A la Rote 1939-2009 4400

1944 le but unique dans la façon de traiter les causes

matrimoniales


(2 octobre 1944 )

LE BUT UNIQUE DANS LA FAÇON DE TRAITER LES CAUSES MATRIMONIALES

pour les membres du tribunal, les avocats et les parties.

L'inauguration de la nouvelle année judiciaire de la Sacrée Rote romaine Nous a fourni l'occasion dans les années écoulées de mettre en relief certains points particuliers dans la façon de traiter les causes matrimoniales et aussi de montrer comment l'Eglise, conformément à sa mission et à son caractère, voit et traite ces points et dès lors, comment elle veut qu'ils soient considérés et traités par le juge et par ceux qui font partie des tribunaux ecclésiastiques.
Avant tout, Nous avons parlé du droit naturel au mariage et de l'incapacité psychique et physique de contracter mariage. De même, Nous avons traité de certains principes fondamentaux concernant la déclaration de nullité du mariage et la dissolution du lien validement établi 1941 . Nous avons ensuite présenté diverses réflexions sur la certitude requise chez le juge afin qu'il puisse procéder au prononcé de la sentence. Nous avons remarqué qu'il suffisait de la certitude morale, c'est-à-dire celle qui exclut tout doute raisonnable au sujet de la véracité du fait; Nous avons néanmoins rappelé que cette certitude morale doit avoir un caractère objectif et ne pas reposer seulement sur l'opinion ou sur le sentiment purement subjectif du juge 1942 .
Dans la même intention de traduire l'esprit et la volonté de l'Eglise, qui attribue au mariage une souveraine importance pour le bien du peuple chrétien et pour la sainteté de la famille, Nous Nous proposons aujourd'hui - après avoir entendu le vaste et fidèle rapport annuel de votre digne et méritant doyen (Mgr Giulio GRAZIOLI) - de parler de l'unité de but qui doit donner un cachet spécial à l'activité et à la collaboration de tous ceux qui interviennent dans les procès matrimoniaux devant les tribunaux ecclésiastiques de tout degré et de tout genre et qui doit les animer et les réunir en une même unité d'intention et d'action.

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Triple élément de l'unité d'action

1. - En principe, l'on doit établir d'avance que l'unité de l'action humaine résulte et provient des éléments suivants: un but unique, une direction commune de tous vers ce but unique, une obligation juridico-morale de prendre et de garder cette orientation. Vous saisissez nettement que la fin unique constitue le principe et le terme formel de ces éléments, tant du côté de l'objet que du côté du sujet. Dès lors, de même que tout mouvement reçoit sa détermination du but vers lequel il tend, ainsi l'activité consciente de l'homme se spécifie d'après le but qu'elle vise I-II 1,2.
Eh bien! la fin unique dans le procès matrimonial est une sentence conforme à la vérité et au droit, dans le procès de nullité, elle porte sur l'affirmation de la non-existence du lien conjugal; dans le procès informatif de vinculo solvendo elle porte sur l'existence ou l'absence des présupposés nécessaires pour la dissolution du lien. En d'autres termes, la fin ou le but dans le procès matrimonial est l'affirmation faite avec autorité et la mise en vigueur de la vérité et du droit correspondant, relativement à l'existence ou à la continuation d'un lien matrimonial.
La tendance ou direction personnelle vers la fin se réalise par la volonté de tous et de chacun de ceux qui prennent part à la procédure, en tant qu'ils dirigent et subordonnent pleinement leur pensée, leur vouloir, leur activité dans les choses du procès à l'obtention de cette fin. C'est pourquoi, si tous ceux qui jouent un rôle dans le procès suivent constamment cette orientation, il s'ensuivra chez eux, par une conséquence naturelle, l'unité d'action et de collaboration.
Enfin, le troisième élément, à savoir l'obligation juridico- morale de maintenir cette orientation vers la fin découle dans le procès matrimonial du droit divin. De fait, le contrat matrimonial est de par sa nature propre et, quand il s'agit des baptisés, en raison de son élévation à la dignité de sacrement, organisé et réglementé non par la volonté de l'homme, mais par Dieu lui-même. Il suffit de se souvenir de la parole du Christ: "Ce que Dieu a uni, l'homme ne doit pas le séparer"
Mt 19,6, ainsi que de l'enseignement de saint Paul: "Ce mystère est de grande portée, je veux dire qu'il s'applique au Christ et à l'Eglise" Ep 5,32. L'extrême gravité de cette obligation qui dérive originairement du droit divin comme de sa source suprême et inépuisable, pour être au service de la vérité dans le procès matrimonial, doit toujours être fortement affirmée et inculquée. Que jamais il n'arrive que dans les procès matrimoniaux devant les tribunaux ecclésiastiques on ait à constater des tromperies, des parjures, des subornations ou des fraudes de n'importe quelle espèce! C'est pourquoi tous ceux qui prennent part d'une façon ou d'une autre à ces procès doivent garder une conscience vigilante et, si besoin en est, la réveiller et la raviver en se souvenant que ces procès sont au fond conduits non devant le tribunal des hommes, mais devant celui de Dieu et que par conséquent les sentences qui les concernent sont sans valeur devant Dieu et dans le champ de la conscience si certaines tromperies, qui atteignent la substance, les rendent fausses.

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L'unité de but et d'action chez chacun de ceux qui participent aux procès matrimoniaux

2. - L'unité et la collaboration dans les procès matrimoniaux se réalisent donc grâce à l'unité de fin, à l'orientation vers la fin, à l'obligation de la subordination à la fin. Ce triple élément impose à l'activité personnelle de chacun de ceux qui prennent part au procès des exigences essentielles et lui imprime un cachet particulier.

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a) Le juge.

Avant tout, en ce qui regarde le juge qui est comme la justice vivante, son activité atteint son plus haut degré dans le prononcé de la sentence: cette dernière affirme et établit juridiquement la vérité et lui donne valeur légale, aussi bien pour ce qui concerne le fait à juger que pour ce qui se rapporte au droit à appliquer dans le cas. C'est à cette manifestation et à ce service de la vérité qu'est ordonné comme à son but tout le procès. Dans cette orientation objective vers le but, le juge trouve également une règle sûre pour le diriger dans toute son enquête personnelle, dans le jugement, les ordonnances, les défenses que la marche du procès comporte. Il apparaît, de ce chef, comment l'obligation juridico-morale à laquelle le juge est soumis n'est pas autre que celle déjà mentionnée dérivant du droit divin, c'est-à- dire l'obligation de rechercher et de déterminer, conformément à la vérité, si un .lien qui, d'après les signes extérieurs, a été noué, existe en réalité, ou bien si les présupposés nécessaires pour le défaire se trouvent vérifiés; puis, la vérité étant établie, le juge doit prononcer la sentence en conformité avec cette vérité. C'est en cela que résident le rôle capital et la responsabilité personnelle du juge dans la direction et dans la conclusion du procès.

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b) Le défenseur du lien.

Il appartient au défenseur du lien matrimonial de défendre ou de soutenir l'existence ou bien la continuation du lien conjugal, non certes d'une façon absolue mais en dépendance de la fin du procès qui est la recherche et la connaissance de la vérité objective. Le défenseur du lien doit collaborer à la fin commune, en tant qu'il cherche, expose et démontre tout ce que l'on peut apporter en faveur du lien. On doit le considérer comme une pars necessaria ad iudicii validitatem et integritatem (1). Afin qu'il puisse remplir efficacement sa charge, la législation réglant la procédure judiciaire lui attribue des droits particuliers et lui assigne des tâches déterminées (Cf. p. ex. CIS 1967-1969. De même que si le défenseur du lien se contentait d'examiner sommairement les actes du procès et de faire quelques remarques superficielles, cette façon d'agir ne se concilierait pas avec l'importance de sa charge ni avec le soigneux et fidèle accomplissement de son devoir; de même, il ne convient pas de confier la charge de défenseur du lien à ceux qui n'ont pas encore l'expérience de la vie et la maturité de jugement (2). Le fait que les remarques ou observations du défenseur du lien soient soumises à l'examen des juges ne l'exempte pas de suivre la règle indiquée, car les juges doivent trouver dans son travail soigneux une aide et un complément de leur propre activité, et il n'y a pas non plus à vouloir que les juges refassent toujours tout le travail et toutes les recherches du défenseur pour pouvoir se fier à son exposé.
(1) Benoit XIV, const. Dei miseratione, du 3/11/1741, Par.7 - (2) Voir Normes du tribunal de la S. Rote romaine, 29 juin 1934, art. 4, Par. 2.

D'un autre côté, on ne peut pas non plus exiger du défenseur du lien qu'il imagine et prépare coûte que coûte une argumentation habile, sans se soucier si ses affirmations ont, ou non, un sérieux fondement. Une pareille exigence serait contraire à la droite raison; elle imposerait au défenseur une fatigue inutile et sans valeur; elle n'éclaircirait pas, mais embrouillerait plutôt la cause à juger; elle ferait traîner en longueur le procès avec de réels dommages. Dans l'intérêt même de la vérité et pour la dignité de sa fonction, on doit dès lors reconnaître en principe au défenseur du lien, là où le cas le demande, le droit de déclarer que, après un examen diligent, attentif et consciencieux des actes du procès, il n'a trouvé aucune objection raisonnable à élever contre la demande du requérant ou de l'auteur de la supplique.
Ce fait et cette conscience de ne pas devoir inconditionnellement soutenir une thèse qui lui a été imposée, mais bien d'être au service de la vérité déjà existante, préservera le défenseur du lien de poser des questions ou interrogations unilatéralement suggestives et insidieuses; d'exagérer ou de transformer les possibilités en probabilités ou même en faits accomplis; d'affirmer ou d'établir des contradictions là où un jugement sain ne les voit pas ou les résout facilement; d'attaquer la véracité des témoins à cause des désaccords ou des inexactitudes en des points secondaires ou sans importance pour l'objet du procès, divergences et inexactitudes dont la psychologie des dépositions des témoins apprend qu'elles restent dans la sphère des causes normales d'erreurs et qu'elles n'ôtent pas sa valeur à la substance de la déposition elle-même. La conscience de devoir être au service de la vérité empêchera enfin le défenseur du lien d'exiger de nouvelles preuves lorsque celles qui ont déjà été fournies sont pleinement suffisantes à établir la vérité; ce que, dans une autre circonstance, Nous avons désigné comme ne devant pas être approuvé.
Que l'on n'objecte pas que le défenseur du lien n'a pas à proposer ses animadversiones pro rei veritate, mais pro validitate matrimonii. Si par cette formule on veut signifier que le défenseur du lien a comme mission de mettre en relief tout ce qui milite en faveur du lien et non ce qui est contre l'existence ou la continuation du lien conjugal, l'observation est juste. Si, au contraire, on voulait affirmer que le défenseur du lien n'est pas tenu de concourir lui aussi dans son action à la constatation de la vérité objective, comme à la fin dernière du procès, mais qu'il doit, inconditionnellement et indépendamment des preuves et des résultats du procès, soutenir la thèse obligatoire de l'existence ou de la nécessaire continuation du lien, pareille assertion serait à considérer comme fausse. De la sorte, tous ceux qui ont un rôle à jouer dans le procès doivent, sans aucune exception, faire converger leur action vers la fin unique: pro rei veritate!

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c) Le promoteur de justice.

Il Nous faut faire aussi quelques brèves remarques pour ce qui a rapport au promoteur de justice. Il peut arriver que le bien public réclame la déclaration de nullité d'un mariage et que le promoteur de justice en fasse la demande régulière au tribunal compétent. En aucun autre cas autant qu'ici, on ne pourrait être fortement enclin à mettre en doute l'unité de but et de collaboration de tous dans le procès matrimonial. En effet, dans ce procès, deux fonctionnaires publics semblent prendre position l'un contre l'autre devant le tribunal: l'un, le défenseur du lien, doit en vertu de sa charge refuser ce que l'autre, lui aussi par sa fonction, est appelé à solliciter. Au contraire, précisément ici se montrent d'une façon manifeste l'unité de but et l'unité d'orientation de tous vers ce but; en effet, tous les deux, nonobstant leur opposition apparente, présentent au fond au juge la même requête: qu'il porte une sentence conforme à la vérité et à la réalité du même fait objectif. La rupture de l'unité de but et de collaboration se réaliserait seulement si le défenseur du lien et le promoteur de justice considéraient leurs buts prochains et opposés comme des buts absolus et s'ils les détachaient et les dégageaient de leur lien et de leur subordination au but final commun.

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d) L'avocat.

L'unité de la fin à atteindre, l'orientation vers cette fin, l'obligation de tout lui subordonner dans le procès matrimonial doivent être examinées et posées avec une attention particulière quand il s'agit du conseiller légal ou avocat dont se servent le demandeur ou la partie civile ou l'auteur de la supplique, parce que personne n'est plus exposé que lui à les perdre de vue.
L'avocat assiste son client pour la rédaction du libelle introductif d'instance dans l'exacte détermination de l'objet et du fondement de la cause controversée ou du litige, dans la mise en relief des points décisifs du fait a juger; il lui indique les preuves à alléguer, les documents à produire; il lui suggère les témoins qu'il doit faire citer pour le procès; il lui indique quels points sont péremptoires dans les dépositions des témoins; durant le procès, il l'aide à évaluer avec justesse les exceptions et les arguments contraires, et à les réfuter, en un mot, l'avocat recueille et fait valoir tout ce qui peut être invoqué en faveur de la demande de son client.
Dans cette activité multiple, 1'avocat peut certes mettre tous ses efforts en vue d'obtenir le triomphe de la cause de son client; mais dans toute son action il ne doit pas se soustraire au but final, unique et commun: à savoir la découverte, la constatation, l'affirmation légale de la vérité, du fait objectif, vous, juristes ici présents, éminents et défenseurs intègres du for ecclésiastique, vous savez bien comment la conscience ou connaissance d'une telle subordination doit guider l'avocat dans ses réflexions, dans ses conseils, dans ses assertions et dans ses preuves. Vous savez en outre comment cette conscience va d'abord le préserver d'imaginer habilement et de défendre des causes privées de tout fondement sérieux, de recourir à des fraudes ou à des tromperies, de pousser les parties et les témoins à faire une déposition mensongère, de recourir à n'importe quel procédé malhonnête. De plus, cette même connaissance le portera réellement, durant toute la série des actes du procès, à agir conformément au dictamen de la conscience. Vers ce but suprême de la vérité à faire luire, il est nécessaire que convergent aussi bien le travail de l'avocat que l'oeuvre du défenseur du lien, parce que ces deux activités, tout en partant de points opposés pour des fins prochaines différentes, sont tenues de tendre au même but final.
On voit par là ce qu'il faut penser du principe suivant, par trop souvent énoncé ou suivi en fait: "L'avocat, dit-on, a le droit et le devoir de produire tout ce qui est utile à sa thèse, tout autant que le fait le défenseur du lien par rapport à la thèse opposée qu'il soutient. La règle pro rei veritate ne vaut pour aucun des deux. L'appréciation est exclusivement la charge du juge. Charger l'avocat d'une pareille sollicitude équivaudrait à empêcher ou encore à paralyser complètement son activité. "Ce raisonnement repose sur une erreur théorique et pratique: il méconnaît la nature intime et le but final essentiel du débat juridique. Cette controverse, quand il s'agit de procès matrimonial, ne peut être assimilée à un concours ni à une joute où les deux rivaux n'ont pas un but final commun, mais où chacun poursuit son but particulier et absolu qui non seulement n'a pas de rapport mais se trouve en opposition avec celui de son adversaire: ce but c'est de mettre en déroute l'adversaire et de remporter la victoire. En cette circonstance, le vainqueur, par sa lutte couronnée de succès, crée le fait objectif qui est pour le juge, dans ce concours ou dans cette joute, le motif déterminant pour attribuer et conférer le prix ou la récompense, puisque pour ce juge la loi est celle- ci: le prix au vainqueur. Il en va tout autrement dans le débat juridique d'un procès matrimonial. Ici, il ne s'agit pas de créer un fait par le moyen de l'éloquence et de la dialectique, mais de mettre en évidence et de faire valoir un fait déjà existant. Le principe énoncé ci-dessus cherche à séparer l'activité de l'avocat du service de la vérité objective, et il voudrait d'une certaine manière attribuer à une habile plaidoirie la force de créer le droit comme celle que possède l'activité du concurrent victorieux dans un concours.
La même réflexion de l'obligation inconditionnée à l'égard de la vérité est valable aussi dans le cas de la simple procédure informative à la suite d'une demande de dissolution du lien conjugal. L'instruction de la cause devant le for ecclésiastique ne prévoit pas l'intervention d'un avocat défenseur du demandeur; mais c'est un droit naturel pour ce dernier de se servir pour son compte personnel des conseils, de l'aide d'un juriste pour rédiger la demande, en préciser les motifs, pour choisir et présenter les témoins, pour surmonter les difficultés qui se présentent.
Le conseiller légal, ou l'avocat, peut également ici mettre tout son savoir et toute son habileté en faveur de son client; mais dans cette activité extrajudiciaire, il doit aussi se souvenir de l'obligation qui l'astreint au service de1a vérité, de sa soumission à la fin commune et du rôle qu'il doit remplir dans le travail commun pour atteindre cette fin.
De tout ce que Nous avons exposé, il ressort manifestement comment dans les procès de mariage jugés par le tribunal ecclésiastique, juge, défenseur du lien, promoteur de justice, avocat doivent faire, pour ainsi dire, cause commune et collaborer tous ensemble, non certes en confondant les tâches particulières à chacun, mais dans une union consciente et voulue et dans la soumission à la même fin

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e) Les parties, les témoins, les experts.

Il est superflu d'ajouter que les autres personnes qui prennent part au procès sont également soumises à l'obligation de la même loi fondamentale, à savoir rechercher, rendre manifeste et faire valoir légalement la vérité. Pour assurer l'obtention de ce but, on leur impose le serment. Dans cette subordination à la fin, elles trouvent une règle très nette pour leur orientation intérieure et pour ..leur action extérieure, et elles en retirent sécurité de jugement et tranquillité de conscience. Il n'est pas permis aux deux parties, aux témoins, aux experts d'inventer ou d'imaginer des faits inexistants, de donner aux faits existants une interprétation sans fondement, de les nier, de les mélanger, de les embrouiller. Tout cela serait incompatible avec le service que l'on doit rendre à la vérité, comme la loi de Dieu et le serment prêté y obligent.

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Les procès matrimoniaux dans leur ordonnance et leur subordination a la fin universelle de l'église: le salut des hommes

3. - Considérant maintenant en esprit ce qui a déjà été dit, Notre pensée voit clairement comment le procès matrimonial représente une unité de but et d'action dans laquelle chacun de ceux qui participent au procès doit remplir sa charge spéciale dans une entente mutuelle et dans une orientation commune vers un même but. Il y a là une ressemblance avec les membres du corps: quoique chaque membre ait sa fonction particulière et son activité propre, tous cependant sont coordonnés les uns aux autres, et ensemble ils sont ordonnés au même but final qu'ils doivent atteindre qui est celui de l'organisme tout entier.
Néanmoins, ces considérations sur la nature intime du procès matrimonial demeureraient incomplètes, si l'on n'examinait pas aussi ses aspects extérieurs.
Le procès matrimonial au for ecclésiastique est une fonction de la vie juridique de l'Eglise. Dans Notre encyclique sur le Corps mystique du Christ, Nous avons exposé comment "l'Eglise juridique" est bien d'origine divine, mais n'est pas toute l'Eglise; comment elle représente en quelque sorte uniquement le corps qui doit être vivifié par l'Esprit, c'est-à-dire par le Saint-Esprit et par sa grâce. Dans la même encyclique, Nous avons expliqué d'autre part comment toute l'Eglise, dans son corps et dans son âme, quant à la participation des biens et au profit qui en dérive, est établie exclusivement pour le salut des âmes, selon le mot de l'Apôtre: Omnia vestra sunt, " tout est vôtre" 1Co 3,22. Ainsi sont indiqués l'unité supérieure et le but suprême auxquels sont destinées et dirigées la vie juridique et toute fonction juridique dans l'Eglise. Il suit de là qu'également les pensées, les vouloirs, les actions personnels dans l'exercice de cette activité doivent tendre à la fin propre de l'Eglise: le salut des âmes. En d'autres termes, la fin dernière, le principe suprême, l'unité supérieure n'est rien d'autre que "la sollicitude des âmes ", comme toute l'oeuvre du Christ sur la terre fut le soin des âmes, et que le soin des âmes fut et est toute l'action de l'Eglise.
Mais le juriste qui, comme tel, considère le droit pur et la stricte justice a coutume de se montrer, comme d'instinct, étranger aux idées et aux fins de la sollicitude pastorale des âmes; il défend la séparation nette entre les deux fors, celui de la conscience et celui de l'ordonnance externe de la vie juridico-sociale. Cette tendance vers une nette division des deux domaines est, jusqu'à un certain degré, légitime, en tant que le juge et ses collaborateurs dans la procédure judiciaire n'ont pas pour office propre et direct la sollicitude des âmes. Mais ce serait d'autre part une funeste erreur d'affirmer qu'ils ne se trouvent pas eux aussi en dernière et définitive instance au service des âmes. Cela reviendrait à les mettre, dans le jugement ecclésiastique, en dehors du but et de l'unité d'action propres à l'Eglise en vertu de l'institution divine; ils seraient comme des membres d'un corps qui ne s'inséreraient plus dans l'ensemble et ne voudraient plus soumettre et ordonner leur action à la fin ou au but de tout l'organisme.

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Efficacité de cette ordonnance et subordination sur l'activité juridique

L'activité juridique et spécialement judiciaire n'a rien à craindre d'une telle ordonnance et subordination: elle y trouvera même fécondité et progrès. La largeur nécessaire des vues et des décisions y est assurée. En effet, tandis que l'activité juridique unilatérale contient toujours en soi le danger d'un formalisme exagéré et de l'attachement à la lettre, la sollicitude des âmes garantit un contrepoids en maintenant claire dans la conscience la maxime: Leges propter homines, et non homines propter leges. C'est pourquoi, dans une autre circonstance, Nous avons déjà fait remarquer que là où la lettre de la loi serait un obstacle à trouver la vérité et la justice, le recours au législateur devait toujours être possible. La pensée d'appartenir au service qui travaille à la fin de l'Eglise confère en outre à tous ceux qui participent à son activité juridique l'indépendance nécessaire et l'autonomie à l'égard du pouvoir judiciaire civil. Entre l'Eglise et l'Etat, comme Nous le notions dans cette encyclique sur le Corps mystique du Christ, existe une profonde différence bien qu'ils soient cependant tous deux, au sens plénier du mot, des sociétés parfaites. L'Eglise a un caractère propre et spécial, d'origine et d'empreinte divines. De là découle, même dans sa vie juridique, un trait qui lui est particulier, une orientation, jusque dans les ultimes conséquences, vers des pensées et des biens supérieurs, supraterrestres, éternels. Dès lors, ce n'est pas comme une opinion, mais bien plutôt pour divers motifs comme un jugement erroné qu'il faut considérer l'assertion de ceux qui estiment que l'idéal vers lequel doit tendre la pratique juridique ecclésiastique est la ressemblance la plus parfaite possible et la conformité avec l'organisation judiciaire civile. Ce qui n'exclut pas du tout qu'elle ne puisse avantageusement profiter du vrai progrès de la science du droit, même en ce domaine.
Enfin, la pensée de se rattacher à l'unité supérieure de l'Eglise et d'être subordonnée à son but suprême, qui est le salut des âmes, confère à l'activité juridique la fermeté pour s'avancer dans le chemin sûr de la vérité et du droit. Elle la préserve d'une part de toute molle condescendance aux exigences désordonnées des passions et, d'autre part, d'une inflexibilité rigide et injustifiée. Le salut des âmes a pour règle suprême absolument sûre la loi et la volonté de Dieu. Selon cette même loi et la volonté de Dieu, une activité juridique qui accepte et a conscience de n'avoir d'autre fin que celle de l'Eglise se dirigera avec fermeté dans la solution des cas particuliers qui lui sont soumis et verra confirmer dans un ordre supérieur ce qui était déjà dans son propre domaine sa règle fondamentale: service et affirmation de la vérité dans l'assurance donnée sur la véracité d'un fait et application à celui-ci de la loi et de la volonté de Dieu.
C'est pourquoi Nous éprouvons une satisfaction particulière en sachant que le sacré tribunal de la Rote est inébranlablement fidèle à une si haute règle et qu'il peut dès lors être donné en exemple aux tribunaux diocésains qui ont le regard fixé sur lui comme sur un modèle. Veuille le ciel que la nouvelle année judiciaire de la Rote romaine, qui s'inaugure aujourd'hui dans l'invocation de l'Esprit-Saint, soit également le présage de l'inauguration d'une nouvelle année juridique de paix et de justice dans le monde!
En proclamant ce souhait, Nous implorons sur vous et sur votre activité les lumières de la sagesse divine, pendant que de tout Notre coeur Nous donnons à tous et à chacun Notre paternelle Bénédiction apostolique.


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1945 procédures civile et ecclésiastique

(2 octobre 1945)

différences qui existent dans l'origine et dans la nature de la procédure civile et de la procédure ecclésiastique.

C'est pour la première fois aujourd'hui, depuis qu'il a plu au Seigneur, Juge souverain de toutes les justices humaines, de Nous constituer son représentant et vicaire ici- bas, après avoir écouté l'ample et docte rapport que Nous a présenté votre très digne doyen sur l'activité de ce tribunal, que Nous pouvons vous exprimer, chers fils, Notre gratitude et vous exposer Notre pensée sans que le bruit des armes couvre Notre voix de ses grondements sinistres. Oserons-Nous dire que c'est la paix? Pas encore, malheureusement. Veuille le Seigneur que c'en soit au moins l'aurore. Une fois éteinte la violence des combats, sonne l'heure de la justice dont l'oeuvre consiste à établir avec ses sentences l'ordre bouleversé ou troublé. Redoutable dignité et puissance du juge qui, au-dessus de toutes les passions et de tous les préjugés, doit refléter la justice même de Dieu, qu'il s'agisse de trancher les controverses juridiques ou de réprimer les délits.
Tel est en vérité l'objet de tout jugement, la mission de tout pouvoir judiciaire, ecclésiastique ou civil. Un regard rapide et superficiel sur les lois et sur l'action judiciaire pourrait faire croire que les procédures ecclésiastique et civile ne présentent que des différences secondaires, à peu près comme celles qu'on observe dans l'administration de la justice dans deux Etats de la même famille juridique.
Quant à leur but immédiat, ces deux procédures semblent également concorder: application ou défense du droit établi par la loi, mais dans le cas particulier de contestation ou de violation, par voie de sentence judiciaire ou par jugement émanant de l'autorité compétente conformément à la loi. Les divers degrés d'instances judiciaires se retrouvent également de part et d'autre; la procédure révèle chez l'un et l'autre les mêmes éléments principaux, à savoir: demande d'introduction de la cause, citation, examen des témoins, communication du dossier, interrogatoire des parties, conclusion du procès, sentence, droit d'appel.
Malgré cela, cette ample ressemblance extérieure et intérieure ne doit pas faire oublier les différences profondes qui existent:
1.- dans l'origine et dans la nature;
2.- dans l'objet;
3.- dans la fin.
Nous Nous bornerons, aujourd'hui, à traiter le premier de ces trois points, renvoyant aux années prochaines, s'il plaît au Seigneur, l'exposé des deux autres.

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I -

Différences du pouvoir de l'Eglise...

Le pouvoir judiciaire est une partie essentielle et une fonction nécessaire du pouvoir des deux sociétés parfaites, la société ecclésiastique et la société civile. C'est pourquoi la question de l'origine du pouvoir judiciaire se confond avec celle de l'origine du pouvoir.
Mais c'est précisément à cause de cela qu'outre les ressemblances déjà indiquées, on a cru en trouver d'autres plus profondes encore. Il est singulier de constater que tels partisans des diverses concessions concernant le pouvoir civil ont invoqué, pour asseoir et appuyer leurs opinions, les prétendues analogies avec le pouvoir ecclésiastique. Ceci vaut aussi bien pour ce que l'on nomme totalitarisme et autoritarisme que pour l'extrême opposé, la démocratie moderne. Mais en réalité, ces ressemblances plus profondes n'existent en aucun des trois cas, comme le montre facilement un rapide examen.

... avec le totalitarisme

Il est incontestable qu'une des exigences vitales de toute communauté humaine, et partant également de l'Eglise et de l'Etat, consiste à assurer d'une façon durable l'unité dans la diversité de ses membres. Or, le totalitarisme n'est jamais capable de pourvoir à cette exigence, parce qu'il donne au pouvoir civil une extension injuste, parce qu'il détermine et fixe quant à leur objet et leur forme tous les secteurs d'activité; et de la sorte, il comprime dans une unité ou collectivité mécanique, marquée du cachet de l'Etat, de la race ou de la classe sociale, toute vie propre légitime, personnelle, locale et ,professionnelle.
Nous avons déjà indiqué, dans Notre Radiomessage de Noël 1942 en particulier, les tristes conséquences pour le pouvoir judiciaire de cette concession et de cette manière de faire qui suppriment l'égalité de tous devant la loi et laissent les décisions judiciaires à la merci d'un instinct collectif versatile.
D'ailleurs, qui pourrait jamais penser que de pareilles erreurs d'interprétation qui faussent le droit aient pu déterminer l'origine des tribunaux ecclésiastiques ou influer sur leur procédure? Cela n'a pas été ni ne pourra jamais être, étant contraire à la nature même du pouvoir social de l'Eglise, ainsi que nous le verrons tout à l'heure.

... avec l'autoritarisme

Cependant, l'autre conception du pouvoir civil, qui peut être désigné sous le nom d'autoritarisme, est bien loin de répondre à cette exigence, attendu qu'elle exclut les citoyens de toute participation ou influence efficaces dans la formation de la volonté sociale. Cet autoritarisme divise en conséquence la nation en deux catégories, celle des dominateurs ou seigneurs et celle des dominés, dont les rapports réciproques en viennent à être purement mécaniques sous l'empire de la force, ou bien ont une base exclusivement biologique.
Or, qui ne voit que de cette façon la véritable nature du pouvoir d'Etat est profondément bouleversée? Ce pouvoir, en effet, doit tendre par lui-même et par l'exercice de ses fonctions à ce que l'Etat soit une vraie communauté, intimement unie dans le but ultime qui est le bien commun. Mais dans ce système, le concept du bien commun devient si caduc et se révèle si clairement comme le captieux camouflage de l'intérêt unilatéral du dictateur, qu'un "dynamisme" législatif effréné exclut toute sécurité juridique et, par là, supprime un élément fondamental de tout véritable ordre judiciaire.

Jamais un dynamisme aussi faux ne pourrait détruire ou écarter les droits essentiels reconnus à chaque personne physique ou morale dans l'Eglise. La nature du pouvoir ecclésiastique n'a rien de commun avec cet autoritarisme auquel par conséquent on ne peut reconnaître aucun rapport avec la constitution hiérarchique de l'Eglise.

... avec la démocratie.

Reste à examiner la forme démocratique du pouvoir civil dans laquelle certains voudraient trouver une plus étroite ressemblance avec le pouvoir ecclésiastique. Sans doute, là où elle est en vigueur, la véritable démocratie théorique et pratique satisfait à cette exigence vitale de toute saine communauté à laquelle Nous avons fait allusion. Mais cela se vérifie ou peut se vérifier également à égalité de conditions dans les autres formes légitimes de gouvernement.
Assurément, le moyen âge chrétien, particulièrement imprégné de l'esprit de l'Eglise, a montré avec sa pléiade de florissantes communautés démocratiques comment la foi chrétienne est en mesure de créer une véritable et authentique démocratie, bien plus, qu'elle en est l'unique base durable. Car une démocratie sans l'union des esprits, au moins sur les principes fondamentaux de la vie touchant surtout les droits de Dieu et la dignité de la personne humaine, le respect de l'activité honnête et de la liberté personnelle, même en matière politique, une telle démocratie serait défectueuse et chancelante. Quand donc le peuple s'éloigne de la foi chrétienne ou ne l'adopte pas résolument comme la base de la vie civile, alors la démocratie elle-même s'altère et se déforme facilement et, avec le temps, risque de tomber dans le totalitarisme et dans l'autoritarisme d'un parti unique.
Si, d'autre part, on considère la thèse préférée de la démocratie - thèse que d'insignes penseurs chrétiens ont de tout temps défendue - c'est-à-dire que le sujet radical du pouvoir civil dérivé de Dieu est le peuple (non toutefois la "masse"), la distinction se précise encore mieux entre l'Eglise et l'Etat démocratique lui-même.

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II -

Différences du pouvoir judiciaire de l'Eglise avec le pouvoir judiciaire de l'Etat...

Essentiellement différent du pouvoir civil est, en effet, le pouvoir ecclésiastique, et aussi, par le fait, le pouvoir judiciaire dans l'Eglise.

... de par son origine...

L'origine de l'Eglise, à l'opposé de celle de l'Etat, n'est pas de droit naturel. L'analyse la plus ample et la plus fouillée de la personne humaine n'offre aucun élément pour conclure que l'Eglise, à l'instar de la société civile, aurait dû naturellement naître et se développer. Elle dérive d'un acte positif de Dieu au delà et au-dessus du caractère social de l'homme avec lequel elle est cependant en parfaite harmonie; c'est pourquoi le pouvoir ecclésiastique - et par là aussi le pouvoir judiciaire correspondant - est né de la volonté et de l'acte par lesquels le Christ a fondé son Eglise. Mais cela n'empêche pas que, une fois l'Eglise constituée comme société parfaite par l'initiative du Rédempteur, ne ressortent de sa nature intime de nombreux éléments de ressemblance avec la structure de la société civile.

... de par sa constitution...

En un point toutefois, cette différence fondamentale apparaît particulièrement manifeste. La fondation de l'Eglise comme société s'est effectuée, contrairement à l'origine de l'Etat, non pas de bas en haut mais de haut en bas, c'est-à- dire que le Christ, qui par son Eglise a réalisé sur terre le royaume de Dieu annoncé par lui et ouvert à tous les hommes de tous les temps, n'a pas confié à la communauté des fidèles la mission de Maître, de Prêtre et de Pasteur reçue de son Père pour le salut du genre humain, mais l'a transmise et communiquée à un collège d'apôtres ou d'envoyés, élus par lui, afin que par leur prédication, leur ministère sacerdotal et le pouvoir social de leur fonction, ils fissent entrer dans l'Eglise la multitude des fidèles, pour les sanctifier, les éclairer et les conduire à la pleine maturité des disciples du Christ.
Examinez les paroles par lesquelles il leur a communiqué ses pouvoirs: pouvoir d'offrir le sacrifice en mémoire de lui Lc 22,19; pouvoir de remettre les péchés Jn 20,21-23; promesse et octroi du pouvoir suprême des clés à Pierre et à ses successeurs personnellement Mt 16,19 Jn 21,15-17; communication du pouvoir de lier et de délier à tous les apôtres Mt 18,18.
Méditez enfin, les paroles par lesquelles le Christ, avant son Ascension, transmet à ces mêmes apôtres la mission universelle qu'il a reçue du Père Mt 28,18-20 Jn 20,21. Y aurait-il en tout cela quelque chose qui puisse donner lieu à doutes ou à équivoques? Toute l'histoire de l'Eglise, depuis son commencement jusqu'à nos jours, ne cesse de faire écho à ces paroles et de rendre le même témoignage avec une clarté et une précision que nulle subtilité ne pourrait troubler ou voiler. Or, toutes ces paroles, tous ces témoignages proclament à l'unisson que dans le pouvoir ecclésiastique l'essence, le point central selon l'expresse volonté du Christ, donc de droit divin, c'est la mission donnée par lui aux ministres de l'oeuvre du salut auprès de la communauté des fidèles et auprès du genre humain tout entier.
Le CIS 109 a mis cet admirable édifice en pleine lumière et en un relief sculptural: "Ce n'est ni par le consentement ni par l'appel du peuple ou de la puissance séculière qu'on entre dans la hiérarchie ecclésiastique, mais on est établi dans les degrés du pouvoir d'ordre, par l'ordination sacrée; dans le souverain pontificat, par le droit divin lui-même, à la suite d'une élection légitimement faite et dûment acceptée par l'élu; dans les autres degrés de la juridiction, par une mission canonique."

Non ex populi vel potestatis saecularis consensu aut vocatione: le peuple fidèle et le pouvoir séculier peuvent avoir souvent, au cours des siècles, participé à la désignation de ceux auxquels devaient être conférées les charges ecclésiastiques pour lesquelles du reste, y compris le souverain pontificat, peuvent être désignés aussi bien le descendant d'une noble race que le fils de la plus humble famille ouvrière. Mais en réalité, les membres de la hiérarchie ecclésiastique ont reçu et reçoivent toujours leur autorité d'en haut et doivent répondre de l'exercice de leur mandat, soit directement à Dieu de qui seul relève le Pontife romain; soit, pour les autres degrés, à leurs seuls supérieurs hiérarchiques; mais ils n'ont aucun compte à rendre ni au peuple ni au pouvoir civil; sauf, naturellement, la faculté pour tout fidèle de présenter dans les formes voulues à l'autorité ecclésiastique compétente, ou encore directement au pouvoir suprême de l'Eglise, ses demandes et ses recours, spécialement quand le suppliant ou le requérant est mû par des motifs qui touchent sa responsabilité personnelle concernant son propre salut ou le salut d'autrui.

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Conséquences.

De tout ce que Nous avons exposé découlent principalement deux conclusions:
1) Dans l'Eglise - contrairement à ce qui existe dans l'Etat - le sujet primordial du pouvoir, le juge suprême, la plus haute instance d'appel ne sont jamais la communauté des fidèles. Il n'existe donc pas et il ne peut exister dans l'Eglise, qui a été fondée par le Christ, un tribunal populaire ou un pouvoir judiciaire émanant du peuple.
2) La question de l'extension et de la grandeur du pouvoir ecclésiastique se présente elle aussi d'une façon toute différente de celle qui regarde l'Etat. Pour l'Eglise vaut en premier lieu l'expresse volonté du Christ qui pouvait lui donner, suivant sa sagesse et sa bonté, des moyens et des pouvoirs plus ou moins étendus, sauf toutefois le minimum nécessairement requis par sa nature et par sa fin. Le pouvoir de l'Eglise saisit l'homme tout entier, intérieur et extérieur, dans l'ordre de la poursuite, de sa fin surnaturelle, en tant qu'il est entièrement soumis à la loi du Christ dont l'Eglise a été constituée par son divin Fondateur gardienne et exécutrice, aussi bien pour le for externe que pour le for interne ou de conscience. Pouvoir plein et parfait, par conséquent, bien qu'étranger à ce totalitarisme qui n'admet ni ne reconnaît l'honnête rappel aux dictamens clairs et imprescriptibles de la conscience personnelle et violente les lois de la vie individuelle et sociale gravées dans le coeur des hommes (cf. Rm 2,15). L'Eglise, en effet, ne vise pas par son pouvoir à asservir la personne humaine, mais à en assurer la liberté et la perfection, en la délivrant des faiblesses, des erreurs et des égarements de l'esprit et du coeur, qui, tôt ou tard, aboutissent toujours au déshonneur et à l'esclavage.
Le caractère sacré que confère à la juridiction ecclésiastique son origine divine et son appartenance au pouvoir hiérarchique doit vous inspirer, chers fils, une très haute estime de vos fonctions et vous exciter à en accomplir avec une foi vive, avec une inaltérable droiture et avec un zèle toujours vigilant les austères devoirs. Mais derrière le voile de cette austérité, quelle splendeur se révèle aux yeux de qui sait voir dans le pouvoir judiciaire la majesté de la justice qui, en toute son activité, tend à faire apparaître l'Eglise, l'Epouse du Christ, "sainte et immaculée" Ep 5,27 devant son divin Epoux et devant les hommes!
En ce jour d'ouverture de votre nouvelle année judiciaire, Nous appelons sur vous, chers fils, les faveurs et les secours du Père des lumières, du Christ auquel il a remis tout jugement Jn 5,22, de l'Esprit d'intelligence, de conseil et de force, de la Vierge Marie, miroir de justice et siège de la sagesse, en même temps que Nous vous donnons bien affectueusement à vous tous ici présents, à vos familles, à toutes les personnes qui vous sont chères, Notre paternelle Bénédiction apostolique.


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A la Rote 1939-2009 4400