2002 Magistère Mariage 1733


LETTRE AUX EVEQUES DE L'EGLISE CATHOLIQUE


sur l'accès à la communion eucharistique

de la part des fidèles divorcés remariés

Excellence,


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1.- L'année internationale de la famille offre une occasion particulièrement importante de redécouvrir les témoignages de l'amour et de la sollicitude de l'Eglise envers la famille LF 3 et, en même temps, de proposer à nouveau les inestimables richesses du mariage chrétien qui constitue le fondement de la famille.

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2.- Dans ce contexte, les difficultés et les souffrances des fidèles qui se trouvent en situation matrimoniale irrégulière méritent une attention spéciale FC 79-84. Les pasteurs sont appelés, en effet, à faire sentir la charité du Christ et la proximité maternelle de l'Eglise; qu'ils accueillent avec amour ces personnes, en les exhortant à se confier à la miséricorde de Dieu, et en leur suggérant avec prudence et respect des chemins concrets de conversion et de participation à la vie de la communauté ecclésiale FC 84 LF 3 CEC 1651 .

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3.- Conscients, cependant, que la vraie compréhension et l'authentique miséricorde ne sont jamais séparées de la vérité HV 29 RP 34 VS 95, les pasteurs ont le devoir de rappeler à ces fidèles la doctrine de l'Eglise concernant la célébration des sacrements et, en particulier, l'accès à l'eucharistie. Sur ce point, ont été proposées, dans diverses régions, durant ces dernières années, différentes pratiques pastorales selon lesquelles une admission globale des divorcés remariés à la communion eucharistique ne serait certainement pas possible, mais ils pourraient y accéder dans des cas déterminés, quand, en conscience, il se sentent autorisés à le faire.
Ainsi, par exemple, lorsqu'ils ont été abandonnés tout à fait injustement, bien qu'ils se soient efforcés sincèrement de sauver leur précédent mariage, ou quand ils sont convaincus de la nullité du mariage précédent sans pouvoir la démontrer au for externe, ou lorsqu'ils ont déjà parcouru un long chemin de réflexion et de pénitence, ou encore quand, pour des motifs moralement valables, ils ne peuvent satisfaire à l'obligation de se séparer.
De diverses parts, il a aussi été proposé que, pour examiner objectivement leur situation effective, les divorcés remariés devraient nouer un colloque avec un prêtre prudent et expert. Ce prêtre cependant serait tenu de respecter leur éventuelle décision de conscience d'accéder à l'eucharistie, sans que cela implique une autorisation officielle.
Dans ces cas et d'autres semblables, il s'agirait d'une pratique pastorale tolérante et bienveillante visant à rendre justice aux situations diverses des divorcés remariés.

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4.- Même si l'on sait que des solutions pastorales analogues furent proposées par certains Pères de l'Eglise et entrèrent en quelque mesure dans la pratique, elles ne recueillirent jamais le consensus des Pères et n'en vinrent jamais à constituer la doctrine commune de l'Eglise, ni à en déterminer la discipline. C'est au Magistère universel de l'Eglise qu'il revient, en fidélité à la sainte Ecriture et à la tradition, d'enseigner et d'interpréter authentiquement le dépôt de la foi.
Face aux nouvelles solutions pastorales mentionnées ci- dessus, cette congrégation juge donc qu'elle a le devoir de rappeler la doctrine et la discipline de l'Eglise à ce sujet. Celle-ci, fidèle à la parole de Jésus-Christ Mc 10,11-12, affirme qu'elle ne peut reconnaître comme valide une nouvelle union, si le mariage précédent l'était. Si les divorcés se sont remariés civilement, ils se trouvent dans une situation qui contrevient objectivement à la loi de Dieu et, dès lors, ils ne peuvent pas accéder à la communion eucharistique, aussi longtemps que persiste cette situation CEC 1650 DS 1797-1812

Cette norme n'a aucun caractère punitif ni certes discriminatoire à l'égard des divorcés remariés, mais elle exprime plutôt une situation objective qui par elle-même rend impossible l'accès à la communion eucharistique: "Ils se sont rendus eux-mêmes incapables d'y être admis, car leur état et leur condition de vie sont en contradiction objective avec la communion d'amour entre le Christ et l'Eglise, telle qu'elle s'exprime et est rendue présente dans l'eucharistie. Il y a par ailleurs un autre motif pastoral particulier: si l'on admettait ces personnes à l'eucharistie, les fidèles seraient induits en erreur et comprendraient mal la doctrine de l'Eglise concernant l'indissolubilité du mariage FC 84.
Pour les fidèles qui se trouvent dans une telle situation matrimoniale, l'accès à la communion eucharistique sera ouvert uniquement par l'absolution sacramentelle qui ne peut être donnée "qu'à ceux qui se sont repentis d'avoir violé le signe de l'Alliance et de la fidélité au Christ, et sont sincèrement disposés à une forme de vie qui ne soit plus en contradiction avec l'indissolubilité du mariage. Cela implique concrètement, lorsque l'homme et la femme ne peuvent pas, pour de graves motifs
par exemple l'éducation des enfants -, remplir l'obligation de la séparation, qu'ils prennent l'engagement de vivre en complète continence, c'est- à-dire en s'abstenant des actes réservés aux époux FC 84" (1). Dans ce cas, ils peuvent accéder à la communion eucharistique, l'obligation d'éviter le scandale demeurant toutefois. (1)( - Homélie pour la clôture du 6ème synode des évêques n. 7.)

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5.- La doctrine et la discipline de l'Eglise en la matière ont été amplement exposées durant la période postconciliaire dans l'exhortation apostolique Familiaris consortio. L 'exhortation rappelle, entre autres, aux pasteurs que, par amour de la vérité, ils sont tenus à bien discerner les diverses situations; elle les exhorte à encourager la participation des divorcés remariés à divers moments de la vie de l'Eglise. En même temps, elle rappelle la pratique constante et universelle, "fondée sur la Sainte Ecriture, de ne pas admettre à la Communion eucharistique les divorcés remariés" FC 84 en indiquant les motifs. La structure de l'exhortation et la teneur de ses paroles font comprendre clairement que cette pratique, présentée comme obligatoire, ne peut être changée sur la base des différentes situations.

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6.- Le fidèle qui vit habituellement more uxorio avec une personne qui n'est pas sa femme légitime ou son mari légitime, ne peut accéder à la communion eucharistique. Si ce fidèle jugeait possible de le faire, les pasteurs et les confesseurs auraient, étant donné la gravité de la matière ainsi que les exigences du bien spirituel de la personne 1Co 11,27-29 et du bien commun de l'Eglise, le grave devoir de l'avertir qu'un tel jugement de conscience est en opposition patente avec la doctrine de l'Eglise CIC 978 Par. 2. Ils doivent aussi rappeler cette doctrine dans l'enseignement à tous les fidèles qui leur sont confiés.
Ceci ne signifie pas que l'Eglise n'ait pas à coeur la situation de ces fidèles, qui, du reste, ne sont en rien exclus de la communion ecclésiale. Elle se préoccupe de les accompagner pastoralement et de les inviter à participer à la vie ecclésiale dans la mesure où cela est compatible avec les dispositions du droit divin, dont l'Eglise ne dispose d'aucun pouvoir de dispense CEC 1640. D'autre part, il est nécessaire d'éclairer les fidèles intéressés, afin qu'ils ne considèrent pas que leur participation à la vie de l'Eglise se réduit exclusivement à la question de la réception de l'eucharistie. Il faut aider les fidèles à approfondir leur compréhension de la valeur de leur participation au sacrifice du Christ dans la messe, de la communion spirituelle (CONGREGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Lettre aux évêques de l'Eglise catholique sur quelques questions concernant le ministre de l'eucharistie, III/4: AAS 75 (1983), 1007; THERESE D'AVILA, Chemin de perfection, 35, 1; ALPHONSE DE LIGUORI, Visite al SS. Sacramento e a Maria Santissima.), de la prière, de la méditation de la Parole de Dieu, des oeuvres de charité et en faveur de la justice. FC 84

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7.- La conviction erronée, de la part d'un divorcé remarié, de pouvoir accéder à la communion eucharistique présuppose normalement que l'on attribue à la conscience personnelle le pouvoir de décider, en dernière analyse, sur la base de sa propre conviction VS 55, de l'existence ou de la non-existence du précédent mariage et de la valeur de la présente union. Mais on ne peut admettre pareille attribution CIC 1085 Par. 2. En effet, le mariage, en tant qu'image de l'union sponsale entre le Christ et son Eglise et noyau de base et facteur important de la vie de la société civile, est essentiellement une réalité publique.

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8.- Il est vrai que le jugement sur ses propres dispositions pour accéder à l'eucharistie doit être formulé par la conscience morale adéquatement formée. Mais il est tout aussi vrai que le consentement, par lequel est constitué le mariage, n'est pas une simple décision privée, puisqu'il crée pour chacun des époux et pour le couple une situation spécifiquement ecclésiale et sociale. Dès lors, le jugement de la conscience sur sa propre situation matrimoniale ne regarde pas seulement un rapport immédiat entre l'homme et Dieu, comme si on pouvait se passer de cette médiation ecclésiale qui inclut également les lois canoniques qui obligent en conscience. Ne pas reconnaître cet aspect essentiel signifierait nier en fait que le mariage existe comme réalité d'Eglise, c'est-à-dire comme sacrement.

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9 - D'autre part, l'exhortation Familiaris consortio, quand elle invite les pasteurs à bien distinguer les diverses situations des divorcés remariés, rappelle aussi le cas de ceux qui sont subjectivement certains, en conscience, que le mariage précédent, irréparablement détruit, n'a jamais été valide FC 84. Il faut certainement discerner à travers la voie du for externe, établie par l'Eglise, s'il y a objectivement une telle nullité du mariage. La discipline de l'Eglise, tout en confirmant la compétence exclusive des tribunaux ecclésiastiques dans l'examen de la validité du mariage de catholiques, offre également de nouvelles voies pour démontrer la nullité de l'union précédente, afin d'exclure le plus possible quelque discordance que ce soit entre la vérité vérifiable dans le procès et la vérité objective connue par la conscience droite CIC 1536 Par 2 et CIC 1679 CIO 1217 Par. 2 et CIO 1365
S'en tenir au jugement de l'Eglise et observer la discipline en vigueur sur le caractère obligatoire de la forme canonique comme nécessaire pour la validité des mariages de catholiques est ce qui sert vraiment le bien spirituel des fidèles intéressés. En effet, l'Eglise est le Corps du Christ, et vivre dans la communion ecclésiale est vivre dans le Corps du Christ et se nourrir du Corps du Christ. En recevant le sacrement de l'eucharistie, la communion avec le Christ-tête ne peut jamais être séparée de la communion avec ses membres, c'est-à-dire avec son Eglise. C'est pourquoi, le sacrement de notre union avec le Christ est aussi le sacrement de l'unité de l'Eglise. Recevoir la communion eucharistique quand on est en contraste avec les normes de la communion ecclésiale est donc une chose contradictoire en soi. La communion sacramentelle avec le Christ inclut et présuppose l'observation, même si celle-ci est parfois difficile, de l'ordonnance de la communion ecclésiale et ne peut être juste et fructueuse si le fidèle, tout en voulant se rapprocher directement du Christ, ne respecte pas cette ordonnance.

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10 - En accord avec ce qui a été dit jusqu'à présent, il faut réaliser pleinement le désir exprimé par le Synode des évêques, que le Saint-Père Jean Paul II a fait sien, et qui est mis en oeuvre par un engagement et des initiatives remarquables de la part d'évêques, de prêtres, de religieux et de fidèles laïcs: avec une charité empressée, faire tout ce qui peut fortifier dans l'amour du Christ et de l'Eglise les fidèles qui se trouvent dans des situations matrimoniales irrégulières. C'est seulement ainsi qu'il leur sera possible d'accueillir pleinement le message du mariage chrétien et de supporter dans la foi la souffrance impliquée dans leur situation. Dans l'action pastorale, tout doit être mis en oeuvre pour faire bien comprendre qu'il ne s'agit aucunement de discrimination, mais seulement de fidélité absolue à la volonté du Christ qui nous a redonné et confié de nouveau l'indissolubilité du mariage comme don du Créateur. Les pasteurs et la communauté des fidèles devront nécessairement souffrir et aimer avec les intéressés, pour que ceux-ci reconnaissent, même au sein de leur difficulté, le joug facile et le fardeau léger de Jésus Mt 11,30 Leur fardeau n'est pas doux et léger parce que petit ou insignifiant, mais il devient léger parce que le Seigneur - et avec lui toute l'Eglise - y prend sa part. L'action pastorale qui doit être menée avec un dévouement total se doit de fournir cette aide fondée dans la vérité et aussi dans l'amour.
Uni avec vous dans l'engagement collégial à faire resplendir la vérité de Jésus-Christ dans la vie et la pratique de l'Eglise, je vous prie d'agréer, Excellence, l'expression de tout mon dévouement dans le Seigneur.

JOSEPH CARD. RATZINGER,
préfet.


ALBERTO BOVONE,
archevêque titulaire de Césarée de Numidie,
secrétaire.


Au cours d'une audience accordée au cardinal préfet, Sa Sainteté le pape Jean Paul II a approuvé la présente lettre, élaborée en réunion ordinaire de la Congrégation, et en a ordonné la publication.

A Rome, au siège de la Congrégation, pour la doctrine de la foi, le 14 septembre 1994, en la fête de l'Exaltation de la Croix.




LA PASTORALE DES DIVORCES REMARIES


Dans la matinée du vendredi 24 janvier 1997, le pape Jean Paul II a reçu en audience les participants à la XIIIème assemblée plénière du Conseil pontifical pour la famille, réunie au Vatican. Au cours de la rencontre le Saint-Père leur a adressé le discours suivant.


Messieurs les cardinaux,
bien-aimés frères dans l'épiscopat,
chers frères et soeurs

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1 - Je suis heureux de vous accueillir et de vous saluer à l'occasion de l'assemblée plénière du Conseil pontifical pour la famille. Je remercie le cardinal-président Alfonso LOPEZ TRUJILLO, pour les paroles aimables avec lesquelles il a voulu commencer cette rencontre qui revêt une grande importance. En effet, le thème de votre réflexion - "La pastorale des divorcés remariés" - est aujourd'hui au centre de l'attention et des préoccupations de l'Eglise et des pasteurs chargés du soin des âmes, qui ne cessent de prodiguer leurs attentions pastorales à ceux qui souffrent en raison des situations difficiles que vit leur famille.
L'Eglise ne peut pas rester indifférente face à ce douloureux problème, qui concerne tant de ses fils. Dans l'exhortation apostolique Familiaris consortio, je reconnaissais déjà que, puisqu'il s'agit d'un fléau qui frappe également toujours davantage les milieux catholiques, "il faut d'urgence affronter ce problème avec la plus grande sollicitude " FC 84. L'Eglise, Mère et Maîtresse, cherche le bien et le bonheur des foyers domestiques et lorsque Ceux- ci sont détruits, quel qu'en soit le motif, elle en souffre et cherche à y apporter une solution en accompagnant Ces personnes par un suivi pastoral, en complète fidélité aux enseignements du Christ.

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2 - Le Synode des évêques de 1980 sur la famille a pris en considération cette situation difficile et a indiqué les orientations pastorales opportunes en ces circonstances précises. Dans l'exhortation apostolique Familiaris consortio, tenant compte des réflexions des Pères synodaux, j'écrivais: "L'Eglise, en effet, instituée pour mener au salut tous les hommes, et en particulier les baptisés, ne peut pas abandonner à eux-mêmes ceux qui - déjà unis par les liens du sacrement de mariage - ont voulu passer a d'autres noces. Elle doit donc s'efforcer, sans se lasser, de mettre à leur disposition les moyens de salut qui sont les siens" FC 84

C'est dans ce cadre tout à fait pastoral, comme vous l'avez clairement montré dans la présentation des travaux de cette assemblée plénière, que se situent les réflexions de votre rencontre, qui cherchent à aider les familles à découvrir la grandeur de leur vocation baptismale et à vivre les oeuvres de piété, de charité et de pénitence. L'assistance pastorale présuppose cependant que la doctrine de l'Eglise, clairement exprimée dans le Catéchisme, soit reconnue. "Il n'est pas au pouvoir de l'Eglise de se prononcer contre cette disposition de la sagesse divine" CEC 1640

Que tous ces hommes et toutes ces femmes sachent que l'Eglise les aime, qu'elle n'est pas éloignée d'eux et souffre de leur situation. Les divorcés remariés sont et demeurent ses membres, car ils ont reçu le baptême et ils conservent la foi chrétienne. Certes, une nouvelle union après le divorce constitue un désordre moral, qui contraste avec les exigences précises dérivant de la foi, mais cela ne doit pas faire obstacle à l'engagement de la prière ni au témoignage actif de la charité.

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3 - Comme je l'ai écrit dans l'exhortation apostolique Familiaris consortio, les divorcés remariés ne peuvent pas être admis à la communion eucharistique: "car leur état et leur condition de vie sont en contradiction objective avec la communion d'amour entre le Christ et l'Eglise, telle qu'elle s'exprime et est rendue présente dans l'eucharistie" FC 84. Et cela, en vertu de l'autorité même du Seigneur, Pasteur des pasteurs, qui cherche toujours ses brebis. Cela vaut également pour la pénitence, dont la signification double et unitaire de conversion et de réconciliation est contredite par la condition de vie des divorcés remariés qui restent dans la même situation.
Toutefois, des chemins pastoraux appropriés ne manquent pas pour aller à la rencontre de ces personnes. L'Eglise voit leur souffrance et les graves difficultés dans lesquelles elles se débattent, et dans sa charité maternelle elle s'inquiète pour elles, tout autant que pour les enfants de leur précédent mariage: privés du droit inné à la présence de leurs deux parents, ils sont les premières victimes de ces événements douloureux.
Il faut tout d'abord urgemment mettre en oeuvre une pastorale de préparation et de soutien opportun des couples au moment de la crise. L'annonce du don et du commandement du Christ est en jeu. Les pasteurs, les curés en particulier, doivent, d'un coeur ouvert, accompagner et soutenir ces hommes et ces femmes en leur faisant comprendre que, même s'ils n'ont pas respecté le lien du mariage, ils ne doivent pas désespérer de la grâce de Dieu, qui veille sur leur chemin. L'Eglise ne cesse d'"inviter ses fils qui se trouvent dans ces situations douloureuses à s'approcher de la miséricorde divine par d'autres chemins... tant qu'ils ne remplissent pas les conditions requises" RP 34. Les pasteurs "sont appelés, en effet, à faire sentir la charité du Christ et la proximité maternelle de l'Eglise; qu'ils accueillent avec amour ces personnes, en les exhortant à se confier à la miséricorde de Dieu, et en leur suggérant avec prudence et respect des chemins concrets de conversion et de participation à la vie de la communauté ecclésiale" (Lettre de la Congrégation pour la doctrine de la foi sur l'accès â la communion eucharistique de la part des fidèles divorcés remariés, 13.10.1994, n 2, cf. ORLF, n. 42, du 18.10.1994). Le Seigneur, animé par la miséricorde, va à la rencontre de tous ceux qui en ont besoin, avec dans le même temps l'exigence de la vérité et l'huile de la charité.

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4 - Comment ne pas suivre avec inquiétude la situation des nombreuses personnes qui, en particulier dans les pays économiquement développés, vivent dans une condition d'abandon à cause de leur séparation, surtout s'il s'agit de personnes à qui l'on ne peut pas reprocher l'échec du mariage?
Lorsque le couple en situation irrégulière revient à la pratique chrétienne, il est nécessaire de l'accueillir avec charité et bienveillance, en l'aidant à éclaircir l'état concret de sa condition, a travers un travail pastoral clair et illuminant. Cette pastorale d'accueil fraternel et évangélique est d'une grande importance pour ceux qui avaient perdu le contact avec l'Eglise: c'est le premier pas pour les insérer dans une pratique chrétienne. Il faut les rapprocher de l'écoute de la Parole de Dieu et de la prière, les insérer dans les oeuvres de charité que la communauté chrétienne accomplit à l'égard des pauvres et des indigents et encourager l'esprit de repentir par des oeuvres de pénitence qui préparent leur coeur à accueillir la grâce de Dieu.
Un chapitre très important concerne la formation humaine et chrétienne des enfants de la nouvelle union. Leur faire connaître tout le contenu de la sagesse de l'Evangile, selon l'enseignement de l'Eglise, est une oeuvre qui prépare merveilleusement les coeurs des parents a recevoir la force et la clarté nécessaire pour surmonter les difficultés réelles qui se trouvent sur leur route et pour retrouver la pleine transparence du mystère du Christ que le mariage chrétien signifie et réalise. Une tâche particulière, difficile mais nécessaire, revient également aux autres membres qui font également partie, de façon plus ou moins proche, de la famille. A travers une proximité qui ne doit pas être confondue avec de la condescendance, ils doivent venir en aide à leurs proches et, en particulier, aux enfants qui en raison de leur jeune âge sont davantage frappés par les conséquences des choix de leurs parents.
Chers frères et soeurs, la recommandation qui jaillit aujourd'hui de mon coeur est d'avoir confiance en tous ceux qui vivent des situations si dramatiques et douloureuses. Il ne faut jamais cesser d'" espérer contre toute espérance" Rm 4,18 que ceux qui se trouvent dans une situation, qui n'est pas conforme à la volonté du Seigneur puissent eux aussi obtenir le salut de Dieu, s'ils savent persévérer dans la prière, dans la pénitence et dans l'amour véritable.

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5 - Pour finir, je vous remercie de votre collaboration à la préparation de la seconde Rencontre mondiale des familles, qui aura lieu à Rio de Janeiro, les 4 et 5 octobre prochains. J'adresse aux familles du monde entier mon invitation paternelle à préparer cette rencontre, dans la prière et dans la réflexion. Pour les foyers qui ne pourront pas se rendre à ce rendez-vous, je sais qu'un instrument utile pour tous a été préparé: il s'agit de catéchèses qui serviront à éclairer les groupes paroissiaux, les associations, les mouvements familiaux, en encourageant une réflexion appropriée sur les grands thèmes concernant la famille.
Je vous assure de mon souvenir dans la prière, afin que vos travaux contribuent à restituer au sacrement du mariage tout le contenu de joie et de fraîcheur éternelle que le Seigneur lui a conféré, en l'élevant à la dignité de sacrement.
En vous souhaitant d'être des témoins généreux et attentifs de la sollicitude de l'Eglise pour les familles, je vous donne de tout coeur ma bénédiction, que j'étends volontiers à toutes les personnes qui vous sont chères.



LA FIDELITE DANS LA VERITE


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La lettre de la Congrégation pour la doctrine de la foi, rendue publique aujourd'hui, expose son contenu dans un style si limpide et immédiat qu'elle n'a pas besoin, en elle-même, d'une explication particulière. Divisée en dix numéros, la lettre s'articule en trois parties. La première est constituée par une brève introduction, qui place le problème spécifique affronté, dans le contexte de la sollicitude pastorale de l'Eglise en ce qui concerne le mariage et la famille n. 1-2 . La deuxième partie - la plus longue n. 3-9 - est la principale: face à des solutions pastorales "tolérantes et bienveillantes" n. 3 , la lettre réaffirme et justifie la position doctrinale et disciplinaire de l'Eglise sur l'accès des fidèles divorcés remariés à la communion eucharistique n. 4-5 ; c'est une position qui doit inspirer et guider le ministère des pasteurs et des confesseurs n. 6 , par rapport au jugement de la conscience personnelle sur une situation matrimoniale qui possède une dimension ecclésiale essentielle n. 7-9 . La dernière partie de la lettre est une conclusion, qui invite tout le monde à une action pastorale fondée à la fois sur la vérité et sur l'amour.

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Appelés à faire sentir la charité du Christ.

L'Eglise, qui depuis toujours porte une attention pastorale au mariage et à la famille, trouve dans l'année internationale de la famille une occasion particulièrement importante "de proposer à nouveau les inestimables richesses du mariage chrétien qui constituent le fondement de la famille" n. 1 . Ce sont précisément ces "richesses" qui rendent plus aigu et urgent le problème des difficultés et des souffrances des fidèles qui se trouvent dans des situations matrimoniales irrégulières. Le problème concerne aussi les pasteurs, qui sont "appelés à faire sentir la charité du Christ et la proximité maternelle de l'Eglise" n. 2 .
Par ces brèves paroles, à la fois humbles et élevées, est indiqué le principe fondateur et le critère originel et décisif de l'action pastorale de l'Eglise: la charité du Christ, et plus précisément la charité que le Seigneur Jésus donne à l'Eglise par l'effusion de l'Esprit, la constituant et la confirmant comme son Epouse et la Mère des chrétiens. L'exhortation Familiaris consortio, en invitant à affronter ces problèmes "à la mesure du Coeur du Christ" FC 65, rappelait déjà, avec une simplicité évangélique et, précisément pour cette raison, avec une clarté et une précision sans équivoque, l'unique véritable critère de la pastoralité: en Jésus-Christ, et par conséquent dans son Eglise, la charité n'est jamais séparée de la vérité, parce que la vérité se présente comme source et fruit de la charité même. Comme le dit l'Apôtre, la charité " ne se réjouit pas de l'injustice, mais elle met sa joie dans la vérité" 1Co 13,6 C'est dans cette perspective, que proposait d'ailleurs déjà Paul VI dans l'encyclique Humanae vitae et Jean Paul II dans l'exhortation Reconciliato et paenitentia et dans l'encyclique Veritatis splendor, que la lettre redit une fois encore que "la vraie compréhension et l'authentique miséricorde ne sont jamais séparées de la vérité" n. 3 .

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En découle immédiatement le devoir précis des pasteurs de rappeler aux fidèles qui se trouvent dans une situation matrimoniale irrégulière "la doctrine de l'Eglise concernant la célébration des sacrements et, en particulier, l'accès à l'eucharistie". En revanche, tout le monde connaît la pratique pastorale suivie "dans diverses régions, ces dernières années": si l'on exclut une admission générale des divorcés remariés à la communion eucharistique, leur accès est cependant admis "dans des cas déterminés, quand, en conscience, ils se sentent autorisés à le faire" n. 3 .
Quels sont ces cas? La lettre ne veut absolument pas en faire une liste exhaustive. Elle se limite à quelques exemples, qui sont en outre les plus fréquents et les plus cités. Ce sont les cas: 1) du conjoint injustement abandonné, malgré son effort sincère pour sauver le mariage; 2) de la personne qui est convaincue de la nullité du précédent mariage, même si elle ne peut pas le démontrer au for externe; 3) de ceux qui ont déjà "parcouru un long chemin de réflexion et de pénitence"; 4) de qui ne peut satisfaire à l'obligation de la séparation pour des raisons moralement valables. La "solution pastorale " qui a été proposée par certains comme "tolérante et bienveillante", en appelle fondamentalement au jugement en conscience des divorcés remariés eux-mêmes, qui ont examiné leur situation réelle à travers un "colloque avec un prêtre prudent et expert": en particulier, ce dernier "serait tenu de respecter leur éventuelle décision de conscience d'accéder à l'eucharistie, sans que cela implique une autorisation officielle" n. 3 .

1763Index Table

La doctrine et 1a discipline de l'Eglise.

Face à ces "nouvelles propositions pastorales ", la Congrégation estime qu'il est de son devoir de rappeler la doctrine et la discipline de l'Eglise en la matière, en partant du présupposé que c'est "au Magistère universel de l'Eglise qu'il revient, en fidélité à la sainte Ecriture et à la tradition, d'enseigner et d'interpréter authentiquement le dépôt de la foi" n. 4 . Dans la citation rapportée ci- dessus, il faut relever le terme "fidélité" qui revient tout de suite après "Fidèle à la parole de Jésus-Christ, (l'Eglise) affirme..."C'est un terme ô combien éloquent, chargé d'une valeur théologique d'une profondeur particulière. C'est une référence, implicite mais claire, à l'Eglise en tant qu'"épouse" du Christ, et c'est précisément pour cela qu'il l'a enrichie de la grâce et du commandement de la fidélité. Or la première fidélité réside dans l'écoute de la parole du Christ - de la parole qui est le Christ lui- même - dans l'accueil de l'Evangile: l'Eglise est disciple de la Vérité et, dans la mesure où elle l'est, elle devient Maîtresse. L'Eglise est même "épouse vierge", dans laquelle la virginité dit la fidélité à la doctrine du Christ accueillie dans son intégralité, dans sa pureté. A la racine, se trouve l'amour obéissant de l'Eglise pour le Christ son Epoux et Seigneur.
Aujourd'hui, c'est dans la fidélité à la parole de Jésus- Christ que l'Eglise "affirme qu'elle ne peut reconnaître comme valide une nouvelle union, si le mariage précédent l'était. Si les divorcés se sont remariés civilement, ils se trouvent dans une situation qui contrevient objectivement à la loi de Dieu et, dès lors, ils ne peuvent pas accéder à la communion eucharistique, aussi longtemps que persiste cette situation" n. 4 . La doctrine concerne donc: - 1) l'indissolubilité du mariage Mc 10,11-12, - 2) la contradiction objective entre la situation des divorcés remariés et la loi de Dieu, - 3) l'impossibilité pour eux d'accéder à l'eucharistie.

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Cette dernière affirmation se présente comme une norme: une norme qui découle de la vérité et qui exprime les exigences de vie que contient la vérité; une norme qui lie la liberté à la vérité qui doit se faire jour. Dans notre cas, la norme naît de la double vérité des sacrements et de la situation de vie des divorcés remariés. Les sacrements de Jésus-Christ possèdent leur vérité, ou plutôt une signification ou logos qui est leur, et exigent par conséquent d'être célébrés en cohérence avec ce logos. La vérité existentielle des divorcés remariés est celle d'une condition de vie qui comporte et le divorce et le nouveau mariage civil: en tant que divorcés ils ont brisé (ont "tenté" de briser) le lien conjugal indissoluble, en tant que remariés ils ont reconstruit (ont "tenté" de reconstruire) un nouveau lien conjugal. A ce point résulte immédiatement, de la confrontation de ces deux vérités leur contradiction, leur incompatibilité. En effet, la signification des sacrements, c'est-à-dire la pleine communion avec le Christ et avec l'Eglise, est contredite par sa signification présente dans la vie des divorcés remariés qui, en ce qui concerne la "rupture" du lien conjugal et l'"institutionalisation" de cette "rupture" par la nouvelle union, ne sont pas dans la pleine communion avec le Christ et avec l'Eglise. Donner les sacrements aux divorcés remariés qui restent tels signifie mettre en pratique un "langage sacramentel" qui est démenti par le "langage existentiel", si bien que les signes sacramentels finissent par dire le "contraire" de leur "véritable" contenu et qu'ils se présentent donc comme des signes "faux et falsificateurs".

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En ce sens, la norme rappelée n'est pas extrinsèque, elle n'a pas non plus de "caractère punitif ni discriminatoire à l'égard des divorcés remariés", mais elle est intrinsèque, dans la mesure où elle jaillit de la nature même des sacrements et de leur signification. Comme l'écrit Jean Paul II dans l'exhortation Familiaris consortio, ce sont les divorcés remariés qui ne peuvent pas être admis à la communion eucharistique "car leur état et leur condition de vie sont en contradiction objective avec la communion d'amour entre le Christ et l'Eglise, telle qu'elle s'exprime et est rendue présente dans l'eucharistie" FC 84.
Comme on peut aisément le comprendre, ce qui est en question, c est encore la fidélité de l'Eglise épouse, qui se réalise non seulement dans la doctrine mais aussi dans la pratique. L'Eglise est fidèle au Christ qui se rend présent dans la Parole et dans le sacrement, et elle obéit à son enseignement et à son commandement. La fidélité de l'Eglise est unique et identique: à la vérité et à ses implications de vie. En particulier, c'est précisément dans la célébration des sacrements que se réalise la fidélité magistérielle de l'Eglise, comme le relève Familiaris consortio: "Si l'on admettait ces personnes â l'eucharistie, les fidèles seraient induits en erreur et comprendraient mal la doctrine de l'Eglise concernant l'indissolubilité du mariage" FC 84.

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2002 Magistère Mariage 1733