Thomas A. sur Rm (1999) 24

Leçon 4 [versets 13 et 14]

24
075 (
Rm 5,13-14)


[n° 421]: 13 Car jusqu’à la Loi, le péché était dans le monde; mais le péché n’était pas imputé, puisque la Loi n’existait pas.

[n° 424]: 14 Mais la mort a régné depuis Adam jusqu’à Moïse, même sur ceux qui n’avaient pas péché à l’imitation de la prévarication d’Adam, figure de Celui qui devait venir.

421. Après avoir montré l’origine du péché et de la mort, ou l’entrée de l’un et de l’autre dans le monde [n° 406], l’Apôtre explique ce qu’il avait dit.

I) Et il commence par expliquer ces paroles.

II) Puis, il explique la similitude qu’il avait indiquée, en disant: [n° 406]: 12 C’est pourquoi, de même que, etc.

III) Enfin, il explique cette similitude [n° 429]: figure de celui qui devait venir.

I. L’Apôtre avait dit que le péché et la mort ont passé dans tous les hommes, et il veut à présent, suivant l’explication d’Augustin 1, montrer le fait que même sous la Loi le péché est demeuré, comme si la Loi avait été incapable de l’exclure. Dans ce but il fait deux choses

A) Il fait d’abord connaître son propos quant au péché.

B) Puis, quant à la mort [n° 424] 14 Mais la mort a régné, etc.

A. En faisant connaître son propos quant au péché, il montre deux choses

1) Premièrement que le péché fut, même sous la Loi.

2) Puis, ce que la Loi fait à l’égard du péché [n° 423]: mais le péché, etc.

422. 1. On a dit que tous ont péché en Adam, parce que même la Loi n’a pas ôté le péché. 13 la Loi, c’est-à-dire même sous la Loi, selon que ce mot "jusqu’à" est pris au sens inclusif, le péché était dans le monde, ce qui peut s’entendre de la loi naturelle et de la Loi de Moïse, comme aussi du péché actuel et du péché originel. Le péché originel, en effet, était dans l’enfant jusqu’à la loi naturelle, c’est-à-dire jusqu’à l’usage de la raison, par laquelle l’homme prête attention à ces lois "Dans les péchés ma mère m’a conçu 2." Cependant ce péché ne cesse pas au moment de la venue de la loi naturelle dans l’homme, mais il s’accroît 3 par l’addition du péché actuel, parce que, selon <le livre de> l’Ecclésiaste, "il n’est pas d’homme

1. Voir SAINT AUGUSTIN, De nuptiis et concupiscentia II, XXVII, 44-47 (BA 23, 242-253); Expositio quarundam propositionum ex epistola ad Romanos, prop. XXVII-XXVIII (PL 35, 2067; CSEL 84,

2. Ps 50, 7.

3. Lieux parailèles Somme Théologique 1a-2ae Q. 82, a. 2; 2 Sentences dist. 33, Q. 1, a. 3; Super Psalmos, in Ps. 31, 2; 50, 7; Ad Rom. 4, 7, lect. 1 (éd. Marietti, n° 335); 5, 12, Iect. 3 (éd. Marietti, n° 412).



juste sur la terre qui fasse le bien et ne pèche pas 1." Mais si nous l’entendons de la Loi de Moïse, alors en disant: que le péché fut dans le monde jusqu’à la Loi, cela peut s’entendre non seulement du péché originel, mais aussi du péché actuel, parce que, et avant et sous la Loi, l’un et l’autre péché ont demeuré: "Qui peut dire: Mon coeur est pur, je suis pur du péché 2? "

423. 2. Bien que la Loi n’ait pas ôté le péché, elle en a cependant donné connaissance, puisque auparavant il n’était pas connu. Voilà pourquoi <l’Apôtre> ajoute: mais le péché n’était pas imputé. Ce qui est clair, si on l’entend de la loi natu relle. Car, bien que le péché originel soit dans l’enfant avant la loi naturelle, et qu’il lui soit imputé par Dieu, il ne lui est cependant pas imputé devant les hommes. Mais si on l’entend de la Loi de Moïse, la chose est claire pour ce qui regarde quelques péchés actuels, qui n’étaient pas imputés avant la Loi, comme il en est de ceux qui sont spécialement défendus par la Loi, et que les hommes ne regardaient pas comme péchés, par exemple ce qui est dit dans l’Exode: "Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain, et tu ne désireras pas sa femme, ni son serviteur, ni sa servante, ni son boeuf, ni son âne, ni aucune des choses qui sont à lui 3." Quelques péchés cependant étaient imputés, en tant qu’ils étaient contre la loi naturelle. Aussi lit-on dans la Genèse 4 que Joseph fut envoyé en prison parce qu’on lui imputait un adultère.

424. — B. <L’Apôtre> traite ensuite de la mort, en disant: Bien que les péchés, avant la Loi, n’aient pas été imputés, cependant 14 la mort, à savoir la mort spirituelle, c’est-à-dire le péché ou la damnation éternelle 5, dont il est dit "La mort des pécheurs est très funeste 6", a régné, c’est-à-dire a exercé son pouvoir sur les hommes, en les menant à la damnation, depuis Adam, par lequel le péché entra dans le monde, jusqu’à Moïse, sous lequel la Loi a été donnée: "La Loi a été donnée par Moïse 7." — <La mort a régné> non seulement sur ceux qui ont péché actuel lement, mais même sur ceux qui n'avaient pas péché à l’imitation de la prévarication d’Adam, lequel a péché actuellement: "Mais eux comme Adam, ils ont trans gressé l’alliance, là ils ont prévariqué contre moi 8." C’est pour cette raison que même les enfants encouraient la damnation.

425. On peut encore, et selon ce même sens, l’entendre de la mort corporelle 9, à preuve que le péché fut alors même qu’il n’était pas imputé, comme si <l’Apôtre> disait: mais le péché n'était pas imputé, avant la Loi, mais on reconnaît qu’il fut, parce que la mort, c’est-à-dire la mort corpo relle, a régné, d’abord en amenant quelques souffrances, par exemple la faim, la soif, la maladie, enfin en détruisant tout tota lement, même sur ceux qui n’avaient pas péché à l’imitation de la prévarication

1. Eccl. (Qo) 7, 20.

2. Pr 20, 9.

3. Ex 20, 17.

4. Voir Gn 39, lIs.

5. Cette précision est importante. Elle va dans le sens de saint Paul qui, en affirmant que " la mort est entrée dans le monde", reprend un verset du livre de la Sagesse (2, 24): c’est par l’envie du diable que la mort est entrée dans le monde ils en font l’expé rience, ceux qui lui appartiennent", tandis que " les âmes des justes sont dans la main de Dieu." Il s’agit donc bien, non de la seule mort corporelle (qui ne distingue pas les méchants des justes), mais de la mort spirituelle, c’est—à-dire de la privation du salut. Ainsi l’ont compris les Grecs (SAINT CYRILLE D’ALEXANDRIE, Explanatio in epis tulam ad Romanos V, 14 [n° 74, 784 B]; P. E. PUSEY, Fragmenta in episs. ad Romanos, vol. III, p. 183-184) et SAINT AUGUSTIN (Enchi ridion VIII, 26-27, BA 9, 150-155) — ce qui n’exclut pas la mort corporelle, conséquence de la mort spirituelle qu’est le péché. Ces vues devraient permettre de répondre à bien des interrogations récentes (Ou des mises en question), à condition qu’on n’érige pas en dogmes des hypothèses "scientifiques" d’une extrême fragilité (et peut-être en voie d’être abandonnées) et qu’on admette que Dieu avait établi l’humanité dans un état de perfection spirituelle et natu relle où l’incorruptibilité" extérieure" était le signe et la consé quence de la "justice" intérieure.

6. Ps 33, 22a.

7. Jn 1, 17.

8. Os 6, 7.

9. Voir Glosa in Rom. V, 14 (GPL, col. 1390 C).



d’Adam, c’est-à-dire sur les enfants, qui n’ont pas commis de péchés actuels, puisque ces derniers, avant comme après la mort du Christ, endurent la mort corporelle, selon ces paroles du psaume: "Quel est l’homme qui vivra et ne verra pas la mort 1 ?"

426. Cependant Ambroise 2 explique autrement ce passage. Il l’entend du péché actuel seulement et de la Loi de Moïse. Selon lui, <l’Apôtre> met ces paroles pour montrer que par le premier homme le péché est entré dans le monde et a passé dans tous <les hommes>.

Car jusqu’à la Loi, c’est-à-dire avant la Loi de Moïse, le péché était dans le monde, à savoir le péché actuel. Car les hommes péchaient de multiples manières contre la loi naturelle. Aussi est-il dit dans la Genèse: "Les habitants de Sodome étaient très méchants 3." — Mais le péché n'était pas imputé, puisque la Loi n'existait pas, c’est-à-dire non qu’il n’était pas imputé comme punissable devant les hommes, puisqu’on lit qu’avant la Loi certains ont été punis par les hommes pour leurs péchés, ainsi qu’on le rapporte dans la Genèse 4, mais il n’était pas imputé comme punissable par Dieu. Car les hommes ne croyaient pas alors que Dieu punissait ou récompensait les actions humaines, selon ces paroles de Job: "Il parcourt les pôles du ciel, et il ne s’occupe pas de ce qui nous regarde 5." Mais par la suite, la Loi ayant été donnée par Dieu, on connut que les péchés étaient imputés à peine par Dieu, et non point seulement par les hommes. Voilà pourquoi les hommes, ne croyant pas qu’ils seraient punis par Dieu pour leurs péchés, péchaient librement et sans retenue, quand ils ne crai gnaient pas le jugement humain. Aussi <l’Apôtre> ajoute-t-il: Mais la mort, c’est-à-dire le péché, a régné, c’est-à-dire a exercé de toutes manières sa domination, depuis Adam jusqu'à Moïse, exclusivement. Car par Moïse a été donnée la Loi, qui commença à diminuer le règne du péché, en inspirant la crainte du jugement divin, selon cette parole du Deutéronome: "Qui leur donne d’avoir un esprit tel, qu’ils me craignent, et qu’ils gardent tous mes commandements en tout temps 6 ?" Le péché, dis-je, a régné [...] jusqu’à Moïse, non cependant sur tous, mais sur ceux qui ont péché à l’imitation de la prévarication d’Adam. En effet, Ambroise dit que dans les anciennes versions on ne trouve pas cette négation "non", aussi croit-il qu’elle a été ajoutée par des <scribes> qui ont corrompu le texte 8, Car Adam ajouta foi plutôt à la promesse du diable qu’à la menace de Dieu, ainsi qu’on le voit dans la Genèse 9, préférant en quelque sorte le diable à Dieu. Ainsi donc, à l’imitation de la prévarication d’Adam, les idolâtres prévariquent, eux qui, en aban donnant le culte de Dieu, honorent le diable. Sur ceux-là donc la mort, c’est-à-dire le péché, a régné totalement, parce qu’il les posséda entièrement. Mais il y eut, avant la Loi de Moïse, des adorateurs du vrai Dieu, qui alors même qu’ils péchaient, n’étaient cependant pas sous le règne du péché, parce qu’il ne les séparait pas totalement de Dieu. Mais ils péchaient sous <le regard de> Dieu, c’est-à-dire avec la foi en un Dieu unique, même quand ils péchaient mortellement; ou sous <le régime de> la charité de Dieu, lorsqu’ils péchaient véniellement.

1. Ps 88, 49.

2. Cette explication n’est pas de saint Ambroise, mais figure dans le commentaire de l’épître aux Romains d’Ambrosiaster (V, 13; CSEL 81/1, 31) qu’on a attribué à saint Ambroise jusqu’au XV siècle.

3. Gn 13, 13.

4. Voir Gn 39 et 40.

5. Jb 22, 14. Inversion de l’ordre des mots du verset.

6. Dt 5, 29.

7. CSEL 81/1, 32. Voir Glosa in Rom. V, 14 (GPL, col. 1390 B).

8. Il s’agit du verset 14 " mais la mort a régné méme sur ceux qui n’avaient pas péchés, si l’on garde la négation (qui non peccaverunt), ou bien "sur ceux qui avaient péché", si on la supprime. Les anciennes versions dont parle saint Ambroise (en réalité le Pseudo Ambroise dit Ambrosiaster) ne désignent pas les versions antérieures à la Vulgate de saint Jérôme. La révision du Nouveau Testament par saint Jérôme (révision très sommaire pour les écrits autres que les évangiles) date de 384, alors que le commentaire que fit l’Ambro siaster des épîtres de saint Paul lui est antérieur d’une vingtaine d’années. Ces anciennes versions sont donc les premières traductions latines de saint Paul qui datent Peut-être du milieu du " siècle et qui, vers 180, étaient assez répandues en Afrique et en Italie (voir Jean DANinLOU, Les Origines du christianisme latin, p. 22). L’Ambrosiaster ignorait probablement le grec.

9. Voir Gn 3, 6.



427. — II. De ces deux explications on peut en tirer une troisième, qui semble rejoindre davantage l’intention de l’Apôtre. En effet, il avait dit que "par un seul homme le péché est entré dans ce monde 1", et parce que le péché est une transgression de la Loi divine, on pourrait s’imaginer que cette assertion n’était pas vraie quant au temps qui précédait la Loi, et surtout en s’appuyant sur ses autres paroles: "Là où il n’y a pas de loi, il n’y a pas non plus de prévarication 2." On pourrait donc croire que le péché n’était pas entré dans le monde par un seul homme, mais bien par la Loi. Aussi, pour rejeter cette interprétation, <l’Apôtre> dit que jusqu’à la Loi, c’est-à-dire avant le temps de la Loi, le péché, tant originel qu’actuel, était dans le monde; toutefois il n’était pas connu, surtout en tant que punissable par Dieu. C’est bien ce que l’Apôtre dit en ajoutant mais le péché n’était pas imputé, à savoir comme existant contre Dieu, puisque la Loi, donnée par Dieu, n‘existait pas.

428. D’aucuns, en effet, selon le Philosophe 3, s’imaginèrent qu’il n’est rien de juste naturellement, et par conséquent rien d’injuste, mais <que tout est> par la seule disposition de la loi humaine. Selon cette hypothèse aucun péché, et principalement le péché originel, n’était imputé, c’est-à-dire connu, comme existant contre Dieu.

Mais l’effet <du péché> montre que cette assertion était fausse, car la mort corporelle a régné depuis Adam, par qui le péché originel est entré dans le monde, jusqu’à Moïse, sous lequel la Loi fut donnée. Or, comme la mort est l’effet du péché, surtout du péché originel, il est évident qu’avant la Loi le péché originel fut dans le monde. Et pour qu’on ne dise pas que <les hommes> étaient morts à cause des péchés actuels, afin de rejeter cette assertion <l’Apôtre> dit qu’elle a régné […] même sur ceux qui n’ont pas péché, par un acte personnel, à savoir, sur les enfants, et même sur les justes qui n’ont pas péché mortellement, mais qui ont péché dans le premier homme, comme on l’a dit. Et c’est pourquoi il ajoute: à l’imitation de la prévarication d’Adam, en tant qu’ils ont contracté la ressemblance de ce péché par leur origine, en même temps que la ressemblance de la nature; autrement dit du fait qu’ils étaient morts sans péché personnel, cela prouve que la ressemblance du péché d’Adam s’était étendue jusqu’à eux par leur origine. Et c’est ce que l’Apôtre a l’intention de montrer, à savoir que le péché originel est entré dans le monde par Adam.

429. — III. Lorsque <l’Apôtre> dit qui est la figure de Celui qui devait venir, il explique la similitude comprise dans la locution conjonctive : Sicut ("de même que"). Aussi dit-il: qui, à savoir, Adam, est la forme, c’est-à-dire une sorte de figure, de Celui qui devait venir, autrement dit du Christ, mais en sens contraire. Car de même que par Adam le péché et la mort sont entrés dans le monde, ainsi par le Christ sont entrées la justice et la vie: "Le premier homme tiré de la terre est terrestre; le second, venu du ciel, est céleste 4." Il y a encore d’autres

1. Rm 5, 12.

2. Rm 4, 15.

3. Voir ARISTOTE Ethique à Nicomaque V, 10 [n° 134b] AL xxvi, fasc. 3, p. 241. Lieu parallèle Ethic. 5, Iect. 12, éd. Léonine, 1969, t. XLVII, vol. II, p. 306, I. 140-153.

4. 1 Co 15, 47.



ressemblances entre le Christ et Adam, à savoir de même que le corps d’Adam fut formé sans union charnelle, ainsi le corps du Christ fut-il formé pareillement de la Vierge. Et de même que du côté d’Adam qui dormait la femme a été tirée 1, ainsi du côté du Christ dormant sur la croix coulèrent, comme le dit Jean 2, le sang et l’eau signifiant les sacrements par lesquels l’Eglise a été formée.

1. Voir Gn 2, 21-22.

2. Voir Jn 19, 34.

3. C’est chez Tertullien que l’on trouve pour la première fois ce parallèle entre la naissance d’Eve du côté d’Adam endormi et la naissance de l’Eglise du côté du Christ mourant sur la croix Si Adam était une figure du Christ, le sommeil d’Adam était la mort du Chnst qui avait dormi dans la mort afin que, par Eve sortant de la blessure de son côté, l’Eglise, vraie mère des vivants, fût figurée." (De anima 43, 10; CCL 2, 847). Voir le développement que Jean Daniélou consacre à ce sujet dans son ouvrage Les Figures du Christ dans l’Ancien Testament. Sacramentum futari", chap. IV: "Le sommeil d’Adam et la naissance de l’Eglise", p. 37-44. Lieux parallèles Superloan. 19, 34, lect. 5 (éd. Marietti, n 2458); Catena aurea, in Ioan. 19, 34 (éd. Marietti, 1953, vol. II, n 10, p. 573) Super Psalmos, in P." 3, 6; Somme Théologique Ia, Q. 92, a. 3; 3a, Q. 64, a. 2, sol. 3; 4 Sentences dist. 18, Q. 1, a. 1, sol. I.


Leçon 5 [versets 15 à 19]

25
075 (
Rm 5,15-19)


[n° 430] 15 Mais il n’en est pas de même de la faute et du don; car si, par la faute d’un seul, beaucoup sont morts, à plus forte raison la grâce et le don de Dieu ont-ils surabondé pour un grand nombre par la grâce d’un seul homme, Jésus-Christ.

[n° 435] 16 Et il n’en est pas du don comme du péché d’un seul; car le jugement d’un seul a abouti à la condamnation; tandis que la grâce aboutit à la justification après des fautes nombreuses.

[n° 438] 17 Si, en effet, par la faute d’un seul, la mort a régné par <le fait d’>un seul, â plus forte raison ceux qui reçoivent l’abondance de la grâce, et du don, et de la justice, régneront-ils dans la vie par un seul, Jésus-Christ.

[n° 442] 18 Ainsi donc, de même que par la faute d’un seul ce fut pour tous les hommes la condamnation, ainsi est-ce aussi par la justice d’un seul que la justification qui donne la vie s’étend à tous les hommes.

[n° 445] 19 En effet, de même que par la déso béissance d’un seul homme beaucoup ont été constitués pécheurs, de même, par l’obéissance d’un seul, beaucoup seront constitués justes.

430. Après avoir exposé l’entrée du péché dans ce monde [n° 406], <l’Apôtre> traite ici du progrès de la grâce abolissant le péché. Et dans ce dessein il montre deux choses:

Premièrement, comment le péché, qui est entré dans le monde par un seul homme, a été éloigné par la grâce du Christ.

Deuxièmement, comment par la grâce du Christ le péché, qui avait sura bondé depuis l’avènement de la Loi, a été éloigné [n° 448]: 20 Or la Loi est intervenue, etc.

<L’Apôtre> montre donc que par la grâce du Christ le péché introduit dans le monde par Adam a été éloigné, <et il le fait> en comparant la grâce du Christ au péché d’Adam, c’est-à-dire parce que la grâce du Christ a plus de pouvoir sur le bien que le péché d’Adam n’en a sur le mal. Et pour le prouver il fait deux choses

I) Il compare d’abord les causes entre elles, à savoir, la grâce du Christ au péché d’Adam.

II) Puis, il les compare entre elles selon leurs effets [n° 435]: 16 Et il n’en est pas du don, etc.

I. Dans la comparaison des causes il fait deux choses:

A) Il commence par exposer sa comparaison.

B) Puis, il la développe [n° 432]: car si, par la faute d’un seul, etc.

431. — A. Il commence donc par dire:

On a avancé qu’Adam est la figure de Celui qui devait venir, 15 mais il n’en est pas de même de la faute, etc., autrement dit, il ne faut pas penser que la faute d’Adam ait été d’une aussi grande efficacité que le don du Christ. La raison en est que le péché procède de la faiblesse de la volonté humaine, tandis que la grâce procède de l’immensité de la bonté divine, qui l’emporte manifestement sur la volonté humaine, précisément <parce qu’elle est> faible. Voilà pourquoi l’efficacité de la grâce surpasse tout péché. Et c’est aussi pour cette raison que David disait: "Aie pitié de moi, ô Dieu, selon ta grande miséricorde." Voilà pourquoi encore cette parole de Caïn disant: "Elle est trop grande mon iniquité, pour que je mérite le pardon 2," est justement réprouvée.

432. — B. Lorsque 3 <l’Apôtre> dit car si, par la faute d’un seul, etc., il développe ce qu’il avait dit, à savoir, que le don de la grâce surpasse la faute d’Adam. Si, par la faute d’un seul, à savoir d’Adam, beaucoup sont morts, c’est-à-dire si par la faute d’Adam le péché et la mort ont passé à une multitude d’autres, puisqu’ils ont passé dans tous ceux qui ont péché en lui, à plus forte raison la grâce et le don de Dieu, c’est-à-dire le don gratuit de Dieu, selon que cette <conjonction> "et" est prise dans le sens explicatif 4." Ou bien la grâce de Dieu se rapporte à la rémission du péché, comme c’est le cas plus haut, au chapitre 3: "étant justifiés gratuitement par sa grâce, 5 etc. Et le don se rapporte aux biens ajoutés en plus de la rémission des péchés, comme le dit le psaume 67, selon une autre version "<Le Seigneur> a fait des dons aux hommes 6" — A plus forte raison, dis-je, cette grâce et ces dons ont-ils surabondé pour un grand nombre, c’est-à-dire pour des multitudes. Car plus une cause a de puis sance, plus elle peut étendre ses effets. Or le péché d’Adam s’est étendu à des multitudes, comme le prouve la mort. Aussi <l’Apôtre> dit-il expressément que par la faute d’un seul, beaucoup sont morts. La mort est en effet la preuve du péché originel, ainsi qu’on l’a dit plus haut: "Le Seigneur Dieu donna à Adam un précepte en ces termes: De tout arbre du paradis prends ta nourriture; mais de l’arbre de la connaissance du bien et du mal tu ne mangeras pas. Car le jour où tu en mangeras, tu mourras de mort 7." La grâce de Dieu, qui est plus forte, s’étend â une plus grande multitude "Il convenait, en effet, que, voulant conduire à la gloire une multitude de fils, celui pour qui et par qui sont toutes choses rendît parfait par sa passion l’auteur de leur salut 8".

433. Il faut remarquer qu’il dit: ont surabondé, parce que non seulement la grâce de Dieu s’est étendue vers des multitudes pour détruire le péché introduit par Adam, mais aussi pour détruire les péchés actuels et procurer beaucoup d’autres biens: "Et Dieu est puissant pour faire abonder toute grâce en vous 10." De même, en effet, que le péché d’un seul homme a abondé pour des multitudes à la première suggestion du diable, ainsi la grâce de Dieu s’est-elle répandue sur des multitudes par un seul homme. C’est pourquoi <l’Apôtre> dit expressément: in gratia (par la grâce), c’est-à-dire par la grâce d’un seul homme, Jésus-Christ. Car si à partir de Dieu la grâce s’est répandue sur des multitudes, c’est afin qu’ils la reçoivent par le Christ, en qui se trouve toute la plénitude des grâces 11, selon cette parole

1. Ps 50, 3. — Lieu parallèle Super Psalmos, in Ps. 50, 3.

2. Gn 4, 13.

3. Lieu parallèle Somme Théologique 3a, Q. 68, a, 9 (concl. ).

4. C’est-à-dire si l’on considère "et le don de Dieu" comme une explication de la grâce

5. Rm 3, 24.

6. Ps 67, 19 (version du Psautier romain; voir Le Psautier romain et les autres anciens psautiers latins, éd. Dom Robert Weber, p. 151).

7. Gn 2, 16-17.

8. He2, 10.

9. Voir ici n° 404. — Lieu parallèle Somme Théologique 3a, Q. 110, a. 10, sol. 3.

10. 2 Co 9, 8.

11. Lieux parallèles: Somme Théologique 3a, Q. 7, a. 10; Q. 27, a. 5, sol. 1. 3 Sentences dist. 13, Q. 1, a. 2, Q. 2, sol. 2; Compend. theol., c. 214; Cou, in salut. ang. ; Super Ioan. 1, 14e, lect. 8 (éd. Marietti, n° 189); 3, 34b, lect. 6 (éd. Marietti, n° 544); I Ad Cor. 11, 3, lect. 1 (éd. Marietti, n° 587); 12, 4, lect. 1 (éd. Marietti, n°721); Ad CoL 1, 19, lect. 5 (éd. Marietti, n° 50).



de Jean: "De sa plénitude nous avons tous reçu, et grâce sur grâce 1."

434. Toutefois 2 le texte doit être lu, selon l’explication d’Augustin 3, de la manière suivante: ce mot in plures (pour un grand nombre) n’est pas à prendre dans un sens comparatif, mais absolu; et ainsi veut-il que l’on fasse attention à cette comparaison: si la faute du seul Adam s’est étendue à des multitudes, à plus forte raison la grâce du Christ seul s’est-elle étendue à des multitudes. Mais, selon Ambroise 4 ce mot in plures (pour un grand nombre) se prend au sens comparatif: par la faute, c’est-à-dire par le péché actuel, d’un seul, c’est-à-dire d’Adam, beaucoup, <mais> non tous, sont morts, à savoir de la mort du péché, en imitant le péché d’Adam lui-même par l’idolâtrie, comme on l’a exposé plus haut [n° 426]. Le livre de la Sagesse dit des idolâtres qu’"ils sont malheureux", et que "leur espérance est parmi les morts." Et à plus forte raison la grâce […] de Dieu" a "surabondé pour un grand nombre, c’est-à-dire <au-delà des seuls> idolâtres qui ont péché à la ressemblance d’Adam, parce que non seulement leurs péchés ont été ôtés par la grâce du Christ, mais aussi les péchés de ceux qui ont persévéré dans la foi en un seul Dieu "Il laissera de côté nos iniquités, et il jettera au fond de la mer tous nos péchés 6."

435. — II. Lorsque <l’Apôtre> dit: 16 Et il n’en est pas du don comme du péché, etc., il compare la grâce du Christ au péché d’Adam, quant à l’effet, parce que non seulement ils rejaillissent l’un et l’autre sur des multitudes, mais aussi parce que la grâce du Christ a une efficacité plus grande que le péché d’Adam. Et à ce sujet, <l’Apôtre> fait trois choses

A) Il commence par énoncer sa proposition.

B) Il en montre ensuite l’évidence [: car le jugement, etc.

C) Enfin, il la prouve [n° 438]: 17 Si, en effet, par la faute d’un seul, etc.

436. — A. <L’Apôtre> commence donc par dire: Non seulement la grâce du Christ a surabondé davantage pour des multitudes que le péché d’Adam, mais elle a aussi en eux un effet plus grand. Et c’est bien ce qu’il dit: Et il n‘en est pas du don comme du péché d’un seul, autrement dit l’effet produit par le seul péché d’Adam sur les multitudes ne fut pas aussi grand que celui qui résulte du don de la grâce du Christ sur les multitudes. Car la puissance de l’effet dépend de celle de la cause. Si donc il a été dit que la grâce est plus puis sante que le péché d’Adam, il s’ensuit qu’elle produit un effet plus grand.

1. Jn 1, 16.

2. Lieu parallèle Somme Théologique 3 Q. 52, a. 7, sol. 2.

3. SAINT AUGUSTIN, Contra lulianum opus imperfectum II, c. 148 (CSEL 85/1, 270-271); De peccatorum mentis et remissione I, Xi, 14 (CSEL 60, 15).

4. AMBROSIASTER, Commentania in epistolam ad Romanos, V, 15 (CSEL 81/1, 34). Voir n° 426, n. 2.

5. Sg 13, 10.

6. Mi 7, 19.

437. — B. Quand <l’Apôtre> ajoute car le jugement, etc., il montre l’évidence de ce qu’il avait dit. Car le jugement, c’est-à-dire la punition divine, <qui> procède d’un seul, à savoir du péché du premier père, a abouti à la condamnation de tous les hommes, parce que en Adam qui pèche ils ont péché, selon ce qui a été dit plus haut, et que la mort a passé dans tous <par celui> en qui tous ont péché. Tandis que la grâce de Dieu, qui est donnée par le Christ, venant après des fautes nombreuses, c’est-à-dire non seulement après cet unique péché originel, mais aussi après de multiples péchés actuels, aboutit à la justification, c’est-à-dire à la parfaite purification: "C’est ce que quelques-uns d’entre vous ont été autrefois, mais vous avez été lavés, mais vous avez été sanctifiés, mais vous avez été justifiés au nom de Notre Seigneur Jésus-Christ 1.

438. — C. En ajoutant: 17 Si, en effet, par la faute d’un seul, etc., <l’Apôtre> prouve ce qu’il avait dit, à savoir, que la grâce du Christ vient après des fautes nombreuses pour <aboutir à> la justification. Et:

1) Il prouve cela d’abord <par un argument> a posteriori.

2) Puis, <par un argument> a priori [n° 445]: 19 En effet, de même que, etc.

439. 1. À propos du premier argument, il faut considérer que l’Apôtre dans la comparaison précédente n’a pas mis des termes qui se correspondent, c’est-à-dire du même genre. En effet, en regard du péché il met la condamnation, qui concerne la peine; et en regard de la grâce il met la justification, qui ne concerne pas la récompense, mais plutôt l’état de mérite. Ainsi donc, quand l’Apôtre dit que le péché amène la condamnation, il veut montrer que la grâce amène la justification. Et voici son raisonnement: de même que la condamnation à la mort procède du péché du premier père, de même le règne de la vie procède de la grâce du Christ.

440. Car ces deux choses se corres pondent uniformément, mais nul ne peut parvenir au règne de la vie, si ce n’est par la justice, donc c’est par la grâce du Christ que les hommes sont justifiés.

a) Il expose donc d’abord les prémisses.

b) Puis, il en déduit la conclusion qu’il s’est proposée [n° 442]: 18 Ainsi donc, de même que, etc.

441. a. Il établit la première proposition en disant: Car si par la faute d’un seul homme la mort a régné par un seul homme, parce que, comme on l’a dit plus haut Ev. 12]: "par un seul homme le péché est entré dans ce monde, et par le péché la mort", à plus forte raison les hommes régneront-ils dans la vie, à savoir dans la vie éternelle, par un seul, Jésus-Christ, qui a dit: "Moi je suis venu pour que les brebis aient la vie et qu’elles l’aient plus abondamment 2", en participant à l’éternité de la vie, dont l’abondance est ici désignée par le mot "règne." Ainsi est-il dit dans l’Apocalypse 3 qu’ils régneront avec le Christ pendant mille ans, c’est-à-dire pendant l’éternité.

Il indique aussi la mineure en inter posant ceci: Ceux qui reçoivent l’abondance de la grâce du Christ, et du don, et de la justice, autrement dit: les hommes ne peuvent parvenir au règne de la vie sans recevoir cela. Si bien que la grâce du Christ se réfère à la rémission du péché, que nul mérite ne peut précéder, et par conséquent elle est tout entière imputée à la grâce: "Mais si c’est par grâce, ce n’est plus en raison des oeuvres; autrement la grâce n’est plus grâce", dit l’Apôtre 4. L’expression "du don" doit être référée aux dons des grâces, par lesquels les hommes sont incités au bien: "Il fit des dons avec la magnificence d’un prince 5." L’expression "de la justice" doit être référée à la rectitude des oeuvres: "C’est par lui que vous êtes dans le Christ Jésus, que Dieu a fait pour nous notre sagesse, notre justice, notre sanctifi cation et notre Rédemption 6."

442. — b. Lorsque 7 <l’Apôtre> dit 18 Ainsi donc, de même que, etc., il en déduit

1. I Co 6, 11.

2. Jn 10, l0b.

3. Ap 20, 4.

4. Rm 11, 6.

5. Est 2, 18.

6. 1 Corinthiens 1, 30.

7. Lieux parallèles: Somme Théologique 3 Q. 19, a. 3; Q. 48, a. 1; 2 Sentences dist. 20, Q. 2, a. 3, sol. 3; 3 Sentences dist. 18, Q. 1, a. 6; De verit., Q. 29, a. 7.



la conclusion qu’il s’est proposée, laquelle renferme la même chose que ce qui avait été dit plus haut: de même que par la faute du seul Adam le jugement divin s’est étendu à tous les hommes qui naissent de lui selon la chair pour la condamnation à la mort, ainsi aussi par la justice d’un seul, c’est-à-dire du Christ, la grâce divine s’est étendue à tous les hommes, pour la justification de la vie, celle qui conduit à la vie.

443 — Mais 1 il semble que cela soit faux. En effet, tous les hommes ne sont pas justifiés par le Christ, comme tous les hommes meurent par Adam.

Il faut répondre que le sens est le suivant: de même que tous les hommes qui naissent d’Adam selon la chair encourent la condamnation par son péché, ainsi tous ceux qui renaissent spirituellement par le Christ acquièrent la justification de la vie, selon qu’il est dit: "Personne, à moins de renaître de l’eau et de l’Esprit-Saint, ne peut entrer dans le Royaume de Dieu 2." Bien qu’on puisse dire que la justification du Christ passe à tous les hommes quant à la suffisance, toutefois quant à l’efficacité elle ne s’étend qu’aux fidèles seulement: "Lui qui est le Sauveur de tous les hommes et principalement des fidèles 3."

444. À partir 4 de ces paroles nous devons conclure que, de même que nul ne meurt si ce n’est par le péché d’Adam, ainsi nul n’est justifié si ce n’est par la justice du Christ, qui s’accomplit par la foi en lui, selon ce qui a été dit plus haut: "la justice de Dieu par la foi de Jésus-Christ est pour tous ceux et sur tous ceux qui croient en lui 5." Mais les hommes, non seulement ceux qui ont vécu après son Incarnation, mais aussi ceux qui l’ont précédée, ont cru en lui. Car de même que nous, nous croyons qu’il est né et qu’il a souffert, de même eux aussi ont cru qu’il naîtrait et qu’il souffrirait. Aussi notre foi et la leur ne sont-elles qu’une même foi: "Possédant le même esprit de foi, comme il est écrit: "J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé", et nous aussi nous croyons, et c’est aussi pourquoi nous parlons." Ainsi donc il est prouvé a posteriori, c’est-à-dire par le règne de la vie, que la grâce du Christ s’étend à la justification d’une multitude d’hommes.

445. — 2. Lorsque 7 <l’Apôtre> dit ensuite: 19 En effet, de même que, etc., il prouve la même proposition a priori. Car les causes sont semblables à leurs effets. Or la désobéissance du premier père, qui a le caractère d’injustice, a constitué les hommes pécheurs et injustes. Donc l’obéis sance du Christ, qui a le caractère de la justice, les a constitués justes. C’est ce qui a été dit plus haut, à savoir que la grâce s’est étendue à tous les hommes pour la justification.

446. Mais 8 un doute s’élève, semble-t-il, sur ce passage: par la désobéissance d’un seul homme beaucoup ont été constitués pécheurs, c’est-à-dire tous ceux qui naissent de lui selon la raison séminale. Or le premier péché <d’Adam> paraît avoir été l’orgueil plutôt que la désobéissance, selon ce

1. Lieux parallèles: Somme Théologique 3a, Q. 8, a. 3; 3 Sentences dist. 13, Q. 2, a. 2, Q. 2; De mob, Q. 8, a. 6, sol. 7.

2. Jn 3, 5.

3. 1 Tm 4, 10.

4. Lieux parallèles: Somme Théologique 2 Q. 2, a. 7; 3a, Q. 52, a. 5, sol. 2; a. 7, sol. 1; Q. 61, a. 3, sol. 2; 3 Sentences dist. 25, Q. 2, a. 2, Q. 2, 3; 4 Sentences dist. 6, Q. 22, a. 2, Q. 1; De veritate, Q. 14, a. 11.

5. Rm 3, 22.

6. 2 Corinthiens 4, 13.

7. Lieux parallèles: Somme Théologique 3a, Q. 47, a. 2; 4 Contra Gentiles c. 55, sol. 14, 16; Gompend. theol., c. 227; Super ban., 14, 31, lect. 8 (éd. Marietti, n° 1976); Ad Philip. 2, 8, lect. 2 (éd. Marietti, n° 65).

8. Lieux parallèles: Somme Théologique 1a-2ae, Q. 89, a. 3, sol. 2; 2a-2 Q. 105, a. 2, sol. 3; Q. 163, a. 1 et 2; 3a, Q. 4, a. 8; 2 Sentences dist. 5, Q. 1, a. 2, sol. 1; dist. 22, Q. 1, a. 1 et 2; Compend theoL, c. 191; De malo, Q. 4, a. 2; Q. 7, a. 7, sol. 12; Q. 14, a. 2, sol. 5; Q. 15, a. 2, sol. 7.



passage de l’Ecclésiastique "Le commen cement de tout péché est l’orgueil 1."

Il faut répondre que d’après l’Ecclésias tique, à l’endroit déjà cité, "le commen cement de l’orgueil des hommes, c’est se détourner de Dieu 2", parce que la première cause de l’orgueil consiste en ce que l’homme ne veut pas se soumettre aux préceptes divins, ce qui relève de la déso béissance. Aussi le premier péché de l’homme semble avoir été la désobéis sance, non selon Î’acte extérieur, mais selon le mouvement intérieur de l’orgueil, par lequel <Adam> a voulu s’opposer au précepte divin. C’est pourquoi le Seigneur reproche <à Adam> sa désobéissance, dans la Genèse: "Puisque tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé du fruit dont je t’avais ordonné de ne pas manger, maudite soit la terre en ton travail; et c’est avec des labeurs que tu en mangeras durant tous les jours de ta vie 3." Mais l’obéis sance du Christ est mentionnée ici en tant qu’obéissant à l’ordre de son Père il a enduré la mort pour notre salut, selon ce passage <de l’Apôtre> aux Philippiens: "Il s’est fait obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix 4. Cela ne s’oppose pas à ce qui est dit ailleurs, à savoir que le Christ est mort par charité, comme on le voit dans <l’épître aux> Ephésiens 5, car son obéis sance même procède de l’amour de charité qu’il eut pour son Père et pour nous.

447 — On sera 6 attentif au fait que dans l’obéissance et la désobéissance, <l’Apôtre> nous prouve que c’est par un seul que nous sommes devenus pécheurs, et par un seul que nous sommes justifiés. Car la justice légale, qui est toute vertu, a pour objet l’observation des préceptes de la Loi, ce qui appartient au fondement de l’obéissance. Mais l’injustice légale, qui est toute malice, comme le remarque le Philosophe 7 a pour objet la transgression des commandements de la Loi, ce qui appartient au fondement de la désobéissance. Ainsi est-il dit avec raison que l’obéissance constitue les hommes justes et la désobéis sance constitue les hommes pécheurs.

1. Eccli (Si) 10, 15. Lieux parallèles Somme Théologique Ia-2 Q. 84, a. 2; 2-2a Q. 162, a. 2; a. 5, sol. 1; 2 Sentences dist. 5, Q. 1, a. 3; dist. 42, Q. 2, a. 1, sol. 7; a. 3, sol. 1; De malo, Q. 8, a. 1, sol. 1, 16; Ad Cor. 12, 7, lect. 3 (éd. Marietti, n° 472); 1 Ad Tim. 6, 10, lect. 2 (éd. Marietti, n° 250).

2. Eccli (Si) 10, 14.

3. Gn 3, 17.

4. Ph 2, 8.

5. "Marchez dans l’amour de charité, comme le Chnst nous a aimés, et s’est livré lui-même pour nous en oblation j Dieu et en hostie de suave odeur " (Ep 5, 2).

6. Lieux parallèles: Somme Théologique 2a-2 Q. 58, a. 6; Q. 59, a. 1; Q. 79, a. 2, sol. 1; Q. 105, a. 2; 3 Sentences dist. 9, Q. 1, a. 1, q 2; De veritate Q. 28, a. 1; 5 Ethic., lect. 2 (éd. Léonine, 1969, t. XLVII, vol. 11, p. 270, I. 151-153), lect. 3 (ibid., p. 273, I. 136." ).

7. Voir ARISTOTE, Ethique à Nicomaque V, 2 [ " 8-10] ALXXVI, fasc. 3, p. 229 [ a 9-11]; 5, 3 [ b 9." ]; ALXXVI, fasc. 3, p. 230.



Thomas A. sur Rm (1999) 24