Jérôme oeuvres mystiques - PARTIE II. OBLIGATIONS DES SOLITAIRES. A RUSTIQUE.


CONSEILS SUR LA VIDUITÉ.


PARTIE I. A FURIA.


On ne peut rien voir de plus pressant que la lettre que vous m'écrivez pour me prier de vous apprendre comment vous devez vivre pour ne pas perdre la couronne de la viduité, et pour vous maintenir dans toute la pureté que demande cet état. Je ne saurais assez vous exprimer la joie que j'ai de ce que vous souhaitez vivre, après la mort de votre mari, comme votre mère Titienna de sainte mémoire a vécu si longtemps dans fie mariage. Le ciel, exauçant ses voeux et ses prières, lui a accordé pour sa fille unique un avantage qu'elle-même a possédé durant sa vie, et qui semble être attaché à votre famille ; car depuis Camille on n'y a point vu de veuves, ou du moins l'on n'y en a vu très peu qui se soient remariées. Aussi vous serez bien moins digne de louanges si vous persévérez dans le dessein que vous avez formé que de blâme si, étant chrétienne, vous abandonniez le parti que des dames païennes ont suivi durant tant de siècles. Je ne vous dis rien de Paula et d'Eustoquia, qui font la gloire et l'ornement de votre famille, de peur qu'on ne s'imagine qu'en vous exhortant à la vertu, je veuille profiter de cette occasion pour l'aire leur éloge; je ne vous parle point non plus de votre belle-soeur Blesilla, qui, étant morte un peu après son mari, acheva en peu de temps la longue carrière des vertus. Plût à Dieu que les hommes suivissent les femmes dans des routes si belles, et qu'on pût obtenir d'une vieillesse décrépite ce qu'une florissante jeunesse nous donne d'elle-même!

En parlant de la sorte je me mets la main dans le feu : on nie regardera de mauvais Gril, et cette lettre sera cause que plusieurs vieillards de qualité se soulèveront contre moi, disant que je suis un magicien, un séducteur, et qu'on doit me reléguer aux extrémités de la terre ; mais qu'ils m'appellent encore Samaritain, m'honorant d'un nom qui a été donné à mon Sauveur, ils ne m'accuseront pas au moins de mettre de la division entre le père et la fille, et de me servir de ces mots de l'Evangile : " Laissez aux morts le soin d'ensevelir les morts ; "car celui qui croit en Jésus-Christ est vivant, et il doit marcher comme il a marché. Au reste, nous sommes à couvert de l'envie et de la haine que les médisants portent ordinairement aux chrétiens : nous ne nous connaissons l'un l'autre que par des lettres, et l'on peut dire qu'une connaissance de cette nature n'a pour fondement que la charité. Honorez votre père, mais pourvu qu'il ne vous éloigne pas de Dieu, dont vous êtes véritablement la fille; écoutez la voix du sang et celle de la nature, pourvu que la nature et le sang écoutent celui dont ils sont la créature. " Ecoutez, ma fille, " dit David, " ouvrez les yeux et prêtez l'oreille; oubliez votre famille et la maison de votre père, et alors le roi concevra de l'amour pour votre beauté, car il est votre souverain seigneur. " On promet une, grande récompense à celles qui oublieront la maison de leur père : le roi concevra de l'amour pour leur beauté. Pour moi, puisque vous avez écouté, que vous avez ouvert les yeux et prêté l'oreille, oubliant votre famille et la maison de votre père, je ne doute point qu'il ne conçoive de l'amour pour lit vôtre, et qu'il ne dise en parlant de vous : " Mon épouse est entièrement belle, et il ne se trouve rien à dire en elle. "

Il n'y a rien de plus l’eau qu'une âme qui est appelée la fille de Dieu : elle a de la confiance en Jésus-Christ, et dans cette confiance elle marche vers son seigneur et son époux. Vous avez appris dans le mariage même ce que le mariage a d'ennuis; vous vous êtes rassasiée (300) de cailles jusqu'à en avoir du dégoût; votre bouche a senti l'amertume de la bile: voudriez vous manger encore de ce qui vous a rendu malade, et retourner comme un chien à votre vomissement? Les oiseaux et les autres bêtes ne tombent pas deux fois dans les mêmes embuscades. Craignez-vous que la famille des Furius ne s'éteigne, et que vous ne laissiez point à votre père un petit-fils qui lui saute au cou, comme si tous ceux qui ont été mariés devaient avoir des enfants, ou que tous les enfants répondissent à la vertu de leurs ancêtres? Le fils de Cicéron fut-il aussi éloquent que son père? Cornélia, que vous comptez parmi vos aïeules et qui fut un modèle achevé de vertu, n'a-t-elle point été fâchée d'avoir été la mère des Gracques? Il est ridicule d'attendre comme une chose assurée ce que nous voyons manquer à d'autres, ou ce que nous leur voyons perdre quand ils cri ont la possession. Mais à qui laisserez-vous une succession si opulents? qui sera votre héritier? Jésus-Christ, qui ne meurt point et qui est votre seigneur. Votre père en aura de la douleur, mais Dieu s'en réjouira ; votre famille en sera dans la consternation, mais les anges vous en féliciteront. Que votre père dispose de son bien comme il lui plaira: vous n'appartenez pas à celui qui vous a mise sur la terre, mais au Sauveur, qui vous a rachetée par le prix infini de son sang.

Déliez-vous de votre nourrice et des autres femmes de cette nature, dont la langue est empoisonnée : comme elles veulent s'enrichir à vos dépens, elles vous parleront moins pour votre bien que pour leur intérêt particulier. La frugalité est inséparable de la pudicité, et la frugalité est la ruine de ces âmes basses qui croient qu'on leur dérobe ce qu'elles ne volent point, et qui,jugent de ce qu'elles prennent par sa valeur, sans regarder à qui elles le prennent. Aussitôt qu'elles voient un chrétien elles l'appellent imposteur et déchirent, sa réputation, feignant d'avoir appris des autres ce qu'elles en inventent elles-mêmes. Ainsi leur mensonge sert, de fondement à la renommée, qui, s'étant répandue par leur moyen dans la haute société, parcourt des provinces entières. Vous en verrez la plus grande partie, avec une langue envenimée et des yeux de vipère, reprendre les chrétiens ; quelques-uns même de notre profession prennent parti avec elles, et médisent des autres comme on médit d'eux à leur tour. Ils parlent de nous évitant de rien dire d'eux-mêmes, comme s'il y avait de la différence entre les ecclésiastiques et les solitaires, et comme si ce que l'on impute à ceux-ci ne rejaillissait pas sur les autres puisqu'ils en sont les pères. La ruine du troupeau est toujours honteuse à celui qui en a la conduite; et d'ailleurs la vie d'un solitaire est digne de louange, particulièrement lorsqu'il a de la vénération pour les ecclésiastiques, et qu'il rend ce qui est dû à un ordre à qui il a l'obligation d'être chrétien.

Si je parle de la sorte, ma chère fille, ce n'est pas que je doute de votre résolution ; car si vous n'étiez persuadée des avantages de la monogamie vous n'auriez pas exigé de moi que je vous en écrivisse: mon dessein est seulement de vous découvrir la malice de vos servantes, qui voudraient vous vendre à l'encan les embûches de vos parents et l'erreur de votre père. Peut-être que ce dernier ne manque pas d'amour pour vous, mais il n'a pas la science de l'amour, et je puis à son occasion me servir des termes de saint Paul : " Je puis leur rendre ce témoignage qu'ils ont du zèle pour Dieu, mais c'est un zèle qui n'est point selon la science. " Imitez, imitez plutôt notre illustre mère, je vous le répèterai toujours : je ne me souviens jamais d'elle sans me représenter sa ferveur extraordinaire, son visage pile et exténué de jeûnes, les aumônes qu'elle faisait, son obéissance aux serviteurs de Dieu, la pauvreté de son coeur et de ses habits, et enfin la modération avec laquelle elle parlait à tout le monde. Pour votre père, dont je fais ici mention parce qu'il est chrétien, et non pas parce qu'il a été consul et qu'il est un des premiers de Rome, qu'il se réjouisse d'avoir plutôt donné une fille à Jésus-Christ qu'au monde, et qu'il regrette tout à la fois et la perte de votre virginité et la stérilité de votre mariage. Où est le mari qu'il vous avait donné? Quand morne il se serait rendu aimable et qu'il aurait eu pour vous beaucoup de complaisance, la mort pour cela ne l'aurait lias épargné davantage. Servez-vous donc de l'occasion et faites, comme on dit, de nécessité vertu. On ne considère pas dans un chrétien le commencement, mais la fin. Saint Paul commença mal, mais il finit heureusement; les premières années de la vie de Judas furent dignes de louange, mais la fin en fut (301) abominable par la trahison qu'il commit. " La justice du juste", dit Ezéchiel, " ne le délivrera point quand il péchera, et l'impiété du pécheur ne le perdra point pourvu qu'il se convertisse. " C'est là l'échelle de Jacob, par laquelle les anges montent et descendent, sur laquelle Dieu est appuyé, présentant la main à ceux qui sont tombés et encourageant par sa présence ceux qui sont las. Mais si Dieu désire moins la mort du pécheur que sa conversion, il ne peut aussi souffrir les tièdes. Plus on pardonne à quelqu'un, plus on l'aime.

Cette femme de mauvaise vie de l'Evangile qui fut baptisée de ses larmes et qui, essuyant les pieds du Sauveur avec les cheveux qui lui avaient servi à séduire. le monde, mérita d'être sauvée, ses sourcils n'étaient point peints, et cette femme paraissait d'autant plus belle qu'elle était plus négligée. En effet, quel est le dessein d'une femme qui s'est donnée à Jésus-Christ en se servant de fard, et en se mettant du rouge sur les joues, sur les lèvres, et du blanc sur le cou? C'est allumer et entretenir le l'en de la concupiscence dans l'âme des jeunes gens et faire voir des marques de son impureté. Celle qui se lave la peau avec des eaux distillées et qui se peint le visage est-elle capable de pleurer pour ses péchés? Ces ornements ne sont point de Dieu, ils sont de l'Antéchrist : comment osera-t-elle lever vers le ciel un visage qui ne sera point reconnu par celui qui l'a formé? Que l'on ne prenne point. pour prétexte la jeunesse, qui semble être un âge. où l'on doive souffrir ce désordre parmi celles de votre sexe. Une veuve, qui a perdu son mari à qui elle était obligée de plaire, et qui est vraiment veux e, pour me servir des termes de l'Apôtre, n'a besoin que de persévérance. Elle se souvient des plaisirs passés, de ce qui a contribué à les lui donner et de la perte qu'elle a faite; mais il faut qu'elle éteigne le l'en allumé par le diable dans la rigueur de ses jeûnes et de ses veilles. Nous devons parler comme nous sommes vêtus ou nous vêtir comme nous parlons. Pourquoi promettre le contraire de ce que nous faisons voir? La pureté est dans votre bouche, et l'impureté parait dans vos habits! D'ailleurs, et ceci n'est pas de moi mais encore de l'Apôtre : " La veuve qui vit dans les délices est morte, quoiqu'il semble qu'elle soit vivante?" Quel est le sens de ces paroles : " est morte quoiqu'il semble qu'elle soit vivante? " C'est-à-dire qu'il semble aux ignorants qu'elle vive et qu'elle ne soit pas morte par le péché, quoiqu'elle le soit effectivement devant Jésus-Christ, que les replis d'un coeur ne peuvent tromper. " L’âme, " dit l’Ecriture, " qui aura péché mourra. Il y a quelques personnes dont les péchés sont connus avant le jugement et l’examen qu'on en pourrait faire; il y en a d'autres dont les défauts ne se découvrent qu'ensuite de cet examen : de même il y en a dont les bonnes ouvres sont visibles d'abord, ou, si elles ne le sont pas, elles ne demeureront pas longtemps cachées. " Voilà en d'autres ternies la même pensée : Il y en a qui pèchent avec tant de liberté et si ouvertement qu'on les prend pour des pécheurs en les voyant, et d'autres au contraire qui cachent leurs fautes avec tant d'artifice qu'on ne s'en aperçoit que par l'habitude qu'on a dans la suite avec eux : de même il y en a dont les bonnes actions paraissent d'abord, et il y en a d'autres dont on ne connaît le mérite qu'avec le temps. Pourquoi vous vanter d'avoir de la pureté, ce que l'on ne peut reconnaître qu'à votre frugalité et à votre modération, qui en sont les compagnes inséparables?

Si saint Paul assujettit son corps à son âme par des macérations de peur de ne pas pratiquer lui-même ce qu'il enseigne aux autres, la chasteté d'une jeune femme peut-elle être en sûreté avec un corps échauffé par l'abondance des viandes? Ce n'est pas que je condamne les viandes, que Dieu a créées pour s'en servir avec actions de grâces; mais je veux ôter aux jeunes gens une amorce à la volupté et aux plaisirs. Le Vésuve et l'Olympe ne sont pas plus embrasés que le corps d'une jeune personne, quand il est enflammé par la bonne chair et par le vin dont il est plein. La plupart triomphent de l'avarice et s'en défont en renonçant à l'argent; on corrige un homme de la médisance en lui ordonnant de garder le silence ; le désir d'être paré et d'avoir des habits magnifiques se passe en une heure ; en un mot les autres péchés étant extérieurs, on les évite facilement; mais Dieu ayant enraciné en nous-mêmes l'amour des plaisirs parce qu'il est nécessaire pour faire naître des enfants, il devient un crime en allant au-delà de la fin pour laquelle il a été créé.

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C'est donc l'ouvrage d'une grande vertu et d'une exacte précaution de vaincre ce qui est né avec nous, de vivre dans un corps comme si l'on n'en avait point, de combattre contre nous-mêmes tous les jours, et d'observer avec les cent yeux de l'Argus de la Fable un ennemi enfermé dans nous-mêmes. C'est ce que disait saint Paul : " Quelque autre péché que l’homme commette, il est hors du corps; mais celui qui commet fornication pèche contre son propre corps. "Les médecins qui ont écrit des propriétés du corps humain, et entre autres Galien, assurent que celui des enfants, des jeunes gens, des hommes formés et celui des femmes sont naturellement chauds; de sorte que les viandes qui peuvent augmenter cette chaleur leur sont contraires ; et de là ils concluent qu'ils doivent user de choses froides. Il n'en est pas de mène des vieillards, à qui le vin vieux et tout ce qui est chaud est propre parce qu'ils sont pleins de pituite et d'humeurs froides. " Prenez garde à vous, " dit le Sauveur, " de peur que vos coeurs ne s'appesantissent par l'excès des viandes et du vin et par les inquiétudes de cette vie. " L'Apôtre ajoute : " Ne vous laissez pas aller aux excès du vin, d'où naissent les dissolutions. " C'est pourquoi le premier avis que je vous donne est de mettre de l'eau dans votre vin jusqu'à ce que l'âge ait tempéré les ardeurs de votre première jeunesse; ou, si quelque infirmité vous en empêche, suivez l'avis que saint Paul donne à Timothée : "Usez d'un peu de vin à cause de votre estomac et de vos fréquentes maladies. " Ensuite prenez garde de ne point manger de ce qui est chaud ; et je ne parle pas seulement de la chair, dont le vaisseau d'élection a dit: "Il est bon de ne point manger de chair et de ne point boire de vin, " mais encore des légumes, qui enflent et qui appesantissent. Sachez qu'il n'y a rien de plus convenable à la jeunesse chrétienne que les herbes : " Que celui qui est malade, " ajoute saint Paul, " mange des herbes; " et il dit en un autre endroit : " Car il faut éteindre le feu de nos corps par des viandes froides. " Daniel et les trois enfants ne vivaient que de légumes, quoiqu'ils fussent dans un âge d'innocence. Nous ne cherchons pas dans cette nourriture la beauté du corps, dont ceux-ci furent récompensés, mais la force de l'âme qui augmente à proportion que le corps s'affaiblit. De même quelques-uns de ceux qui travaillent à devenir chastes succombent au milieu de la carrière, car, faisant consister toute l'abstinence à ne point manger de chair, ils se chargent l'estomac de légumes qui leur auraient été profitables s'ils en avaient mangé avec modération. Il n'y a rien qui nous échauffe davantage que l'indigestion qui naît des viandes prises avec excès. J'aime mieux, ma fille, avoir quelque confusion de parler si librement que hasarder la cause que je défends. Estimer, un poison tout ce qui peut faire naître la volupté. Un repas léger et un estomac légèrement chargé sont préférables à une abstinence de trois journées entières; il vaut mieux manger tous les jours un peu que manger rarement et se rassasier entièrement. La pluie qui tombe insensiblement est plus fertile que ces orages qui, venant avec précipitation, ravagent la campagne. Quand vous êtes à table, songez à vous appliquer ensuite à la lecture et à la prière : ayez un nombre fixé de pages de l’Ecriture sainte à lire. Payez tous les jours ce tribut à votre Sauveur, et ne vous endormez jamais que vous n'en soyez quitte. Après l'Écriture sainte, lisez les ouvrages des savants hommes dont la foi est sans reproche, et ne cherchez point de pierres précieuses dans la boue; au contraire, pourvu que vous puissiez en posséder une seule ne balancez pas à sacrifier toutes les autres; que la passion que vous pouvez avoir pour les perles et les habits somptueux cède à l'amour des livres sacrés. Entrez dans la terre de promission,où le miel et le lait se trouvent en abondance; portez comme Joseph un habit de diverses couleurs, percez vos oreilles, comme Jérusalem, de la parole de Dieu, afin que l’on y voie pendre les grains précieux d'une moisson nouvelle. Vous avez auprès de vous l'illustre Exupère, qui est dans un âge avancé et dont la foi est éprouvée : il peut vous donner souvent des avis salutaires. Employez les richesses injustes à vous faire des amis qui vous reçoivent dans les tabernacles éternels ; faites part de votre bien à ceux qui ont besoin de pain et non pas à ceux qui vivent dans l'opulence, afin de rassasier les uns et de ne pas augmenter le luxe des autres. Soyez touchée de compassion pour les pauvres; donnez à tous ceux qui vous demanderont, mais particulièrement aux fidèles; habillez les nus, donnez à manger à ceux qui ont faim, visitez les malades. Quand vous (303) étendrez la main pour donner quelque chose, mettez-vous Jésus-Christ devant les yeux, et prenez garde d'enrichir les autres pendant qu'il mendiera un morceau de pain. m'ayez point de commerce avec les jeunes gens ni avec ceux qui sont toujours bien frisés; bannissez de votre maison les musiciens et les joueurs d'instruments comme des suppôts de Satan ; n'usez point de la liberté des veuves en sortant souvent accompagnée d'une foule d'eunuques.

C'est une mauvaise coutume qu'un sexe fragile, et dans un âge peu avancé, s'abandonne à sa propre conduite et croie que tout lui soit permis. "Tout m'est permis, mais tout ne m'est pas avantageux, " dit saint Paul. N'ayez point de maître-d'hôtel frisé et parfumé, ni d'écuyer bien lait dont le visage soit couvert de vermillon, car on juge quelquefois des maîtres par leurs valets. Recherchez la compagnie des vierges saintes et des veuves. S'il est nécessaire que vous parliez à des bouillies, ce que je ne crois pas que vous deviez éviter, faites-le de telle manière que vous n'ayez pas de peur et ne rougissiez pas à l'arrivée (l'un autre. Le visage est le miroir de l'âme, et les yeux, quoique muets, découvrent ce que l'âme a de plus caché. Nous avons entendu depuis peu un bruit fort désavantageux qui a couru par tout l'0rient : à l'âge, aux habits, à la démarche, aux compagnies, aux repas somptueux et à l'équipage magnifique d'une dame, on eût dit qu'elle épousait un Sardanapale ou un Néron : que la blessure des autres nous serve de préservatif. Le coupable devient sage par le châtiment de celui qui lui ressemble; on fait bientôt cesser un mauvais propos, et la vie qu'on mène dans la suite fait juger de celle qu'on a menée auparavant. Il est impossible en ce monde de se mettre toujours à l'abri de quelque médisance, car c'est la consolation des coupables de pouvoir reprendre les bons, et ils croient que leurs fautes deviennent plus rémissibles à proportion que le nombre des pécheurs augmente; mais un feu de paille est de peu de durée; la flamme même la plus ardente s'éteint quand elle n'a rien à consumer. Si le bruit qui courut. l'an passé est faux, et quand il serait véritable, il cessera quand on en fera cesser la cause.

Je ne crains pas en parlant de la sorte quelque chose de semblable pour vous; niais par un mouvement de charité je tremble même quand il n'y a rien à appréhender. Ah! si vous voyiez votre soeur et si vous entendiez les paroles qui sortent de sa bouche, vous jugeriez de quel esprit est animé un si petit corps, et vous avoueriez que son coeur est enrichi des dépouilles de l'Ancien et du Nouveau-Testament. Les jeunes lui tiennent lieu de divertissement et les prières de délices. Elle tient des timbales comme une autre Marie, et, voyant Pharaon submergé, elle s'écrie à la tête d'une troupe de vierges en ces termes : " Chantons des cantiques au Seigneur : il a été exalté d'une manière sans pareille, et il a précipité dans la mer le cheval et le cavalier." Elle passe les jours et les nuits de la sorte, attendant l'arrivée de l'époux avec de l'huile, dont elle a fait provision pour sa lampe. Imitez-la donc : que l'on trouve à Rome ce qu'on rencontre à Béthléem, qui est une ville beaucoup plus petite que la capitale de l'empire romain. Vous êtes riche, vous pouvez facilement donner à manger aux pauvres : employez à des actes de charité ce qui avait été préparé pour le luxe. Si vous n’êtes point dans le dessein de vous remarier vous ne devez point craindre la pauvreté. Retirez des vierges de l'esclavage du siècle et les conduisez dans l'appartement du roi; rachetez des veuves et les vêlez comme de belles violettes parmi les lis des vierges et les roses des martyrs; faites de ces bouquets, au lieu de la couronne d'épines sous laquelle le Sauveur a porté la peine des péchés des hommes. Donnez de la joie et de l'assistance à votre illustre père; que sa fille lui remette dans la mémoire ce qu'il a appris de sa femme. Il a les cheveux blancs, les dents lui tombent, son front est couvert de rides, la mort est à ses côtés, et il semble que le lieu où sera son tombeau soit déjà marqué; car, que nous le voulions ou que nous ne le voulions pas, nous vieillissons : qu'il prépare donc ce qui est nécessaire pour un long voyage; qu'il emporte avec lui ce qu'il sera contraint de quitter; ou, pour mieux dire, qu'il envoie au ciel devant lui ce que la terre dévorera s'il ne le fait pas.

Les jeunes veuves, dont quelques-unes suivent Satan et violent en se remariant la foi qu'elles avaient promise à Jésus-Christ, tiennent ordinairement ce langage : " Le peu de biens que j'ai se perd tous les jours; je dissipe ce que mes ancêtres m'ont laissé ; un valet me (304) parle avec arrogance; une servante ne m'obéit, point : qui fera mes affaires de dehors? qui élèvera ires enfants et aura soin de mes domestiques?" C'est ainsi qu'elles prennent pour prétexte de leur second mariage ce qui devrait les en détourner : en effet, une mère ne donne pas à ses enfants un homme qui les élève, mais un ennemi; elle ne les abandonne pas à la conduite d'un père, mais elle les assujettit à un tyran. L'ardeur de la concupiscence lui fait oublier une partie d'elle-même : de petits innocents qui ne sont pas encore capables de connaître leur infortune voient une nouvelle mariée en celle qui a pleuré longtemps la mort de leur père. Pourquoi alléguer votre bien et l'arrogance de vos valets ? avouez plutôt votre infamie, car une femme ne prend point un mari pour ne point coucher auprès de lui. Si la concupiscence ne vous porte pas à ce dessein, quelle folie de vous prostituer comme une courtisane pour devenir riche, et de souiller votre pureté, dont le prix est inestimable, pour des richesses périssables et de nulle valeur! Pourquoi vous remarier si vous avez des enfants? si vous n'en avez point, pourquoi vous exposer à une stérilité achevée dont vous avez vu le commencement dans votre premier mariage, et préférer unie chose incertaine à une honte assurée? On fait aujourd'hui votre contrat de mariage, et bientôt on vous forcera de faire votre testament : votre mari, dans une parfaite santé, feindra d'être malade et fera le sien pour vous engager à en faire autant, et à mourir s'il le peut. D'ailleurs, s'il vous liait des enfants ils seront la cause de divisions domestiques : il ne vous sera pas permis d'aimer ceux de votre premier lit ni de les regarder de bon oeil. Si vous leur donnez à manger en cachette, votre second mari portera envie à leur père, quoique décédé, et il semblera que vous l'aimez encore si vous ne haïssez ses propres enfants. Si vous épousez un homme qui en ait de sa première femme, fussiez-vous la plus douce de toutes les mères, on rappellera contre vous tout ce que les comédiens et les rhéteurs ont jamais dit de plus injurieux et de plus piquant contre les plus cruelles marâtres. Si le fils de votre mari a seulement un petit mal de tête on médira de vous comme d'une magicienne; vous passerez pour barbare si vous ne lui donnez point à manger, et si vous lui en donnez on dira que vous l'aurez empoisonné.

Après cela quel avantage ont les secondes noces que vous puissiez comparer à tant de maux? Mais voulons-nous savoir quelles doivent être les véritables veuves ? lisons l'Evangile de saint Luc. "Il y avait, " dit-il, " une prophétesse appelée Anne, fille de Phanuel, de la tribu d'Aser. " Anne signifie: grâce; Phanuel en notre langue veut dire: visage de Dieu, etAser peut être pris pour : richesse, ou pour: béatitude. Parce que cette femme était demeurée veuve depuis sa jeunesse, jusqu'à quatre-vingt-quatre ans qu'elle avait alors, et qu'elle était sans cesse dans le temple, servant Dieu nuit et jour dans les jeûnes et les prières, elle fut trouvée digne d'une grâce surnaturelle, d'être appelée la fille du visage de Dieu, et de jouir de la béatitude et des richesses de son bisaïeul. Mettons-nous devant les yeux cette veuve qui aima mieux rassasier Elie que son propre fils ou manger elle-même, et mourir de faim elle et son fils la nuit suivante, pour sauver la vie à ce prophète, que perdre l'occasion de faire l'aumône, méritant par une poignée de farine de recevoir la bénédiction du ciel. Elle sema cette poignée de farine, qui produisit des muids d'huile. La cherté était dans la Judée, où la semence de froment était morte, pendant que parmi les idolâtres une veuve avait de l'huile en abondance. Nous lisons dans le livre de Judith l'histoire d'une autre veuve: celle-ci,exténuée de jeûnes et vêtue d'un habit de deuil, ne pleurait pas la mort de son mari; mais elle attendait dans les mortifications l'arrivée du véritable époux. Il me semble que je la vois l'épée à la main et couverte de sang; je reconnais la tête d'Holopherne qu'elle rapporte à travers les ennemis. Une femme a plus de courage que les hommes, et la chasteté triomphe de l'incontinence. Mais elle change aussitôt d'habit, elle reprend celui de deuil, auquel elle est redevable de sa victoire, et qui la pare mieux certes que les habits les plus somptueux du siècle.

Quelques-uns mettent au nombre des veuves Débora, et croient qu'elle fut mère de Barach, général de l'armée des Hébreux; mais ils se trompent, car l'Ecriture en parle autrement. Pour moi, j'en fais ici mention parce qu'elle a été prophétesse et qu'elle a été mise au rang des juges d'Israël. Elle fut appelée Abeille, se (305) nourrissant des fleurs de l'Écriture sainte, et pouvant dire avec David : " Vos paroles sont plus douces à ma bouche que le miel. " 1Voëmi, ou, en notre langue, consolée, après la mort de son mari et de ses enfants en pays étranger revint dans sa patrie avec sa pureté, et, soutenue par cette vertu dans son voyage, elle retint auprès d'elle sa bru, quoiqu'elle fût Moabite, pour l'accomplissement de cette prophétie d'Isaïe : " Envoyez, Seigneur, l'agneau dominateur de la terre de la pierre du désert à la montagne de la fille de Sion."Je viens enfin à cette pauvre veuve de l'Évangile qui dans sa pauvreté était plus riche que tout le peuple d'Israël : elle mit deux pièces d'argent dans le tronc, donnant de son indigence, et tout ce qu'e1le avait pour subsister.

Mais pourquoi rapporter ici les anciennes histoires des femmes vertueuses, puisqu'il y en a plusieurs à Rome que vous pouvez vous proposer pour modèle, sans rien dire d'aucune en particulier, de peur qu'il ne semble que je veuille les flatter? Marcella, répondant à la noblesse de sa maison, nous rappelle quelque chose de l'Évangile : Anne vécut sept ans avec son mari depuis qu'elle l'avait épousé étant vierge, celle-ci n'a vécu que sept mois avec le sien; l'une attendait l'arrivée de Jésus-Christ, l'autre le tient entre ses bras; l'une en entretenait tous ceux qui espéraient la rédemption d'Israël, et l'autre chante avec ceux qui ont été rachetés : "Un frère ne rachète point son frère, mais un homme étranger le rachètera. "

Au reste j'ai mis au jour depuis deux ans quelques livres contre Jovinien, où j'ai répondu par des raisons tirées de l'Écriture sainte à quelques passages de saint Paul qui semblent autoriser les secondes noces; de sorte que je ne répéterai point ici ce que vous pouvez lire dans ces ouvrages.

Voilà seulement ce que j'avais à vous dire sur cette matière; et je finirai en vous avertissant que, si vous pensez sans cesse à mourir un jour, vous ne songerez jamais à vous remarier.







SUR LA VIDUITÉ. PARTIE II. A SALVINA.


Je crains qu'on ne me soupçonne ici de faire par ambition et par vanité ce que je ne fais que par devoir et à l'exemple de celui qui a dit : " Apprenez de moi que je suis doux et Humble de coeur;, je crains qu'on ne s'imagine que, sous prétexte d'écrire à une veuve et. de consoler une affligée, je songe à m'introduire à la cour des princes et à gagner l'amitié des grands; mais on n'aurait pas ces pensées là de moi si l'on savait que Dieu défend d'avoir égard dans les jugements à la misère du pauvre, de peur que sous prétexte de compatir à la disgrâce d'un malheureux on ne blesse les intérêts de la justice; car c'est la nature des choses et non pas la qualité dos personnes qui doit être la règle de nos jugements. Si le riche sait user de ses richesses elles ne sont point un obstacle à son salut, et si le pauvre couvert de haillons et réduit à une. extrême misère n'a pas soin d'éviter le péché, son indigence ne le rend pas plus recommandable. Il est aisé de justifier cette vérité par l'exemple du patriarche Abraham et par l'expérience que nous en faisons tous les jours : celui-là conserva toujours l'amitié de Dieu parmi les grands biens qu'il possédait, au lieu que nous voyons tous les jours des pauvres subir toute la rigueur des lois pour les crimes qu'ils commettent.

Je parle à une veuve dont je ne considère point les facultés mais la pureté de l'âme ; à une veuve pauvre dans l'opulence et ne sachant pas elle-même ce qu'elle a; je parle à une personne dont je connais la vertu par le cri public sans la connaître de visage, dont la jeunesse rend la continence plus admirable, qui a pleuré la mort d'un jeune mari d'une manière à servir de modèle aux gens mariés, et qui l'a soufferte comme étant parti le premier, et non pas comme l'ayant perdu. L'excès de son affliction lui est avantageux, car elle cherche son mari absent comme si elle devait ne le trouver qu'en Jésus-Christ.

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Mais pourquoi écrire à une veuve que l'on ne connais point ? Trois raisons m'ont obligé à le faire : la première c’est qu'il est du devoir d'un prêtre d'aimer tous les chrétiens comme ses enfants; la seconde est l'étroite amitié qui me liait à votre beau père; la dernière enfin et la plus forte c'est que je n'ai pu le refuser à mon cher Avitus qui m'en a prié, qui a surpassé par le nombre de ses lettres les importunités de cette veuve dont parle l'Evangile, et qui, me rapportant l'exemple de celles à qui j'ai écrit autrefois sur le même sujet, m'a tellement couvert de confusion que j'ai plus considéré ce qu'il désirait de moi que ce qu'il était de la bienséance que je fisse.

Un autre louerait peut-être Nebride de sa dualité de neveu de l'impératrice, de son éducation à laceur, où l'empereur eut pour lui tant l’affection qu'il lui chercha lui-même une femme d'une illustre origine, et s'assura par cet otage de la fidélité de l'Afrique qui remuait : pour moi, je dirai d'abord à sa louange que, peut-être par une sorte de pressentiment de la mort qui le devait bientôt enlever, il vécut parmi les grandeurs de la cour et les dignités dont il fut honoré avant l'âge compte un homme qui a la mort devant lui. L'Ecriture rapporte que Corneille, qui était centenier dans une cohorte de la légion appelée l'Italienne, fut si agréable au Sauveur qu'il lui envoya un ange pour lui apprendre que la grâce de l’Evangile, alors bornée à la Judée, allait s'étendre aux gentils, à cause de son mérite, par le ministère de saint Pierre. Cet homme fut le premier des fidèles incirconcis qui fut baptisé par le prince des apôtres, et son baptême fut le présage du salut des autres, dont il offrit les prémices en sa personne. " Il y avait un homme à Césarée nommé Corneille," dit l’Ecriture, " qui était centenier dans une cohorte de la légion appelée l'italienne : il était religieux et craignant Dieu, avec toute sa famille; il faisait beaucoup d'aumônes au peuple et, priait Dieu incessamment."

Tout ce qui est dit de ce centenier convient à Nebride en y changeant le nom était si religieux et aimait tant la pureté qu'il était vierge quand il fut marié; il était si craignant Dieu que, sans songer a sa dignité, il n'avait commerce qu'avec des solitaires et des ecclésiastiques; il faisait de si grandes aumônes que la porte de son palais était tous les jours assiégée par une armée de pauvres, et il priait Dieu si soupent qu'il en obtint à la lin ce qui lui était le plus avantageux. Ainsi on peut dire qu'il a été enlevé de peur que son esprit ne fût changé par la malice, car son âme était agréable à Dieu. Après cela, je puis à son occasion me servir des paroles de saint Pierre: " J'ai reconnu qu'il est très véritable que Dieu n'a point d'égard aux diverses conditions des personnes, mais qu'en toute condition celui qui le craint et qui fait des oeuvres justes lui est agréable."

L'épée, la cuirasse, et les gardes qui l'environnaient ne ruinèrent point ses desseins pendant qu'il était à l'armée, parce que sous les étendards d'un prince il combattait pour un autre. De même un méchant habit et une pauvreté apparente n'avancent point ceux dont les actions ne répondent, point à la dignité du pont de chrétien. Nous trouvons encore dans l'Evangile un témoignage avantageux rendu par le Sauveur en faveur d'un autre, centenier : " Je vous dis en vérité (ce sont les paroles de Jésus-Christ) que je n'ai point trouve une si grande foi dans Israël." Même, pour prendre la chose de plus loin, Joseph, dont la vertu a paru également dans la pauvreté et parmi les richesses, qui a fait voir dans la liberté et dans les chaînes que son âme ne pouvait être esclave, Joseph, dis-je, qui, après Pharaon, eut toutes les marques de la royauté, ne plut-il pas tellement à Dieu qu'il fut choisi pour être le père de deux tribus? Daniel et les trois jeunes gens hébreux étaient des premiers de Babylone, où ils avaient l'administration des finances; et néanmoins leur âme était entièrement attachée au service de Dieu, quoiqu'il semblât qu'ils servissent Nabuchodonosor. Mardochée et Esther y vainquirent sous des habits précieux leur ennemi par leur humilité, et leur vertu alla jusqu'à commander à leurs vainqueurs tout étant esclaves.

Je rapporte ces exemples pour montrer que l'alliance de l'empereur, l'opulence et les dignités ont servi à faire éclater la vertu de Nebride; car Salomon nous apprend que " les richesses servent comme la sagesse." Que l'on ne m'objecte point ce passage de l'Evangile : " Je Vous le dis en vérité, il est bien difficile qu'un riche entre dans le royaume des cieux ; " ni cet autre: " Je vous le dis encore une fois, il est plus aisé qu'un chameau passe par le trou d'une aiguille (307) qu'il ne l'est qu'un riche entre dans le royaume du ciel; " autrement il semblerait que Zachée, chef des publicains, et dont l'Ecriture parle comme d'un homme très-riche, n'aurait pas dû être sauvé. Le conseil que donne saint Paul dans son épître à Timothée nous découvre de quelle manière ce qui est impossible aux hommes ne l'est point à Dieu : " Ordonnez aux riches de ce monde, " dit-il, "de n'être point orgueilleux, de ne mettre point leur confiance dans les richesses incertaines, mais dans le Dieu vivant qui nous fournit avec abondance ce qui est nécessaire à la vie, d'être charitables et bienfaisants, de se rendre rides en bonnes ouvres, de donner l'aumône de bon coeur, de faire part de leurs biens à ceux qui en ont besoin, de s'acquérir un trésor et de s'établir un fondement solide pour l'avenir, afin de pouvoir arriver à la véritable vie. " Ces paroles enseignent de quelle manière un chameau peut passer par le trou d'une aiguille, et de quelle manière cet animal bossu, ayant mis bas son fardeau, peut prendre des ailes de colombe pour aller se reposer sur les branches de l’arbre qui a pris racine d'un grain de sénevé. Les chameaux d’Isaïe, qui apportèrent de l'or et de l'encens à la ville du Seigneur, sont la figure de ce chameau bienheureux; et même nous lisons dans les fables d'Esope qu'une belette, ayant le ventre trop plein; ne put sortir par le trou par où elle était entrée.

Nebride donc, avant incessamment ces mots devant les yeux : " Ceux qui veulent devenir riches tombent dans la tentation et dans le piégé élu diable et en divers désirs, " employait à faire subsister les pauvres ce qu'il recevait des libéralités de l'empereur et les émoluments des charges qu'il remplissait. Il se souvenait. que Dieu a parlé de la sorte : " Si vous voulez être parfait, allez, vendez tout ce que vous avez et le donnez aux pauvres, venez et me suivez ; " et parce qu'il ne pouvait pas exécuter ce commandement, ayant une femme, des enfants encore petits et une famille nombreuse, il employait les richesses injustes à se faire des amis qui le reçussent dans les tabernacles éternels. Il ne quittait pas une fois seulement ce qui l'embarrassait, comme les apôtres qui n'abandonnèrent qu'une fois leur bateau et leurs filets; mais il suppléait à la pauvreté des autres afin que la sienne fût soulagée un jour parleur abondance, et qu'ainsi tout fût réduit à la même égalité.

La personne à qui ce petit ouvrage est adressé sait que je ne parle qu'après les autres, n'avant rien vu de ce que je dis, et que ce n'est point un bienfait qui m'a porté à raconter ceci, à l'exemple des écrivains de la Grèce, qui payaient par des louanges les grâces qu'ils avaient reçues d'un prince. On ne doit point avoir ce soupçon d'un chrétien : ayant de quoi nous nourrir et de quoi nous couvrir, nous devons être contents ; ne mangeant que des lé gurnes et du pain noir, les richesses me seraient inutiles, et la flatterie, qui a toujours pour but d'être récompensée, ne me servirait de rien,et par conséquent il faut croire que je parle avec sincérité puisqu'il n'y a rien qui puisse m'obliger à mentir.

Mais, de peur qu'on ne se persuade que Nebride ne mérite d'être loué que par les aumônes qu'il a faites, quoique l'aumône soit d'elle-même d'une haute importance et que Salomon assure " qu'elle éteint le péché comme l'eau éteint le feu, " je rapporterai encore ses autres vertus, dont une seule se trouve dans peu de personnes en un degré aussi éminent qu'il les a eues toutes ensemble. Qui est celui qui a été jeté dans la fournaise du roi de Babylone sans être brûlé? quel est le jeune homme qui a laissé son manteau entre les mains d'une maîtresse égyptienne ? qui n'est point effrayé de ces paroles de saint Paul : " Je sens dans les membres de mon corps une autre loi qui combat contre la loi de mon esprit, et qui me rend captif sous la loi du péché qui est dans les membres de mon corps?" Chose difficile à croire, un seigneur élevé à la cour, familier avec l'empereur, et nourri à une table dont la mer et la terre entretiennent le luxe de ce qu'elles ont de plus précieux, eut à la fleur de son âge plus de pudeur qu'une jeune fille, et ne donna jamais lieu au moindre bruit qui eût porté préjudice à sa pudicité; un seigneur qui était cousin des fils de l'empereur, avec qui il avait fait ses exercices, ce qui seul est capable d'unir étroitement ceux que le sang n'avait pas unis, ne s'enfla point d'orgueil et ne méprisa point les autres; mais, se rendant aimable à tout le monde, aima les princes comme ses frères, les craignit comme ses souverains, et avoua que son bonheur dépendait de leur fortune. Il avait tellement gagné l'esprit des ministres, et de ce grand nombre d'officiers où la vanité des princes veut. faire paraître la (308) grandeur de leur fortune, que, quoiqu'ils fussent avec; raison au-dessous de lui, ils crurent cependant lui être égaux par les lions services qu'il leur rendait.

Il est bien difficile de ne point jouir de sa gloire, et de se faire aimer par des personnes au-dessus de qui l'on est. Quelle veuve n'a point été assistée de Nebride et quel orphelin n'a point trouvé en lui un père ? Il recevait les prières de tous les évêques d'Orient; il employait ce qu'il demandait à l'empereur à faire des aumônes, à racheter les esclaves et à soulager les malheureux ; et il l'obtenait avec d'autant plus de facilité que l'on savait que ce qui lui était accordé était une grâce pour plusieurs personnes.

Mais pourquoi différer à le dire? " toute la chair n'est que de l'herbe, et sa gloire la fleur de l'Herbe : " la terre est retournée dans la terre ; il, est mort en paix, il a été mis auprès de ses pères plein de lumière et de jours ; et étant parvenu à une heureuse vieillesse, car" les cheveux blancs d'un homme consistent dans sa sagesse, " il a rempli en peu de temps l'espace de plusieurs siècles. Mais il vous a laissé ses ennemis, et une femme qui est un trésor de pureté. Le jeune Nebride, qui reste au monde, est le portrait du mort : la majesté du père. parait dans le fils, et, la conformité de leurs âmes se faisant voir au travers de son corps, on peut dire que ce petit corps est animé d'un grand courage. Il a une soeur qui est un assemblage de lys et de roses et qui, mêlant la beauté de son père avec, les traits de sa mère, est seule une parfaite image de l'un et de l'autre. L'empereur ne fait point de difficulté de la porter à son cou ni l'impératrice, de la tenir entre ses bras. L'humeur de cette petite fille est si douce qu'elle est la joie de toute sa famille. Elle cause, et ses bégaiements rendent ce qu'elle dit plus agréable.

vous avez donc, madame, des enfants à élever, et que vous pouvez, considérer comme votre mari. "Les enfants d'une maison sont un don de la bonté du Seigneur, et le fruit des entrailles est une récompense qui vient de lui seul. " Vous avez deux fils pour un mari que vous avez perdu rendez à ceux-ci ce duc vous deviez à l'autre, et que l'amour duc vous leur portez vous consol, de son absence.

Ce n'est pas peu de chose devant Dieu que de bien élever ses enfants. Ecoutez l'opinion de saint Paul sur ce sujet : " Que celle qui sera choisie pour être mise au rang des veuves n'ait pas moins de soixante ans; qu'elle n'ait eu qu'un mari, et qu'on puisse rendre témoignage de ses bonnes oeuvres, si elle a bien élevé ses enfants, si elle a exercé l'hospitalité, si elle a lavé les pieds des saints, si elle a secouru les affligés, si elle s'est appliquée à toutes sortes d'actions pieuses. " Ne vous étonnez pas de l'âge de soixante ans qu’il demande, et ne croyez pas pour cela qu'il rejette les jeunes veuves: au contraire soyez persuadée que vous serez choisie par celui qui a dit : " Que personne ne vous méprise à cause de votre jeunesse ; " car il a plus d'égard à la pureté qu'à l'âge; autrement toutes les veuves au-dessous de soixante ans devraient se remarier; mais l'Apôtre donnant des conseils à l'Eglise, qui était en ce temps-là dans sa naissance, et pourvoyant aux nécessités de ceux qui la composaient et principalement à celles des pauvres, qui avaient été confiées à ses soins et à ceux de Barnabé, il veut en ce passage que l'on fasse part des biens de l’Eglise aux véritables veuves qui ne peuvent plus travailler de leurs mains et qui ont été éprouvées par leur âge et par leur vie. Le prêtre Héli devient criminel par les péchés de ses enfants, et par conséquent il faut croire que ceux qui demeurent dans la foi et qui s'appliquent aux exercices de charité et de continence rendent leurs pères agréables à Dieu. " Timothée, " dit l'Apôtre, "conservez inviolablement la pureté. "

Ce n'est pas que je craigne rien de mauvais de vous, mais la charité nie porte à vous avertir, parce que vous êtes dans un âge enclin aux plaisirs : croyez donc que ce que je vais dire s'adresse à vos jeunes ans et ne vous regarde point. " La veuve qui vit dans les délices est morte quoiqu'elle paraisse vivante. " C'est l'avis du vaisseau d'élection, et ces paroles viennent du trésor d'où celles-ci sont sorties : " Est-ce que vous voulez éprouver la puissance de Jésus-Christ qui parle par ma bouche? " C'est le témoignage de celui qui connaissait par son expérience particulière la fragilité du corps de l'homme ; " car je n'approuve pas ce que je fais, " disait- il, " parce que je ne fais pas ce que je veux, mais jetais ce que je condamne. C'est pourquoi, " ajoute-t-il ailleurs, " je traite rudement mon corps et je le réduis en servitude, de peur qu'avant prêché aux autres, je ne sois réprouvé (309) moi-même. " Si ce grand apôtre appréhende, qui de nous peut être en sûreté? Si David et Salomon, qui étaient agréables à Dieu l'un et l'autre, ont été vaincus comme des hommes afin que leur défaite nous servit de préservatif et l'exemple de leur pénitence de moyen de nous sauver, qui ne craindra de tomber dans un chemin si glissant?

Que l'on ne serve point à votre table de ces oiseaux qui coûtent tant, et ne croyez pas que ce soit ne manger point de chair que de vous abstenir de manger du lièvre et du cerf, puisque l'on ne mesure pas les animaux par le nombre de leurs pieds, mais par la délicatesse et le plaisir du goût. Je sais bien que saint Paul a dit que " tout ce que Dieu a créé est bon, et que l'on ne doit rien rejeter de ce qui se mange avec actions de grâce; "mais il a dit en un autre endroit : " Il est bon de ne point manger de chair et de ne point boire de vin; " et ailleurs

" Ne vous laissez point aller aux excès du vin, d'où naissent les dissolutions. Tout ce que Dieu a créé est bon. " Ces paroles sont pour les femmes qui, ayant encore leurs maris, travaillent à leur plaire: pour vous qui avez enseveli les plaisirs dans le tombeau du vôtre, qui avez effacé avec vos larmes les parures de votre visage, et qui avez quitté les habits somptueux pour en prendre un de deuil, vous n'avez besoin que de persévérance dans le jeûne. Que la pâleur et la négligence vous tiennent lieu de perles: ne couchez point sur un lit de plumes, et n'échauffez point par les bains un sang déjà échauffé par l'ardeur de la jeunesse. Ecoutez ce qu'un poète païen fait dire à une veuve chaste qui veut demeurer dans la continence : " Celui à qui j'ai été mariée le premier a emporté mon amour avec lui en mourant; qu'il le garde dans son tombeau." Si l'on parle de la sorte d'un verre de nulle valeur et d'une païenne, que doit-on dire d'un diamant de grand prix et d'une veuve chrétienne? si une femme idolâtre rejette les plaisirs par un simple sentiment de la nature, que doit-on attendre d'une dame chrétienne, qu'un époux dans le tombeau et un autre avec qui elle vivra un jour dans le ciel obligent à demeurer dans la continence?

Je vous prie encore une fois de ne pas croire que j'aie dessein de vous offenser par des avis donnés en général à une jeune personne : je vous écris parce que je crains et non pas pour vous faire des reproches, et je voudrais même que vous ignorassiez toujours ce que je crains. La réputation d'une femme est une chose fragile; c'est une fleur dont le moindre vent ternit bientôt la beauté, et particulièrement en un âge enclin aux plaisirs, et lorsque l'on n'est plus sous l'autorité de son mari dont l'ombre seule lui est un asile assuré. Que fait une veuve au milieu d'une famille nombreuse, parmi une foule de valets qu'elle ne doit pas mépriser parce qu'ils sont ses domestiques, mais avec qui elle doit rougir parce qu'ils sont hommes? S'il faut donc que le train d'une maison réponde à sa grandeur, que l'on en donne la conduite à un vieillard de bonnes laceurs et de qui la probité soit digne de celle qui l’aura choisi. Plusieurs femmes dont les maisons n'étaient ouvertes à personne n'ont pas laissé d'être calomniées à l'occasion de quelques domestiques qui passaient pour suspects, soit à cause de leurs Habits somptueux, de leur embonpoint et de leur jeunesse, ou de l'orgueil que leur inspirait l'opinion secrète où ils étaient de n'être pas haïs; car quoiqu'ils cachassent cet orgueil, il paraissait néanmoins quelquefois en traitant leurs égaux comme s'ils eussent été leurs valets. Recevez ceci comme un avis, afin que vous veilliez avec toute sorte de soin sur votre coeur et que vous preniez garde à tout ce que l'on petit inventer à votre préjudice. Que l'on ne voie point auprès de vous de faiseurs d'affaires trop ajustés, de ces comédiens qui joueraient le personnage de femme s'ils étaient sur un théâtre, de musiciens dont les airs empoisonnés sont. le langage de Salan, ni de jeunes Hommes mis avec coquetterie; qu'il n'y ait rien d'efféminé et qui approche de la comédie dans les services qu'on vous rendra. Cherchez de la consolation avec des personnes de votre sexe, avant auprès de vous des veuves et des vierges ; car on juge aussi des maîtresses par les moeurs des servantes. Puisqu'il vous reste encore une mère tris vertueuse et une tante qui n'a jamais été mariée, avec qui vous pouvez vous entretenir avec sûreté, pourquoi vous exposer au danger en recherchant la compagnie des étrangers?

Lisez sans cesse l'Ecriture sainte, et vaquez si souvent a l'oraison qu'elle vous serve comme d'un bouclier pour repousser les mauvaises pensées qui attaquent ordinairement la jeunesse. Il est impossible d'être exempt de ces premiers (310) mouvements qui sont comme les avant-coureurs de la passion et qui, chatouillant notre esprit de l'amorce du plaisir, nous mettent dans l'irrésolution de rejeter la pensée ou de nous y arrêter. De là vient que le Sauveur dit dans l'Évangile : " C'est du coeur que partent les mauvaises pensées, les meurtres, les adultères, les fornications, les larcins, les faux témoignages, les médisances; " ce qui nous apprend que le coeur de l'homme est enclin au final dès sa jeunesse, et que l'âme se trouve partagée entre les désirs de la chair et ceux de l'esprit, se laissant aller tantôt à ceux-ci et tantôt à ceux-là. Personne ne naît exempt de vices, et celui qui en a le moins est sans doute le meilleur. De là vient que le prophète a dit : " J'ai été si troublé que je n'ai pu parler; " et en un autre endroit "Mettez-vous en colère et ne péchez pas. " "Je t'assommerais de coups si je n'étais pas en colère, " dit un jour Archytas de Tarente à un paresseux; car " la colère de l'homme n'accomplit point la justice de Dieu."

Ce que nous avons dit d'une passion peut être appliqué aux autres: comme c'est le propre de l'homme de se mettre en colère et d'un chrétien de ne pas pécher, de même la chair désire ce qui est de la chair, et entraîne l'âme par des amorces dans des plaisirs qui lui donnent la mort; mais nous devons éteindre ces plaisirs dans l'amour de Jésus-Christ, et par le moyen de l'abstinence tenir dans la sujétion un animal qui se révolte. Pourquoi tout cela? pour vous apprendre que vous êtes femme, et par conséquent sujette aux passions si vous ne prenez garde à vous. Nous sommes faits tous d'un même limon, la même concupiscence règne parmi la soie et parmi la bure; elle ne craint point la grandeur des rois et ne méprise point la bassesse des pauvres. Ayez plutôt mal à l'estomac qu'à l'âme; assujettissez plutôt votre corps que souffrir qu'il vous assujettisse.

Ne m'alléguez point le secours de la pénitence, qui est le remède: des malheureux : il faut craindre une blessure qui se guérit avec douleur; il vaut mieux arriver au port dans un vaisseau qui n'ait point été battu de la tempête que s'exposer à être brisé contre les rochers en se sauvant nu sur une planche. En un mot, qu'une veuve ne passe point à un second mariage sous prétexte qu'il est toléré; qu'elle n'écoute point ces paroles de l'Apôtre : " Il vaut

mieux se marier que brûler; " car si l'on ne brûle point, se marier n'aura en soi rien de bon.

Que les hérétiques ne prennent point ici occasion de me calomnier : je sais que le mariage et un lit sans tache méritent d'être honorés; mais je sais aussi qu'Adam n'eut qu'une femme, mime après avoir été chassé du Paradis terrestre. Lamech, homme de sang, de malédiction, et de la race de Caïn, divisa le premier la côte en deux, et cet auteur de la bigamie en fut incontinent puni par le déluge. Il est vrai que saint Paul, craignant la fornication, écrivit en ces termes à Timothée : " J'aime mieux que les jeunes veuves se marient, qu'elles aient des enfants, qu'elles gouvernent leur ménage et qu'elles ne donnent aucun sujet aux ennemis de notre religion de nous l'aire des reproches. " Il en rend aussitôt la raison : " Car déjà quelques unes se sont égarées pour suivre Satan. " Ainsi vous voyez qu'il ne couronne pas celles qui sont demeurées fermes, mais qu'il tend la main à celles qui sont tombées.

Regardez ce que c'est qu'un second mariage, que l'on préfère seulement à un égarement abominable : "Parce que, " dit-il,"quelques-unes se sont égarées pour suivre Satan,, c'est pourquoi il permet à une jeune veuve, qui ne peut pas demeurer dans la continence ou qui ne veut pas le faire, de prendre plutôt un second mari que de suivre le diable. Un second mari est sans doute fort à souhaiter, puisqu'on ne se donne à lui que pour n'être point à Satan. Jérusalem se laissa aussi aller autrefois à la débauche et s'abandonna à tous les passants. Elle cessa en Egypte d'être vierge; mais, étant entrée dans le désert et s'ennuyant de la longueur du chemin, elle reçut des lois qui ne lui étaient pas avantageuses, et de mauvais moyens de justification qui étaient plutôt un châtiment pour elle qu'un secours.

Il ne faut pas s'étonner que les veuves incontinentes, de qui l'Apôtre dit: "La mollesse de leur vie les portant à secouer le joug de Jésus-Christ, elles veulent se remarier, s'engageant ainsi dans la condamnation par le violement de la foi qu'elles lui avaient donnée auparavant, " il ne faut pas, dis-je, s'étonner qu'elles aient obligé saint Paul à permettre les secondes noces. Cette loi, bien loin de leur être avantageuse, est un mauvais moyen de justification, puisqu'en leur (311) laissant la liberté de se marier deux fois, trois fois, et vingt même si elles le voulaient, on leur donne moins des maris qu'on ne les empêche de commettre des adultères.

Je vous dis ceci, ma chère fille, et vous le répète toujours, afin qu'oubliant le passé, vous regardiez l'avenir. Il y a des veuves comme vous dont vous pouvez suivre l'exemple, et entre autres Judith, et Anne, fille de Phanüel, qui demeuraient jour et nuit dans le temple, conservant le trésor de leur pureté par les jeûnes et par les prières. La première, qui est la figure de l’Eglise, coupa la tête au diable, et, l'autre, informée des misères qui devaient s'accomplir, reçut le Sauveur entre ses bras.

Au reste, je vous supplie en finissant cette lettre de croire que si elle n'est pas plus longue, le défaut de paroles ou la stérilité de la matière n'en est pas cause : je crains d'être ennuyeux à une personne que je n'ai point l'honneur de connaître, et j'ai redouté le jugement qu'en feront en secret ceux qui la liront.




Jérôme oeuvres mystiques - PARTIE II. OBLIGATIONS DES SOLITAIRES. A RUSTIQUE.