Paul VI Homélies 17097

25 septembre 1977

BIEN CHANTER, C’EST PRIER DEUX FOIS

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Le dimanche 25 septembre, veille de son anniversaire, le Pape a célébré l’Eucharistie dans la Basilique Saint-Pierre, en l’honneur des « scholae cantorum » d’Italie qui avaient groupé 10.000 de leurs membres, et en présence d’un grand nombre de pèlerins. Voici la traduction de l’homélie prononcée en italien par le Saint-Père à cette occasion :



A vous vénérables frères, et spécialement à Mgr Antonio Mistrorigo, évêque de Trévise et président de l’Association Italienne Sainte Cécile ; à vous, prêtres, religieux et religieuses qui nous avez amené ces groupes d’enfants qui chantent, à vous leurs parents et à vous les fidèles qui les accompagnez, spécialement à vous les jeunes et les enfants qui appartenez à cette Association Italienne Sainte Cécile ; à tous les participants à cette messe, notre salut et notre bénédiction !

Nous sommes émus et nous exultons, comme toujours, à cause de cette solennelle célébration dans cette basilique, centre de l’Eglise catholique, sur la tombe du premier des apôtres, Saint Pierre «principe et fondement, perpétuel et visible, de l’unité de la foi » et de la charité (cf. Constitution Lumen Gentium,
LG 18) ; mais, aujourd’hui, nous le sommes d’une façon spéciale à cause d’une circonstance qui Nous regarde personnellement : l’anniversaire de nos quatre-vingt ans.

Pour notre part, Nous aurions préféré la célébration de ce jour dans le silence, dans le souvenir, et surtout dans la méditation de nos très hautes et impressionnantes responsabilités en présence de Dieu, notre juge, à qui nous aurons à rendre des comptes ; la date que nous fêtons nous le rappelle plus que jamais. Mais le devoir veut qu’il en soit autrement. Nous orienterons donc à la gloire de Dieu et pour le bien de l’Eglise l’hommage qui Nous est offert par ce magnifique spectacle de chants, de prière et d’exultation : pour notre coeur paternel c’est une très grande joie.

Avant tout notre merci à vous tous, très chers fils, pour votre présence ; pour votre nombre ; pour ces exécutions harmonieuses si pleines de talent et de véritable beauté ; pour votre engagement assidu et généreux en faveur du chant sacré. Vous n’êtes poussés ni par le gain ni par la publicité, mais seulement par le désir de servir l’honneur de la maison de Dieu. Je vous remercie également pour le grand bien que votre oeuvre procure à la communauté ecclésiale, car si les fidèles chantent, beaucoup fréquenteront davantage l’Eglise, et par cette fréquentation, ils conserveront mieux leur foi et leur vie chrétienne.

Il est écrit dans l’Evangile qu’il y aura au ciel une grande récompense pour un verre d’eau. Mais un beau chant est quelque chose de plus qu’un verre d’eau ; la récompense qu’il recevra sera plus grande.

Il ne convient pas que nous fassions devant vous l’apologie du chant sacré. Personne mieux que vous n’est capable d’en apprécier l’importance et combien précieux est le service que rendent vos choeurs à l’Eglise. Sans vous la liturgie perdrait un soutien de valeur et il manquerait une aile à la prière du peuple dans son vol vers Dieu. Il n’est cependant pas superflu de rappeler que si le Concile Oecuménique a ouvert de nouvelles voies à l’avenir de la musique sacrée, par sa décision de donner à l’assemblée, dans les célébrations liturgique cela ne diminue pas le rôle des exécutions musicales et des « scholae cantorum ». Bien plus leur tâche est devenue d’une plus grande importance encore parce qu’elles doivent soutenir, servir de modèle, stimuler par une harmonie musicale plus élevée et qui élève, comme le dit l’instruction Musicam sacram, dont votre Association veut honorer, avec beaucoup d’à propos, le dixième anniversaire.

A ce sujet, permettez-Nous, chers enfants, de confier à votre réflexion une pensée qui Nous tient particulièrement à coeur. C’est justement parce qu’elles doivent servir au culte que votre contribution et votre compétence ne sont pas seulement destinées à votre satisfaction personnelle et à celle de vos auditeurs : elles sont un instrument au service de la gloire de Dieu, une expression et une profession de foi. Ce qui veut dire que votre chant est prière. Et alors voici notre exhortation : chantez bien, non seulement avec votre voix, mais surtout avec votre coeur ; c’est en effet le coeur qui donne sa valeur à la louange qui sort des lèvres et c’est seulement s’il part de votre coeur que votre chant pourra monter jusqu’à Dieu comme une expression digne du culte qui lui est dû.

Nous avons confiance, très chers jeunes, que vous saurez garder cette exigence qui est un devoir pour vous. Cela comporte une grande discipline qui n’est pas moins austère, assurément, que celle qui est exigée pour préparer une bonne exécution musicale, parce qu’elle vous impose une vie de communication et d’amitié avec Dieu. C’est justement cette conversation avec Dieu qui élève vos coeurs et constitue comme un pont entre la terre et le ciel. Pour décrire ce trajet sublime, il faut non seulement élever la voix, mais encore davantage l’âme ; c’est-à-dire qu’il vous faut être par votre vie même un chant de louange à Dieu, vie de préparation dans le temps pour ce à quoi nous sommes appelés pour l’éternité. Vous le voyez, votre responsabilité est grande ; mais, en même temps, quelle grande satisfaction pour vous et quelle récompense de la part de Dieu !

Très chers enfants, nous ne pouvons terminer cette rencontre sans vous rappeler un dicton ancien. Qu’il soit pour vous un programme et un souvenir de cette célébration : « bis orat qui bene cantat », c’est-à-dire « Celui qui chante bien prie deux fois ». Oui, deux fois, parce que l’intensité que la prière acquiert dans le chant, augmente son ardeur et multiplie son efficacité.

Chantez donc ! Chantez avec votre voix, chantez avec coeur, Faites comprendre comme il est beau de prier en chantant, comme vous le faites, avec l’Eglise et pour l’Eglise. Rayonnez la joie, rayonnez la bonté, rayonnez la lumière. Que vos âmes restent toujours ardentes et limpides, pour que vos lèvres soient toujours dignes de célébrer les louanges du Seigneur, en l’honneur de qui vous chantez et au nom de qui nous vous bénissons tous, très chers jeunes, vos maîtres, vos parents, en particulier la chère Association Italienne Sainte Cécile à qui va surtout le mérite de cette émouvante et inoubliable manifestation.



30 septembre 1977

Ouverture du Synode

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UN TEMPS PRIVILÉGIÉ POUR L’ANNONCE DU MESSAGE




Frères vénérés,



A vous grâce et paix de par Dieu, notre Père, et le Seigneur Jésus-Christ ! » (
1Co 1,3).

C’est par ces paroles de l’Apôtre des Gentils que Nous désirons vous saluer, vous tous ici présents, qui avez laissé les occupations habituelles de votre ministère pastoral et êtes venus à Rome pour participer au Synode des Evêques, vers lequel convergent en cet instant l’attention et l’espoir de la sainte Eglise de Dieu.

Réjouissons-nous ensemble de cette rencontre ! Goûtons cette heure de profonde et réconfortante allégresse spirituelle ! Le Seigneur a déclaré vouloir être mystiquement présent là où quelques-uns sont réunis en son nom (cf. Mt 18,20) : qu’il enveloppe et imprègne de la lumière et de l’abondance de sa grâce notre assemblée, exemple admirable de communion ecclésiale !

Le sujet de réflexion sur lequel Nous voulons nous entretenir avec vous, en ce moment si significatif, nous est offert par le passage de l’Evangile que nous venons d’entendre : ce sont les paroles par lesquelles saint Marc conclut son Evangile. Différentes choses appellent notre attention dans ce passage, et spécialement la personne des disciples et des Apôtres destinataires du message évangélique : tels sont les grands chapitres de notre Synode, que nous retrouverons comme autant de thèmes d’étude au cours des travaux.

Arrêtons-nous ce matin sur la partie du texte évangélique qui se réfère à la personne des disciples du Seigneur, car elle nous regarde directement ; elle est pour nous, Evêques : et en particulier pour les Evêques choisis pour la célébration de ce Synode. Que le Seigneur nous éclaire !

A cet égard, Nous voulons aborder deux aspects, et en tout premier lieu la conscience qui doit être la nôtre.

Nous sommes choisis, nous sommes appelés, nous sommes investis par le Seigneur d’une mission transformatrice. Comme Evêques, nous sommes les successeurs des Apôtres, les pasteurs de l’Eglise de Dieu. Un devoir nous définit : être témoins, être porteurs du message évangélique, être des maîtres en face de l’humanité. Tout cela, Nous voulons le rappeler, vénérables Confrères, pour raviver la conscience de notre élection, de notre vocation, de la responsabilité de la tâche immense, périlleuse, incommode, qui nous a été confiée ; mais surtout pour raffermir toute la confiance que nous avons dans le Christ qui nous assiste dans nos souffrances, dans nos efforts, dans nos espoirs. Car en pensant à l’humanité d’aujourd’hui, à laquelle s’adresse notre action pastorale — l’humanité que tout semble nous faire croire hostile, indifférente, sourde à nos paroles, même si en réalité on peut, bien des fois, percevoir dans cette attitude un désir inconscient, une recherche authentique et douloureuse de Dieu — en pensant à tout cela, disions-nous, du point de vue humain, l’esprit est envahi par une sorte d’effroi qui paralyse toute énergie. Il ne s’agit pas là d’humilité, mais d’une crainte qui pousse instinctivement à la recherche de tâches moins engageantes, moins risquées. Oui, être de vrais apôtres du Christ aujourd’hui est un grand acte de courage, et en même temps un grand acte de foi dans la puissance et dans l’aide de Dieu ; cette aide, Dieu ne la refusera certainement pas, si le coeur de l’apôtre reste ouvert à l’influence à la fois délicate et puissante de sa grâce. D’ailleurs, comment ne pas rappeler à cet égard les paroles de saint Paul sur l’armure du chrétien, armure qui convient d’autant plus à l’apôtre ? L’Eglise a besoin aujourd’hui d’hommes courageux, combatifs, capables de s’exposer eux-mêmes pour leur propre ministère toujours vigilant, actif, vécu avec confiance et persévérance. C’est pourquoi, avec saint Paul, Nous vous exhorterons à « endosser l’armure de Dieu, afin qu’au jour mauvais vous puissiez résister et rester fermes... ayez toujours en main le bouclier de la foi, grâce auquel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du Mauvais » (Ep 6,13 et suivants).

Le second aspect vers lequel se tourne notre réflexion est constitué par l’étendue de notre ministère. Le Maître nous dit d’aller « dans le monde entier » (Mt 16,15), et nous savons bien que c’est de ce mandat précis que nôtre ministère tient son qualificatif l’universel et catholique — on peut même ajouter, en se fondant sur le terme grec : cosmique. L’Evangélisation n’a donc pas de limites géographiques: elle cherche à comprendre, et elle doit comprendre en puissance, le monde entier, le monde humain avant tout, mais aussi — vu la position centrale de l’homme dans tout le réel de la création, vu aussi la fonction représentative et sacerdotale qu’il y exerce — le monde inanimé de toutes les choses.

Ce panorama du monde, dans lequel s’insère notre responsabilité à nous, évangélisateurs, nous donne l’idée de l’immensité de notre mission, nous en fait soupeser le poids. Combien, oh combien il y a encore à faire ! Il en découle à première vue un sentiment écrasant d’infériorité, d’inaptitude de notre part, qui peut sembler insuffisance totale. Mais c’est pour cela que notre engagement doit s’affermir, se confirmer; le regard porté sur le monde et sur l’avenir ne doit pas engendrer la paresse propre à l’homme qui ne puise pas aux sources de la grâce apostolique son propre jugement sur le monde, et la mesure pour évaluer les possibilités réelles de sa mission. Au contraire, loin de nous replier sur nous-mêmes, et pour réagir contre la tentation d’inertie, nous devons être certains que la « virtus », c’est-à-dire la force, l’aide, le secours du Seigneur est avec nous. C’est Jésus lui-même qui nous le garantit dans le passage final du premier Evangile, qui est parallèle à celui de Marc que Nous venons de citer : « Et voici que je suis avec vous tous les jours ». (Mt 28,20). L’examen de la scène mouvante de l’histoire contemporaine nous en donne la confirmation. Les hommes d’aujourd’hui se détachent de la religion et n’écoutent pas facilement notre message, parce qu’ils sont convaincus, à tort, que l’immense progrès de la civilisation rationnelle résultant de la technologie et de la science annule le besoin de la religion, alors qu’un observateur attentif et objectif des phénomènes humains perçoit avec plus de clarté la double conséquence d’un tel progrès. D’une part les religions créées par l’homme ne lui suffisent pas, tandis que l’homme évolué se croit satisfait et substitue, à la mentalité religieuse ainsi dissoute par l’athéisme, la confiance qu’il met dans la fécondité merveilleuse de son propre travail guidé par la science. Mais, d’autre part et en même temps, l’homme sent inexorablement un besoin croissant de connaître le mystère, ou plutôt les mystères, du cosmos, de la pensée, de la vie, et il expérimente fatalement une déception radicale, étant privé de la vérité religieuse. Et celle-ci, à son tour, demeurerait comme une énigme permanente si elle ne s’appuyait pas elle-même sur une Parole mystérieuse, seule capable également de soutenir d’en-haut l’édifice de la science humaine. En effet, plus cette science progresse, plus elle postule le secours de cette Parole d’en-haut, pourvu qu’elle soit vraie et assurée par un Maître capable d’introduire la pensée humaine dans la sphère la plus élevée de la Vérité suprême et de la Destinée « surnaturelle » de l’homme. Le besoin de cette parole, qui exige la foi de la part de l’homme, est aujourd’hui plus fort et plus tourmenté que jamais; et c’est seulement lorsqu’il est satisfait par l’Evangile — Vérité non contraire à la vérité scientifique mais supérieure — que la lumière revient sur la terre. S’il en est ainsi, Frères très chers — comme l’attestent l’expérience pastorale et une enquête psychologique relativement facile — notre mission peut encore trouver un accueil très heureux. A ce point de vue, non superficiel, non extérieur, cette époque n’est pas à considérer comme une époque d’athéisme, mais plutôt comme une époque de foi le temps de notre foi, qui est la vraie foi. Notre temps est un temps privilégié pour l’annonce du message, et notre assemblée synodale apparaît par conséquent opportune et providentielle : il y a trois ans, à l’automne, elle a cerné et éclairé cette urgence cruciale et primordiale de l’évangélisation ; elle s’apprête maintenant à en repenser, à en étudier, à en indiquer les formes et les méthodes, en mettant à l’ordre du jour de ses travaux le thème de la catéchèse.

Il faut enfin se rappeler que cette sécurité dans la foi se fortifie sous un autre aspect, l’aspect communautaire. La foi, en effet, engendre l’assemblée des croyants, c’est-à-dire l’Eglise. N’est-ce pas au pluriel qu’est formulée l’injonction du Seigneur ? Il dit : « Allez... enseignez » et il associe ensemble tous ses disciples dans un travail qui, sans annuler les responsabilités personnelles, impose un effort collectif, coordonné, réalisé dans la communion des intentions, des énergies, des finalités. Voilà pourquoi, nous aussi, nous nous retrouvons ensemble dans ce but : nous sommes réunis pour approfondir, pour professer, pour répandre la foi du Christ, en réponse à la demande de nos frères, qui s’est faite plus urgente. A un titre spécial nous sommes maintenant « communion ». Bienheureux sommes-nous si, à partir de cette assemblée eucharistique inaugurale, comme dans les jours suivants du Synode, nous savons raffermir ce lien sacré dans le travail commun, dans l’échange fraternel des expériences et des conseils, dans les contacts réciproques, et plus encore dans le contact avec la Parole de Dieu et avec le mystère du Corps et du Sang du Christ. « Bienheureux ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la gardent. » (Lc 11,28). Laissons-nous réconforter, aujourd’hui et toujours, par cette promesse de bonheur, tandis que nous reprenons notre prière.





9 octobre 1977: CANONISATION DE CHARBEL MAKHLOUF

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Homélie du Pape Paul VI prononcée, en la Basilique St. Pierre, lors de la canonisation du moine libanais, Charbel Makhlouf.



Vénérables Frères et chers Fils,



L’Eglise entière, de l’Orient à l’Occident, est invitée aujourd’hui à une grande joie. Notre coeur se tourne vers le ciel, où nous savons désormais avec certitude que Saint Charbel Makhlouf est associé au bonheur incommensurable des Saints, dans la lumière du Christ, louant et intercédant pour nous. Nos regards se tournent aussi là où il a vécu, vers le cher pays du Liban, dont nous sommes heureux de saluer les représentants : Sa Béatitude le Patriarche Antoine Pierre Khoraiche, avec nombre de ses Frères et de ses Fils maronites, les représentants des autres rites catholiques, des orthodoxes, et, au plan civil, la Délégation du Gouvernement et du Parlement libanais que nous remercions chaleureusement.

Votre pays, chers Amis, avait déjà été salué avec admiration par les poètes bibliques, impressionnés par la vigueur des cèdres devenus symboles de la vie des justes. Jésus lui-même y est venu récompenser la foi d’une femme syro-phénicienne : prémices du salut destiné à toutes les nations. Et ce Liban, lieu de rencontre entre l’Orient et l’Occident est devenu de fait la patrie de diverses populations, qui se sont accrochées avec courage à leur terre et à leurs fécondes traditions religieuses. La tourmente des récents événements a creusé des rides profondes sur son visage, et jeté une ombre sérieuse sur les chemins de la paix. Mais vous savez notre sympathie et notre affection constantes : avec vous, nous gardons la ferme espérance d’une coopération renouvelée, entre tous les fils du Liban.

Et voilà qu’aujourd’hui, nous vénérons ensemble un fils dont tout le Liban, et spécialement l’Eglise maronite, peuvent être fiers : Charbel Makhlouf. Un fils bien singulier, un artisan paradoxal de la paix, puisqu’il l’a recherchée à l’écart du monde, en Dieu seul, dont il était comme enivré. Mais sa lampe, allumée au sommet de la montagne de son ermitage, au siècle dernier, a brillé d’un éclat toujours plus grand, et l’unanimité s’est faite rapidement autour de sa sainteté. Nous l’avions déjà honoré en le déclarant bienheureux le 5 décembre 1965, au moment de la clôture du Concile Vatican II. Aujourd’hui, en le canonisant, et en étendant son culte à l’ensemble de l’Eglise, nous donnons en exemple, au monde entier, ce valeureux moine, gloire de l’Ordre libanais maronite et digne représentant des Eglises d’Orient et de leur haute tradition monastique.

Il n’est point nécessaire de retracer en détail sa biographie, d’ailleurs fort simple. Il importe du moins de noter à quel point le milieu chrétien de son enfance a enraciné dans la foi le jeune Youssef — c’était son nom de baptême — et l’a préparé à sa vocation: famille de paysans modestes, travailleurs, unis ; animés d’une foi robuste, familiers de la prière liturgique du village et de la dévotion à Marie ; oncles voués à la vie érémitique, et surtout mère admirable, pieuse et mortifiée jusqu’au jeûne continuel. Ecoutez les paroles que l’on rapporte d’elle après la séparation de son fils : « Si tu ne devais pas être un bon religieux, je te dirais : Reviens à la maison. Mais je sais maintenant que le Seigneur te veut à son service. Et dans ma douleur d’être séparée de toi, je lui dis, résignée : Qu’il te bénisse, mon enfant, et fasse de toi un saint » (P. Paul Daher, Charbel, un homme ivre de Dieu, Monastère S. Maron d’Annaya, Jbail Liban, 1965, p. 63). Les vertus du foyer et l’exemple des parents constituent toujours un milieu privilégié pour l’éclosion des vocations.

Mais la vocation comporte toujours aussi une décision très personnelle du candidat, où l’appel irrésistible de la grâce compose avec sa volonté tenace de devenir un saint : « Quitte tout, viens ! Suis-moi ! » (ibid. p. 52 ;cf. Mc
Mc 10,32). A vingt-trois ans, notre futur saint quitte en effet son village de Béqà-Kafra et sa famille pour ne plus jamais y revenir. Alors, pour le novice devenu Frère Charbel, commence une formation monastique rigoureuse, selon la règle de l’Ordre libanais maronite de Saint Antoine, au monastère de Notre-Dame de Mayfouk, puis à celui plus retiré de Saint-Maron d’Annaya ; après sa profession solennelle, il suit des études théologiques à Saint Cyprien de Kfifane, reçoit l’ordination sacerdotale en 1859 ; il mènera ensuite seize ans de vie communautaire parmi les moines d’Annaya et vingt-trois ans de vie complètement solitaire dans l’ermitage des Saints Pierre et Paul dépendant d’Annaya. C’est là qu’il remet son âme à Dieu la veille de Noël 1898, à soixante-dix ans.

Que représente donc une telle vie ? La pratique assidue, poussée à l’extrême, des trois voeux de religion, vécus dans le silence et le dépouillement monastiques ; d’abord la plus stricte pauvreté pour ce qui est du logement, du vêtement, de l’unique et frugal repas journalier, des durs travaux manuels dans le rude climat de la montagne ; enfin et surtout une obéissance totale à ses Supérieurs et même à ses confrères, au règlement des ermites aussi, traduisant sa soumission complète à Dieu. Mais la clé de cette vie en apparence étrange est la recherche de la sainteté, c’est-à-dire la conformité la plus parfaite au Christ humble et pauvre, le colloque quasi ininterrompu avec le Seigneur, la participation personnelle au sacrifice du Christ par une célébration fervente de la messe et par sa pénitence rigoureuse jointe à l’intercession pour les pécheurs. Bref, la recherche incessante de Dieu seul, qui est le propre de la vie monastique, accentuée par la solitude de la vie érémitique.

Cette énumération, que les hagiographes peuvent illustrer de nombreux faits concrets, donne le visage d’une sainteté bien austère, n’est-ce pas ? Arrêtons-nous sur ce paradoxe qui laisse le monde moderne perplexe, voire irrité ; on admet encore chez un homme comme Charbel Makhlouf une héroïcité hors de pair, devant laquelle on s’incline, retenant surtout sa fermeté au-dessus de la normale. Mais n’est-elle pas « folie aux yeux des hommes », comme s’exprimait déjà l’auteur du livre de la Sagesse ? Même des chrétiens se demanderont : le Christ a-t-il vraiment exigé pareil renoncement, lui dont la vie accueillante tranchait avec les austérités de Jean-Baptiste. Pire encore, certains tenants de l’humanisme moderne n’iront-ils, pas, au nom de la psychologie, jusqu’à soupçonner cette austérité intransigeante, de mépris, abusif et traumatisant, des saines valeurs du corps et de l’amour, des relations amicales, de la liberté créatrice, de la vie en un mot ?

Raisonner ainsi, dans le cas de Charbel Makhlouf et de tant de ses compagnons moines ou anachorètes depuis de début de l’Eglise, c’est manifester une grave incompréhension, comme s’il ne s’agissait que d’une performance humaine ; c’est faire preuve d’une certaine myopie devant une réalité autrement profonde. Certes, l’équilibre humain n’est pas à mépriser, et de toute façon les Supérieurs, l’Eglise doivent veiller à la prudence et à l’authenticité de telles expériences. Mais prudence et équilibre humains ne sont pas des notions statiques, limitées aux éléments psychologiques les plus courants ou aux seules ressources humaines. C’est d’abord oublier que le Christ a exprimé lui-même des exigences aussi abruptes pour ceux qui voudraient être ses disciples : « Suis-moi... et laisse les morts enterrer leurs morts » (Lc 9,59-60). « Si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses soeurs et jusqu’à sa propre vie, il ne peut être mon disciple » (Lc 14,26). C’est oublier aussi, chez le spirituel, la puissance de l’âme, pour laquelle cette austérité est d’abord un simple moyen, c’est oublier l’amour de Dieu qui l’inspire, l’Absolu qui l’attire ; c’est ignorer la grâce du Christ qui la soutient et la fait participer au Dynamisme de sa propre Vie. C’est finalement méconnaître les ressources de la vie spirituelle, capable de faire parvenir à une profondeur, à une vitalité, à une maîtrise de l’être, à un équilibre d’autant plus grands qu’ils n’ont pas été recherchés pour eux-mêmes : « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice et le reste vous sera donné par surcroît » (Mt 6,32).

Et de fait, qui n’admirerait, chez Charbel Makhlouf, les aspects positifs que l’austérité, la mortification, l’obéissance, la chasteté, la solitude ont rendus possibles à un degré rarement atteint ? Pensez à sa liberté souveraine devant les difficultés ou les passions de toutes sortes, à la qualité de sa vie intérieure, à l’élévation de sa prière, à son esprit d’adoration manifesté au coeur de la nature et surtout en présence du Saint-Sacrement, à sa tendresse filiale pour la Vierge, et à toutes ces merveilles promises dans les béatitudes et réalisées à la lettre chez notre saint : douceur, humilité, miséricorde, paix, joie, participation, dès cette vie, à la puissance de guérison et de conversion du Christ. Bref l’austérité, chez lui, l’a mis sur le chemin de la sérénité parfaite du vrai bonheur ; elle a laissé toute grande la place à l’Esprit Saint.

Et d’ailleurs, chose impressionnante, le peuple de Dieu ne s’y est pas trompé. Dès le vivant de Charbel Makhlouf, sa sainteté rayonnait, ses compatriotes, chrétiens ou non, le vénéraient, accouraient à lui comme au médecin des âmes et des corps. Et depuis sa mort, la lumière a brillé plus encore au-dessus de son tombeau : combien de personnes, en quête de progrès spirituel, ou éloignées de Dieu, ou en proie à la détresse, continuent à être fascinées par cet homme de Dieu, en le priant avec ferveur, alors que tant d’autres, soit-disant apôtres, n’ont laissé aucun sillage, comme ceux dont parle l’Ecriture (Sg 5,10 épître la messe).

Oui, le genre de sainteté pratiqué par Charbel Makhlouf est d’un grand poids, non seulement pour la gloire de Dieu, mais pour la vitalité de l’Eglise. Certes, dans l’unique Corps mystique du Christ, comme dit saint Paul (cf. Rm 12,4-8), les charismes sont nombreux et divers ; ils correspondent à des fonctions différentes, qui ont chacune leur place indispensable. Il faut des Pasteurs, qui rassemblent le peuple de Dieu et y président avec sagesse au nom du Christ. Il faut des théologiens qui scrutent la doctrine et un Magistère qui y veille. Il faut des évangélisateurs et des missionnaires qui portent la parole de Dieu sur toutes les routes du monde. Il faut des catéchètes qui soient des enseignants et des pédagogues avisés de la foi : c’est l’objet du Synode actuel. Il faut des personnes qui se vouent directement à l’entraide de leurs frères... Mais il faut aussi des gens qui s’offrent en victimes pour le salut du monde, dans une pénitence librement acceptée, dans une prière incessante d’intercession, comme Moïse sur la montagne, dans une recherche passionnée de l’Absolu, témoignant que Dieu vaut la peine d’être adoré et aimé pour lui-même. Le style de vie de ces religieux, de ces moines, de ces ermites n’est pas proposé à tous comme un charisme imitable ; mais à l’état pur, d’une façon radicale, ils incarnent un esprit dont nul fidèle du Christ n’est dispensé, ils exercent une fonction dont l’Eglise ne saurait se passer, ils rappellent un chemin salutaire pour tous.

Permettez-nous, en terminant, de souligner l’intérêt particulier de la vocation érémitique aujourd’hui. Elle semble d’ailleurs connaître un certain regain de faveur que n’explique pas seulement la décadence de la société, ni les contraintes que celle-ci fait peser. Elle peut d’ailleurs prendre des formes adaptées, à condition qu’elle soit toujours conduite avec discernement et obéissance. Ce témoignage, loin d’être une survivance d’un passé révolu, nous apparaît très important, pour notre monde, comme pour notre Eglise.

Bénissons le Seigneur de nous avoir donné saint Charbel Makhlouf, pour raviver les forces de son Eglise, par son exemple et sa prière. Puisse le nouveau Saint continuer à exercer son influence prodigieuse, non seulement au Liban, mais en Orient et dans l’Eglise entière ! Qu’il intercède pour nous, pauvres pécheurs, qui, trop souvent, n’osons pas risquer l’expérience des béatitudes qui conduisent pourtant à la joie parfaite ! Qu’il intercède pour ses frères de l’Ordre libanais maronite, et pour toute l’Eglise maronite, dont chacun connaît les mérites et les épreuves ! Qu’il intercède pour le cher pays du Liban, qu’il l’aide à surmonter les difficultés de l’heure, à penser les plaies encore vives, à marcher dans l’espérance. Qu’il le soutienne et l’oriente sur la bonne et juste voie, comme nous le chanterons tout à l’heure ! Que sa lumière brille au-dessus d’Annaya, ralliant les hommes dans la concorde et les attirant vers Dieu, qu’il contemple désormais dans la félicité éternelle ! Amen !



Le Saint-Père poursuit en italien :



Que soit louée la Très Sainte Trinité qui nous a donné la joie de proclamer saint le moine libanais Charbel Makhlouf, en confirmation de la durable et inépuisable sainteté de l’Eglise.

L’esprit de la vocation érémitique qui se manifeste dans la personne de ce nouveau saint, loin d’appartenir à un temps désormais révolu, nous apparaît comme une chose très importante pour notre monde comme pour le monde de l’Eglise. La vie sociale d’aujourd’hui est souvent marquée par l’exubérance, l’excitation, la recherche insatiable du confort et du plaisir, qui s’allie à une croissante faiblesse de volonté. Elle ne retrouvera son équilibre qu’avec un accroissement de maîtrise de soi, d’ascèse, de pauvreté, de paix, de simplicité, d’intériorité, de silence (cf. le discours du Pape aux moines du Mont Cassin, du 24 octobre 1964 : AAS 56, 1964, p. 987). La vie érémitique lui en donne l’exemple et lui apprend à en avoir le goût. Et dans l’Eglise, comment surmonter la médiocrité et réaliser un authentique renouveau spirituel qui ne s’appuie pas sur ses propres forces, sans développer une soif de sainteté personnelle, sans exercer les vertus cachées, sans reconnaître la valeur irremplaçable et la fécondité de la mortification, de l’humilité, de la prière ? Pour sauver le monde, pour le conquérir spirituellement, il est nécessaire, comme le veut le Christ, d’être dans le monde mais de ne pas appartenir dans le monde à tout ce qui éloigne de Dieu (cf. Salvatore Garofalo, Le parfum du Liban, Saint Charbel Makhlouf, Rome 1977, p. 216).

L’ermite d’Annaya nous le rappelle aujourd’hui avec une force incomparable.




16 octobre 1977

PRIER POUR L’ÉVÊQUE

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Le 16 octobre 1977 une grande foule de pèlerins s’est rassemblée à la Basilique Saint-Pierre autour des Pères du Synode et du diocèse de Rome pour prier avec et pour le Pape Paul VI. C’était une sorte de fête de famille destinée à célébrer dans le recueillement les quatre-vingts ans du Souverain Pontife. Voici la traduction de l’homélie du Pape, prononcée en italien :



Cette célébration, due à la charité de l’Eglise de Rome et du Synode qui s’y trouve présentement réuni, veut honorer publiquement et de façon particulière un événement de ma vie personnelle. Cela m’oblige à relier au texte évangélique lu dans toutes les églises du monde en ce XIX° dimanche ordinaire, tous les sentiments que cette célébration suscite en mon âme.

L’Evangile proposé aujourd’hui à la réflexion de l’Eglise parle de la nécessité de prier toujours sans se décourager : « Il faut toujours prier sans se décourager » (cf.
Lc 18,1-8). Il nous sera donc facile, à moi qui suis concerné à titre spécial, comme à vous, présents à cette cérémonie en tant que fidèles du diocèse de Rome, qui est « mon » diocèse, et encore à vous, vénérables Frères, membres du Synode actuellement en cours, et représentants de l’Eglise catholique du monde entier, oui, il nous sera facile de transformer en prière commune le motif, apparemment extérieur, mais en réalité essentiellement ecclésial, de la présente liturgie. Comme vous le savez, elle a été organisée pour inviter tous les participants à prier le Seigneur pour mon humble personne qui vient d’atteindre l’âge vénérable, mais humainement peu enviable, de quatre-vingts ans.

Eh bien, oui ! Cela vaut la peine de prier pour un Evêque, à plus forte raison quand cet Evêque est le Pape, arrivé à un si grand âge. Et cela pour deux motifs évidents. D’abord, parce que la durée de notre vie constitue, tout bien considéré une grande responsabilité. Tel est bien le sens du temps accordé à notre existence terrestre. Celui-ci n’est qu’une somme de devoirs et de grâces dont nous devons rendre compte. Ensuite, parce que cette durée annonce comme étant plus proche la fin du temps concédé à notre vie mortelle, et le « memento homo » de la mort prochaine plane inexorable et toujours plus grave sur la précarité accrue de ma journée terrestre. Et ces deux motifs constituent une raison bien grave d’anxiété et de crainte, à cause de l’approche du jugement de Dieu désormais imminent (cf. Jn 21,19 Mt 16 Mt 27 Rm 2,6).

C’est pourquoi je dois vivement remercier de cette heure de prière, organisée si pieusement, si filialement, si communautaire-ment, afin d’obtenir l’assistance divine pour mes années de vieillesse, dont je reconnais l’importance décisive par rapport à mon destin final. Merci, vénérables Frères; merci, très chers Fils, du témoignage réconfortant de votre piété et de votre communion.

Eh bien ! permettez-moi, un bref instant seulement, de vous livrer à mon tour le témoignage de mon affection qui répond à la vôtre. Les paroles d’infinie charité que Saint Paul réserve à l’amour du Christ pour l’Apôtre lui-même : « Il m’a aimé et s’est livré pour moi » (Ga 2,20) — et elles sont à la fois pour moi un motif de confusion et un stimulant — ont guidé mes très humbles activités au cours de mon long séjour romain. Oui, j’ai aimé Rome, dans le désir ardent et permanent d’en méditer et d’en comprendre le secret transcendant, incapable certainement de le pénétrer et d’en vivre, mais toujours passionné, comme je le suis encore, de découvrir comment et pourquoi « le Christ est romain » (cf. Dante 2, 32, 102).

Et à vous, Romains — c’est presque l’unique héritage que je puis vous laisser — je vous recommande d’approfondir, de tout votre coeur et avec un intérêt inépuisable, votre « conscience romaine », que celle-ci provienne du fait d’être né citoyen de cette Ville exceptionnelle, ou du fait d’y résider ou d’en être l’hôte ; « conscience romaine » qui, ici, a la vertu de communiquer à qui sait s’en imprégner, le sens d’un humanisme universel qui émane non seulement des époques classiques auxquelles Rome a survécu, mais plus encore de sa vitalité spirituelle, chrétienne et catholique.

Mon souhait s’étend bien au-delà. Que tous les croyants de la sainte Eglise, et aussi ceux qui aspirent à un oecuménisme religieux authentique, puissent à bon droit, grâce à leur foi et à leur amour, s’appliquer à eux-mêmes la définition, plus spirituelle que juridique, que l’on donna de Saint Paul : « Hic homo civis Romanus est », « cet homme est citoyen romain » (Ac 22,26).

La présence, en cette Basilique, des Pères du Synode, qui manifestent la catholicité de l’Eglise répandue par le monde entier, me fait penser aux milliers de messages de voeux qui me sont parvenus de toutes les nations à l’occasion de mon anniversaire. Ils viennent de personnalités civiles, de pasteurs, de prêtres, de religieux, de religieuses, de pères et de mères de famille, de travailleurs, de savants, de jeunes, de malades, d’enfants. Ils ne se contentent pas d’extérioriser leur affection sincère pour ma modeste personne, mais ils réaffirment clairement leur foi dans l’Eglise et dans la fonction singulière du Successeur de Pierre.

Peut-être ne sera-t-il pas possible de donner à tous et à chacun la réponse qu’ils mériteraient. Je voudrais donc prier, vous, les Pères du Synode, une fois rentrés dans vos diocèses, de vous faire auprès de vos fidèles les interprètes de ma gratitude et de mon affection paternelle.

Avec ces souhaits et en vous remerciant de votre présence à cette célébration, je vous bénis tous de grand coeur.



Le Souverain Pontife s’est exprimé ensuite en français, en anglais et en espagnol. Nous donnons ici le texte de son adresse en français :



Je suis heureux de profiter de la présence des Evêques, venus du monde entier au Synode sur la Catéchèse. Je leur confie le soin d’exprimer ma plus chaleureuse gratitude à leurs compatriotes, qui m’ont adressé de si nombreux témoignages d’affection et de reconnaissance à l’occasion de mon quatre-vingtième anniversaire. Et je me permets d’insister : à tous leurs compatriotes, depuis les plus hautes personnalités civiles et religieuses jusqu’au monde combien sympathique des adolescents et des enfants. Que Dieu les récompense tous de leur démarche si réconfortante !





Paul VI Homélies 17097