Paul VI Homélies 10170

25 janvier

LA SAINTETE : TRANSFIGURATION IMMORTELLE DE NOTRE EXISTENCE MORTELLE

Homélie du Saint-Père à la canonisation de Maria Soledad Torres Acosta

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Vénérés frères et chers fils,



En ce moment de tribulations pour l'Eglise et d'amertume pour Nous, voici un moment de grande consolation : Maria Soledad Torres Acosta est reconnue et proclamée sainte, et inscrite au tableau des saints. Elle est présentée à toute l'Eglise terrestre comme appartenant à l'Eglise céleste, elle est déclarée digne du culte de vénération parce qu'elle est unie totalement et pour toujours au Christ ressuscité et participe à sa gloire. C'est ce que signifie l'acte extraordinaire et solennel que Nous venons d'accomplir. Nous avons canonisé cette bienheureuse fille de l'Eglise et Nous sentons la lumière, le charme, le mystère de la sainteté qui rayonne sur nous, sur cette assemblée remplie d'allégresse, sur la terre qui fut la patrie de la nouvelle sainte, l'Espagne, sur la famille religieuse qu'elle a fondée, les Servantes de Marie, ministres des malades, sur l'Eglise entière, sur le monde. Bénissons le Seigneur, écoutons la voix qui descend des profondeurs du ciel et faisons-lui écho par la nôtre : « Alléluia ! Car il a pris possession de son règne, le Seigneur, le Dieu Maître-de-tout. Soyons dans l'allégresse et dans la joie, rendons gloire à Dieu, car voici les noces de l'Agneau et son épouse s'est faite belle : on lui a donné de se revêtir de lin d'une blancheur éclatante. Le lin, c'est en effet les bonnes actions des fidèles » (
Ap 19,6-8). C'est la voix de l'Apocalypse, de la dernière révélation qui dévoile le sens extrême des choses et le destin de notre salut final. C'est une voix mystérieuse mais claire qui nous dit finalement le secret, la valeur de la sainteté.

La sainteté se manifeste finalement comme plénitude de vie, comme un bonheur infini, comme une immersion dans la lumière du Christ et de Dieu, comme une beauté incomparable et idéale, comme une exaltation de la personnalité, comme une transfiguration immortelle de notre existence mortelle, comme une source d'admiration et de joie, comme un réconfort solidaire de notre pénible pèlerinage dans le temps, comme notre prégustation enivrante de la « communion des saints », c'est-à-dire de l'Eglise vivante qui, soit dans le temps, soit dans l'éternité, est du Seigneur (cf. Rm 14,8-9).

Un phénomène de cette vision Nous surprend en ce moment, c'est le double aspect de la sainteté : l'aspect qu'elle acquiert dans le paradis et l'aspect qu'elle présente sur la scène du monde actuel.

Ce sont deux aspects d'une même réalité morale, des oeuvres de la sainteté, comme nous l'indique le texte de la Sainte Ecriture que Nous avons cité. Les oeuvres accomplies dans cette vie gardent leur valeur dans l'autre, mais elles revêtent ceux qui les accomplissent d'une manière bien différente ici-bas et là-haut. Là-haut, c'est de splendeur et de gloire, ici-bas, au contraire, comment apparaissent-elles ? comment sont-elles ? C'est l'évangile éternel des béatitudes qui le dit dans sa langue dramatique : ici-bas la sainteté est pauvreté, humilité, souffrance, sacrifice, c'est-à-dire imitation du Christ, Verbe de Dieu fait homme, dans sa « kénose », dans sa double humiliation de l'Incarnation et de la Rédemption.

Cette confrontation des deux aspects de la sainteté produit en nous un très vif intérêt, celui de connaître d'abord, d'imiter ensuite la vie temporelle de celui qui, justement par le mérite de celle-ci, jouit maintenant de la vie éternelle. C'est de là que naît l'hagiographie, c'est-à-dire l'étude des biographies des saints, étude que nous ferions bien tous de reprendre avec une grande passion et avec les disciplines modernes de la critique historique, de l'analyse psychologique, mystique et ascétique, de l'art narratif, de l'appréciation ecclésiale. Nous en avons encore tellement besoin aujourd'hui, et nous pouvons en tirer instruction et réconfort.

Vie simple et silencieuse


La demande vient alors spontanément : quelle a été la vie de Maria Soledad ? quelle est son histoire ? comment est-elle devenue sainte ? Il est impossible évidemment pour Nous de répondre à cette demande et de faire ici le panégyrique de Maria Soledad. Vous trouverez dans les livres qui racontent sa vie de quoi satisfaire à cette légitime et louable curiosité. Il s'agit d'ailleurs d'une vie simple et silencieuse que deux grands mots peuvent résumer : humilité et charité. Une vie toute tendue dans l'intensité de la vie intérieure, dans le travail de la fondation d'une nouvelle famille religieuse, dans l'imitation du Christ, dans la dévotion à la Sainte Vierge, dans le soin des malades, dans la fidélité à l'Eglise.

Mais si la biographie de Maria Soledad ne nous offre pas de singularités aventureuses et prodigieuses, ni la richesse des paroles et des écrits qui distinguent d'autres figures de saintes, son doux et pur profil présente quelques caractéristiques auxquelles il Nous semble juste de faire allusion.

Maria Soledad est une fondatrice, la fondatrice d'une famille religieuse très nombreuse et très répandue. Excellente et providentielle famille. De sorte que Maria Soledad s'insère dans cette foule de saintes et de femmes intrépides qui, au siècle dernier, firent jaillir dans l'Eglise des fleuves de sainteté et d'activité intense. Processions interminables de vierges consacrées à l'unique et suprême amour du Christ, et toutes orientées vers le service intelligent, infatigable, désintéressé du prochain. Vous les connaissez, vous les trouvez partout, il est superflu que Nous vous en décrivions la magnifique expansion. La vitalité de l'Eglise, sa fécondité, son audace, sa beauté, sa poésie, sa sainteté sont splendidement illustrées dans cette floraison de familles religieuses, spécialement féminines, qui font irruption, qui ont tissé l'histoire, si on peut dire, de la vie catholique en ces derniers temps. Parmi ces familles choisies et actives s'inscrit celle des Servantes de Marie de sainte Maria Soledad. Elle s'y inscrit à tel point que nous pouvons considérer en elle le type de cette immense et multiforme expression de vie religieuse qui, malgré les particularités spécifiques de chaque institut, semble calquée sur un modèle commun, une formule substantiellement égale pour toutes les nouvelles fondations du XIX° siècle. C'est ainsi qu aujourd'hui, dans la chaleur et dans l'excitation du renouvellement de la vie religieuse et dans la recherche, parfois trop critique et assez fantaisiste, de nouvelles formules de consécration pour suivre le Christ, surgit la question : est-ce que le modèle dont nous admirons un exemple insigne est exact en lui-même et encore valable pour notre temps ?

Devant la figure de sainte Maria Soledad et la légion de ses filles nous sommes heureusement en devoir de répondre affirmativement. Sans exclure que l'interprétation de la vocation à suivre le Maître Jésus d'une manière parfaite et totale admet, avec celles qui sont historiques et classiques, qui ont précédé la règle de vie religieuse comme celle que nous avons devant nous, d'autres nouvelles expressions dignes de fleurir dans le jardin de l'Eglise et de se mesurer avec les besoins et dans les formes de notre temps, Nous confirmons Notre suffrage au modèle de vie religieuse réalisé principalement aux XIX° et XX° siècles. Les caractères particuliers qui le décrivent spécifiquement justifient et glorifient ce genre de recherche de la perfection chrétienne, à savoir : le détachement pratique et ascétique de la vie commune séculière à laquelle, au contraire, beaucoup donnent aujourd'hui la préférence, la vie commune organisée dans l'observance des conseils évangéliques de la pauvreté, de la chasteté et de l'obéissance, la primauté jalousement conservée à la vie intérieure, à la prière, au culte divin, à l'amour de Dieu, en un mot le dévouement sans limites et sans calculs égoïstes à quelque oeuvre de charité et, finalement, l'adhésion profonde et organique à la sainte Eglise. Ces caractères fondamentaux qui constituent un état de vie qualifié par l'effort vers la perfection chrétienne sont authentiquement conformes aux exigences de l'évangile et sont toujours valables pour définir et donner sa valeur à la vie religieuse pour notre temps. La Congrégation des Servantes des malades, au nom et à l'exemple de sa fondatrice, mérite que nous le reconnaissions comme nous faisons.

Un nouveau champ pour la charité


Et elle mérite une autre reconnaissance, celle qui la définit spécifiquement comme un institut religieux consacré à l'assistance des malades. C'est ce qui exprime, engage et illustre la charité de Maria Soledad et de sa descendance spirituelle.

On pourra dire : ce n'est pas un choix nouveau, ce n'est pas un but original. Le soin de la souffrance physique et, avec elle, le soin de l'indigence spirituelle qui de soi en découle, a intéressé la charité de beaucoup d'autres institutions religieuses qui ont eu d'immenses mérites dans l'exercice affectueux et généreux des « oeuvres de miséricorde ». C'est vrai et, à cause de cela, Nous classerons les personnes qui servent les infirmes dans l'armée héroïque des religieuses consacrées à la charité corporelle et spirituelle, mais nous ne devons pas laisser de côté un caractère spécifique propre du génie chrétien de Maria Soledad, celui de la forme particulière de sa charité, à savoir l'assistance donnée aux malades à leur domicile. Il Nous semble que, avant elle, personne n'avait imaginé cette forme d'assistance d'une manière systématique et que personne avant elle n'avait cru possible de la confier à des religieuses appartenant à des instituts canonique-ment organisés. La formule existait depuis le message évangélique, et laquelle ? simple, lapidaire, digne des lèvres du divin Maître : Infirmus et visitastis me : Moi, dit le Christ, mystiquement personnifié dans l'humanité souffrante, j'étais malade et vous m'avez visité (Mt 25,36). Voilà la découverte d'un champ nouveau pour l'exercice de la charité, voilà le programme des âmes totalement consacrées à la visite du prochain souffrant. Ce n'est pas, dans ce cas, le prochain souffrant qui va à la recherche de qui l'assistera et le soignera, ce n'est pas lui qui se laisse transporter dans les lieux et les institutions où le malheureux est accueilli et entouré d'égards médicaux sagement et scientifiquement prédisposés. C'est au contraire l'ange de la charité, la Servante volontaire qui va à sa recherche, dans sa demeure, dans le foyer de ses affections et de ses habitudes, où la maladie ne l'a pas privé du dernier bien qui lui reste, son individualité et sa liberté. Ce n'est pas là une simple finesse de la charité. C'est une méthode qui indique une compréhension aiguë soit de la nature propre de la charité, qui est de chercher le bien d'autrui, soit de la nature du coeur humain, jaloux, même lorsqu'il reçoit, de sa propre sensibilité, de sa propre personnalité. Il y a là un éclair de sagesse sociale qui précède les formes techniques et scientifiques de l'assistance sanitaire moderne et qui, pour être accordée gratuitement à quiconque a, pour la demander, le titre du besoin et de la douleur, nous prouve encore une fois l'incomparable originalité de la charité évangélique.

Précurseur et maîtresse



Maria Soledad devient précurseur et maîtresse dans la sollicitude de l'assistance et de la santé la plus accomplie de notre humanisme social. Tous nous devons lui être reconnaissants, tous nous devons bénir le service providentiel qu'elle a inauguré, suivi ensuite par de nombreuses initiatives similaires.

Nous aimerions relever maintenant, dans l'histoire de cette Sainte, un autre trait caractéristique qui est devenu l'héritage commun de sa famille religieuse. Mais il ne nous est pas facile de le définir même s'il nous semble évident. C'est le trésor spirituel propre à sa formation espagnole. Son pays glorieux et béni a donné à cette sainte, puis, comme conséquence non sensible mais vitale, à ses filles fidèles, quelque chose de l'« humus » de l'Espagne catholique. Nous pensons ici à la richesse de talent et de sentiment que l'histoire et la littérature nous décrivent quant à l'esprit hispanique, au point d'honneur chevaleresque, au sentiment de grandeur, et à l'extraordinaire passion pour le tragique et l'humour. Nous pensons aussi au propre d'un peuple et de son histoire aventureuse qui est le sentiment religieux, chrétien, catholique ; nous pensons à sa capacité d'ascension mystique jusqu'aux expressions absolues « du tout et du rien » ; nous pensons à sa tendance à l'extrémisme moral, c'est-à-dire à son héroïsme, et à l'extrémisme religieux, la sainteté ; nous pensons à son humanité lyrique et profonde, qui méprise toute mesquinerie et milite pour une plénitude de la personnalité morale, prête au combat, à l'amour, au sacrifice. Nous pensons ne pas nous tromper en voyant dans l'humble visage de Maria Soledad cette noblesse naturelle, cette magnanimité vivante qui confère à la Sainte, et par reflet à son Institut, quelque chose de beau et d'universel. En elle l'Espagne et l'Eglise trouvent leur sympathie réciproque, leur gloire commune, leur vocation respective à l'amour de notre Seigneur Jésus-Christ.

Tels sont nos voeux ardents en ce jour.





26 mars

HOMELIE DU PAPE A LA MESSE DU JEUDI-SAINT

26030



Vénérés frères et vous tous, très chers fils,



Obligé par notre ministère de prendre la parole dans ce lieu sacré, magnum stratum, grand et orné, cénacle par excellence de l'Eglise romaine et catholique ; en ce moment chargé entre tous de pensées et de sentiments religieux et humains, alors que nous aimerions écouter dans le silence intérieur les grandes voix qui montent de la sublime liturgie que nous célébrons ; nous offrirons à votre bienveillante attention quelques indications élémentaires qui puissent stimuler votre réflexion sur les aspects évidents et fondamentaux de ce rite, et mettre nos âmes en harmonie dans un choeur spirituel commun.

La première indication est relative justement à la communion ecclésiale qui nous réunit ici et acquiert en ce moment une plénitude singulière, une signification propre. C'est un moment particulier de communion entre nous, entre tous ceux qui ont accueilli notre invitation et nous ont fait don de leur présence. Une occasion heureuse, comme elle ne nous est jamais offerte, qui réalise la parole du Seigneur : « Lorsque deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis là au milieu d'eux » (
Mt 18,20), en ce moment où son nom, et seulement son nom, polarise notre assistance et émerge parmi nous comme si le Seigneur Lui-même était là, et comme il le sera en effet sous peu sacramentellement. Dès à présent il remplit nos âmes de Lui et les unit dans la foi, dans la concorde, dans la paix, dans la joie de nous savoir et de nous sentir « église », c'est-à-dire union, unique troupeau, son corps mystique. Entre nous tombe en ce moment toute distance, toute défiance, toute indifférence, toute extranéité ; en ce moment tombe toute rancoeur, toute rivalité. Que chacun goûte comme « il est bon et doux pour des frères d'habiter ensemble » (Ps 132,1) et éprouve au-dedans de soi que le bonheur d'être comme la première communauté chrétienne, « un seul coeur et une seule âme » signifie la réalisation de notre qualification de chrétiens catholiques. La charité au-dedans de l'Eglise, la charité qui la réunit et la compose, la charité qui la spécifie comme « corps mystique » et rend frères tous ceux qui en acceptent la sociabilité organisée (Mt 23,8 Lc 10,16), la charité humble, amie et solidaire, entre nous fidèles et disciples et ministres du Christ, est la première condition requise pour s'asseoir à là table du Jeudi-Saint (cf. Lc 22,24 ss).

« Faites ceci »


Ensemble donc, plus que jamais, vivons cette heure fugitive. Mais quel en est le but ? quelle en est l'intention ? Pourquoi sommes-nous réunis ? Et voici alors une seconde indication, bien connue également. Nous sommes ici pour une commémoration. Ce rite est une mémoire. Une messe, c'est toujours cela, mais en ce jour nous voulons faire ressortir son caractère commémoratif. Nous célébrons le mémorial du Seigneur, obéissant à ses paroles, que l'on peut dire testamentaires : « Faites ceci en mémoire de moi » (Lc 22,10 1Co 11,25). Tout notre esprit se remplit maintenant du souvenir de Jésus ; nous voudrions pouvoir nous le représenter tel qu'il était : son aspect, son visage, le son de sa voix, la lumière de ses yeux, les gestes de ses mains... Aucune image sensible ne nous en est parvenue. Nous pensons avec stupeur à celle du saint Suaire, si impressionnante et si profonde; nous pensons, chacun selon nos goûts, aux pieuses effigies des grands artistes, aux descriptions des savants et des saints, mais c'est toujours avec cette insatisfaction propre à nous modernes, trop favorisés par la civilisation de l'image, parce que la sienne n'apparaît jamais à nos regards, mais seulement à notre désir eschatologique : « Viens, ô Seigneur Jésus ». (Ap 22,20). Notre mémoire doit se contenter d'une autre présence, celle de sa parole ! Alors tout l'Evangile passe devant notre esprit qui s'arrête aux mots que le Christ prononça à la dernière cène et qu'il recommanda à notre souvenir. Quelle parole ? Oh! nous le savons bien : « Prenez et mangez : ceci est mon corps ; prenez et buvez : ceci est le calice de mon sang ».

Agape et mystère


Le banquet pascal, parce que telle était bien cette cène rituelle, devait être objet d'inoubliable souvenir, mais sous un aspect nouveau: non plus celui de l'occision et de la manducation de l'agneau, signe et gage de l'ancienne alliance, mais celui du pain et du vin changés au corps et au sang de Jésus. A ce point l'agape se fait mystère. La présence du Seigneur se fait vivante et réelle. Les apparences sensibles restent ce qu'elles étaient : pain et vin, mais leur substance, leur réalité est intimement changée ; les apparences restent seulement pour signifier ce que les a définies la parole toute-puissante et divine de Jésus : corps et sang. Nous sommes stupéfaits, car ce prodige est justement ce que le Seigneur nous demande de rappeler ou, mieux, de renouveler. Il a dit aux Apôtres : « faites ceci », leur transmettant ainsi la vertu de répéter son acte consécratoire : non seulement de le repenser, mais de le refaire. Le sacrement de l'Eucharistie et celui de l'Ordre, qui en est la garde et la source, ont été institués ensemble, en ce soir unique. Nous restons stupéfaits et tout de suite tentés : Est-ce vrai ? réellement vrai ? Comment expliquer ces syllabes sacrées : Ceci est mon corps ; ceci est mon sang ? Peut-on trouver une interprétation qui ne fasse pas violence à notre mentalité élémentaire ? à notre réflexion métaphysique habituelle ? Il monte même à nos lèvres le commentaire répulsif des Capharnaïtes : « Cette doctrine est dure ; qui peut l'entendre ? » (Jn 6,61). Mais le Seigneur n'admet pas de doutes ni d'exégèse évadée de la réalité authentique de ses paroles textuelles. Il en fait une question de confiance ; il laisserait se disperser le groupe bien-aimé de ses disciples plutôt que de les exempter de l'adhésion à ses paroles paradoxales mais véridiques, leur proposant en un langage non moins dur : voulez-vous, vous aussi, vous en aller ? (ibid, 68).

C'est donc une heure décisive, l'heure de la foi, l'heure qui accepte dans son intégrité la parole de Jésus, serait-elle incompréhensible ; c'est l'heure où nous célébrons le « mystère de la foi », l'heure où nous répétons même avec un abandon sage et aveugle la réponse de Simon Pierre : « Seigneur, à qui irions-nous ? Toi seul as les paroles de la vie éternelle. Et nous croyons et nous savons que tu es le Saint de Dieu » (Jn 6,69-70).

Oui, chers Frères et chers Fils, cette heure est celle de la foi, qui absorbe et consume l'obscur et immense nuage d'objections que d'une part notre ignorance et de l'autre la dialectique raffinée de la pensée accumulent au-dessus et au-dedans de notre esprit. Mais humblement et heureusement il se laisse foudroyer par le verbe lumineux du Maître et lui dit en tremblant, comme l'implorateur évangélique : « Je crois, Seigneur, mais augmente ma foi » (Mc 9,24).

Corps et sang dans le Sacrifice


Et alors la foi interroge encore : mais que signifie, cette manière de rappeler le Seigneur ? Quel est le sens, quelle est la valeur de ce mémorial ? De ce sacrement de présence ? De ce mystère de foi ? Quelle est l'intention dominante du Seigneur, celle qu'il voulait imprimer dans la mémoire des siens dans cette rencontre conviviale ?

Il en est qui ne se posent même pas la question, pour ne pas, en quelque sorte, découvrir quelque vérité nouvelle et surprenante. Mais nous, nous ne pouvons nous y arrêter sans recueillir l'ultime trésor du testament de Jésus. Tout nous oblige à le faire, parce que ce soir ultime de sa vie temporelle est extrêmement intentionnel et dramatique : il suffirait d'observer cet aspect de la dernière cène pour ne plus mettre de terme à notre extatique méditation. La tension spirituelle ôte presque le souffle. L'aspect, la parole, les gestes, les discours du Maître débordent de la sensibilité et de la profondeur que donne l'approche de la mort. Il la sent, Il la voit, Il l'exprime. Deux notes dominent les autres dans cette atmosphère de tension rendue silencieuse par les actes et les présages du Maître : amour et mort. Le lavement des pieds est un exemple impressionnant d'humble amour, le mandat, le mandat ultime et nouveau : aimez-vous comme je vous ai aimés. Et cette angoisse pour la trahison imminente, cette tristesse qui transparaît dans les paroles et l'attitude du Maître, et cette effusion mystique et prenante des discours ultimes, presque un soliloque, un soliloque du Christ débordant d'un coeur qui s'ouvre aux suprêmes confidences, tout se concentre dans l'action sacramentelle que nous venons de rappeler : corps et sang ! Oui, amour et mort y sont représentés : une seule parole les exprime : sacrifice. La mort y est signifiée, la mort sanglante, la mort qui séparerait du corps du Christ son sang ; une immolation, une victime. Et victime volontaire, victime consciente, victime par amour, victime donnée pour nous, et à rappeler comme annonciatrice de la mort de Jésus, de son sacrifice pour toujours, jusqu'à ce qu'il revienne, à la fin du monde (1Co 11,26). Le Christ a scellé en un rite renouvelable par ses disciples faits apôtres et prêtres, l'offrande de Lui-même au Père comme victime pour notre salut, pour notre amour. C'est la messe. C'est l'exemple et la source de l'amour qui se donne jusqu'à la mort.

C'est le Jeudi-Saint que nous rappelons et célébrons. C'est le coeur et le modèle de la vie chrétienne. C'est le mandat et le mémorial, c'est la passion, c'est la charité du Christ qui se transfuse dans son Eglise, en nous, afin que nous puissions vivre de Lui et par Lui et comme Lui (Jn 6,57), nous offrir nous aussi en sacrifice pour nos frères, pour le salut du monde (cf. 10, 12, 24 ss) et un jour ressusciter en Lui (cf. Jn 6,54-58).




3 mai

LA CANONISATION DU BIENHEUREUX LEONARD MURIALDO

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Voici un moment de joie pleine pour l'Eglise qui pérégrine au milieu des difficultés de la vie présente vers la plénitude du royaume de Dieu. La joie vient du fait qu'un membre de l'Eglise, un homme de ce monde, un de nos frères, est reconnu saint et proclamé comme tel, honoré et invoqué. Et qu'est-ce que cela veut dire, Saint ? Cela veut dire parfait, dans le sens de cette perfection si facile à concevoir pour qui est élève de l'Eglise maîtresse, mais aussi difficile à définir dans sa réalité parce que la sainteté est la synthèse de coefficients multiples et merveilleux tels que, avant tout, un charisme divin extraordinaire, et même une quantité de charismes, c'est-à-dire une abondance de dons de Dieu (
Ep 3,19) qui envahissent une vie humaine jusqu'à devenir en elle, dans une certaine mesure, exubérants et transparents. Et puis, la sainteté demande une stature morale exceptionnelle dans l'homme que nous appelons saint, au point qu'on veut trouver en lui la vertu à un degré héroïque. Par conséquent la sainteté demande une conformité, toujours originale, au premier né de la famille humaine (cf. Rm 8,29 Col 1,15) à l'archétype de l'humanité, au « Fils de l'homme », au Christ, notre maître et notre modèle (cf. Jn 13,15). Finalement, la sainteté exige et offre une exemplarité ou bien une singularité telle qu'elle mérite d'être imitée ou au moins admirée par ceux qui entrent dans le milieu social de la personnalité du saint.


Le charme de la sainteté


C'est ordinairement ce dernier aspect qui conquiert le plus facilement notre commune attention. Nous sommes si avides de rencontrer le grand homme, l'homme exceptionnel, le faiseur de miracles, le héros, le champion, la vedette, le « leader », que nous ne pouvons pas nous soustraire au charme du saint qui personnifie justement un être supérieur, et encore moins si nous pouvons, nous petits, lui attribuer ce titre exaltant : il est nôtre ! L'hagiographie est une étude d'anthropologie exceptionnelle due au facteur religieux qui, bien qu'il procède d'un principe identique et tende vers une même fin, engendre une richesse indéfinie de types humains, distincts les uns des autres dans une merveilleuse variété de visages humains transfigurés chacun par un charisme particulier (cf. 1Co 12,27 et suiv.).

Le saint : objet par conséquent de connaissance, d'intérêt, de légitime et louable curiosité. Qui était donc Leonardo Murialdo auquel Nous conférons aujourd'hui ce très haut titre de saint ? Jusqu'à présent il était bien peu connu. Nous-même avons fait la même demande lorsque, en Novembre 1963, Nous avons eu la joie de proclamer sa béatification. Un ami vénéré, éminent et regretté, Mgr Giuseppe De Luca, a souhaité donner une réponse lorsqu'il a écrit, en 1950, au cinquantième anniversaire de la mort de notre saint : « Murialdo est un des foyers de cet incendie chrétien qui fait la gloire du siècle dernier, gloire comme celle d'une étoile dans la nuit... il mérite la reconnaissance et, d'abord, la connaissance. Eloges, louanges, célébrations, tout est bien, mais auparavant et surtout, je crois, la connaissance ». Ce n'est pas le moment de donner la-.notice biographique du saint, d'en raconter la vie, ni d'en faire le panégyrique. Finalement, nous avons maintenant une très ample documentation sur la vie de Leonardo Murialdo, vie entourée d'humilité et de discrétion autant que riche et prodigue d'activités infatigables. Trois gros volumes réunissent tout ce qu'on sait de lui, de sorte que ceux qui le désirent peuvent savoir du nouveau Saint tout ce qui est possible et désirable: vie, oeuvres, écrits, commentaires, tout. C'est l'oeuvre méritante de Armand Castellani qui, après Reffo, le premier biographe historique de Murialdo, et tant d'autres qui firent connaître sa vie, a mis sur un piédestal de documents, de témoignages, de renseignements, la figure de Leonardo Murialdo pour en faire ressortir cette authentique grandeur que la canonisation d'aujourd'hui entoure de l'auréole de la sainteté.


Imitation et dévotion


Nous avons donc l'histoire du saint et aussitôt nous en regardons la figure, nous en admirons la sainteté. Tous, nous devenons des observateurs, des admirateurs et, plaise à Dieu, de pieux imitateurs, c'est-à-dire que la connaissance du saint ne nous suffit pas, nous voulons un jugement, nous voulons voir son visage, en recueillir les lignes caractéristiques, celles qui le définissent. Ce désir spontané de synthèse, Nous ne pouvons pas non plus le satisfaire maintenant. Nous voulons seulement indiquer les chapitres qui, à Notre avis, peuvent nous donner la clef pour mieux comprendre le nouveau saint et pour nous aider à le classer et à le distinguer en quelque manière de la « grande foule, comme la définit le voyant de l'Apocalypse, que personne ne réussit à dénombrer » (7, 9).

Le premier chapitre est celui du cadre historique dans lequel la figure du saint nous apparaît, nous pouvons même dire dont il résulte et d'où il sort vivant. Cadre du temps : le XIX° siècle, cadre du lieu : Turin. Ici Nous ne pouvons pas Nous dispenser d'adresser à l'heureuse ville de la naissance et du milieu de vie du saint Notre très vif applaudissement. Turin Nous apparaît, spécialement au siècle dernier, comme une ville élue et bénie, une ville de saints, pensons à Don Bosco ! tanto nomini..., pensons à Cottolengo, pensons à Cafasso, pensons à Dominique Savio, pensons à Mazzarello et à d'autres figures resplendissantes de vertus chrétiennes issues des racines de sainteté de la noble terre piémontaise. Nous sommes dans un sillon de traditions catholiques qui nous font remonter jusqu'à saint Maxime et nous rappellent le Saint-Suaire. On dirait qu'on respire là-bas une atmosphère de spiritualité favorable à la floraison de la sainteté. Là-bas s'est formée une école de robustes vertus morales d'où sont sortis les élèves et les maîtres d'un christianisme renouvelé et moderne. Nous ne voulons pas négliger les autres coefficients qui caractérisent, spécialement au siècle dernier, l'ambiance piémontaise, notamment politique, rendue vive et dramatique par de grands courants d'idées, par de grandes figures et de mémorables événements, comme aussi l'ambiance industrielle destinée à d'extraordinaires développements, avec des influences évidentes et encore aujourd'hui répandues dans le domaine économique et social. L'ambiance a des répercussions puissantes sur qui en vit. Nous ne pouvons pas supposer que notre saint soit resté étranger à son milieu. Au contraire, son activité nous prouve qu'il a tiré de celle-ci son souffle et son inspiration et, dans une certaine mesure, sa force et son succès.


Un insigne fils d'Italie


Nous devons féliciter Turin, dignement présente ici par le représentant de Monsieur le Maire, Nous devons féliciter l'Italie, de cette prérogative, qui n'est certainement pas tombée en désuétude, de donner à l'Eglise et au monde des hommes bons, prévoyants et typiques, comme celui dont Nous exaltons la figure et dont Nous rendons la mémoire impérissable.

Avec vous, Monsieur le Cardinal archevêque de l'heureuse ville où naquit, agit et mourut le Père Murialdo, Notre joie se fond dans une communion spirituelle; à vous, pour tout l’archidiocèse et pour toute l'Eglise du Piémont, s'adressent Nos religieuses et cordiales félicitations.

Et sachant la présence à cette cérémonie solennelle de S. E. Monsieur Mariano Rumor, Président du Conseil des Ministres d'Italie, Nous exprimons Notre satisfaction émue et reconnaissante de sa participation officielle, avec d'autres personnages représentant le gouvernement et le pays, à la célébration de la mémoire, des vertus, des travaux et de la gloire d'un fils insigne de l'Italie. Nous formons le souhait que cela contribue à renforcer les meilleures traditions religieuses et morales du peuple italien, à soutenir dans le pays tous les efforts généreux pour son progrès civil et à lui mériter par la vertu de ses citoyens, avec l'appui de ce citoyen céleste, la prospérité, la concorde et la paix.

Et cette référence de la figure du Père Murialdo au pays qui fut le sien Nous conduit à aborder le second chapitre, très dense, de l'action dans la société à laquelle il consacra les énergies inépuisables de son génie d'homme d'action. Qui pourrait résumer en une formule ce que fut cette action ? Il est bien difficile d'en faire la simple description, si bien que, parmi les nombreux titres dans lesquels elle se manifesta et s'affirma, Nous n'en indiquerons que deux, bien dignes d'un souvenir spécial : d'abord, la fondation d'une Congrégation religieuse de Saint-Joseph, institut sacerdotal et laïc, ayant « pour but d'éduquer, à la piété, et de donner une formation culturelle et technique aux jeunes gens pauvres, orphelins, abandonnés ou ayant besoin de s'amender ». Et c'est là le second titre qui a exalté et fait connaître dans le monde le nom béni de Leonardo Murialdo.


Petite armée de volontaires


Cette Congrégation : une autre petite armée (elle compte environ 850 membres, dont plus de la moitié sont prêtres, avec une centaine de maisons en Italie et dans le monde), une petite armée complétée par la branche féminine des soeurs Murialdines, de volontaires consacrés entièrement et pour toute la vie aux divers travaux du ministère ecclésiastique, mais spécialement à l'assistance et à l'éducation des enfants du peuple, avec une préférence pour les plus pauvres et pour les enfants de travailleurs, d'ouvrières ; ce qui prouve le haut intérêt de l'Eglise pour le monde de la jeunesse et du travail.

Le Père Murialdo fut parmi les premiers à ressentir l'urgence et à créer la possibilité d'aller au-devant de la jeunesse destinée au travail. C'est un pionnier de l'éducation spécialisée des jeunes travailleurs. C'est lui qui tenta les premières expériences de l'organisation ouvrière. C'est un promoteur des premières Unions catholiques d'ouvriers. C'est lui qui commença à Turin à organiser un bureau catholique de placement pour les ouvriers en chômage, qui institua un « Jardin de fête pour les ouvriers », qui ouvrit des colonies agricoles, des écoles techno-pratiques d'agriculture, des maisons de famille pour jeunes ouvriers et suscita cent autres initiatives du même genre. Le Père Murialdo a l'intuition prévoyante des formes pédagogiques, professionnelles, associatives, législatives, qui devront donner à la nouvelle population industrielle l'instruction, la préparation, la solidarité qu'ensuite la société moderne insérera dans ses propres programmes et qui devront faire de masses dispersées, pauvres, sans défense, inquiètes et excitées par des voix révolutionnaires pour la lutte des classes, un peuple nouveau, conscient de ses droits, capable de remplir ses devoirs, fondé sur le développement progressif de la légitime justice sociale, libre et responsable, comme l'exige l'organisation démocratique moderne. Qu'il suffise de dire que, dès décembre 1869, le Père Murialdo envoya au gouvernement Lanza-Sella une pétition pour une législation réglant le travail des femmes et des enfants dans les usines. Il a la passion pour les besoins de la jeunesse et des humbles, lui, fils d'une famille aisée, prêtre cultivé, distingué et toujours disposé à affronter des entreprises bienfaisantes qui le tourmentent et le rendent souvent plus pauvre que ses pauvres.

Cet aspect de la figure du saint Nous paraît devoir intéresser l'étude de la vie catholique en Italie et du développement des mouvements sociaux plus qu'elle ne le fait maintenant : nous oublions facilement cette tradition du catholicisme militant dans le domaine social et dans l'accroissement et la maturation de la conscience nationale. Les événements politiques du Risorgimento et les courants anticléricaux de l'époque ont peut-être contribué à freiner le succès des actions sociales des catholiques qui, encore plus que les discussions passionnées dans l'opinion publique ou dans la politique, visaient à offrir des contributions concrètes, positives, importantes d'un service organisé que seul le dévouement de personnes vouées à des institutions spécifiques concernant cette action pouvait fournir. Et cela prouverait que le caractère confessionnel de ces institutions n'empêche pas leur naissance mais l'engendre. Cela nous rappellerait aussi à nous, qui sommes habitués aujourd'hui à distinguer et même séparer le domaine religieux du domaine temporel, que l'inspiration religieuse réellement agissante dans le champ des activités sociales, loin de freiner leur expansion, leur confère l'énergie la plus intime, la plus généreuse, la plus féconde, l'énergie incomparable et inépuisable de la charité. L'histoire des oeuvres auxquelles le Père Murialdo a mis la main et a consacré sa vie le démontre et l'enseigne toujours.


« Il fut extraordinaire dans l'ordinaire »


Et ici la conclusion Nous amène au troisième chapitre, qui essaie de pénétrer dans la vie intérieure de cet homme de Dieu. Mais nous devons nous arrêter sur le seuil. La vie spirituelle personnelle du Père Murialdo nous est pour le moment moins connue que son activité multiforme extérieure. La publication de ses écrits et de sa correspondance rendra l'investigation possible, mais peut-être n'offrira-t-elle pas à nos recherches psychologiques ces aspects particuliers et pour ainsi dire anormaux dont, nous, modernes, sommes plus avides dans le domaine de l'hagiographie que les anciens, qui avaient, au contraire, le goût de la recherche et même certains, très imaginatifs, celui de l'invention embellissante d'épisodes merveilleux et miraculeux. Nous répéterons cependant ce qui a été dit de lui : il fut extraordinaire dans l'ordinaire, c'est-à-dire que sa personnalité sacerdotale se présente à nous sous le profil commun d'un bon prêtre de cette époque et de ce milieu. Et ce jugement est à la louange de la formation ecclésiastique alors en vigueur (et encore digne de haute appréciation) qui savait former un saint par l'observation régulière et fervente de la règle canonique, comme type ordinaire d'un prêtre extraordinaire. On revendique ainsi la sagesse de la pédagogie ecclésiale d'après le Concile de Trente, à la manière de saint Charles, à la manière de « Saint-Sulpice », de Monsieur Olier (le Père Murialdo fut l'hôte de Saint-Sulpice, à Paris, pendant quelque temps), dans laquelle la pédagogie où l'équilibre et même la complémentarité de la vie intérieure et de la vie extérieure sont une précieuse caractéristique. Ni l'une ni l'autre n'est portée à des singularités charismatiques, ascétiques ou pastorales, mais l'une et l'autre sont fortes, sérieuses, persévérantes et marquées moins par l'affirmation de la propre personnalité que par l'austère abnégation personnelle dans l'amour du Christ et dans l'humble conformité à la discipline canonique.

Mais cette recherche d'une vie ordinaire, et normale, ne sera jamais privée de l'originalité des âmes vivantes. Il suffit de rappeler combien intense fut la spiritualité du Père, et comment ses dévotions, c'est-à-dire les expressions préférées de sa vie religieuse, furent orientées avec une ferveur toute personnelle vers les vérités principales et centrales de la foi : la Sainte Trinité, l'Eucharistie, la Croix, le Saint-Esprit, l'Eglise, la sainte Vierge et, avec elle, saint Joseph (qui donna son nom à la Congrégation des fils du Père Murialdo...).

Et pour porter avec nous quelque chose de cette sainteté si simple, si vraie, si silencieuse et si féconde, et pour sentir le Père Murialdo non seulement vivant et glorieux dans le ciel, mais comme notre compagnon et notre modèle dans notre pèlerinage sur la terre et dans le temps, Nous Nous arrêterons, comme adieu, sur ses paroles, dans l'admiration de sa sainteté et dans la confiance en elle : « Ne pas rendre la religion, disait-il seulement surnaturelle ou seulement humaine, mais surnaturelle et humaine. Ajoutez à la vertu la bonté, la douceur, l'esprit d'amitié, le naturel, l'aisance, la joie... » (castellani, II, 756).

Il Nous semble le voir, l'entendre et l'avoir encore avec Nous, saint Leonardo Murialdo : tout près. Ainsi soit-il !





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