Chrysostome, Psaumes 122

PSAUME 123 (Vulgate 122)

122Ps 123 NV

"C'est vers Vous que je lève les yeux, vers vous qui habitez dans les cieux." .

Vous voyez éclater en toutes circonstances les avantages de la captivité. Les Juifs étaient attachés étroitement jusque-là aux choses de la terre, et mettaient leur confiance dans les Assyriens et les Égyptiens, aussi bien que dans la force de leurs remparts et la multitude de leurs richesses. Ils renoncent à tous ces appuis, pour se jeter dans les Bras invincibles de Dieu en qui seul ils placent leur espérance; ils ne peuvent aller prier Dieu dans leur temple qui a été détruit, ils L'invoquent alors au plus haut des cieux. L'Écriture nous dit que Dieu habite dans les cieux, N'allons pas croire qu'il puisse être renfermé dans un espace quelconque, Lui qui remplit tout de son Immensité. Cette expression signifie simplement que Dieu se repose de préférence au milieu des puissances célestes. C'est dans le même sens que l'Écriture nous Le représente comme habitant au milieu des hommes:
"J'habiterai en eux, et je marcherai au milieu d'eux." (2Co 6,16). C'est pendant leur séjour chez ces peuples barbares que les Juifs reçoivent les plus sublimes leçons, et que dans cette privation absolue de toutes les ressources de la vie, ils apprennent que Dieu, en quelqu'endroit qu'on L'invoque, exauce promptement nos prières.
Les premiers rayons d'une vie toute nouvelle allaient bientôt briller à leurs regards, aussi le prophète prélude à ce grand changement et sous le voile de la comparaison, il annonce que les observances des lieux prescrits par la loi, cesseront d'être obligatoires. "Comme les yeux des serviteurs sont fixés sur les mains de leurs maîtres, et comme les yeux de la servante sont attachés sur la main de sa maîtresse; ainsi nos yeux sont fixés vers le Seigneur notre Dieu, en attendant qu'Il ait pitié de nous." (Ps 123,2). Quelle piété vive et ardente ! Leur espérance n'est pas un sentiment passager, elle les tient constamment attachés à Dieu, objet de leurs aspirations et de leurs désirs. Que signifie en effet cette comparaison qu'ils apportent? C'est qu'ils n'espèrent et qu'ils n'attendent d'aucun autre secours et protection. Car de qui le serviteur et la servante attendent-ils la nourriture, le vêtement et les autres choses nécessaires à la vie? De leurs maîtres seuls; aussi ils ne se retirent point, mais ils restent en leur présence, jusqu'à ce qu'ils en aient reçu ce qui leur est nécessaire, et qu'ils leur en aient témoigné leur reconnaissance. Voilà ce qu'ils font invariablement. Si donc le psalmiste apporte cet exemple de la servante et des serviteurs, c'est pour nous montrer qu'ils ont les yeux constamment fixés sur Dieu, qu'ils n'ont point d'autre espérance, que l'attente de son secours est l'unique objet de leurs désirs, parce qu'ils Le regardent comme la source de tous les biens.
Quel admirable changement ! Il fallait auparavant les presser de recourir à Dieu, et ils ne répondaient que par l'indifférence et le dégoût. Mais aujourd'hui, l'adversité les a rendus meilleurs, ils ne veulent plus se séparer de bien, loin de là, ils Lui promettent une fidélité constante à son service, et le supplient d'avoir pitié d'eux; en effet, le psalmiste ne dit pas: En attendant qu'il nous ait donné notre récompense, ou le salaire qu'il nous doit; mais: "En attendant qu'il ait pitié de nous.") Vous donc, à homme, persévérez constamment dans la prière, que Dieu vous accorde ou non ce que vous Lui demandez; quand même Il ne vous exaucerait pas pour le moment, ne vous éloignez point de Lui, et vous recevrez infailliblement l'objet de votre prière. Eh quoi ! la persévérance d'une pauvre veuve a triomphé d'un juge inhumain, (Lc 18), quelle excuse donc pouvez-vous apporter, vous qui vous laissez gagner si facilement par le découragement, par la négligence, par la tiédeur? Ne voyez-vous point dans quelle dépendance les servantes sont vis-à-vis de leurs maîtresses sur lesquelles elles tiennent constamment fixés leurs pensées comme leurs regards? Imitez leur conduite, attachez-vous à Dieu seul, abandonnez tout le reste pour être au nombre de ses serviteurs, et vous obtiendrez de Dieu tout ce que vous Lui demanderez d'utile.
"Ayez pitié de nous, Seigneur, ayez pitié de nous, parce que nous sommes rassasiés d'opprobres outre mesure. (Ps 123,3). Oui notre âme est rassasiée à l'excès." (Ps 123,4). Entendez-vous le langage d'un coeur contrit? C'est au nom de la miséricorde qu'ils demandent à être sauvés, que dis-je? ils n'invoquent point cette miséricorde comme s'ils en étaient dignes, ils s'appuient sur les châtiments qui leur ont été infligés, comme le disait Daniel: "Nous sommes diminués plus que toutes les nations qui sont sur la terre. " (Da 3,37). Les Juifs tiennent ici le même langage. Nous avons souffert des maux extrêmes, nous avons été dépouillés à la fois de notre patrie et de la liberté, nous sommes devenus les esclaves des barbares, en butte à leurs outrages, en proie aux dures privations de la faim, de la soif et de la misère, l'objet continuel des insultes de nos ennemis qui nous foulaient aux pieds; daignez donc nous épargner et avoir pitié de nous. Que signifient ces paroles: "Notre âme est remplie outre mesure?") C'est-à-dire notre âme est épuisée, consumée par la grandeur de nos maux. On en voit beaucoup qui au milieu des plus rudes souffrances montrent un courage à toute épreuve. Mais pour nous, cette ressource nous est ôtée, l'adversité nous accable et nous abat. Ils n'ont pas usé comme ils le devaient de la bonne fortune, Dieu les en punit par les levers de l'adversité, c'est la conduite que nous Lui voyons tenir constamment. Adam avait abusé des joies du paradis terrestre, Dieu l'en punit en le chassant dehors. L'égalité d'honneur que Diên avait accordée à Eve son épouse, fut cause de sa perte, Dieu lui fit trouver le remède à cette faute dans la soumission et la dépendance. Les Juifs eux-mêmes s'étaient laissé entraîner par la liberté et le calme d'une longue sécurité, dans des excès monstrueux de dérèglement, et de dissolution; Dieu les ramène à Lui par une voie tout opposée. Voici donc le langage qu'ils Lui tiennent pour implorer sa miséricorde: "Notre âme a été rassasiée outre mesure. Elle est devenue un sujet d'opprobre à ceux qui sont dans l'abondance, et de mépris aux superbes." Suivant une autre version: "Notre âme a été rassasiée outre mesure des discours de ceux qui sont dans l'abondance et des mépris des superbes." Suivant une autre: "Elle a été rassasiée des railleries des insolents." Suivant une troisième: "Elle a été rassasiée du mépris de ceux qui regorgent de biens." Ils reproduisent constamment la même pensée, et ils déplorent l'extrémité de leurs malheurs, lorsqu'ils disent: "Notre âme est rassasiée du mépris de nos ennemis." La version des Septante présente un autre sens: "Puissent nos maux passer à nos ennemis, leur faire éprouver ce qu'ils nous ont lait souffrir, et réprimer ainsi leur faste et leur arrogance." C'est ce que nous voyons fréquemment arriver, et c'est la conduite ordinaire de Dieu, il réprime les pensées des esprits superbes, et humilie les âmes orgueilleuses pour les retirer de la voie qui les conduirait à leur perte. L'orgueil, en effet, est le plus dangereux de tous les vices. Si donc Dieu a permis les tentations, les peines, la mort du corps, les malheurs sans nombre qui nous accablent, les infirmités et les maladies, c'est comme autant de freins destinés à réprimer les excès de l'âme superbe et enflée par l'orgueil. Gardez-vous donc de vous troubler, mon très-cher frère, lorsque l'épreuve vous atteint, rappelez-vous ces paroles du Prophète: "Il est bon que vous m'ayez humilié afin que j'apprenne vos jugements." (Ps 118,71). Recevez le malheur comme un remède, faites de la tentation un usage convenable, et vous arriverez ainsi à une tranquillité parfaite. Puissions-nous tous eu être trouvés digues par la grâce et la Miséricorde de notre Seigneur Jésus Christ, à qui soient la gloire et l'empire dans les siècles des siècles. Amen.



PSAUME 124 (Vulgate 123)

123Ps 124 NV

"Si le Seigneur n'avait été avec nous." v. 1.

1. Je l'ai dit bien souvent, je le dis encore aujourd'hui et je ne cesserai de le répéter, les avantages de la captivité sont innombrables, et elle est de nature à ramener dans les voies de la sagesse tout esprit tant soit peu attentif. Voyez les Juifs qui couraient offrir leur encens aux idoles, méprisaient le vrai Dieu, et se livraient à tous les excès de l'impiété; entendez leur langage après la captivité, et en quels termes ils reconnaissent que Dieu seul est l'auteur de leur salut. Que dis-je? le prophète comme un excellent conducteur les engage à proclamer souvent cette vérité. Il leur en donne le premier l'exemple, et il leur commande ensuite, comme un maître à ses disciples, de redire après lui: "Qu'Israël dise maintenant: Si le Seigneur n'avait été avec nous lorsque les hommes s'élevaient contre nous, ils nous auraient dévorés tout vivants." (Ps 2). Ils étaient, en effet, sans armes, sans ressources, misérables victimes de la captivité et de l'esclavage, à peine délivrés de leurs épreuves. Leur ville n'avait point de murailles, ou plutôt ce n'était pas une ville, et après leur retour ils étaient en proie à tous leurs ennemis; mais Dieu leur tint lieu de remparts et de forteresse. Disons donc aussi nous-mêmes: "Si le Seigneur n'avait été avec nous, ils nous auraient dévorés tout vivants." Car que n'aurait pas fait le démon, notre ennemi acharné, si Dieu n'eût été avec nous? Écoutez ce que Jésus Christ dit à Pierre: "Simon, Simon, voilà que Satan a désiré vous passer au crible comme le froment, et moi, j'ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas." (Lc 22,31). En effet, le démon est une bête cruelle et insatiable, et si on ne le reprenait continuellement, il répandrait partout la confusion et le désordre. Dieu abandonna tant soit peu à sa fureur le saint homme Job, et le démon renversa sa maison de fond en comble, mit sa chair en lambeaux, et, spectacle épouvantable, lui enleva toutes ses richesses, tua ses enfants, fit de son corps une fourmilière de vers, souleva contre lui sa femme, ses amis, ses ennemis, ses serviteurs, qui l'accablèrent d'outrages; dites-moi, ne détruirait-il pas tous les hommes, si Dieu par mille moyens ne mettait un frein à sa fureur? Voilà ce qui fait dire ici au psalmiste: "Si le Seigneur n'était avec nous." Les Juifs, en effet, étaient en très petit nombre à leur retour, en butte au mépris et aux attaques de leurs ennemis. Dieu donnait ici une preuve de sa Sagesse; ce n'était pas tout d'un coup, mais peu à peu et par degrés qu'Il voulait leur donner la paix et la sécurité. Il agissait ainsi pour les maintenir dans la connaissance de son saint Nom, et les empêcher d'oublier les enseignements de la captivité. Les hommes, une fois délivrés de leurs épreuves, tombent facilement dans la négligence, que fait donc Dieu? Il entremêle constamment les tentations avec les biens qu'Il leur accorde, pour leur faire trouver dans ces tentations un exercice continuel de sagesse.
Ainsi, Il ne laisse pas toujours les hommes dans l'affliction à laquelle ils finiraient par succomber, mais il ne veut pas non plus qu'ils jouissent d'une paix sans interruption qui les porterait au relâchement, il les sauve donc par un heureux mélange de ces deux éléments.
"Ils nous auraient dévorés tout vivants." Voyez sous quels traits il dépeint la cruauté de ses ennemis. Que d'hommes, en effet, aussi cruels, plus cruels même que les bêtes féroces à l'égard de leurs semblables ! Dès que la bête sauvage est tombée sur sa proie, sa fureur se calme et elle se retire, ou si elle est repoussée, elle ne revient plus à la charge. Les hommes, au contraire, lorsqu'ils ont échoué dans leurs desseins, redoublent leurs attaques, et vont jusqu'à désirer se nourrir de la chair de leurs semblables. Tel est le caractère de la colère, elle na raisonne pas, c'est une passion qui enflamme notre âme d'une ardeur impétueuse. Comment guérir cette maladie? Réfléchissons sur ce que nous sommes, méditons sur la mort et sur ceux qu'elle frappe tous les jours à nos côtés, considérons notre nature qui n'est que cendre et poussière. Si la beauté de votre visage nous trompe encore et vous séduit, allez visiter les tombeaux et les cercueils de vos ancêtres, considérer le triste état de leurs restes mortels réduits en terre et en poussière; ce spectacle sera pour vous une grande leçon d'humilité. Ne dites pas que ce langage est trop sévère. Lorsque ceux 'qui ont été atteints de la fièvre entrent en convalescence, ils ont besoin de respirer un air pur; ainsi, ceux dont les passions troublent si souvent la raison, trouvent près des tombeaux, comme dans une campagne salutaire, un remède à tous leurs maux. La vue seule d'un cercueil suffit pour rabattre l'orgueil le plus insolent. Transportez-vous ensuite par la pensée à ce jour terrible du jugement à venir, songez à l'interrogatoire que vous subirez, au compte qu'il vous faudra rendre, aux supplices qui ne seront' jamais allégés. Ces considérations seront comme autant de chants qui apaiseront les passions de votre âme. Songez encore à ceux qui parmi les hommes tombent dès la vie présente, du faîte des richesses dans l'extrême pauvreté, de la gloire dans l'ignominie. Si donc vous voulez encore céder à la colère, que ce ne soit point contre votre semblable, mais contre l'esprit mauvais, c'est sur lui qu'il faut décharger votre colère, ne vous réconciliez jamais avec le démon, tournez, épuisez contre lui toute votre fureur, tendez-lui vos pièges, et ne cessez de lui faire une guerre acharnée. "Lorsque leur fureur était allumée contre nous, bientôt les eaux nous eussent engloutis." (Lc 3). "Notre âme a traversé le torrent, peu s'en est fallu que notre âme n'ait traversé une eau d'où elle n'aurait pu se tirer." (Lc 4). Ce torrent, cette eau, c'est la grande colère de leurs ennemis. L'eau, en effet, se précipite sans mesure 'avec une force et une impétuosité qui entraînent tout ce qu'elle rencontre sur son chemin. Remarquez que ces expressions métaphoriques ne figurent pas seulement la violente irruption, mais la courte durée de ces épreuves.

12302 2. Gardons-nous donc de nous décourager lorsque le malheur vient fondre sur nous. Quel qu'il soit, c'est un torrent qui passe, c'est une nuée qui se dissipe. Oui, quelle que soit votre infortune, elle aura une fin; quelqu'amer que soit votre chagrin, il ne durera pas toujours. S'il devait toujours durer, la nature n'y suffirait pas. Mais un grand nombre, me direz-vous, sont entraînés par ce torrent? La cause n'en est point dans la violence du mal, mais dans la faiblesse de ceux qui se laissent si facilement abattre. Voulons-nous n'être pas entraînés nous-mêmes? descendons dans les profondeurs de ce torrent, considérons-en tous les endroits, et saisissons-nous de l'ancre divine pour n'avoir à redouter aucun naufrage. Un torrent n'est terrible que pour un temps, et il s'apaise ensuite au point de ne plus laisser aucune trace. "Encore un peu, l'eau nous aurait engloutis." Suivant une autre version: "Alors les eaux nous auraient inondés en passant sur notre âme comme un torrent, et notre âme aurait traversé une eau dont elle n'aurait pu se tirer." Suivant une autre: "Alors les superbes auraient passé sur notre âme comme un torrent." Voyez-vous la puissance du secours de Dieu qui n'a point permis qu'ils fussent submergés au milieu de ce déluge de maux? Si donc il laisse ce torrent grossir, ce n'est point pour nous accabler, mais pour nous éprouver davantage et donner des preuves plus éclatantes de sa puissance. Les superbes dont parle ici le psalmiste sont les ennemis du peuple de Dieu qui se sont précipités sur lui avec la violence d'un torrent impétueux sans pouvoir lui faire aucun mal. Pourquoi? parce qu'il avait pour lui la Protection de Dieu, une assistance toute céleste, un secours invincible.
Aussi, après avoir chanté sa délivrance, il proclame le nom du libérateur et célèbre ses louanges: "Béni soit le Seigneur qui ne nous a pas livrés en proie à leurs dents. (
Lc 5). Notre âme s'est échappée telle que l'oiseau du filet de l'oiseleur." (Lc 6). Voyez-vous d'un côté la faiblesse des Juifs, et de l'autre la puissance de leurs ennemis? Ces derniers, semblables à des bêtes féroces, à des lions furieux, se jettent avec autant de force que de colère sur leur proie, tout prêts à la mettre en pièces et à la dévorer; les Juifs, au contraire, sont plus faibles que le passereau. Mais la Puissance de Dieu ne paraît jamais avec plus d'éclat que lorsqu'elle fait triompher la faiblesse de la force. Ce qui rendait les entreprises de ces ennemis plus dangereuses, ce n'est pas seulement leur puissance, la terreur qu'ils inspiraient, la fureur qui les animait, leur soif de sang et de carnage, et d'un autre côté la faiblesse des Juifs, leur petit nombre qui les exposait sans défense à toutes les attaques; mais les Juifs étaient surpris au milieu des plus grands malheurs, environnés de difficultés de toute espèce, et ne voyaient partout que des ennemis à combattre. Cependant celui qui a la souveraine puissance en partage, et qui peut sauver du milieu, même des plus affreux dangers, nous a délivrés avec une étonnante facilité. C'est le sens de ces paroles: "Notre âme a été délivrée comme un passereau du filet des chasseurs. Le filet a été rompu et nous avons été sauvés." De quelle manière, il nous l'apprend dans les paroles suivantes: "Notre secours est dans le Nom du Seigneur qui a fait le ciel et la terre." (Lc 8). Admirez la force et la puissance de celui qui est venu à leur secours. Il a fait disparaître tout ce qui pouvait servir d'appui aux embûches de leurs ennemis. On peut également entendre ces paroles dans le sens anagogique et les appliquer tant au démon qu'au genre humain. Le psalmiste nous montre comment il nous a délivrés de ses filets, comment il les a brisés et anéantis du jour où il a dit à ses disciples: "Marchez sur les serpents et les scorpions et sur toute la force de l'ennemi." (Lc 10,19). Ce n'est donc plus une guerre ouverte qu'il vous fait, vous ne combattez plus à armes égales. Le démon est renversé et couché honteusement à terre, tandis que vous êtes debout, que vous le dominez et le frappez de haut. Il est épuisé, sans force, tandis que vous êtes plein de vigueur.
Comment donc expliquer ses fréquentes victoires? Par notre lâcheté, par la négligence de ceux qui restent plongés dans un honteux sommeil. Essayez au contraire de lui résister, il n'osera vous attaquer de front. Si vous êtes vaincu pendant que vous dormez, n'en accusez pas sa puissance, mais votre négligence. Quel est celui, fût-il le plus faible de tous les hommes, qui ne pourrait vaincre un homme endormi? Le fort a été enchaîné, toutes ses armes lui ont été enlevées, sa puissance a été brisée, sa demeure renversée, et ses glaives ont perdu toute leur force. Que voulez-vous davantage? Pourquoi cette crainte, pourquoi cette appréhension? On vous commande de fouler aux pieds un ennemi dont les forces sont épuisées, encore une fois, pourquoi cette frayeur, pourquoi cette anxiété? Avez-vous donc oublié quel est celui qui nous prête son appui? Considérez non seulement la faiblesse de votre ennemi, mais la grandeur du secours qui vous est donné. Les révoltes de la chair ont été comprimées, vous êtes déchargé du poids du péché, vous avez reçu la grâce de l'Esprit saint comme une onction fortifiante. "Car ce qui était impossible à la loi, parce qu'elle était affaiblie par la chair, Dieu l'a fait en envoyant son propre Fils revêtu d'une chair semblable à la chair du péché, et à cause du péché, Il a condamné le péché dans la chair, afin que la justice de la loi fût accomplie en nous qui ne marchons pas selon la chair." (Rm 8,3-4). Dieu vous a rendu maître de votre chair, Il vous a donné pour armes la cuirasse de la justice, la ceinture de la vérité, le casque du salut, le bouclier de la foi, le glaive de l'esprit. Il vous a donné des arrhes de la victoire, Il vous a nourri de sa Chair, abreuvé de son Sang; Il vous a remis entre les mains sa croix comme une lance qui ne plie jamais; enfin il a enchaîné notre ennemi, Il l'a terrassé. Vous n'avez donc plus d'excuse si vous êtes vaincu, et si vous laissez au démon la gloire du triomphe, vous n'avez plus de pardon à espérer, car vous avez mille moyens de remporter la victoire. "Le filet a été brisé et nous avons été délivrés. Notre secours est dans le Nom du Seigneur qui a fait le ciel et la terre." Vous le voyez, vous avez pour chef et pour roi le Créateur de l'univers, Celui qui par sa seule parole a tiré du néant tous ces corps que nous voyons, cette masse prodigieuse de la terre, cette grandeur presqu'infinie de l'univers. Ne vous laissez donc point abattre, mais combattez vaillamment, rien ne peut vous empêcher de remporter un triomphe éclatant. Convaincus de ces vérités, mes frères bien-aimés, soyons sobres et tempérants, combattons généreusement, ne nous laissons point aller au sommeil, mais préparons nos amies, affermissons notre courage et alors frappons notre ennemi sans relâche, afin qu'après avoir gagné sur lui une brillante victoire nous obtenions la glorieuse récompense du royaume des cieux. Puissions-nous l'obtenir par la Grâce et la Miséricorde de notre Seigneur Jésus Christ, à qui soient la gloire et le règne dans les siècles des siècles. Amen.



PSAUME 125 (Vulgate 124)

124Ps 125 NV


"Ceux qui mettent leur confiance dans le Seigneur, sont comme la montagne de Sion." v, 1.

1. Pourquoi le psalmiste ne dit-il pas simplement: "Comme une montagne," mais ajoute-t-il: "De Sion ?" Que se propose-t-il en rappelant le souvenir de cette montagne? Il veut nous enseigner à ne point nous laisser ni décourager, ni abattre par les épreuves, mais à mettre toute notre espérance en Dieu, et à supporter ainsi courageusement les guerres, les combats et les troubles. De même que cette montagne, après avoir été déserte et dépouillée de ses habitants, avait recouvré son ancienne splendeur et sa prospérité première par le retour de ceux qui l'habitaient, et par l'éclat des prodiges que Dieu continuait d'y opérer; ainsi l'homme courageux ne se laisse jamais abattre, quelque multipliés que soient les malheurs qui viennent fondre sur lui. Ne désirez donc point une vie exempte de tout danger, de toute peine, de tout malheur, mais une vie où vous soyez toujours supérieur à tous les dangers. Il y a pour un pilote une grande différence entre demeurer tranquillement dans le port, et affronter une mer agitée. Dans le premier cas, on devient lâche, mou, sans énergie. Celui au contraire, qui mainte et mainte fois a dû lutter contre les rochers cachés sous les flots, contre mille écueils, contre la violence des vents, et qui est sorti victorieux de toutes ces épreuves, a donné à son âme une force bien supérieure à celle qu'il avait déjà. Si Dieu vous a donné cette vie, ce n'est point pour que vous la passiez dans l'oisiveté, dans la mollesse, à l'abri de toute adversité, mais pour vous conduire à la gloire par l'épreuve et la souffrance. Gardons-nous donc de chercher une vie de repos, une vie parsemée de plaisirs. Ce n'est point là le désir d'une âme courageuse, d'un être raisonnable, mais bien plutôt celui d'un ver de terre, d'un animal privé de raison. Demandez donc surtout à Dieu de ne point entrer en tentation, mais si elle vient à vous assaillir, ne vous laissez aller ni à la tristesse, ni à l'agitation, ni au trouble; mais faites tous vos efforts pour en sortir avec gloire. Voyez ce que font les vaillants soldats, lorsque la trompette donne le signal du combat, ils ne voient plus que le triomphe, la victoire, et les nobles exemples de leurs ancêtres. Nous donc aussi, lorsque la trompette spirituelle se fait entendre, déployez plus de courage qu'un lion, et fallût-il affronter le fer ou le feu, avancez sans crainte. Les éléments eux-mêmes savent respecter les âmes courageuses. Les hommes de courage inspirent de la crainte jusqu'aux bêtes féroces. Malgré la faim qui les presse, malgré leur nature qui les excite, elles oublient tout à la vue d'un homme juste et mettent un frein à leur colère. Revêtez-vous donc de cette armure, et vous ne craindrez pas les flammes, quand même vous les verriez s'élever jusque dans les cieux. Vous avez un chef noble et courageux, dont la puissance n'a point de bornes, et qui d'un seul signe peut faire disparaître tout ce qui vous attriste. Il est le maître de tout ce qui existe, du ciel, de la terre, de la mer, des animaux, du feu, il peut donc tout changer et déplacer à son gré.
Quelle est donc, dites-le moi, la cause de toutes vos craintes ?
N'est-ce pas uniquement votre nonchalance et votre lâcheté? La mort n'est-elle point le plus grand de tous les maux? Et cependant elle est aussi une dette qu'il faut payer à la nature. Pourquoi donc ne pas travailler à nous rendre cette dette profitable? Puisqu'il vous faut bon gré mal gré marcher dans cette voie, pourquoi ne pas le faire avec profit? Aux dures épreuves de la vie présente, succéderont des biens éternels qui porteront avec eux une joie bien supérieure à toutes vos douleurs. Les peines de cette vie vous paraissent accablantes, considérez donc ceux qui sans aucune perspective de récompense sont consumés par une corruption lente, et ont à souffrir de privations continuelles, de maladies incurables et prolongées, qui leur font souvent désirer la mort. On en a même vu qui ont fini volontairement leur vie par le glaive ou par la corde. Pour vous au contraire, le ciel vous est proposé comme récompense avec les biens qu'il renferme, et vous ne craignez pas, et vous ne craignez pas à la vue de votre paresse, de votre lâcheté, vous surtout qui avez un protecteur si puissant? N'entendez-vous pas ce que dit le prophète: "Ceux qui mettent leur confiance dans le Seigneur, sont comme la montagne de Sion ?" Cette montagne est le symbole d'une espérance ferme, invincible, inébranlable. Vous avez beau multiplier les machines, vous ne parviendrez jamais ni à renverser, ni à ébranler une montagne; ainsi celui qui attaque l'homme dont l'espérance est en Dieu, verra tous ses efforts inutiles, car l'espérance en Dieu est un appui bien plus assuré que ne peut l'être une montagne. "Celui qui habite autour de Jérusalem ne sera jamais ébranlé." Un autre interprète traduit: "Celui qui habite autour de Jérusalem est immuable à jamais." Quoi donc, est-ce que les trois enfants et Daniel lui-même, n'ont pas été ébranlés? En aucune façon: ils ont été exilés de leur patrie, il est vrai, réduits en esclavage, mais jamais ils n'en firent ébranlés, et dans un si grand bouleversement de toutes choses, et au milieu de ces flots violemment agités, ils demeurèrent aussi calmes que s'ils étaient sur un rocher ou dans un port à l'abri de la tempête, sans éprouver rien de fâcheux. Etre ébranlé n'est pas comme vous pourriez le penser, être soumis à la vicissitude des événements; non, c'est donner la mort à son âme et perdre la vertu. Or, jamais ce malheur n'arrive à ceux qui sont sages et vigilants, loin de là, les dangers les fortifient dans l'amour de la sagesse et les environne d'un nouvel éclat. Si vous voulez prendre dans le sens anagogique ces paroles: "Celui qui habite dans Jérusalem ne sera point ébranlé," représentez-vous le bonheur de la cité des cieux. Ceux qui y sont entrés, sont à l'abri de toutes les épreuves, et rien ne peut désormais les ébranler, ni les passions, ni les plaisirs, ni les occasions de péché, ni la douleur, ni les souffrances, ni les dangers, tout cela n'existe plus que dans le passé. "Jérusalem est environné de montagnes, et le Seigneur est tout autour de son peuple, maintenant et pour toujours." (Ps 2). Le psalmiste fait ressortir ici la force que la ville de Jérusalem tire de sa situation, mais il ne veut point qu'elle y place sa confiance, et il l'élève jusqu'au secours invincible de Dieu.

12402 2. Il est vrai, dit le psalmiste, les montagnes lui servent de remparts, mais elle n'en a pas moins besoin d'un appui tout divin pour la rendre imprenable, comme l'indique plus clairement une autre version: "Le Seigneur environne son peuple." C'est-à-dire, ne vous confiez point dans la hauteur des montagnes, ce qui rend cette ville imprenable, le voici: "Dieu ne permettra pas que le sceptre des impies s'appesantisse sur l'héritage des justes." (Ps 3). Il leur fait connaître la véritable cause qui portera Dieu à venir à leur secours et qui doit être le légitime objet de leur confiance; quelle est-elle? Dieu ne permettra pas que les biens des justes passent entre les mains des pécheurs. Le but du psalmiste est de leur inspirer une vive confiance dans le secours de Dieu, et la persévérance dans la vertu, s'ils veulent jouir à jamais de sa Protection et conserver les biens qu'Il leur a rendus. Il leur apprend ainsi que la tranquille possession de ces biens, dépend uniquement d'eux. Le sceptre des pécheurs c'est la domination de leurs ennemis. Voici donc le sens de ces paroles: Dieu ne permettra pas qu'ils retiennent l'héritage des justes. Il l'a permis pour un temps, afin de les corriger, de les châtier, de les instruire. "De peur que les justes n'étendent leurs mains vers l'iniquité." Une autre version porte: "C'est pour cette raison que les justes n'étendront point les mains vers l'iniquité." Quelle est cette raison? Celle qui vient d'être indiquée, parce que Dieu se déclarera leur défenseur, leur vengeur, et qu'Il chassera et repoussera leurs ennemis de leurs possessions. En d'autres termes, les justes châtiés par les épreuves, et rendus meilleurs par les biens qui leur seront rendus, persévéreront dans la vertu, et cette double leçon les empêchera de porter leurs mains vers l'iniquité. Tout ce qui leur est arrivé avait donc pour fin le plus grand bien de leur âme, l'adversité devait les corriger de leurs vices, et les biens qui leur furent donnés, leur inspirer une nouvelle ardeur pour Dieu.
"Faites du bien, Seigneur, à ceux qui sont bons, et qui ont le coeur droit." (Ps 4). Suivant une autre version: "Accordez tes bienfaits." "Mais pour ceux qui se détournent dans des voies obliques, le Seigneur les joindra à ceux qui commettent l'iniquité." (Ps 15). Vous voyez qu'en toute circonstance, il dépend de nous dans le principe, d'obtenir les faveurs de Dieu ou d'encourir ses châtiments. Cependant, malgré la part que Dieu nous laisse prendre, sa Bonté n'en brille pas avec moins d'éclat, et sa libéralité à notre égard est bien supérieure à tout ce que nous pouvons faire. S'agit-il de nous punir de nos fautes, Il le fait avec la plus grande modération, tandis qu'Il nous récompense de nos bonnes actions bien au-dessus de ce qu'elles méritent. Les coeurs droits dont parle le psalmiste sont les coeurs ennemis de la dissimulation et de l'artifice, les âmes sans fard et sans détour. Telle
est aussi la vertu, simple et droite, tandis que le vice aime à suivre des voies détournées, toujours diverses et sans issue. Un exemple éclaircira cette vérité. Voyez celui qui cherche à mentir et à ourdir des manoeuvres artificieuses, que d'expédients, que de tentatives variées, que de discours trompeurs, quelle abondance de paroles ! Au contraire, celui qui dit la vérité n'éprouve ni peine ni difficulté, il n'y a chez lui ni dissimulation, ni feinte, ni rien de semblable, car la vérité brille de son éclat naturel. Les corps qui n'ont point la beauté en partage, ont recours à mille ruses, à mille artifices pour déguiser leur laideur naturelle; ceux au contraire à qui la nature a donné cette beauté, brillent d'eux mêmes sans avoir besoin d'un éclat emprunté. Ainsi en est-il de la vérité et du mensonge, de la vertu et du vice. Il résulte de là que le vice avant même d'être puni, porte avec lui son châtiment, et qu'avant le prix que Dieu lui destine; la vertu reçoit ici-bas sa récompense.
Oui, comme la vertu trouve en elle même le prix de ses efforts avant la couronne des cieux, le vice trouve en lui un châtiment qui devance le supplice éternel. Et quel supplice plus cruel que le péché? Aussi, saint Paul parlant de ceux qui se livrent à des actes infâmes, déshonorent en eux-mêmes la fleur de l'âge, et outragent les lois de la nature, déclare que c'est là leur plus grand supplice, avant même le châtiment qui les attend. "Les hommes s'abandonnant avec les hommes à des turpitudes, et recevant en eux-mêmes la récompense due à leur égarement." (Rm 1,27). Cette récompense de leur péché, ce sont leurs infamies et leurs désordres. "Que la paix soit sur Israël." Le psalmiste termine par une prière, telle est la conduite ordinaire des saints; à l'exhortation, aux conseils ils joignent la prière pour faire descendre sur ceux qu'ils ont instruits le puissant secours du ciel. Or, la paix qu'il leur souhaite n'est point la paix extérieure, mais une paix d'un ordre plus élevé. Le psalmiste indique quelle en est l'origine; et il demande à Dieu que l'âme ne se divise pas contre elle-même en favorisant la guerre intérieure que lui font les passions. Cherchons nous-mêmes cette paix, afin de pouvoir obtenir les biens qui nous sont promis, par la Grâce et la Bonté de notre Seigneur Jésus Christ, à qui soit la gloire et le règne dans les siècles des siècles. Amen.




Chrysostome, Psaumes 122