir les Ecritures; c’est alors qu’ils s’enfuient tous pendant que les soldats mènent Jésus chez Caïphe.

«Or, Pierre le suivait de loin jusqu’à la u cour de la maison du grand prêtre, et y étant (48) entré il était assis avec les gens pour voir la fin de tout ceci (58)». Il faut reconnaître ici que l’amour de ce disciple pour son maître était grand, puisqu’il n’était point épouvanté lorsque les autres fuyaient, et qu’il suivait Jésus-Christ jusqu’en la maison du grand prêtre. Saint Jean en fit autant, il est vrai, mais il faut remarquer qu’il était connu du Pontife. Ces troupes donc mènent Jésus-Christ au lieu où les prêtres étaient assemblés, afin de ne rien faire que par leur avis. C’est pour ce sujet qu’ils s’étaient trouvés chez Caïphe, qui était le grand prêtre cette année-là. Ils passèrent cette nuit chez lui sans se mettre beaucoup en peine de la célébration de la Pâque: «Et lorsque le matin fut venu, ils n’entrèrent point dans le prétoire », comme dit saint Jean, «afin qu’ils ne fussent point impurs, et qu’ils pussent manger la Pâque».

Ceci nous peut donner lieu de croire qu’ils violèrent peut-être la Loi à cause, de la passion ardente qu’ils avaient de faire mourir Jésus-Christ, et qu’ils différèrent la Pâque à un autre jour. Car Jésus-Christ certainement n’avait point violé les ordonnances de la Loi dans la célébration de cette cérémonie légale, mais ces hommes hardis et accoutumés à violer les lois de Dieu en mille rencontres, après avoir tenté inutilement tant de fois de faire cette prise, voyant tout d’un coup une occasion favorable pour ce détestable dessein qu’ils souhaitaient tant de pouvoir faire réussir, ne firent point peut-être de difficulté de remettre la Pâque à un autre jour, pour trouver moyen de satisfaire ainsi leur cruauté.

Ils s’assemblent tous plutôt pour exécuter que pour prendre cette résolution qui était déjà formée. Ils font quelques informations à la hâte, et quelques recherches pour sauver les apparences, et pour couvrir au moins leur homicide de quelque prétexte, et de quelques formalités de justice. Les faux témoins qu’on faisait paraître, se contredisaient et se combattaient l’un l’autre, et tout était si plein de trouble et de tumulte, qu’il était visible, même pour les moins intelligents, que tout ce qui se faisait alors n’était qu’un fantôme et une fiction de jugement.

«Cependant les premiers des prêtres, les sénateurs, et tout le conseil, cherchaient un faux témoignage contre Jésus pour le faire mourir (59). Et ils n’en trouvaient point, quoique plusieurs faux témoins se fussent présentés. Enfin il vint deux faux témoins qui dirent (60): Celui-ci a dit: Je puis détruire le temple de Dieu, et le rebâtir trois jours après (61) ». Il est vrai que le Sauveur avait dit qu’il le rétablirait en trois jours; mais il n’avait pas dit qu’il le détruirait, mais «détruisez-le ». Et il ne parlait pas du temple matériel, mais «de son corps ». Que fait à cela le grand prêtre? Il veut engager Jésus-Christ à répondre et à donner prise sur lui par ses paroles: «Alors le grand prêtre se levant lui dit: Vous ne répondez rien à ce que ceux-ci déposent contre vous (62)? Mais Jésus se taisait (63) ». Il était inutile de répondre, puisqu’il n’y avait personne qui voulut écouter. Il n’y avait qu’un simulacre de jugement. Et ce concile n’était en effet qu’une assemblée d’homicides et de voleurs.

«Et le grand prêtre lui dit: Je vous conjure par le Dieu vivant de nous dire si vous êtes le Christ Fils de Dieu (63). Jésus lui répondit: Vous l’avez dit: Mais je vous déclare que vous verrez un jour le Fils de l’homme assis à la droite de la Majesté de Dieu, et venant dans les nuées du ciel (64). Alors le grand prêtre déchira ses vêtements, en disant: Il a blasphémé. Qu’avons-nous besoin de témoins? Vous venez d’entendre son blasphème (65) ». Il fait ce geste pour donner plus de force à ce qu’il dit et pour joindre l’action à la parole. Cette parole de Jésus-Christ les ayant remplis de terreur, ils firent envers lui ce qu’ils firent ensuite envers son premier martyr Etienne, lorsqu’ils se bouchèrent les oreilles pour ne le point écouter. Ce grand prêtre agit ici de même. Mais quel était le blasphème dont il l’accuse? Jésus-Christ leur avait dit ailleurs cri pleine assemblée ces paroles du psaume: «Le Seigneur a dit à mon Seigneur: Asseyez-vous à ma droite» (Ps 110): et l’explication qu’il leur donna les remplit d’une telle confusion qu’ils n’osèrent plus l’interroger ni le contredire.

3. Pourquoi donc disaient-ils ici «qu’il blasphémait»? Et pourquoi Jésus-Christ leur fit-il cette réponse, sinon pour leur ôter toute excuse? C’est pour cette raison que jusqu’au dernier jour de sa vie il disait ouvertement qu’il était le Christ, qu’il était assis à la droite de son Père, et qu’il devait venir encore pour juger le monde, montrant par toutes ces circonstances l’union parfaite qu’il avait avec son Père. Le grand prêtre, ayant donc déchiré (49) ses vêtements, interroge les autres, et leur dit:

«Que vous en semble? Ils répondirent: Il a «mérité la mort. (66)». Il ne veut pas prononcer de lui-même l’arrêt de mort contre Jésus-Christ, mais il veut adroitement le faire prononcer par les autres, en essayant de leur montrer qu’il était manifestement coupable, et qu’il était tombé dans un blasphème visible. Il ne doutait pas que si l’on examinait l’affaire à fond, et dans les formes ordinaires de la justice, son innocence ne fût bientôt reconnue. C’est pourquoi il veut qu’il soit condamné entre eux, et il prévient même leur jugement, en disant: «Vous avez vous-mêmes ouï le blasphème qu’il a dit »: Il veut les presser, et arracher d’eux ce cruel arrêt qu’il en attendait. Et, en effet, ils répondent tous: «Il est coupable de mort». Ainsi, ils étaient eux-mêmes les accusateurs, les témoins, les examinateurs et les juges: eux seuls tenaient lieu de tout.

Mais comment ne s’avisaient-ils pas ici de l’accuser d’avoir violé le sabbat? C’est parce qu’il leur avait fermé la bouche une infinité de fois sur ce sujet, outre qu’ils voulaient le condamner sur ce qu’il leur disait à l’heure même qu’on lui faisait son procès. Le pontife anime tous les esprits en déchirant ses vêtements, il excite leur colère et leur animosité, et quand il a réuni tous les suffrages contre ce prétendu coupable, il le renvoie à Pilate, comme ayant été condamné légitimement. Tant il est vrai qu’ils n’oubliaient rien pour colorer leur injustice, et pour mêler l’adresse à la violence. Lorsqu’ils sont au contraire devant Pilate, ils ne disent rien de semblable «Si ce n’était un méchant homme», disent-ils, «nous ne vous l’aurions pas livré»: voulant ainsi le faire punir comme s’il était coupable de crimes publics et scandaleux.

Mais pourquoi ne le faisaient-ils pas plutôt assassiner en secret que de chercher tant de détours pour le perdre? C’est parce qu’ils voulaient le, décrier publiquement, et noircir éternellement sa mémoire. Et comme tout le peuple le révérait extraordinairement, et qu’il avait été ravi d’admiration par sa doctrine et par ses miracles, ces implacables ennemis voulaient qu’il mourût comme un criminel pour lui faire perdre en même temps l’honneur et la vie. Jésus-Christ ne s’opposa point à leur dessein, et il se servit au contraire de leur malice pour établir la vérité de sa mort. Car sa passion et sa croix étant devenues manifestes à tout le monde, il en a tiré un autre effet que celui auquel ils s’étaient attendus. Ils voulurent le faire mourir publiquement pour le couvrir d’infamie; il a rendu au contraire sa mort le principe de sa gloire. Et comme après avoir dit: «Tuons-le, de peur que les Romains ne viennent et ne détruisent notre ville» (Jn 2,48), ils l’ont tué, et leur ville a été détruite: ainsi, après l’avoir crucifié pour le déshonorer, sa croix n’a servi qu’à le faire adorer dans toute la terre.

Pilate leur déclare qu’ils avaient la puissance de faire mourir Jésus-Christ par eux-mêmes: «Prenez-le, vous autres », dit-il, «et jugez-le selon votre loi ». (Jn 18,31) Mais ils voulaient qu’il mourût comme tin méchant, comme un criminel d’Etat, comme un tyran et un usurpateur, et comme un factieux et un rebelle. Ils veulent rendre sa mort la plus honteuse qu’ils peuvent. Ils affectent de le mettre entre deux voleurs. Ils disent à Pilate: «N’écrivez point qu’il est le roi des Juifs; mais qu’il a dit qu’il était le roi des Juifs ». Tout cela se fit pour prouver mieux la vérité de sa mort, de sorte qu’il ne reste plus aux Juifs la moindre excuse ni le moindre prétexte pour se couvrir. Cette garde même si soigneuse du sépulcre, et ces sceaux qu’ils y firent mettre, n’étaient-ils pas une preuve suffisante pour faire paraître la vérité avec éclat? Ne font-ils pas aussi le même effet par leurs outrages et par leurs insultes? Tant il est vrai que rien n’est plus faible que l’imposture, qu’en voulant s’établir elle se détruit, et qu’elle se perd par ses propres armes. C’est ce qui est arrivé aux Juifs. Ils croyaient avoir vaincu Jésus-Christ, et ils n’ont trouvé après sa mort que leur malheur, leur ruine, et une éternelle confusion. Jésus-Christ, au contraire, paraîtra vainqueur, et sa croix est devenue le trophée de son innocence, la marque de son pouvoir et la source de sa gloire.

Ne cherchons donc point, mes frères, à vaincre toujours, et ne craignons point quelquefois d’être obligés de céder. Il y a des rencontres dans lesquelles il est dangereux d’avoir l’avantage, il y en a d’autres tians lesquelles il est même utile d’être vaincu. Celui qui, dans un transport de colère, outrage impitoyable. ment un homme, paraît alors avoir le dessus, mais c’est en effet lui-même qui est vaincu t par sa propre passion, et qui se blesse (50) lui-même à mort. C’est celui qui souffre courageusement cette injure, et qui garde la patience dans. ces outrages qui demeure véritablement victorieux. L’un n’a pu vaincre sa passion, et l’autre a vaincu son ennemi. L’un a cédé à sa propre faiblesse, et l’autre a guéri celle de son frère. Non-seulement il n’a point brûlé lui-même, mais il a encore éteint le feu qui brûlait les autres. Que s’il eût été jaloux de cette victoire apparente, au lieu de rechercher celle qui est solide et véritable, il eût succombé sans doute, et en résistant à la passion de son ennemi, il l’eût rendue plus forte et plus invincible. Ainsi ils auraient été renversés tous deux comme des femmes ou des enfants qui se querellent et qui se battent. Mais celui qui agit chrétiennement dans ces occasions, ne tombe point dans ce désordre; il se dresse et s’érige à lui-même et à son frère un riche trophée sur les ruines de la colère.

4. Vous voyez donc qu’il ne faut pas. toujours désirer d’avoir l’avantage sur un autre. Celui qui offense un autre homme paraît avoir le dessus sur lui; mais cette victoire lui est funeste. Si, au contraire, celui qui a été offensé souffre l’injure avec patience, sa patience sera sa couronne. C’est pourquoi il est souvent plus glorieux d’être vaincu que de vaincre, et alors c’est gagner la victoire que de la céder. Quand nous souffrons qu’on nous ravisse notre bien, qu’on nous frappe, qu’on nous porte envie, et que nous ne cherchons point à nous venger de ces injures, nous pouvons dire alors que nous sommes véritablement victorieux de notre ennemi. Mais pourquoi parler ici de la victoire qu’on remporte sur l’avarice et sur l’envie, puisque celui qui est livré au martyre, que l’on bat de verges, que l’on déchire avec les ongles de fer, et que l’on fait mourir cruellement, est le vainqueur de ceux mêmes qui lui font souffrir ces violences.

Dans les guerres des hommes, celui qui succombe sous son ennemi en est vaincu; mais parmi les chrétiens, celui qui cède de bon coeur à son ennemi, et qui souffre son injustice est véritablement victorieux. Notre gloire est de ne faire de mal à personne, et de souffrir celui qu’on nous fait. La plus grande de toutes les victoires est celle qui se gagne par la patience. Cette disposition est l’ouvrage de Dieu seul, et plus elle est contraire à la nature et à l’inclination humaine, plus elle témoigne la malignité de celui qui veut vaincre de cette manière. C’est ainsi que les rochers brisent les flots qui viennent tondre sur eux. C’est ainsi que les plus grands saints se sont le plus signalés par leur courage, et ont triomphé par leur douceur de la victoire de leurs ennemis.

Vous n’avez point besoin pour cela d’un grand effort, ni d’un grand travail. Dieu met lui-même la victoire entre vos mains, et il veut que vous la remportiez non par la difficulté d’un combat, mais par la facilité de la patience. Ne vous préparez donc point à résister à votre ennemi, et cela seul vous fera gagner la victoire. Ne combattez point contre ceux qui vous attaquent, et vous en serez vainqueur. C’e st là sans doute le moyen le plus facile et le plus assuré, pour vous mettre au-dessus de vos adversaires. Pourquoi vous déshonorez-vous vous-même, en donnant lieu à votre ennemi de dire que vous ne l’avez vaincu qu’avec grand’peine? Qu’il admire plutôt votre vertu, qu’il soit surpris de votre courage, que votre constance l’étonne, et qu’il dise à tout le monde que vous l’avez vaincu sans le combattre.

C’est ainsi que Joseph, ce grand patriarche, qui a toujours souffert avec constance les injures qu’on lui faisait, a été loué comme étant toujours demeuré victorieux. Il n’opposa à l’envie de ses frères, et aux impostures de cette malheureuse Egyptienne, que la fermeté de sa patience. Et ne me dites point qu’on le vit traîner une vie misérable dans une prison, pendant que son accusatrice demeurait dans un palais. Voyons plutôt lequel des deux a l’avantage, et lequel des deux a été renversé ou est demeuré ferme. Cette femme est vaincue premièrement par son impudicité, et ensuite par la chasteté de ce saint homme; et Joseph est victorieux, et de cette infâme, et de cette passion si dangereuse qu’elle s’efforçait d’allumer en lui.

Considérez ce que dit cette Egyptienne, et jugez vous-même si ses paroles ne font pas voir clairement qu’elle est vaincue:: « Vous nous avez fait venir», dit-elle, «un scélérat pour nous insulter ». (Gn 39,14) insensée que vous êtes! Ce n’est point Joseph, c’est le démon qui vous insulte, lorsqu’il vous a fait croire que vous pourriez corrompre Joseph et fléchir la fermeté de son coeur. Ce n’est point votre mari qui vous a amené ce jeune homme pour vous tendre un piège, c’est le (51) démon qui se joue de vous par ses artifices, et qui vous inspire ce détestable dessein.

Que fait donc Joseph, mes frères, dans ce tumulte et dans ces accusations? lise tait; il demeure dans le silence, et se laisse con damner comme fait ici Jésus-Christ dont il était la figure. Mais cependant, dites-vous, vous ne pouvez pas nier que Joseph ne soit dans une prison, et cette femme dans une maison magnifique. Qu’importe où soit l’un et l’autre; puisque Joseph est couronné de gloire dans la prison, et que cette femme est plus malheureuse dans une maison superbe que ceux qui languissent au fond d’un cachot?

Mais ne jugeons pas par cela seul de leur victoire. Jugeons-en par l’événement des choses. Qui des deux a réussi dans son dessein? N’est-ce pas celui qui est dans les fers, et non celle qui est dans cette magnificence et dans ce luxe? L’un a désiré de garder sa chasteté; l’autre s’est efforcée de la corrompre. Qui des deux a fait ce qu’il désirait? Est-ce celui qui a souffert si généreusement l’injure, ou celle qui l’a faite si injustement? C’est donc Joseph, mes frères, qui est demeuré le vainqueur.

Ayons du zèle pour ces heureuses victoires; et mettons notre gloire à souffrir avec courage. Fuyons avec horreur ces avantages, qui sont le fruit de l’injustice et le prix de la violence. C’est ainsi que nous trouverons en ce monde la paix, et la gloire en l’autre, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, à qui appartient la gloire et l’empire dans les siècles des siècles. Ainsi soit-il. (52)



Chrysostome sur Mt 83