Textes du magistère - Clemens episcopus servus servorum Dei



2.- L'assemblée du clergé de france au pape CLÉMENT XI

(Procès-verbal de l'Assemblée du Clergé du 5 février 1714.)

(Bib. Nat. L5d 405).



Les cardinaux, archevêques et évêques, assemblés à Paris pour la réception de la Bulle, adressent au pape Clément XI la lettre suivante par laquelle ils déclarent accepter avec respect et obéissance " cette excellente et solennelle Constitution. " Ils s'engagent à la faire recevoir avec le même esprit par les fidèles. Ils ont rédigé, à cet effet, un modèle d'Instruction pastorale 1 pour détruire les erreurs condamnées et mettre fin aux disputes sur les propositions qui contiennent ces erreurs. Ils ont résolu d'exhorter les archevêques et évêques qui n'ont point assisté à l'Assemblée à faire publier également cette instruction dans leurs diocèses.


1. Nous avons reproduit en notes, dans les pages qui précèdent, d'importants passages de cette Instruction.



A notre très Saint Père le Pape Clément XI.


Très Saint Père,


Ce qu'un de nos plus pieux et plus sçavants Évêques 2 écrivoit autrefois à l'un de vos plus illustres prédécesseurs " qu'il lui répondoit de la soumission entière de l'Église de France à accepter les décisions du Siège apostolique en ce qui concerne la Foi ", nous l'écrivons aujourd'hui à Votre Sainteté en lui renouvellant avec joie les mêmes protestations de respect et d'obéissance. La conjoncture présente des tems nous oblige à nous acquitter de ce devoir et nous y sommes particulièrement engagés par cette excellente et solemnelle Constitution, dressée avec tant de soin et de travail que votre Sainteté vient de publier.


2. Avitus, arch. de Vienne, au pape Hormidas.


Aussitôt qu'elle eût été présentée au Roi, Sa Majesté, suivant le mouvement de son zèle toujours vif et ardent pour la défense de la foi catholique, donna ses ordres pour faire assembler tous les Évêques qui se trouvaient pour lors à Paris et tous ceux qui pourroient s'y rendre dans la suite, afin que, conférants ensemble, ils prissent avec plus d'attention les mesures nécessaires pour accepter cette Constitution avec tout le respect qui lui est dû. L'Assemblée s'est tenue dans cette ville sans aucun délai ainsi que le demandoit l'importance de cette affaire et elle a été composée d'un nombre très considérable de Prélats. Nous conformants aux exemples de nos prédécesseurs et remplis du même zèle qu'ils ont témoigné pour le Siège apostolique. Nous avons reçu avec la même déférence et la même vénération la dernière Bulle de Votre Sainteté.


Nous ne serons pas moins fidèles à l'obligation que nous impose notre ministère de la faire recevoir dans le même esprit et avec la même sincérité par tous ceux que la Providence a confiés à nos soins.


Pour parvenir plus sûrement à cette fin, nous avons arrêté dans notre Assemblée un modèle uniforme d'Instruction pastorale que nous devons publier en commun, ce qui nous a paru le moïen le plus propre et le plus efficace non seulement pour détruire et pour déraciner les erreurs qui viennent d'être notées d'une si juste Censure, mais aussi pour ôter aux esprits remuants et avides de nouveautés toute occasion de dispute et de chicane sur les propositions qui contiennent ces erreurs.


Cette Instruction pastorale sera donc comme une espèce de rempart et de digue opposée aux interprétations fausses et contraires au véritable sens de la Constitution, par lesquelles des hommes pervers s'efforcent en vain de frustrer l'Église des grands et heureux fruits qu'elle espère avec confiance et qu'elle commence déjà à recueillir de ce Décret apostolique.


Nous avons eu aussi le soin et l'attention d'exhorter par une Lettre circulaire les autres Archevêques et Évêques de ce Royaume de vouloir bien adopter cette Instruction et de la faire publier par leur autorité chacun dans leur diocèse ; car il paraît juste et même nécessaire que ceux qui sont inviolablement unis par les mêmes sentimens et par le même attachement à la Foi de l'Église Romaine s'expliquent de la même manière et tiennent ouvertement le même langage.


On peut dire avec vérité, très Saint Père, que Votre Sainteté a terrassé sans ressource et avec éclat la doctrine des Novateurs de ce temps et qu'elle n'a pas moins apporté de soin à découvrir leurs erreurs qu'ils avaient employé d'adresse à les déguiser et à les répandre imperceptiblement. Abusants des oracles de l'Écriture et des saints Pères, ils présentoient le poison dans un livre où le commun des fidèles qui le recevoit sans défiance espéroit ne trouver que le pur aliment de la parole de Dieu.


" Il ne nous reste plus très Saint Père, qu'à rendre au Seigneur, notre Dieu, d'éternelles actions de grâces et à lui adresser des prières pleines de reconnoissance d'avoir donné au Siège apostolique, à ce Siège d'où nous avons reçu par la miséricorde de Jésus-Christ la Religion que nous professons, un Pontife d'une si sincère piété, d'une foi si fervente et d'une si profonde doctrine. Il ne reste plus enfin qu'à lui demander que, pour l'édification des Églises et des fidèles, il prolonge les jours de Clément XI et qu'il conserve longtemps à l'Église universelle le don qu'il lui a fait d'un si digne chef. Pour nous, très Saint Père, quoique notre mérite devant Dieu soit inférieur au vôtre, remplis cependant de la même foi qui vous anime, nous sommes prêts moïennant le secours du Seigneur, à sacrifier nos vies avec votre Béatitude pour la défense de la vérité. " 1 Tels sont les sentiments que nous faisons gloire d'avoir, à l'imitation de nos Prédécesseurs, sur la Foi catholique et sur le respect dû au Saint-Siège.


1. Lettre synodale des évêques de France à saint Léon pape, tome I des Conciles de France, p. 94.



Très Saint Père,


de Votre Sainteté


Les très dévouez et très obéissans fils les Cardinaux, Archevêques et Évêques de France, assemblez dans la ville de Paris.

† ARMAND GASTON, Cardinal de Rohan, évêque et prince de Strasbourg, Président.

† LÉON PP., Archevêque de Bourges.

† FRANÇOIS DE MAILLY, Archevêque de Reims.

† ARMAND, Archevêque de Bordeaux.

† CLAUDE MAUR, archevêque de Rouen.

† CHARLES, Archevêque d'Aix.

RENÉ F., Archevêque de Toulouse.

† JACQUES, ci-devant évêque de Riez nommé Archevêque d'Auch.

CHARLES FRANÇOIS, Évêque de Coutance.

HUMBERT, ancien Évêque de Tulles.

F. B. DE SILLERY, Évêque de Soissons.

FRANÇOIS, Évêque de Vannes.

PIERRE DANIEL, ancien Évêque d'Avranches.

DOMINIQUE B., Évêque de Sées.

JEAN, Évêque d'Évreux.

CHARLES FRANÇOIS D'HALLENCOURT, Évêque d'Autun.

HENRI AUGUSTIN, Évêque de Xaintes.

CHRISTOPHE, F. G., Évêque de Rennes.

HENRY, Évêque de Meaux.

FRANÇOIS, Évêque de Clermont.

HENRY, Évêque de Cahors.

MARTIN, Évêque de Viviers.

LOUIS, Évêque, duc de Laon.

FRANÇOIS, Évêque, duc de Langres.

DAVID NICOLAS, Évêque de Blois.

FRANÇOIS, Évêque de Vence.

D. FRANÇOIS, Évêque de Troyes.

LOUIS GASTON, Évêque d'Orléans.

CHARLES, Évêque d'Auxerre.

FRANÇOIS, Évêque, comte de Toul.

ÉDOUARD, Évêque de Nevers.

MICHEL, Évêque d'Angers.

PIERRE, Évêque d'Amiens.

FRANÇOIS GASPARD, Évêque d'Arethuse.

CH. Fr., Évêque, comte de Noyon.

CH.FRANÇ., Évêque de Chartres.

PIERRE, Évêque du Mans.

JEAN FRANÇOIS GABR., Évêque d'Alais.

FRANÇOIS HONORÉ ANT., Évêque et comte de Beauvais.

JEAN LOUIS, Évêque de St-Pons.

NICOLAS, Évêque de Lavaur.

LOUIS B., Évêque de Riez.



A. FRANÇOIS GUILL DU CAMBOUT,


agent général du clergé, Promoteur.


CHARLES-MAURICE DE BROGLIE,

agent général du clergé, secrétaire.



A Paris le 5 Février 1714.




Deux cardinaux, neuf archevêques et trente-huit évêques avaient assisté à cette assemblée générale que présidait le cardinal-archevêque de Noailles. Le vote sur l'acceptation de la Bulle et de l'Instruction pastorale eut lieu le 23 janvier. Quarante votèrent les propositions de la commission et signèrent la lettre au Pape. L'archevêque de Tours, les évêques de Verdun, de Laon, de Châlons, de Senez, de Boulogne, de St-Malo et de Bayonne demandèrent à réserver leur opinion.


Le 1er février, Mgr de Noailles, se joignant à ces huit prélats 1, proposa de recourir au pape et de le supplier " de donner les moyens de calmer sûrement les consciences alarmées, de soutenir la liberté des Écoles catholiques et de conserver la paix dans les Églises ". C'était l'appel au pape " mieux informé " en attendant l'appel au Concile.


1. Bientôt réduits à sept par la décision de Mgr de Clermont, évêque de Laon, qui, le 10 février 1714, retirait sa signature et se ralliait sans réserve aux décisions de la majorité.





CLÉMENT XII

Bulle \IIn eminenti\i du 28 avril 1728


CLÉMENT, ÉVÊQUE



SERVITEUR DES SERVITEURS DE DIEU,



A tous les fidèles de Jésus-Christ salut et Bénédiction Apostolique.


Élevé par la Providence divine au plus haut degré de l'apostolat, tout indigne que nous en sommes, d'après le devoir de la surveillance pastorale qui nous est confiée, Nous avons, constamment secondé par la grâce divine, porté notre attention avec tout le zèle de notre sollicitude, sur ce qui, en fermant l'entrée aux erreurs et aux vices, peut servir à conserver surtout l'intégrité de la religion orthodoxe, et à bannir du monde catholique, dans ces temps si difficiles, les dangers de troubles.


Nous avons appris même par la renommée publique, qu'il se répand au loin, chaque jour avec de nouveaux progrès, certaines sociétés, assemblées, réunions, agrégations ou conventicules, nommés vulgairement de Francs-Maçons ou sous autre dénomination selon la variété des langues, dans lesquels des hommes de toute religion et de toute secte, affectant une apparence d'honnêteté naturelle, se lient entre eux par un pacte aussi étroit qu'impénétrable, d'après des lois et des statuts qu'ils se sont faits, et s'engagent par serment prêté sur la Bible, et sous des peines graves, à cacher par un silence inviolable tout ce qu'ils font dans l'obscurité du secret.


Mais comme telle est la nature du crime qu'il se trahit lui-même, jette des cris qui le font découvrir et le dénoncent, les sociétés ou conventicules susdits ont fait naître de si forts soupçons dans les esprits des fidèles, que s'enrôler dans ces sociétés c'est, près des personnes de probité et de prudence, s'entacher de la marque de perversion et de méchanceté ; car s'ils ne faisaient point de mal, ils ne haïraient pas ainsi la lumière ; et ce soupçon s'est tellement accru que, dans plusieurs États, ces dites sociétés ont été déjà depuis longtemps proscrites et bannies comme contraires à la sûreté des royaumes.


C'est pourquoi, Nous, réfléchissant sur les grands maux qui résultent ordinairement de ces sortes de sociétés ou conventicules, non seulement pour la tranquillité des États temporels, mais encore pour le salut des âmes, et que par là elles ne peuvent nullement s'accorder avec les lois civiles et canoniques ; et comme les oracles divins Nous font un devoir de veiller nuit et jour en fidèle et prudent serviteur de la famille du Seigneur ; pour que ce genre d'hommes, tels que des voleurs, n'enfoncent la maison, et tels que des renards, ne travaillent à démolir la vigne, ne pervertissent le coeur des simples, et ne les percent dans le secret de leurs dards envenimés ; pour fermer la voie très large qui de là pourrait s'ouvrir aux iniquités qui se commettraient impunément, et pour d'autres causes justes et raisonnables à Nous connues, de l'avis de plusieurs de nos vénérables frères Cardinaux de la sainte Église romaine, et de notre propre mouvement, de science certaine, d'après mûre délibération et de Notre plein pouvoir apostolique, Nous avons conclu et décrété de condamner et de défendre ces dites sociétés, assemblées, réunions, agrégations ou conventicules appelés de Francs-Maçons, ou connus sous toute autre dénomination, comme Nous les condamnons et les défendons par Notre présente constitution valable à perpétuité.


C'est pourquoi, Nous défendons sérieusement et en vertu de la sainte obéissance, à tous et à chacun des fidèles de Jésus-Christ, de quelque état, grade, condition, rang, dignité et prééminence qu'ils soient, laïques ou clercs, séculiers ou réguliers, méritant même une mention particulière, d'oser ou de présumer, sous quelque prétexte, sous quelque couleur que ce soit, d'entrer dans les dites sociétés de Francs-Maçons ou autrement appelées, ou de les propager, les entretenir, les recevoir chez soi ; ou de leur donner asile ailleurs et les cacher, y être inscrits, agrégés, y assister ou leur donner le pouvoir et les moyens de s'assembler, leur fournir quelque chose, leur donner conseil, secours ou faveur ouvertement ou secrètement, directement ou indirectement, par soi ou par d'autres, de quelque manière que ce soit, comme aussi d'exhorter les autres, les provoquer, les engager à se faire inscrire à ces sortes de sociétés, à s'en faire membres, à y assister, à les aider et entretenir de quelque manière que ce soit, ou leur conseiller : et Nous leur ordonnons absolument de s'abstenir tout à fait de ces sociétés, assemblées, réunions, agrégations ou conventicules, et cela sous peine d'excommunication à encourir par tous, comme dessus, contrevenants, par le fait et sans autre déclaration, de laquelle nul ne peut recevoir le bienfait de l'absolution par autre que par Nous, ou le Pontife Romain alors existant, si ce n'est à l'article de la mort.


Voulons de plus et mandons que tant les Évêques et Prélats supérieurs, et autres Ordinaires des lieux, que tous Inquisiteurs de l'hérésie, fassent information et procèdent contre les transgresseurs, de quelque état, grade, condition, rang, dignité ou prééminence qu'ils soient, les répriment et les punissent des peines méritées, comme fortement suspects d'hérésie ; car Nous leur donnons, et à chacun d'eux, la libre faculté d'informer et de procéder contre lesdits transgresseurs, de les réprimer et punir des peines qu'ils méritent, en invoquant même à cet effet, s'il le faut, le secours du bras séculier.


Nous voulons aussi qu'on ajoute aux copies des présentes, même imprimées, signées de la main d'un notaire public, et scellées du sceau d'une personne constituée en dignité ecclésiastique, la même foi que l'on ajouterait aux présentes, si elles étaient représentées ou montrées en original.


Qu'il ne soit permis à aucun homme d'enfreindre ou de contrarier, par une entreprise téméraire, cette Bulle de notre déclaration, condamnation, mandement, prohibition et interdiction. Si quelqu'un ose y attenter, qu'il sache qu'il encourra l'indignation du Dieu Tout-Puissant, et des bienheureux apôtres S. Pierre et S. Paul.


Donné à Rome, près Sainte-Marie Majeure, l'an de l'Incarnation de Notre Seigneur M. DCC. XXXVIII, le IV des Calendes de Mai (28 avril), la VIIIe année de Notre Pontificat.





BENOIT XIV

Bulle Providas du 16 mars 1751


BENOÎT, ÉVÊQUE



SERVITEUR DES SERVITEURS DE DIEU.



Pour en conserver le perpétuel souvenir.


Des raisons justes et graves Nous engagent à fortifier de nouveau de Notre autorité, et à confirmer les sages lois et sanctions des Pontifes Romains Nos prédécesseurs, non seulement celles que Nous craignons pouvoir être affaiblies ou anéanties par le laps de temps ou la négligence des hommes, mais encore celles qui ont été récemment mises en vigueur et sont en pleine force.


Clément XII, d'heureuse mémoire, Notre prédécesseur, par sa Lettre Apostolique, datée du IV des calendes de mai, l'an de l'Incarnation de Notre Seigneur M. DCC. XXXVIII, de son Pontificat le VIIIe, et adressée à tous les fidèles de Jésus Christ, qui commence par ces mots : In eminenti a condamné et défendu à perpétuité certaines sociétés, assemblées, réunions, conventicules ou agrégations appelées vulgairement de Francs-Maçons ou autrement, répandues alors dans certains pays, et s'établissant de jour en jour avec plus d'étendue ; défendant à tous les fidèles de Jésus Christ, et à chacun en particulier sous peine d'excommunication à encourir par le fait et sans autre déclaration, de laquelle personne ne peut être absous par autre que par le Souverain Pontife existant pour lors, excepté à l'article de la mort, d'oser ou présumer entrer dans ces sociétés, ou les propager, les entretenir, les recevoir chez soi, les cacher, y être inscrit, agrégé, ou y assister, et autrement, comme il est exprimé plus au long dans ladite Lettre.


Mais comme il s'en est trouvé, ainsi que Nous l'apprenons, qui n'ont pas craint d'assurer et de publier que ladite peine d'excommunication portée par Notre prédécesseur comme dessus, ne frappe plus, parce que la constitution précitée n'a pas été confirmée par Nous, comme si la confirmation expresse du Pape successeur était requise pour que des constitutions apostoliques données par un Pape prédécesseur subsistent ;


Et comme aussi quelques hommes pieux et craignant Dieu Nous ont insinué que, pour ôter tous les subterfuges des calomniateurs et pour déclarer l'uniformité de Notre intention avec la volonté de Notre prédécesseur, il serait fort expédient d'ajouter le suffrage de Notre confirmation à la constitution de Notre susdit prédécesseur :


Nous, quoique jusqu'à présent, lorsque Nous avons, surtout pendant l'année du jubilé, et souvent auparavant, accordé bénignement l'absolution de l'excommunication encourue, à plusieurs fidèles de Jésus Christ, vraiment repentants et contrits d'avoir violé les lois de la susdite constitution, et promettant de tout leur coeur de se retirer entièrement de ces sociétés ou conventicules condamnés, et de ne jamais y retourner dans la suite ; et lorsque Nous avons communiqué aux pénitenciers par Nous députés, la faculté de pouvoir donner en Notre nom et autorité la même absolution à ces sortes de pénitents qui recourraient à eux ; lorsqu'aussi Nous n'avons pas négligé de presser avec sollicitude et vigilance les juges et tribunaux compétents à procéder contre les violateurs de ladite constitution, selon la mesure du délit, ce qu'ils ont fait en effet souvent, Nous ayons donné par là des arguments non seulement probables, mais entièrement évidents et indubitables, d'où on devait assez clairement conclure Nos sentiments et Notre ferme et délibérée volonté à l'égard de la force et vigueur de la censure portée par Notre dit prédécesseur Clément, comme il est rapporté ci-dessus ; et que, si l'on publiait une opinion contraire sur Notre compte, Nous pourrions la mépriser avec sécurité, et abandonner Notre cause au juste jugement du Dieu Tout Puissant, Nous servant de ces mots dont il est constant qu'on s'est servi autrefois dans les saints mystères : " Faites, nous vous en prions, Seigneur, que nous ne nous souciions pas des contradictions des esprits méchants ; mais méprisant cette méchanceté, nous vous prions de ne pas permettre que nous soyons épouvantés par les critiques injustes, ou enlacés par des adulations insidieuses, mais plutôt que nous aimions ce que vous commandez, " comme il se trouve dans un ancien Missel, attribué à S. Gélase Notre prédécesseur et publié par le vénérable serviteur de Dieu Joseph-Marie Thomasius Cardinal, dans la messe intitulée Contra obloquentes.


Cependant, pour qu'on ne puisse pas dire que Nous ayons omis imprudemment quelque chose, qui pût facilement ôter toute ressource et fermer la bouche au mensonge et à la calomnie, Nous, de l'avis de plusieurs de Nos Vénérables Frères les Cardinaux de la Sainte Église Romaine, avons décrété de confirmer par les présentes, la susdite constitution de Notre prédécesseur, insérée mot à mot, dans la forme spécifique, qui est la plus ample et la plus efficace de toutes, comme Nous la confirmons, corroborons, renouvelons de science certaine et de la plénitude de Notre autorité apostolique, par la teneur des présentes, en tout et pour tout, comme si elle était publiée de Notre propre mouvement, de Notre propre autorité, en Notre propre nom, pour la première fois ; voulons et statuons qu'elle ait force et efficacité à toujours.


Or, parmi les causes très graves de la susdite prohibition et condamnation, exprimées dans la constitution rapportée ci-dessus, la première est que, dans ces sortes de sociétés ou conventicules, il se réunit des hommes de toute religion et de toute secte ; d'où l'on voit assez quel mal peut en résulter pour la pureté de la religion catholique. La seconde est le pacte étroit et impénétrable du secret, en vertu duquel se cache tout ce qui se fait dans ces conventicules, auxquels on peut avec raison appliquer cette sentence de Caecilius Natalis rapportée dans Minucius Felix, dans une cause bien différente : Les bonnes choses aiment toujours la publicité, les crimes se couvrent du secret. La troisième est le serment qu'ils font de garder inviolablement ce secret, comme s'il était permis à quelqu'un de s'appuyer sur le prétexte d'une promesse ou d'un serment, pour ne pas être tenu, s'il est interrogé par la puissance légitime, d'avouer tout ce qu'on lui demande afin de connaître s'il ne se fait rien dans ces conventicules qui soit contre l'État et les lois de la religion ou du gouvernement.


La quatrième est, que ces sociétés ne sont pas moins reconnues contraires aux lois civiles qu'aux lois canoniques ; puisque tous collèges, toutes sociétés, rassemblées sous l'autorité publique, sont défendues par le droit civil, comme on le voit au Livre XLVII des Pandectes, titre XXII de collegiis ac corporibus illicitis ; et dans la fameuse lettre de C. Plinius Caecilius Secundus, qui est la XCVII, liv. X, où il dit que, par son édit, selon les ordonnances de l'empereur, il a été défendu qu'il pût se former et exister des sociétés et des rassemblements sans l'autorité du prince. La cinquième, que déjà dans plusieurs pays lesdites sociétés et agrégations ont été proscrites et bannies par les lois des princes séculiers. La dernière enfin est que ces sociétés sont en mauvaise réputation chez les personnes de prudence et de probité, et que s'y enrôler serait se souiller de la tache de perversion et de méchanceté.


Enfin, Notre dit prédécesseur engage, dans la constitution rapportée ci-dessus, les Évêques, les Prélats supérieurs, et autres Ordinaires des lieux, à ne pas omettre d'invoquer le secours du bras séculier, s'il le faut, pour la mettre à exécution.


Toutes et chacune de ces choses non seulement Nous approuvons, confirmons, recommandons et enjoignons aux mêmes Supérieurs ecclésiastiques ; mais encore Nous personnellement, en vertu du devoir de Notre sollicitude apostolique, invoquons par Nos présentes lettres, et requérons de tout notre zèle, à l'effet de leur exécution, l'assistance et le secours de tous les princes et de toutes les puissances séculières catholiques, les souverains et les puissances étant choisis de Dieu pour être les défenseurs de la foi et les protecteurs de l'Église; et par conséquent, leur devoir étant d'employer tous les moyens pour faire rendre l'obéissance et l'observation dues aux constitutions apostoliques ; ce que leur ont rappelé les Pères du Concile de Trente, sess. 25, chap. 20 ; et ce qu'avait fortement auparavant bien déclaré l'empereur Charlemagne dans ses Capitulaires, tit. 1, chap 2. où, après avoir prescrit à tous ses sujets l'observation des ordonnances ecclésiastiques, il ajouta ce qui suit : " Car nous ne pouvons concevoir comment peuvent nous être fidèles ceux qui se sont montrés infidèles à Dieu et à ses prêtres. " C'est pourquoi, enjoignant aux présidents et ministres de tous ses domaines, d'obliger tous et chacun en particulier à rendre aux lois de l'Église l'obéissance qui leur est due, il édicta des peines très sévères contre ceux qui y manqueraient. Voici entre autres ses paroles : " Ceux qui en ceci (ce qu'à Dieu ne plaise !) seront trouvés négligents et désobéissants, qu'ils sachent qu'il n'y a plus d'honneurs pour eux dans notre empire, fussent-ils même nos enfants, plus de place dans nos palais, plus de société ni de communication avec nous ni les nôtres, mais ils seront sévèrement punis. "


Nous voulons qu'on ajoute aux copies des présentes même imprimées, signées de la main d'un notaire public, et scellées du sceau d'une personne constituée en dignité ecclésiastique, la même foi que l'on ajouterait aux présentes, si elles étaient représentées et montrées en original.


Qu'il ne soit donc permis à aucun homme d'enfreindre ou de contrarier, par une entreprise téméraire, cette Bulle de Notre confirmation, rénovation, approbation, commission, invocation, réquisition, décret et volonté. Si quelqu'un est assez téméraire pour le tenter, qu'il sache qu'il encourra l'indignation du Dieu Tout-Puissant et des bienheureux apôtres saint Pierre et saint Paul.


Donné à Rome, près Sainte-Marie-Majeure, l'an de l'Incarnation de Notre Seigneur M. DCC. LI, le XV des Calendes d'avril, la XIe année de Notre Pontificat.







CLÉMENT XIII

Bulle APOSTOLICUM

ou

Constitution de N. T. S. Père en J.-C., Clément XIII,

par laquelle l'Institut de la Compagnie de Jésus est approuvé de nouveau.


Jésus-Christ Notre-Seigneur ayant chargé le bienheureux apôtre saint Pierre et le pontife romain son successeur de l'obligation de paître son troupeau, obligation qu'aucune circonstance de temps ni de lieu, aucune considération humaine, rien en un mot ne doit borner ; il est du devoir de celui qui est assis sur la chaire de saint Pierre de donner son attention à toutes les fonctions différentes de la charge que Jésus-Christ lui a confiée sans en omettre ou négliger aucune, et d'étendre sa vigilance à tous les besoins de l'Église. Une des principales fonctions de cette charge est de prendre sous sa protection les ordres religieux approuvés par le saint-siège, de donner une nouvelle activité au zèle de ceux qui, s'étant dévoués par un serment solennel à la profession religieuse, travaillent avec un courage soutenu par la piété à défendre la religion catholique, à l'étendre, à cultiver le champ du Seigneur ; d'inspirer de l'ardeur et de donner des forces à ceux qui parmi eux seraient languissants et faibles, de consoler ceux que l'affliction pourrait abattre, et surtout d'écarter de l'Église confiée à sa vigilance tous les scandales qui chaque jour naissent en son sein et dont l'effet est la perte des âmes. L'institut de la compagnie de Jésus, qui a pour auteur un homme auquel l'Église universelle a déféré le culte et l'honneur qu'elle rend aux saints ; que plusieurs de nos prédécesseurs d'heureuse mémoire, Paul III, Jules III, Paul IV, Grégoire XIII et Grégoire XIV, Paul V, out approuvé et confirmé plus d'une fois après l'avoir soigneusement examiné, qui a reçu d'eux et de plusieurs autres de nos prédécesseurs, au nombre de dix-neuf, des faveurs et des grâces particulières ; que les évêques, non-seulement de nos jours, mais des siècles précédents, ont loué hautement comme étant très-avantageux, très-utile et très-propre à accroître le culte, l'honneur et la gloire de Dieu, et à procurer le salut des âmes ; que les rois les plus puissants comme les plus pieux, et les princes les plus distingués dans la république chrétienne, ont toujours pris sous leur protection, dont les règles ont formé neuf hommes mis au rang des saints ou des bienheureux, parmi lesquels trois ont reçu la couronne du martyre ; qui a été honoré des éloges de plusieurs personnages célèbres par leur sainteté, que nous savons jouir dans le ciel de la gloire éternelle ; que l'Église universelle a nourri avec affection dans son sein depuis deux siècles, confiant constamment à ceux qui le professent les principales fonctions du saint ministère qu'ils ont toujours remplies au grand avantage des fidèles, et qui enfin a été déclaré pieux par l'Église universelle assemblée à Trente ; ce même institut, il s'est trouvé récemment des hommes qui, après l'avoir défiguré par des interprétations fausses et malignes, n'ont pas craint de le qualifier d'irréligieux, d'impie, tant dans les conversations particulières que dans des écrits imprimés, répandus dans le public, de le déchirer par des imputations les plus injurieuses, de le couvrir d'opprobre et d'ignominie, et en sont venus au point que, non contents de l'idée particulière qu'ils s'en sont faite à eux-mêmes, ils ont entrepris par toute sorte d'artifices de faire circuler le poison de contrée en contrée, de le répandre de toute part, et ne cessent encore aujourd'hui de faire usage de toutes les ruses imaginables pour faire goûter leurs discours empoisonnés à ceux des fidèles qui ne seraient point assez sur leurs gardes ; insultant ainsi de la manière la plus outrageante l'Église de Dieu, qu'ils accusent équivalemment de s'être trompée jusqu'à juger et déclarer solennellement pieux et agréable à Dieu ce qui en soi était irréligieux et impie, et d'être ainsi tombée dans une erreur d'autant plus criminelle, qu'elle aurait souffert pendant plus longtemps durant l'espace même de plus de deux cents ans, qu'au très-grand préjudice des âmes, son sein restât souillé d'une tache aussi flétrissante. A un mal si grand qui jette des racines d'autant plus profondes et acquiert chaque jour des forces d'autant plus grandes qu'il a été dissimulé plus longtemps, différer encore d'apporter remède, ce serait nous refuser et à la justice qui nous ordonne d'assurer à chacun ses droits et de les soutenir avec vigueur, et aux mouvements de la sollicitude pastorale que nous avons pour le bien de l'Église.

Pour repousser donc l'injure atroce faite tout à la fois à l'Église que Dieu lui-même a commise à nos soins, et au saint-siège sur lequel nous sommes assis ; pour arrêter par notre autorité apostolique le progrès de tant de discours impies contraires à toute raison comme à toute équité, qui, se répandant de tout côté, portent avec eux la séduction et le danger prochain de la perte des âmes ; pour assurer l'état des clercs réguliers de la compagnie de Jésus qui nous demandent cette justice, et pour lui donner une consistance plus ferme par le poids de notre autorité, pour apporter quelque soulagement à leurs peines dans le grand désastre qui les afflige ; enfin pour déférer aux justes voeux de nos vénérables frères les évêques de toutes les parties du monde catholique qui, dans les lettres qu'ils nous ont adressées, font les plus grands éloges de cette compagnie, dont ils nous assurent qu'ils tirent de très-grands services chacun dans leur diocèse ; de notre propre mouvement et certaine science, usant de la plénitude de la puissance apostolique, marchant sur les traces de tous nos prédécesseurs, par notre présente constitution qui doit valoir à perpétuité, disons et déclarons dans la même forme et de la même manière qu'ils ont dit et déclaré, que l'institut de la compagnie de Jésus respire au plus haut point la piété et la sainteté, soit dans la fin principale qu'il a continuellement en vue, et qui n'est autre que la défense et la propagation de la religion catholique, soit dans les moyens qu'il emploie pour parvenir à cette fin ; c'est ce que l'expérience nous a appris jusqu'à présent. C'est cette expérience qui nous a appris combien le régime de cette compagnie a formé jusqu'à nos jours de défenseurs de la foi orthodoxe et de zélés missionnaires qui, animés d'un courage invincible, se sont exposés à mille dangers sur la terre et sur mer pour porter la lumière de la doctrine évangélique à des nations féroces et barbares ; nous voyons que tous ceux qui professent ce louable institut sont occupés à des fonctions saintes, les uns à former la jeunesse à la vertu et aux sciences, les autres à donner les exercices spirituels, une partie à administrer avec assiduité les sacrements surtout de la pénitence et de l'eucharistie, et à presser dans leurs discours les fidèles d'en faire un usage fréquent, une autre partie à porter la parole de l'Évangile aux habitants de la campagne ; c'est pourquoi, à l'exemple de nos prédécesseurs, nous approuvons ce même institut que la providence divine a suscité pour opérer de si grandes choses, et nous confirmons par notre autorité apostolique les approbations qui lui ont été données ; nous déclarons que les voeux par lesquels les clercs réguliers de la compagnie de Jésus se consacrent à Dieu selon ledit institut, sont purs et agréables à ses yeux ; nous approuvons et louons particulièrement, comme très-propres à réformer les moeurs, à inspirer et fortifier la piété, les exercices spirituels que les mêmes clercs réguliers de la compagnie de Jésus donnent aux fidèles qui, éloignés du tumulte du monde, passent quelques jours dans la retraite à s'occuper sérieusement et uniquement de leur salut éternel. De plus, nous approuvons les congrégations ou sodalités érigées sous l'invocation de la bienheureuse Marie, ou sous tout autre titre, non-seulement celles qui sont formées de jeunes gens qui fréquentent les écoles de la compagnie de Jésus, mais aussi toutes les autres, soit qu'elles soient seulement composées d'étudiants ou seulement des autres fidèles de Jésus-Christ, soit qu'elles réunissent les uns et les autres ; et nous ne donnons pas moins notre approbation à tous les pieux exercices qui s'y pratiquent avec ferveur ; et nous recommandons extrêmement la dévotion toute particulière qu'on s'attache à cultiver et à augmenter dans ces sodalités envers la bienheureuse mère de Dieu Marie toujours vierge. Nous confirmons par notre autorité apostolique les bulles par lesquelles nos prédécesseurs d'heureuse mémoire, Grégoire XIII, Sixte V, Grégoire XV et Benoît XIV ont approuvé lesdites sodalités ; de même par notre présente constitution nous approuvons de toute l'autorité que Dieu nous a donnée et de la force de notre confirmation apostolique toutes les autres constitutions faites par les pontifes romains nos prédécesseurs, pour approuver et louer les fonctions du même institut de la compagnie de Jésus, chacune desquelles constitutions nous voulons qu'on regarde comme insérée dans celle-ci, voulant et ordonnant, si besoin est, qu'elles soient censées faites de nouveau et mises au jour par nous-même.

Qu'il ne soit donc permis à personne de donner atteinte à notre présente constitution approbative et confirmative, ni d'être assez téméraire pour oser y contrevenir ; que si quelqu'un avait la présomption d'enfreindre cette défense, qu'il sache qu'il encourra l'indignation de Dieu tout-puissant et des bienheureux apôtres saint Pierre et saint Paul.

Donné à Rome, à Sainte-Marie-Majeure, l'an de l'Incarnation de Notre-Seigneur 1764, le 7e des ides de janvier, la 7e année de notre pontificat (9 janvier 1765).


Traduction extraite de l'ouvrage " Clément XIII et Clément XIV ", par le P. de Ravignan, de la compagnie de Jésus, Paris, Julien, Lanier et Cie, éditeurs, 1854



Textes du magistère - Clemens episcopus servus servorum Dei