Pie XII Humani generis 21


III.   OPINIONS OPPOSEES A L'AUTORITE DIVINE


DE LA SAINTE ECRITURE I

a) Exposé des erreurs :

22 Pour en revenir, donc, aux opinions nouvelles que nous avons mentionnées plus haut, certains proposent encore ou suggèrent diverses opinions qui entament l'autorité divine de la Sainte Ecriture.

1. Limitation de l'inerrance scripturaire aux vérités morales et religieuses :

Certains, en effet, osent fausser le sens de la définition du Concile du Vatican qui proclame Dieu auteur des Ecritures, reprenant ainsi une opinion bien des fois condamnée, selon laquelle l'inerrance de l'Ecriture ne s'étendrait qu'à ce qui concerne Dieu, les choses morales et religieuses.


2. Distinction illégitime entre le sens divin caché de l'Ecriture, qui serait seul infaillible, et le sens humain :

Bien plus, disent-ils, ils parlent à tort du sens humain des Livres Sacrés, sous lequel se cacherait le sens divin, seul infaillible.

3. Interprétation de l'Ecriture ne tenant compte ni de la Tradition ni du magistère de l'Eglise :

Dans l'interprétation de l'Ecriture, ils ne veulent aucunement qu'on tienne compte de l'analogie de la foi et de la tradition de l'Eglise ; en sorte qu'il faudrait ramener l'enseignement des Saints Pères et du magistère au sens de l'Ecriture interprétée d'une manière purement humaine par les exégètes, plutôt que d'expliquer la Sainte Ecriture selon l'esprit de l'Eglise, que le Christ Notre-Seigneur a établie gardienne et interprète de l'entier dépôt de la vérité divinement révélée.

4. Substitution de l'exégèse symbolique et spirituelle à l'interprétation littérale de l'Ecriture :
23 En outre, le sens littéral de l'Ecriture et l'exposé qu'en ont élaboré, sous la vigilance de l'Eglise, tant et de si grands exégètes, doivent céder, selon les décrets fallacieux de ces maîtres devant l'exégèse nouvelle, qu'ils appellent symbolique et spirituelle. C'est par elle que les Livres de l'Ancien Testament qui demeureraient aujourd'hui dans l'Eglise comme dans une fontaine scellée, seraient enfin de nouveau intelligibles à tous. Par cette voie, assurent-ils, s'évanouissent toutes les difficultés, qui n'entravent que ceux qui restent attachés au sens littéral des Ecritures.


b) Jugement :

24 Tout le monde voit combien toutes ces doctrines s'écartent des principes et des normes d'herméneutique qui furent justement fixées par Nos Prédécesseurs, d'heureuse mémoire, Léon XIII, en l'Encyclique Providentissimus, et Benoît XV, en l'Encyclique Spiritus Paraclitus, ainsi que par Nous-même en Notre Encyclique Divino Afflante Spiritu XV".



IV.   ERREURS PARTICULIERES

25 Il n'est pas étonnant que ces nouveautés aient déjà produit des fruits empoisonnés dans toutes les parties de la théologie.

a) Concernant la doctrine sur Dieu :

On met en doute la puissance de la raison à démontrer, par des arguments tirés des créatures, sans l'aide de la révélation, l'existence d'un Dieu personnel.

b) Concernant la doctrine sur la création :

On nie que le monde ait commencé, et on prétend que la création du monde était nécessaire, puisqu'elle procéderait de la nécessaire libéralité de l'amour divin ; on refuse à Dieu la prescience éternelle et infaillible des actions libres des hommes ; toutes doctrines qui s'opposent aux déclarations du Concile du Vatican 5 XVI.

5 (cf. Conc. Vat. Const. De Fide Cath., 1, De Deo rerum omnium creatore)

26 Quelques-uns même se demandent si les anges sont des créatures personnelles, si la matière diffère essentiellement de l'esprit.

c) Concernant la doctrine sur le surnaturel :

D'autres déforment la vraie notion de la gratuité de l'ordre surnaturel, quand ils prétendent que Dieu ne peut créer des êtres doués d'intelligence, sans les ordonner et les appeler à la vision béatifique.

d) Concernant la doctrine du péché originel et la Rédemption :

Ce n'est pas assez ; écartant les définitions du Concile de Trente, on fausse la notion du péché originel et en même temps celle du péché en général, en tant qu'il est offense de Dieu, celle aussi de la satisfaction que le Christ a présentée pour nous.

e) Concernant la doctrine sur l'Eucharistie :

Il s'en trouve pour soutenir que la doctrine de la transsubstantiation fondée, disent-ils, sur une notion vieillie de la substance, doit être corrigée, de telle sorte que la présence réelle du Christ dans l'Eucharistie, se réduise à une sorte de symbolisme ; en ce sens que les espèces consacrées ne seraient que des signes efficaces de la présence spirituelle du Christ et de son intime union en son Corps Mystique avec les membres fidèles.

f) Concernant la doctrine sur l'Eglise :
27 Certains sont d'avis qu'ils ne sont point liés par la doctrine que Nous exposions, il y a peu d'années, en Notre Encyclique, et qui s'appuie sur les sources de la révélation, à savoir que le Corps Mystique du Christ et l'Eglise Catholique Romaine sont une seule et même chose 6. Quelques-uns réduisent à une vaine formule la nécessité d'appartenir à l'Eglise, pour arriver au salut éternelXVII.

6 Voir l'Encyclique Mystici Corporis Christi, A. A. S., 35, p. 193.


g) Concernant la doctrine sur la foi :

D'autres, enfin, n'admettent pas le caractère rationnel des signes de crédibilité de la foi catholique XIX.

28 Ces doctrines, et d'autres du même genre, il est manifeste qu'elles se glissent déjà chez plusieurs de Nos fils, entraînés dans l'erreur par un zèle des âmes inconsidéré, ou une science fausse. Il Nous faut donc avec tristesse leur répéter des vérités très connues et leur indiquer, non. sans douleur, des erreurs manifestes et les dangers d'erreur auxquels ils sont exposés.



DEUXIEME PARTIE

LA POSITION DE L'EGLISE EN FACE DES ERREURS PHILOSOPHIQUES CONTEMPORAINES

I.   IL FAUT MAINTENIR ABSOLUMENT LA VALEUR DE LA RAISON HUMAINE

29 On sait l'importance que l'Eglise attache au pouvoir qu'a la raison humaine de démontrer, avec certitude, l'existence d'un Dieu personnel, de prouver victorieusement à partir de signes divins, les fondements de la foi chrétienne, d'exprimer justement la loi inscrite par le Créateur dans le coeur de l'homme, enfin, d'atteindre à une certaine connaissance des mystères, véritable et très fructueuse 7 XX. La raison, toutefois, n'arrivera à s'exercer ainsi avec justesse et sûreté, que si elle a été formée comme il convient, c'est-à-dire si elle est pénétrée de cette philosophie saine, que nous avons reçue des siècles chrétiens qui nous ont précédés, comme un patrimoine, depuis longtemps constitué, arrivé précisément à ce degré supérieur d'autorité, parce que le magistère même de l'Eglise a soumis aux normes de la révélation divine elle-même, ses principales assertions que de grands esprits avaient peu à peu découvertes et définies. Cette philosophie reçue et communément admise dans l'Eglise, défend l'authentique et exacte valeur de la connaissance humaine, les principes inébranlables de la métaphysique — principes de raison suffisante, de causalité et de finalité -— enfin la capacité d'arriver à une vérité certaine et immuable.

7 Cfr. Conc. Vat.,
DS 1796.



II.   IL FAUT EN  CONSEQUENCE CONSIDERER COMME DEFINITIFS LES PRINCIPES METAPHYSIQUES QUI SONT A LA BASE DE LA PHILOSOPHIE TRADITIONNELLE

30 Cette philosophie présente de nombreux points qui ne touchent, ni directement ni indirectement, aux questions de foi et de morale, et que l'Eglise, pour ce motif, abandonne à la libre discussion des esprits compétents. En d'autres domaines, au contraire, ceux surtout qui concernent les principes et les énoncés essentiels que Nous avons rappelés, la même liberté n'existe pas. Même en ces questions essentielles, il est permis de donner à la philosophie un vêtement plus juste et plus riche, de la défendre par des exposés plus efficaces, de la dégager de certaines présentations scolaires, moins adaptées, de l'enrichir prudemment de certains apports de la pensée humaine ; mais il n'est jamais permis de la renverser, de la contaminer, par de faux principes ou de l'estimer un monument imposant certes, mais d'un autre âge. C'est que la vérité et toute la présentation philosophique qu'on en fait ne peuvent changer d'un jour à l'autre, surtout quand il s agit des principes qui sont connus par eux-mêmes à l'esprit humain, ou de ces assertions qui s'appuient sur la sagesse des siècles et leur accord avec la révélation. Tout ce que la raison humaine, en ces recherches sincères, pourra découvrir de vérité, ne peut sûrement pas s'opposer aux vérités acquises. Car Dieu, Souveraine Vérité, a établi l'intelligence et la dirige non pas en lui faisant opposer chaque jour des nouveautés aux vérités acquises XXI, mais en lui donnant d'écarter les erreurs qui par hasard se seraient glissées, pour ajouter le vrai au vrai, dans le même ordre et selon l'harmonie qui se révèle dans la constitution même des choses d'où nous tirons le vrai. Que le chrétien, philosophe ou théologien, n'embrasse donc pas avec précipitation et légèreté toutes les nouveautés du jour, ma's avec grand soin, il pèse ces pensées, les mette en une juste balance, par crainte de perdre la vente qu'il possède ou de la contaminer, avec de grands dommages et de grands risques, pour la foi elle-même XXII.


III.   IL FAUT RESPECTER LA METHODE ET LES DONNEES ESSENTIELLES DE LA PHILOSOPHIE THOMISTE

a) Mérites de cette philosophie:

31 XXIII
Si on a bien saisi ces points de vue, on apercevra sans peine pourquoi l'Eglise exige que ses futurs prêtres soient formés aux disciplines philosophiques « selon la méthode, la doctrine et les principes du Docteur Angélique » 8. C'est que l'expérience de plusieurs siècles lui a parfaitement appris que la méthode de 1'Aquinate, qu'il s'agisse de former de jeunes esprits, ou d'approfondir les vérités les plus secrètes, s'impose entre toutes par ses mérites singuliers ; sa doctrine s'harmonise avec la révélation divine comme par un juste accord ; elle est singulièrement efficace pour établir, avec sûreté, les fondements de la foi, comme aussi pour recueillir, de façon sûre et utile, les fruits du vrai progrès 9.

8 Code de droit canon,
CIS 1366, 2 §.
9 A. A. S., 38, p. 387.

b) Critiques injustifiables dont elle est l'objet :

32 Pour ce motif, il faut extrêmement déplorer que cette philosophie reçue et reconnue dans l'Eglise, soit aujourd'hui méprisée de certains qui osent imprudemment la déclarer vieillie en sa forme, rationaliste en son procédé de pensée.

1. Cette philosophie serait périmée :

Ils répètent, en effet, que notre philosophie soutient à tort la possibilité d'une métaphysique absolument vraie ; d'autre part, ils affirment catégoriquement que les réalités, surtout les réalités transcendantes, ne se peuvent exprimer mieux que par des doctrines disparates qui se complètent mutuellement, malgré qu'elles s'opposent d'une certaine façon les unes aux autres. Aussi accordent-ils que la philosophie que nous donnons en nos écoles, avec sa présentation claire des questions et leur solution, ses notions soigneusement établies et ses distinctions nettes, peut être utile pour initier à la théorie scolastique et fut merveilleusement adaptée aux esprits du moyen âge ; mais elle ne présente plus, disent-ils, la méthode de philosophie qui répond à notre culture et à nos besoins. Ils font ensuite l'objection que la philosophie perennis n'est qu une philosophie des essences immuables, tandis que l'esprit humain d'aujourd'hui doit considérer l'existence, les êtres singuliers et la vie toujours fluante. Pendant qu ils méprisent cette philosophie, ils font l'éloge des phi-losophies anciennes ou modernes, d'Orient ou d'Occident, en sorte qu'ils semblent insinuer dans les esprits que n'importe quelle philosophie, n'importe quelle façon de penser peut, moyennant, s'il le faut, des corrections et des compléments, s'accorder avec le dogme catholique. Ce qui est absolument faux, surtout lorsqu'il s'agit de systèmes comme l'immanentisme, l'idéalisme ou le matérialisme, soit historique, soit dialectique, ou encore de l'existentialisme, s'il professe l'athéisme ou du moins s il rejette la valeur du raisonnement métaphysique. Il n'est pas un catholique pour contester ce désaccord XXVI.


2. Cette philosophie s'inspirerait d'un point de vue rationaliste :
33 Enfin ils reprochent à la philosophie de nos écoles de ne considérer dans le processus de la connaissance, que l'intelligence et de négliger le rôle de la volonté et des affections. Ce n'est point le cas. Jamais, en effet, la philosophie chrétienne n'a nié l'efficacité ni l'utilité des bonnes dispositions de toute âme, pour pleinement reconnaître et embrasser les vérités religieuses et morales ; bien plus, elle a toujours enseigné que l'absence de ces dispositions peut être la cause pour laquelle l'intelligence, liée par ses désirs et une volonté mauvaise, est obscurcie, au point de ne pas voir comme il faut. Bien plus, c'est le jugement du Docteur Commun que l'intelligence peut s'élever à la perception de biens plus élevés de l'ordre moral, naturel ou surnaturel, seulement dans la mesure où elle éprouve une certaine connaturalité de l'âme avec ces biens, qu'elle soit naturelle ou un don de la grâce 10 XXVII. On voit sans peine à quel point ces clartés confuses peuvent aider la raison dans ses recherches. Cependant, autre chose est de reconnaître aux affections de la volonté, la puissance d'aider la raison à parvenir à une connaissance plus certaine et plus ferme des choses morales ; autre chose, et c'est la prétention de ces novateurs, d'attribuer aux facultés du vouloir et du sentiment une certaine puissance intuitive et de prétendre que l'homme impuissant à découvrir avec certitude par sa raison le vrai qu'il doit embrasser, doit se tourner vers la volonté pour choisir et décider entre des opinions qui s'opposent, mêlant mal à propos connaissance et acte de la volonté.


10 Cf. saint Thomas, Somme théologique,
II-II 1,4, ad 3 et II-II 45,2 in c.

c) Danger de ces critiques :
34 Il n'est pas étonnant par suite, que ces doctrines compromettent deux disciplines philosophiques qui sont par leur nature étroitement liées à l'enseignement de la foi : la théodicée et l'éthique. Leur rôle ne serait plus d'établir des certitudes sur Dieu ou un autre être transcendant, mais de montrer plutôt que les enseignements de la foi, sur un Dieu personnel et ses préceptes, s'accordent parfaitement avec les nécessités de la vie ; par suite, qu'il faut les embrasser pour écarter le désespoir et parvenir au salut éternelXXVIII.

Tous ces énoncés s'opposent manifestement aux documents de Nos prédécesseurs Léon XIII et Pie X, et ne peuvent s'accorder avec les décrets du Concile du Vatican XXIX. Il n'y aurait point lieu de déplorer tous ces écarts en dehors de la vérité si tous écoutaient le magistère de l'Eglise avec le respect qui lui est dû, même en matière de philosophie. Car il lui revient de par l'institution divine, non seulement de garder et d'interpréter le dépôt des vérités divinement révélées, mais de veiller encore sur les sciences philosophiques, afin que les dogmes catholiques ne souffrent aucune atteinte des fausses doctrines.



TROISIEME PARTIE

LES RAPPORTS ENTRE LA FOI ET LES SCIENCES POSITIVES

35 Il nous reste à dire quelques mots de questions qui se rapportent aux sciences positives, mais sont en rapport plus ou moins étroit avec les vérités de la foi. Plusieurs, en effet, réclament avec instances que la religion catholique tienne le plus grand compte de ces disciplines. Ce qui, sans aucun doute, est chose louable lorsqu'il s'agit de faits véritablement établis, mais lorsqu'il s'agit d'hypothèses qui touchent à l'enseignement de l'Ecriture ou de la Tradition, même si elles ont quelque fondement scientifique, il faut les accueillir avec prudence. Si de telles hypothèses s'opposaient directement ou indirectement à la doctrine révélée, par Dieu, elles seraient un postulat tout à fait inacceptable.

I. L'ANTHROPOLOGIE : L'ORIGINE DU CORPS HUMAIN

La question du transformisme :

36 En conséquence, l'Eglise n'interdit pas que la doctrine de l'évolution, pour autant qu'elle recherche si le corps humain fut tiré d'une matière déjà existante et vivante — car la foi catholique nous oblige à maintenir l'immédiate création des âmes par Dieu — dans l'état actuel des sciences et de la théologie, soit l'objet de recherches et de discussions de la part des savants de l'un et l'autre parti, de telle façon que les raisons qui favorisent ou combattent l'une ou l'autre opinion soient examinées et jugées avec le sérieux nécessaire, modération et mesure XXX, à la condition toutefois que tous soient prêts à se soumettre au jugement de l'Eglise, à qui le Christ a confié le mandat d'interpréter avec autorité les Ecritures et de protéger la foi 11. Certains outrepassent cette liberté de discussion en faisant comme si on avait déjà établi, de façon absolument certaine, avec les indices qu'on a trouvés et ce que le raisonnement en a déduit l'origine du corps humain à partir d'une matière déjà existante et vivante XXXII, et cela comme s'il n'y avait rien dans les sources de la révélation divine qui, en ce domaine, impose la plus grande modération et la plus grande prudence.

11 Cf. allocution aux membres de l'Académie pontificale des Sciences, 30 novembre 1941, A. A. S., 33, p. 506.


b) La question du polygénisme :

37 Quand il s'agit de l'autre hypothèse qu'on appelle le polygénisme, les fils de l'Eglise n'ont plus du tout pareille liberté. En effet, les fidèles ne peuvent embrasser une doctrine dont les tenants soutiennent, ou bien qu'il y a eu sur terre, après Adam, de vrais hommes qui ne descendent pas de lui par génération naturelle, comme du premier père de tous, ou bien qu'Adam désigne l'ensemble de ces multiples premiers pères XXXIII. On ne voit, en effet, aucune façon d'accorder pareille doctrine avec ce qu'enseignent les sources de la vérité révélée et ce que proposent les actes du magistère ecclésiastique, sur le péché originel, péché qui tire son origine d'un péché vraiment personnel commis par Adam, et qui, répandu en tous par la génération, se trouve en chacun et lui appartient 12 XXXIV

12 Cfr.
Rm 5,12-19; Conc. Trid., sess. V., can. 1-4.



II.   LES SCIENCES HISTORIQUES : L'INTERPRETATION DES PREMIERS CHAPITRES DE LA GENESE

38 Tout comme dans les disciplines de la biologie et de l'anthropologie, ainsi que dans les sciences historiques, certains s'écartent de façon audacieuse des règles de prudence établies par l'Eglise. D'une façon particulière, il  faut déplorer certaine manière, beaucoup trop libre, d'interpréter les Livres histopiques de l'Ancien Testament. Les tenants de ce système invoquent à tort la Lettre donnée, il y a peu de temps, par la Commission Pontificale des Etudes Bibliques, à l'Archevêché de Paris 13 XXXV. Cette Lettre, en effet, avertit clairement que les deux premiers chapitres de la Genèse, quoiqu'ils ne répondent pas de façon rigoureuse au concept de l'Histoire qui fut celui des grands historiens grecs et latins, ou qui est celui des maîtres de notre temps, toutefois appartiennent, en un sens véritable, que les exégètes devront encore explorer et établir, au genre historique. Ces mêmes chapitres, d'un style simple et figuré, tel qu'il convenait à la mentalité d'un peuple peu cultivé, rapportent les vérités assentielles, sur lesquelles repose la poursuite de notre salut éternel ; ils décrivent de façon populaire l'origine du genre humain et celle du peuple élu. Si les hagiographes anciens ont pris quelque chose aux narrations populaires (ce que l'on peut accorder), il ne faut jamais oublier qu'ils l'ont fait, aidés de l'inspiration divine qui les gardait de toute erreur, dans le choix et l'appréciation de ces documents.

13 Lettre du 16 janvier 1948, dans A. A. S., XXXX, p. 45.

39 On ne peut donc, d'aucune façon, mettre les récits populaires accueillis par les Livres Saints, sur le même rang que les mythologies ou autres récits semblables, qui sont plus le fruit du jeu de l'imagination que du goût de la vérité et de la simplicité qui marquent si visiblement les Livres sacrés, même de l'Ancien Testament, qu'il faut placer nos hagiographes bien au-dessus des écrivains profanes de l'antiquité.


CONCLUSION

LA MISSION DES SUPERIEURS ECCLESIASTIQUES ET DES PROFESSEURS DE SCIENCE RELIGIEUSE

40 Nous savons, à la vérité, que la majorité des maîtres catholiques dont les travaux profitent aux athénées, aux séminaires et aux collèges d'Instituts religieux, sont loin de ces erreurs qui se répandent aujourd'hui ouvertement ou en secret, par manie de nouveauté ou par un propos mal réglé d'apostolat. Mais nous savons aussi que ces opinions nouvelles peuvent avoir prise sur les personnes peu averties ; aussi nous préférons nous y opposer dès le principe plutôt que de devoir porter remède à une maladie déjà invétérée.

41 En conséquence, après avoir mûrement réfléchi devant Dieu, pesé et considéré la chose, pour ne point faillir aux devoirs sacrés de Notre charge, Nous enjoignons aux Evêques et aux Supérieurs Généraux d'Ordres et d'Instituts religieux, leur en faisant une grave obligation de conscience, de veiller avec le plus grand soin à ce qu'on ne soutienne point de doctrines de ce genre dans les classes, dans les réunions ou par quelques écrits que ce soit, ni qu'on les enseigne, que ce soit aux clercs ou aux fidèles.

42 Les professeurs d'Instituts ecclésiastiques se rappelleront qu'ils ne peuvent, avec tranquillité de conscience, exercer l'office de professeur qui leur est confié, que s'ils acceptent religieusement et gardent exactement dans leur enseignement, les normes de pensée que Nous avons statuées. Et comme ils doivent respect et soumission au magistère de l'Eglise, en leur travail de chaque jour, ils doivent aussi en imprégner l'esprit et le coeur de leurs disciples.

43 Qu'ils cherchent, certes, de toutes leurs forces à concourir au progrès des sciences qu'ils enseignent, mais qu'ils se gardent aussi d'outrepasser les limites que Nous avonc établies pour défendre la vérité de la foi et de la doctrine catholique. Dans les questions nouvelles, que la culture moderne et le progrès rendent actuelles, qu'ils apportent leurs recherches les plus diligentes, mais avec la prudence et la circonspection qui conviennent ; enfin qu'ils se gardent de croire, par un faux « irénisme » qu'on peut obtenir un heureux retour des dissidents et des égarés à l'Eglice si on n'enseigne pas à tous, sincèrement, toute la vérité qu'enseigne l'Eglise, sans aucune corruption et sans aucune diminution.

44 Fondé sur cette espérance, que votre zèle pastoral ravive, comme gage des dons du Ciel et comme signe de Notre paternelle bienveillance, Nous accordons de grand coeur, à tous, à Vous-mêmes, Vénérables Frères, ainsi qu'à votre clergé, et à votre peuple, la Bénédiction apostolique.



NOTES DE L'EDITEUR

Sur l'introduction:

II Une Encyclique de Benoît XV, publiée le 15 juin 1917 et donnant des directives sur manière de prêcher, porte le même titre Humani Generis.

III R.  Rouquette, dans les Etudes, octobre 1950, p. 108.

IV Mais pas exclusivement: les maitres eux-memes ne sont pas exempts d'une certaine responsabilité et il était opportun de la leur rappeler pour les inciter à plus de prudence. En effet, comme le note judicieusement M. Marrou, qui est loin d'être un réactionnaire, "les intuitions les plus justes et les plus profondes ne peuvent pas trouver, dès l'abord, cette parfaite justesse et sûreté qui en feraient une connaissance véritable et fructueuse" (Du bon usage d'une encyclique, dans Esprit, octobre 1950, p. 564).

V H. Marrou, ibid., p. 565. On a un exemple de ces "caricatures" dans l'ouvrage, d'ailleurs anonyme, Teilhard de Chardin: l'évolution rédemptrice, Paris, 1950 (voir la déclaration du Père Teilhard de Chardin dans les Etudes de Septembre 1950, p.284, où celui-ci déclare ne pas du tout reconnaître l'expression de sa pensée dans le système qui lui est prêté par son contradicteur).

VI R.  Rouquette, dans les Etudes, octobre 1950, p. 111.

VII R. d'Ouince, dans les Etudes, décembre 1950, pp. 363-364.

IX Reproduit dans La Croix des 19 et 20 novembre 1950, p. 2.



Sur le texte:

II On pourrait se demander si ces mots ne visent pas la théorie du P. Rousselt, d'après lequel la grâce de foi est nécessaire pour que la raison perçoive dans toute leur force probante la valeur des motifs de crédibilité. A priori, on pourrait s'étonner qu'une théorie défendue depuis longtemps en toute liberté par d'éminents théologiens soit condamnée dans une simple incise, alors qu'il n'y est plus fait allusion lorsque le Pape, plus bas, parle explicitement des erreurs concernant la connaissance de la crédibilité. Il y a d'ailleurs des raisons positives, tirées du contexte, qui confirment qu'il ne s'agit pas ici de la thèse de Rousselt, comme le montre le P. Malmberg, Zelfs met het natuurlijk redelicht alleen (« vel solo naturali rationis lumine »). Notities bij een passage van de encycliek « Humani generis », dans Bijdragen uitgegeven door de Vaculteiten der Noord- und Zuid-Nederlandse-Jezuieten, 1950, t. XI, pp. 202-211.

III Ainsi qu'on le voit, ce que le Pape condamne ici, ce n'est pas l'explication transformiste de l'origine des différentes espèces vivantes, dont il sera question à la fin de l'Encyclique, mais l'évolutionnisme généralisé, transposé du plan des sciences naturelles à celui de la philosophie et qui se traduit, de nos jours, sous trois formes signalées successivement par l'Encyclique :
1° prétendre faire sortir la vie et même la pensée de la matière brute, en écartant l'action  d'un Dieu transcendant à l'origine  du processus  évolutif ;
2° négliger ce qu'il y a de permanent et d'absolu dans les êtres et, passant d'un extrême à l'autre, substituer à l'idéalisme rationaliste issu de Hegel une philosophie s'inté-ressant uniquement à l'existence concrète des individus ;
3° vouloir faire l'histoire des idées en se bornant exclusivement à noter les formes variables de pensée et d'expression, au risque d'aboutir au relativisme qui nie le caractère absolu de la vérité.

IV L'Encyclique fait ici allusion à l'enseignement du célèbre théologien calviniste Karl Barth, dont l'influence a été considérable ces  dernières années dans les milieux réformés et qui marque une réaction marquée contre les tendances rationalisantes du protestantisme libéral de la  génération précédente.

V On voit ici comment le Pape n'entend nullement isoler les intellectuels catholiques dans un ghetto ni les priver de tout contact avec la pensée contemporaine. Il les exhorte à étudier celle-ci non seulement pour pouvoir mieux en réfuter les erreurs, mais également parce qu'ils y trouveront un stimulant pour la réflexion chrétienne elle-même.

VI On préconise depuis quelques années, dans les échanges de vues avec les dissidents, de substituer à la méthode polémique l'esprit de la méthode irénique. Le mot vient du grec ZCO'ijVYj cIui signifie paix. Il caractérise l'attitude conciliante de celui qui s'efforce de découvrir dans les positions qu'il n'admet pas, tout ce qu'elles peuvent contenir de vrai, et qui, cherchant lui-même la vérité, considère ceux qui ne pensent pas comme lui comme animés des mêmes dispositions sincères. L'Encyclique ne blâme nullement l'esprit irénique, mais bien, comme elle dira plus bas, « l'irénisme imprudent » qui, par un souci maladroit de conciliation, aboutirait à dissimuler les exigences de la vérité. Déjà l'instruction du Saint-Office du 5 juin 1948, sur le mouvement oecuménique, avait mis en garde contre cet irénisme imprudent (cf. Documents Pontificaux 1948, p. 220).

VII On notera à nouveau avec quelle généreuse confiance le Saint-Père envisage « l'introduction d'une nouvelle méthode » destinée à mieux adapter l'enseignement ecclésiastique aux conditions et aux besoins d'aujourd'hui.

VIII Le magistère suprême de l'Eglise romaine n'est pas le seul à penser de la sorte. Le Rd Brandreth, membre anglican du mouvement oecuménique Faith and Order, écrit : « Ce n'est pas de la charité mais du sentimentalisme que de chercher à minimiser les différences de doctrine ou de régime ecclésiastique » (Chrétiens devant l'Oecuménisme, Lille. 1947. P- Ef 'e pasteur calviniste Max Thurian, très ouvert, lui aussi, au mouvement cecuméniste, met en garde contre ce qu'il nomme le « confusionisme », qui ne saisit pas « toute la profondeur et la gravité des oppositions dogmatiques », et contre le « pragmatisme cecuméniste » qui fait comme si la difficulté n'existait pas (ibid. , pp. 18-19).

IX On retrouve ici l'une des idées essentielles du Modernisme et la manière dont il concevait le rôle des formules dogmatiques (cf. Encyclique Pascendi, DS 2079).

XII Ce qui n'implique pas nécessairement qu'elle soit dès lors l'objet d'un acte de foi proprement dit ; tout dépend du degré de certitude avec lequel la doctrine est présentée par le Souverain Pontife ; comme une vérité de foi, comme une « doctrine commune » de l'Eglise, comme une opinion qui a la faveur de l'autorité. Mais en tout état de cause, une attitude de soumission est requise (cf. plus haut, note 10) .

XIV Ibid. Cf. l'article Tradition, dans le Dictionnaire de théologie catholique, t. XV, 1343-1344-

XV Encyclique Divino Afflante Spiritu, 30 septembre 1043 (cf. traduction française avec commentaires de L. Cerfaux, Encyclique sur les Etudes Bibliques, Ed. Universitaires, Bruxelles, 1043).

XVI Le Pape désavoue à nouveau, comme il l'avait déjà fait dans l'Encyclique Diurno Afflante Spiritu, l'interprétation dite « spirituelle » de la Bible (par opposition à l'exégèse « littérale »), qui a donné lieu, en Italie surtout, à certains excès et verse aisément dans la fantaisie, mais qu'il ne faut pas confondre avec l'exégèse « typologique » qui, depuis saint Paul et les Pères, s'applique à relever les correspondances entre le Nouveau Testament et l'Ancien, et les préfigurations du Christ dans ce dernier.

XVII Il semble que parmi les travaux préparatoires à l'Encyclique avait été rédigé un Syllabus énumérant différentes thèses suspectes, classées d'après l'ordre classique des-traités de théologie. Telle serait l'origine de cette section, à première vue un peu disparate.

XIX Cette proposition, dont les termes ont été soigneusement pesés, n'implique pas qu'il soit impossible de faire son salut si l'on n'appartient pas visiblement à l'Eglise romaine.

XX Le Saint-Père rappellera par ailleurs un peu plus bas que certaines dispositions morales sont nécessaires pour que le sujet perçoive la valeur réelle de ces signes de crédibilité.

XXI Le rappel de ces vérités déjà définies par le Concile du Vatican est extrêmement opportun en présence de l'anti-intellectualisme contemporain. Nous touchons ici au problème central et au sens fondamental de l'Encyclique Humani generis.

XXII L'Encyclique ne fait que reprendre ici la condamnation portée déjà par Pie X contre le Modernisme et, avec plus de solennité encore, par le Concile du Vatican, contre les idées de certains disciples de Gunther : Si quis dixerit fieri posse ut dogmatibus ab Ecclesia propositis, aliquando secundum progressum scientiae sensus tribuendus sit alius ab eo quein intellexit et intelligit Ecclesia, a. s. (DS 1818).

XXIII « Il est utile de remarquer, observe le P. Levie, dans la Nouvelle Revue Théologique (septembre-octobre 1950, PP 791-792), que dans l'exposé de ce premier point, strictement dogmatique, l'Encyclique ne prononce pas le mot de philosophie scolastique ou de philosophie thomiste ; elle n'a en vue jusqu'ici que cette philosophie essentielle, qui est indispensable dans la synthèse apologétique et théologique du catholicisme et qui est du reste l'âme de la philosophie scolastique. Le Pape fait un pas de plus dans le point suivant °u il se place, non plus au point de vue dogmatique, mais au point de vue pédagogique ^e la formation des futurs prêtres dans les séminaires catholiques. »

XXVI Comme on le voit, toute forme d'existentialisme n'est pas condamnée par l'Encyclique. Outre l'existentialisme athée — celui d'un Sartre, par exemple —, ce que le Pape désavoue, c'est l'existentialisme qui « rejette la valeur du raisonnement métaphysique »¦ Ceci paraît le cas pour un Jaspers, par exemple. Et il est indéniable qu'une tendance analogue, plus ou moins clairement exprimée, existe chez un certain nombre de penseurs français contemporains. Mais il serait simpliste d'attribuer aussitôt une tendance de ce genre à tous ceux qui ont préconisé la fécondité de la méthode existentialiste. Comme on l'a fait très justement observer, ceux qui prétendraient par exemple conclure des passages de l'Encyclique  sur l'existentialisme  à une  condamnation  de  Gabriel  Marcel  risquent de commettre une erreur analogue à ceux qui voulurent jadis voir dans d'autres documents pontificaux une condamnation de Maurice Blondel. On retiendra surtout la mise en garde contre un danger indéniable de la méthode existentialiste lorsqu'elle est utilisée de manière unilatérale, et avec un certain mépris pour les autres aspects de la réflexion philosophique.

XXVII Il est du plus haut intérêt de voir le Pape attirer l'attention sur ces thèses traditionnelles et très thomistes, que trop de théologiens de l'époque moderne avaient perdues de vue.

XXVIII Ici encore, on se gardera de faire dire au Pape ce qu'il ne dit pas. Comme le remarque M. Michel dans L'Ami du clergé (2 novembre 1950, p. 665, note 3) : « Il faut noter que Pie XII ne nie pas qu'on puisse construire un argument de valeur rationnelle pour prouver l'existence de Dieu, en partant de nos aspirations au bonheur, ou que la vérité du christianisme ne puisse recevoir une confirmation éclatante de sa parfaite correspondance aux idéaux les plus élevés de l'homme. Il condamne simplement ceux qui, minimisant outre mesure la valeur de notre intelligence, ramènent la vie religieuse à un pragmatisme sans fondement solide, variable selon la variation des dispositions subjectives de chacun. »

XXIX Concile du Vatican, Constitution De Fide catholica, ch. IV, DS 1795 -Pie IX, lettre Gravissimas inter, DS 1670. Léon XIII, Encyclique Alterni Patris, Pie X, dans le Serment antimoderniste, a précisé que la connaissance certaine de l'existence <3e Dieu par la raison naturelle, était réalisée par une véritable démonstration (DS 2145).

XXX C'est la première fois qu'un document émanant du magistère suprême de l'Eglise ratifie officiellement la thèse devenue peu à peu classique en théologie, à savoir que l'évolutionnisme peut être, dans certaines limites, parfaitement compatible avec la fol chrétienne. Le Souverain Pontife estime toutefois nécessaire de faire deux réserves, d'abord en rappelant qu'au stade actuel de la recherche scientifique, il reste encore une part d'hypothèse dans les essais de description de l'origine du corps humain à partir d'une matière déjà existante et vivante ; ensuite et surtout en se prononçant à propos de l'hypothèse du polygénisme.

XXXII Aux yeux des théologiens, les sciences positives, jusqu'à présent, ont uniquement prouvé qu'il y a apparition successive d'espèces, mais « le fait même de l'évolution, comme dérivation et non pas seulement comme succession, n'est pas prouvé » et demeure donc, en rigueur de terme, une hypothèse (Garrigou Lagrange, dans Doctor Communis, 1948 p. 200, note 9). C'est du reste ce que reconnaissent les hommes de science eux-mêmes, bien que  leur  point  de  vue,  qui  s'inspire  davantage  de  la  fécondité  pratique,  les  amène à s'exprimer de manière légèrement différente. C'est ainsi que M. G. Vandebroek, professeur d'anatomie comparée et d'anthropologie à l'Université de Louvain, écrit : « Le nombre de faits connus se rapportant aux conséquences de l'évolution est tellement grand que certains auteurs ont cru pouvoir affirmer que l'évolution était elle-même un fait. Une raison méthodologique ne nous permet pas de partager cette opinion. Un fait doit pouvoir être démontré. Or cette démonstration directe est impossible pour la filiation des espèces. L'évolution n'est donc qu'une hypothèse, mais une hypothèse éminemment vraisemblable, vérifiable dans ses nombreuses conséquences et que l'on ne peut rejeter sans la remplacer par une autre au moins aussi plausible. Que l'on ne s'y trompe pas, un biologiste à la hauteur des données actuelles n'a pratiquement pas le droit de ne pas être évolutionniste s'il ne peut expliquer les faits d'une autre manière (Essai sur Dieu, l'homme et l'Univers, Tournai-Paris, 1950).

XXXIII On reste donc libre d'admettre l'existence, même après Adam, d'hominiens n'appartenant pas à la même souche que l'humanité actuelle, mais qui ne seraient pas de "vrais" hommes par suite de l'absence d'une âme immortelle capable d'être élevée à l'ordre surnaturel de la grâce et de la vision béatifique.

XXXIV Le P. Levie dans la Nouvelle revue théologique a fait remarquer combien les termes de ce passage "ont tous été attentivement pesés: Cum nequaquam appareat quomodo... componi queat n'est pas la même chose que cum appareat... componi nequaquam posse; la première formule, très ferme d'ailleurs, reste toutefois moins exclusive et radicale que n'eut été la seconde". Le Pape ne se prononce pas de manière irréformable et, au cas où les théologiens découvriraient une possibilité inaperçue jusqu'à présent, de concilier l'hypothèse polygéniste avec les données bibliques et traditionelles concernant le péché originel, la question pourrait éventuellement être reprise, avec l'assentiment du magistère.

XXXV (cf. Documents Pontificaux 1048, p. 29) (voir à son sujet R. Aubert dans La Revue Nouvelle, juillet-août 1948, pp. 85-88).

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