A la Rote 1939-2009 4800

1948 MOTU PROPRIO: forme canonique du mariage

Pas de trace d'une allocution à la Rote pas de trace dans les Documents pontificaux de Pie XII

1/8/1948

MOTU PROPRIO CONCERNANT LA FORME CANONIQUE DU MARIAGE

Note explicative:
Le décret Tametsi du Concile de Trente avait déclaré invalide tout mariage chrétien contracté sans la forme solennelle ainsi définie: assistance du curé propre ou d'un prêtre délégué par ce curé ou par l'Ordinaire du lieu, et deux témoins au minimum. Cette disposition fut appliquée très différemment d'après les régions, aussi Pie X promulgua le 5 Août 1907 un nouveau décret Ne Temere qui posait en principe que tout baptisé dans l'Eglise catholique et tout converti de l'hérésie ou du schisme sont tenus d'observer, à peine de nullité, la forme solennelle du mariage, que ces mêmes fidèles sont également astreints à cette loi lorsqu'ils se marient avec des non-catholiques, baptisés ou non, même après dispense d'empêchement de religion mixte ou de disparité de culte, exception pouvant être faite pour certains pays, par décision du Saint-Siège.
Le Code de 1918 devait reprendre, à part quelques expressions de détail, le texte de Pie X. Toute exception territoriale était supprimée. Toutefois une nouvelle exception à caractère personnel était introduite dans le CIS 1099 Par.2: ne sont pas tenus d'observer la forme catholique du mariage, ceux qui voulant s'unir avec une partie non- catholique sont, bien que baptisés dans l'Eglise catholique, nés de parents non catholiques et ont été élevés dès leur enfance dans l'hérésie ou le schisme, dans l'infidélité ou sans religion.
Le Motu proprio du 1er Août 1948 déclare par contre que tout baptisé dans l'Eglise catholique, quoi qu'il en soit de la religion des parents et de son éducation religieuse, est soumis à la loi qui veut pour la validité du mariage l'observation de la forme définie par le Code.
Le Pape décrète que tous les baptisés dans l'Eglise catholique sont tenus d'observer la forme canonique du mariage

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Le décret Ne Temere promulgué par l'ordre de Notre prédécesseur Pie X, déclarait dans son article XI que tous ceux qui avaient été baptisés dans l'Eglise catholique, même s'ils avaient après coup abandonné l'Eglise, étaient tenus d'observer la forme du mariage telle que le Concile de Trente l'avait définie.
Cependant afin que ne deviennent pas invalides les mariages de ceux qui nés de parents non catholiques, mais baptisés dans l'Eglise catholique furent élevés depuis leur enfance, soit dans l'hérésie, soit dans le schisme, soit dans l'incroyance, soit en dehors de toute religion, le Code de Droit canonique décida que ces baptisés n'étaient pas tenus d'observer la forme canonique du mariage.

Or l'expérience de trente années (Ces trente années comportent l'espace de temps qui s'est écoulé depuis la promulgation du nouveau Droit canon en 1918 jusqu'à 1948, date du présent décret) a montré à suffisance que cette exemption - permettant de ne pas observer la forme canonique du mariage - concédée aux baptisés dans l'Eglise catholique, ne fut pas favorable au bien des âmes, tout au contraire, pour la solution des cas elle a souvent multiplié les difficultés, c'est pourquoi, il Nous a paru opportun de supprimer l'exemption citée.

C'est pourquoi après avoir consulté les membres de la Suprême Congrégation du S. Office de Notre propre mouvement et usant de la plénitude de Notre pouvoir apostolique, nous déclarons et décidons que tous les baptisés dans l'Eglise catholique sont tenus d'observer la forme canonique du mariage. Nous abrogeons le paragraphe 2 de l'article 1099
CIS 1099 et ordonnons que les mots: " de même ceux qui sont nés de parents non catholiques, bien qu'ils aient été baptisés dans l'Eglise catholique et qui depuis leur enfance ont été élevés soit dans l'hérésie, soit dans le schisme, soit dans l'incroyance, soit en dehors de toute religion, chaque fois qu'ils ont contracté mariage avec une personne non catholique", soient biffés de l'article 1099.

Profitant de cette occasion, nous avertissons les missionnaires et les autres prêtres, afin qu'ils observent saintement ce qui est prescrit par les articles 750 et 751 CIS 750-751 (1)

Nous ordonnons que ces Lettres apostoliques écrites sous forme de Motu proprio soient consignées dans les Acta Apostolicae Sedis et que ce qu'elles prescrivent entre en vigueur à partir du 1er janvier 1949. (2)

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- Notes:
(1) .- D'après le
CIS 750 un enfant d'infidèles peut être baptisé licitement, même contre le gré des parents, lorsqu'en raison de son état de santé actuel on peut prudemment prévoir qu'il mourra avant d'avoir atteint l'âge de raison. En dehors du péril de mort, le baptême de ces enfants n'est licite que si on peut pourvoir à leur éducation catholique et si le prêtre a obtenu le consentement des parents ou du tuteur, au moins de l'un d'eux sauf si l'enfant n'a plus de parents ou de tuteur, ou si ces derniers ont perdu leurs droits sur l'enfant ou ne peuvent les exercer.

Le CIS 751 déclare que les règles énoncées dans le CIS 750 s'appliquent en général pour le baptême des enfants de deux hérétiques ou schismatiques ou de deux catholiques tombés dans l'apostasie, l'hérésie ou le schisme.

Le rappel de ces mesures de prudence se comprend étant donnée leur connexion avec le point précis réglé par le Motu proprio actuel et leur observation permettra d'éviter des cas inutiles de mariages invalides.
(2) .- Etant donnée l'importance de cette modification de la loi canonique, le délai de vacation de la nouvelle loi dépasse les trois mois habituels; elle n'entre en vigueur que le 1er janvier 1949 à 0 heure. Cette loi ne peut avoir aucun effet rétroactif, les mariages contractés jusqu'au 31 décembre 1948 sont donc régis par le paragraphe 2 du canon 1099 puisqu'il garde jusqu'à cette date sa validité de loi. CIS 1099 Par.2.

(D'après le R. P. A. Delchard S.J. Motu proprio " Decretum Ne Temere " du 1er août 1948 dans la Nouvelle Revue Théologique, décembre 1948, p. 1080).


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1948 Droit privé, Droit naturel et Droit de propriété.

AUX MEMBRES DE L'INSTITUT INTERNATIONAL POUR L'UNIFICATION DU DROIT PRIVÉ

(20 mai 1948)

L'Institut international pour l'unification du Droit privé fut fondé en 1928 et a son siège à Rome (via Panisperna 28). Il a pour but d'étudier et de coordonner les droits privés des différents Etats et de préparer graduellement l'élaboration d'un règlement uniforme dans le domaine du droit civil et commercial. Cet Institut tint un Congrès a Rome; vingt-huit nations y étaient représentées. Le Pape en recevant ses membres, leur dit :

Soyez les bienvenus, Messieurs, car c'est une vraie joie pour Nous de vous voir réunis ici au 20e anniversaire de "l'Institut international pour l'unification du Droit privé".
Après vingt ans passés dans un austère labeur, votre jubilé illumine d'un rayon de bienfaisante clarté la nuit épaisse qui enveloppe la situation présente de l'humanité, qui pèse sur notre civilisation occidentale et projette tout particulièrement son ombre sur tout le domaine juridique.
Croyez-le bien, nul ne le sent plus profondément que l'Eglise qui se regarde à bon droit comme la mère de cette civilisation occidentale, de qui les peuples, non seulement de l'Europe et de l'Amérique, mais de l'univers tout entier, ont reçu et reçoivent encore aujourd'hui l'impulsion.

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Le Saint-Père montre qu'il est difficile de concilier:
- Le respect des autonomies particulières
- La nécessité de s'entendre sur des règles communes.

C'est vous dire assez le vif intérêt que Nous avons pris à l'exposé de l'activité déployée jusqu'à présent par votre Institut. Opus arduum, certes ! et qui fait honneur à l'intelligence, à la science et au labeur de ceux qui s'y sont dépensés ! Nous ajoutons volontiers: oeuvre aussi d'infatigable patience, de ténacité à poursuivre le but proposé, oeuvre de tact prudent et délicat dans l'examen des possibilités, si diverses suivant la capacité et les caractères propres à chaque peuple. Oeuvre surtout d'imperturbable confiance dans le sens du droit et de la justice, inné au coeur de l'humanité. Quel témoignage tangible de la conviction que sous l'inépuisable variété des formes, le droit présente un fond d'éléments juridiques communs !

L'Eglise de son côté, a toujours professé qu'il existait un droit commun à l'ensemble des Peuples.

Dieu merci ! Nous ne demeurons pas en arrière et Nous accueillons avec un vif plaisir l'occasion que vous Nous offrez de manifester une fois encore Notre propre confiance dans ce sens du droit et de la justice, profondément ancré dans la nature humaine; Notre propre conviction du fait de ce riche fond juridique, commun à tous les peuples. Puissiez-vous trouver dans cette déclaration du Chef de l'Eglise universelle, un encouragement et un stimulant à poursuivre courageusement votre tâche.

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L'existence de ce droit commun est basée sur la croyance en une personnalité humaine toujours identique à elle-même, quant à son fond:

On ne saurait, en effet, prétendre unifier le droit privé des peuples sans d'abord être convaincu de l'existence inéluctable et partout valide de ce droit. Et d'autre part, comment pourrait-on être convaincu de son existence et de sa valeur universelle sans l'être du rayonnement nécessaire de la personnalité humaine sur les multiples relations des hommes entre eux, même et surtout dans le domaine des biens et des services?

Le droit naturel est fondé sur les exigences de la personne humaine. Le droit public civil ne peut que préciser ce droit premier; le droit public n'est pas inventé artificiellement:

Ceux-là seuls qui ne veulent voir, dans l'individu qu'une simple unité qui fait nombre avec une infinité d'autres tout aussi anonymes, qu'un simple élément d'une masse amorphe, d'un conglomérat qui est tout l'opposé d'une société quelconque peuvent se bercer de la vaine illusion de régler tous les rapports entre les hommes uniquement sur la base du droit public. Sans compter que le droit public lui-même s'effondre du jour où la personne cesse d'être considérée, avec tous ses attributs, comme l'origine et la fin de toute vie sociale.

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En particulier, en ce qui concerne le droit de propriété, il faut énoncer ce droit comme s'inscrivant dans les nécessités mêmes de toute personne humaine:

Ces réflexions valent avant tout dans les questions du droit privé relatives à la propriété. C'est là le point central, le foyer autour duquel, par la force des choses, gravitent vos travaux. La reconnaissance de ce droit tient ferme ou croule avec la reconnaissance des droits et des devoirs imprescriptibles, inséparablement inhérents à la personnalité libre qu'il a reçue de Dieu.

Seuls ceux qui nient la vraie dignité de la personne humaine peuvent professer la négation de la propriété privée.

Celui-là seul qui refuse à l'homme cette dignité de personne libre, peut admettre la possibilité de substituer au droit à la propriété privée (et par conséquent, à la propriété privée elle-même) on ne sait quel système d'assurances ou garanties légales de droit public.

Il pèse aujourd'hui sur l'humanité une grave menace; c'est de voir l'humanité se diviser à propos de deux conceptions irréductibles de l'homme et par là des fonctions de la propriété:

Puissions-nous ne pas voir se lever le jour où, sur ce point, une cassure définitive viendrait séparer les peuples! De difficile qu'il est déjà, le travail d'unification du droit privé deviendrait radicalement impossible. Du même coup, un des maîtres-piliers, qui ont soutenu durant tant de siècles l'édifice de notre civilisation et de notre unité occidentale, céderait, et pareil à ceux des temples antiques, resterait gisant sous les ruines amoncelées par sa chute.

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On constate, de fait, de plusieurs côtés, qu'on bat en brèche - tant dans le droit privé que dans le droit public - ce droit naturel de propriété:

Grâce à Dieu, nous n'en sommes point encore là ! Pourtant, le manque de scrupule, avec lequel on viole aujourd'hui des droits privés incontestables non seulement dans la conduite particulière de certains peuples, mais aussi dans des conventions internationales et dans des interventions unilatérales, est de nature à alarmer tous les gardiens qualifiés de notre civilisation.

Néanmoins de plusieurs côtés d'éminents spécialistes sont conscients de ce danger et étudient le moyen de restaurer la saine notion du droit de propriété:
Encore une fois, nous n'en sommes point encore là, et dans la vie juridique des peuples les forces saines semblent enfin se ressaisir, reprendre vigueur et permettre l'espérance. Un symptôme de ce renouveau est précisément à Nos yeux la persistance et la persévérance de votre Institut, auquel bon nombre d'Etats et d'organisations ont jusqu'à présent assuré leur appui et, Nous n'en doutons pas, continueront de le lui prêter. Aussi est-ce de tout coeur que Nous vous renouvelons l'expression du confiant intérêt que Nous prenons à ce jubilé tandis que Nous appelons sur vous, sur vos familles, sur tous ceux qui vous sont chers, l'abondance des grâces et des bénédictions divines.




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1949 Positivisme et absolutisme d'Etat

(13 novembre 1949)

C'est avec une vive satisfaction que Nous vous saluons encore une fois, chers Fils, qui êtes rassemblés autour de Nous, après avoir entendu des lèvres de votre vénéré Doyen le rapport sur votre activité durant l'année judiciaire 1948- l949, rapport qui, avec l'éloquence sobre mais lumineuse des faits, ajoute à tant d'autres un nouveau témoignage de la haute valeur et de l'irréprochable droiture de votre Tribunal.
L'oeuvre de la Sacrée Rote Romaine que, au cours de la dernière décade nous avons pu suivre de près, nous a permis d'apprécier, comme il convient, son respect absolu de la vérité des faits et des dispositions du droit divin, spécialement en ce qui concerne la sainteté du mariage et la constitution de la famille. Elle Nous inspire en même temps la ferme confiance que tous ses membres observeront toujours fidèlement les règles dictées par Nous en accomplissement des devoirs de Notre magistère apostolique, particulièrement dans les discours du 3 octobre 19411941 , du 1er octobre 19421942 , et du 2 octobre 1944 1944 . Cela est un grand réconfort, d'autant plus grand pour Notre âme dans les circonstances présentes, qui - non partout, certes, mais sur bien des points - offrent le spectacle d'une crise dans l'administration de la justice, dépassant les déficiences habituelles de la conscience morale chrétienne.

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La crise de la justice aujourd'hui a deux causes:

1 - le positivisme juridique (1),
2 - l'absolutisme de l'Etat (2):

(1) On trouvera des allusions au positivisme juridique dans le Discours aux Juristes catholiques italiens du 6 novembre 1949, p. 462. (2) Le Saint-Père dénonce également les déviations du droit dues à l'emprise des pouvoirs publics dans son Radiomessage du 24 décembre 1942.

Les causes immédiates d'une telle crise doivent être principalement recherchées dans le positivisme juridique et dans l'absolutisme de l'Etat; deux manifestations qui à leur tour dérivent et dépendent l'une de l'autre. Si l'on enlève, en effet, au Droit sa base constituée par la loi divine naturelle et positive, et par cela même immuable, il ne reste plus qu'à le fonder sur la loi de l'Etat comme sa norme suprême, et voilà posé le principe de l'Etat absolu. Vice- versa, cet Etat absolu cherchera nécessairement à soumettre toutes choses à son pouvoir arbitraire, et spécialement à faire servir le droit lui-même à ses propres fins.
Le positivisme juridique et l'absolutisme de l'Etat ont altéré et défiguré la noble physionomie de la justice dont les fondements essentiels sont le droit et la conscience.

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normes objectives du droit

Ce fait appelle une série de réflexions qui se réduisent toutes à deux points: les normes objectives du droit et leur conception subjective. Pour aujourd'hui, Nous Nous bornerons à parler du premier point, en reportant l'étude du second point à une autre occasion, s'il plaît au Seigneur.
Dans la science comme dans la pratique juridique, revient continuellement sur le tapis la question du vrai et juste Droit. Il y en a donc un autre? un droit faux et illégitime? Assurément, le voisinage de ces deux termes choque en lui- même et répugne. Il n'en est pas moins vrai, pourtant, que la notion qu'ils renferment a toujours eu un sens juridique, même chez les classiques païens. Aucun d'eux peut-être n'en a formulé une expression plus profonde que Sophocle dans sa tragédie Antigone (vers 23-24). Il fait dire à son héroïne que par les soins de Créonte, Etéocle a été enseveli "SUN DIKE DIKAIA". "DIKAIOS" est celui qui accomplit ses devoirs envers Dieu et envers les hommes, qui est juste, pieux, honnête, probe, humain; "DIKE DIKAIA" correspond donc à ce que nous appelons vrai, et juste droit, tandis que "KEROIDIKES" ou "KEIRODIKAIOS" désignant le violent celui qui use du droit du plus fort, indique l'homme du faux et injuste droit.

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Faux droit et vrai droit selon la volonté de Dieu:

Tout le conflit que Nous avons rappelé se résume dans l'antagonisme entre le vrai et le faux droit. L'intérêt avec lequel de sérieux et profonds juristes se sont appliqués à l'étude de cette question, Nous semble un heureux auspice pour la solution de la crise. Mais pour cela il faut le courage de vouloir clairement en voir et en reconnaître loyalement les racines.
Où devons-nous donc les chercher, sinon sur le terrain de la philosophie du droit? Il est impossible d'observer avec attention le monde corporel et spirituel, physique et moral, sans être frappé d'admiration devant le spectacle de l'ordre et de l'harmonie qui règnent à tous les degrés de l'échelle de l'être. Dans l'homme, jusqu'à cette ligne frontière où s'arrête son activité inconsciente et commence son action consciente et libre, cet ordre et cette harmonie sont étroitement réalisés selon les lois déposées par le Créateur dans l'être existant. Au-delà de cette ligne prévaut encore la volonté ordonnatrice de Dieu; toutefois, sa réalisation et son développement sont laissés à la libre détermination de l'homme, laquelle peut être conforme ou opposée à la volonté divine.
Dans ce domaine de l'action humaine consciente, du bien et du mal, de ce qui est prescrit, permis ou défendu, la volonté ordonnatrice du Créateur se manifeste au moyen du commandement moral de Dieu inscrit dans la nature et dans la révélation, au moyen aussi du précepte ou de la loi de l'autorité humaine légitime dans la famille, dans l'Etat, et dans l'Eglise. Si l'activité humaine est réglée et dirigée suivant ces règles, elle reste par elle-même en harmonie avec l'ordre universel voulu par le Créateur.

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vice fondamental du positivisme juridique: l'erreur du droit basé sur le fait

C'est cela qui constitue la réponse à la question du droit vrai et du droit faux. Le simple fait pour une loi d'être déclarée par le pouvoir législatif norme obligatoire dans l'Etat, fait considéré seul et par lui-même, ne suffit pas à créer un vrai droit.
Le " critère du simple fait " vaut seulement pour Celui qui est l'Auteur et la Règle souveraine de tout droit: Dieu. L'appliquer indistinctement et définitivement au législateur humain, comme si la loi était la règle suprême du droit, est l'erreur du positivisme juridique, au sens propre et technique du mot; erreur qui est à la base de l'absolutisme d'Etat et équivaut à une déification de l'Etat lui-même.

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positivisme juridique

Le 19ème siècle est le grand responsable du positivisme juridique. Si ses conséquences ont tardé à se faire sentir dans toute leur gravité, dans la législation, c'est dû au fait que la culture était encore imprégnée du passé chrétien et que les représentants de la pensée chrétienne pouvaient encore presque partout faire entendre leur voix dans les assemblées législatives.
Puis devait venir l'Etat totalitaire de marque antichrétienne, l'Etat qui - par principe ou au moins de fait - rompait tout frein en face d'un droit suprême, pour dévoiler au monde le vrai visage du positivisme juridique.
Faut-il peut-être remonter beaucoup en arrière dans l'histoire pour trouver un tel "droit légal", - qui enlève à l'homme toute dignité personnelle; qui lui dénie le droit fondamental à la vie et à l'intégrité de ses membres, en livrant l'une et l'autre au pouvoir arbitraire du parti et de l'Etat; qui ne reconnaît pas à l'individu le droit à l'honneur ni à une bonne réputation; qui conteste aux parents le droit sur leurs enfants et la tâche de leur éducation; qui surtout considère la reconnaissance de Dieu, Maître suprême, et la dépendance de l'homme à son égard comme sans intérêt pour l'Etat et pour la communauté humaine? Ce "droit légal" au sens où il vient d'être exposé, a bouleversé l'ordre établi par le Créateur; il a appelé le désordre, ordre; la tyrannie, autorité; l'esclavage, liberté; le crime, vertu patriotique.
Tel était et tel est encore, devons-Nous dire, dans certains endroits le "droit légal". Nous avons tous été témoins de la façon dont certains qui avaient agi suivant ce droit, ont été appelés ensuite à en rendre compte devant la justice humaine. Les procès, qui se sont ainsi déroulés, n'ont pas seulement conduit de véritables criminels au sort qui leur était dû; ils ont encore démontré la condition intolérable, à laquelle une loi de l'Etat, complètement inspirée par le positivisme juridique, peut réduire un fonctionnaire public qui, sans cela, par sa nature, et laissé à la liberté de ses sentiments, serait resté un honnête homme.
On a fait observer que, d'après les principes du positivisme juridique ces procès auraient dû se terminer par autant d'acquittements, même dans des cas de crimes qui répugnent au sens humain et remplissent le monde d'horreur. Les inculpés se trouvaient, pour ainsi dire, couverts par le "droit en vigueur". De quoi, en effet, étaient-ils coupables, sinon d'avoir accompli ce que ce droit prescrivait ou permettait?

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Ordre moral, Eglise et Droit canon se fondent sur Dieu

Nous n'entendons pas, certes, excuser les vrais coupables. Mais la plus grande responsabilité retombe sur les prophètes, sur les propagateurs, sur les créateurs d'une culture, d'un pouvoir d'Etat, d'une législation qui ne reconnaissent pas Dieu ni ses droits souverains. Partout où les prophètes étaient, et - où ils sont encore, à l'oeuvre, on doit susciter la rénovation et la restauration du véritable esprit juridique.
Il faut que l'ordre juridique se sente de nouveau lié à l'ordre moral, sans se permettre d'en franchir les limites.
Or, l'ordre moral est essentiellement fondé sur Dieu, sur sa volonté, sur sa sainteté, sur son être. Même la plus profonde ou la plus subtile science du droit ne saurait indiquer d'autre critère, pour distinguer les lois injustes des lois justes, le simple droit légal du vrai droit, que celui, qui est déjà perçu par la seule lumière de la raison se basant sur la nature des choses et de l'homme, que sur le critère de la loi, inscrite par le Créateur dans le coeur de l'homme et expressément confirmée par la révélation. Si le droit et la science juridique ne veulent pas renoncer à leur seul guide capable de les maintenir dans le droit chemin, ils doivent reconnaître les "obligations morales" comme règles objectives valables même pour l'ordre juridique.
L'organisation juridique de l'Eglise catholique n'est jamais passée ni ne risque jamais de passer par une telle crise. Et comment pourrait-il en être autrement? Son alpha et son oméga sont ainsi exprimés par le psalmiste: " In aeternum, Domine, est verbum tuum, stabile ut caelum...Verbi tui caput constantia est, et aeternum est omne decretum justitiae tuae ". Votre parole, Seigneur, demeure à jamais; elle est stable comme le ciel... Le principe de votre parole est la constance, et tout arrêt de votre justice demeure toujours... Ps 118,89 Ps 118,160 Ces paroles s'appliquent à tout le droit divin comme fondement de son Eglise, en effet dès le commencement, au nombre de ses premières grandes promesses Mt 16,16-20, nous trouvons celle de l'instauration de son Eglise comme une société juridique. Aveugle, en vérité, serait celui qui fermerait les yeux à cette réalité.
La science et la pratique du droit canonique ne reconnaissent évidemment, aucun droit légal; leur fonction est de diriger, dans les limites fixées par la loi divine, le système juridique ecclésiastique, constamment et entièrement, vers la fin de l'Eglise elle-même, qui est le salut et le bien des âmes. A cette fin sert, d'une manière parfaite, le droit divin; à la même fin doit - tendre aussi, le plus parfaitement possible le droit ecclésiastique.
Heureux de savoir que vous, cher Fils, individuellement et collectivement vous exercez votre haute magistrature suivant cet esprit, Nous vous donnons de tout coeur, comme gage des grâces célestes les plus abondantes, Notre Bénédiction apostolique.


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1949 lois injustes et divorce


6 novembre 1949: Allocution aux jurisconsultes catholiques sur les lois injustes; application aux divorces.


Les insolubles oppositions entre la haute conception de l'homme et du droit selon les principes chrétiens, que Nous avons essayé d'exposer brièvement, et le positivisme juridique peuvent être dans la vie professionnelle des sources de profonde amertume. Nous savons bien, chers Fils, que souvent dans l'âme du juriste catholique, qui veut s'en tenir à la conception chrétienne du droit, surgissent des conflits de conscience, en particulier lorsqu'il lui faut appliquer une loi que la conscience même condamne comme injuste. Grâce à Dieu, votre devoir est ici notablement allégé du fait qu'en Italie le divorce (cause de tant d'angoisses intérieures, même pour le magistrat qui doit exécuter la loi) n'a pas trouvé droit de cité. En réalité, cependant, depuis la fin du XVIIIe siècle - spécialement dans les régions où sévissait la persécution contre l'Eglise, - se sont multipliés les cas où les magistrats catholiques se sont trouvés devant l'angoissant problème de l'application de lois injustes. C'est pourquoi Nous profitons de l'occasion que Nous offre votre réunion autour de Nous, pour éclairer la conscience des juristes catholiques, en énonçant certaines normes fondamentales.

1). - Pour toute sentence vaut le principe que le juge ne peut purement et simplement repousser loin de soi la responsabilité de sa décision, pour la faire retomber tout entière sur la loi et sur ses auteurs. Assurément, ils sont les principaux responsables des effets de la loi elle-même, mais le juge qui l'applique au cas particulier est cause concomitante, et partant solidairement responsable de ses effets.

2). - Le juge ne peut jamais, par sa décision, obliger quelqu'un à n'importe quel acte intrinsèquement immoral, c'est- à-dire contraire par sa nature à la loi de Dieu ou de l'Eglise.

3). - Il ne peut en aucun cas reconnaître ni approuver expressément la loi injuste (laquelle du reste ne saurait jamais constituer le fondement d'un jugement valide en conscience et devant Dieu). C'est pourquoi il ne peut prononcer une sentence pénale, qui équivaudrait à une telle approbation. Sa responsabilité serait aussi plus grave si la sentence occasionnait un scandale public.

4). - Cependant, toute application d'une loi injuste n'équivaudrait pas à sa reconnaissance ou à son approbation. Dans ce cas, le juge peut - parfois même il doit - laisser la loi injuste suivre son cours quand c'est le seul moyen d'empêcher un mal plus grand. Il peut infliger une peine pour la transgression d'une loi injuste, si cette peine est de telle sorte que celui qui en est frappé se trouve raisonnablement disposé à la subir pour éviter un préjudice ou pour garantir un bien d'une importance beaucoup plus grande, et si le juge sait ou peut prudemment supposer que cette sanction sera, pour des motifs supérieurs acceptée volontiers par le transgresseur. Dans les temps de persécution, souvent des prêtres et des laïques se sont laissés condamner, sans opposer de résistance, même par des magistrats catholiques, à des amendes ou à la privation de la liberté personnelle pour infraction à des lois injustes, lorsque, par ce moyen, il était possible de conserver au peuple une magistrature honnête et de détourner de l'Eglise et des fidèles de bien plus terribles calamités.

4908Index Table

Naturellement, plus la sentence judiciaire est grave dans ses conséquences, plus important et général doit être le bien à protéger ou le préjudice à éviter. Il existe cependant des cas où l'idée de la compensation par l'obtention de biens supérieurs ou l'éloignement de maux plus grands ne peut avoir d'application, comme dans la condamnation à mort. En particulier, le juge catholique ne pourra prononcer sinon pour des motifs de grande importance, une sentence de divorce civil (là où il est en vigueur) au sujet d'un mariage valide devant Dieu et devant l'Eglise. Il ne doit pas oublier que pareille sentence, pratiquement, n'affecte pas seulement les effets civils, mais encore, en réalité, conduit plutôt à faire considérer faussement le lien actuel comme rompu et le nouveau comme valide et entraînant obligation

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- (note).
A la suite de la loi française du divorce, la S. R. et U. Inquisition (aujourd'hui, le Saint-Office) avait déjà donné, le 27 mai 1886, la réponse suivante:
"Plusieurs évêques de France ont proposé les doutes suivants: La lettre adressée par la S. R. et U. Inquisition à tous les Ordinaires de France, en date du 25 juin 1885, et relative à la loi du divorce civil, déclare: Attendu les très graves circonstances des événements, des temps et des lieux, on peut tolérer que ceux qui remplissent des fonctions de magistrature et les avocats traitent, en France, les causes matrimoniales, sans être obligés de résigner leur charge, mais elle ajoute des conditions dont voici la seconde: pourvu qu'en leur for intérieur ils soient prêts, aussi bien vis-à- vis de la valeur ou nullité du mariage que de la séparation de corps, sur lesquelles ils sont mis dans l'obligation de prononcer, à ne lamais proférer, plaider, solliciter ou soutenir une sentence contraire au droit divin ou ecclésiastique". On demande:
1) - Si est exacte l'interprétation, répandue en France et même imprimée, selon laquelle satisfait à la condition précitée le juge qui, en présence d'un mariage valide devant l'Eglise, fait totalement abstraction de ce mariage vrai et constant, et, en application de la loi civile prononce le divorce, pourvu qu'il ait intérieurement l'intention de ne rompre que les seuls effets et contrat civils et qu'il les touche seuls dans les termes de sa sentence? En d'autres termes, une sentence portée dans ces conditions peut-elle être tenue pour non-contraire au droit divin et ecclésiastique?
2) - Après que le juge a prononcé qu'il y a lieu à divorce, le Maire (et lui aussi en n'ayant en vue que les seuls effets et contrat civils, comme il a été exposé plus haut) peut-il prononcer le divorce, bien que le mariage soit valide devant l'Eglise?
3) - Après le prononcé du divorce, le même Maire peut-il unir civilement à un autre le conjoint qui tenterait de contracter une nouvelle union, et cela bien que le mariage précédemment contracté devant l'Eglise soit valide et l'autre partie encore vivante?

Il a été répondu: NEGATIVEMENT à la première, à la deuxième et à la troisième questions.

NdlR cf aussi


5000Index Table

1950 Il semble qu'il n'y ait aucune allocution à la Rote pas de trace dans les Documents pontificaux de Pie XII


5100Index Table

1951 Il semble qu'il n'y ait aucune allocution à la Rote pas de trace dans les Documents pontificaux de Pie XII


5200Index Table

1952 Il semble qu'il n'y ait aucune allocution à la Rote pas de trace dans les Documents pontificaux de Pie XII


5300Index Table

1953 Il semble qu'il n'y ait aucune allocution à la Rote pas de trace dans les Documents pontificaux de Pie XII

5301Index Table


A la Rote 1939-2009 4800