Thomas A. sur Rm (1999) 34

CHAPITRE 8


Leçon 1 [versets 1 à 6]

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075 (
Rm 8,1-6)


[n° 595] 1 Il n’y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus, qui ne marchent pas selon la chair.

[n° 6001 2 En effet, la loi de l’esprit de vie dans le Christ Jésus m’a libéré de la loi du péché et de la mort.

[n° 606] 3 Car ce qui était impossible à la Loi, parce qu’elle était affaiblie par la chair, Dieu, en envoyant son Fils dans une chair semblable à celle du péché, et au sujet du péché, a condamné le péché dans la chair,

[n° 610] 4 afin que la justification de la Loi s’accomplît en nous, [n° 612] qui ne marchons pas selon la chair, mais selon l’Esprit.

[n° 614] 5 En effet, ceux qui sont selon la chair goûtent les choses qui sont de la chair; mais ceux qui sont selon l’esprit sentent les choses qui sont de l’Esprit.

[n° 617] 6 Or la prudence de la chair est mort; mais la prudence de l’esprit, vie et paix;

595. Après avoir montré que par la grâce du Christ nous sommes libérés du péché [n° 406] et de la Loi [n° 518], l’Apôtre montre ici que nous sommes libérés par cette même grâce de la condamnation. Et:

Il montre premièrement que par la grâce du Christ nous sommes libérés de la condamnation de la coulpe.

Ensuite, que par cette même grâce nous sommes libérés de la condamnation de la peine [n° 628]: Mais si le Christ, etc.

Sur le premier point:

I) Il énonce d’abord ce qu’il se propose.

II) Puis, il prouve sa proposition [n° 600]: En effet, la loi de l’esprit de vie, etc.

596. — I. Pour énoncer ce qu’il se propose, il fait deux choses:

A. Il commence par mentionner le bienfait que confère la grâce, en concluant à partir de ce qui précède de la manière suivante: la grâce de Dieu par Jésus-Christ m’a libéré du corps de cette mort, <grâce> en laquelle réside notre rédemption; 1 donc maintenant que nous sommes libérés par la grâce, il ne reste plus aucune condam nation, parce que cette condamnation est remise et quant à la coulpe et quant à la peine: "Car lui accordant la paix, quel est celui qui condamnera 2 ?"

B. Puis il montre à qui est accordé ce bienfait. Et il expose deux conditions requises à cet effet

1. Il expose la première d’entre elles en disant: pour ceux qui sont dans le Christ Jésus, c’est-à-dire pour ceux qui sont incorporés à lui par la foi, par la charité et par le sacrement de la foi 3:

1. voir ce mot et son explicarion au chap. 2, V. 8; leçon 2, n° 198, p. 137, n. 5.

2. Jb 34, 29.

3. C’est dans Tertullien (De anima I, 4 [n° 2, 782] Advenus Marcionem I, 28 [n° 1, 4721; De pudicitia XVIII, 17 [n° 2, 13191; De baptismo XIII, I [n° 1, 288-2891) que l’on rencontre pour la première fois la définition du baptême comme sacramentum fidei (sacrement de la foi). — Lieux parallèles Somme Théologique 3a, Q. 66, a. 1, sol. 1 e e Le baptême est une profession, aussi esr-il appelé "sacrement de la foi" s; 4 Sentences dist. 3, a. 1 (expos. litt. ) et sol. 3.



"Vous tous qui avez été baptisés dans le Christ, vous avez revêtus le Christ 1." — "Comme le sarment ne peut porter de fruit par lui-même, s’il ne demeure uni à la vigne; ainsi vous non plus, si vous ne demeurez en moi 2." Mais pour ceux qui ne sont pas dans le Christ Jésus, la condamnation leur est due; d’où ce qui suit, au même endroit: "Si quelqu’un ne demeure pas en moi, il sera jeté dehors comme le sarment, et il séchera; et on le ramassera, et on le jettera au feu, et il brûlera 3."

2. Il expose la seconde condition en disant: qui ne marchent pas selon la chair, c’est-à-dire qui ne suivent pas la convoitise de la chair: "Quoique marchant dans la chair, nous ne combattons pas selon la chair 4."

597. En s’appuyant 5 sur ces paroles certains 6 prétendent comprendre que pour les infidèles, qui ne sont pas dans le Christ Jésus, même les premiers mouvements sont des péchés mortels, bien qu’ils n’y consentent pas, ce qui s’appelle marcher selon la chair. Car si ceux qui ne marchent pas selon la chair n’encourent aucune condamnation, puisque par la chair ils sont asservis à la loi du péché dans les premiers mouvements de la concupiscence, et cela parce qu’ils sont dans le Christ Jésus, il s’ensuit, en sens contraire, que pour ceux qui ne sont pas dans le Christ Jésus, il y a condamnation.

Ils font aussi ce raisonnement inductif: car ils disent qu’un acte est nécessairement condamnable quand il procède de l’habitus d’un péché condamnable. Or le péché originel est condamnable, parce qu’il prive l’homme de la vie éternelle, dont l’habitus demeure dans l’infidèle, à qui la faute originelle n’a pas été remise. Donc n’importe quel mouvement de la concupiscence provenant du péché originel est en eux un péché digne de condamnation.

598. Il faut commencer par montrer que cette supposition est fausse. En effet, le premier mouvement n’est pas un péché mortel, puisqu’il n’atteint pas la raison, en laquelle se complète le caractère du péché. Or cela se trouve même dans les infidèles, aussi les premiers mouvements ne peuvent-ils pas être des péchés mortels en eux 7. De plus, dans chaque espèce de péché, le fidèle pèche plus gravement que l’infidèle, selon ce verset de l’épître aux Hébreux: "Combien donc pensez-vous que mérite de plus affreux supplices celui qui aura foulé aux pieds le Fils de Dieu, tenu pour profane le sang de l’Alliance, par lequel il a été sanctifié, et fait outrage à l’esprit de la grâce 8?" Si donc les premiers mouvements étaient des péchés mortels dans les infidèles, combien davantage le seraient-ils dans les fidèles.

599. Ensuite 9 il faut répondre à leurs raisonnements. Or en premier lieu ils ne peuvent se prévaloir du texte de l’Apôtre. Car l’Apôtre ne dit pas que, pour ceux qui sont dans le Christ Jésus, il n’est pas seulement condamnable d’être asservi par la chair à la loi du péché quant aux mouvements de la concupiscence, mais qu’il n’y a absolument

1. Ga 3, 27,

2. Jn 15, 4.

3. Jn 15, 6.

4. 2 Corinthiens 10, 3.

5. Lieux parallèles Somme Théologique 1a-2ae Q. 89, a. 5; De malo, Q. 7, a. 3, sol. 17; De quodlibet 4, Q. 11, a. 2.

6. G’est notamment l’opinion de saint Anselme de Cantorbéry. Voir De concordia praescientiae et praedesnnationis et gratiae Dei cum libero arbitrio, III, 7; Sur l’accord de la prescience, de la précksnnanon et de la grâce de Dieu avec le libre choix, éd. par Michel Corbin et Henri Rochais, p. 212-215.

7. On prendra garde â ces beaux commentaires de saint Thomas qui sont le reflet de son réalisme foncier et de l’admirable équilibre de sa doctrine. Ce n’est pas le mouvement de la chair, en tant que tel, qui fait le péché mortel, c’est l’acquiescement de la personne â l’acte du péché. Nous retrouvons ce principe de bon sens que nous avons déjà souligné et qui fait de l’être raisonnable et libre le véri table auteur de ses actes. Et cela est vrai de tous les hommes, y compris les infidèles.

8. He 10, 29.

9. Lieux parallèles Somme Théologique 1a-2ae, Q. 78, a. 2 et 3; 2 Sent. dut. 43, a. 2.



plus aucune condamnation pour eux. Tandis que pour ceux qui ne sont pas dans le Christ Jésus, cela même est condam nable. En outre, si l’on applique ces paroles aux premiers mouvements de ceux qui ne sont pas dans le Christ Jésus, ces mouve ments sont condamnables en tant que le péché originel est condamnable, péché qui demeure encore en eux, et dont sont libérés ceux qui sont dans le Christ Jésus. Mais ces premiers mouvements ne sont pas condam nables au point de leur faire encourir une nouvelle condamnation.

Quant à ce qu’ils objectent en second lieu, leur conclusion n’est pas de nécessité. Car il n’est pas vrai que tout acte qui procède de l’habitus d’un péché damnable soit aussi lui-même condamnable, mais il l’est seulement lorsque l’acte est achevé par le consentement de la raison. Ainsi dans l’adultère de "l’habitudinaire "le mouve ment de la concupiscence, qui est un acte imparfait, n’est pas en lui un péché mortel, mais seulement le mouvement achevé par le consentement de la raison. Et de plus, l’acte, qui procède d’une telle habitude, n’a pas d’autre motif de condamnation que celui qui est formé selon la raison. Dans ce sens, les premiers mouvements dans les infidèles, du fait qu’ils procèdent du péché originel, ne causent pas la condamnation d’un péché mortel, mais seulement celle du péché originel.

600. — II. Lorsqu’il dit ensuite: 2 En effet, la loi de l’esprit, etc., <l’Apôtre> prouve ce qu’il avait dit. Et

A) D’abord, quant à la première condition: Il n'a donc aucune condam nation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus.

B) Puis, quant à la seconde condition qui ne marchent pas selon la chair, à ces mots [n° 612]: qui ne marchons pas selon la chair, etc.

A. Sur le premier point:

1) Il expose d’abord sa preuve.

2) Puis, il explique ce qu’il avait supposé par un motif [n° 606]: Car ce qui était impossible à la Loi, etc.

601. 1. Pour exposer sa preuve, il fait ce raisonnement: la loi de l’esprit libère l’homme du péché et de la mort; or la loi de l’esprit est en Jésus-Christ; donc, par le fait que l’on est dans le Christ Jésus, on est libéré du péché et de la mort. Que la Loi spirituelle libère du péché et de la mort, <l’Apôtre> le prouve ainsi: la loi de l’esprit est la cause de la vie; or par la vie sont exclus le péché et la mort, qui est l’effet du péché, car le péché lui-même est la mort spirituelle de l’âme; donc la loi de l’esprit libère l’homme du péché et de la mort. Mais la condamnation n’a lieu que par le péché et par la mort; donc, pour ceux qui sont dans le Christ Jésus il n’y a plus de condamnation. Tel est donc ce que dit <l’Apôtre>: En effet, la loi de l’esprit, etc.

602. Cette Loi peut être d’abord appelée Esprit-Saint, et le sens serait: la loi de l’esprit, c’est-à-dire la Loi qui est esprit. Car la Loi est donnée pour que par son intermédiaire les hommes soient amenés vers le bien. Aussi le Philosophe dit-il, au deuxième livre de l’Ethique 1, que l’intention du législateur est de rendre bons les citoyens. Ce que fait la loi humaine, en notifiant seulement ce qui doit être fait; mais l’Esprit-Saint, qui habite dans l’âme, non seulement enseigne ce qu’il faut faire, en illuminant l’intelligence sur ce qu’il faut accomplir, mais il incline aussi l’affection à agir avec rectitude: "Mais le Paraclet, l’Esprit-Saint que mon Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses ", c’est le premier <effet de sa mission>, "et il vous rappellera", c’est le deuxième <effet

1. Voir ARISTOTE, Éhique à Nicomaque II, 1 (1103 b] AL XXVI, fasc. 3, p. 164. Lieu parallèle Ethic. II, 1, éd. Léonine, 1969, t. XLVII, vol. I, p. 78, 1. 135-138.



de sa mission>, "tout ce que je vous ai dit 1."

603. Ensuite la loi de l’esprit peut être appelée l’effet propre de l’Esprit-Saint, à savoir la foi opérant par la charité, qui enseigne intérieurement ce qu’il faut faire, selon ce verset de la première épître de Jean: "Son onction vous instruira de tout 2", et incline l’affection à agir, selon ce verset de la seconde épître <de l’Apôtre> aux Corinthiens: "La charité du Christ nous presse 3." Cette loi de l’esprit est aussi appelée loi nouvelle, soit en tant qu’elle est l’Esprit-Saint lui-même, soit que l’Esprit-Saint la grave dans nos coeurs: "Je mettrai ma Loi dans leurs entrailles, et je l’écrirai dans leur coeur 4." Mais de la Loi ancienne <l’Apôtre> a dit plus haut [n° 557] qu’elle était seulement spirituelle, c’est-à-dire donnée par l’Esprit-Saint.

604. Ainsi donc, en considérant ce qui précède, nous découvrirons quatre lois mentionnées par l’Apôtre: premièrement, la Loi de Moïse, à propos de laquelle il dit "je me complais dans la Loi de Dieu selon l’homme intérieur 5"; deuxièmement, la loi du foyer 6, au sujet de laquelle il dit: "je vois dans mes membres une autre loi 7"; troisièmement, la loi naturelle, à propos de laquelle il ajoute: "qui combat la loi de mon esprit 8"; quatrièmement, il donne la loi nouvelle, lorsqu’il dit: la loi de l’esprit.

605. Et <l’Apôtre> ajoute: de vie; car, de même que la respiration naturelle fait la vie de la nature, ainsi l’Esprit divin fait la vie de la grâce: < C’est l’Esprit qui vivifie 9." — "L’esprit de vie était dans les roues 10" Mais <l’Apôtre> ajoute: dans le Christ Jésus, parce que cet Esprit n’est donné qu’à ceux qui sont dans le Christ Jésus. Car de même que la respiration naturelle ne parvient pas à un membre qui n’est pas en communication avec la tête, ainsi l’Esprit-Saint ne parvient pas à l’homme qui n’est pas uni au Christ Tête: "A ceci nous savons qu’il demeure en nous: à l’Esprit qu’il nous a donné 11"

"L’Esprit-Saint que Dieu a donné à tous ceux qui lui obéissent 12" Cette Loi, dis-je, en ce qu’elle est dans le Christ Jésus, m’a libéré: "Si le Fils vous libère, vous serez libres 13" — De la loi du péché, c’est-à-dire de la loi du foyer, qui incline au péché. Ou bien: de la loi du péché, c’est-à-dire du consentement et de l’oeuvre du péché, qui lie l’homme à l’instar de la Loi. C’est en effet par l’Esprit-Saint que le péché est remis: "Recevez l’Esprit-Saint; ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis: et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus 14" Et de la mort, non seulement spirituelle, mais aussi corpo relle, comme on le prouvera plus loin; et cela parce qu’elle est esprit de vie: "Viens des quatre vents, Esprit, et souffle sur ces hommes tués, et qu’ils revivent 15"

606. 2. En disant: 3 Car ce qui était impossible à la Loi, etc., <l’Apôtre> explique ce qu’il avait dit, à savoir que la loi de vie, qui est dans le Christ Jésus, libère du péché. Quant au fait qu’elle libère de la mort, il le prouvera plus loin. Il prouve <que la loi de vie libère du péché> par un motif qui s’appuie sur l’Incarnation du Christ. Dans ce dessein, il expose trois choses

a) D’abord, la nécessité de l’Incarnation [n° 611].

b) Puis, le mode de l’Incarnation [n° 607]: Dieu, en envoyant son Fils, etc.

c) Enfin, le fruit de l’Incarnation [n° 609]: et au sujet du péché.

Pour que l’explication soit plus claire, nous prendrons d’abord le deuxième point, puis le troisième et enfin le premier.

1. Jn 14, 26. Lieu parallèle Super Ioan. 14, 26, lect. 7 (éd. Marietti, n° 1958).

2. 1 Jn 2, 27. Dans la Vulgate on lit docet (instruit) au lieu de docebit (instruira). Voir Vetus lajina, Epistulae catholicae, 1 Jn 2, 27, éd. Walter Thiele, vol. XXVIII, fasc. 4, p. 295.

3. 2 Corinthiens 5, 14.

4. Jr 31, 33.

5. Rrn 7, 22.

6. Voir l’explication donnée par saint Thomas sur le sens de cette expression, chap. 7, y. 23; leçon 4, n° 587 et 588, p. 284.

7. Rm 7, 23.

8. Rm 7, 23.

9. Jn 6, 64.

10. Ez 1, 20.

11. 1 Jn 3, 24.

12. Ac 5, 32.

l3. Jn 8, 36.

l4. Jn 20, 23.

15. Ex 37, 9.



607. b. Je dis à juste titre que la loi de l’esprit de vie dans le Christ Jésus <libère du péché>, car Dieu, le Père, "<a envoyé>" son Fils, c’est-à-dire son propre Fils qui lui est consubstantiel et coéternel: "Le Seigneur m’a dit: Tu es mon Fils, moi, aujourd’hui je t’ai engendré 1." — En envoyant, non en le créant de nouveau ou en le faisant, mais il <l’>a envoyé comme déjà préexistant "En dernier il leur envoya son Fils 2", non pour qu’il fût là où il n’était pas, car selon Jean: "Il était dans le monde 3", mais pour qu’il fût dans le monde de la manière dont il n’était pas 4, c’est-à-dire visiblement par la chair assumée 5 et d’où ce qui suit dans ce même <chapitre de l’évangile de> Jean "Le Verbe s’est fait chair […] et nous avons vu sa gloire 6" <Et il est écrit> dans <le livre de> Baruch: "Après cela, il a été vu sur la terre, et il a demeuré avec les hommes."

608. C’est pourquoi 8 <l’Apôtre> ajoute ici: dans une chair semblable à celle du péché. Il ne faut pas comprendre ce passage dans le sens où <le Verbe incarné> n’aurait pas eu une chair véritable, mais seulement la ressemblance de la chair, une sorte <de chair> imaginaire, comme le disent les manichéens 9, puisque le Seigneur dit lui-même: "Voyez mes mains et mes pieds c’est bien moi: Touchez et voyez; un esprit n’a ni chair ni os, comme vous voyez que j’en ai 10." Aussi <l’Apôtre> n’ajoute-t-il pas seulement: dans une chair semblable, mais dans une chair semblable à celle du péché. Car il n’a pas eu la chair du péché, c’est-à-dire la chair conçue avec le péché, puisque sa chair fut conçue par l’Esprit-Saint 11 qui ôte le péché: "Ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit-Saint 12" Ce qui fait dire au psalmiste "Moi, dans mon innocence, j’ai marché 13", à savoir dans le monde. Mais il eut une chair semblable à celle du péché, c’est-à-dire une chair semblable à la chair pécheresse, en tant qu’elle était passible 14 Car la chair de l’homme, avant le péché, n’était pas sujette à la souffrance: <Il a dû être en tout semblable à ses frères, afin de devenir auprès de Dieu un pontife miséri cordieux et fidèle, pour expier les péchés du peuple 15"

609 16 c. Il mentionne ensuite un double effet de l’Incarnation, dont le premier est la suppression du péché, qu’il exprime en disant: au sujet du péché, a

1. Ps 2, 7. — Lieu parallèle: Super Psalmos, in Ps. 2, 7.

2. Mt 21, 37.

3. Jn 1, 10.

4. Avant l’Incarnation, le Verbe est invisiblement présent dans le monde comme la cause qui donne l’être aux créatures et le leur conserve, et comme la lumière qui illumine l’intelligence humaine (voir Super Ioan. I, 9-lob, lect. 5 [ Marietti, n° 124-1411).

5. Lieux parallèles Somme Théologique 3a, Q. 6, a. 1; a. 4, sol. 3; Q. 50, a. 2, sol. 2; 3Sentences dist. 2, Q. 2, a. l, Q. l; a. 3; dist. 21, Q. l, a. 1, Q. I, sol. I; 4 Contra Gentiles c. 44; De spirzt. creat., a. 3, sol. 5.

6. Jn 1, 14.

7. Ba 3, 38.

8. Lieux parallèles Somme Théologique 3a, Q. 5, a. 1; 3 Sentences dist. 2, Q. 1, a. 3, q 1, 2; dist. 4, Q. 2, a. 1; 4 Sentences dist. 3, a. 3, Q. 2, sol. 2; 4 Contra Gentiles c. 29, 30; Compend. theol., c. 207; IIAd Cor, 5, 16, lect. 4 (éd. Marietti, n° 189).

9. Voir SAINT AUGUSTIN, De haeresibus XLVI (CCL 46, 318). — Lieu parallèle: Super Ioan. 1, 14, lect. 7 (éd. Marietti, n° 169).

10. Le 24, 39.

11. Lieu parallèle r 3 Sentences dist. 4 (expos. litt. ).

12. Mt 1, 20.

13. Ps 25, 11.

14. Voir Glosa in Rom. VIII, 3 (GPL, col. 1433 C).

15. He 2, 17.

16. Lieu parallèle Somme Théologique 3a, Q. 49.



condamné le péché dans la chair. Ce qui peut être expliqué 1 <de la manière suivante> au sujet du péché, c’est-à-dire pour le péché commis dans la chair du Christ à l’insti gation du diable, par ses meurtriers. A condamné, c’est-à-dire a détruit le péché, parce que le diable, ayant essayé de livrer à la mort un innocent sur lequel il n’avait aucun droit, il fut équitable qu’il perdît sa puissance. Et c’est ainsi qu’on dit que par sa passion et par sa mort <le Christ> a détruit le péché. "Dépouillant" à savoir sur la croix, "les Principautés et les Puissances 2." Mais il vaut mieux dire: a condamné le péché dans la chair, c’est-à-dire a affaibli le foyer du péché dans notre chair, par le péché, c’est-à-dire par la vertu de sa passion et de sa mort qu’on appelle péché à cause de la ressemblance du péché, comme on l’a expliqué 3; ou bien, parce qu’il s’est fait ainsi victime pour le péché, <victime> que la sainte Ecriture appelle péché: "Ils se nourriront des péchés de mon peuple 4." Aussi <l’Apôtre> dit-il: "Celui qui n’avait pas connu le péché, <Dieu> l’a fait péché pour nous 5", c’est-à-dire victime pour le péché. Et c’est en satisfaisant pour notre péché qu’il a ôté les péchés du monde < l’Agneau de Dieu, voici celui qui enlève les péchés du monde 6." 610. II expose ensuite le second effet en disant: "afin que la justification de la Loi, c’est-à-dire la justice que la Loi promettait et que quelques-uns espéraient, s’accomplît, c’est-à-dire fût perfectionnée en nous, à savoir en tant que nous sommes dans le Christ Jésus "les nations païennes qui ne poursuivaient pas la justice, ont embrassé la justice, mais la justice qui vient de la foi" Et après avoir dit "Celui qui n’avait pas connu le péché, <Dieu> l’a fait péché pour nous", <l’Apôtre> ajoute: "Afin qu’en lui nous devenions justice de Dieu 8."

610. a. Or il ne pouvait en être ainsi que par le Christ, et c’est pourquoi <Dieu> l’a envoyé parce qu’il peut condamner le péché dans la chair et accomplir la justification, ce qui était impos sible à la Loi de Moïse: "La Loi n’a rien amené à la perfection Et cela était en effet impossible à la Loi, non point à cause de son imperfection, mais parce que, c’est-à-dire en tant qu’elle était affaiblie par la chair, en d’autres termes à cause de la faiblesse de la chair, qui se trouvait dans l’homme depuis la corruption du foyer, et d’où il résultait que même, après le don de la Loi, l’homme était vaincu par la concu piscence "L’esprit est prompt, mais la chair est faible", et <il est écrit> plus haut: "Je parle humainement, à cause de la faiblesse de votre chair 12" Il en résulte l’évidence que l’Incarnation du Christ fut nécessaire, aussi <l’Apôtre> dit-il encore <dans l’épître> aux Galates: "Si c’est par la Loi qu’est la justice, c’est donc en vain que le Christ est mort 13", c’est-à-dire sans motif. Donc l’Incarnation du Christ fut nécessaire, parce que la Loi ne pouvait justifier.

1. Pour ces deux interprétations données, voir Glosa in Rom. VIII, 3 (GPL, col. 1434 A-B).

2. Col 2, 15.

3. Saint Thomas a en effet expliqué au paragraphe 608 que la chair du Christ avait "la ressemblance du péché" en tant qu’elle était passible et sujette à la souffrance et à la mort. C’est donc bien par le péché, c’est-à-dire par cette conséquence du péché qu’est la passibilité de la chair assumée par le Christ, que s’opère la victoire sur le péché et l’affaiblissement du foyer de la concupiscence.

4. Os 4, 8a.

5. 2 Co 5, 21a. — Lieu parallèle: IIAd Cor. 5, 21, lect. 5 (éd. Marietti, n° 201).

6. Jn 1, 29.

7. Rm 9, 30.

8. 2 Co 5, 21.

9. Lieux parallèles: Somme Théologique 3 Q. 1, a. 2; 3 Sentences dist. 4, Q. 3, a. 1, sol. 3; 4 Sentences dist. 10, a. 1, sol. 3; 4 Contra Gentiles c. 54, 55; Cons. Error. Graec., c. 5; Compend. theol., c. 200, 201.

10. He 7, 19.

11. Mt 26, 41.

12. Rm 6, 19.

13. Ga 2, 21.



612. — B. Lorsqu’il dit: qui ne marchons pas selon la chair, etc., <l’Apôtre> prouve sa proposition quant à la seconde condition, en montrant que pour éviter la condamnation il est requis de ne pas marcher selon la chair. Et sur ce point il fait trois choses

Il expose d’abord son intention.

Il prouve ensuite sa proposition [n° 614]: En effet, ceux qui sont selon la chair, etc.

Il explique enfin une chose qu’il avait supposée par une preuve [n° 619]: 7 que la sagesse, etc.

613. Il dit donc d’abord: On a établi que la justification de la Loi s’accomplît en nous, à savoir en nous qui non seulement sommes dans le Christ Jésus, mais qui ne marchons pas non plus selon la chair, mais selon l’Esprit, c’est-à-dire qui ne suivons pas les concupiscences de la chair, mais l’instinct de l’Esprit-Saint 1: "Marchez selon l’Esprit et vous n’accomplirez pas les désirs de la chair 2."

614. En ajoutant ensuite: 5 En effet, ceux qui sont selon la chair, etc., <l’Apôtre> prouve ce qu’il avait dit au moyen de deux syllogismes. Le premier <est établi> à partir de la chair: Quiconque suit la prudence de la chair marche vers la mort; or quiconque est selon la chair suit la prudence de la chair; donc quiconque est selon la chair marche vers la mort. Il établit l’autre syllogisme à partir de l’esprit

Quiconque suit la prudence de l’Esprit obtient la vie et la paix; or quiconque est selon l’Esprit suit la prudence de l’Esprit; donc quiconque est selon l’Esprit obtient la vie et la paix. Il est donc évident que ceux qui ne marchent pas selon la chair, mais selon l’Esprit, sont libérés de la loi du péché et de la mort.

615. <L’Apôtre> expose donc en premier lieu la mineure du premier syllogisme, en disant: En effet, ceux qui sont selon la chair, c’est-à-dire ceux qui sont soumis à la chair comme ses sujets: "ces sortes de gens ne servent pas le Christ Notre Seigneur, mais leur ventre 3." — Goûtent les choses qui sont de la chair, comme s’il disait: Ceux-là ont la sagesse de la chair 4. Car goûter les choses qui sont de la chair, c’est approuver et juger bonnes les choses qui sont selon la chair: "Tu ne goûtes pas ce qui est de Dieu, mais ce qui est de l’homme 5. " — "Ils sont sages pour faire le mal 6."

616. <L’Apôtre> 7 expose en deuxième lieu la mineure du second syllogisme, en disant: mais ceux qui sont selon l’Esprit, c’est-à-dire qui suivent l’Esprit-Saint et sont conduits par lui selon ces paroles <de l’Apôtre> aux Galates: "Que si vous êtes conduits par l’Esprit, vous n’êtes pas sous la Loi" — <Ceux-là> sentent les choses qui sont de l’Esprit, c’est-à-dire ont un sens droit

1. Voir à propos du mot instinct" l’étude de S. PINCKAERS, "L’instinct et l’esprit au coeur de l’éthique chrétiennes, p. 2 13-223 et J-P. TORRELL, Saint Thomas d’Aquin, maître spirituel, p. 277.

2. Ga 5, 16.

3. Rm 16, 18.

4. On se souviendra du rapport qui, en latin, unit la sagesse et le goût sapere (d’où vient sapienria, " sagesse") signifie à la fois savoir et " goûter", " sentir" (voir le français "saveur"). De même que le goût d’un fruit nous permet de juger immédiatement s’il est bon à manger alors que la vue nous renseigne seulement sur son aspect extérieur, de même la sagesse nous permet de ‘uger de ce qui est bon pour nous, donc des fins que nous pouvons chercher à atteindre et du rapport que les choses ont avec nous quant à notre bien, alors que la simple appréhension de l’intelligence nous informe seulement sur leur nature objective. Ainsi, en philosophie, la sagesse est-elle, en tant que vertu, identique à la prudence, entendue au sens ancien de "connaissance de ce qu’il faut faire ou éviter", et non au sens moderne d’une qualité du caractére. La prudence est donc une vertu éminemment intellectuelle: c’est la vertu première de la raison pratique, c’est-à-dire de la raison appliquée au domaine de l’action (praxis en grec, d’où l’adjectif praktikos, "pratique"). C’est pourquoi saint Thomas définit la prudence (n° 617) comme " la rectitude de la raison dans les actes", ce qui reprend la définition d’Aristote " La prudence est une disposition [un habitus], accompagnée de règle vraie, capable d’agir dans la sphère de ce qui est bon et mauvais pour un être humain° (Ethique à Nicomaque VI, 5, 1 140b; AL XXVI, fasc. 3, p. 257). Saint Thomas a consacré à la prudence les questions 47 à 56 de Somme Théologique 2

5. Mt 16, 23. Le mot "homme’, est au pluriel dans la Vulgate, mais figure au singulier dans certains manuscrits de la Vetus latina. Voir DOM SABATIER, Bibi. Sacr., t. III, (Notae ad versionem antiquam), p. 98.

6. Jr 4, 22.

7. Lieux parallèles: Somme Théologique 1a-2ae, Q. 9, a. 2; a. 5; Q. 10, a. 3; Q. 77, a. 1; De verts., Q. 5, a. 10; Q. 22, a. 9, sel. 3 et 6.

8. Ga 5, 18.



dans les choses spirituelles, selon ce verset de la Sagesse: "Ayez du Seigneur de bons sentiments 1." La raison en est que, comme le Philosophe le dit au troisième livre de l’Ethique, "tel est chacun, telle lui paraît sa fin 2." Ainsi celui dont l’âme est informée par un bon ou mauvais habitus juge de sa fin selon l’exigence de cet habitus.

617 — <L’Apôtre> 3 expose en troisième lieu la majeure du premier syllogisme, en disant: Or la prudence de la chair, etc. Pour comprendre ces paroles, il faut savoir que la prudence est la rectitude de la raison dans les actes, comme le dit le Philosophe au sixième livre de l’Ethique 4. Or cette rectitude de la raison dans les actes à accomplir présuppose une chose et en fait trois. Elle présuppose en effet la fin qui est comme le principe des actes à accomplir, comme la raison spéculative présuppose les principes qui <lui servent> pour démontrer. Et la rectitude de la raison dans les actes fait trois choses: Elle conseille d’abord avec rectitude, puis elle juge avec rectitude ce qui est conseillé, enfin elle ordonne avec rectitude ce qui a été conseillé. Ainsi donc dans la prudence de la chair il faut présupposer en vue de la fin ce qui plaît à la chair, ce qui est à conseiller, juger et ordonner les choses qui conviennent à cette fin. Voilà pourquoi une telle prudence est mort, c’est-à-dire cause de la mort éternelle: "Celui qui sème dans la chair recueillera de la chair la corruption 5."

618. En quatrième lieu, <l’Apôtre> expose la majeure du second syllogisme, en disant: Mais la prudence de l’Esprit, vie et paix. D’après ce qui précède, on parle de prudence de l’Esprit lorsque, présup posant la fin d’un bien spirituel, on conseille, on juge et on prescrit ce qui est convenablement ordonné à cette fin. Voilà pourquoi une telle prudence est vie, c’est-à-dire cause de la vie de la grâce et de la gloire: "Celui qui sème dans l’Esprit recueillera de l’Esprit la vie éternelle 6 > Elle est aussi paix, c’est-à-dire cause de la paix, car la paix est causée par l’Esprit-Saint 7: "Une paix abondante est pour ceux qui aiment ta Loi 8" — "Les fruits de l’Espnt sont: la charité, la joie, la paix, la patience, la douceur, la bonté, la longa nimité, la mansuétude, la foi, la modestie, la continence, la chasteté. Contre de telles choses il n’y a point de loi 9."

1. Sg 1, 1.

2. Voir ARISTOTO, Ethique à Nicomaque III, 5 [ l4b]; AL XXVI, fasc. 3, p. 189. — Lieu parallèle Ethic. 3, lect. 13, éd. Léonine, 1969, t. XLVII, vol. I, p. 156, I. 18-20.

3. Lieux parallèles Somme Théologique 1a-2 Q. 56, a. 2, sol. 3; a. 3; 2a°-2a°, Q. 47, a. 1; a. 13; Ethic. 6, lect. 4 et 10; 3 Sentences dist. 33, Q. 2, a. 4, q. 4.

4. Voir ARISTOTE, Ethique à Nicomaque VI, 4 [ b 4 et 20). La citation n’est pas littérale. Cette définition de la prudence ( est recta ratio agibilium e), que l’on rencontre maintes fois dans les oeuvres de saint Thomas, figure déjà dans le commentaire de saint Albert le Grand sur l’Ethique à Nicomaque (II, lect. 4; éd. W. KUbel, t. XIV, pars. 1, fasc. 1, p. 109). Il est très probable que, ayant été son élève et son secrétaire à Cologne et ayant au moins lu son cours sur l’Ethique, il lui ait emprunté cette définition (voir "saint Thomas et l’Ethique à Nicomaque. Thomas, élève et secrétaire d’Albert â Cologne (1248-1252)", par R. -A. Gauthier, o. p., éd. Léonine, 1971, t. XLVIII, Appendix, p. xVII et xvIII). — Lieu parallèle dans le commentaire de l’Ethique, voir notamment VI, 7, éd. Léonine, 1969, t. XLVII, vol. II, p. 356, I. 27.

5. Ga 6, 8.

6. Ga 6, 8.

7. Lieux parallèles: Somme Théologique 1a-2ae, Q. 70, a. 3; IIAd Cor. 13, 11, lect. 3 (éd. Marietti, n° 540); Ad Hebr. 13, 20, lect. 3 (éd. Marietti, n°766).

8. Ps 118, 165.

9. Ga 5, 22. — Lieu parallèle Ad Gal. 5, 22, lect. 6 (éd. Marietti, n°330).


Leçon 2 [versets 7 à 13]

36
075 (
Rm 8,7-13)


[n° 619] 7 parce que la sagesse de la chair est ennemie de Dieu, car elle n’est pas soumise à la Loi de Dieu, et elle ne peut pas l’être.

[n° 624] 8 Ceux donc qui sont dans la chair ne peuvent pas plaire à Dieu.

[n° 625] Mais vous, vous n’êtes pas dans la chair, mais dans l’Esprit; si toutefois l’Esprit de Dieu habite en vous. Si quelqu’un n’a pas l’Esprit du Christ, celui-là n’est pas à lui.

[n° 628] 10 Mais si le Christ est en vous, le corps, il est vrai, est mort à cause du péché; mais l’Esprit vit à cause de la justification.

[n° 630] 11 Que si l’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts vivifiera aussi vos corps mortels à cause de son Esprit qui habite en vous.

[n° 631] 12 Donc, frères, nous ne sommes pas débiteurs envers la chair, pour vivre selon la chair.

[n° 633] 13 Car si vous vivez selon la chair, vous mourrez; mais si par l’Esprit vous mortifiez les oeuvres de la chair, vous vivrez.

619. L’Apôtre, dans ce qui précède [n° 612], avait supposé que la prudence de la chair est mort, et c’est ce qu’il a main tenant l’intention de prouver.

Et:

I) Il prouve d’abord sa proposition.

II) Puis il montre que les fidèles auxquels il écrit sont étrangers à une telle prudence [n° 625]: Mais vous, vous n’êtes pas dans la chair, etc.

I. Sur le premier point il fait deux choses

A) Il prouve premièrement d’une manière abstraite sa proposition touchant la prudence de la chair.

B) Puis, il applique ce qu’il avait dit touchant la prudence de la chair à ceux qui la suivent [n° 624]: 8 Ceux donc qui sont dans la chair, etc.

A. Pour prouver sa proposition il expose trois propositions intermédiaires, dont la suivante sert de preuve à la précédente.

620. 1. Or, par la première, il prouve ce qu’il a exposé plus haut [n° 617], à savoir que la prudence de la chair est mort, en ce sens que celui qui est ennemi de Dieu encourt la mort: "Quant à mes ennemis, qui n’ont pas voulu que je règne sur eux, amenez-les ici, et tuez-les devant moi 1." Et cela, parce que Dieu est notre vie: "Car lui-même est ta vie 2" Voilà pourquoi celui qui est ennemi de Dieu encourt la mort; or la prudence de la chair est ennemie de Dieu; donc la prudence de la chair est cause de mort.

621. Il faut 3 noter à ce propos que ce qu’il avait appelé plus haut "prudence de la chair", il le nomme maintenant sagesse de la chair:

1. Lc 19, 27.

2. Dt 30, 20.

3. Lieux parallèles " Somme Théologique 1a-2ae Q. 57, a. 2, sol. 2; Q. 66, a. 5; 2a-2a, Q. 47, a. 13; Q. 55, a. 1 et 2; Ethic. 6, Iect. 6 et 10; De virtut. cardinal., a. 2, sol. 3.



non point que la sagesse soit tout simplement la même chose que la prudence, mais parce que dans les choses humaines la sagesse est de la prudence: "La sagesse est pour l’homme de la prudence 1." Pour comprendre cela, il faut savoir qu’on appelle simplement sage celui qui connaît la cause la plus élevée dont toutes les choses dépendent. Or la cause suprême de toutes choses, ce ne peut être que Dieu. Voilà pourquoi la sagesse est tout simplement la connaissance des choses divines, comme le dit Augustin dans son premier livre sur La Trinité 2 — "Nous prêchons la sagesse parmi les parfaits, non la sagesse de ce siècle, ni des princes de ce siècle, qui périssent; mais nous prêchons la sagesse de Dieu dans le mystère, sagesse qui a été cachée, que Dieu a prédestinée pendant les siècles pour notre gloire qu’aucun prince de ce siècle n’a connue; car s’ils l’avaient connue, jamais ils n’auraient crucifié le Seigneur de la gloire 3." Dans chaque genre <de science>, on appelle sage celui qui connaît la cause la plus élevée de ce genre: ainsi, dans l’architecture, on qualifie de sage non pas celui qui sait travailler le bois et la pierre, mais celui qui conçoit et dispose convenablement la forme de l’édifice: c’est en cela que consiste tout l’art; et voilà pourquoi l’Apôtre dit: "Comme un sage architecte j’ai posé le fondement, et un autre a bâti dessus 4." Ainsi donc, dans les choses humaines, on appelle sage celui qui, ayant une juste appréciation de la fin de la vie humaine, l’ordonne totalement en fonction d’elle, ce qui relève de la prudence. Et c’est dans ce sens que la sagesse de la chair est la même chose que la prudence de la chair. Il est dit à propos de cette sagesse: "Ce n’est point là la sagesse qui vient d’en haut, mais une <sagesse> terrestre, animale, diabolique 5." Et cette sagesse est dite être l’ennemie de Dieu, parce qu’elle incline l’homme contre la Loi de Dieu: "il a couru contre <le Tout-Puissant>, la tête levée, et il s’est armé d’un cou inflexible 6."



622. — 2. Et dans 7 le dessein de prouver cela, <l’Apôtre> se sert d’un autre terme, en ajoutant: car elle n'est pas soumise à la Loi de Dieu. On ne peut, en effet, haïr Dieu pour ce qu’il est en lui-même, puisque Dieu est l’essence même de la bonté; mais un pécheur le hait en tant que le précepte de la Loi divine est contraire à sa volonté. Ainsi l’adultère hait Dieu, en tant qu’il hait ce précepte: "Tu ne commettras pas d’adultère 8." Ainsi tous les pécheurs, en tant qu’ils ne veulent pas se soumettre à la Loi de Dieu, sont ennemis de Dieu: "Tu te lies d’amitié avec ceux qui haïssent le Seigneur 9." <L’Apôtre> prouve donc avec raison que la prudence ou la sagesse de la chair est ennemie de Dieu, parce qu’elle n’est pas soumise à la Loi de Dieu.

623. <L’Apôtre> 10 le prouve par la troisième proposition intermédiaire, en disant: et elle ne peut pas l’être.Car la prudence de la chair est un vice, comme on le voit d’après ce qui précède. Or, bien que celui qui est esclave d’un vice puisse en être libéré et être soumis à Dieu, selon ce qui a été dit plus haut: "Ainsi libérés du péché, vous êtes devenus esclaves de 11" Dieu; cependant le vice lui-même ne peut être soumis à Dieu, puisque en soi il est un éloi gnement de Dieu ou de sa Loi, de même

1. Pr 10, 23.

2. Voir SAINT AUGUSTIN, De Trïnitate XIV, i, 3 (BA 16, 348-349). Voir aussi Contra Academicos I, vi, 16 (BA 4, 44-45).

3. 1 Corinthiens 2, 6-8.

4. 1 Corinthiens 3, 10.

5. Jc 3, 15.

6. Jb 15, 26.

7. Lieux parallèles Somme Théologique Ia, Q. 60, a. 5; 2°-2°, Q. 34, a. 1;

2 Sentences dist. 5, a. 3, sol. 2; 4 Sentences dist. 50, Q. 2, a. 1, q°. 5; De veritate, Q. 22, a. 2, sol. 3; Super Ioan. 5, 42, lect. 7 (éd. Marietti, n°828); 15, 24, lect. 5 (éd. Marietti, n 2051).

8. Ex 20, 14; Dt 5, 18.

9. 2 Par (2 Ch) 19, 2.

10. Lieu parallèle Somme Théologique 1 Q. 93, a. 6, sol. 2.

11. Rm 6, 18.



que celui qui est noir peut devenir blanc, mais la noirceur elle-même ne peut jamais devenir blancheur. C’est dans ce sens qu’il est dit: "Un arbre mauvais ne peut produire de bons fruits 1." Il ressort de cela que les manichéens 2 s’approprient à tort ces paroles pour appuyer leur erreur, en voulant montrer au moyen de celles-ci que la nature de la chair n’est pas l’oeuvre de Dieu, puisqu’elle est ennemie de Dieu et qu’elle ne peut lui être soumise. Car l’Apôtre ne parle pas ici de cette chair <qui est création de Dieu, mais de la prudence de la chair> 3, qui est un vice de l’homme, comme on l’a dit plus haut 4 [n° 575].

624. — B. Lorsqu’il dit: 8 Ceux donc qui sont dans la chair, etc., <l’Apôtre> applique ce qu’il avait dit de la prudence de la chair aux hommes, en qui domine cette prudence. Ceux donc qui sont dans la chair, c’est-à-dire ceux qui suivent les concupiscences de la chair par la prudence de la chair, aussi longtemps qu’ils sont tels ne peuvent pas plaire à Dieu, car il est écrit dans un psaume: "<Dieu> se complaît en ceux qui le craignent" C’est pourquoi ceux qui ne lui sont pas soumis ne peuvent lui plaire, aussi longtemps qu’ils sont tels. Mais ils peuvent cesser d’être dans la chair selon la manière qui a été expliquée, et alors ils plairont à Dieu.

625. — II. En ajoutant: 9 Mais vous, vous n‘êtes pas dans la chair, etc., <l’Apôtre> montre que ceux auxquels il parle sont exempts de la prudence de la chair. Et sur ce point il fait trois choses

A. Il commence par exposer l’état des fidèles, en disant: Mais vous, vous n‘êtes pas dans la chair. Il est donc évident qu’il ne faut pas comprendre ce passage dans le sens de la nature de la chair. Car les Romains, auxquels il s’adressait, étaient des mortels revêtus de la chair. Mais il prend la chair pour les vices de la chair, selon ces paroles: "Ni la chair ni le sang ne possé deront le Royaume de Dieu 6." C’est ce qui fait dire <ici à l’Apôtre>: vous, vous n'êtes pas dans la chair, c’est-à-dire vous n’êtes pas dans les vices de la chair, comme si vous viviez selon la chair: "Quoique vivant dans la chair, nous ne combattons pas selon la chair 7." — Mais dans l’esprit, c’est-à-dire vous suivez l’Esprit: "Je fus ravi en esprit le jour du Seigneur 8."

626. — B. Puis il pose une condition, en disant: si toutefois l’Esprit de Dieu habite en vous, à savoir par la charité: "Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous 9." Or <l’Apôtre> pose cette condition, parce que, bien qu’ils aient reçu dans le baptême l’Esprit-Saint, il pouvait cependant arriver que, le péché survenant, ils perdent l’Esprit-Saint, dont il est dit que "l’Esprit-Saint qui inspire la science fuira le déguisement, et il se retirera des pensées qui sont sans intelligence, et <l’homme>

1. Mt 7, 18.

2. Voir Glosa in Rom. VIII, 7 (GPL, col. 1435 C); voir aussi sAn. rr AUGUSTIN, Expositio quarundam proposztionum ex epistula ad Romanos, prop. XLIX (PL 35, 2073; CSEL 84, 22-23).

3. Telle quelle cette dernière phrase est incompréhensible. D’autres éditions, par exemple celle de Parme (e. XIII, p. 77), ajoutent après de carne ista" ("de cette chair"), ces mots: qua" est creatura Dei, sed de prudentia carnis." Nous les avons mis entre crochets dans notre traduction.

4. La "chair" dont il est question dans le texte de saint Paul n’est donc pas, comme le pensent à tort les manichéens — et les cathares combattus par saint Dominique — la substance corporelle en tant que réalité naturelle voulue et créée par Dieu. La chair, ici, désigne la condition pécheresse de l’homme parce que l’homme a voulu affranchir cette réalité corporelle (et tout ce qui y ressortit) de la soumission de Dieu et en a fait le lieu de sa révolte.

5. Ps 146, 11. Probablement cité de mémoire, la Vulgate lisant Dominus (le Seigneur) au lieu de Deus (Dieu).

6. 1 Co 15, 50. Certains manuscrits lisent possidebunt (possé deront) au lieu de "possidere non possunt" ("ne peuvent posséder"), voir DOM SABATIER, Bibi. Sacr., t. III (Nota" ad versionem antiquam), p. 720.

7. 2 Co 10, 3.

8. Ap 1, 10.

9. 1 Co 3, 16.



sera emporté par l’iniquité qui surviendra 1."

627. — C. Enfin, <l’Apôtre> montre la nécessité de cette condition en eux, en disant: Si quelqu’un n’a pas l’Esprit du Christ, celui-là n’est pas à lui. De même qu’un membre n’appartient au corps que s’il est vivifié par l’esprit du corps, ainsi celui qui n’a pas l’Esprit du Christ n’est pas membre du Christ: "A ceci nous savons que nous demeurons en lui et lui en nous, à ce qu’il nous a donné de son Esprit 2. Il faut cependant noter que l’Esprit du Christ et l’Esprit de Dieu le Père sont un même Esprit; mais on dit l’Esprit de Dieu le Père en tant qu’il procède du Père, et l’Esprit du Christ en tant qu’il procède du Fils 3.Aussi le Seigneur attribue-t-il partout cet Esprit â lui-même comme à son Père, par exemple dans ces versets de Jean: "Le paraclet, l’Esprit-Saint que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses, et vous rappellera tout ce que je vous ai dit 4." Et encore: "Lorsque sera venu le Paraclet que je vous enverrai du Père, l’Esprit de vérité qui procède du Père, il rendra témoi gnage de moi 5."

628. Lorsque <l’Apôtre> dit: 10 si le Christ est en vous, etc., il montre que par la grâce du Christ ou par l’Esprit-Saint nous sommes libérés de la peine." Et

Il montre en premier lieu que nous sommes libérés par l’Esprit-Saint, pour l’avenir, de la mort corporelle.

Ensuite, qu’en attendant et pour cette vie, nous sommes aidés par l’Esprit-Saint face aux infirmités de la vie présente [n° 686]: De même aussi l’Esprit vient en aide à notre faiblesse.

Sur le premier point:

Il commence par exposer son intention.

Il en déduit ensuite un corollaire [n° 631]: 12 Donc, frères, nous ne sommes pas débiteurs, etc.

Enfin, il prouve sa proposition [n° 634]: 14 Car tous ceux qui, etc.

Sur le premier point, il faut consi dérer le fait que l’Apôtre avait fait mention plus haut de l’Esprit de Dieu et de l’Esprit du Christ, bien que ce ne soit qu’un seul et même Esprit.

Il montre donc d’abord ce que nous obtenons de l’Esprit, en tant qu’il est l’Esprit du Fils.

Puis, il montre ce que nous obtenons de l’Esprit, en tant qu’il est l’Esprit de Dieu le Père [n° 630]: Il Que si l’Esprit, etc.

629. — * <L’Apôtre> dit donc: On a établi que si quelqu’un n’a pas l’Esprit du Christ, celui-là n'est pas à lui; donc, si vous, vous êtes du Christ, vous avez l’Esprit du Christ, et le Christ lui-même habitant en vous par la foi, selon ce passage <de l’Apôtre> aux Ephésiens: "Que le Christ habite par la foi dans vos coeurs" — Mais si le Christ est en vous, il est nécessaire que vous, vous soyez conformes au Christ. Mais le Christ est venu dans le monde pour être selon l’Esprit plein de grâce et de vérité; néanmoins, quant au corps, il porte la ressemblance de la chair du péché, comme on l’a dit plus haut Aussi faut-il qu’en vous le corps, c’est-à-dire votre corps, à cause du péché, qui demeure encore dans votre chair, soit mort, c’est-à-dire soit condamné à la nécessité de mourir, comme

1. Sg 1, 5.

2. 1 Jn 4, 13.

3. Lieux parallèles Somme Théologique Ia, Q. 36, a. 2 et 3; 1 Sentences dist. 11, a. 1; dist. 12, â. 3; dist. 13, a. 2; 4 Contra Gentiles c. 24, 25; De potent., Q. 10, a. 4, 5; Contra en-or. Graec., c. 9; c. 27-32; Gompend. theol., c. 49; Super Ioan. 15, 26, lect. 5; 16, 14-15, lect. 4 (éd. Marietti, n° 2109." ); Ad Gal. 4, 6, lect. 3 (éd. Marietti, n° 213).

4. Jn 14, 26.

5. Jn 15, 26.

6. Voir aussi n° 406, 518 et 595.

7. Ep 3, 17.

8. Voir chap. 6; leçon 2, n° 489, p. 249.



il est dit dans la Genèse: "Au jour où tu en mangeras, tu mourras de mort 1", c’est-à-dire vous serez condamnés à la nécessité de mourir; mais l’esprit vit, lui qui a déjà été détourné du péché, selon ces paroles <de l’Apôtre> aux Ephésiens "Renouvelez-vous par l’esprit de votre esprit 2." Il vit de la vie de la grâce, à cause de la justi fication, par laquelle il est justifié par Dieu "Car ce que je vis maintenant dans la chair, c’est dans la foi au Fils de Dieu que je le vis 3." Et <il est écrit> plus haut "Le juste vit par la foi 4."

630 — * Lorsqu’il dit 5: 11 Que si l’Esprit, etc., <l’Apôtre> montre ce que nous obtenons dans l’Esprit-Saint, en tant qu’il est l’Esprit du Père. Que si, dit-il, habite en vous l’Esprit de Celui, à savoir <l’Esprit> de Dieu le Père, qui a ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts, <Celui qui a ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts vivifiera aussi vos corps mortels à cause de son Esprit qui habite en vous>. "Mais toi, Seigneur, aie pitié de moi et ressuscite-moi 6" — "Vous avez même tué l’auteur de la vie, que Dieu a ressuscité d’entre les morts, ce dont nous sommes témoins 7." Et cependant le Christ lui-même est ressuscité par sa propre puissance parce que, la puis sance du Père et la puissance du Fils étant la même, il en résulte que ce que Dieu le Père a fait dans le Christ, il le fait aussi en nous. Et tel est bien ce que <l’Apôtre> ajoute: Celui qui a ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts vivifiera aussi vos corps mortels. Il ne dit pas "morts" mais "mortels", parce que dans la résurrection non seulement il sera enlevé à vos corps leur état de mort, c’est-à-dire la nécessité de mourir, mais aussi leur condition mortelle, c’est-à-dire la capacité de mourir, comme il en fut pour le corps d’Adam avant le péché 8, En effet, après la résurrection nos corps seront entièrement immortels: "Tes morts vivront; ceux qui m’ont été tués ressusciteront; réveillez-vous, et chantez des louanges, <vous> qui habitez la poussière; parce que ta rosée est une rosée de lumière, et que tu réduiras en ruine la terre des géants." — "Il nous vivifiera après deux jours; le troisième jour, il nous ressuscitera, et nous vivrons en sa présence 10." Et cela, à cause de son Esprit qui habite en nous, c’est-à-dire par la puissance de l’Esprit-Saint qui habite en nous "Voici ce que dit le Seigneur Dieu à ces ossements: Voilà que moi j’enverrai en vous un esprit, et vous vivrez 11." Et cela à cause de son Esprit qui habite, c’est-à-dire à cause de la dignité que nos corps ont <revêtue> en devenant des réceptacles de l’Esprit-Saint: "Ne savez-vous pas que vos membres sont le temple de l’Esprit-Saint, qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu, et qu’ainsi vous n’êtes plus à vous-mêmes 12 ?" Quant à ceux dont les membres n’ont pas été le temple de l’Esprit, ils ressusciteront, mais ils auront des corps passibles 13.

1. Gn 2, 17.

2. Ep 4, 23.

3. Ga 2, 20.

4. Rm 1, 17.

5. Lieu parallèle Somme Théologique 1a-2 Q. 85, a. 5, sol. 2.

6. Ps 40, 11. — Lieu parallèle: Super Psalmos, in Ps. 40, 11 "I. . e Christ ne serait-il pas ressuscité par sa propre puissance, puisqu’il dit "Ressuscite-moi"? Il semble au contraire que si, car le psal miste dst au nom du Christ t "J’ai dormi et je me suis relevé." Il lout dire que le Christ en tant qu’homme n’a pas le pouvoir de ressus citer, mais bien selon la puissance de sa divinité, qui est la même dans le Père et dans le Fils. Et c’est pourquoi s’il ressuscita par le pouvoir du Père, il ressuscita par son propre pouvoir. Et il demande au Père en tant qu’homme, puisqu’il avait ce pouvoir en tant que Dieu, afin de montrer que sa résurrection se fit par la puissance de sa divinité" (trad. par Jean-Eric Stroobsnt de Saint-Eloy, p. 529). Voir aussi Super Ioan. 2, 19, lect. 3 (éd. Marietti, n°403).

7. Ac3, 15.

8. Voir Glosa in Rom. VIII, 11 (GPL, 1437 A). — Lieu parallèle 5. Th. Ia, Q. 76, a. 5, sol. 1.

9. Is 26, 19.

10. Os 6, 3.

11. Ez 37, 5.

12. 1 Co 6, 19.

13. Il s’agit du corps des damnés. Ils ressusciteront au demier jour et seront donc incorruptibles, mais non pas impassibles incorrup tibles en ce sens que le feu de l’enfer ne saurait les consumer puisque la peine est étemelle; mais passibles puisqu’ils subiront les souf frances que ce feu inextinguible leur infligera. Voir S. Th., suppl., Q. 86, a. 3.



631. Lorsqu’il dit: 12 Donc, frères, nous ne sommes pas débiteurs, etc., <l’Apôtre> tire un corollaire de ce qui précède. Et

* Il expose d’abord une conclusion.

* Puis, il en donne la raison [n° 633]: 13 Car si vous vivez selon la chair, etc.

632. — * Il commence donc par dire On a établi que beaucoup de biens nous proviennent par l’Esprit-Saint, et que de la prudence de la chair résulte la mort. "Donc nous sommes débiteurs" envers l’Esprit-Saint à cause des bienfaits reçus de lui, pour vivre selon l’Esprit et non selon la chair: "Si nous vivons par l’Esprit, marchons aussi selon l’Esprit 1."

633. — * En ajoutant: 13 Car si vous vivez selon la chair, etc., <l’Apôtre> donne la raison de la conclusion qu’il vient de tirer. Et en premier lieu quant à la chair, en disant: Car si vous vivez selon la chair, à savoir en suivant les concupiscences de la chair, vous mourrez, à savoir de la mort de la faute ici-bas et de la mort de la condam nation dans la vie future "<Une veuve> qui vit dans les délices est morte toute vivante 2" En second lieu, il donne la raison quant à l’Esprit, en disant: mais si par l’Esprit, c’est-à-dire grâce à l’Esprit, vous mortifiez les oeuvres de la chair, c’est-à-dire les oeuvres qui proviennent de la concupiscence de la chair, vous vivrez de la vie de la grâce ici-bas et de la vie de la gloire dans la vie future: "Mortifiez vos membres qui sont sur la terre: la forni cation, l’impureté, la luxure, la concupis cence mauvaise et l’avarice, qui est une idolâtrie; choses pour lesquelles la colère de Dieu vient sur les fils de l’incrédulité, et dans lesquelles vous aussi vous avez marché autrefois, lorsque vous viviez parmi eux 3." — "Ceux qui sont au Christ ont crucifié leur chair avec ses vices et ses concupiscences 4."

1. Ga 5, 25. Lieu parallèle " Ad Gal. 5, 25, lec>. 7 (éd. Marietti, n 340).

2. 1 Tm 5, 6.

3. Col 3, 5.

4. Ga 5, 24.



Thomas A. sur Rm (1999) 34