Thomas A. sur Rm (1999) 12

Leçon 3 [versets 13 à 16]

12
075 (
Rm 2,13-16)


[n° 210] 13 Car ce ne sont pas les auditeurs de la Loi qui sont justes devant Dieu, mais les observateurs de la Loi qui seront justifiés.

[n° 2131 14 En effet, quand des nations païennes, qui n’ont pas de loi, pratiquent natu rellement ce qui est de la Loi, n’ayant pas de loi, ils se tiennent lieu de loi à eux-mêmes;

[n° 2181 15 ils montrent que l’oeuvre de la Loi est écrite dans leur coeur, [n° 219] leur conscience leur rendant témoignage, et leurs pensées tour à tour les accusant, ou même les défendant;

[n° 222] 16 <ainsi en sera-t-il> au jour où, selon mon Évangile, Dieu jugera les actions secrètes des hommes par Jésus-Christ.

210. L’Apôtre, après avoir réfuté le jugement humain par lequel les Gentils et les Juifs se jugeaient mutuellement, et mis en lumière le jugement divin [n° 169], s’applique ici à montrer que les préro gatives dont les Juifs se glorifiaient ne suffisaient pas à leur <procurer> le salut.

Et il commence par énoncer son propos.

Puis, il répond aux objections qu’on pourrait formuler en sens contraire, au chapitre 3 [n° 247]: "1 Qu’est-ce donc que le Juif a de plus ?"

Les Juifs se glorifiaient de deux choses de la Loi et de la circoncision, qui ne venaient pas de Moïse, mais des patriarches, comme le dit Jean 1.

Il montre donc premièrement que l’audition ou la réception de la loi ne suffisait pas pour le salut.

Il montre deuxièmement qu’il en est de même pour la circoncision [n° 237]: "25 Certes la circoncision est utile, etc."

À l’égard de la loi

I) Il énonce son propos.

II) Il le développe [n° 2131 14 En effet, quand des nations païennes.

211. — I. Il énonce deux choses, <mais> réfute la première et affirme la seconde.

En effet, il réfute le fait que les Juifs pensaient être justifiés par la seule écoute de la Loi. C’est pourquoi il déclare: Ainsi avons-nous dit que ceux qui pèchent sous la loi, sont jugés par la Loi; 13 car ce ne sont pas les auditeurs de la Loi, par le fait même qu’ils entendent la Loi, qui sont justes devant Dieu, même s’ils sont réputés justes aux yeux des hommes: "Quiconque entend mes paroles et ne les accomplit pas est semblable à un homme insensé qui a bâti sa maison sur le sable 2" — "Si quelqu’un entend la parole et ne l’accomplit pas, celui-là sera comparé à un homme qui regarde dans un miroir le visage qu’il a reçu

1. Voir Jn 7, 22.

2. Mt 7, 26.



en naissant. Il s’est regardé et s’en est allé, et aussitôt il a oublié comment il était 1."

Ensuite il affirme que les observateurs de la Loi sont justes, lorsqu’il dit: mais les observateurs de la Loi seront justifiés. — <Il est écrit dans l’évangile de Matthieu> "Quiconque entend mes paroles et les accomplit sera comparé à un homme sage qui a bâti sa maison sur la pierre 2" <Dans l’épître de Jacques>: "Mettez la parole en pratique et ne soyez pas seulement des auditeurs qui s’abusent eux-mêmes."

<Et dans un psaume>: "La bonne intelligence est en tous ceux qui mettent <la crainte du Seigneur> en pratique 4"

212. Objection. Il semble que la seconde <partie du verset> soit en contradiction avec ces mots du chapitre 3: "parce que nulle chair ne sera justifiée devant lui par les oeuvres de la Loi." Donc nul n’est justifié pour avoir pratiqué les oeuvres de la Loi.

Réponse. Il faut dire que <ce mot> "justifier" peut être pris dans trois sens 6:

A. Premièrement, il peut être pris dans le sens de réputer, en sorte que l’on peut être dit justifié, quand on est réputé juste "Tu as justifié tes soeurs", c’est-à-dire en les réputant telles. Et dans ce sens, <ces paroles>: les observateurs de la Loi seront justifiés, signifient: seront réputés justes devant Dieu et devant les hommes.

B. Deuxièmement, <ce mot> peut être pris dans le sens d’accomplir la justice, en tant que ses oeuvres sont accomplies: "Ce dernier descendit dans sa maison justifié", c’est-à-dire parce que ce publicain avait accompli une oeuvre de justice en confessant son péché. Et c’est ainsi que l’on voit ici la vérité de ces paroles de l’Apôtre les observateurs de la Loi seront justifiés, c’est-â-dire en accomplissant la justice de la Loi.

1. Jc 1, 23-24.

2. Mt 7, 24.

3. Jc 1, 22.

4, Ps 110, 10.

5. Rm 3, 20.

6. Lieu parallèle: Somme Théologique lj-2ae, Q• 100, a. 12.

7. Ez 16, 51.

8. Lc 18, 14.

C. Troisièmement, <ce mot> "justification" peut être pris au sens de cause de la justice, en sorte que l’on qualifie de justifié celui qui reçoit de nouveau la justice, comme <l’Apôtre le dit> plus bas: "Etant donc justifiés par la foi, etc. 9" Mais ce n’est pas dans ce sens que les obser vateurs de la Loi sont justifiés, comme s’ils acquéraient la justice par la Loi; car cela n’est possible ni aux oeuvres des préceptes cérémoniels, qui ne conféraient point la grâce sanctifiante 10, ni même aux oeuvres des préceptes moraux, qui ne permettent pas l’acquisition de l’habitus de la justice; or c’est par l’habitus infus de la justice que nous pouvons pratiquer ces oeuvres.

213. — II. Lorsque <l’Apôtre> ajoute: 14 En effet, quand des nations païennes, il développe son propos. Et

Il montre d’abord que les obser vateurs de la loi sont justifiés, même s’ils ne l’ont pas entendue.

Ensuite, que les auditeurs de la Loi ne sont pas justifiés sans l’observance de la Loi [n° 224]: 17 "Mais, si toi qui portes le nom de Juif."

Dans le premier développement de son propos

9. Rm 5, 1.

10. Mais si, écrit saint Thomas (Somme Théologique 1a Q. 100, a. l2c), on entend par justification la mise en oeuvre de la justice, alors tous les préceptes de la loi justifiaient, mais à des titres divers. Dans leur intention générale, il est vrai, comme contribution au culte divin, les préceptes cérémoniels incluaient essentiellement la justice; mais dans le détail de leurs dispositions le juste qu’ils contenaient était tel par la seule détermination de la loi divine et non pas essentiellement Justice. Aussi admet-on que ces préceptes ne justifiaient qu’en vertu de la dévotion et de l’obéissance de ceux qui les pratiquaient " (trad. de J. Tonneau, " Revue des Jeunes", t. I, p. 147). — Autres lieux parallèles Somme Théologique 1a-2 Q. 98, a. 1; 3 Sentences dist. 11, a. 3; Ad Gal. 2, 16, lect. 4 (éd. Marietti, n° 94); 3, 10, lect. 4 (éd. Marietti, n° 136).



A) <L’Apôtre> commence par attirer l’attention sur la dignité de ceux qui observent la Loi sans l’entendre.

B) Puis il manifeste ce qu’il avait dit [n° 218]: 15 ils montrent que l’oeuvre de la Loi est écrite dans leur coeur.

C) Enfin, il le prouve [n° 219]: leur conscience leur rendant témoignage.

214. — A. <L’Apôtre> relève trois choses à propos des Gentils [n° 215, 217]. Premièrement l’absence de la Loi, en disant: En effet, quand des nations païennes, qui n’ont pas de loi 1, c’est-à-dire la Loi divine, qu’ils n’ont pas reçue. Car ce n’est pas aux nations païennes que la Loi a été donnée, mais aux Juifs, selon ce passage de l’Ecclésiastique: "Moïse a donné la Loi avec des préceptes de justice, et l’héritage pour la maison de Jacob, et les promesses faites à Israel 2 "Et selon ce verset du psaume: "Il n’a pas fait ainsi pour toute nation 3." Et encore, selon le Deutéronome: "Moïse nous a prescrit une loi, héritage de la multitude de Jacob 4." On voit d’après ces textes que les Gentils ne péchaient point par leur inobservance des préceptes cérémoniaux de la Loi.

215. Ensuite <l’Apôtre> loue leur observance de la Loi, lorsqu’il dit: pratiquent naturellement ce qui est de la Loi, c’est-à-dire ce que la Loi prescrit quant aux préceptes moraux, qui sont dictés par la raison naturelle; comme on dit de Job qu’il était juste, "droit, craignant Dieu et s’éloi gnant du mal 5." Aussi Job dit-il de lui-même: "Mon pied a suivi ses traces; j’ai gardé sa voie et je ne m’en suis pas détourné 6"

216. Mais une difficulté vient du fait que <l’Apôtre> dit: naturellement. En effet, <ce mot> semble conforter <l’hérésie> des pélagiens, qui prétendaient que l’homme pouvait observer tous les préceptes de la Loi par ses propres forces naturelles 7. C’est pourquoi il faut interpréter <ce mot> "naturellement" dans le sens de nature réformée par la grâce 8.Car <l’Apôtre> parle des Gentils convertis à la foi qui, par le secours de la grâce du Christ, avaient commencé à observer les préceptes moraux de la Loi. Ou bien, on peut l’entendre de la loi naturelle montrant aux Gentils ce qu’il faut faire, selon ce verset du psaume "Beaucoup disent: Qui nous montrera les biens ? La lumière de ton visage a été gravée sur nous, Seigneur 9", cette lumière étant celle de la raison naturelle, dans laquelle <se reflète> l’image de Dieu 10. Toutefois il n’est pas exclu que la grâce soit nécessaire pour mouvoir l’affection, de même que < la Loi <vient> la connais sance du péché 11", comme <l’Apôtre> le dit au chapitre 3; mais la grâce est ultérieu rement requise pour mouvoir l’affection.

1. L’exégèse de saint Thomas des versets 14 et suivants s’inspire manifestement de celle d’Origène (Super epistulam ad Romanos II, 14 [n° 14, 892]; éd. C. P. Hammond Bammel, p. 134-136).

2. Eccli (Si) 24, 33.

3. Ps 147, 20a.

4. Dt 33, 4.

5. Jb 1, 1.

6. Jb 23, 11.

7. Les pélagiens étaient les disciples du moine irlandais Pélage, au début du V’ siècle. L’hérésie de Pélage ou pélagianisme "niant toute transmission du péché originel et toute altération des possibilités innées de la nature humaine qui en aurait été la conséquence, mini misait en retour la nécessité et l’efficacité de la grâce divine, comme si celle-ci ne faisait qu’éclairer l’homme sur la fin â poursuivre, pour ensuite couronner ses efforts en vue de l’atteindre. Enoncée d’abord par un ascète, que la préoccupation de l’effort ascétique avait conduit a perdre de vue l’importance de la grâce donnée d’en haut, cette hérésie, avec Julien d’Eclane, aboutira, par un retournement singulier mais prévisible (dès lors que l’intégrité de la nature humaine actuelle était proclamée ainsi), à une certaine justification de la sensualité. Saint Augustin mènera la lutte contre le pélagia nisme, qui sera condamné notamment par les conciles de Carthage de 418 et d’Orange de 529, ainsi que par une lettre très importante du Pape Célestin I", de 431, â laquelle on joindra l’Indiculus de Gratia" (Louis BOUYER, Dictionnaire théologique, p. 265. Voir aussi Catholicisme, t. X, fasc. 48, col. 1091-1099). — Lieux parallèles Somme Théologique 1a Q. 100, a. 10, sol. 3; Q. 109, a. 4; 2 Sentences dist. 28, Q. 1, a. 3; 3 Sentences dist. 36, Q. I, a. 6; Contra Cent. 3, ç. 155 (in fine); De malo, Q. 2, a. 5, sol. 7; De quodlibet 1, Q. 4, a. 2; 1 Ad Cor. 12, 3, lect. 1 (éd. Marietti, n° 718).

8. Voir Glosa in Rom. Il, 14 (GPL, col. 1345G).

9. Ps 4, 6b-7a.

10. Lieux parallèles: Somme Théologique P, Q. 84, a. 5; 1a-2ae, Q. 91, a. 2 Super Psalmos, in Ps. 4, 6b-7a; Super Ioan. 1, 4b, lect. 3 (éd. Marietti, n° 101).

11. Rm 3, 20.



217. Enfin, <l’Apôtre> montre leur dignité en ceci que n’ayant pas de loi, ils se tiennent lieu de loi à eux-mêmes, c’est-à-dire qu’ils s’acquittent du devoir de la Loi pour eux-mêmes, en s’instruisant et en se portant au bien, parce que, comme le dit le Philosophe, "la loi est un discours qui a un pouvoir coercitif et qui procède dans une certaine mesure de la prudence et de l’intel ligence." Et c’est pourquoi il est dit dans la première épître à Timothée que "la Loi n’est pas établie pour le juste", c’est-à-dire qu’il n’est pas contraint par une loi extérieure, mais elle a été établie "pour les injustes 2", qui ont besoin d’être contraints extérieurement. Et c’est le suprême degré de dignité chez les hommes de ne pas être portés au bien par les autres, mais <d’y être portés> par eux-mêmes. Le deuxième degré <de dignité> concerne ceux qui sont portés <au bien> par autrui, mais sans contrainte. Le troisième <degré> concerne ceux qui ont besoin d’être contraints pour faire le bien. Le quatrième <degré> concerne ceux qui ne peuvent même pas être dirigés vers le bien par la contrainte "En vain j’ai frappé vos fils, ils n’ont pas accueilli la correction 3."

218. — B. En ajoutant ensuite: 15 ils montrent que l’oeuvre de la Loi est écrite dans leur coeur, <l’Apôtre> fait voir comment ils se tiennent lieu de loi à eux-mêmes. Nous pouvons comprendre <ces paroles> au moyen d’une similitude tirée de la Loi. La Loi est proposée extérieurement à l’homme, c’est-à-dire qu’elle est habituel lement transmise par écrit à cause de la faiblesse <humaine> et pour <la garder en> mémoire; et de même ceux qui observent la Loi sans l’avoir entendue extérieurement, montrent que l’oeuvre de la Loi est écrite, "non avec de l’encre", mais d’abord et principalement "avec l’Esprit du Dieu vivant 4", comme <l’Apôtre> le dit dans la seconde épître aux Corinthiens 5. Ensuite, par le soin même de l’homme "Grave-les", c’est-à-dire les préceptes de la sagesse, "sur les tables de ton coeur 6." D’où la suite <du verset commenté>: dans leur coeur, non sur un parchemin, ou sur des tables de pierre, ou encore d’airain: "Je mettrai ma Loi dans leurs entrailles, et je l’écrirai dans leur coeur 7."

219. — C. Ensuite, lorsqu’il dit: rendant témoignage, il prouve ce qu’il avait dit, à savoir que l’oeuvre de la Loi est inscrite dans leurs coeurs, en faisant connaître quelques-unes de ces oeuvres.

Et il commence par exposer ces oeuvres, dont la première est le témoignage de la conscience. Ce qu’il exprime en disant: leur conscience leur rendant témoignage. La conscience 8 n’est rien d’autre que l’application de la connaissance reçue pour juger si une action est bien ou mal faite. Aussi cette conscience rend-elle quelquefois témoignage du bien, selon ce verset de la seconde épître aux Corinthiens: "Ce qui fait notre gloire, c’est ce témoignage de notre conscience: nous nous sommes conduits dans ce monde, et plus

1. ARISTOTE, Éthique à Nicomaque X, 9 [; AL xxvi, fasc. 3, p. 366. Lieu parallèle Ethic. 10, lect. 14, éd. Léonine, 1969, t. XLVII, vol. H, p. 600, 1. 219-222.

2. 1 Tm 1, 9.

3. Jr 2, 30.

4. 2 Corinthiens 3, 3.

5. Ces textes de saint Paul sont allégués par tous les penseurs chrétiens désireux de fournir une confirmation scripturaire è la doctrine du droit naturel. Saint Thomas soutient en outre l’identité foncière du droit naturel et du droit positif la Loi écrite ne fait qu’imposer extérieurement ce qu’intérieurement commande la Loi non écrite. Au demeurant, cette loi naturelle, ayant été gravée par Dieu dans le coeur des hommes, possède un caractère sacré; elle est une participation à la loi étemelle et finalement à l’ordre cosmique tout entier "en elle-même la créature participe de la raison éternelle grâce à laquelle elle possède une inclination naturelle vers l’acte et la fin convenables. Cette participation de la loi éternelle dans la créature raisonnable, c’est ce qu’on appelle la loi naturelle (5. Th. l Q. 91, a. 2).

6. Pr 3, 3.

7. Jr 31, 33.

8. Lieux parallèles Somme Théologique Ia, Q. 79, a. 13; i Q. 19, a. 5;

2 Sentences dist. 24, Q. 2, a. 4; dist. 39, Q. 3, a. 2, sol. 2; De veritate, Q. 17, a. 1 et 2; De quodlibet 3, Q. 12, a. 1 (in fine).



particulièrement envers vous, avec la simplicité du coeur et dans la sincérité de Dieu, et non point selon la sagesse char nelle, mais selon la grâce de Dieu 1"; et quelquefois du mal, selon ces paroles de l’Ecclésiaste: "Ta conscience sait que toi, tu as médit fréquemment des autres 2." Or nul ne peut rendre témoignage d’une oeuvre, qu’elle soit bonne ou mauvaise, sans avoir la connaissance de la Loi. Par le fait même que la conscience rend témoignage du bien ou du mal, c’est un signe évident que l’oeuvre de la Loi est inscrite dans le coeur de l’homme 3.

220. Vient ensuite l’oeuvre de l’accu sation et de la défense, lesquelles ne peuvent exister sans la connaissance de la Loi. <L’Apôtre> dit à leur propos: et leurs pensées, c’est-à-dire par leurs pensées, les accusant, ou même les défendant, c’est-à-dire par les pensées qui les accusent ou les défendent, hellénisme qui, au lieu de l’ablatif <absolu>, met le génitif <absolu> 4." Et cela tour à tour, car il s’élève dans l’homme, sur chacun de ses actes, une connaissance qui l’accuse, lorsque pour quelque raison il pense avoir mal agi: "Je te reprendrai, et mettrai <tout> devant ta face 5." Et "La connaissance de leur visage leur a répondu 6." D’autres fois il s’élève également <en lui> une connais sance qui le défend, lorsque pour quelque raison il pense avoir bien agi, selon ce passage de Job: "Mon coeur ne me reproche rien dans toute ma vie 7." â Entre cette accusation et cette défense intervient le témoignage de la conscience, auquel on s’arrête.

221. On peut aussi lire autrement 8 et dire: leur conscience leur rendant témoignage, c’est-à-dire non seulement sur les oeuvres, mais aussi sur les pensées, dont l’homme a conscience, mais la première interprétation est préférable.

222. Mais parce que le témoignage, l’accusation et la défense ont lieu au jugement, <l’Apôtre> traite en second lieu de ce jugement, en montrant le moment <de l’exécution>, quand il dit: 16 au jour où, indiquant par là non point une propriété qualitative du temps 9, mais la manifestation des choses cachées: "Ne jugez pas avant le temps, jusqu’à ce que vienne le Seigneur, qui éclairera ce qui est caché dans les ténèbres, et manifestera les pensées secrètes des coeurs; et alors chacun recevra de Dieu sa louange 10." On appelle quelquefois <ce jugement> "nuit" à cause de l’incertitude de cette heure "Au milieu de la nuit, un cri s’éleva 11" Or ces pensées, dont il est dit qu’elles accusent ou qu’elles défendent, au jour du jugement ce ne seront point elles qui parleront alors, parce qu’à ce moment le salut ou la damnation sera manifesté à chacun; quant à la défense ou à l’accusation des pensées, ainsi qu’au témoignage de la conscience, qui ont lieu présentement, ils seront mis en ce jour devant les yeux de l’homme par l’action de

1. 2 Corinthiens 1, 12.

2. Eccl. (Qo) 7, 23.

3. Il s’agit évidemment de la conscience morale, seul sens connu de ce mot jusqu’au xvii’ siècle. La conscience au sens philosophique et psychologique de connaissance de soi n’apparaît qu’avec Descartes (Lettre au P. <GibieuJ7’, 19janvier 1642, dans OEuvres de Descartes publiées par Ch. Adam et P. Tannery, Correspondance III <CCLXII, janvier 1640-juin 1643>, p. 474: "Ma propre pensée ou conscience e) et ne deviendra d’usage courant qu’au XVIII. siècle. Cette conscience morale n’est pas seulement une connaissance irré cusable (d’où l’idée de témoignage) du bien et du mal déposée par Dieu dans nos âmes, c’est aussi un jugement qui applique cette connaissance générale aux actes particuliers (De veritate, Q. 17, a. 3).

4. e Gogitationum accusantium aut etiam defendentium. Cette version, qui est un calque maladroit des génitifs grecs, est en réalité déjà corrigée par un ablatif absolu chez quelques Pères de l’Eglise, dont AMBROSIASTER, Gommentaria in epistolam ad Romanos II, 15 (CSEL 8 1/1, 76-81); SAINT AUGUSTIN, De civitate Dei XX, xxvi, 3 (BA 37, 340); Enarr. in Ps. IX, 9 (CCL 38, 63); et même SAINT JÉRÔME, Gommentariorum in Hiezechielem 1. V, c. XVI (CCL 75, 200). Voir DOM SABATIER, Bibl. sacr., t. III, p. 602 (Notae ad versionem antiquam). Voir aussi Glosa in Rom. II, 15 (GPL, col. 1346 B-C).

5. Ps 49, 21c.

6. Is 3, 9a.

7. Jb 27, 6b.

8. Voir Glosa in Rom. II, 15 (GPL, coI. 1346 C).

9. C’est-â-dire non pas pour indiquer qu’il fera jour, à ce moment-là, mais. . .

10. 1 Corinthiens 4, 5. ll. Mt 25, 6a.



la puissance divine, comme le dit Augustin dans son vingtième livre traitant de La Cité de Dieu. Quant aux traces 2 rémanentes de ces pensées dans l’âme, il semble que ce ne soit pas autre chose, selon la Glose 3, que l’obligation à la peine 4 ou le mérite qui leur est dû.

223. <L’Apôtre> montre aussi l’auteur du jugement en disant: où Dieu jugera. — "Il jugera le monde avec équité et les peuples selon sa vérité 5." Il précise encore sur quoi portera le jugement, lorsqu’il dit: les actions secrètes des hommes, ce que les hommes ne peuvent juger maintenant "Ne jugez pas avant le temps, jusqu’à ce que vienne le Seigneur, qui éclairera ce qui est caché dans les ténèbres, et manifestera les pensées secrètes des coeurs; et alors chacun recevra de Dieu sa louange 6." Il montre enfin la doctrine sur laquelle s’appuie la foi à ce jugement, lorqu’il dit selon mon Evangile, c’est-à-dire selon l’Evangile que je prêche: "Je vous dis que toute parole oiseuse que les hommes auront dite, ils en rendront compte au jour du jugement." Mais il dit: mon Evangile, bien qu’il ne puisse dire: son baptême, et qu’il soit le ministre de l’un comme de l’autre, parce que dans le baptême rien ne se fait par l’action de l’homme 8, tandis qu’en prêchant l’Evangile le prédicateur coopère:

1. Voir SAINT AUGUSTIN, De civitate Dei XX, 14 (BA 37, 256-261).

2. Les manuscrits lisent ici notae au lieu de notitia. Le commentaire d’Origéne sur l’épître aux Romains II, 16 (PG 14, 894; éd. C. P. Hammond Bammel, p. 139), cité ici par saint Thomas à travers la Glose de Pierre Lombard, utilise le mot notae que nous reprenons et traduisons.

3. Voir Glosa in Rom. II, 16 (GPL, col. 1346 C).

4. Lieu parallèle Somme Théologique 1a-2a Q. 87.

5. Ps 95, 13b.

6. 1 Co 4, 5.

7. Mt 12, 36.

8. Lieu parallèle: Somme Théologique 3a, Q. 66, a. 5.



"Vous avez appris sans doute que Dieu m’a confié la dispensation de sa grâce en votre faveur; puisque, par révélation, il m’a fait connaître ce mystère, comme je vous l’ai écrit plus haut en peu de mots: de sorte que lisant, vous pouvez comprendre l’intelligence que j’ai du mystère du Christ." <L’Apôtre> expose ensuite à qui a été donné le jugement, lorsqu’il ajoute: par Jésus-Christ, qui a été établi par Dieu "juge des vivants et des morts", comme le disent les Actes 10, et l’évangile de Jean: "Le Père ne juge personne, mais il a remis tout jugement au Fils", qui au jugement apparaîtra aux bons et aux méchants; mais aux bons selon la gloire de sa divinité: "Ses yeux verront un roi dans son éclat 12"; aux méchants selon la nature de son humanité 13: "Toute chair le verra 14"

9. Ep 3, 2-4.

10. Voir Ac 10, 42.

11. Jn 5, 22.

12. Is 33, 17a.

13. Lieux paralléles: Somme Théologique 3 Q. 59, a. 2; Suppl., Q. 90; 4 Contra Gentiles c. 96; Compend. theol., c. 241; ColI. in Symb. Apost., c. 7; De quodlibet 10, Q. 1, a. 2; Super Matth. 25, 31 (éd. Marietti, n° 2079); Super Ioan. 5, 27, lect. 5 (éd. Marietti, n° 789) "Le pouvoir de juger a été donné au Chnst en tant qu’homme, pour trois raisons D’abord pour qu’Il soit vu de tous. Il est nécessaire en effet, que le juge soit vu de ceux qui doivent être jugés. Or bons et méchants seront jugés; les bons, eux, verront le Christ selon sa divinité et son humanité; mais les méchants ne pourront pas le voir selon sa divinité, car cette vision est la béatitude des saints et elle est réservée aux coeurs purs: "Bienheureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu" (Mt 5, 8). C’est pourquoi, afin d’être vu lors du jugement, non seulement des bons, mais aussi des méchants, Il jugera dans sa force humaine "Tout oeil Le verra, et même ceux qui L’ont transpercé" (Ap 1, 7). Ensuite, si le pouvoir de juger a été donné au Christ en tant qu’homme, c’est parce qu’Il a, par l’humilité de sa Passion, mérité la gloire de son exaltation. [ -Enfin, le pouvoir de juger a été donné au Christ en tant qu’homme, pour nous faire comprendre la clémence du juge" (Commentaire sur l’évangile de saint Jean, trad. et notes sous la direction de M. -D. Philippe, o. p., t. II, p. 320-32 1; ou dans nouv. éd., Editions du Cerf t. I, 1998, p. 348-349).

14. Ap 1, 7. La citation s’inspire en réalité de Lc 3, 6 citant Is 40, 5 selon la version de la Septante (éd. Alfred Rahlfs, vol. II, p. 619): "opsetaipasa sarx to sôtérion tou theou" ("Toute chair verra le salut de Dieu"), mais le contexte requiert plutôt la citation indiquée de Ap 1, 7: "Le voici qui vient sur les nuées, et tout oeil le verra, et même ceux qui l’ont transpercé."


Leçon 4 [versets 17 à 29]

13
075 (
Rm 2,17-29)



[n° 224] 17 Mais, si toi qui portes le nom de Juif, et qui te reposes sur la Loi, et qui te glorifies en Dieu,

[n° 227] 18 et qui connais sa volonté, et qui sais discerner ce qui est le plus utile, instruit que tu es par la Loi,

[n° 229] 19 toi qui te flattes d’être toi-même le guide des aveugles, la lumière de ceux qui sont dans les ténèbres,

[n° 230] 20 l’éducateur des sots, le maître des enfants, ayant la forme de la science et de la vérité dans la Loi;

[n° 232] 21 toi donc qui enseignes autrui, tu ne t’enseignes pas toi-même; toi qui prêches de ne pas voler, tu voles

[n° 233] 22 Toi qui dis de ne pas commettre l’adultère, tu commets l’adultère ! Toi qui abhorres les idoles, tu fais des sacrilèges

[n° 235] 23 Toi qui te glorifies dans la Loi et qui déshonores Dieu par la transgression de la Loi.

[n° 2361 24 "Car le Nom de Dieu est blasphémé à cause de vous parmi les nations", selon qu’il est écrit.

[n° 237] 25 Certes la circoncision est utile, si tu observes la Loi; mais si tu es un trans gresseur de la Loi, ta circoncision devient prépuce.

[n° 240] 26 Si donc le prépuce garde les justices de la Loi, son prépuce ne lui sera-t-il pas compté pour circoncision?

[n° 241] 27 Mais le prépuce de nature de qui accomplit la Loi te jugera, toi qui, avec la lettre et la circoncision, es un transgresseur de la Loi.

[n° 242] 28 Car le Juif n’est pas celui qui l’est au-dehors, pas plus que la circoncision n’est celle qui paraît dans la chair.

[n° 244] 29 Mais le Juif est celui qui l’est inté rieurement, et la circoncision, c’est celle du coeur, selon l’esprit, et non selon la lettre; sa louange ne vient pas des hommes, mais de Dieu.



224. — I. Après avoir montré que les observateurs de la Loi sont justifiés, même sans l’avoir entendue, ce qui concernait les Gentils [n° 213], <l’Apôtre> montre ici que ceux qui l’entendent ne sont justifiés que s’ils l’observent, ce qui concerne les Juifs.

A) Il montre donc d’abord la prérogative des Juifs quant à la réception de la Loi.

B) Puis, il expose leur faute dans la transgression de la Loi [n° 232]: 21 toi donc qui enseignes autrui.

A. Il expose leur prérogative selon trois points de vue:

1) Par rapport à la nation à qui a été donnée la Loi.

2) Par rapport à la Loi <elle-même> [n° 226]: et qui te reposes sur la Loi.

3) Par rapport à l’effet de la Loi ou au fait [n° 227]: 18 Et qui connais, etc.

225. 1. Par rapport à la nation il dit: Mais, si toi qui portes le nom de Juif 1, qui est un nom honorable, selon ce verset d’un psaume: "Juda devint son sanctuaire et Israël son domaine 2>, et celui de Jean: "Le salut vient des Juifs 3." Or le nom des Juifs ne vient pas de Judas Maccabée, comme certains le prétendent, peut-être parce qu’au moment où cette nation était dispersée, Judas Maccabée l’a rassemblée et l’a protégée, selon ce verset du premier livre des Maccabées: "Et Judas, son fils, qui était appelé Maccabée, se leva à sa place; et tous ses frères l’aidaient, ainsi que tous ceux qui s’étaient joints à son père; et ils combattaient le combat d’Israël avec joie. Et il étendit au loin la gloire de son peuple, et il se revêtit de la cuirasse comme un géant, et il se ceignit de ses armes guer rières dans les combats, et il protégeait le camp de son glaive 4." Car on rencontre le nom des Juifs avant Judas Maccabée, comme <on le voit> dans le livre d’Esther: "Quant aux Juifs, il sembla se lever pour eux une nouvelle lumière, la joie, l’honneur et l’allégresse 5." Il faut donc dire que les Juifs ont pris leur nom du patriarche Juda 6: "Juda, tes frères te loueront; ta main sera sur le cou de tes ennemis; les enfants de ton père se prosterneront devant toi." En effet, au temps de Roboam, dix

1. "Le mot "Juif’, en hébreu yehoudi, issu de Yehoudah (Juda), est devenu dans le langage courant synonyme d"Israélite." En fait, il apparut d’abord plus précisément réservé à la désignation des habitants du royaume de Juda (2 R 16, 6; 25, 25; Jr 32, 12; 34, 9; 38, 19; 40, 11), ainsi distingués des Israélites du royaume schisma tique du Nord. Mais après le retour de l’Exil, l’administration perse connajt sous le nom de Yehoud (Ou Jehoud) la petite province où renaît autour de Jérusalem, sur le sol de ses ancêtres, le peuple d’lsraêl; et dés lors on nomme "Juifs" les habitants de ce pays la "Judée" (Ne 1, 2; 3, 33 ou 4, 1 selon les versions; 4, 6 ou 12; 13, 23; etc. ), noyau d’un nouvel Etat israélite qui tendra à retrouver les frontières de l’ancien royaume de David et de Salomon. Cette Judée au sens large sera tenue pour la patrie de tous les "fils d’Israêl" dispersés "parmi les nations" (Est 2, 5; 3, 4; 5, 13; 6, 13; 8, 1; etc. ) " (André-Marie GERARD, Dictionnaire de la Bible, p. 746).

2. Ps 113, 2.

3. Jn 4, 22.
4. 1 M 3, 1-3.

5. Est 8, 16.

6. Voir Glosa in Rom. II, 17 (GPL, col. 1347 B).

7. Gn 49, 8.



tribus, s’étant séparées de son royaume, adorèrent le veau d’or et furent déportées par les Assyriens, comme le rapporte le quatrième livre des Rois 8. L’Ecriture ne fait pas mention de leur retour, mais plutôt de la terre qui resta occupée par des étrangers, lesquels prirent par la suite le nom de Samaritains. Mais deux tribus, celle de Juda et de Benjamin, restant attachées au royaume de Roboam, persévérèrent dans le culte de Dieu. Et bien qu’elles fussent emmenées en captivité à Babylone, elles furent cependant ramenées par la suite dans leur territoire par Cyrus roi des Perses, comme le rapporte le premier livre d’Esdras 9. Et parce que la tribu de Juda était la plus importante, c’est d’elle que la nation tout entière prit son nom, et non seulement ceux qui appartenaient à la tribu de Benjamin, mais aussi ceux qui apparte naient à d’autres tribus, lesquels à leur retour <de captivité> s’adjoignirent à eux.

226. 2. Quand <l’Apôtre> dit ensuite: et qui te reposes sur la Loi, il expose leur prérogative par rapport à la Loi <elle-même>.

a. Et d’abord par rapport à la Loi elle-même, lorsqu’il dit: et qui te reposes sur la Loi, comme si par elle on était assuré de ce qu’il faut croire et pratiquer. Car celui qui doute dans son esprit ne se repose pas, mais est tourmenté en tous sens; au contraire, celui qui accueille la certitude de la sagesse a l’esprit en repos: "Entrant dans ma maison, je me reposerai avec elle 10."

b. Ensuite <il expose leur prérogative> par rapport au législateur, lorsqu’il ajoute: et qui te glorifies en Dieu, c’est-à-dire dans le culte et dans la connaissance du Dieu unique: "Que celui qui se glorifie se glorifie de cela, de me connaître, et de

8. Voir 4 R (2 R) 17.

9. Voir 1 Esd 5.

10. Sg 8, 16.



savoir que c’est moi qui suis le Seigneur, qui fais miséricorde et jugement, et justice sur la terre; c’est là ce qui me plaît, dit le Seigneur. Et encore: "Que celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur"

227. 3. Enfin, en ajoutant: 18 et qui connais, il expose leur prérogative par rapport au fruit de la Loi:

a) D’abord pour l’homme par rapport à lui-même.

b) Puis, par rapport aux autres [n° 229] 19 toi qui te flattes.

228. a. <L’Apôtre> expose un double fruit:

Le premier correspond à la gloire que <les Juifs> tiraient de Dieu, lorsqu’il dit: et qui connais sa volonté, c’est-à-dire ce que Dieu veut que nous fassions: "Afin que vous éprouviez quelle est la volonté de Dieu <qui> est bonne, agréable et parfaite 3."

Il expose le second fruit, qui correspond à celui qui se repose sur la Loi de Dieu, lorsqu’il dit: et qui sais discerner ce qui est le plus utile, c’est-à-dire qui sais discerner non seulement <en séparant> le mal du bien, mais en choisissant aussi le meilleur de préférence au moins bon. Voilà pourquoi <un docteur de la Loi> demandait: "Maître, quel est le grand commandement de la Loi 4?" Et cela, <parce que> tu es instruit par la Loi 5.

"Bienheureux l’homme que tu auras toi-même instruit, Seigneur, et à qui tu auras enseigné ta Loi."

229. b. Ensuite <l’Apôtre> expose le fruit <de la Loi> par rapport aux autres, lesquels se rangent en trois catégories selon leur connaissance de la Loi.

1. Jr 9, 24.

2. 1 Co 1, 31; 2 Corinthiens 10, 17.

3. Rm 12, 2.

4. Mt 22, 36.

5. Ps 93, 12.

Car certains sont dans une igno rance totale de la Loi. D’abord par manque d’intelligence naturelle, comme on qualifie d’aveugle corporel l’homme qui est privé de la puissance visuelle intérieure: "Comme des aveugles nous nous sommes attachés à la muraille et, comme privés de nos yeux, nous avons marché à tâtons; nous nous sommes heurtés en plein midi, de même qu’au milieu des ténèbres; nous sommes dans des lieux obscurs comme les morts 6" A ces hommes on ne peut donner la lumière de la science, pour qu’eux-mêmes puissent voir ce qu’il faut faire, mais on leur donne un guide comme à des aveugles, en leur commandant ce qu’ils doivent faire, bien qu’ils ne connaissent pas la raison de ces commandements: "J’ai été un oeil pour l’aveugle et un pied pour le boiteux 7." Et il est dit à propos de <ces ignorants> "Laissez-les; ils sont aveugles et conducteurs d’aveugles; or, si un aveugle conduit un aveugle, ils tombent tous deux dans une fosse 8" D’autres sont dans l’ignorance par défaut d’instruction. Ils sont comme dans les ténèbres extérieures, sans l’illumination de la doctrine. A ceux-là le sage peut donner la lumière de la science, pour qu’ils comprennent ce qu’on leur commande. Et d’où ces paroles <de l’Apôtre>: la lumière de ceux qui sont dans les ténèbres. — Luc écrit <à propos de Jean-Baptiste>: "Et toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut; car tu marcheras devant la face du Seigneur, pour lui préparer les voies; pour donner au peuple la science du salut, et pour la rémission de ses péchés, par les entrailles de la miséricorde de notre Dieu, avec lesquelles est venu nous visiter le soleil se levant d’en haut, pour éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et l’ombre de la

6. Is 59, 10.

7. Jb 29, 15.

8. Mt 15, 14.



mort, pour diriger nos pieds dans le chemin de la paix 1."

230. Puis <l’Apôtre> mentionne ceux qui sont sur le chemin qui mène à la science, et ne l’ont point encore atteinte; et cela, tout d’abord, à cause d’une instruction insuffisante. Voilà pourquoi il dit: 20 l’éducateur des sots, c’est-à-dire de ceux qui n’ont pas encore reçu la sagesse et que l’on dit être instruits (erudiri), comme s’ils avaient été arrachés (erui) à la gros sièreté (a ruditate) 2, qui au commencement est commune à tous, tandis qu’ils reçoivent les premiers rudiments de l’instruction "As-tu des fils? Instruis-les et plie-les à la soumission dès leur enfance." Ou encore, par défaut d’âge, comme le sont les enfants. Et c’est pour eux que <l’Apôtre> dit: "Où est le maître des petits enfants 4 ?"

231. Enfin, au troisième rang, figurent ceux qui sont déjà avancés dans la science. Et ces derniers ont besoin d’être formés par des hommes sages, afin d’appuyer leurs maximes sur l’autorité, à la manière d’une règle ou d’une forme <de conduite>. Et c’est à leur sujet que <l’Apôtre> dit: ayant la forme de la science.

"Prends pour règle les saines paroles que tu as entendues de moi, dans la foi et l’amour du Christ Jésus 5." Et encore: "Mes frères, soyez mes imitateurs, observez ceux qui marchent selon le modèle que vous avez en nous 6."

Or il faut que ceux qui sont ainsi formés soient instruits par l’autorité des anciens, afin de savoir ce qui est transmis dans la Loi. Et voilà pourquoi <l’Apôtre> dit: de la

1. Lc 1, 76-79.

2. Voir chez CASSIODORE, Expositio psalmorum, in Ps. II, 11

(CCL 97, 47-48) et chez ISIDORE DE SÉvILLE, Etymologies X (PL 82, 375 C; Bibliotheca de Autores Cristianos", 433, p. 814, n° 81). — L’étymologie donnée par saint Thomas est presque celle qui est admise aujourd’hui. Voir Dictionnaire étymologique de la langue latine par A. Emout et A. Meillet, p. 1022, au mot mdis.

3. Eccli (Si) 7, 25.

4. Is 33, 18.

5, 2 Tm 1, 13.

6. Ph 3, 17.



science. — "C’est la sagesse qui a donné <au juste> la science des saints." <Il faut> également qu’ils sachent quel est le véritable sens du contenu transmis dans la Loi. Et voilà pourquoi il dit: de la vérité.

"Envoie ta lumière et ta vérité 8"

232. — B. En disant: 21 toi donc qui enseignes autrui, <l’Apôtre> montre leur faute dans la transgression de la Loi:

1. Et premièrement de l’homme à l’égard de lui-même: toi donc qui enseignes autrui, en le dirigeant vers le bien, tu ne t’enseignes pas toi-même, en dirigeant. On peut lire cela soit sous forme d’interrogation, comme pour exprimer une certaine indignation, soit sous forme de reproche, comme pour affirmer leur malice; et il en est de même pour les <versets> suivants. <Il est écrit au livre de> Job: "Voilà que tu as instruit un grand nombre <de personnes> et fortifié des mains affaiblies 9." Et plus loin: "Mais main tenant la plaie est venue sur toi et tu as perdu courage; elle t’a touché et tu es troublé 10."

233. 2. Ensuite <l’Apôtre> montre la faute <de l’homme> à l’égard du prochain

a. En premier lieu quant aux choses qui sont dérobées par le vol 11, lorsqu’il dit: toi qui prêches de ne pas voler, tu voles ! — "Tes princes sont infidèles, compagnons de voleurs 12"

b. En second lieu, quant à la personne mariée qui se souille par l’adultère 13. Et à ce propos il dit: 22 Toi qui dis de ne pas commettre l’adultère, tu commets l’adultère!

7. Sg 10, 10.

8. Ps 42, 3.

9. Jb 4, 3.

10. Jb 4, 5.

11. Lieu parallèle Somme Théologique 2 Q. 66, a. 3 principalement.

12. Is 1, 23a.

13. Lieux parallèles: Somme Théologique 2 Q. 154, a. 1 et 8; 4 Sentences dist. 41, a. 4, Q. 1, 2; De malo, Q. 15, a. 3; Cou, in decem praec., De sexto praecepto.



<Il est écrit au livre d’> Osée: "Tous sont adultères, semblables à un four allumé par le boulanger 1." <Et dans le livre de> Jérémie: "Chacun a henni après la femme de son prochain 2."

234. 3. Enfin <l’Apôtre> montre leur faute dans leur rapport avec Dieu:

a. Et en premier lieu parce qu’ils péchaient contre son culte. Il dit à ce propos: toi qui abhorres les idoles, c’est-à-dire toi qui par le précepte de la Loi sais qu’il ne faut pas les honorer, tu fais des sacrilèges 3, en abusant de ce qui appartient au culte divin. <Les Juifs> firent <ces sacrilèges> d’abord sous le régime de la Loi: "Vous l’avez souillé en ce que vous dites: La table du Seigneur est souillée 4"; et plus tard, en blasphémant contre le Christ: "Les pharisiens disaient: "Celui-ci ne chasse les démons que par Béelzébub, prince des démons 5".

235. b. En second lieu, <parce qu’ils péchaient contre> la gloire <de Dieu>. Il dit à ce propos: 23 Toi qui te glorifies dans la Loi et qui déshonores Dieu par la transgression de la Loi. Car de même que l’observation de la Loi par les bonnes oeuvres est pour ceux qui la voient une occasion d’honorer Dieu, ainsi la transgression de la Loi par les mauvaises oeuvres est pour ceux qui la voient une occasion de blasphémer 6. "Ayez une bonne conduite parmi les nations, afin qu’au lieu de vous calomnier comme des malfaiteurs, vous considérant par vos bonnes oeuvres, ils glorifient Dieu au jour de sa visite 7.> Mais il est dit au contraire: "Que tous ceux qui sont sous le joug de la servitude estiment leurs maîtres dignes de tout honneur, afin que le nom du Seigneur et la doctrine ne soient pas blasphémés 8" Voilà pourquoi il est dit dans le psaume 118: "J’ai vu les prévari cateurs et je séchais <de douleur> 9."

236. <L’Apôtre> donne autorité à ce qu’il vient de dire en ajoutant: 24 Car le Nom de Dieu est blasphémé à cause de vous parmi les nations, parce que les nations, voyant la mauvaise conduite des Juifs, esti maient que ces dérèglements provenaient de la mauvaise instruction de la Loi reçue de Dieu. Et il dit: selon qu’il est écrit, c’est-à-dire dans <le livre d’> Isaïe: "Ses domi nateurs agissent iniquement et sans cesse tout le jour mon nom est blasphémé 10" Et dans <le livre d’> Ezéchiel, selon une autre version 11, là où la nôtre se lit comme suit "Ce n’est pas à cause de vous, maison d’Israël, que j’agirai, mais c’est à cause de mon saint nom que vous avez souillé parmi les nations chez lesquelles vous êtes entrés 12"

237. — II. Ensuite [n° 210] en disant: 25 la circoncision, <l’Apôtre> montre qu’elle est tout aussi insuffisante pour le salut que la Loi, c’est-à-dire parce que l’observance de la Loi sans la circoncision a sa valeur, tandis que sans cette observance la circon cision est inutile, comme on l’a dit plus haut.

Et il démontre cela de trois manières

A) Il compare d’abord la circoncision aux Juifs circoncis.

B) Puis, aux nations incirconcises [n° 240]: 26 Si donc le prépuce.

C) Enfin, il manifeste ce qu’il avait dit [n° 242]: 27 Car le Juif n’est pas celui qui l’est au-dehors.

1. Os 7, 4a.

2. Jr 5, 8b.

3. Lieu parallèle Somme Théologique 2 Q. 99.

4. Mli, 12a.

5. Mt 12, 24.

6. Lieu parallèle Somme Théologique 2a-2 Q. 13.
7. 1 P 2, 12.

8. 1 Tm 6, 1.

9. Ps 118, 158.

10. Is 52, 5.

11. Cette version figure dans Glosa <n Rom. II, 24 (GPL, col. 1348 A) "Nomen Dei blasphemacur per vos <nier genses.

12. Ez 36, 22.

A. Pour comparer la circoncision aux Juifs, il montre deux choses

1) D’abord comment la circoncision est utile.

2) Ensuite comment elle n’est pas utile [n° 239]: mais si tu es un transgresseur de la Loi, etc.

238. 1. <L’Apôtre> dit donc: 25 Certes la circoncision est utile quant à la rémission du péché originel. C’est pourquoi il est dit: "Le mâle dont la chair n’aura pas été circoncise, cette âme sera exterminée du milieu de son peuple, parce qu’il aura rendu vaine mon alliance 2" Mais pour toi qui es adulte, elle ne t’est utile que si tu observes la Loi, comme la profession est utile aux religieux s’ils observent la règle. Car la circoncision était une sorte de profession obligeant les

1. Cette affirmation peut surprendre si la circoncision remet le péché onginel, à quoi bon la passion du Christ et le baptême ? C’est pourtant un enseignement que saint Thomas reçoit de la tradition (latine) et qu’il estime devoir tenir tout en s’efforçant de répondre aux objections qu’il soulève. Ce qui est admis par tous, Orientaux et Occidentaux, c’est que les rites de l’ancienne Loi préfigurent ceux de la nouvelle Loi la circoncision, en particulier, selon saint Paul (Col 2, 11-12), doit être m, se en rapport avec le baptême. Les Pères latins vont plus loin, affirmant que dès que la circoncision fut établie, dans le peuple de Dieu, comme le signe de la justice par la foi, elle fut capable de sanctifier les petits enfants et de les punfier de l’antique péché originel " (sAisir AUGUSTIN, De nuptns et concu piscentia II, XI, 24 [n° 23, 198-199]; thèse reprise par saint Grégoire le Grand et beaucoup d’autres [Voir DTC, t. II, col. 2523-2525]). Mais cette thèse posa de difficiles problèmes lorsque, au xii siècle, s’élabora une théologie rigoureuse des sacrements et de leur mode opératoire. Les sacrements sont des signes efficaces producteurs de la grâce ils possèdent par eux-mêmes la vertu salvatrice de la passion du Christ qu’ils appli quent à ceux qui les reçoivent. En est-il de même pour les sacrements de l’ancienne Loi, et surtout pour la circoncision? Saint Thomas, comme il le reconnaît lus-même, a varié sur ce point (Somme Théologique 3a, Q. 62, a. 6, sol. 3). Suivant Pierre Lombard (4 Sentences dist. 4, Q, 2, a. 4, Q. 3), il a d’abord admis que, par elle-même (ex opere operato) la circoncision remettait le péché originel et donnait la grâce d’accéder à la vie étemelle, sans toutefois libérer de la concu piscence. Après examen, il s’est convaincu qu’on ne pouvait introduire de telles distinctions dans la grâce sanctifiante qui forme un tout. Il a donc maintenu que la circoncision était ordonnée et à la rémission du péché originel et à la justification, et qu’elle "conférait la grâce avec tous ses effets; qu’en étant circoncis, on recevait non seulement la rémission du péché originel, mais aussi celle du péché actuel." Toutefois on la recevait autrement que par le baptême le baptême confère la grâce par sa vertu propre", alors que la circoncision la conférait parce qu’elle était le signe de la foi à la passion future (du Christ)" (Somme Théologique 3a, Q. 70, a. 4).

2. Gn 17, 14.

3. Lieux parallèles Somme Théologique 3a, Q. 37. a. 1; Q. 40, a. 4; Q. 70, a. 4 Ad Rom. 4, 12, lect. 2 (éd. Marietti, n° 347).



hommes à l’observance de la Loi: "Je déclare de plus à tout homme qui se fait circoncire qu’il est tenu d’accomplir toute la Loi 4." Que si l’Apôtre a dit: "Voici que moi, Paul, je vous dis que si vous vous faites circoncire le Christ ne vous servira de rien 5", il fait allusion au temps de l’expansion de la grâce évangélique; tandis qu’ici il parle du temps qui a précédé la passion du Christ, et où la circoncision était en vigueur.

239. 2. Ensuite <l’Apôtre> montre comment la circoncision est inutile, en disant: Si toi, Juif adulte, tu es un transgresseur de la Loi, ta circoncision devient prépuce, c’est-à-dire ta circoncision n’a pas plus de valeur pour toi que le prépuce, parce que tu n’observes pas ce que tu professes par la circoncision: "Toutes ces nations sont incirconcises de corps et toute la maison d’Israël est incirconcise de coeur 6." Qui plus est, <les Juifs> en sont davantage coupables, parce qu’ils n’observent pas ce qu’ils ont promis. Il est écrit dans l’Ecclésiaste que "la promesse infidèle et insensée déplaît <à Dieu> 7."

240. — B. Ensuite en disant: 26 Si donc le prépuce, <l’Apôtre> compare la circon cision aux Gentils, et cela sous deux rapports

1. D’abord, en ce que les Gentils obtiennent un fruit en observant la Loi. Aussi dit-il: si la circoncision est utile avec l’observation de la Loi, elle ne l’est point sans elle; si donc le prépuce, c’est-à-dire le Gentil incirconcis, garde les justices de la Loi, c’est-à-dire les justes préceptes de la Loi < tes commandements sont vérité 8"; son prépuce ne lui sera-t-il pas compté pour

4. Ga 5, 3.

5. Ga 5, 2.

6. Jr 9, 26.

7. Eccl (Qo) 5, 3.

8. Ps 118, 86a.



circoncision? Autrement dit: il obtiendra le fruit de la véritable circoncision. Car l’homme est extérieurement circoncis dans sa chair, afin de pratiquer la circoncision dans son coeur: "Circoncisez-vous pour le Seigneur, et ôtez les prépuces de vos coeurs, hommes de Juda, et habitants de Jérusalem 1."

241. 2. Ensuite, <en disant:>: te jugera, etc., il compare la circoncision au Gentil, en lui montrant qu’en raison de l’observation de la Loi il est préféré au Juif. Voilà pourquoi il dit: 27 Mais le prépuce, c’est-à-dire le Gentil incirconcis, qui accomplit la Loi, c’est-à-dire accomplissant les préceptes de la Loi, de nature, c’est-à-dire par la raison naturelle, comme on l’a dit plus haut, à savoir qu’ils pratiquent naturellement ce qui est de la Loi, te jugera en te comparant <à lui>, toi le Juif circoncis, qui es un transgresseur de la Loi, en transgressant ses préceptes, avec la lettre, c’est-à-dire ayant la Loi écrite, et la circon cision de la chair. D’où ce qui est écrit dans <l’évangile de> Matthieu à propos de ce jugement de comparaison "Les Ninivites se lèveront au jugement avec cette géné ration et la condamneront, parce qu’ils firent pénitence à la prédication de Jonas, et cependant il y a ici plus que Jonas 2."

242. — C. En ajoutant 28 le Juif n’est pas celui qui l’est au-dehors, etc., <l’Apôtre> donne la raison de ce qu’il a dit.

1) Et il expose d’abord cette raison.

2) Puis il la prouve [n° 245]: sa louange ne vient pas des hommes.

1. Il donne une double raison

a) Il explique en premier lieu pourquoi la circoncision ou le judaïsme est inutile sans l’observance de la Loi.

b) Puis, pourquoi l’observation de la Loi est utile sans judaïsme et sans circoncision [n° 244]: 29 Mais le Juif est celui qui l’est inté rieurement.

243. a. <L’Apôtre> dit donc La circoncision de celui qui transgresse la loi devient prépuce et il est jugé par le prépuce qui garde la Loi, car celui-là n’est pas véri tablement Juif qui l’est au-dehors, selon la génération de la chair: "Car ne sont pas Israélites" par la circoncision "tous ceux qui sont d’Israel 3 […] mais ceux qui sont fils de la promesse 4." Et semblablement la véritable circoncision n’est pas celle qui est manifestée dans la chair, car elle est un signe, comme on le dit dans la Genèse "Vous circoncirez la chair de votre prépuce, afin que ce soit là un signe d’alliance entre moi et vous 5." Or un signe n’est véritable que dans la mesure où la chose signifiée y correspond. Donc si un Juif transgresse l’alliance, sa circoncision n’est pas véritable, et voilà pourquoi il est regardé comme prépuce.

244. b. En ajoutant: 29 Mais le Juif est celui qui l’est intérieurement, il donne la raison pour laquelle l’incirconcis gardant la Loi est regardé comme s’il était circoncis, et juge la circoncision charnelle; c’est que celui-là est véritablement Juif qui l’est inté rieurement, c’est-à-dire qui a dans l’affection du coeur les préceptes de la Loi dont les Juifs font profession: "Ton père, qui voit dans le secret, te le rendra 6." Semblablement, la circoncision véritable, c’est celle du coeur, selon l’esprit, c’est-à-dire celle qui est faite par l’esprit, lequel retranche du coeur les pensées superflues. Ou bien selon l’esprit, c’est-à-dire par l’intelligence spiri tuelle de la Loi, non à la lettre "C’est nous qui sommes la circoncision, nous qui servons Dieu en esprit, qui nous glorifions dans le Christ Jésus, et ne mettons pas notre confiance dans la chair 7."

1. Jr 4, 4a.

2. Mt 12, 41.

3. Rm 9, 6.

4. Rm 9, 8.

5. Gn 17, 11.

6. Mt 6, 6.

7. Ph 3, 3.



245. 2. Enfin en disant: sa louange, il prouve la raison qu’il a exposée. Car il est manifeste qu’en toutes choses le jugement divin doit être préféré à l’humain. Or ce qui apparaît à l’extérieur, soit le judaïsme, soit la circoncision, est loué par les hommes, tandis que ce qui est à l’inté rieur est loué selon le jugement divin, puisqu’il est écrit: "Les hommes voient ce qui paraît, mais Dieu regarde le coeur 2." Il reste donc à conclure que le judaïsme et la circoncision intérieurs l’emportent sur ceux qui ne sont qu’extérieurs. Et telle est bien la conclusion de l’Apôtre: sa louange, c’est-à-dire la circoncision intérieure, ne vient pas des hommes, mais de Dieu. <Et il écrit dans sa> seconde épître aux Corinthiens "Ce n’est pas celui qui se recommande lui-même qui est approuvé, mais celui que Dieu recommande."

2. 1 R (1") 16, 7. Deus selon la Vestes latina, Doininus selon la Vulgate. Voir DOM SABATIER, Bibi. sacr., t. II, p. 498 (Textus et notas ad verstonem anriquam).

3. 2 Co 10, 18.




Thomas A. sur Rm (1999) 12