Thérèse EJ, Lettres 55

55

LT 55 A Soeur Agnès de Jésus.

5-9 juillet 1888


Merci à l'agneau chéri d'avoir fait de nouveau entendre à l'agnelet la musique du Ciel Le doux zéphir a fait doucement remuer le petit roseau.. Il était 9 h passées quand le roseau a aperçu le petit papier chéri, 1 il n'avait aucune lumière de la terre. 2 mais son coeur plus que ses yeux a su déchiffrer la musique de Ste Cécile; il n'en a pas perdu un seul mot!...
Oui, je les désire, ces angoisses du coeur, ces coups d'épingles dont parle l'agneau; qu'importe au petit roseau de plier. il n'a pas peur de se rompre, car il a été planté au bord des eaux; au (1v ) lieu d aller toucher la terre quand il plie il ne rencontre qu'une onde bienfaisante qui le fortifie et lui fait désirer qu'un autre orage vienne à passer sur sa fréle tête. C'est sa faiblesse qui fait toute sa confiance il ne saurait se briser puisque quelque chose qui lui arrive, il ne veut voir que la douce main de son Jésus. Quelquefois les petits coups de vent sont plus insupportables au roseau que les grandes tempêtes, car alors il va se retremper dans son ruisseau chéri, mais les petits coups de vent ne le font pas plier assez bas ce sont les piqûres d'épingles.. Mais rien de trop à souffrir pour conquérir la palme... 3



56

LT 56 A soeur Agnès de Jésus.

11 Juillet 1888


Quel bonheur de revoir demain le doux visage de l'agneau, 1 mais l'agnelet supplie l'agneau de ne pas encore bondir vers le Ciel Si déjà sa place est prête à lui, qu'il pense au pauvre agnelet, qu'il attende un peu que l'agnelet puisse bondir aussi, alors tous les deux s'en iront dans leur patrie. Leur coeur qui n'est jamais rassasié sur la terre ira s'abreuver à la source même de l'amour. oh! le doux festin. Quelle joie de voir Dieu; 2 d'être jugée par celui que (1v ) nous aurons aimé par-dessus toutes choses. 3 J'ai rêvé que l'agneau s'envolerait bientôt dans sa patrie, mais j'espère qu'il restera encore un peu dans l'exil pour guider le pauvre agnelet.



57

LT 57 A Céline.

J.M.J.T,

Lundi 23 Juil. 88

Jésus seul!


Soeur chérie,


Ta Thérèse a compris toute ton âme, elle en a lu encore plus long que tu ne lui en as écrit. J'ai compris la tristesse du Dimanche, j'ai tout senti... Il me semblait en lisant que la même âme nous animait. il y a entre nos âmes quelque chose de si sensible, qui se ressemble tant. Toujours nous avons été ensemble; nos joies, nos peines, tout a été commun Ah! je sens que cela continue au Carmel, jamais, non jamais nous ne serons séparées. Tu sais, il n'y a que le lis jaune 1 qui aurait pu nous éloigner un peu, je te le dis parce que je suis sûre que toujours un Lis blanc sera ton partage, puisque tu l'as choisi et qu'il t'a choisie le premier. Comprends-tu les lis...
(1v ) Je me demandais quelquefois pourquoi Jésus m'avait prise la première; maintenant j'ai compris. Tu sais, ton âme est un lis-immortelle 2 Jésus peut en faire tout ce qu il veut, il importe peu qu'il soit dans un lieu ou dans un autre. toujours il sera immortelle; la tempête ne peut faire tomber le jaune des étamines sur son blanc calice embaumé, c'est Jésus qui l'a fait ainsi, il est libre et personne n'a à lui demander pourquoi il donne ses grâces à une âme plutôt qu'à une autre. 3 A côté de ce Lis Jésus en a placé un autre, son compagnon fidèle. 4 ils ont grandi ensemble mais l'un était immortelle, l'autre ne l'était pas. Il a fallu que Jésus prenne son lis avant que la fleur ne s'entrouvre pour que les deux lis soient pour lui. L'un était faible et l'autre était fort. Jésus a pris le faible, il a laissé l'autre pour qu'il s'embellisse d'un nouvel éclat... Jésus demande TOUT à ses deux lis, il ne veut rien leur laisser que leur blanche robe, TOUT; l'immortelle a-t-elle compris sa petite soeur? (2r ) La vie souvent est pesante, quelle amertume... mais quelle douceur n oui, la vie coûte, il est pénible de commencer une journée de labeur, le faible bouton l'a vu comme le beau lis, si encore on sentait Jésus, oh! on ferait bien tout pour lui mais non il parait à mille lieues, nous sommes seules avec nous-mêmes, oh! l'ennuyeuse compagnie quand Jésus n'est pas là. Mais que fait-il donc ce doux ami, il ne voit donc pas notre angoisse, le poids qui nous oppresse? où est-il, pourquoi ne vient-il pas nous consoler, puisque nous n'avons que lui pour ami? Hélas! il n'est pas loin, il est là tout près, qui nous regarde, qui nous mendie cette tristesse, cette agonie, il en a beson pour les âmes, pour notre âme, Il veut nous donner une si belle récompense, ses ambitions pour nous sont si grandes. Mais comment dira-t-il: " mon tour " 5 si le nôtre n'est venu, si nous ne lui avons rien donné? Hélas! il lui en coûte de nous abreuver de (2v ) tristesses mais il sait que c'est l'unique moyen de nous préparer à " le connaître comme il se connaît et à devenir des Dieux nous-mêmes " Oh! quelle destinée, que notre âme est grande... 1Co 13,12 Elevons-nous au-dessus de ce qui passe, tenons-nous à distance de la terre, plus haut l'air est pur, Jésus se cache mais on le devine, en versant des larmes on essuie les siennes, et la Ste Vierge sourit, pauvre Mère, elle a eu tant de peine à cause de nous, il est juste que nous la consolions un peu en pleurant et souffrant avec elle.,, J'ai lu ce matin un passage de l'Evangile où il est dit: " Je ne suis pas venu apporter la paix mais le Glaive " Mt 10,34 il ne nous reste qu'à combattre , quand nous n'en avons pas la force c'est alors que Jésus combat pour nous. Mettons ensemble la cognée à la racine de l'arbre. 6 Pauvre brouillon de Thérèse, quelle lettre, quel tumulte,, Oh! si j'avais pu dire tout ce que je pense que Céline (2v tv) en aurait long à lire. Jésus est bon de nous avoir fait rencontrer une mère comme celle que nous avons 7 Quel trésor, petite soeur, si tu l'avais vue ce matin à 6 heures 8 m'apporter ta lettre, j'en étais émue. Jésus te demande TOUT, TOUT, TOUT, autant comme il peut demander aux plus grands Saints.
Ta pauvre petite Soeur

Thérèse de l'Enfant Jésus

p.c.ind.




58

LT 58 A M.Martin

J.M.J.T.

Le 31 Juillet 88 Carmel


Mon Roi chéri.


Si tu savais comme ta carpe, ton monstre nous a fait de plaisir! le dîaer en a été retardé d'une demi-heure. c'est Marie du Sacré Coeur qui a fait la sauce, c'était délicieux. cela sentait la cuisine du monde, C'était meilleur encore que la somptueuse cuisine d'Italie, et ce a'est pas peu dire, car quels festins... et quelle compagnie te rappelles-tu mon petit (1v ) Père?... Mais ce n'est pas toujours cela qui donne de l'appétit; à moi du moins, car je n ai jamais tant mangé que depuis que je suis au Carmel, Je sens que je suis tout à fait dans mon centre; si Mlle Pauline 1 était là elle dirait que: " j ai trouvé ma voie " Ton Diamant ne peut t'écrire. car il est en grande lessive. mais cela ne l'empêche pas de penser à toi mon petit Père chéri Elle t'embrasse de tout son coeur. tu sais qu'il n'est pas petit,.le coeur de ta grande.
Je pense à tout ce que tu nous disais fréquemment: Vanité des vanités. tout n'est que vanité,. 2 vanité de la vie qui passe, etc, Qo 1,2 Plus je vais, plus je trouve que c'est vrai que tout est vanité sur la terre. Quand je pense à toi mon petit Père chéri, je pense naturellement au bon Dieu, car il me semble qu'il est impossible de voir quelqu'un de plus saint que toi sur la terre (2r ) Quand je pense toi mon petit Père chéri je pense naturellement au bon Dieu, car il me semble qu'il est impossible de voir quelqu'un de plus saint que toi sur la terre mon entrée. Comme tout passe.. Plus je vais, mon petit Père chéri, plus je t'aime, je ne sais pas comment cela se fait, mais c'est la vérité, je me demande ce que cela sera à la fin de (2v ) ma vie.... Je suis très fière de mon titre de Reine de France et de Navarre, j'espère bien le mériter toujours. Jésus le Roi du Ciel, en me prenant pour lui, ne m'a pas enlevée à mon saint Roi de la terre, oh! non, toujours, si mon petit Père chéri le veut bien et ne m'en trouve pas trop indigne, je resterai: La Reine à Papa. La perle fine t'embrasse bien fort. Adieu et à bientôt mon Roi chéri
Ta petite Reine,

Thérèse de l'Enfant Jésus

p.c.ind.




59

LT 59 A M. Guérin

J.M J T

+Jésus

Au Carmel, le 22 Août 88


Mon cher Oncle


Nous venons de recevoir une lettre de ma Tante, où elle nous disait tous vos chagrins. Quoique loin de vous. votre petite nièce prend bien part à votre peine, elle voudrait être auprès de son bon Oncle pour le consoler, mais hélas! que pourrait-elle faire? Non, il est préférable pour elle d'être au Carmel, là du moins, elle peut prier autant qu'elle le veut celui qui seul peut donner la consolation (1v ) de la répandre abondamment dans le coeur de son cher Oncle. L'état de ce bon Monsieur David 1 nous attriste bien, je comprends, mon cher Oncle, combien vous devez souffrir, car il n'y a rien d'aussi pénible que de voir souffrir ceux qu'on aime- Cependant je remercie Dieu de tout mon coeur de la grande grâce qu'il a bien voulu accorder à cette si belle âme. Quelle disposition pour paraître devaut lui; c'est vraiment admirable Tout ce que notre chère Tante nous en a dit m'a profondément touchée. Il était impossible, mon Oncle que le bon Dieu ne vous accorde pas cette consolation, après tout ce que vous faites (2r ) pour sa gloire Ah! qu il me semble que la couronne qui vous est réservée est belle Il ne peut en être autrement puisque toute votre vie n'est qu'une croix perpétuelle et que Dieu n'agit ainsi qu'avec les grands saints Quel bonheur de penser qu au Ciel nous serons réunis pour ne plus nous quitter, sans cet espoir la vie ne serait vraiment pas supportable. Mou cher Oncle, je ne sais ce que vous allez penser de votre pauvre petite nièce elle laisse courir sa plume sans se rendre bien compte de ce qu elle dit, son coeur s'il pouvait écrire DIRAIT bien autre chose mais il est obligé de se confier à cette froide plume (2v ) qui ne sait pas rendre ce qu il ressent le me confie a mon bon Ange je pense qu'un messager Céleste s'acquittera bien de ma commission je l'envoie auprès de mon cher Oncle, pour verser dans son coeur la consolation, autant comme notre âme peut la contenir dans cette vallée d exil Adieu mon bon Oncle Je vous prie de ne pas m'oublier auprès de Madame Fournet, je prends bien part à sa peine pour vous mon Oncle Je vous envoie tout ce que mon coeur renferme de tendresse et je continuerai de prier sans cesse pour ce bon Monsieur David.
Votre petite Nièce qui voudrait pouvoir diminuer un peu votre chagrin.
Thérèse de l'Enfant Jésus

p.c.ind.




60

LT 60 A Mme Guérin.

J.M.J T

Jésus!

Carmel 23 Août 88. 6 h M


Ma chère Tante,


Nous avons appris hier soir la mort de ce bon Monsieur David, quoique à chaque instant nous nous attendions à recevoir la triste nouvelle, eu apprenant la réalité j'ai été bien émue, je prie afin que Dieu prenne dans son Paradis cette âme si sainte, peut-être y est-elle déjà, car avec des dispositions aussi parfaites on peut aller droit au Ciel (1v ) Je demande au bon Dieu de verser dans votre âme la consolation, ma chère Tante, déjà il a été bien bon en exauçant toutes les prières que vous aviez faites pour lui donner l'âme de votre cher parent, si du fond de sa solitude votre petite fille pouvait espérer d'y avoir eu une faible part, elle serait bien heureuse. Je trouve, ma chère Tante, que dans ces moments de grandes tristesses, on a besoin de regarder au Ciel, au lieu de pleurer. tous sont dans la joie car notre Seigneur possède un élu de plus, un nouveau soleil 1 éclaire de ses clartés les anges du Ciel. tous sont dans le ravissement de l'extase divine, ils s'étonnent que nous puissions (2r ) appeler mort le commencement de la vie. Pour eux nous sommes dans un étroit tombeau et leur âme peut se transporter à l'extrémité de plages éthérées, d'horizons infinis 2 Ma Tante chérie quand on regarde la mort du juste on ne peut s empêcher d'envier son sort. Pour lui le temps de l'Exil n'existe plus, il n y a plus que Dieu, rien que Dieu. Oh! ma Tante, que votre petite fille aurait de choses à vous dire, son coeur en pense si long; ce matin elle est toute perdue dans l'immense, la mélancolie de la mort des saints. mais le temps me manque pour achever mon petit brouillon il faut que je m'arrête car la cloche vient de m'avertir qu'il est temps que je finisse. J'offre ce petit sacrifice à Jésus afin que de sa douce petite main il daigne vous consoler. Votre petite fille qui est de coeur auprès de vous ainsi qu'auprès de ses chères petites soeurs 3
Thérèse de l'Enfant Jésus

p.c.ind.




61

LT 61 A M. Martin.

J.M.J.T.

Carmel 25 Août 88

Jésus!


Mon petit Père chéri,


Il est donc enfin arrivé le jour où ta Reine peut te souhaiter ta fête avec tous les grades, puisqu'elle est au Carmel en compagnie de tes joyaux: le Diamant et la perle fine... Pauvre petite Reine, elle devrait bien se retirer pour laisser toute la place aux splendides bijoux de son Roi, mais elle ne peut vraiment pas s'y résigner, elle a son titre elle aussi, elle peut le montrer (1v ) à quiconque veut le voir, il est signé de la main même de son Roi: Reine de France et de Navarre. Elle n'a pas autre chose mais il me semble que cela suffit pour la faire admettre auprès de son Roi: d ailleurs personne n'essaie de lui contester son droit, même à l'étranger il est reconnu: En Italie à Rome on savait que la Reine était là... Mon ROI chéri, ta petite Reine voudrait avoir de magnifiques présents à t'offrir, mais elle n'a rien, d'ailleurs elle serait trop difficile. Pour son Roi, tous les palais du Vatican, chargés de présents ne seraient pas assez beaux, elle rêve autre chose de (2r ) plus royal, il lui faut des trésors immenses, des horizons infinis 1 ce qu'elle voudrait donner à son Roi ne se trouve pas sur la terre, c'est Jésus seul qui le possède, aussi elle va le prier de combler son Roi de consolations Célestes. Pour un Père qui n'est pas de la terre tout ce qui est terrestre ne saurait le satisfaire. Tu vois, mon petit Père chéri, que tout en paraissant ne rien t'offrir je te donne un magnifique cadeau, s'il ne charme pas tes yeux du moins ton coeur le sentira, car j'espère que le Bon Dieu exaucera ma prière. Cependant, mon petit Père chéri, tout en te disant que je ne désire charmer que ton coeur je te donne (2v ) une petite image faite par ta Reine, j'espère que malgré mon peu de talent elle te fera plaisir. La perle fine a bien voulu m'aider de ses conseils d'artiste et m'a formé le charmant dessin, mais elle a voulu que je la peigne toute seule, le mérite n'est pas grand, mais mon impuissance est si grande et mon Roi est si indulgent que j'espère lui faire un peu de plaisir en lui donnant cette petite image. A bientôt mon petit Père chéri, si ta Reine n'est pas auprès de toi aujourd hui, elle y est bien vraiment par la pensée et par le coeur, elle te souhaite la meilleure des fêtes que tu as jamais eues dans toute ta vie et t'embrasse de tout son coeur.
Ta petite Reine

Thérèse de l'Enfant Jésus

p.c.ind.




62

LT 62 A Marie Guérin.

Septembre 1888

J.M J.T.

Carmel Jeudi

Jésus!


Ma petite Soeur chérie.


Déjà j'avais commencé à t'écrire Mardi soir. Tout à l'heure j'ai voulu reprendre ma lettre, mais les choses que je te disais ae sont pas celles que je veux te dire aujourd'hui, aussi j'ai plus tôt fait de recommencer. Merci de ta charmante lettre, si Mme de Sévigné m'avait écrit bien certainement (1v ) cela ne m'aurait pas fait autant de plaisir. Si ma petite cousine pense souvent à moi. je suis aussi bien souvent en esprit auprès d'elle. Comme toi j'ai besoin d'entendre parler souvent de ma petite Marie, et surtout d'en parler moi-même, je me satisfais en m'entretenant avec le Boa Dieu de ma petite soeur chérie. je n'ai jamais peur qu'il trouve que je lui en dis trop long car je suis sûre que ma petite Marie est bien avant dans son coeur. Petit lutin chéri, que de choses a te dire (2r ) mais que le temps passe vite, je le vois qui m'échappe avec une rapidité effrayante. Il est tard je t'écris à la lueur de ta chère petite lampe; tu vois que mon écriture se ressent de mon empressement, ce qui me console d'avoir une si vilaine écriture c'est de penser qu'au Ciel on n'aura plus besoin de ce moyen pour se communiquer nos pensées, cela est vraiment heureux pour moi!... Hier j'ai reçu une visite, je te donne en cent à la deviner... Une belle dame du MONDE, son cher mari, une grande demoiselle de 16 ans, un Mr de 14 ans, es-tu? C'est la marraine (2v ) qui plantait des verveines... 1 elle était accompagnée de sa nièce Th. Gilbert et de son neveu Pierre. C'est bien le monde! si tu l'avais vue au parloir, elle chantait presque "Que mon coeur, que mon coeur a de peine" en nous voyant derrière la grille.
Il est temps que mon bavardage finisse, je n'ai pourtant rien dit d'intéressant à ma chère petite cousine - mais que peut-on attendre d'une personne comme moi, qui écrit sans faire attention que son papier se remplit de banalités pendant qu'elle a tant de choses sérieuses à dire... Pardon!- - (2r tv) Je termine ma chère petite Marie, en te demandant un service. Tu serais bien gentille si tu pouvais en te promenant dans ton beau parc 2 trouver quelques petites mousses sèches des écorces d arbre, etc Ce serait pour faire des petits ouvrages comme des crèches, par exemple. Si cela t'ennuie ne m'en rapporte pas, c'est seulement si tu en trouves en te promenant. J'ai bien de la peine que ma chère Tante soit malade, je pense beaucoup à elle et prie continuellement pour sa prompte guérison, embrasse-la bien FORT pour sa petite fille, cependant pas de façon à lui faire du mal!... (2v tv) Embrasse aussi pour moi ma chère petite Jeanne et Céline et Hélène; 3 pour elles qui ne sont pas malades je n'en ai aucune pitié, aussi je te prie de les embrasser le plus fort que tu pourras. Je vois, ma chère petite Marie, que tous mes baisers n'en finissent pas, je ne suis pourtant pas à la fin, car je ne t'en ai pas donné à toi qui es chargée de tout distribuer,. aussi je prie toutes les chères personnes à qui tu vas en donner de t'en rendre autant qu'elles pourront, je doute que ma demande soit exécutée aussi je t'embrasse de coeur, mais bien fort, si fort que si tu avais une glande, elle serait percée comme avant le voyage de Rome.
Ta petite soeur

Thérèse de l'Enfant Jésus p.c.ind.




63

LT 63 A M.Martin.

30 septembre 1888

J.M.J.T.

Carmel 30 Septembre

Mon Roi chéri, Ta petite Reine est écrasée sous le poids et la magnificence de tes présents. 1 on voit bien que c'est un Roi qui les offre à sa reine. D'abord c'est du point d'Alençon que j'ai vu arriver. C'est vraiment tout à fait Royal. Je ne sais comment te remercier (1v ) de si beaux cadeaux; ou donc est le temps ou ta petite Reine aurait sauté de joie devant une affaire D'UN sou que son Roi lui donnait, 2 maintenant son coeur serait encore heureux, mais celui du Roi a besoin de donner davantage; c'est pourquoi il donne à sa Reine de la dentelle digne de: LA REINE DE FRANCE ET DE NAVARRE. Il est vrai. mon petit Père chéri, que si ta Reine est indigne de tant de richesses, elles ne sont pas trop belles pour l'Epoux divin auquel tu l'as donnée, c'est pourquoi je (2r ) serai heureuse de les porter; autrement je n oserais vraiment pas, car je ne suis encore que l'Orpheline de la Bérésina, il n y a que le jour de ma prise d'habit que je mériterai de porter mon titre de Reine J'ai encore une douce mission à remplir, c'est celle de te remercier, en mon nom de Reine, et en celui du Diamant et de la perle fine, d'une avalanche de poires, d'oignons, de prunes, de pommes, qui est sortie du tour, comme d'une corne d abondance D'où venait tout cela? un vieux bonhomme a dit que c'était un Mr qui demeurait du côté du jardin de l'Etoile. 3 Ce (2v ) ne pouvait être que toi, aussi, mon petit Père chéri, la provision a été bien acceptée, on lui a fait une bonne réception sans se faire prier. La drôle de chose, elle a eu moins de mal à entrer que ta Reine, qui a été obligée d'aller à Rome pour se faire ouvrir la porte Les énormes oignons m'ont réjoui le coeur; ils m'ont fait penser à ceux d'Egypte, nous n'aurons pas comme les Israélites, Nb 11,5 à les regretter. J'ai encore pensé à ceux de Lyon 4 qui coûtent 0.50 et qui sont si gros. Enfin mon Roi, je crois que ta Reine va t'ennuyer avec son babillage, mais elle est si contente qu'elle ne peut s'empêcher de te le dire. Elle te remercie de tout et t'embrasse de tout son coeur.
Thérèse de l'Enfant Jésus

p.c.ind.




64

LT 64 A M.Martin.

8-15 octobre (?) 1888


Mon Roi chéri.


Je voudrais t'écrire une longue lettre, mais je suis en retraite cela m'est impossible. Tu ne sais pas combien ta petite Reine t'aime!... Ayant besoin d'envoyer une lettre à la fille du Roi, la princesse Léonie, j'ai pensé ne pouvoir lui faire (Va) parvenir mon message que par le Roi lui-même, aussi c'est pour cela que je m'adresse à " Sa Grandeur le Roi de France et de Navarre ". Si sa dignité ne paraît pas aux yeux des hommes je sais bien, moi, que dans le Ciel elle se montrera aux yeux de Dieu, alors le moindre des élus sera comme le chef d'un peuple nombreux 1 Is 60,22 et mon Roi, oh! quelle place!...
Ta petite Reine

Th. de l'EDfant Jésus




65

LT 65 A Céline

J.M.J T.

Carmel le 20 Octobre 88

Jésus!

Ma Céline chérie.


C'est donc demain le jour de ta fête! 1 oh! que je voudrais être la première à te la souhaiter! si cela n'est pas possible. du moins je puis le faire dans mon coeur. Pour ta fête, que veux-tu que je t'offre? si je m'écoutais je demanderais à Jésus de m'envoyer tous les chagrins, toutes les tristesses, les ennuis de la vie de ma Céline chérie, mais vois-tu, je ne m'écoute pas car j'aurais peur que (1v ) Jésus me dise que je suis une égoïste: je voudrais qu'il me donne tout ce qu'il a de meilleur sans en laisser un peu pour sa petite fiancée qu'il aime tant. C'est pour lui prouver son amour qu'il lui fait sentir la séparation 2 aussi je ne peux demander cela à Jésus. Et puis il est si riche, si riche. qu'il a bien de quoi nous enrichir toutes les deux.. Quand on pense que si le bon Dieu nous donnait l'univers tout entier, avec tous ses trésors cela ne serait pas comparable à la plus légère souffrance. Quelle grâce quand le matin nous ne nous sentons aucun courage, aucune force pour pratiquer la vertu, c'est alors le moment de mettre la cognée à la racine de l'arbre; 3 au lieu de perdre son temps à ramasser quelques petites paillettes, on puise dans (2r ) les diamants. quel profit à la fin du jour... il est vrai que quelquefois nous dédaignons pendant quelques instants d'amasser nos trésors, c'est alors le moment difficile, on est tenté de laisser tout là, mais dans un acte d'amour même pas senti, tout est réparé et au-delà, Jésus sourit. il nous aide sans en avoir l'air. et les larmes que lui font verser les méchants sont essuyées par notre pauvre et faible petit amour. L'amour peut tout faire, les choses les plus impossibles ne lui semblent pas difficiles. 4 Jésus ne regarde pas autant à la grandeur des actions ni même à leur difficulté qu'à l'amour qui fait faire ces actes... 5 J'ai trouvé il y a quelque temps une parole que je trouve bien belle. La voici, je crois qu'elle va te faire plaisir: " La résignation est encore distincte de la volonté (2v ) de Dieu il y a la même différence qu'il existe entre l'union et l'unité Dans l'union on est encore deux, dans l'unité on n'est plus qu'un. " 6 Oh! oui ne soyons qu'un avec Jésus, méprisons tout ce qui passe, nos pensées doivent se porter au Ciel puisque c'est là la demeure de Jésus. J'ai pensé l'autre jour que nous ne devions pas nous attacher à ce qui nous entoure puisque nous pourrions être dans un autre lieu que celui où nous sommes, nos affections et nos désirs ne seraient pas les mêmes, je ne puis t'expliquer ma pensée, je suis trop sotte pour cela mais quand je te verrai, je te le dirai. Pourquoi t'avoir dit toutes ces choses que tu sais bien MIEUX que moi? Pardonne-moi, j'avais besoin d'avoir encore avec toi un entretien comme ceux d'autrefois. Mais ce temps n'est pas passé nous sommes toujours bien la MÊME AME, et nos pensées sont toujours les mêmes qu'elles étaient aux fenêtres du belvédère... 7 Je me réjouis du jour où nous fêterons dans la cité céleste
ta petite Soeur

Thérèse de l'Enfant Jésus

(2v tv) Oh! oui cela est bien triste de penser que le Père, 8 s'en va au Canada, mais Jésus nous reste!...



66

LT 66 A M. Martin.

J.M.J.T.

Le 15 Novembre 88.


Mon Roi chéri,


Que le bon Dieu est donc bon de t'avoir guéri, 1 Je t'assure que ta petite Reine a été bien tourmentée et vraiment il y avait bien de quoi car tu as été (1v ) très malade. Tout le Carmel était en prière, aussi le bon Dieu a enfin écouté ses soupirs et il m'a rendu mon Roi, mais tu sais, mon petit Père chéri, maintenant que le bon Dieu a fait ce qu on désirait, c'est à ton tour de nous rendre tout à fait heureuses; l'Orpheline de la Bérésina (2r ) vient donc te demander de BIEN te soigner, autant qu'il le faudra, tu sais que l'Intrépide N 2 2 s'y connaît, aussi je te prie d'avoir égard à son titre (donné par le Roi lui-même) pour te soigner comme il sera nécessaire. Ta petite Reine est toujours auprès de toi (2v ) par le coeur comment pourrait-elle oublier son Roi si bon? Et puis il me semble que l'affection est encore plus grande, si cela est possible, quand on a tant souffert!... Au revoir mon Roi chéri, surtout soigne-toi bien pour faire plaisir à ta Reine
Thérèse de l'Enfant Jésus

p.c.ind.




67

LT 67 A Mme Guérin.

18 novembre 1888

J.M J T.


Ma chère Tante,


Permettez à votre petite fille de venir aussi vous offrir ses faibles souhaits; ils vont vous paraître bien peu de chose comparés à ceux que vous avez déjà reçus,. mais n'importe, son coeur ne peut s'empêcher de dire à sa Tante chérie combien elle l'aime. (1v ) Ce matin dans ma Communion j'ai beaucoup prié Jésus de vous combler de ses joies; hélas! ce n'est pas ce qu'il nous envoie depuis quelque temps, c'est la croix, la croix seule qu'il nous donne pour nous reposer... Oh! ma Tante chérie s'il n'y avait que moi à souffrir, cela ne me ferait rien,. mais je sais la large part que vous prenez à notre épreuve, 1 je voudrais pour votre fête vous enlever tout chagrin, prendre pour moi toutes vos peines (2r ) C'est ce que je demandais tout à l'heure à celui dont le coeur battait à l'unisson du mien. Je sentais alors que tout ce qu'il pouvait nous donner de meilleur était la souffrance qu'il ne la donnait qu'à ses amis de choix; cette réponse me prouvait que je n'étais pas exaucée car je voyais que Jésus aimait trop ma Tante chérie pour lui ôter la croix!..
Je suis bien touchée, ma Tante, du beau gâteau que vous nous avez envoyé au lieu que nous vous (2v ) souhaitions votre fête. c'est vous qui nous la souhaitez; c'est vraiment trop! Je n'ai à offrir à ma Tante chérie qu'une pauvre petite image, mais j'espère qu'elle voudra bien regarder l'intention de sa petite fille. Au revoir, ma Tante chérie, il me semble que pendant l'épreuve vous êtes encore plus près de votre petite fille
Thérèse de l'Enfant Jésus

post. carm. ind.

La lettre de sr Marie du sacré Coeur était finie quand nous avons reçu le gâteau, elle me charge de bien vous remercier.



68

LT 68 A M.Martin.

J.M.J T.

Carmel 25 Novembre 88.


Mon petit Père chéri, Ta Reine pense continuellement à toi, et elle prie toute la journée pour son Roi. Je suis bien heureuse dans le doux nid du Carmel et ne désire plus rien sur la terre, excepté de voir mon Roi chéri tout à fait guéri, mais je sais bien pourquoi le bon Dieu nous envoie cette épreuve, c'est pour que nous gagnions le (1v ) beau Ciel il sait que notre Père chéri est tout ce que nous aimons le plus sur la terre mais il sait bien aussi qu'il faut souffrir pour gagner la vie éternelle, et c'est pour cela qu'il nous éprouve dans tout ce que nous avons de plus cher. Je sens aussi que le bon Dieu veut donner à mon Roi dans le Royaume du Ciel un trône magnifique, si beau et si élevé au-dessus de toutes les pensées humaines que l'ou peut dire avec St Paul: " L'oeil de l'homme n'a point (2r ) vu; son oreille n'a point entendu et son coeur ne saurait comprendre ce que Dieu réserve à ceux qu'il aime. 1Co 2,9 Est-il quelqu'un que Dieu aime plus sur la terre que mon petit père chéri? Vraiment je ne puis le croire!... Aujou puisque Dieu éprouve toujours ceux qu'il aime, He 12,6 Je crois bien que le bon Dieu fait ainsi souffrir sur la terre afin (2v ) que le Ciel paraisse meilleur à ses élus; il dit qu au dernier jour il essuiera toutes les larmes de leurs yeux Ap 21,4 et sans doute plus il y aura de larmes a essuyer plus la consolation sera grande! Adieu, mon Roi chéri, ta Reine se réjouit en pensant au jour où elle régnera avec TOI dans le beau et seul vrai royaume du Ciel
Thérèse de l'Enfant Jésus

post. carm. ind.




69

LT 69 A Marie Guérin.

Novembre (?) 1888

Jésus M. J. T.


Ma belle Poupée,


Je ne puis résister à l'envie de te remercier de ta lettre. elle m'a fait grand plaisir. Tu ne peux pas te figurer combien je pense à toi. Toujours ma petite Marie me revient à l'esprit, d'ailleurs je voudrais oublier mes petites cousines chéries, que je ne le pourrais pas, ma jolie petite lampe m'éclaire si bien!. (1v ) Encore un service que Thérèse vient demander. Sr Agnès vient de me dire qu'il me faut une paire de chaussures fourrées, comme celles que je t'ai vues bien des fois en hiver ce sont des espèces de petites bottines qui sont bordées d'astrakan. Si ma tante voulait me les acheter, je serais bien contente. Jeanne pourrait les essayer, elle a exactement le même pied que moi J'ai bien des choses à dire à ma Poupée mais on attend mon petit mot, il me faut te quitter. Jeudi j'aurai bien des choses à dire à ma petite soeur chérie, en attendant j'embrasse bien fort ma tante CHÉRIE, mon BON Oncle et ma chère petite Jeanne (2r Pour mon Louploup je ne puis lui dire combien je l'aime mon Coeur est trop plein d'affection pour lui.
Si je pouvais avoir les chaussures cet après-midi, je serais bien contente. Tu ne peux pas te figurer combien on est bien soigné au Carmel, il faut toujours que je mange et que je me chauffe les pieds! 1 A Jeudi ma petite chérie, ma belle poupée Vivante. Je suis bien bien heureuse, au comble de mes désirs.

Thérèse de l'Enfant Jésus


Je pense souvent à ma chère Marcelline.



70

LT 70 A Mère Saint Placide.

Début décembre 1888

J.M.J.T.

Au Carmel le Décembre 88

Jésus +

Ma chère Maîtresse,


Je suis bien touchée de votre aimable attention. C'st avec plaisir que j'ai reçu la chère circulaire des enfants de Marie. 1 Certainement je ne manquerai pas d'assister par le coeur à cette belle fête. Car n'est-ce pas dans cette chapelle bénie que la Sainte Vierge a bien voulu m'adopter pour son enfant au beau jour de ma première Communion et en celui de ma réception dans la congrégation des enfants de Marie. Je ne pourrais oublier, ma chère Maîtresse, combien vous avez été bonne pour moi au moment de ces grandes époques de ma vie, et je ne puis douter que la grâce insigne de ma vocation religieuse (1v ) n'ait pris son germe dans cet heureux jour 2 où entourée de mes bonnes Maîtresse, j'ai fait à Marie la consécration de moi-même au pied de son autel, la choisissant alors que le matin j'avais reçu Jésus pour la première fois. J'aime à croire qu'elle n'a pas regardé alors mon indignité et que, dans sa grande bonté, elle a bien voulu considérer la vertu des chères Maîtresses qui avaient avec tant de soin préparé mon coeur pour y recevoir son divin fils; j'aime à croire que c'est pour cette raison qu'elle a bien voulu me faire devenir encore plus parfaitement son enfant en me faisant la grande grâce de me conduire au Carmel. Je pense, ma chère Maîtresse, que vous avez été au courant de la maladie de mon Père bien aimé; j'ai craint pendant quelques jours que le bon Dieu ne le ravisse à ma tendresse, mais Jésus a daigné me faire la grâce de le rétablir pour le moment de (2r ) ma prise d'habit; je comptais tous les jours vous écrire pour vous faire part de ma réception au chapitre. 3 mais ne sachant pas le moment que Monseigneur voudrait bien fixer j'attendais toujours. J'espère ma chère Maîtresse, que vous n'avez pas pris ce retard pour de l'indifférence, oh! non,. mon coeur est bien toujours le même. je crois que depuis mon entrée au Carmel, il est encore devenu plus tendre et plus aimant; aussi je pense souvent à toutes mes bonnes Maîtresses et j'aime à les nommer en particulier à Jésus pendant les heures bénies que je passe à ses pieds. J'ose vous prier, ma chère Maîtresse, de bien vouloir être mon interprète pour me rappeler à leur religieux souvenir. En particulier à celui de Madame la Prieure, pour laquelle je conserve la plus filiale et reconnaissante affection. Veuillez aussi, ne pas m'oublier auprès de mes heureuses compagnes dont je reste toujours la petite soeur en Marie Adieu, ma chère Maîtresse, j'espère que vous n'oublierez pas dans vos saintes prières celle qui est et sera toujours votre reconnaissante enfant
Sr Thérèse de l'Enfant Jésus.

post. carm. ind.





Thérèse EJ, Lettres 55