Gloires de Marie - EXEMPLE

PRIÈRE

O Marie, Mère de mon Dieu et ma souveraine Maîtresse , tel que se Présenterait à une grande reine un misérable tout couvert de plaies et de souillures, tel je me présente à vous, qui êtes la Reine du ciel et de la terre du haut de ce trône glorieux où vous êtes assise, ne dédaignez pas, je vous en supplie, d’abaisser vos regards sur ce pauvre pécheur. Dieu vous a rendue riche comme vous l’êtes, pour que VOUS secouriez les pauvres, et il vous a établie Reine de miséricorde pour vous mettre à même de soulager les misérables: regardez-moi donc, et prenez compassion de moi ; regardez-moi et ne m’abandonnez pas que vous ne m’ayez changé de pécheur en saint. Je reconnais que je ne mérite rien, ou plutôt, en punition de mon ingratitude, je mériterais de me voir dépouillé de toutes les grâces qui me sont venues du Seigneur par voire entremise ; heureusement, la Reine de miséricorde ne va pas cherchant des mérites, mais des misères ; tout son désir est de secourir les nécessiteux ; et qui est plus pauvre et plus nécessiteux que moi ? O glorieuse Vierge, je sais que vous êtes la Reine du monde, et par conséquent ma Reine ; je veux me consacrer à votre service d’une manière plus spéciale, et vous laisser disposer de moi comme il vous plaît. Je vous dis donc avec saint Bonaventure: Gouvernez-moi, ô ma Reine, et ne me laissez pas à moi-même ; commandez-moi, employez-moi selon votre gré, et même châtiez-moi, quand je ne vous obéis point ; oh ! combien me seront salutaires les châtiments de votre main ! J’estime plus l’honneur de vous servir que celui de commander à toute la terre. JE SUIS À VOUS, SAUVEZ-MOI. Recevez-moi au nombre des vôtres, ô Marie, et, comme tel, pensez à me sauver. Non, je ne veux plus m’appartenir à moi-même, je me donne à vous. Et si dans le passé je vous ai mal servie, ayant laissé échapper tant d’occasions de vous honorer, je veux désormais m’unir à vos serviteurs les plus affectionnés et les plus fidèles. Je ne veux pas qu’à partir de ce jour personne vous honore et vous aime plus que moi, ô mon aimable Reine. Je vous le promets, et cette promesse j’espère la tenir avec votre secours. Amen.


II  Combien notre confiance en Marie doit être plus grande encore, parce qu’elle est notre Mère




Les serviteurs de Marie se plaisent à l’appeler leur Mère ; ils ne savent même, ce semble, l’invoquer sous un autre titre jamais ils ne se lassent de la nommer ainsi. Ce n’est pas au hasard ni sans motif, car elle est bien réellement leur Mère. Marie est notre Mère à tous, non pas selon la chair, mais selon l’esprit : elle est la Mère de nos âmes et de notre salut.

Le péché avait dépouillé nos âmes de la grâce divine qui est leur vie, et les avait livrées à la plus déplorable des morts. Dans l’excès de sa miséricorde et de son amour, Jésus, notre Rédempteur, vint à nous et nous rendit, au Prix de sa mort sur la croix, la vie que nous avions perdue : Je suis venu, a-t-il dit lui-même, afin que mes brebis aient la vie, et qu’elles l’aient plus abondamment. Il dit : Plus abondamment, car, selon les théologiens, Jésus-Christ nous apporta plus de bien en nous qu’Adam ne nous avait causé de mal par son péché. Ainsi, en nous réconciliant avec Dieu, Jésus est devenu, sous le régime de la loi de grâce, le Père de nos âmes ; c’est là ce qu’Isaïe avait prédit, en l’appelant le Père du siècle futur, le Prince de la paix. Or, si Jésus-Christ est le Père de nos âmes, Marie en est la Mère ; car, en nous donnant Jésus, elle nous a donné la véritable Vie, et, en offrant ensuite sur le Calvaire la vie de son Fils pour notre salut, elle nous a enfantés à la vie de la grâce.

Ce fut donc en deux circonstances, comme nous l’apprennent les saints Pères, que Marie devint notre Mère spirituelle.

Ce fut premièrement quand elle conçut dans son sein virginal le Fils de Dieu ; tel est l’enseignement du bienheureux Albert le Grand ; et saint Bernardin de Sienne nous l’explique en ces termes : Quand Marie, instruite par l’Ange des desseins de Dieu sur elle, donna le consentement que le Verbe éternel attendait pour devenir son Fils, elle demanda en même temps à Dieu, avec un amour immense, le salut du genre humain, et elle se dévoua tellement à l’oeuvre de notre rédemption que, comme la plus tendre des mères elle nous porta tous dès lors dans les entrailles de sa charité.

Dans le récit de la naissance de notre Sauveur, saint Luc dit que Marie mit au monde son premier-né. Cela fait supposer, observe un auteur, qu’elle a eu d’autres enfants après celui-là ; mais, continue-t-il, puis qu’il est de foi que la Vierge n’a pas eu, selon la chair, d’autres enfants que Jésus-Christ, il s’ensuit qu’elle a dû en avoir selon l’esprit, et c’est nous tous. Cette explication fut révélée par le Seigneur lui-même à sainte Gertrude : lisant un jour dans l’Évangile le passage en question, elle en fut troublée ; elle ne pouvait comprendre comment Jésus-Christ peut s’appeler le premier-né d’une Mère dont il est le Fils unique ; or, Dieu lui fit comprendre que Jésus est le premier-né de Marie selon la chair, et les autres hommes ses puînés selon l’esprit.

Ainsi s’entend encore ce qui est dit de la bienheureuse Vierge dans les Cantiques : Votre sein est comme un monceau de froment, tout environné de lis. Saint Ambroise commente ces paroles en disant que, dans le sein très pur de Marie, il n’y eut qu’un seul grain, à savoir Jésus-Christ, lequel est néanmoins comparé à un monceau de froment, parce que dans ce seul grain étaient renfermés tous les élus, dont Marie devait être aussi la Mère. La même pensée est ainsi exprimée par l’abbé Guillaume En mettant au monde Jésus-Christ, notre Sauveur et notre Vie, Marie nous a tous enfantés au salut et à la vie.

En second lieu, Marie nous a enfantés à la grâce sur le Calvaire, lorsque, d’un coeur brisé par la douleur, elle offrit au Père éternel pour notre salut la vie de son Fils bien-aimé. Saint Augustin affirme en effet qu’en contribuant alors par sa charité à faire naître les fidèles à la vie de la grâce, Marie devint notre Mère à tous, la Mère spirituelle de tous les membres du corps mystique de Jésus-Christ. Et c’est dans ce sens qu’on applique à la bienheureuse Vierge ces mots des Cantiques : Ils m’ont placée comme gardienne dans les vignes, et je n’ai pas gardé ma propre vigne. Car, dans son désir de sauver nos âmes, Marie consentit à sacrifier, à livrer à la mort son propre Fils : En vue du salut d’un grand nombre d’âmes, dit Guillaume, elle a abandonné son âme propre à la mort. Or, l’âme de Marie, n’était-ce pas son Jésus? n’était-il pas la vie et l’unique amour de sa Mère? Saint Siméon avait donc raison de prédire à cette tendre Mère qu’un jour son âme bénie serait transpercée d’un glaive cruel ; ce glaive fut la lance qui perça le côté de Jésus, ci je le répète, Jésus était l’âme de Marie. Eh bien ! ce fut en ce moment que, par ses douleurs, elle nous enfanta à la vie éternelle, et dès lors tous nous pouvons nous dire les enfants des douleurs de Marie. Cette Mère très aimante fut toujours parfaitement unie à la volonté de Dieu ; c’est pourquoi, voyant le Père porter l’amour envers nous jusqu’à vouloir sacrifier son Fils à notre salut, et le Fils nous aimer jusqu’à vouloir mourir pour nous, elle conforma son amour envers le genre humain à l’amour excessif du Père et du Fils ; et ce fut de tout coeur que, pour nous voir sauvés, elle consentit à la mort de son Fils. C’est la pensée de saint Bonaventure Il ne faut nullement douter, écrit-il, que Marie n’ait voulu, elle aussi, livrer son Fils pour le salut du genre humain, afin que la Mère fût de toute façon la fidèle imitatrice du Père.

Il est vrai que Jésus a voulu être seul à mourir pour la rédemption du genre humain, et, selon l’expression d’Isaïe, à fouler le vin de notre salut ; néanmoins, ayant égard à l’ardent désir qui pressait Marie de coopérer de son côté à ce grand ouvrage, il décida queue y prendrait part en l’offrant, lui, Jésus, à l’autel du sacrifice, et qu’ainsi elle deviendrait la Mère de nos âmes. Ce mystère nous fut dévoilé par notre Sauveur lui-même : sur le point d’expirer, il abaissa ses regards sur sa Mère et sur son disciple saint Jean, tous deux debout au pied de sa croix, et dit d’abord à Marie : Ecce filius tuus, " voilà votre fils ". C’est comme s’il eût dit : Voilà l’homme que vous venez de faire naître à la grâce en offrant ma vie pour son salut. S’adressant ensuite au disciple : Ecce Mater tua, lui dit-il, " voilà votre Mère ". Par ces paroles, remarque saint Bernardin, Jésus donnait Marie pour mère, non pas au seul saint Jean, mais à tous les hommes, en raison de son amour pour eux. Et c’est là, selon Silveira, le motif pour lequel saint Jean, qui rapporte lui-même ce fait dans son Évangile, se désigne sous le nom commun de disciple : Jésus dit au disciple Voilà votre Mère ; le Sauveur ne parlait donc pas à Jean, mais au disciple ; c’est-à-dire qu’en lui il voyait tous ceux qui, par la foi, sont ses disciples ; et c’était à eux tous qu’il donnait Marie pour Mère.

Je suis la Mère du bel amour, dit Marie. Elle parle ainsi, observe un auteur, parce que son amour pour nos âmes les rend belles aux yeux de Dieu, et l’engage elle-même à nous adopter avec toute la tendresse d’une mère. Et quelle mère, s’écrie saint Bonaventure, quelle mère aime ses enfants et prend soin de leur bien-être, comme vous, ô très douce Reine, vous nous aimez et veillez sur tous nos intérêts?

Heureux ceux qui vivent sous la protection d’une Mère si aimante et si puissante ! Bien qu’au temps de David Marie ne fut pas encore née, cependant, au dire de saint Augustin, ce prophète demandait déjà à Dieu de le sauver à titre d’enfant de cette Vierge glorieuse : Sauvez, disait-il, le fils de votre Servante. De quelle servante? demande ce saint Docteur si ce n’est de celle qui a dit : Je suis la Servante du Seigneur? Eh ! s’écrie Bellarmin, qui aura l’audace d’arracher des bras de Marie ses enfants, lorsqu’ils y cherchent un asile contre les poursuites de leurs ennemis ? Quel démon assez furieux, quelle passion assez violente pour les vaincre, s’ils placent leur confiance dans la protection d’une Mère si puissante ? Quand la baleine voit son petit exposé à périr dans une tempête ou à être pris par les pécheurs, elle ouvre la bouche, dit-on, et le reçoit dans son sein. Ce qui est sûr, c’est qu’ainsi fait Marie: quand cette bonne Mère voit ses enfants exposés à de trop grands périls par la violence des tentations, elle les cache avec amour comme dans ses propres entrailles, assure Novarin, les y tient à l’abri du danger, et ne cesse de les garder jusqu’à ce qu’elle les ait mis en sûreté dans le port du salut.

O Mère pleine de tendresse ! ô Mère pleine de bonté ! soyez à jamais bénie ! et béni soit à jamais le Dieu qui vous a donnée à nous pour Mère, et pour refuge assuré contre tous les hasards de cette vie ! -- Dans une révélation faite par elle-même à sainte Brigitte, la très sainte Vierge s’est comparée à une mère qui, voyant son fils entre les épées de ses ennemis, n’épargnerait aucun effort pour lui sauver la vie. C’est ainsi que j’agis, ajouta-t-elle, et que j’agirai toujours en faveur de mes enfants, quelque coupables qu’ils soient, pourvu qu’ils invoquent mon secours. Voilà donc le moyen de vaincre l’enfer, et de le vaincre à coup sûr, dans tous les combats qu’il nous livre nous n’avons qu’à recourir à celle qui est la Mère de Dieu et la nôtre, en disant et en répétant sans cesse Je me réfugie sous votre protection, ô sainte Mère de Dieu ! -- Combien de victoires les fidèles n’ont-ils pas remportées sur l’enfer par cette courte mais puissante prière ! C’est par ce moyen qu’une grande servante de Dieu, la soeur Marie-Crucifiée, bénédictine, triomphait toujours des démons.

Courage donc, ô vous qui êtes les enfants de Marie et nous savons qu’elle reçoit pour ses enfants tous ceux qui désirent l’être ; courage et confiance ! Pouvez-vous craindre de périr, défendus et protégés comme vous l’êtes par une telle Mère?. Voici ce que doit se dire, à la suite de saint Bonaventure, quiconque aime cette bonne Mère et se met sous sa protection : Ô mon âme ! que crains-tu ? tu ne saurais perdre la cause de ton salut éternel, puisque la sentence est laissée à la décision de Jésus, qui est ton Frère, et de Marie, qui est ta Mère. - La même pensée remplissait saint Anselme d’une joie qu’il nous communique en s’écriant : Ô heureuse confiance ! ô refuge assuré ! la Mère de Dieu est ma Mère ; avec quelle certitude ne devons-nous pas espérer, puisque l’affaire de notre salut est entre les mains d’un Frère si bon et d’une Mère si compatissante !

Ecoutons donc la voix de notre Mère, qui nous appelle : Si quelqu’un est petit et faible comme un enfant, nous crie-t-elle, qu’il vienne à moi. Les enfants ont toujours à la bouche le nom de leur mère ; et, dans tous les dangers qui les menacent, à la moindre crainte qui les saisit, on les entend aussitôt s’écrier : Ma mère ! ma mère ! - Ah ! douce Marie, ah ! douce Mère, c’est là précisément ce que vous désirez de nous: vous désirez que, comme vos enfants, nous vous appelions à notre secours dans tous les périls parce que vous voulez nous protéger et nous sauvez, ainsi que vous avez toujours fait quand vos enfants ont eu recours à vous.




EXEMPLE

L’histoire des fondations de la Compagnie de Jésus au royaume de Naples rapporte ce qui suit d’un jeune gentilhomme écossais, nommé Guillaume Elphinstone, et parent du roi Jacques. Né dans l’hérésie, il en suivait les fausses doctrines ; mais, éclairé d’une lumière divine qui lui faisait entrevoir son erreur, il vint en France, où, grâce aux instructions d’un bon père jésuite, aussi écossais, grâce surtout à l’intercession de la bienheureuse Vierge, il connut enfin la vérité abjura l’hérésie, et se fit catholique. Il passa ensuite à Rome. Là, un de ses amis, le voyant un jour fort affligé et tout en pleurs, lui en demanda la cause. Le jeune homme répondit que, pendant la nuit sa mère lui était apparue et lui avait dit : Mon fils, que tu es heureux d’être entré dans le sein de la véritable Église ! pour moi, ayant eu le malheur de mourir dans l’hérésie, je suis à jamais perdue ! Dès lors, il redoubla de ferveur dans la dévotion à Marie, qu’il choisit pour son unique Mère ; elle lui inspira la pensée d’embrasser la vie religieuse, et il en fit le voeu.

Cependant, comme il était malade, il se rendit à Naples espérant que le changement d’air rétablirait sa santé ; mais le Seigneur voulait qu’il y mourût; et qu’il mourût religieux. Peu après son arrivée en cette ville, sa maladie ayant été jugée mortelle, il obtint des pères jésuites, à force derrières et de larmes, son admission dans leur Ordre ; et lorsqu’il reçut le Viatique, il prononça ses voeux en présence du saint sacrement, et fut déclaré membre de la Compagnie.

Ainsi consolé, il attendrissant tout le monde par la vive effusion avec laquelle il remerciait Marie, sa bonne Mère, de l’avoir arraché à l’hérésie, ramené dans le sein de la véritable Église, et conduit enfin dans la maison de Dieu, pour y mourir au milieu des religieux ses frères. " Oh ! s’écriait-il, quelle gloire de mourir environné de tous ces anges " ! Comme on l’exhortait à prendre un peu de repos, il répondit : " Ah ! ce n’est pas le moment de me reposer, maintenant que la fin de ma vie approche ". Au moment de mourir, il dit à ceux qui étaient présents : " Mes frères, ne voyez-vous pas ici les anges du ciel qui m’assistent " ? Un des religieux, l’ayant entendu prononcer quelques mots à voix basse, lui demanda ce qu’il disait. Il répondit que son ange gardien lui avait révélé qu’il n’aurait que fort peu de temps à passer en purgatoire, et qu’il entrerait bientôt dans le ciel. Il reprit ensuite ses doux entretiens avec Marie, sa Mère bien-aimée ; et, en répétant Ma Mère ma Mère " ! comme un enfant qui s’endort dans les bras de sa mère, il expira paisiblement. Peu après, un saint religieux sut par révélation qu’il était déjà en paradis.




PRIÈRE

O Marie, ma très sainte Mère, comment est-il possible qu’ayant une Mère si sainte, je sois si pervers ; qu’ayant une Mère si embrasée d’amour pour Dieu, je sois si attaché aux créatures ; qu’ayant une Mère si riche de vertus, j’en sois si dénué ? Ah ! ma très aimable Mère, il est vrai, je ne mérite plus d’être appelé votre enfant, je m’en suis rendu trop indigne par ma mauvaise vie ; je serai content si vous daignez me recevoir au nombre de vos serviteurs ; pour être compté parmi les derniers de vos serviteurs, bien volontiers je donnerais tous les royaumes de la terre. Oui, je serai content, si vous m’accordez cette grâce ; cependant, ne me refusez pas celle de vous appeler ma Mère ce nom me console, me touche le coeur, et me rappelle l’obligation où je suis de vous aimer ; ce nom m’inspire une grande confiance en vous ; quand le souvenir de mes péchés et de la justice divine me remplit de terreur, je me sens fortifié et tout rassuré par la pensée que vous êtes ma Mère. Permettez-moi donc de vous dire: Ma Mère, ma très aimable Mère ! C’est ainsi que je vous appelle et veux toujours vous appeler. Après Dieu, vous devez être en tout temps dans cette vallée de larmes, mon espérance, mon refuge et mon amour. J’espère mourir dans ces sentiments, en remettant, à mon dernier soupir, mon âme entre vos mains bénies, et en vous disant: Ma Mère Marie, Marie ma Mère assistez-moi, ayez compassion de moi. Amen.

III  Combien est grand l’amour que nous porte Marie, notre Mère




Après avoir établi que Marie est notre Mère, il est juste de considérer à quel point elle nous aime. L’amour des parents envers leurs enfants est un amour nécessaire ; c’est pour cette raison, suivant la remarque de saint Thomas, que la loi divine, qui impose aux enfants l’obligation d’aimer leurs parents, ne fait point aux parents un précepte formel d’aimer leurs enfants. La nature a si profondément implanté dans les entrailles de tout être vivant l’amour de sa progéniture, que, comme le dit saint Ambroise, les bêtes même les plus sauvages ne peuvent s’empêcher d’aimer leurs petits. On raconte même qu’aux cris de leurs petits, embarqués par les chasseurs, les tigres se jettent à la mer, et suivent le vaisseau à la nage jusqu’à ce qu’ils le rejoignent. Si donc, nous dit notre tendre Mère Marie, si les tigres mêmes aiment tant leurs petits, comment pourrais-je, moi, cesser de vous aimer, d’aimer mes enfants? Une mère peut-elle oublier son enfant, et perdre toute tendresse à l’égard du fruit de ses entrailles ? mais, quand même elle l’oublierait, moi, je ne l’oublierai point, disait le Seigneur à son peuple ; Marie nous dit la même chose : Non, quand même, par impossible, une mère oublierait son fils, il n’arrivera jamais que je renonce à ma tendresse envers une âme qui est ma fille.

Marie, est notre Mère, comme nous l’avons dit, non par la chair, mais par l’amour : Je suis la Mère de belle dilection. C’est donc uniquement en raison de sa tendresse à notre égard qu’elle est notre Mère et voilà, remarque un auteur, pourquoi elle se glorifie d’être Mère d’amour ; nous ayant adoptés pour ses enfants, elle est toute amour pour nous. Qui pourrait expliquer l’amour que Marie nous porte parmi nos misères ? Selon le même auteur, en assistant à la mort de Jésus-Christ, elle brûlait d’un extrême désir de mourir avec son divin Fils pour l’amour de nous. Ainsi, ajoute saint Ambroise, pendant que le Fils mourait pour nous sur la croix, la Mère se présentait aux bourreaux, toute prête à donner également sa vie pour notre amour.

Mais nous nous ferons une plus juste idée du grand amour de cette bonne Mère envers nous, si nous en considérons les motifs.

Le premier, c’est son immense amour pour Dieu. Selon saint Jean, l’amour de Dieu et celui du prochain, sont l’objet du même précepte : C’est là un commandement que nous avons reçu de Dieu : celui qui aime Dieu, doit aimer aussi son frère ; aussi ces deux amours sont toujours unis, et l’un ne peut grandir sans que l’autre grandisse d’autant. Voyez les saints, qui aimaient Dieu si ardemment, que n’ont-ils pas fait pour le bien du prochain ! Dans leur désir de le sauver, ils en sont venus jusqu’à exposer et sacrifier leur liberté, et même leurs jours. Leurs histoires sont pleines de traits de la plus héroïque charité. Afin de venir en aide aux peuplades barbares de l’Inde, saint François Xavier gravissait en rampant des montagnes escarpées, et allait à travers mille dangers, trouver au fond des cavernes les malheureux qui y vivaient comme des bêtes sauvages, et qu’il voulait amener à Dieu. Dans ses missions aux hérétiques du Chablais, saint François de Sales se hasarda chaque jour, une année durant, à passer une rivière en se cramponnant des mains et des pieds sur une poutre parfois couverte de glaçons, afin d’aller sur l’autre rive prêcher ces obstinés. Saint Paulin se fit esclave, pour rendre à la liberté le fils d’une pauvre veuve ; saint Fidèle de Sigmaringen s’estima heureux de perdre la vie en prêchant la vraie foi à un peuple hérétique. Comment les saints ont-ils pu pousser si loin l’amour du prochain ? C’est qu’ils aimaient Dieu très ardemment. Or, qui l’a plus aimé que Marie? Elle a plus aimé Dieu au premier moment de sa vie, que ne l’ont aimé tous les saints et tous les anges dans tout le cours de leur existence, comme nous le ferons voir au long, en parlant de ses vertus.

D’après une révélation de la bienheureuse Vierge elle-même à la soeur Marie-Crucifiée, le feu dont elle brûle pour Dieu, mettrait en cendres en un instant le ciel et la terre, et, auprès de ses ardeurs, toutes celles des séraphins sont comme le souffle d’un vent frais. Si donc, parmi tous les esprits célestes, aucun n’aime Dieu plus que Marie, nous n’avons ni n’aurons jamais personne, Dieu seul excepté, qui nous aime plus que cette tendre Mère. Quand même on réunirait l’amour de toutes les mères pour leurs enfants, de tous les époux pour leurs épouses, de tous les saints et de tous les anges pour leurs protégés, tous ces amours n’égaleraient point ensemble celui que Marie porte à une seule âme. La tendresse de toutes les mères pour leurs enfants est une ombre en comparaison de celui que Marie porte à chacun de nous, assure Nieremberg ; et elle nous aime, à elle seule, immensément plus que tous les anges et tous les saints ensemble.

Un autre motif pour lequel notre sainte Mère nous aime beaucoup, c’est que nous lui fûmes donnés pour enfants, et recommandés par son bien-aimé Jésus, quand, sur le point d’expirer, il lui dit : Femme, voilà votre Fils. Comme il a été vu plus haut, il lui désignait ainsi tous les hommes dans la personne de saint Jean. Ces paroles furent les dernières que son divin Fils lui adressa en ce monde. Trop précieuses sont les suprêmes recommandations d’une personne chérie aux prises avec la mort, pour qu’on en puisse jamais perdre la mémoire.

De plus, nous sommes des enfants excessivement chers à Marie, parce que nous lui coûtons d’excessives douleurs. Une mère ressent toujours une affection spéciale pour l’enfant auquel elle n’a conservé la vie qu’à force de soins et de peines. Tels sommes-nous à l’égard de Marie : pour nous faire naître à la vie de la grâce, il lui a fallu, - quel supplice pour son coeur ! - il lui a fallu sacrifier elle-même la vie si précieuse de son Jésus, et se résigner à voir de ses yeux ce Fils qui expirait dans les tourments. C’est à ce grand sacrifice de Marie, je le répète, que nous sommes redevables de la vie de la grâce ; sa tendresse pour nous, pour des enfants qui lui ont coûté tant de peines, est donc extrême. Ainsi, ce qui est dit du Père éternel, à savoir, qu’il a aimé les hommes jusque livrer pour eux son Fils unique, nous pouvons, remarque saint Bonaventure, le dire pareillement de Marie : elle nous a aimés, elle aussi, au point de nous donner son Fils unique. Et quand nous le donna-t-elle? Elle nous le donna, répond le père Nieremberg, d’abord, quand elle lui permit d’aller à la mort. Elle nous le donna quand, les autres manquant à leur devoir par haine ou par crainte, elle pouvait bien, elle seule, défendre auprès des juges la vie de son Fils. Ne doit-on pas croire, en effet, que les paroles d’une mère si sage, si tendre à l’égard de son Fils, eussent pu faire assez d’impression, du moins sur Pilate, pour le dissuader de condamner à mort un homme dont il avait lui-même reconnu et proclamé l’innocence? Mais non, Marie ne voulut pas prononcer le moindre mot en faveur de son Fils, afin de ne pas s’opposer à sa mort, à laquelle notre salut était attaché.

Elle nous le donna enfin, elle nous le donna mille et mille fois, pendant ces trois heures qu’elle passa au pied de la croix veillant sur l’agonie de son Fils. Oui, autant d’instants il y eut dans ces trois heures, autant de fois elle fit pour nous, avec une douleur extrême et un extrême amour envers nous, le sacrifice de son Jésus. Et, selon saint Anselme et saint Antonin, telle était sa constance, qu’au défaut des bourreaux, elle l’eût crucifié elle-même pour obéir au Père éternel, qui voulait nous sauver par la mort de son Fils. Et, en effet, si Abraham eut la force de consentir à immoler son Fils de sa propre main, nous ne devons pas en douter, bien plus sainte et plus obéissante qu’Abraham, Marie eût accompli le sacrifice avec plus de courage encore.

Mais, pour revenir à notre sujet, combien de reconnaissance ne devons-nous pas à Marie en retour d’un acte d’amour si généreux, je veux dire, du douloureux sacrifice qu’elle a fait de la vie de son Fils unique, afin de nous voir tous sauvés ! Magnifique fut le prix dont le Seigneur récompensa le sacrifice qu’Abraham avait voulu lui faire de son fils Isaac ; mais nous, que pouvons-nous rendre à Marie pour nous avoir réellement sacrifié la vie de son Jésus, Fils bien plus auguste et bien plus aimé que le fils d’Abraham? Cet amour de Marie nous impose une grande obligation de l’aimer ; car, selon la remarque de saint Bonaventure, jamais créature ne nous aimera à l’égal de Celle qui nous a abandonné son unique Fils, un Fil, qui lui était plus cher que sa propre vie.

De là pour Marie un nouveau motif qui la presse de nous aimer: elle considère en nous le prix auquel Une nous fûmes achetés, la mort de Jésus-Christ. Une reine qui aurait un serviteur racheté par son fils chéri au prix de vingt années de prison et de souffrances, combien, à ce seul point de vue, n’estimerait-elle pas ce serviteur ! Marie sait que son Fils est venu en ce monde à l’unique fin de nous arracher à notre misère, ainsi qu’il l’a déclaré lui-même : Le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu ; elle sait que, pour nous racheter, il a bien voulu donner jusqu’à son sang, et s’est fait obéissant jusqu’à la mort. Nous aimer peu après cela, ce serait, de la part de Marie, faire peu de cas du sang versé par son Fils pour notre rançon. Il fut révélé à la vierge sainte Elisabeth, qu’à partir de son entrée dans le temple, la vie de Marie fut une prière incessante pour qu’il plût à Dieu d’envoyer sans retard son Fils au secours du monde perdu ; or, nous devons le penser, elle nous aime bien plus encore, depuis qu’elle a vu son Fils nous priser si haut, et payer si cher notre délivrance.

Et, comme tous les hommes ont été rachetés par Jésus-Christ, Marie les aime et ne refuse à aucun ses faveurs. C’est d’elle qu’il s’agit dans ce passage de l’Apocalypse : Un grand signe parut dans le ciel: une Femme revêtue du soleil. Elle fut montrée ainsi à saint Jean, pour signifier que comme, selon le psaume, il n’est personne sur la terre qui échappe à la chaleur du soleil, de même nul homme vivant n’est exclu de la tendresse de Marie. C’est l’explication de l’Idiot : Par la chaleur du soleil, dit-il, il faut entendre ici l’amour de Marie. Eh ! s écrie saint Antonin, qui pourrait comprendre la sollicitude de cette tendre Mère envers chacun de nous? Elle ouvre à tous le sein de sa miséricorde, à tous elle prodigue ses bienfaits. Car elle a désiré le salut de tous les hommes et contribué au salut de tous. Il est certain, dit saint Bernard, qu’elle s’est vivement intéressée au bien du genre humain tout entier. On voit par là combien est utile la pratique familière à plusieurs serviteurs de Marie, de prier le Seigneur qu’il leur accorde les grâces dont la bienheureuse Vierge lui fait pour eux la demande. Or, cette manière de prier est fondée en raison, remarque Cornelius a Lapide, car notre céleste Mère nous souhaite des biens plus excellents que nous n’en pouvons nous-mêmes désirer. Et, comme l’assure le pieux Bernardin de Bustis, Marie est plus empressée à nous combler de ses bienfaits, à nous dispenser des grâces, que nous-mêmes à les recevoir. Aussi le bienheureux Albert le Grand lui applique-t-il ces paroles de la Sagesse : Elle prévient ceux qui la désirent, et elle se montre à eux la première. Oui, Marie, elle aussi, prévient ceux qui recourent à elle, de sorte qu’ils la trouvent avant de l’avoir cherchée. Telle est à notre égard la tendresse de cette bonne Mère, ajoute Richard, qu’à la première vue de nos besoins et avant même d’être invoquée par nous, elle vient à notre secours.

Mais si Marie est si bonne envers tout le monde, sans en excepter les ingrats qui l’aiment peu et qui sont négligents à l’invoquer, combien plus tendre sera-t-elle à l’égard de ceux qui l’aiment sincèrement et l’invoquent fréquemment ? Ceux qui l’aiment la découvrent aisément, et ceux qui la cherchent la trouvent. Oh ! s’écrie le même bienheureux Albert, qu’il est facile à qui aime Marie de la trouver et de faire l’heureuse expérience de sa bonté, de son amour ! J’aime ceux qui m’aiment, dit-elle par la bouche du Sage. Or, bien que cette très aimante Souveraine aime tous les hommes comme ses enfants, elle sait néanmoins distinguer ceux qui l’aiment davantage, assure saint Bernard, et elle a pour eux des tendresses de choix. Selon l’Idiot, quand une âme est assez heureuse pour brûler ainsi de l’amour de Marie, celle-ci ne se contente pas de la chérir, elle s’abaisse jusqu’à la servir : Trouver la Vierge Marie, dit-il, c’est trouver tous les biens, car elle aime ceux qui l’aiment, elle sert même ceux qui la servent".

Il est question, dans les chroniques des Dominicains, d’un frère nommé Léodat, qui avait coutume de se recommander deux cents fois le jour à cette Mère de miséricorde. Quand il fut sur le point de mourir, il vit tout à coup près de son lit une reine d’une merveilleuse beauté, qui lui dit : " Léodat, voulez-vous mourir, et venir auprès de mon fils et de moi " ? Il répondit : " Mais, qui êtes-vous " ? Et la sainte Vierge reprit : " Je suis la Mère de miséricorde, que vous avez tant de fois invoquée ; me voici venue pour vous prendre avec moi, allons-nous-en en paradis ". Léodat mourut ce jour-là même ; et, comme il y a tout lieu de le croire, il alla rejoindre Marie au séjour des Élus.

O douce Marie ! heureux celui qui vous aime ! Le saint frère Jean Berchmans, de la Compagnie de Jésus, disait : " Si j’aime Marie, je suis assuré de la persévérance, et j’obtiendrai de Dieu tout ce que je désire ". Aussi, le pieux jeune homme ne se lassait pas de renouveler sa résolution de l’aimer ; il répétait souvent en lui-même Je veux aimer Marie ! Je veux aimer Marie " !

Oh ! combien cette bonne Mère surpasse en amour tous ses enfants ! Qu’ils l’aiment autant qu’ils le pourront, jamais, dit saint Ignace martyr, jamais ils ne l’égaleront en amour.

Qu’ils l’aiment dons autant qu’un saint Stanislas Kostka, dont la tendresse pour ça céleste Mère était si vive, qu’à l’entendre seulement parler d’elle, on se sentait le désir de l’aimer aussi. Il avait imaginé des expressions nouvelles et de nouveaux titres pour l’honorer. Il ne commençait aucune action, sans s’être tourné d’abord vers une image de Marie pour demander sa bénédiction. Quand il récitait en son honneur l’office, le rosaire, ou d’autres oraisons, c’était avec le sentiment, l’expression d’une personne qui parlerait face à face avec Marie. Entendait-il chanter le Salve Regina, l’embrasement de son coeur colorait son visage. Comme il allait un jour visiter une image de la bienheureuse Vierge avec un père de la Compagnie, celui-ci lui demanda s’il aimait beaucoup Marie : " Mon père, répondit Stanislas, elle est ma Mère ! Que puis-je vous dire de plus " ? Mais, racontait ensuite ce religieux, le saint jeune homme prononça ces mots d’une voix si émue, d’un air si affectueux, d’un coeur si pénétré, qu’on eût dit un ange qui parlait de l’amour de Marie.

Qu’ils l’aiment autant qu’un bienheureux Herman Joseph, qui l’appelait son Épouse d’amour, Marie ayant daigné l’honorer du nom d’époux ; autant qu’un saint Philippe de Néri, qui était tout consolé au seul souvenir de Marie, et qui la nommait ses Délices ; autant qu’un saint Bonaventure, qui, non content de lui donner les titres de Dame et de Mère, osait encore, pour mieux exprimer la tendresse de son affection, l’appeler son Coeur et son Âme.

Qu’ils l’aiment autant que ce grand serviteur de Marie, saint Bernard : il aimait tant cette douce Mère, qu’il l’appelait la Ravisseuse des coeurs : Raptrix cordium ; et, ne sachant comment lui dire l’amour dont il brûlait pour elle, N’est-il pas vrai, lui disait-il, que vous avez ravi mon coeur?

Qu’ils l’appellent leur Amante, comme un saint Bernardin de Sienne, qui allait la visiter chaque jour dans une dévote image ; là il épanchait son coeur dans de tendres colloques avec sa Reine bien-aimée et, quand on lui demandait où il se rendait ainsi tous les jours, il répondait qu’il allait trouver son Amante.

Qu’ils l’aiment autant qu’un saint Louis de Gonzague, qui brûlait continuellement d’un si grand amour envers Marie : rien qu’à entendre le nom si doux de cette Mère chérie, il sentait son coeur tout embrasé ; la flamme qui le consumait apparaissait à l’extérieur ; son visage en rougissait et attirait tous les regards.

Qu’ils l’aiment autant qu’un saint François Solano, qui semblait transporté d’une sainte folie d’amour envers Marie ; parfois, devant une de ses images, on le voyait qui chantait en s’accompagnant d’un instrument de musique ; il voulait, disait-il, à l’imitation des amants du monde, donner une sérénade à la Reine de son coeur.

Qu’ils l’aiment comme l’ont aimée un si grand nombre de ses serviteurs, qui croyaient n’avoir jamais assez fait pour lui témoigner leur amour. - Le père Jean de Trexo, de la Compagnie de Jésus, prenait plaisir à s’appeler l’esclave de Marie, et, en signe de sa servitude, il allait souvent la visiter dans une de ses églises ; là, que faisait-il ? à peine arrivé, il se livrait tellement aux tendres émotions de son amour pour Marie qu’il arrosait l’église de ses larmes, puis les essuyait avec la langue et le visage, baisant mille fois le pavé, tant il était touché de se trouver dans la maison de sa chère Dame. - En récompense de sa dévotion, le père Jacques Martinez, de la même Compagnie, se voyait porté au ciel par les anges, en chacune des fêtes de Notre-Dame, pour être témoin de la pompe avec laquelle elles s’y célèbrent. Il avait coutume de dire Je voudrais avoir tous les coeurs des anges et des saints, afin d’aimer Marie comme ils l’aiment; je voudrais avoir les vies de tous les hommes, pour les consacrer toutes à l’amour de Marie ".

Qu’ils parviennent à l’aimer autant que l’aimait Charles, fils de sainte Brigitte ; rien au monde, assurait-il, ne le réjouissait comme de savoir combien Marie est aimée de Dieu. "Et, disait-il encore, si la grandeur de Marie pouvait subir quelque amoindrissement, de bon coeur je souffrirais n’importe quelle peine pour lui épargner cette perte ; il y a plus si la gloire de Marie m’appartenait, j’y renoncerais en sa faveur, sachant qu’elle en est incomparablement plus digne que moi".





Nous qui traduisons notre Bienheureux Père, pourquoi n’ajouterions-nous pas :

Qu’ils l’aiment autant qu’un saint Alphonse-Marie de Liguori, fondateur de la Congrégation du très saint Rédempteur, lequel sera dorénavant cité avec les Bernard, les Bonaventure, les Anselme, parmi les plus fidèles et les plus zélés serviteurs de cette glorieuse Vierge.

Encore enfant, il passait déjà des heures entières dans une oraison extatique devant l’image de la Madone. Ce fut à ses pieds que, résolu de quitter le monde, il déposa son épée. Il s’obligea par voeu à réciter chaque jour le chapelet et à prêcher tous les samedis les gloires de Marie.

Il récitait l’Ave Maria à tous les quarts d’heure il jeûnait tous les samedis et la veille de toutes les fêtes de la Vierge, s’abstenant alors de toute boisson et se contentant d’un morceau de pain pour toute nourriture.

Jusque dans son extrême vieillesse il se plaisait à appeler Marie sa Mère : " Le démon a voulu me jeter dans le désespoir, disait-il au sortir d’une violente tentation ; mais ma Mère Marie m’a secouru, je n’ai pas offensé Dieu Il aspirait à tenir après Dieu la première place parmi ceux qui aiment la Reine du ciel ; le nom béni de Marie se retrouve presque à toutes les pages de ses nombreux ouvrages, sans compter le livre des Gloires, le plus beau peut-être que l’on ait composé sur ce sujet.

Enfin, il fit un précepte spécial aux membres de son Ordre de professer un amour filial envers la divine Mère.

De son côté, Marie sut bien faire éclater sa tendresse envers son cher Alphonse. Elle le guérit subitement d’une maladie mortelle occasionnée par un excès de travail.

Elle lui apparaissait fréquemment dans une grotte où il se livrait à la prière et à la pénitence, et lui donnait conseil sur tout ce qui concernait la Congrégation fondée par lui.

A plusieurs reprises, elle se montra à lui et le ravit tandis qu’il prêchait et s’efforçait d’animer ses nombreux auditeurs à la confiance envers elle.

Elle lui apparut encore deux fois la veille de sa mort, comme il l’en avait priée tant de fois, et changea son agonie en une douce extase.





Qu’à l’exemple d’Alphonse Rodriguez, ils désirent donner leur vie en preuve de leur amour pour Marie ; qu’à l’imitation du saint religieux François Binans, et de sainte Radegonde, femme du roi Clotaire, ils aillent jusqu’à graver avec une pointe de fer, l’aimable nom de Marie sur leur poitrine, ou bien que, pour rendre l’empreinte plus profonde et ineffaçable, ils l’y impriment à l’aide d’un fer rouge, comme firent dans le transport de leur amour ses dévots serviteurs Jean-Baptiste Archinto et Augustin d’Espinosa, tous deux de la Compagnie de Jésus.

En un mot, qu’ils fassent ou aspirent à faire tout ce qui est possible à un amant désireux de témoigner son affection à la personne qu’il aime : jamais ils n’arriveront à aimer Marie autant qu’elle les aime. Gracieuse Souveraine, s’écriait saint Pierre Damien, je sais qu’en fait d’amour vous l’emportez sur tous ceux qui vous aiment ; vous nous aimez d’un amour qui ne se laisse vaincre par aucun autre amour.

Le saint frère Alphonse Rodriguez, de la Compagnie de Jésus, se trouvant un jour au pied d’une image de Marie, se sentit tellement embrasé d’amour pour cette glorieuse Vierge, qu’il laissa échapper ces paroles : " Ma très aimable Mère, je sais que vous m’aimez; mais vous ne m’aimez pas autant que je vous aime".

Alors Marie, comme blessée en son amour, lui répondit par cette image : " Que dis-tu, Alphonse ? que dis-tu ? oh ! combien mon amour pour toi l’emporte sur ton amour envers moi ! Il y a, sache-le bien, moins de distance entre le ciel et la terre, qu’entre mon amour et le tien ".

Saint Bonaventure a donc raison de s’écrier : Heureux ceux qui aiment et servent fidèlement cette tendre Mère ! - Oui, heureux sont-ils, car cette Reine généreuse ne se laisse jamais vaincre en amour par ses dévots serviteurs ; elle leur rend amour pour amour, dit un auteur, et, à ses faveurs passées, elle en ajoute toujours de nouvelles. Pareille en cela à Jésus, notre très aimant Rédempteur, elle leur paie au double, en les comblant de grâces, l’amour qu’ils ont pour elle.

J’emprunterai donc ici les amoureux accents de saint Anselme et je m’écrierai comme lui : Que mon coeur brûle à jamais, que mon âme se consume tout entière pour vous, ô Jésus, mon bien-aimé Sauveur, et ma chère Mère Marie ! Et, puisque, sans votre grâce, je ne puis vous aimer, ô Jésus et Marie, faites, je vous en supplie par vos mérites, et non par les miens, faites que je vous aime autant que vous le méritez. O Dieu plein d’amour pour les hommes ! vous avez pu mourir pour vos ennemis, et vous pourriez refuser, à qui vous la demande, la grâce de vous aimer, vous et votre sainte Mère?


EXEMPLE

Une pauvre jeune fille chargée de la garde d’un troupeau, aimait tendrement la Vierge Marie, raconte le père Auriemmal ; tout son plaisir était de se rendre sur une montagne, à une petite chapelle de Notre-Dame tandis que ses brebis paissaient à l’entour, elle se retirait dans ce sanctuaire, s’y entretenait avec sa Mère chérie et lui offrait ses hommages. Voyant la petite statue de la sainte Vierge sans ornements, elle entreprit de lui faire un manteau du travail de ses mains ; et un jour, ayant cueilli quelques fleurs dans la campagne, elle en composa une guirlande, monta ensuite sur l’autel, et la mit sur la tête de la statue, en disant : " Ma Mère ! je voudrais poser sur votre front une couronne d’or et de pierreries ; mais, parce que je suis pauvre, recevez de moi cette pauvre couronne de fleurs, et acceptez-la en signe de l’amour que je vous porte ". Cette pieuse bergère ne cessait point de servir et d’honorer ainsi sa Dame bien-aimée.

Voyons maintenant comment, de son côté, la bonne Mère récompensa les visites et l’affection de sa fille. Il arriva que deux religieux passant dans cette contrée, s’arrêtèrent sous un arbre pour se remettre des fatigues du voyage ; l’un s’endormit, pendant que l’autre veillait, et néanmoins tous deux eurent la même vision. Ils virent une troupe de vierges extrêmement belles, au milieu desquelles il s’en trouvait une qui surpassait toutes les autres en beauté et en majesté. L’un deux dit à celle-ci : " Auguste Dame, qui êtes-vous ? et où allez-vous par ce chemin ? -- Je suis, répondit-elle, la Mère de Dieu ; je vais avec ces saintes vierges visiter, au hameau voisin, une jeune bergère qui est sur le point de mourir, et qui m’a rendu visite bien des fois ". Cela dit, la vision disparut ; et aussitôt, les deux serviteurs de Dieu s’écrièrent en même temps : " Allons aussi la voir ". Ils se mirent en chemin, et trouvèrent bientôt l’habitation où était la mourante ; c’était une pauvre chaumière, où, étant entrés, ils la virent couchée sur un peu de paille. Ils la saluèrent, et elle leur dit : " Mes frères, priez Dieu qu’il vous fasse voir la compagnie qui m’assiste ". Ils se mirent à genoux, et aperçurent Marie, qui se tenait à côté de la mourante, avec une couronne en main, et la consolait. Alors, les saintes qui formaient son cortège, se mirent à chanter ; et à ces doux accent l’âme bénie de la pauvre fille s’étant détachée de son corps, Marie lui posa la couronne sur la tête, et la conduisit avec elle en paradis.


PRIÈRE


O douce Souveraine, vous dirai-je avec saint Bonaventure ; vous qui, par les marques de votre amour et par vos bienfaits, ravissez les coeurs de ceux qui vous servent, ravissez aussi mon misérable coeur, qui désire vous aimer beaucoup. Quoi ! auguste Mère, par votre beauté, vous avez touché le coeur d’un Dieu, vous l’avez attiré du ciel dans votre sein; et moi je vivrais sans vous aimer ! Non, certes ; et je dis avec un autre de vos enfants qui vous a tant aimée, le pieux Jean Berchmans : Je suis résolu de ne me donner aucun repos, jusqu’à ce que je sois sûr d’avoir obtenu un amour tendre et constant pour vous, ma Mère, qui m’avez si tendrement aimé, lors même que j’étais ingrat envers vous. Où en serais-je maintenant, ô Marie ! si vous ne m’aviez pas aimé et ne m’aviez obtenu tant de miséricordes ? Si donc vous m’avez tant aimé et favorisé quand je ne vous aimais pas, combien plus dois-je espérer de votre bonté maintenant que je vous aime! Oui, je vous aime, ô ma Mère ! et je voudrais avoir un coeur capable de vous aimer pour tous les malheureux qui ne vous aiment point ; je voudrais avoir une langue capable de vous louer autant que mille langues, pour faire connaître à tout le monde votre grandeur, votre sainteté, votre miséricorde, et votre amour envers ceux qui vous aiment,

Si j’avais des richesses, je voudrais les employer toutes à vous honorer ; si j’avais des sujets, je voudrais leur inspirer à tous voire amour ; je voudrais enfin sacrifier pour votre amour et votre gloire, s’il le fallait, ma vie même. Je vous aime donc, ô ma Mère! mais, en même temps, hélas ! je crains de ne pas vous aimer ; car j’entends dire que l’amour rend ceux qui aiment semblables à la personne aimée. Je dois donc croire que je vous aime bien peu, en me voyant si loin de vous ressembler: vous, si pure, et moi si souillé! vous si humble, et moi si orgueilleux! vous si sainte, et moi si criminel ! Mais, ô Marie, c’est à vous de remédier à mes maux ; montrez-moi votre amour en me rendant semblable à vous. Vous êtes assez puissante pour changer les coeurs ; prenez donc mon coeur et le changez ; faites voir au monde de quelle puissance vous disposez en faveur de ceux que vous aimez ; rendez-moi saint, faites que je sois votre digne enfant. Ainsi j’espère, ainsi soit-il.


IV  Marie est aussi la Mère des pécheurs repentants


La bienheureuse Vierge n’est pas seulement la Mère des âmes justes et innocentes ; elle nourrit encore, comme elle le déclarait un jour à sainte Brigitte, des sentiments tout maternels pour les pécheurs, pour ceux du moins qui sont résolus de s’amender. Oh ! quand un pécheur qui veut changer de vie, vient se jeter aux pieds de Marie, il trouve cette bonne et miséricordieuse Mère bien plus empressée à l’embrasser et à le secourir, qu’aucune mère selon la chair ! C’est ce qu’écrivait saint Grégoire VII à la comtesse Mathilde, qu’il engageait à en faire l’expérience.

Ainsi, quiconque aspire à la dignité d’enfant de cette divine Mère, doit d’abord renoncer au péché ; après cela, il peut espérer être bien reçu par elle. Sur ces paroles des Proverbes, appliquées à la sainte Vierge : Ses enfants se sont levés, Richard de Saint-Laurent observe que le mot surrexerunt, " se sont levés est placé dans le texte avant les mots filii ejus, "ses enfants", pour faire entendre qu’on ne peut être enfant de Marie, si l’on ne songe d’abord à sortir du péché. En effet, suivant la remarque de saint Pierre Chrysologue, ne pas marcher sur les traces de ses parents, c’est les renier ; et celui qui dans sa conduite se met en opposition avec Marie, celui-là déclare en fait qu’il ne veut pas être son enfant. Marie est humble, Marie est pure, Marie est charitable; et lui, il est orgueilleux, il est adonné au vice honteux, il hait son prochain : qu’est-ce à dire, sinon qu’il répudie le nom d’enfant d’une Mère si sainte? Les enfants de Marie, reprend Richard, sont ceux qui tâchent de lui ressembler par la pratique des vertus, spécialement de la chasteté, de l’humilité, de la douceur, de la charité.

De quel front donc prétendrait-il à la qualité d’enfant de Marie, celui qui, par les désordres de sa vie, l’abreuve de déplaisirs? Un pécheur la priait un jour et lui disait : " Montrez que vous êtes ma Mère. Et toi, lui répondit-elle, montre que tu es mon fils." Un autre l’ayant invoquée en l’appelant Mère de miséricorde, elle lui dit : " Vous autres, pécheurs, quand vous voulez que je vous aide, vous m’appelez Mère de miséricorde ; et puis vous ne cessez, par vos péchés, de faire de moi une Mère de misère et de douleur ". Celui-là est maudit de Dieu, qui afflige sa Mère, dit le Sage. Quelle est cette mère, demande Richard, sinon Marie? Ainsi Dieu maudit ceux qui par leur mauvaise vie, ou plutôt par leur obstination, contristent le coeur de cette bonne Mère.

J’ai dit : " par leur obstination " ; car, lorsqu’un pécheur, quoique non encore dégagé des liens du péché, s’efforce néanmoins d’en sortir, et réclame Pour cela le secours de Marie, cette tendre Mère ne laisse pas de lui venir en aide et de le faire rentrer en grâce avec Dieu. C’est ce que sainte Brigitte entendit un jour de la bouche de Jésus-Christ même ; il disait, en s’adressant à sa mère : Vous prêtez votre appui à quiconque désire sincèrement revenir à Dieu, et jamais vous n’en laissez aucun sans consolation. Ainsi, quand le pécheur s’obstine, Marie ne peut l’aimer, mais si, se trouvant retenu dans l’esclavage de Satan par quelque passion violente, il se recommande du moins à la sainte Vierge, et la prie avec confiance et persévérance de le retirer du péché, sans aucun doute cette bonne Mère étendra vers lui sa main puissante, elle brisera ses chaînes, et le remettra au chemin du salut.

C’est une hérésie condamnée par le Concile de Trente, de prétendre que toutes les prières et toutes les oeuvres faites en état de péché, sont des péchés. Bien que difforme, faute d’être accompagnée de charité, la prière du pécheur ne laisse pas de lui être utile, dit saint Bernard ; elle peut du moins l’aider à sortir du péché. C’est que, selon l’enseignement de saint Thomas, toute dénuée qu’elle est de mérite, elle conserve néanmoins la vertu de lui attirer la grâce du pardon ; parce que la force d’impétration de la prière ne lui vient pas des mérites de celui qui prie, mais de la bonté divine et des mérites et des promesses de Jésus-Christ, qui nous a dit : Quiconque demande, reçoit. Il n’en est pas autrement des prières adressées à la Mère de Dieu. Si celui qui prie ne mérite pas d’être exaucé, il le sera néanmoins, assure saint Anselme, en vertu des mérites de Marie à qui il se recommande.

Aussi, saint Bernard exhorte tous les pécheurs à prier Marie, et à le faire avec une grande confiance ; le pécheur est, à la vérité, indigne d’être exaucé, dit-il ; mais les mérites de Marie lui ont valu le privilège d’obtenir aux pécheurs toutes les grâces qu’elle sollicite de Dieu en leur faveur. Et en cela, ajoute le même saint, elle ne fait que s’acquitter du devoir d’une bonne mère : une mère qui saurait ses deux fils divisés par une haine mortelle, au point d’en vouloir aux jours l’un de l’autre, pourrait-elle faire moins que de mettre tout en oeuvre pour les réconcilier? Eh bien ! Marie est la Mère de Jésus et la Mère de l’homme ; quand elle voit l’homme devenu par le péché l’ennemi de Jésus-Christ, elle ne sait le souffrir, elle ne néglige rien en vue de rétablir la paix entre eux.

Tout ce que cette Reine très clémente exige du pécheur, c’est qu’il se recommande à elle et ait l’intention de se corriger. Lorsqu’elle voit à ses pieds un coupable qui implore sa miséricorde, elle ne regarde pas aux péchés dont il est chargé, mais seulement à l’intention qui l’amène : eût-il commis tous les péchés du monde, pourvu qu’il vienne avec une bonne volonté, cette tendre Mère ne dédaigne pas de l’embrasser et de guérir toutes les plaies de son âme; car, non contente de porter le titre de Mère de miséricorde, elle prétend l’être en effet, et elle se montre telle par l’amour plein de tendresse qu’elle déploie en faveur des misérables. Tout cela a été dit expressément à sainte Brigitte par la Bienheureuse Vierge elle-même en ces termes : " Si coupable que soit un homme, s’il revient à moi touché d’un vrai repentir, je suis prête à l’accueillir sans retard ; je ne tiens nul compte du nombre de ses fautes, mais seulement des dispositions qu’il apporte ; et je ne refuse point d’appliquer le remède à ses plaies et de les guérir, car je m’appelle et je suis réellement la Mère de miséricorde

Marie est la Mère des pécheurs qui veulent se convertir, et elle ne peut s’empêcher de s’apitoyer sur eux ; elle semble même ressentir, comme s’ils lui étaient propres, les maux de ses pauvres enfants. Lorsque la Chananéenne vint supplier le Sauveur de délivrer sa fille, elle lui dit : Ayez pitié de moi, Seigneur, Fils de David, ma fille est cruellement tourmentée par le démon. - Mais, puisque ce n’était pas elle, mais sa fille, qui était en proie aux tourments, ne semble-t-il pas qu’elle dût dire, non pas : " Ayez pitié de moi ", mais plutôt : " Ayez pitié de ma fille " ? - Oh ! non, c’est avec raison qu’elle a dit : Ayez pitié de moi, parce que toutes les douleurs des enfants sont ressenties par leurs mères comme des douleurs personnelles. Et voilà précisément, assure Richard de Saint-Laurent, comment parle Marie, quand, invoquée par un pécheur, elle le recommande à Dieu : Seigneur, semble-t-elle lui dire, cette pauvre âme en état de péché est mon enfant ; ayez donc pitié, non pas tant d’elle que de moi, qui suis sa Mère.

Ah ! plût à Dieu que tous les pécheurs eussent recours à cette douce Mère ! assurément tous obtiendraient leur pardon.--O Marie, s’écrie tout émerveillé saint Bonaventure, vous recevez dans vos bras maternels le pécheur méprisé de tout le monde, et vous ne l’abandonnez point que vous ne l’ayez réconcilié avec son Juge. La pensée du saint est que l’homme en état de péché est haï et repoussé de tous les êtres ; il n’est pas jusqu’aux créatures inanimées, le feu, l’air, la terre, qui ne voulussent le châtier et venger sur lui l’honneur de leur Maître outragé. Mais, si ce malheureux a recours à Marie, le repoussera-t-elle ainsi? Non, certes ; s’il vient dans le but d’être aidé à se corriger, elle l’embrasse avec la tendresse d’une mère, et fait si bien, par sa puissante intercession, qu’elle le remet dans la grâce de Dieu.

Le second livre des Rois nous a conservé le discours adressé à David par la sage Thécuite : " Seigneur, j’avais deux fils ; pour mon malheur, l’un des deux a tué l’autre, en sorte que j’ai déjà perdu un de mes fils ; or, la justice veut maintenant m’enlever mon autre fils, le seul qui me reste. Ayez pitié d’une pauvre mère ; faites que je ne demeure pas privée à la fois de mes deux enfants ". - David eut compassion de cette mère affligée, et lui accorda la grâce du coupable. Tel est, ce semble, le langage que Marie tient à Dieu, quand elle le voit irrité contre un pécheur qui se recommande à elle : Mon Dieu, lui dit-elle, j’avais deux fils, Jésus et l’homme ; l’homme a fait mourir mon Jésus sur la croix, et maintenant votre justice veut condamner l’homme. Seigneur, mon Jésus est mort, ayez compassion de moi; et, si j’ai perdu l’un de mes fils, ne me faites pas perdre encore l’autre.

Oh ! non, assurément, Dieu ne condamne pas les pécheurs qui recourent à Marie, et pour qui elle intercède, puisqu’il l’a lui-même chargée de veiller sur eux comme sur ses enfants. Voici comment le dévot Lansperge fait parler le Seigneur : J’ai recommandé les pécheurs à Marie en les lui donnant pour enfants ; aussi, dans sa sollicitude à remplir son devoir de Mère, elle ne veut pas qu’aucun de ceux qui lui sont confiés, surtout s’ils l’invoquent, vienne à périr, et elle s’efforce, autant qu’il est en elle, de me les ramener tous. Et Louis de Blois dit à son tour : Il n’est pas de termes pour exprimer la bonté, la miséricorde, la fidélité et la charité avec lesquelles notre Mère Marie cherche à nous sauver, quand nous l’appelons à notre secours. Prosternons-nous donc devant cette bonne Mère, conclut saint Bernard, embrassons ses pieds sacrés, et ne la quittons pas qu’elle ne nous ait bénis et acceptés pour ses enfants. Et qui pourrait douter de sa tendresse maternelle? Quand même elle me donnerait la mort, dit un auteur, je ne cesserais point d’espérer en elle ; plein de cette confiance, je désire mourir auprès de son image, car, si j’ai ce bonheur, je serai sauvé. Tout pécheur qui recourt à cette Mère compatissante, doit donc lui dire aussi :

Ma Souveraine et ma Mère, je suis un pécheur, je mérite que vous me chassiez de votre présence et me traitiez en toute rigueur de justice ; néanmoins, quand même vous me rebuteriez, quand même vous me donneriez la mort, je ne cesserai jamais d’avoir la confiance que vous me sauverez. Oui, je mets toute ma confiance en vous ; que j’aie seulement le bonheur de mourir devant une de vos images, en me recommandant à votre miséricorde, et je suis assuré de ne point me perdre, mais d’aller vous louer dans le ciel en compagnie de vos nombreux serviteurs, qui, vous ayant invoquée au moment de la mort, ont tous été sauvés par votre puissante intercession.

En lisant l’exemple suivant, on verra si jamais aucun pécheur peut douter de la miséricorde et de la tendresse maternelle de Marie, lorsqu’il réclame sa protection.



EXEMPLE

Vincent de Beauvais raconte que, dans une ville d’Angleterre, un jeune homme de sang noble, nommé Ernest, avait donné aux pauvres tout son patrimoine, et était entré dans un monastère, où il avait bientôt conquis l’estime de ses supérieurs par une vie très parfaite et spécialement par sa grande dévotion à la sainte Vierge. Survint une peste qui obligea les habitants de la ville à s’adresser aux moines et à réclamer le secours de leurs prières. L’abbé commanda à Ernest d’aller se mettre en prières devant l’autel de Marie, et de ne pas se retirer que la Reine du ciel ne lui eût donné une réponse. Au bout de trois jours, Marie lui indiqua certaines prières que l’on devait réciter ; on le fit, et le fléau cessa. Or, il advint qu’Ernest s’étant ensuite refroidi dans sa dévotion à Notre-Dame, se vit assailli de fréquentes tentations, principalement contre la pureté ; le démon lui suggéra même l’idée de sortir du monastère ; et, faute de s’être recommandé à Marie, le malheureux en vint à former le projet de s’enfuir en escaladant le mur de clôture.

Comme donc il passait dans un corridor vis-à-vis d’une image de Marie, il entendit la Mère de Dieu qui lui disait : " Mon fils, pourquoi me quittes-tu? A ces mots, Ernest, interdit et confus, tomba par terre et répondit : " Mais, Vierge sainte, ne voyez-vous pas que je ne puis plus résister? pourquoi ne venez-vous pas à mon secours ? " La bonne Mère reprit: " Et toi, pourquoi ne m’as-tu pas invoquée? si tu n’avais pas négligé de te recommander à moi, tu n’en serais pas venu là. A l’avenir, invoque-moi dans le péril, et ne crains rien ". Le jeune homme retourna à sa cellule ; mais, les tentations revenant à la charge, il négligea comme par le passé de se recommander à Marie, et il finit par s’enfuir du couvent.

Dès lors, il se livra à une vie criminelle, et, de péché en péché, il en vint jusqu’à louer une auberge pour y assassiner de nuit les voyageurs et s’emparer de leurs dépouilles. Il égorgea ainsi entre autres le cousin du gouverneur de l’endroit. Celui-ci lui fit son procès, et, sur les indices qu’il put recueillir, il le condamna à la potence. Mais, pendant que le procès s’instruisait, arriva à l’auberge un jeune cavalier, et aussitôt le scélérat de songer à le traiter, comme d’ordinaire il traitait ses hôtes. Il entre la nuit dans la chambre de l’étranger pour l’assassiner, et que voit-il ? Au lieu du cavalier il voit sur le lit un crucifix tout couvert de plaies, qui, le regardant avec bonté, lui dit : Ne te suffit-il pas, ingrat, que je sois mort une fois pour toi? veux-tu de nouveau m’ôter la vie? eh bien ! lève le bras, et tue-moi ". Tout hors de lui-même à cette vue, Ernest fond en larmes : Seigneur, s’écrie-t-il en sanglotant, je me rends à vous ; puisque vous daignez me faire miséricorde, je veux me convertir.

Il quitte aussitôt l’auberge et se dirige vers son monastère pour y faire pénitence ; mais, rencontré en chemin par les ministres de la justice, il est saisi et mené au juge ; il avoue tous ses forfaits ; on le condamne à la corde, on ne lui donne pas même le temps de se confesser. Pendant qu’on le traînait au supplice, il se recommanda à Marie ; elle lui conserva la vie, le détacha elle-même de la potence et lui dit Retourne au couvent, fais pénitence; et, quand tu me verras à la main la sentence du pardon de tes péchés, prépare-toi à la mort ". Ernest rentra au monastère, raconta le tout à l’abbé, et fit une rigoureuse pénitence. Plusieurs années après, il vit Marie tenant à la main l’acte de son pardon ; aussitôt, il se prépara à la mort, et il mourut saintement.



PRIÈRE

O ma Souveraine, digne Mère de mon Dieu très sainte Vierge Marie, en me voyant si méprisable et si souillé, je ne devrais pas oser m’approcher de vous et vous appeler ma Mère mais je ne veux pas que mes misères me privent de la consolation et de la confiance dont je suis pénétré en vous donnant ce doux nom. J’ai mérité, il est vrai, que vous me repoussiez ; mais je vous prie de considérer ce qu’a fait et souffert pour moi votre divin Fils, Jésus ; et puis, repoussez-moi si vous le pouvez. Je suis un misérable pécheur ; plus que les autres, j’ai outragé la Majesté divine ; mais le mal est fait ; j’ai recours à vous, vous pouvez me secourir à ma Mère, venez à mon aide.

Ne me dites pas que vous ne pouvez m’aider ; car je sais que vous êtes toute-puissante, vous obtenez de votre Dieu tout ce que vous désirez. Et si vous me répondez que vous ne voulez pas me secourir, dites-moi du moins à qui je dois m’adresser pour être soulagé dans mon excessive détresse. Souffrez qu’avec saint Anselme, je vous dise, à vous et à votre divin Fils : Ou bien ayez pitié de moi, vous mon Rédempteur, en me pardonnant, et vous ma Mère, en intercédant pour moi ; ou apprenez-moi à qui je dois recourir, montrez-moi en qui je puis trouver plus de miséricorde et avoir plus de confiance. Ah ! certes, je ne saurais trouver personne, ni sur la terre, ni dans le ciel, qui ait plus que vous compassion des malheureux, et qui puisse mieux me secourir. Vous, Jésus, vous êtes mon Père ; et vous, Marie, vous êtes ma Mère. Vous aimez jusqu’aux plus misérables, et vous allez les chercher pour les sauver. Je suis un coupable digne de l’enfer, le plus misérable de tous les pécheurs ; mais vous n’avez pas besoin d’aller me chercher, et je ne prétends pas que vous le fassiez: je me présente à vous dans la ferme espérance que vous ne m’abandonnerez pas. Me voici à vos pieds : mon Jésus, pardonnez-moi Marie, ma Mère, secourez- moi.





CHAPITRE II MARIE, NOTRE VIE, NOTRE DOUCEUR





Vita, dulcedo.




Notre vie, notre douceur.


I  Marie est notre vie, parce qu’elle nous obtient le pardon de nos péchés


L’Église veut que nous appelions Marie notre Vie. Pour bien comprendre ce titre, il faut savoir que, comme l’âme donne la vie au corps, ainsi la grâce de Dieu donne la vie à l’âme ; car, sans la grâce, l’âme peut paraître vivante, mais en réalité elle est morte, selon ce qui est dit dans l’Apocalypse. Ainsi Marie rend la vie aux pécheurs, quand, par son intercession, elle leur obtient de rentrer en grâce avec Dieu.

L’Église applique à Marie et lui met dans la bouche les paroles suivantes du livre des Proverbes ; Ceux qui sont diligents à recourir à moi dès le matin, c’est-à-dire, aussitôt qu’ils le peuvent, me trouveront certainement. Au lieu de : Me trouveront, on lit dans la version des Septante Trouveront la grâce ; en sorte que c’est la même chose, de recourir à Marie, et de trouver la grâce de Dieu. - Un peu plus loin, il est dit : Celui qui m’aura trouvée, trouvera la vie, et recevra de Dieu le salut éternel.--Écoutez, s’écrie là-dessus saint Bonaventure : écoutez, vous qui aspirez au royaume de Dieu : honorez Marie, et vous aurez la vie et le salut.

Au dire de saint Bernardin de Sienne, ce qui empêcha Dieu d’anéantir l’humanité après le péché originel, ce fut son amour de prédilection pour cette Fille bénie qui devait naître d’Adam. Le saint ne doute nullement que toutes les miséricordes et toutes les grâces reçues par les pécheurs sous l’ancienne loi, ne leur aient été accordées à la seule considération de cette bienheureuse Vierge.

Elle est donc bien fondée, cette exhortation de saint Bernard : " Cherchons la grâce, et cherchons-la par l’intermédiaire de Marie ". Oui, si nous sommes assez malheureux pour avoir perdu la grâce de Dieu, cherchons-la ; et, afin de la recouvrer sûrement, adressons-nous à Marie ; car, si nous avons perdu cette perle précieuse, Marie l’a retrouvée ; et de là le nom d’inventrice de la grâce, que lui donne le même saint. Et n’est-ce pas là la vérité si consolante pour nous qu’exprimait l’ange Gabriel, quand il disait à la Vierge : Ne craignez point, Marie, car vous avez trouvé la grâce. Mais, puisque Marie n’avait jamais été privée de la grâce, comment le saint archange pouvait-il dire qu’elle l’avait trouvée ? La vierge Immaculée fut toujours unie à Dieu, toujours ornée de la grâce, ou plutôt toujours pleine de grâce, comme l’archange le fit connaître au monde, quand il la salua en ces termes : Je vous salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous. Ce n’est donc pas pour elle-même que Marie a trouvé la grâce dont elle fut toujours remplie ; pour qui donc ? Pour ceux qui l’avaient perdue, pour les pécheurs, répond le cardinal Hugues; et, commentant les paroles de saint Gabriel, le pieux auteur ajoute : Qu’ils courent donc à Marie, les pécheurs qui ont perdu la grâce, et ils la trouveront sans faute auprès d’elle ; qu’ils lui disent avec assurance -- Auguste Dame, une chose trouvée doit être restituée à qui l’a perdue ; vous devez donc nous rendre la grâce. Richard de Saint-Laurent développe la même pensée, et conclut ainsi : Si donc nous désirons trouver la grâce du Seigneur, allons à Marie, qui l’a trouvée et qui la trouve toujours ; comme elle fut et sera toujours chère à Dieu, notre confiance en elle ne saurait être frustrée.

La sainte Vierge dit dans les Cantiques, que Dieu l’a placée en ce monde pour être notre défense, et qu’il l’a établie Médiatrice de paix entre lui et les pécheurs : Je suis un mur et mon sein est un asile assuré comme une forte tour, depuis qu’il m’a faite entremetteuse de la paix ". Saint Bernard s’appuie sur ces paroles pour relever le courage du pécheur : Va, dit-il, va, pauvre pécheur, à cette Mère de miséricorde, et montre-lui les plaies que tes fautes ont laissées dans ton âme ; elle ne manquera pas de solliciter ton pardon auprès de son divin Fils, en lui rappelant qu’elle l’a nourri de son lait ; et ce Fils, qui l’aime si tendrement, ne manquera pas de l’exaucer.--Et la sainte Église elle-même nous met sur les lèvres une oraison où elle prie le Seigneur de nous accorder la faveur d’être aidés par la puissance secourable des prières de Marie à sortir du péché : " O Dieu miséricordieux, venez en aide à notre fragilité, afin que, célébrant la mémoire de la sainte Mère de Dieu, nous puissions avec l’appui de son intercession, nous relever de nos iniquités ".

Ainsi donc saint Laurent Justinien a raison d’appeler Marie l’Espérance des coupables, puisque seule elle leur obtient de Dieu le pardon de leurs fautes. Saint Bernard fait bien de lui décerner le titre d’Échelle des pécheurs, puisque cette Reine compatissante leur tend une main secourable, les retire de l’abîme où ils sont misérablement tombés, et les fait remonter à Dieu. Et saint Augustin n’a pas tort de la proclamer notre unique Espérance, puisque c’est par elle seule que nous espérons la rémission de tous nos péchés. Saint Jean Chrysostome ne parle pas autrement que l’illustre évêque d’Hippone : " Par elle, dit-il, nous obtenons le pardon de nos péchés ". Et, plein de confiance en sa médiation, il lui adresse cette prière au nom de tous les pécheurs : Nous vous saluons, ô Mère de Dieu et notre Mère, Ciel où Dieu réside, Trône du haut duquel le Seigneur dispense toutes ses grâces ! priez sans cesse Jésus pour nous, afin que, par votre entremise, nous puissions trouver miséricorde au jour du jugement, et partager la gloire des élus dans l’éternité.

C’est avec raison, enfin, comme le remarque Innocent III, que Marie est comparée à l’aurore dans ce passage du Cantique : Quelle est celle-ci qui s’avance comme une aurore naissante ? Car la naissance de Marie mit fin au règne des vices, comme l’aurore met fin aux ombres de la nuit. Ainsi parle ce pontife. Or, le changement opéré autrefois dans le monde par cette bienheureuse naissance, se reproduit dans toute âme où naît la dévotion à Marie : elle en bannit les ténèbres du péché et guide ses pas dans la voie des vertus. De là l’exclamation de saint Germain : " O Mère de Dieu, votre protection nous donne l’immortalité ; votre intercession, c’est la vie ". Le même saint assure que le nom de Marie, dans la bouche de celui qui le prononce avec affection, est le signe de la vie, ou du moins le présage d’un prompt retour à la vie.

Sur les paroles du Cantique de Marie : Voici qu’à partir de ce moment toutes les nations m’appelleront la bienheureuse, saint Bernard s’écrie : Oui, ô ma Souveraine, vous serez proclamée bienheureuse par tous les hommes, parce que votre intercession assure à tous vos serviteurs la vie de la grâce et la gloire céleste. En vous les pécheurs trouvent le pardon, les justes la persévérance, et ensuite la vie éternelle. -- Ne perds donc pas confiance, ô pécheur, dit le pieux Bernardin de Bustis ; ne te décourage point, quand même tu te serais souillé de toutes les iniquités, mais recours avec assurance à cette glorieuse Reine ; tu la trouveras toujours les mains pleines de miséricorde, et plus désireuse de te combler de ses dons, que toi-même de les recevoir.

Un titre encore qui convient à Marie, selon saint André de Crète, c’est celui de Caution ou de Gage de notre réconciliation avec Dieu. Et, en effet, quand les pécheurs s’adressent à Marie, pour être réconciliés avec Dieu, non content de leur promettre leur pardon, Dieu leur en donne même un gage ; et ce gage n’est autre que Marie elle-même, qu’il nous a donnée pour Avocate : tout pécheur qui se réfugie auprès d’elle, obtient par son entremise le pardon de ses fautes en vertu des mérites de Jésus-Christ. D’après la révélation faite par un ange à sainte Brigitte, les prophètes étaient ravis de joie dans la prévision que, fléchi par l’humilité et la pureté de Marie, Dieu allait faire grâce aux pécheurs, et recevoir dans son amitié ceux qui auraient provoqué sa colère.

Aucun pécheur ne doit jamais craindre d’être repoussé par Marie, quand il implore sa pitié ; non, car elle est une Mère de miséricorde, et, à ce titre, elle désire sauver les plus misérables. Marie est pour nous une Arche de salut, dit saint Bernard ; quiconque s’y réfugie, échappera au naufrage de la damnation éternelle. Dans l’arche de Noé les brutes même furent à couvert des eaux du déluge ; sous le manteau de Marie, les pécheurs même trouvent le salut. Sainte Gertrude vit un jour cette clémente Reine qui tenait son manteau ouvert : une multitude de lions, d’ours, de tigres et d’autres bêtes féroces, s’y étaient réfugiés; et, bien loin de les chasser, Marie les retenait autour d’elle et les caressait doucement. Cet emblème apprit à la sainte que Marie ne repousse pas les pécheurs, si enfoncés soient-ils dans la fange du vice, mais qu’elle les accueille avec tendresse et les met à l’abri de la mort éternelle. Entrons donc dans cette Arche, courons nous réfugier sous le manteau de Marie ; elle se gardera bien de nous rejeter, elle nous sauvera infailliblement.



EXEMPLE

Le père Bovio raconte l’admirable conversion d’une femme de mauvaise vie, nommée Hélène. Étant entrée un jour sans intention dans une église, et y ayant entendu un sermon sur la dévotion du Rosaire, elle avait fait l’emplette d’un chapelet en retournant chez elle ; mais elle le tenait caché par respect humain. Elle se mit néanmoins à le réciter; et, quoique ce fût d’abord sans dévotion, la très sainte Vierge lui fit goûter tant de consolations et de douceurs dans cet exercice, qu’elle ne pouvait plus s’en détacher. Elle conçut en même temps une vive horreur de ses désordres, au point d’en perdre le repos, et elle se vit ainsi comme forcée d’aller se confesser ; ce qu’elle fit avec tant de contrition, que le confesseur en était étonné. Après sa confession, elle alla se prosterner au pied d’un autel de Marie, pour remercier son Avocate ; elle y récita le Rosaire, et la Mère de Dieu, faisant parler sa statue, lui dit : " Hélène, tu as assez offensé Dieu et moi ; désormais change de conduite, et tu auras une bonne part dans mes faveurs ". La pauvre pécheresse, toute confuse, répondit : " Ah ! Vierge sainte, il est vrai que jusqu’ici j’ai été une scélérate, mais, vous qui pouvez tout, aidez-moi ; je me donne à vous, et je veux employer le reste de ma vie à faire pénitence de mes péchés

Avec le secours de Marie, Hélène distribua aux pauvres tout ce qu’elle possédait, et se livra à une pénitence rigoureuse. Elle éprouva de terribles tentations, mais, sans faire autre chose que de se recommander à la Mère de Dieu, elle remportait toujours la victoire. Elle alla jusqu’à recevoir beaucoup de grâces surnaturelles, telles que visions, révélations, don de prophétie. Enfin, à sa mort, qui lui fut annoncée par Marie plusieurs jours d’avance, la bienheureuse Vierge vint la visiter elle-même avec son divin Fils; et, lorsque cette pécheresse expira, on vit son âme, sous la forme d’une belle colombe, s’envoler aux cieux.



PRIÈRE

Voici, ô Mère de mon Dieu, mon unique espérance, Marie! voici à vos pieds un malheureux pécheur qui implore votre pitié. Toute l’Église et tous les fidèles vous proclament le Refuge des pécheurs ; vous êtes donc mon refuge, c’est à vous de me sauver. Vous savez, vous dirai-je avec Guillaume de Paris, combien votre divin Fils désire notre salut. Vous savez ce que Jésus-Christ a souffert pour me sauver ; ô ma Mère, je vous présente les souffrances de Jésus: le froid qu’il endura dans l’étable de Bethléem, les pas qu’il fit dans le voyage d’Égypte, ses fatigues, ses sueurs, le sang qu’il répandit, la douleur qui le fit expirer à vos yeux sur la croix. Montrez, en me secourant, que vous aimez ce Fils adorable, puisque c’est au nom de votre amour pour lui que je vous prie de me secourir. Tendez la main à un malheureux qui est tombé, et qui vous supplie d’avoir pitié de lui. Si j’étais un saint, je ne vous demanderais pas miséricorde; mais, parce que je suis un pécheur, j’ai recours à vous, qui êtes la Mère des miséricordes. Je sais que voire coeur compatissant trouve sa consolation à aider les misérables, quand leur obstination ne vous empêche pas de les aider ; consolez donc votre coeur compatissant et consolez-moi, aujourd’hui que vous avez occasion de sauver un malheureux condamné à l’enfer, aujourd’hui que vous pouvez m’aider, puisque je ne veux pas être obstiné. Je me remets entre vos mains : dites-moi ce que j’ai à faire, et obtenez-moi la force de l’exécuter ; je suis résolu de faire tout ce qui est en mon pouvoir, pour rentrer dans l’amitié de Dieu.

Je me réfugie sous votre manteau ; Jésus veut que j’aie recours à vous ; il veut que, pour votre gloire et pour la sienne, puisque vous êtes sa Mère, je sois redevable de mon salut, non seulement à son sang, mais encore à vos prières. C’est lui qui m’envoie auprès de vous, pour que vous me secouriez. O Marie, me voici, je recours à vous, et je mets en vous ma confiance ; vous qui priez pour tant d’autres, priez aussi, dites au moins une parole pour moi dites à Dieu que vous voulez mon salut, et Dieu me sauvera certainement ; dites-lui que je suis à vous, je ne vous demande pas autre chose.

II  Marie est encore notre vie, parce qu’elle nous obtient, la persévérance




La persévérance finale est un don de Dieu, don si excellent, que, comme l’a déclaré le Concile de Trente, il est purement gratuit, nous ne saurions le mériter ; néanmoins, selon l’enseignement de saint Augustin, Dieu l’accorde à tous ceux qui le lui demandent ; et, suivant le Père Suarez, on l’obtient infailliblement, si l’on a soin de le solliciter jusqu’à la fin de la vie ; car, dit Bellarmin, la persévérance doit être demandée tous les jours, pour être obtenue tous les jours. Or, s’il est vrai, et je le tiens pour certain, et c’est le sentiment aujourd’hui commun ; s’il est vrai, dis-je, que toutes les grâces qui nous viennent de Dieu, passent par les mains de Marie, il sera également vrai que nous ne pouvons espérer et obtenir la grâce suprême de la persévérance, si ce n’est par l’entremise de Marie. Et nous l’obtiendrons indubitablement, si nous la lui demandons toujours avec confiance ; c’est la récompense queue promet à tous ceux qui la servent fidèlement en cette vie : Ceux qui me glorifient auront la vie éternelle. Ces paroles lui sont appliquées par la sainte Eglise.

Pour conserver la vie de la grâce, il faut que nous ayons la force de résister à tous les ennemis de notre salut ; or, cette force ne s’obtient que par le moyen de Marie ; Le don de force est entre mes mains, dit Marie ; Dieu me l’a remis afin que je le dispense à mes serviteurs. Par moi règnent les rois ; soutenus par moi, mes dévots règnent sur la terre, en commandant à tous leurs sens et à toutes leurs passions, et ils se rendent ainsi dignes de régner éternellement dans le ciel. Oh ! de quelle force victorieuse sont revêtus les sujets de cette grande Reine pour leurs luttes avec l’enfer ! A Marie convient ce passage des cantiques : Votre cou est comme la tour de David, munie de travaux avancés, et où l’on voit suspendus mille boucliers et toute l’armure des vaillants. Pour ceux qui l’aiment et qui l’invoquent dans le combat, elle est en effet pareille à une tour environnée de puissants moyens de défense ; ils trouvent en elle tous les boucliers et toutes les armes dont ils ont besoin pour repousser les attaques de Satan.

Pour la même raison, la très sainte Vierge se dit semblable au platane qui s’élève le long de la route, au bord d’un courant d’eau. Le platane est un nouvel emblème de la protection dont Marie favorise ceux qui se réfugient auprès d’elle ; car, selon la remarque du cardinal Hugues, cet arbre a des feuilles en forme de boucliers. Le bienheureux Amédée donne une autre explication: comme le feuillage du platane met les voyageurs à couvert du soleil et de la pluie, ainsi, dit-il, Marie nous offre sous son manteau royal un abri contre l’ardeur des passions et la violence des tentations.

Malheur aux âmes qui se privent de cet abri salutaire, en négligeant d’honorer Marie et de l’invoquer dans les occasions dangereuses ! Si le soleil cessait de paraître, dit saint Bernard, que deviendrait le monde, sinon- un chaos de ténèbres et un lieu plein d’horreur? Qu’une âme perde la dévotion à Marie, aussitôt elle sera remplie de ténèbres, et de ces ténèbres dont l’Esprit-Saint dit qu’elles permettent aux bêtes sauvages de rôder en toute liberté. Dès qu’une âme n’est plus éclairée de la divine lumière, la nuit s’y fait et elle devient le repaire de tous les péchés et des démons. De là ce cri de saint Anselme : " Malheur à ceux qui méprisent la lumière du Soleil ", c’est-à-dire la dévotion envers Marie !

Saint François de Borgia craignait avec raison pour la persévérance de ceux en qui il ne trouvait pas une dévotion particulière envers la bienheureuse Vierge. S’entretenant un jour avec des novices, il voulut savoir d’eux à quel saint chacun était surtout dévot, et, s’apercevant que quelques-uns manquaient de cette dévotion spéciale à Marie, il avertit le maître des novices de surveiller plus attentivement ces pauvres jeunes gens ; or, qu’arriva-t-il ? tous perdirent malheureusement leur vocation et quittèrent l’institut.

Ce n’est donc pas à tort que saint Germain proclame Marie la Respiration des chrétiens ; en effet, comme le corps ne peut vivre sans respirer, de même l’âme ne peut vivre sans recourir et se recommander à cette divine Mère, par le moyen de qui nous naissons à la vie de la grâce et nous la conservons sûrement. Voici les propres termes du saint : " De même que la respiration n’est pas seulement le signe, mais encore la cause de la vie corporelle ; ainsi le nom de Marie, que les serviteurs de Dieu ont sans cesse sur les lèvres, est tout à la fois une preuve qu’ils ont la vie spirituelle, et un moyen qui produit et conserve en eux cette vie, et leur attire toute sorte de biens

Alain de la Roche pensa un jour se perdre, faute de s’être recommandé à Marie dans une violente tentation ; mais la sainte Vierge lui apparut, et, afin qu’une autre fois il se tint mieux sur ses gardes, elle lui donna un soufflet, en lui disant Si tu m’avais invoquée, tu ne te serais pas trouvé dans ce péril

D’autre part, la Reine du ciel nous adresse ces paroles : Heureux celui qui écoute ma voix, et qui a soin de venir sans cesse frapper à la porte de ma miséricorde, et réclamer de moi lumière et secours ! Marie l’emploie de grand coeur à procurer à ceux qui l’invoquent ainsi tous les secours nécessaires pour sortir du vice et marcher dans la voie de la vertu. De là les beaux titres de Lune, d’Aurore et de Soleil que lui donne Innocent III. Lune pour le malheureux plongé dans la nuit du péché, elle lui fait voir l’état de damnation où il se trouve. Aurore, c’est-à-dire, avant-courrière du soleil, pour l’Ame qui se reconnaît déjà, elle l’aide à sortir du péché et à entrer dans l’amitié de Dieu. Soleil, enfin, pour l’âme en état de grâce, elle l’empêche de tomber de nouveau dans quelque précipice.

Les docteurs appliquent à Marie les paroles de l’Ecclésiastique : Ses liens sont des liens salutaires. La sainte Vierge lie ses serviteurs par ses exemples et ses secours, dit Richard de Saint-Laurent, de peur qu’ils n’aillent s’égarer dans les voies du vice. Saint Bonaventure explique dans le même sens cet autre texte, qu’on lit dans l’office de Marie : Je me tiens au milieu des saints. La divine Mère, dit-il, ne se tient pas seulement au milieu des saints, mais elle maintient les saints, afin qu’ils ne retournent pas en arrière ; elle soutient leurs vertus, afin qu’ils ne viennent pas à défaillir ; et elle contient les démons, afin qu’ils n’en reçoivent aucun dommage.

Il est dit des serviteurs de Marie, qu’ils sont couverts d’un double vêtement. Selon Cornelius, cela signifie que Marie orne ses fidèles serviteurs des vertus de son divin Fils et des siennes propres; et, protégés par ce double vêtement, ils conservent la sainte persévérance.

Aussi saint Philippe de Néri ne se lassait pas de répéter à ses pénitents: " Mes enfants, si vous désirez la persévérance, soyez dévots à la sainte Vierge." Le saint frère Jean Berchmans, de la Compagnie de Jésus, disait pareillement : " Celui qui aime Marie, aura la persévérance ". Ici vient à propos la belle réflexion de Rupert sur la parabole de L’Enfant prodigue. Si ce jeune étourdi eût eu encore sa mère, dit-il, ou bien il n’aurait jamais quitté la maison paternelle, ou bien il y serait revenu beaucoup plus tôt. La pensée du pieux abbé est qu’un enfant de Marie ne s’éloigne jamais de Dieu, ou du moins ne tarde pas à être ramené par elle, si par malheur il vient à s’en éloigner.

Ah ! si tous les hommes aimaient cette Reine pleine de clémence et de tendresse, et si, dans les tentations, ils avaient toujours et aussitôt recours à elle, en verrait-on jamais faire une chute ? en verrait-on un seul se perdre? Celui-là tombe et se perd, qui ne recourt point à Marie. On lit au livre de l’Ecclésiastique : J’ai marché sur les flots de la mer ; ces mots, Richard de Saint-Laurent les applique à la Vierge et les commente ainsi : Je marche avec mes serviteurs au milieu des tempêtes qui viennent les assaillir ; je les environne de ma protection et les empêche d’être engouffrés dans l’abîme du péché.

Voici un trait raconté par le Père Bernardin de Bustis. Un oiseau avait été dressé à dire : Ave Maria ; se voyant poursuivi par un épervier il cria : Ave Maria ! et l’épervier tomba mort. -- Le Seigneur a voulu nous montrer par cet exemple, que, si un pauvre animal a pu être sauvé en prononçant le nom de Marie, à plus forte raison tout homme échappera-t-il aux mains du démon qui l’attaque, s’il a soin d’invoquer ce nom béni. Ainsi, dit saint Thomas de Villeneuve, lorsque les démons viennent nous tenter, nous n’avons qu’à imiter les poussins effrayés à la vue du milan : de même qu’ils courent aussitôt se réfugier sous l’aile maternelle, allons sans retard, et sans raisonner avec la tentation, nous mettre en sûreté sous le manteau de Marie. Car c’est à vous, ô notre Reine et notre Mère, continue le même, c’est à vous de nous défendre ; car, après Dieu, nous n’avons pas d’autre refuge que vous ; vous êtes notre unique espérance, la seule protectrice en qui nous mettions notre confiance.

Concluons par ces paroles de saint Bernard : O vous, qui comprenez que, dans le tourbillon de ce siècle, vous naviguez sur une mer agitée par la tempête, plutôt que vous ne marchez sur la terre ferme, voulez-vous ne pas être submergé par les vents contraires ? gardez vous de détourner les yeux de cette brillante Étoile. Etes-vous en danger de tomber dans le péché, pressé par de fâcheuses tentations, ou biens dans vos doutes, ne savez-vous que résoudre ? regardez l’Étoile, pensez que Marie est assez puissante pour vous secourir, invoquez-la sans retard ; que son Nom puissant soit toujours dans votre coeur par la confiance, et sur vos lèvres par la fidélité à l’invoquer. En suivant Marie, vous ne sauriez vous écarter de la voie du salut ; pourvu que vous ayez soin de vous recommander à elle, vous ne tomberez point ; si elle vous protège, vous n’avez pas à craindre de vous perdre ; si elle vous guide, vous vous sauverez sans peine. En un mot, si Marie vous prend sous sa défense, vous arriverez certainement au royaume des Bienheureux.

Faites ainsi et vous vivrez.

EXEMPLE

C’est une histoire célèbre que celle de sainte Marie d’Égypte, rapportée dans les Vies des Pères. A l’âge de douze ans, elle s’enfuit de la maison paternelle et se rendit à Alexandrie, où sa conduite devint le scandale de toute la ville. Après seize années de désordres, elle alla, courant le monde, jusqu’à Jérusalem, où l’on célébrait alors la fête de la Sainte Croix, et voulut, elle aussi, entrer dans l’église, plus par curiosité que par dévotion ; mais, en arrivant à la porte, elle se sentit repousser en arrière par une force invisible ; elle essaya une seconde fois d’entrer et fut encore repoussée ; une troisième et une quatrième tentative qu’elle fit, n’eurent pas plus de succès. S’étant alors retirée dans un coin du parvis, la malheureuse comprit, à l’aide d’une lumière céleste, qu’en punition de sa mauvaise vie, Dieu la rejetait, et de sa présence et même de son temple.

Elle en était là quand, levant les yeux, elle aperçut pour son bonheur une peinture représentant la sainte Vierge ; elle s’adressa à cette Reine du ciel et lui dit, d’une voix entrecoupée de sanglots O Mère de Dieu, prenez pitié d’une pauvre pécheresse. Mes crimes me rendent indigne du moindre de vos regards, je le reconnais ; mais vous êtes le refuge des pécheurs ; Pour l’amour de Jésus, votre Fils, assistez-moi ; faites que je puisse entrer dans l’église, car je suis résolue de changer de vie et d’aller faire pénitence en tel lieu qu’il vous plaira de m’indiquer ". -- Une voix qu’elle prit pour celle de la bienheureuse Vierge, lui répondit au fond du coeur : " Eh bien ! Puisque tu as recours à moi, et que tu veux changer de vie, entre dans l’Église, la porte n’en sera plus fermée pour toi ". La pécheresse entre, et adore la Croix avec les sentiments de la plus vive componction. Elle retourne ensuite devant l’image de Marie: "Ma Reine, dit-elle, me voici, prête à vous obéir; où voulez-vous que je me retire pour pas faire pénitence ? -- Va, lui répondit la sainte Vierge, passe le Jourdain, et tu trouveras le lieu de ton repos ". Elle se confessa, communia, passa le fleuve, arriva au désert, et comprit que c’était là le lieu de sa pénitence.

Pendant les dix-sept premières années que la sainte vécut dans la solitude, quels assauts ne lui livrèrent pas les démons pour la faire retomber ! Et que faisait-elle alors? pas autre chose que de se recommander à Marie ; et Marie lui obtint la force de résister durant ces dix-sept années ; après quoi, ses combats cessèrent. Enfin après avoir passé quarante-sept ans dans le désert, et se trouvant parvenue à la soixante-dix-septième année de son âge, elle fut découverte par l’abbé Zozime, que la Providence conduisit en ce lieu. Elle lui raconta toute sa vie, et le pria de revenir l’année suivante et de lui apporter la sainte communion. L’abbé revint selon son désir, et la communia. Ensuite, la sainte lui renouvela sa prière, de venir la visiter encore une fois. Zozime le fit, et il la trouva morte. Son corps était environné de lumière, et près de la tête étaient tracés ces mots : " Ensevelissez ici le corps d’une misérable pécheresse que je suis, et priez Dieu pour moi. " Le saint abbé la descendit dans une fosse qu’un lion vint creuser; et, de retour au monastère, il raconta les merveilles de la divine miséricorde envers cette heureuse pénitente.


PRIÈRE

O Vierge sainte, Mère de miséricorde ! voici à vos pieds le perfide qui, payant d’ingratitude les grâces qu’il a reçues de Dieu par votre intercession, a trahi Dieu et vous. Mais sachez-le, à douce Reine ! loin de diminuer ma confiance en vous, ma misère ne fait que l’augmenter ; car je vois qu’elle redouble votre compassion envers moi. Faites connaître, ô Marie, que, pour moi comme pour tous ceux qui vous invoquent, vous êtes pleine de bonté et de miséricorde. Je ne réclame de vous qu’un regard de compassion : si votre coeur a compassion de moi, il ne saura refuser de me protéger et, si vous me protégez, qu’ai-je à craindre ? Non, je ne craindrai rien : je ne craindrai pas mes péchés, puisque vous pouvez réparer le mal que j’ai fait ; je ne craindrai pas les démons, puisque vous êtes plus puissante que l’enfer: je ne craindrai même pas la trop juste indignation de votre divin Fils, puisqu’une seule de vos paroles suffit pour l’apaiser.

Je me trompe, il me reste une crainte : je pourrais, au moment de la tentation, faire la faute de ne pas recourir à vous, et ce serait ma perte. Mais je suis résolu de ne jamais cesser de me recommander à vous, je vous en fais aujourd’hui la promesse, aidez-moi à la tenir. Voyez quelle belle occasion pour vous de contenter votre coeur en faisant le bonheur d’un misérable tel que je suis.

O Mère de Dieu, j’ai une grande confiance en vous. J’attends de vous la grâce de pleurer mes péchés comme je le dois, et la force de n’y plus retomber : si je suis malade, vous pouvez me guérir ; si mes fautes m’ont rendu faible, votre secours me rendra fort. J’espère tout de vous, O Marie, parce que vous pouvez tout auprès de Dieu. Amen.

III  Marie est notre douceur: elle rend la mort douce à ses serviteurs




L’ami sincère aime en tout temps ; et le frère se connaît dans l’affliction. Les vrais amis et les vrais parents ne sont pas bien connus dans les temps de prospérité, mais seulement dans la détresse et la misère. Les partisans du monde restent attachés à un ami tant que la fortune lui sourit ; Mais qu’il vienne à essuyer quelque disgrâce, que surtout la mort approche, et aussitôt les amis de s’éloigner. Marie n’agit pas ainsi envers ceux qui lui sont dévoués: bonne Maîtresse et bonne Mère, elle ne saurait abandonner ses fidèles serviteurs dans leurs tribulations, surtout dans les angoisses de la mort, qui sont les plus terribles qu’on puisse éprouver ici-bas ; et, après avoir été notre Vie durant tout le temps de cet exil, elle devient notre Douceur au terme de notre carrière, en nous ménageant une mort douce et heureuse.

En effet, depuis le jour mémorable où elle eut à la fois le bonheur et la douleur dette présente à la mort de Jésus-Christ, son Fils, qui est le Chef des prédestinés, Marie est en Possession du Privilège d’assister tous les prédestinés à l’article de la mort. C’est pourquoi l’Église nous fait prier cette bienheureuse Vierge de venir à notre secours principalement à nos derniers moments : Priez pour nous, pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort.

Bien cruelles sont les angoisses des pauvres mourants ! remords des péchés commis, horreur du jugement qui est proche, incertitude du salut, tout est pour les tourmenter. En ce moment où l’âme va passer à l’éternité, l’enfer fait appel plus que jamais à toutes ses armes; il met en jeu toutes ses forces pour s’en rendre maître il sait qu’il lui reste peu de temps pour la gagner, et que, s’il la perd alors, c’est pour toujours : Le diable descend vers vous plein d’une grande fureur, sachant qu’il n’a plus qu’un peu de temps. Alors, le démon qui la tentait ordinairement pendant sa vie, ne vient pas seul l’attaquer, mais il en appelle d’autres à son aide, et la maison se remplit d’esprits infernaux qui unissent leurs efforts pour la perdre : Leur demeure se remplira de dragons.

On raconte de saint André d’Avellino qu’au temps de sa mort, dix mille démons vinrent le tenter ; ils lui livrèrent surtout de rudes assauts quand il fut à l’agonie ; tous les religieux présents étaient épouvantés du spectacle qui s’offrait à leurs regards. Le visage du saint se gonflait jusqu’à paraître tout noir par l’effet de son agitation intérieure ; il tremblait de tous ses membres et se débattait étrangement de ses yeux sortaient deux torrents de larmes, sa tête était en proie à des secousses violentes : autant d’indices de l’horrible combat qu’il soutenait contre l’enfer. Tous les assistants, émus jusqu’aux larmes, redoublaient de prières et tremblaient de crainte, en voyant un saint mourir de la sorte. On se consolait toutefois, en le voyant tourner souvent les yeux vers une pieuse image de Marie, comme pour réclamer son secours ; et on se souvenait de lui avoir entendu dire bien des fois, dans le courant de sa vie, que la sainte Vierge serait son refuge à l’heure de sa mort.

Il plut enfin au Seigneur de mettre fin à ce combat par une glorieuse victoire : les convulsions cessèrent, le visage désenflé reprit sa première couleur, et on vit le saint, tenant les yeux tranquillement fixés sur l’image, faire une dévote inclination comme pour remercier Marie, laquelle, pense-t-on, se faisait voir à lui ; après cela, il remit paisiblement son âme bénie entre les mains de la divine Mère, et ses traits prirent une expression de paix céleste. En ce moment-là même, une religieuse capucine à l’agonie, se tourna vers les soeurs qui l’assistaient, et leur dit " Récitez l’Ave Maria ; car un saint vient de mourir ".

A l’aspect de la Reine, les rebelles prennent la fuite. Si, à l’heure de la mort, nous avons Marie de notre côté, que pourrons-nous craindre de la part de tous nos ennemis infernaux? Dans les craintes que lui inspirait la pensée de cette lutte suprême, David reprenait courage en s’appuyant sur le sacrifice du Rédempteur futur et sur l’intercession de la Vierge Marie : Alors même, disait-il que je marcherais au sein des ombres de la mort, je ne craindrais rien ... votre verge et votre bâton me rassurent. Par le mot bâton, le cardinal Hugues entend ici la croix du Sauveur : et, par le mot verge, notre Médiatrice Marie, qui fut prédite en ces termes par Isaïe : il sortira une verge de la racine de Jessé, et une fleur s’élèvera de sa racine. Verge puissante, dit saint Pierre Damien, par elle sont réprimées toutes les violences des esprits infernaux. Courage donc, s’écrie saint Antonin ; car, si Marie est avec nous, qui osera nous attaquer " ?

Quand le père Manuel Padial, jésuite, était près de mourir, Marie lui apparut, et lui adressa ces consolantes paroles: " Voici enfin le moment où les anges vont te féliciter, et te dire : O heureux travaux ! ô mortifications bien récompensées " ! - On vit ensuite une troupe de démons qui fuyaient, en criant avec désespoir : Hélas ! nous ne pouvons rien ; celle qui est sans tache, le protège Il ! Le Père Gaspard Hayewood fut assailli par les démons à ses derniers moments et violemment tenté contre la foi ; il se recommanda aussitôt à la sainte Vierge, et on l’entendit ensuite s’écrier : " Je vous rends grâces, ô Marie, d’être venue à mon secours" !

Selon saint Bonaventure, quand un serviteur de Marie est sur le point de mourir, elle lui envoie saint Michel et tous les anges dont il est le chef, afin qu’ils le défendent contre les attaques des démons elle les charge de recevoir les âmes de tous ceux qui ont eu l’heureuse habitude d’implorer avec ferveur sa maternelle protection.

Lorsqu’une âme va sortir de ce monde, l’enfer s’émeut, dit Isaïe, et il envoie les plus terribles d’entre les démons la tenter avant qu’elle quitte son corps, et l’accuser au tribunal de Jésus-Christ, quand elle s’y présentera : L’enfer s’est mis en mouvement à ton arrivée ; il suscitera contre toi des géants. Mais, si cette âme est défendue par Marie, les démons n’oseront entreprendre de l’accuser, assure Richard ; ils savent trop bien que le divin Juge n’a jamais condamné et ne condamnera jamais une âme protégée par son auguste Mère.

Dans son épître à sainte Eustochie, saint Jérôme enseigne que, non contente de secourir ses chers serviteurs au moment de leur mort, Marie vient encore à leur rencontre quand ils passent à l’autre vie, les encourage par sa douce présence, et les accompagne au tribunal suprême : " Quel jour que celui où Marie, Mère du Seigneur, viendra au devant de vous, suivie des choeurs des vierges " ! et cela est conforme à ce que la bienheureuse Vierge a dit elle-même à saint Brigitte, touchant ses serviteurs à leurs derniers moments : " Moi, leur Maîtresse bien-aimée et leur Mère, j’irai à leur rencontre quand ils seront pour mourir, afin que, dans la mort même, ils trouvent consolation et soulagement ".

Saint Vincent Ferrier ajoute qu’elle reçoit leurs âmes. Oui, cette Reine pleine de tendresse les reçoit en quelque sorte dans les plis de son manteau, et les présente elle-même à leur Juge, qui est son Fils ; et ainsi elle leur obtient infailliblement la grâce du salut. Tel fut, par exemple, le bonheur de Charles, fils de sainte Brigitte : comme il était mort dans le périlleux métier des armes et loin de sa mère, la sainte craignait pour son salut, mais la bienheureuse Vierge lui révéla que Charles était sauvé, grâce à son amour pour elle. Elle-même, ajouta-t-elle, l’avait assisté dans ses derniers moments, et lui avait suggéré les actes que tout chrétien doit faire en cette circonstance. Sainte Brigitte vit en même temps Jésus-Christ sur un trône, et le démon qui portait deux accusations contre la divine Mère. En premier lieu, disait-il, elle m’a empêché de tenter Charles au moment de sa mort: en second lieu, elle a présenté elle-même au jugement l’Ame de ce soldat, et l’a ainsi sauvée, sans même me permettre d’exposer les droits que je prétends avoir sur cette âme. La sainte vit ensuite le démon repoussé par le divin Juge, et l’âme de Charles portée au ciel.

Oh ! quel bonheur pour vous, mon cher frère, si, à la mort, vous vous trouvez attaché à la Mère de Dieu par les douces chaînes de l’amour ! Ses chaînes sont des chaînes de salut, c’est-à-dire qu’elles vous assurent le salut éternel. Elles vous feront goûter à la mort une heureuse paix, qui sera pour vous le commencement d’un repos et d’un bonheur sans fin. Le Père Binet rapporte qu’un pieux serviteur de Marie disait en mourant : " Si vous saviez quel contentement on sent en son âme, au moment de la mort, d’avoir essayé de bien servir la très sainte Mère de Dieu durant le cours de sa vie, vous en seriez étonné et consolé ; je ne saurais dire la joie que je ressens en mon coeur à l’heure où vous me voyez Ainsi mourut également le Père Suarez, si dévot envers la sainte Vierge qu’il aurait donné toute sa science, disait-il, pour le mérite d’un seul Ave Maria ; il déclara au moment d’expirer, qu’avant d’en avoir fait l’expérience, il ne se serait jamais imaginé que la mort pût être si douce.

Tel sera sans doute aussi votre contentement, pieux lecteur, telle sera votre joie au moment de la mort, si vous pouvez vous rendre alors le témoignage d’avoir aimé cette bonne Mère toujours fidèle à récompenser ceux de ses enfants qui ont été fidèles à la servir et à l’honorer par des visites, par la récitation, du rosaire, par des jeûnes, et surtout à la remercier, à la louer, et à implorer souvent sa puissante protection. Vous ne serez même pas privé de cette consolation pour avoir vécu un temps dans le péché, si désormais vous tâchez de vous bien conduire et de servir fidèlement cette Reine si clémente et si généreuse ; dans les angoisses de votre dernière heure, et dans les tentations par où le démon cherchera à vous jeter dans le désespoir, elle vous fortifiera et portera la bonté jusqu’à venir elle-même vous assister au moment de votre mort.

Saint Pierre Damien raconte qu’un jour son frère Martin, ayant eu le malheur d’offenser Dieu, se rendit devant un autel de Marie pour se consacrer à elle en qualité d’esclave ; en signe de quoi, il se passa sa ceinture autour du cou, et parla ainsi: " O ma Souveraine, Miroir de pureté ! je suis un pauvre pécheur, j’ai offensé mon Dieu et vous, en blessant la chasteté ; je ne puis mieux réparer ma faute qu’en m’offrant à vous pour esclave ; me voici donc à vos pieds, recevez-moi, tout rebelle que je suis, ne me rejetez pas ". Ensuite, il déposa sur le marchepied de l’autel une certaine somme d’argent, qu’il promit de payer chaque année comme esclave tributaire de Marie. Quand il fut près de mourir, on l’entendit un matin qui s’écriait Levez-vous ; saluez ma Souveraine " ! Puis il ajouta : O Reine du ciel ! quelle est votre bonté de daigner visiter ce pauvre serviteur ! De grâce, bénissez-moi, ma Souveraine, et ne permettez pas que je me perde, après que vous m’avez honoré de votre présence Pierre étant alors arrivé, Martin lui raconta comment la sainte Vierge l’avait visité et béni, se plaignant de ce que les assistants ne s’étaient pas levés en présence de la Mère de Dieu. Peu après, il passa doucement dans le sein du Seigneur.

Oui, mon cher lecteur, telle aussi sera votre mort si vous êtes fidèle à Marie ; eussiez-vous d’ailleurs offensé Dieu dans le passé, elle ne laissera pas de faire que votre fin soit douce et heureuse. Et si alors, une crainte excessive au souvenir de vos péchés d’autrefois, ébranle votre confiance, elle viendra elle-même soutenir votre courage. Ainsi fit-elle pour Adolphe, comte d’Alsace, dont l’histoire se lit aux chroniques des Frères Mineurs. Ce prince avait renoncé au monde pour entrer dans l’ordre de Saint François, et s’y était distingué par sa dévotion à la Mère de Dieu. Sur la fin de ses jours, il se remit devant les yeux la vie qu’il avait menée dans le siècle et la rigueur des divins jugements ; ces pensées lui inspirèrent des doutes touchant son salut et une vive crainte de la mort. Mais, quand les pieux serviteurs de Marie sont dans la Peine, elle ne dort pas. Escortée d’une multitude de saints, elle se présenta tout à coup au mourant, et le rassura par ces tendres paroles : Mon cher Adolphe, tu m’appartiens, tu t’es donné à moi, et tu redoutes la mort ? - A ces mots, le serviteur de Marie se sentit entièrement consolé, toutes ses craintes s’évanouirent, et il mourut au sein d’une paix profonde et d’un doux contentement.

Ayons bon courage, nous aussi, bien que pécheurs et si, pendant le reste de notre Pèlerinage ici-bas, nous servons Marie avec amour, espérons qu’elle viendra nous secourir dans les angoisses de notre mort, et nous consoler par sa présence. Notre bonne Reine en fit la Promesse formelle, un jour queue s’entretenait avec sainte Mechtilde : " Tous ceux, lui dit-elle, qui me servent pieusement, peuvent compter qu’à leur heure dernière, je me ferai un devoir de me tenir à leurs côtés, comme la Plus tendre des mères, pour les consoler et les défendre ". O Dieu ! à ce moment où nous attendrons la décision de notre éternel sort, quelle joie pour nous, de voir auprès de nous la Reine du ciel qui nous assistera et relèvera notre confiance, en nous assurant de sa protection !

C’est là une faveur dont on voit dans les livres une multitude innombrable d’exemples, outre ceux que nous avons déjà cités. Elle fut accordée à sainte Claire, à saint Félix de Cantalice, à sainte Claire de Montefalco, à sainte Thérèse, à saint Pierre d’Alcantara. Mais, pour notre commune consolation, nous en relaterons quelques autres encore. Au rapport du père Crasset, sainte Marie d’Oignies vit un jour la bienheureuse Vierge au chevet d’une pieuse veuve de Willembroc ; elle se tenait tout à côté de la malade ; et, comme celle-ci était en proie aux brûlantes ardeurs de la fièvre, elle la consolait et la rafraîchissait à l’aide d’un éventail. Saint Jean de Dieu allait mourir et attendait la visite de Marie, à laquelle il était très dévot; mais, ne la voyant point paraître, il en était tout triste, et peut-être même s’en plaignait-il. Tout à coup, le moment suprême arrivé, la divine Mère lui apparut, et, comme pour lui reprocher son peu de confiance, elle lui adressa ces tendres paroles, qui doivent remplir de courage tous ses serviteurs : " Cette heure est celle où jamais je ne délaisse mes serviteurs dévoués ". C’est comme si elle eût dit : Mon cher Jean, que pensais-tu ? que je t’avais abandonné? Ne sais-tu donc pas que je ne saurais abandonner mes serviteurs à l’heure de la mort? Je ne suis pas accourue plus tôt, parce que le temps n’était pas encore venu ; maintenant qu’il est arrivé, me voici prête à te prendre avec moi allons en paradis. -- Peu après, le saint expira, et son âme s’envola vers les cieux, pour y remercier à jamais sa très aimante Reine.

Terminons cet entretien par l’exemple suivant, qui montre jusqu’où va la tendresse de cette bonne Mère envers ses enfants, lorsqu’ils se trouvent au lit de la mort.



EXEMPLE

Un curé avait été appelé auprès d’un homme riche qui allait mourir. Il le trouva dans une maison bien meublée, entouré des soins de ses domestiques, de ses parents et de ses amis ; mais il vit en même temps les démons sous forme de chiens, qui attendaient sa mort pour s’emparer de son âme ; et ils l’eurent en effet, car ce malheureux mourut dans le péché. Or, pendant que le curé était là occupé, on vint le demander de la part d’une pauvre femme, proche, elle aussi, de sa fin, et qui désirait recevoir les Sacrements. Le curé ne pouvait abandonner ce riche dans un moment si critique ; il envoya à sa place un autre prêtre, qui prit le saint ciboire et partit.

Arrivé au logis de cette bonne femme, le prêtre ne vit ni domestique, ni compagnie, ni meubles précieux, parce que la malade était pauvre et n’avait guère pour lit qu’un peu de paille ; mais que voit-il? dans la chambres une grande lumière, et, près du lit de la mourante, la Mère de Dieu, qui la consolait, et essuyait avec un linge son front couvert des sueurs de l’agonie. A la vue de la sainte Vierge, le prêtre n’osait s’approcher ; mais un signe queue lui fit, indiquant un escabeau, l’invita à s’asseoir pour entendre la confession de sa servante. Celle-ci se confesse, et après avoir communié avec beaucoup de dévotion, elle expira heureusement entre les bras de Marie.


PRIÈRE

O ma très douce Mère, quelle sera la mort d’un pauvre pécheur tel que moi ? Dès à présent quand je pense au moment redoutable où je devrai quitter cette vie et comparaître au tribunal de Dieu, et qu’en même, temps je me rappelle avoir tant de fois écrit moi-même, par des actes pervers, la sentence de ma condamnation, je tremble, je demeure confondu, et je crains beaucoup pour mon salut éternel. O Marie, c’est dans le sang de Jésus et dans votre intercession que sont mes espérances. Vous êtes la Reine du ciel, la Maîtresse de l’univers ; vous êtes, c’est tout dire, la Mère de Dieu ! Vous êtes donc bien grande ! Mais votre grandeur ne vous éloigne pas de nous, au contraire, elle vous dispose à une plus vive compassion pour nos misères.

Les amis d’ici-bas ne se voient pas plus tôt revêtus de quelque dignité, qu’ils se tiennent sur la réserve ; ils ne daignent même plus accorder un regard à un ancien ami victime des revers de la fortune. Votre noble et tendre coeur n’est pas ainsi fait : où vous voyez plus de misère, c’est là surtout que vous portez votre assistance à peine invoquée, vous volez aussitôt à notre secours vos faveurs préviennent même nos prières ; vous nous consolez dans nos affections, vous dissipez les tempêtes, vous terrassez nos ennemis ; en un mot, vous ne laissez échapper aucune occasion de nous faire du bien. Bénie soit à jamais la divine Bonté, qui a réuni en vous tant de majesté et tant de tendresse, tant d’élévation et tant de charité ! J’en remercie sans cesse le Seigneur, et je m’en félicite moi-même, parce que je mets tout mon bonheur dans le vôtre.

O consolatrice des affligés, consolez un affligé qui se recommande à vous ; je me sens tourmenté par les remords d’une conscience chargée d’innombrables péchés; j’ignore si je les ai pleurés comme je le devais ; je vois toutes mes oeuvres pleines d’imperfections et de souillures ; l’enfer attend ma mort pour m’accuser; la divine justice outragée veut être satisfaite. Ma Mère qu’en sera-t-il de moi ! Si vous ne venez à mon aide, je suis perdu. Dites-moi voulez-vous me secourir !





CHAPITRE III MARIE NOTRE ESPÉRANCE





Spes nostra, salve !




O notre espérance, nous vous saluons.


I  Marie est l’espérance des tous les hommes


Les hérétiques modernes sont révoltés de nous entendre saluer et invoquer Marie comme notre Espérance. Spes nostra, salve! Dieu seul, disent-ils, est notre espérance, et il maudit quiconque met son est notre espérance dans la créature, car il est écrit : Malédiction à l’homme qui se confie en un homme. Comment donc Marie peut-elle être notre espérance, puisqu’elle est une simple créature? Ainsi disent les hérétiques; mais, nonobstant leurs clameurs, la sainte Eglise veut que, chaque jour, tous les ecclésiastiques et tous les religieux élèvent la voix vers Marie, et qu’au nom de tous les fidèles, ils l’invoquent et la saluent du nom si doux de notre Espérance, Espérance de tous les hommes : Spes nostra, salve! " ô notre Espérance, nous vous saluons " !

Selon saint Thomas, il est deux manières de placer son espérance en une personne, selon qu’on la considère comme cause principale, ou comme cause intermédiaire. Ceux qui attendent du roi quelque l’attendent de lui comme souverain, et de son ministre ou favori comme intercesseur. Si la grâce est accordée, elle viendra principalement du roi, mais par l’intermédiaire de son favori ; ainsi, celui qui la sollicite, a bien raison d’appeler l’intercesseur son espérance. Le Roi du ciel, en raison de sa bonté infinie, désire extrêmement nous enrichir de ses grâces; mais pour cela la confiance est nécessaire de notre part ; voulant donc augmenter en nous cette confiance, il nous a donné pour Mère et pour Avocate sa propre Mère, et l’a investie de tout Pouvoir pour nous appuyer ; il veut en conséquence que nous mettions en elle l’espoir de notre salut et de tous les biens. Ceux qui placent leur espérance dans les seules créatures, et d’une manière indépendante de Dieu, comme font les pécheurs, qui ne reculent pas devant l’offense de Dieu pour gagner l’amitié ou la faveur d’un homme, ceux-là sans aucun doute sont maudits de Dieu, ainsi que le déclare le prophète. Mais ceux qui espèrent en Marie comme Mère de Dieu, ayant le pouvoir de leur obtenir la grâce et la gloire, sont bénis du Seigneur ; ils font ce qui est agréable à son coeur, car Dieu se Plaît à voir honorer cette sublime créature, qui l’a aimé et glorifié en ce monde Plus que tous les hommes et tous les anges.

C’est donc à juste titre que nous proclamons la bienheureuse Vierge notre Espérance, puisque, selon le cardinal Bellarmin, y nous espérons obtenir par son intercession ce que n’obtiendraient pas nos prières seules. -- Nous la prions, dit Suarez, afin que la dignité d’une telle Médiatrice supplée à notre bassesse. Or, ajoute-t-il, prier Marie avec une telle espérance, ce n’est pas témoigner que nous nous défions de la miséricorde divine, mais que nous tremblons à la pensée de notre indignité.

Ainsi, l’Église a raison d’appeler Marie, par un mot emprunté à l’Ecclésiastique, la Mère de la sainte espérance, c’est-à-dire, celle qui fait naître en nous, non la vaine espérance des biens misérables et passagers de cette vie, mais la sainte espérance des biens immenses et éternels de la vie future.

Saint Ephrem, s’adressant à la divine Mère, s’écrie : " Recevez mes hommages, ô Marie, ô l’espérance de mon âme, le salut assuré des chrétiens, le refuge des pécheurs, le rempart des fidèles et le salut du monde entier " ! -- Saint Bonaventure nous avertit qu’après Dieu nous n’avons pas d’autre espérance que Marie. Et saint Ephrem, considérant l’ordre présent de la Providence, selon lequel Dieu a décrété, comme l’affirme saint Bernard, que tous ceux qui se sauvent, soient redevables de leur salut à l’intercession de Marie, saint Ephrem, disons-nous, la prie en ces termes : O grande Reine ! ne cessez point de veiller sur nous et de nous couvrir du manteau de votre protection, car après Dieu vous êtes notre seul espoir. Saint Thomas de Villeneuve proclame également Marie notre unique refuge, notre unique ressource, notre unique asile.

Tous ces beaux titres décernés à Marie, saint Bernard semble vouloir les justifier quand il écrit : " Considère, ô homme, le dessein de Dieu, en vue de nous dispenser ses miséricordes avec plus d’abondance : ayant décrété le rachat du genre humain, il a remis entre les mains de Marie tout le prix de la rédemption, afin queue le distribue à son gré.

Quand Dieu commanda à Moïse de faire le propitiatoire : Tu le feras, dit-il, d’un or très pur ; c’est de là que je te parlerai et te donnerai mes ordres. Selon la remarque d’un auteur, Marie est le vrai propitiatoire d’où le Seigneur parle aux hommes, et leur accorde le pardon de leurs fautes, ses grâces, et tous ses bienfaits Vous êtes pour l’univers entier le propitiatoire d’où le Seigneur nous parle au coeur, rend des oracles pleins de douceur et de clémence, nous distribue ses faveurs, et répand, en un mot, tous les biens sur nous ". Avant de s’incarner dans le sein de Marie, le Verbe divin lui fit demander son consentement par un archange. Pourquoi cela Il voulait, répond saint Irénée, que de Marie nous vinssent tous les biens, notamment l’Incarnation, qui les renferme tous. Ainsi, conclut le savant Idiot, tout ce que les hommes ont reçu ou recevront jamais de biens, de secours, de grâces, c’est par l’intercession et par les mains de Marie que Dieu le leur a toujours accordé, et le leur accordera toujours.

O Marie, s’écrie avec raison le pieux Louis de Blois, quel sera l’insensé, le malheureux qui refusera de vous aimer, vous, si aimable et si généreuse envers ceux qui vous aiment ! Vous éclairez l’esprit de ceux qui s’adressent à vous dans leurs doutes et leurs perplexités vous consolez dans leurs afflictions ceux qui se confient en vous ; vous secourez ceux qui vous invoquent dans le péril. Après votre divin Fils, vous êtes le Salut assuré de vos serviteurs fidèles. Je vous salue donc, ô espérance des désespérés et secours des abandonnés ! O Marie, vous êtes toute-puissante, puisque votre Fils vous honore au point d’accomplir sans nul retard tous vos désirs.

A son tour, saint Germain voyait en Marie la source de tous les biens et en attendait la délivrance de tous les maux. " O ma Souveraine, lui disait-il, par la volonté de Dieu, vous êtes ma consolation, le guide de mon pèlerinage, la force de ma faiblesse, la richesse de mon indigence, le remède de mes blessures, le soulagement de mes douleurs ; vous seule pouvez briser mes chaînes, sur vous je fonde l’espoir de mon salut ; exaucez mes prières, soyez touchée de mes soupirs, ô vous, ma Maîtresse, mon refuge, ma vie, mon secours, ma force et mon espérance " !

Elle est donc pleine de justesse, l’application que fait Saint Antonin à Marie, de ces mots de la Sagesse : Tous les biens me sont venus conjointement avec elle. Et, en effet, comme l’affirme ce saint, Marie étant la Mère et la Dispensatrice de tous les biens, le genre humain, et spécialement quiconque est attaché au service de cette grande Reine, peut se féliciter d’avoir obtenu tous les biens par le moyen de Marie et de la dévotion envers elle. De là cette affirmation absolue de l’abbé De Celles: " Qui trouve Marie, trouve tous les biens". Il trouve toutes les grâces, toutes les vertus, car, par sa puissante y intercession, elle lui obtient tout ce dont il a besoin et l’enrichit de tous les dons célestes. Elle-même nous fait savoir par la bouche du Sage, qu’elle tient entre ses mains toutes les richesses de Dieu, c’est-à-dire, les divines miséricordes, pour les distribuer à ceux dont elle est aimée. Nous devons donc, selon l’avertissement de saint Bonaventure, tenir sans cesse les yeux fixés sur les mains de cette tendre Mère, afin de recevoir par son moyen les biens que nous souhaitons.

Oh ! combien d’orgueilleux ont trouvé l’humilité dans la dévotion à Marie ! combien de colères, la mansuétude ! combien d’aveugles, la lumière ! combien de désespérés, la confiance ! combien d’âmes perdues, le salut ! mais tout cela, n’est-il Pas renfermé dans quelques mots prophétiques de Marie elle-même ? Dans le sublime cantique qu’elle chanta chez Elisabeth, n’a-t-elle pas dit : Voici que désormais toutes les nations me proclameront bienheureuse? Ces paroles, Saint Bernard les lui redit en les complétant : Oui, toutes les générations vous proclameront bien heureuse, parce qu’à toutes les générations vous avez donné la vie et la gloire ; car en vous les pécheurs trouvent le pardon, et les justes la persévérance dans la grâce de Dieu.

Le pieux Lansperge fait ainsi parler Notre-Seigneur à l’humanité entière : Pauvres enfants d’Adam, qui vivez au milieu de tant d’ennemis et parmi tant de misères, ayez soin d’honorer avec une affection particulière celle qui est ma Mère et la vôtre. Car j’ai donné Marie au monde comme le modèle dont vous puissiez apprendre à vivre saintement, et comme le refuge auquel vous puissiez recourir dans vos afflictions. Je l’ai formée moi-même de telle sorte que personne ne puisse la craindre ni avoir de répugnance à l’invoquer ; c’est pourquoi je l’ai créée avec un naturel si plein de bonté et de compassion, qu’elle ne saurait mépriser aucun de ceux qui ont recours à elle, ni refuser une faveur qu’on lui demande ; elle tient ouvert à tous le sein de sa miséricorde, et ne permet jamais qu’après s’être jeté à ses pieds, on se retire sans être consolé. -- Louée soit donc et bénie à jamais l’immense bonté de notre Dieu, qui nous a donné cette Mère, et cette Avocate si tendre et si aimante.

O Dieu ! quelle tendresse dans les sentiments de confiance que saint Bonaventure, si embrasé du divin amour, ressentait à l’égard de notre très aimant Rédempteur Jésus, et de notre très aimante Avocate Marie ! Le Seigneur m’eût-il réprouvé, disait-il, je sais qu’il ne peut se refuser à quiconque l’aime et le cherche de coeur. Je le serrerai dans les bras de mon amour, et, s’il ne me bénit, je ne le laisserai point aller ; il ne pourra se retirer, sans m’entraîner avec lui. Si je ne puis faire autre chose, je me cacherai au moins dans ses plaies ; tant que je demeurerai là, il ne pourra me trouver hors de lui. -- Enfin, ajouta-t-il, si, en haine de mes péchés, mon Rédempteur me chasse loin de lui, j’irai me jeter aux pieds de sa Mère ; et là prosterné, je ne partirai point qu’elle ne m’ait obtenu mon pardon. Car cette Mère de miséricorde ne sait et n’a jamais su être insensible aux misères, ni refuser d’exaucer les misérables qui ont recours à sa protection. Ainsi, concluait le saint, si ce n’est par obligation, au moins par compassion, elle ne manquera pas d’engager son divin Fils à me pardonner.

Terminons, en disant avec Euthymius Abaissez, ô Mère de miséricorde, abaissez vos regards miséricordieux sur nous, qui sommes vos serviteurs, et qui avons mis en vous toute notre espérance.


EXEMPLE


On lit dans le Trésor du Rosaire, qu’un gentilhomme, animé d’une grande dévotion envers la Mère de Dieu, s’était fait dans sa maison un pieux oratoire, où il allait souvent prier devant une belle image de Marie, non seulement pendant le jour, mais encore pendant la nuit, interrompant son repos pour honorer ainsi sa Reine bien-aimée. Or, son épouse, personne du reste de beaucoup de piété, observant qu’il se levait dans le plus profond silence de la nuit, sortait de la chambre, et ne revenait qu’au bout d’un temps considérable, conçut malheureusement de mauvais soupçons. Tourmentée par cette cruelle épine, elle hasarda un jour de demander à son mari s’il aimait une autre femme qu’elle. Il lui répondit en souriant : "Sache que j’aime la dame la plus aimable du monde. Je lui ai donné tout mon coeur, et je mourrais plutôt que de cesser de l’aimer. Si tu la connaissais, tu me dirais toi-même de l’aimer encore davantage ".

Il entendait parler de la sainte Vierge, qu’il aimait d’un amour si tendre ; mais la pauvre femme, ne faisant que tomber dans une plus grande inquiétude, voulut s’assurer de la vérité et l’interrogea de nouveau, afin de savoir si c’était pour aller trouver cette dame qu’il se levait la nuit et sortait de l’appartement. Le gentilhomme, qui ne connaissait pas la violente agitation de son épouse, répondit que oui. Ainsi persuadée d’une chose qui n’était pas, et aveuglée par la passion, que fit alors cette malheureuse? Une nuit que son mari était sorti de sa chambre à l’ordinaire, de désespoir, elle prit un couteau et se coupa la gorge ; peu après, elle expira.

Le mari, ayant accompli sa dévotion, retourne dans l’appartement, va pour se remettre au lit, et le trouve tout trempé ; il appelle sa femme, et elle ne répond point ; il la secoue de la main, et elle reste insensible. A la fin, ayant pris de la lumière, il voit le lit plein de sang et son épouse étendue morte. Il comprit alors qu’elle s’était tuée dans un accès de jalousie, et que fit-il ? Il ferma la chambre à clef, et revint à la chapelle, se prosterna devant la sainte Vierge, et là, pleurant à chaudes larmes, il se mit à dire : " Ma Mère ! vous voyez dans quelle affliction je me trouve ; si vous ne me consolez à qui dois-je recourir? Songez que c’est pour être venu ici vous honorer, que j’ai le malheur de voir mon épouse morte et damnée. Ma Mère ! vous le pouvez, ah ! réparez ce malheur ". Lorsqu’on invoque avec confiance cette Mère de miséricorde, on en obtient tout ce qu’on veut. A peine le gentilhomme a-t-il fini sa prière, qu’il entend une servante lui dire : " Monsieur, veuillez retourner à votre chambre ; Madame vous demande ". Mais, dans l’excès de sa joie, il n’ose croire cette heureuse nouvelle : " Allez voir, répond-il, s’il est bien vrai qu’elle me demande. -- Oui, dit la servante au retour, venez vite Madame vous attend ".

Il va, ouvre la chambre, et voit son épouse pleine de vie, qui, se jetant à ses pieds, les arrose de ses larmes et le prie de lui pardonner, en disant : Ah ! mon fidèle époux ! grâce à vos prières, la Mère de Dieu m’a délivrée de l’enfer. Alors tous deux, pleurant de joie, se rendirent à l’oratoire pour remercier la bienheureuse Vierge. Le lendemain, le mari invita tous ses parents à un festin, et leur fit raconter le fait par sa femme elle-même ; celle-ci leur montra la marque de sa blessure, qui était encore visible et toute la famille conçut pour la divine Mère des sentiments de confiance plus vifs que jamais.


PRIÈRE


O Mère du saint amour, notre vie, notre refuge, et notre espérance ! vous savez que Jésus-Christ, votre Fils, non content de se faire notre perpétuel avocat auprès de son Père, veut en outre que vous intercédiez auprès de lui-même pour nous obtenir les divines miséricordes. Il a décrété que vos prières nous aideraient à nous sauver, et il leur a donné tant de force qu’elle sont toujours exaucées. C’est donc à vous, à espérance des malheureux, c’est à vous que je m’adresse, moi misérable pécheur ; j’espère que, par les mérites de Jésus-Christ et par voire intercession, je ferai mon salut. Telle est ma confiance, et elle va si loin que, si mon salut éternel était entre mes mains, je le remettrais dans les vôtres ; car je me fie plus en voire miséricorde et en votre protection, que dans toutes mes oeuvres. Ma Mère et mon espérance, ne m’abandonnez pas, comme je le mériterais ; considérez ma misère, et laissez-vous toucher de compassion ; secourez-moi et sauvez-moi. Bien des fois, je le confesse, mes péchés ont fermé la porte aux lumières et aux secours que vous m’avez obtenus de Dieu ; mais votre compassion pour les misérables et votre pouvoir auprès du Seigneur surpassent le nombre et la malice de toutes mes iniquités. C’est une chose connue du ciel et de la terre que celui que vous protégez ne saurait se perdre. Que je sois donc oublié de toutes les créatures, mais non de vous, ô Mère du Tout-Puissant. Dites à Dieu que je suis votre serviteur, dites-lui que vous prenez ma défense, et je serai sauvé. O Marie, je me confie en vous ; c’est avec celle confiance que je vis et que je veux et espère mourir, disant toujours: " Mon unique espérance est Jésus, et, après Jésus, la Vierge Marie".

II  Marie est l’espérance des pécheurs


Après avoir créé la terre, Dieu fil deux grands luminaires, l’un plus grand, pour présider au jour, l’autre moindre, pour présider à la nuit. Selon le cardinal Hugues, le premier de ces deux luminaires, le soleil, est la figure de Jésus-Christ, dont la lumière éclaire les justes qui vivent dans le jour de la grâce de Dieu ; et le second, la lune, est la figure de Marie, dont la douce lueur reste aux malheureux plongés dans la nuit du péché. Marie étant donc cet astre propice aux pécheurs, que doit faire le malheureux qui se trouve environné des ténèbres de l’iniquité? Puisqu’il a perdu la lumière du Soleil de Justice en perdant la grâce divine, répond Innocent III, qu’il tourne ses regards vers l’astre qui brille pour lui ; qu’il invoque Marie ; elle l’éclairera sur le malheur de son état et lui donnera la force d’en sortir sans retard. Au dire de saint Méthode, on pourrait à peine compter les conversions dues aux prières de Marie.

Parmi les titres sous lesquels la sainte Église veut que nous invoquions la Mère de Dieu, le plus encourageant pour les pauvres pécheurs, c’est le titre de Refuge des pécheurs, que nous lui donnons dans les litanies. Anciennement, il y avait en Judée plusieurs villes de refuge, où les délinquants pouvaient se retirer, afin d’échapper à la peine qu’ils avaient encourue ; à présent, il n’y a plus qu’une seule Cité de refuge, et c’est Marie, à qui s’applique cette parole prophétique : Bien glorieuses, à Cité de Dieu, sont les choses qui ont été dites à ton sujet. Mais il est une différence entre elle et les asiles de la loi ancienne : ceux-ci n’étaient pas ouverts à tous les coupables, mais seulement à ceux qui étaient prévenus de certains délits ; au contraire, dès qu’ils se réfugient sous le manteau de Marie, tous les pécheurs, quelles que soient leurs fautes, sont à l’abri du châtiment. " Je suis, nous dit-elle par la bouche de saint Jean de Damas, je suis la cité de refuge, tous ceux qui viennent à moi seront sauvés ". Il suffit de se réfugier dans cette Cité ; quiconque est assez heureux pour y entrer, y trouve toute sûreté, avant même d’avoir plaidé sa cause. Venez, entrons dans la ville forte, dit Jérémie, et demeurons-y en silence. D’après le bienheureux Albert le Grand, cette ville forte est la sainte Vierge, que la grâce et la gloire environnent comme un rempart ; et il ajoute, en citant la Glose : Puisque nous n’osons demander nous-mêmes au Seigneur le pardon de nos péchés, nous pouvons du moins nous retirer dans cette citadelle et nous y tenir en silence ; ce sera assez, Marie se chargera de parler et d’intercéder pour nous. Un autre pieux auteur exhorte également tous les pécheurs à s’abriter sous le manteau de la Reine du ciel : " Réfugiez-vous, Adam et Ève, et vous aussi, leurs pauvres enfants, qui avez irrité le Seigneur, réfugiez-vous tous dans le sein de cette bonne Mère. Ne savez-vous pas qu’elle est l’unique Cité de refuge, et l’unique espérance des pécheurs? " Oui, l’unique espérance des pécheurs ; ainsi l’appelle déjà saint Augustin.

"O Marie, vous êtes l’unique avocate des pécheurs et de ceux qui sont dénués de toute ressource ", dit à son tour saint Ephrem ; puis il s’écrie : " Salut, ô vous, le refuge des pécheurs et leur asile’; en vous seule, ils peuvent trouver sûreté et protection ". Et, selon un auteur, David désignait déjà Marie quand il disait : Dieu m’a mis à couvert dans le secret de son tabernacle. Quel est, en effet, le tabernacle de Dieu, sinon Marie? ainsi la nomme saint André de Crète : " Vous êtes, dit-il, le tabernacle que Dieu lui-même a dressé, et dans lequel lui seul est entré, pour accomplir les grands mystères de la rédemption des hommes".

L’illustre saint Basile dit à ce propos qu’en nous donnant Marie, Dieu nous a en quelque sorte ouvert un hôpital public, où peuvent être reçus tous les malades pauvres et privés de toute autre ressource. Or, je le demande, les hôpitaux étant fondés spécialement pour les pauvres, quels sont ceux qui ont le plus de titres à y être admis? ne sont-ce pas les plus indigents et les plus malades? Celui donc qui se trouve plongé dans la misère, c’est-à-dire dépourvu de tout mérite et chargé de péchés, qui sont les maladies de l’âme, il peut, ce semble, dire à Marie : Auguste Dame ! vous êtes l’asile des pauvres malades ; ne me rejetez donc pas, puisque, plus pauvre et plus malade que tous les autres, j’en ai plus de droit à être accueilli par vous.

Disons-lui avec saint Thomas de Villeneuve : O Marie, nous, pauvres pécheurs, nous ne connaissons point d’autre refuge que vous ; vous êtes notre unique espérance dans l’affaire de notre salut ; vous êtes après Jésus-Christ l’unique avocate vers laquelle nous tournons nos regards.

Dans les révélations de sainte Brigitte, Marie est, dite l’astre avant-coureur du soleil, pour nous donner à entendre que, quand la dévotion à la divine Mère fait son apparition dans l’âme d’un pécheur, c’est un présage infaillible que bientôt le Seigneur reviendra à elle avec les richesses de sa grâce. Le glorieux saint Bonaventure, pour réveiller la confiance des pécheurs en la protection de Marie, les représente d’abord comme exposés à périr sur une mer orageuse. Déjà tombés du navire de la grâce, et ballottés çà et là par le remords de leur conscience et la crainte des jugements de Dieu, sans lumière et sans guide, les infortunés se voient au moment de perdre le dernier souffle d’espérance qui les fait encore vivre. C’est alors que le Seigneur, leur montrant Marie, si connue sous le nom d’Étoile de la mer, élève en quelque sorte la voix pour crier à ces naufragés : Pauvres pécheurs, qui vous croyez perdus, ne désespérez pas ; levez les yeux vers cette belle Étoile, reprenez haleine et courage ; car Marie vous retirera du milieu de la tempête, et vous conduira au port du salut. -- Saint Bernard exprime la même pensée : Si vous ne voulez pas être submergé par la tempête, regardez l’Étoile, appelez Marie à votre secours.

Et, en effet, selon Louis de Blois, "Marie est l’unique refuge de ceux qui ont eu le malheur d’offenser Dieu ; elle est l’asile de tous ceux qui sont en butte aux tentations et aux coups de l’adversité ; elle est toute bonté, toute douceur, non seulement envers les justes, mais encore envers les pécheurs les plus désespérés : aussi, quand elle les voit venir à elle, et qu’elle les entend implorer de tout coeur son assistance, elle s’empresse de les secourir, les accueille, et leur obtient leur pardon de son divin Fils. Elle n’en sait mépriser aucun, si indigne qu’il soit ; elle ne refuse à aucun sa protection ; elle les console tous et à peine l’a-t-on invoquée, qu’on en est aussitôt secouru. Bien Souvent, par sa douceur, elle sait attirer à son culte et réveiller les pécheurs les plus étrangers à l’amour de Dieu, les plus profondément ensevelis dans la léthargie du vice ; par là ils se disposent à recevoir la grâce divine et à se rendre enfin dignes de la gloire éternelle. En formant cette Fille de prédilection, Dieu l’a douée d’un caractère si compatissant et si prévenant, que personne ne peut jamais, par défaut de confiance, hésiter à réclamer son intercession. Enfin, conclut le pieux auteur, il n’est pas possible qu’une âme se perde, qui cultive avec zèle et humilité la dévotion à cette divine Mère ".

Elle est comparée au platane : Je me suis élevée comme le platane. C’est encore un encouragement pour les pauvres pécheurs. Le platane protège contre les ardeurs du soleil les voyageurs qui se réfugient sous son feuillage, et quand Marie voit la colère divine près d’éclater sur la tête des pécheurs, elle les invite à se réfugier sous l’ombre de sa protection. C’était avec raison, remarque saint Bonaventure, que le prophète Isaïe se désolait de son temps, et disait à Dieu : Vous voilà irrité contre nous, et votre colère est juste, car nous avons péché ; et il n’est personne qui se lève pour retenir votre bras, personne qui puisse vous fléchir en notre faveur. Il disait vrai, car, en ces temps-là, Marie n’était pas encore au monde; et, avant sa naissance, dit le saint, personne n’eût osé comme elle retenir le bras vengeur du Très-Haut. Mais aujourd’hui, quelque irrité que soit le Seigneur contre un pécheur, si Marie le prend sous sa protection, elle parvient à le sauver en empêchant son Fils de le punir. Et aucune autre créature, continue le même saint, lie pourrait, aussi bien qu’elle, aller jusqu’à mettre la main sur le glaive de la divine justice, et suspendre les coups dont il menace les coupables. Richard de Saint-Laurent exprime la même pensée : Avant la naissance de Marie, dit-il, Dieu se plaignait que personne ne É’opposât à ses vengeances sur les pécheurs ; mais, à présent que Marie est dans le monde, elle apaise sa colère.

Basile de Séleucie encourage aussi le pécheur, en lui disant Pécheur, ne perds pas confiance, mais, en toute circonstance, recours à Marie et invoque-là tu la trouveras toujours prête à te secourir, car c’est la volonté de Dieu qu’elle nous aide dans tous nos besoins ". -- Cette Mère de miséricorde est si désireuse de sauver les pécheurs les plus désespérés, qu’elle va elle-même à leur recherche pour les secourir; et, s’ils implorent son assistance, elle sait bien trouver le moyen de les rendre chers à Dieu.

Isaac désirait un jour manger du gibier ; il appela Ésaü et lui promit de le bénir quand il lui en aurait apporté. Mais Rébecca, qui voulait que cette bénédiction fût l’apanage de son autre fils Jacob, ordonna à celui-ci de lui amener deux chevreaux, qu’elle apprêterait au goût d’Isaac. Selon saint Antonin, Rébecca fut ici la figure de Marie, et les chevreaux, celle des pécheurs : la Reine du ciel dit aux anges : Amenez-moi des pécheurs ; je leur procurerai le repentir de leurs fautes avec une ferme résolution de ne plus pécher, et je saurai, par ce moyen, les rendre agréables et chers au Seigneur. -- L’abbé Francon, développant la même pensée, ajoute que Marie sait si bien apprêter ses chevreaux, qu’ils deviennent, pour le goût, non seulement comparables, mais parfois même supérieurs aux cerfs.

Il n’est pas au monde de pécheur, pour éloigné qu’il soit de Dieu, qui ne puisse se convertir, et recouvrer l’amitié divine, s’il veut seulement recourir a Marie et réclamer son assistance. Elle-même l’a révélé ainsi à sainte Brigitte. La même sainte entendit un jour Jésus-Christ dire à sa Mère, qu’elle serait disposée à demander la grâce pour Lucifer même, si celui-ci pouvait s’humilier jusqu’à se recommander à elle Vous ne refuseriez pas votre compassion au démon lui-même, s’il vous priait humblement ". Jamais on ne verra cet esprit superbe s’abaisser au point d’implorer la protection de Marie ; mais, si cela pouvait arriver, la Mère de Dieu serait assez bonne, assez puissantes seraient ses prières, pour lui obtenir du Seigneur le pardon et le salut. Mais ce qui ne peut avoir lieu pour le démon, se réalise tous les jours en faveur des pécheurs qui ont recours à cette Mère de miséricorde.

L’arche de Noé fut sans doute une figure de Marie car, si l’arche offrit un abri à tous les animaux de la terre, le manteau de Marie sert de refuge à tous les pécheurs, que leurs vices et leurs péchés sensuels assimilent aux brutes. Il y a cependant une différence, observe un auteur : Les animaux entrés dans l’arche demeurèrent ce qu’ils étaient ; le loup demeura loup, le tigre demeura tigre ; au lieu que, sous le manteau de Marie, le loup se transforme en agneau, et le tigre en colombes Sainte Gertrude vit un jour la bienheureuse Vierge qui tenait son manteau ouvert ; sous ce manteau, la sainte aperçut grand nombre de bêtes féroces de différentes espèces, tels que léopards, lions, ours ; elle remarqua que Marie, loin de les chasser, les recevait avec bonté et les caressait de sa douce main. Gertrude comprit que ces bêtes féroces sont les malheureux pécheurs, que Marie accueille avec amour quand ils ont recours à elle.

Saint Bernard avait donc bien raison de dire à Marie : Auguste Souveraine, jamais vous ne repoussez un pécheur, si souillé et abominable soit-il, s’il se réfugie auprès de vous ; dès qu’il implore votre secours, vous ne dédaignez pas d’étendre votre main miséricordieuse pour le retirer de l’abîme du désespoir. O aimable Marie ! béni et remercié soit à jamais le Seigneur qui vous a faite si douce et si bonne, même envers les plus misérables pécheurs ! Malheureux celui qui ne vous aime pas, malheureux celui qui, pouvant implorer votre pitié, ne met pas en vous sa confiance ! --Celui-là se perd, qui ne recourt pas à Marie. Mais qui, après l’avoir fait, s’est jamais perdu ?

On lit dans l’Écriture que Booz permit à Ruth de ramasser les épis tombée des mains des moissonneurs. Saint Bonaventure fait là-dessus cette réflexion : De même que Ruth trouva grâce aux yeux de Booz, ainsi Marie a trouvé grâce aux yeux du Seigneur, qui lui a permis de recueillir les épis échappés aux moissonneurs. Les moissonneurs sont les ouvriers évangéliques, les missionnaires, les prédicats les confesseurs, dont les travaux gagnent chaque jour des âmes à Dieu. Mais il est des âmes rebelles et endurcies que, malgré tout leur zèle, ils se voient forcés d’abandonner ; c’est le privilège exclusif de Marie d’empêcher, par sa puissante intercession, que ces épis délaissés ne se perdent. Mais aussi, malheur aux âmes qui résistent même à la main de cette douce glaneuse ! Assurément, elles resteront à jamais perdues et maudites. Bienheureuses, au contraire, celles qui ont recours à une si bonne Mère ! Il n’y a pas au monde, dit le pieux Louis de Blois, un pécheur tellement désespéré et plongé dans la fange du vice, que Marie en ait horreur et le repousse : ah ! qu’il vienne seulement réclamer l’assistance de cette tendre Mère ; il verra si elle veut et peut le réconcilier avec son divin Fils, et lui obtenir son pardon.

Ce n’est donc pas à tort, ô ma très douce Souveraine, que saint Jean Damascène vous salue l’Espérance des désespérés, que saint Laurent Justinien vous proclame l’Espérance des coupables, saint Augustin, l’unique Ressource des pécheurs, saint Ephrem, le Port assuré des naufragés. Le même saint pousse la hardiesse jusqu’à vous appeler la Protectrice des damnés. C’est avec raison enfin que saint Bernard exhorte les désespérés eux-mêmes à ne pas désespérer ; et plein de joie et de tendresse envers sa Mère chérie, il lui dit amoureusement : Vierge sainte qui donc n’aura pas confiance en vous, si vous secourez même les désespérés? Je ne doute nullement, ajoute-t-il, qu’à la seule condition de réclamer votre secours, nous n’obtenions tout ce que nous voudrons ; celui donc qui n’a plus d’espoir, doit encore espérer en vous.

Saint Antonin raconte qu’un homme qui vivait dans la disgrâce de Dieu, eut un jour une vision dans laquelle il lui sembla se trouver au tribunal de Jésus-Christ ; le démon présenta le dossier de ses péchés, lesquels, mis dans la balance de la justice divine, l’emportèrent de beaucoup sur toutes ses bonnes oeuvres. Que fit alors sa puissante Avocate? elle étendit sa douce main et l’appuya sur l’autre bassin de la balance, qu’elle fit pencher en faveur de son client. Par là, elle lui donnait à entendre qu’elle lui obtiendrait son pardon, s’il voulait changer de vie - et, en effet, après cette vision, le pécheur se convertit et vécut en bon chrétien.



EXEMPLE


Le vénérable Jean Herolt, qui par humilité prit le nom de Disciple, rapporte le trait qu’on va lire. Un homme marié vivait dans le désordre son épouse, femme vertueuse, ne pouvant lui persuader de renoncer au péché, le pria de vouloir au moins, dans cet état misérable, pratiquer quelque dévotion envers la Mère de Dieu, ne fût-ce que de la saluer en récitant un Ave Maria, toutes les fois qu’il passerait devant une de ses images. Il consentit à observer cette pratique.

Un nuit que ce malheureux était sorti dans le dessein de se livrer au péché, il aperçut de loin une lumière, s’approcha et vit que c’était une lampe qui brûlait devant une statue de Marie tenant entre ses bras Jésus enfant. Il récite l’Ave Maria selon sa coutume ; mais ensuite, quel objet s’offre à ses regards ! Le divin Enfant lui apparaît tout couvert de plaies fraîchement ouvertes et d’où le sang tombe à grosses gouttes. Épouvanté et en même temps attendri, considérant que c’était lui qui, par ses péchés, avait ainsi déchiré les membres de son Rédempteur, il se mit à pleurer ; mais il remarqua que Jésus lui tournait le dos. Alors, tout pénétré de confusion, il eut recours à la sainte Vierge, et lui parla ainsi " Mère de miséricorde, votre Fils me repousse ; je ne puis trouver d’avocate plus bienveillante ni plus puissante que vous, qui êtes sa Mère ; ô ma Reine, assistez-moi, priez-le pour moi. La Mère du Sauveur lui répondit par sa statue : Vous autres, pécheurs, vous m’appelez Mère de miséricorde, mais, en même temps, vous ne cessez de faire de moi une mère de misère, en renouvelant continuellement la passion de mon Fils et mes propres douleurs.

Néanmoins, comme Marie ne sait jamais renvoyer sans consolation celui qui se jette à ses pieds, elle se tourna vers son divin Fils et le pria de pardonner à ce malheureux. Jésus continuait de montrer de la répugnance à accorder ce pardon ; mais la sainte Vierge, déposant son cher Enfant dans la niche, se prosterna devant lui, en disant Mon Fils, je ne me relève pas, je reste ici à vos pieds, si vous ne pardonnez à ce pécheur. -- Ma Mère, dit alors Jésus, je ne vous puis rien re fuser : vous voulez qu’il lui soit pardonné ; pour l’amour de vous, je lui pardonne faites-le venir baiser mes plaies Il. Le pécheur s approcha tout en larmes ; et, à mesure qu’il baisait les plaies du saint Enfant, elles guérissaient aussitôt. Enfin, Jésus l’embrassa en signe de réconciliation. Dès ce moment, cet homme changea de conduite, mena une vie édifiante, et donna toujours des marques d’une ardente dévotion à la bienheureuse Vierge, qui lui avait obtenu une faveur si grande.



PRIÈRE


O Vierge Immaculée, je vénère votre très saint Coeur, qui fut les délices et le repos d’un Dieu, ce Coeur tout plein d’humilité, de pureté et d’amour divin. Moi, malheureux pécheur, je viens à vous, le coeur rempli de fange et d’ulcères ; ô Mère de miséricorde, ne me dédaignez pas pour cela, mais n’en ayez que plus de compassion, et secourez-moi. Ne cherchez en moi, pour venir à mon aide, ni vertus, ni mérites; je suis une âme perdue et qui ne mérite que l’enfer. Considérez uniquement, je vous prie, la confiance que j’ai vous et en la résolution où je suis de me corriger. Considérez ce que Jésus a fait et souffert pour moi, et puis abandonnez-moi si vous le pouvez. Souffrez que je vous remette sous les yeux toutes les peines de sa vie, le froid qu’il endura dans l’étable, le voyage qu’il fat en Égypte, le sang qu’il répandit, la pauvreté, les sueurs, les tourments, la mort qu’il souffrit en votre présence pour l’amour de moi ; et, pour l’amour de Jésus, songez à me sauver.

Ah ! ma Mère, je ne veux ni ne puis craindre que vous me repoussiez, maintenant que j’ai recours à vous et que j’implore votre assistance. Si j’avais une telle crainte, je ferais injure à votre miséricorde, qui va cherchant les malheureux pour les secourir. Sainte Reine, ne refusez pas votre pitié à celui à qui Jésus-Christ n’a pas refusé son sang. Mais les mérites de ce sang précieux ne me seront pas appliqués, si vous ne me recommandez à Dieu. C’est de vous que j’espère mon salut; je ne vous demande ni richesse, ni honneurs, ni autres biens terrestres, je vous demande la grâce de Dieu, l’amour de votre Fils, Jésus, la grâce d’accomplir sa volonté, et enfin le paradis pour l’aimer éternellement. Est-il possible que vous refusiez de m’exaucer ? Non, certes vous m’exaucez dès à présent, j’en ai la confiance déjà vous priez pour moi, déjà vous me procurez les grâces que je sollicite : déjà vous me prenez sous votre protection. Ma Mère, ne m’abandonnez point ; continuez, oui, continuez de prier pour mot, jusqu’à ce que vous me voyiez sauvé, reçu dans le ciel, et prosterné à vos pieds pour vous bénir et vous remercier pendant toute l’éternité. Amen.






Gloires de Marie - EXEMPLE