Thomas A. sur Rm (1999) 17

CHAPITRE 4


Leçon 1 [versets 1 à 10]

18
075 (
Rm 4,1-10)


[n° 322] 1 Que dirons-nous donc qu’a trouvé Abraham, notre père selon la chair?

[n° 323] 2 Car si Abraham a été justifié par <les> oeuvres <de la Loi>, il a sujet de se glorifier; mais pas devant pieu.

L [n° 326] 3 Or que dit l’Ecriture? Abraham crut à Dieu, et ce lui fut imputé à justice."

[n° 328] 4 Or, à celui qui oeuvre, le salaire n’est pas compté comme une grâce, mais comme un dû.

[n° 330] 5 Mais à celui qui n’oeuvre pas, mais qui croit en celui qui justifie l’impie, sa foi est imputée à justice, selon le décret de la grâce de Dieu.

[n° 332] 6 C’est ainsi que David proclame la béatitude de l’homme à qui Dieu attribue la justice sans les oeuvres

[n° 334] 7 Bienheureux ceux dont les iniquités ont été remises et dont les péchés ont été couverts.

[n° 337] 8 Bienheureux l’homme à qui le Seigneur n’a pas imputé de péché."

[n° 339] 9 Cette béatitude est-elle donc seulement réservée à la circoncision, ou s’adresse-t-elle aussi à l’incirconcision ? Car nous disons que la foi d’Abraham <lui> fut imputée à justice.

[n° 340] 10 Comment donc lui a-t-elle été imputée? Est-ce en l’état de circoncision, ou en l’état d’incirconcision? Non en l’état de circon cision, mais en l’état d’incirconcision.

322. Après avoir rejeté la gloire que les Juifs mettaient dans la Loi et par laquelle ils se préféraient aux nations païennes [n° 169 et 248], <l’Apôtre> rejette ici leur gloire touchant la circoncision. Et dans ce but il fait deux choses:

Il commence par reprendre la question qu’il avait posée plus haut [n° 247], en disant: "Quelle est l’utilité de la circoncision 1?" Et parce que Abraham reçut le premier le précepte concernant la circoncision, comme on le rapporte dans la Genèse 2, il réitère sa question sur la personne même d’Abraham, en disant: S’il en est ainsi, si Dieu justifie l’incirconcis comme le circoncis, que dirons-nous donc de l’utilité qu’a trouvée Abraham, notre père selon la chair, c’est-à-dire selon la circoncision charnelle et selon les autres obser vances charnelles ? Il semble qu’il soit inconvenant de dire qu’Abraham n’y a trouvé aucune utilité, puisqu’il est écrit: "Moi le Seigneur ton Dieu, je t’enseigne des choses utiles 3."

323. Puis, par ces paroles: 2 Car si Abraham a été justifié, etc., <l’Apôtre> répond à la question formulée. Et il fait deux choses

Il commence par montrer que Abraham n’a point trouvé d’utilité par la circoncision et les autres oeuvres de la Loi, qu’il n’était pas justifié par elles, mais plutôt par la foi.

Puis, il exalte sa foi [n° 367] 18 Lui qui a cru, espérant contre l’espérance.

1. Rm3, 1.

2. Voir Gn 17, 10 " Et voici mon alliance que vous observerez entre moi et vous, et ta postérité après toi Tout mêle d’entre vous sera circoncis.

3. Is 48, 17b.



<L’Apôtre> développe son premier propos de deux manières:

D’abord, par un raisonnement fondé sur l’acceptation divine.

Ensuite, par un raisonnement fondé sur la promesse divine [n° 351] 13. En effet, ce n'est point par la Loi, etc.

Au sujet de l’acceptation divine, <l’Apôtre> fait trois choses

I) Il commence par avancer une propo sition conditionnelle.

II) Ensuite il la réfute par la preuve qui suit [n° 326] Or que dit l’Ecriture?

III) Enfin, il prouve la proposition conditionnelle proprement dite [n° 332]

C’est ainsi que David, etc.

324. — I. Sur le premier point, voici l’argumentation de l’Apôtre: si Abraham avait été justifié par les oeuvres de la Loi, il n’aurait pas sujet de se glorifier devant Dieu; donc il n’a pas été justifié par les oeuvres.

Il avance donc une proposition condi tionnelle en disant: On a demandé ce qu’Abraham a trouvé selon la circoncision charnelle. Il est manifeste qu’il n’a pas trouvé la justification par <les> oeuvres <de la Loi>, en sorte que sa justice consistât dans ces oeuvres, car, à la vérité, il aurait sujet de se glorifier, devant les hommes, qui voient les oeuvres extérieures, mais pas devant Dieu, qui voit dans le secret, selon ce verset du premier livre des Rois

L’homme voit ce qui paraît, mais Dieu regarde le coeur." <Et l’Apôtre dit dans sa première lettre aux Corinthiens>: "Que personne ne se glorifie dans les hommes. Car tout est à vous, soit Paul, soit Apollos, soit Céphas, soit le monde, soit la vie, soit la mort, soit le présent, soit l’avenir. Tout est à vous; mais vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu 2." Aussi est-il dit à l’encontre de certains: "Ils aimèrent la gloire des hommes plus que la gloire de Dieu 3."

325 — 4 On peut objecter contre ce raison nement que de l’habitude des oeuvres exté rieures naît l’habitude intérieure, qui a aussi pour effet de disposer favorablement le coeur de l’homme à faire le bien avec promptitude, et à trouver son plaisir dans les bonnes oeuvres, comme l’enseigne le Philosophe.

Il faut répondre que cette objection est valable pour ce qui regarde la justice humaine, qui dispose l’homme au bien humain. Car l’habitude de cette justice peut être acquise par les oeuvres humaines, mais la justice qui a sujet de se glorifier devant Dieu est ordonnée au bien divin, c’est-à-dire à la gloire future, qui dépasse la capacité humaine, selon ce verset de la première épître aux Corinthiens: "Ce que l’oeil n’a point vu, ce que l’oreille n’a point entendu, ce qui n’est point monté dans le coeur de l’homme, ce que Dieu a préparé à ceux qui l’aiment 6." Et voilà pourquoi les oeuvres de l’homme ne sont pas en mesure de causer l’habitude (habitus) de cette justice, mais il est nécessaire que le coeur de l’homme soit intérieurement justifié pour accomplir des oeuvres proportionnées à la gloire divine.

1. 1 R (1") 16, 7. Deus selon la Vetus latina, Dominus selon la Vulgate. Voir DOM SABATIER, Bibi. sacr., t. II, p. 498 (Textus et notae ad versionem antiquam).

2. 1 Corinthiens 3, 21-23.

3. Jn 12, 43.

4. Lieux parallèles sur la génération des habitudes infusées par Dieu: Somme Théologique 1 Q. 51, a. 4; Q. 63, a. 3; 3 Sentences dist. 33, q. 1, a. 2, Q. 3; De virtut., Q. 1, a. 10. Sur la nécessité de la grâce Somme Théologique 1a-2ae, Q. 109, a. 5; Q. 114, a. 2; 2 Sentences dist. 28, a. 1 dist. 29, a. 1; 3 Contra Gentiles c. 147; De veritate, Q. 24, a. 1, sol. 2; a. 14; De quodlibet 1, Q. 4, a. 2.

5. Voir ARISTOTE, Ethique à Nicomaque, II, 1 [n° 103b1; AL XXVI, fasc. 3, p. 164.

6. 1 Corinthiens 2, 9.

7. "L’habitude de cette justice." Il s’agit évidemment de la notion d’habitus que nous avons déjà rencontrée (voir chap. 1, y. 17 leçon 6, n° 106, n. 10, p. 104), c’est-à-dire d’une qualité acquise (habitus vient de habere, " avoir") qui perfectionne l’agir humain en vue d’une opération à accomplir. La justice humaine est un habitus, une vertu ou qualité acquise par l’exercice et qui nous permet d’accomplir des actes justes. Mais la justice dont le pécheur est justifié est ordonnée à une opération divine, celle de notre gloire (ou justification), en vue de laquelle elle nous dispose. Elle ne peut donc s’acquérir par l’exercice et les oeuvres c’est un don de Dieu. Elle reste cependant un habitus, c’est-à-dire une qualité inhérente au coeur méme de l’homme qui " reçu la grâce de la justification. De l’intériorité de la foi, a l’intériorité de la "justice", on voit â quelle profondeur spirituelle saint Thomas, suivant l’enseignement même de l’épître aux Romains dont c’est là le thème essentiel — situe la grâce de la justification on est loin de la conception exotérique d’un état de justice par simple soumission à la Loi.



326. — II. En disant ensuite 3: Or que dit l’Ecriture?, etc., <l’Apôtre> détruit cette logique qui fut négative, en prouvant l’affir mation opposée, à savoir qu’Abraham avait sujet de se glorifier devant Dieu. Et il prouve cela en recourant à l’autorité de l’Ecriture, qu’il commence par exposer, et qu’il explique ensuite [n° 328]: 4 Or, à celui qui oeuvre, etc.

327. Il dit donc d’abord: J’affirme qu’Abraham a été justifié de telle sorte qu’il a sujet de se glorifier devant Dieu. Or que dit l’Ecriture ? Abraham crut à Dieu 1, lui promettant de multiplier sa postérité.

"Crois à Dieu et il te viendra en aide 2"

Et ce lui fut imputé, par Dieu, à justice.

"Abraham n’a-t-il pas été trouvé fidèle dans la tentation, et cela ne lui a-t-il pas été imputé à justice 3." Ainsi il est évident que devant Dieu, qui lui a imputé à justice d’avoir cru, Abraham a sujet de se glorifier. Or il faut considérer que cette justice que Dieu lui impute, <Abraham> l’a montrée écrite non dans quelque oeuvre extérieure, mais dans la foi intérieure du coeur, que Dieu seul considère. Puisqu’on dit que triple est l’acte de foi, lequel consiste à "croire Dieu (credere Deum) 4", "croire à Dieu (credere Deo)", et "croire en Dieu (credere in Deum)" ", <Abraham> a posé celui de ces actes de foi qui consiste à croire à Dieu, ce qui est le propre de l’acte de foi; il en manifeste le <caractère> spécifique. Car croire en Dieu manifeste l’ordre de la foi vers sa fin, qui s’obtient par la charité; car croire en Dieu, c’est aller vers Dieu en croyant, ce que réalise la charité. Et ainsi <croire en Dieu> suit le caractère spéci fique de la foi.

Croire Dieu manifeste <l’objet> matériel de la foi, en tant qu’elle est une vertu théologale 5, ayant Dieu pour objet. Et cet acte n’atteint pas le caractère spécifique de la foi, parce que celui qui croit que Dieu est par des raisons humaines et des signes naturels n’est point regardé encore comme ayant la foi dont nous parlons; mais il la possède lorsqu’il croit uniquement pour cette raison que Dieu a dit telle chose, ce qui est désigné par l’expression croire à Dieu. Et ainsi la foi se spécifie, comme tout habitus de la connaissance tire sa spécifi cation de la raison pour laquelle elle donne son assentiment à une vérité. Car autre est la raison qui détermine l’assentiment de celui qui a l’habitus de la science, à savoir la démonstration, et autre est la raison <de celui> qui a l’habitus de l’opinion, à savoir le syllogisme dialectique 6."

1. Gn 15, 6.

2. Eccli (Si) 2, 6.
3. 1 M 2, 52.

4. Ces distinctions sont de saint Augustin et s’originent dans le Sermon Dolbeau XIX, 2-6 (Mayence 51) récemment découvert. (Voir Vingt-six sermons au peuple d’Afrique, p. 149 et 156-160; voir aussi In Ev. Ioan. XXIX, 6 [n° 72, 608-6091; Sermon CXLIV, 11, 2 [n° 38, 788]). Elles eurent une grande influence sur la pensée du Moyen Age. Sur l’histoire de cette formule, voir Th. CAMELOT, Credere Deo, credere Deum, credere in Deum. Pour l’histoire d’une formule traditionnelle ", RSPT 1 (1941-1942), p. 149-155. Cet article ignorait encore le sermon Dobleau 19. Lieux parallèles Somme Théologique 2 Q. 2, a. 2; 3 Sentences dist. 23, Q. 2, a. 2, Q. 2; De veritate, Q. 14, a. 7, sol. 7; Super Ioan. 6, 29, lect. 3 (éd. Marietti, n° 901).

5. Lieux parallèles: 5. Th. 1a-2ae, Q. 62, a. 1 et 3; 2a-2 Q. 17, a. 6; 3 Sentences dist. 23, Q. 1, a. 4, q 26, Q. 2, a. 3, Q. 1; De virtut., Q. 1,.a. 10 et 12; 1 Ad Cor., 13, 7, lect. 2 (éd. Marietti, n°785); 13, 13, lect. 4 (éd. Marietti, n° 327).

6. En latin, la préposition in suivie de l’accusatif (credere in Deum) indique une idée de mouvement qui n’est pas explicite en français. "Croire en Dieu", c’est donc aller vers Dieu dans une démarche de foi ("en croyant"). Dans cette foi en mouvement se manifeste le rôle de la volonté qui meut l’intelligence à croire, et donc le rôle de la charité l’amour de Dieu est l’acte théologal de la volonté. Le credere in Deum réalise la perfection de l’acte de foi il découle de son essence spécifique. Mais il présuppose qu’on croie à Dieu, c’est-à-dire qu’on croie à ce que Dieu dit, à la vérité de sa Parole. C’est là que se manifeste le plus proprement ce qui fait la spécificité de l’acte de foi, lequel est principalement un acte de l’intelligence, puisqu’il concerne la vérité et que c’est dans l’intelligence que la vérité est reçue, mais sous la motion de la volonté. Et en effet pourquoi adhérons-nous à la vérité des paroles, sinon parce que nous reconnaissons leur autorité (et non pas à cause de leur évidence intrinsèque) ? Autrement dit, le motif pour lequel un acte d’adhésion de l’intelligence revêt la forme de la foi (par laquelle il se distingue des autres actes intellectuels) et se spécifie comme acte de foi, c’est l’autorité de Dieu révélant. C’est pourquoi ce motif constitue l’objet formel de la foi. On a donc, dans le " croire à Dieu les éléments spécifiques de l’acte de foi et ce sont eux, précisément, qui se mani festent dans l’exemple d’Abraham. Cependant, outre l’objet formel de la foi, il y a son objet matériel, son contenu, ce que je crois. Le premier objet matériel de la foi, c’est Dieu lui-même je crois que Dieu existe. Gredere Deum signifie littéralement "croire Dieu" (Dieu comme objet de l’acte de foi), c’est-à-dire "croire [que] Dieu [est]." Le credere Deum rend compte du caractère théologal (théologal "qui a Dieu pour objet") de la vertu (de foi), mais non de son caractère spécifique, c’est-à-dire du fait que cette vertu théologale revêt la forme de la foi (et non celle de l’espérance ou de la charité). Ce qui spécifie cette vertu, ce qui confère à cet habitus la forme spécifique de la foi, c’est de croire à la Parole de Dieu. Et de fait, Abraham est le père des croyants, non parce qu’il croit que Dieu existe — c’est le cas de nombreux paiens — mais parce qu’il croit que c’est Dieu qui lui parle et qu’il obéit à cette parole. Quant aux actes de l’intelligence autres que l’acte de foi, il s’agit, en bonne doctrine aristotélicienne, de la science et de l’opinion. L’habitus de la science, c’est-à-dire la capacité scientifique de l’intelligence (sa capacité à connaître le vrai) a, pour activité spécifique, le syllogisme démonstratif, celui qui aboutit à une conclusion certaine. L’habitus de l’opinion, c’est-à-dire la capacité de l’intelligence à peser le pour et le contre, à argumenter, a, pour activité spécifique, le syllogisme dialectique, nommé aussi syllogisme probable la dialectique, chez Aristote et les médiévaux, désigne en effet l’art de la discussion rigoureuse qui conclut non au certain, mais au vraisemblable.



328. En disant: "Or, à celui qui oeuvre, etc., <l’Apôtre> explique <le sens de> l’autorité citée: ce lui fut imputé à justice.

Dans la Glose 1, on donne deux explications à ces mots:

A. Dans la première, on réfère ces mots au salaire final, à propos duquel on montre:

1) Premièrement, comment il est en rapport avec les oeuvres.

2) Ensuite, comment il est en rapport avec la foi [n° 330]: 5 Mais à celui qui n'oeuvre pas, etc.

329. — 1.Il dit 2 donc d’abord qu’à celui qui oeuvre, c’est-à-dire <qui accomplit> les oeuvres de la justice, le salaire de l’éternelle rétribution, dont il est dit: "Voici que son salaire est avec lui et que son oeuvre est devant lui 3", n’est pas compté comme une grâce seulement, mais comme un dû, selon cette parole de Matthieu: "N’es-tu pas convenu avec moi d’un denier ?"

Mais il est dit en sens contraire: "la grâce de Dieu est la vie éternelle" Et encore: "Les souffrances de cette vie sont sans proportion avec la gloire future qui sera révélée en nous 6" Ainsi donc cette rétribution ne se fait pas selon un dû, mais selon la grâce.

Il faut répondre que les oeuvres humaines peuvent être considérées de deux manières:

d’abord selon leur substance, et sous ce rapport elles n’ont aucun mérite de stricte justice pour que le salaire de la gloire éternelle leur soit attribué. Ensuite elles peuvent être considérées selon leur principe, à savoir en tant qu’elles sont faites sous l’impulsion de Dieu, selon son décret de prédestination; et sous ce rapport le salaire dont il est question leur est destiné comme un dû, ainsi qu’il est dit plus loin: "Car tous ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu 7." Et encore: "Fils, donc héritiers; et même héritiers de Dieu, et cohéritiers du Christ, si toutefois nous souffrons avec lui, afin d’être aussi glorifiés avec lui 8."

330. 2. En ajoutant: 5 Mais à celui, etc., <l’Apôtre> montre comment le salaire éternel est en rapport avec la foi. Il dit <donc>: Mais à celui qui n'oeuvre pas, c’est-à-dire <qui ne fait pas> les oeuvres extérieures, par exemple parce qu’il n’a pas le temps d’oeuvrer, comme on le voit chez celui qui meurt aussitôt après son baptême, mais qui croit en celui qui justifie l’impie, c’est-à-dire en Dieu, dont il est dit: "C’est Dieu qui justifie 9", sa foi est imputée, entendez sa foi seule sans les oeuvres extérieures, à justice, c’est-à-dire pour que par sa foi il soit

1. Voir Glosa in Rom. IV, 4 (GPL, col. 1367).

2. Lieux parallèles Somme Théologique 1a-2ae Q. 111, a. 1, sol. 2; Q. 112, a. 2, sol. 1; Q. 114, a. 6; Super Ioan. 10, 17, Iect. 4 (éd. Marietti, n° 1422); Ad Rom. 8, 18, lect. 4 (éd. Manetti, n°655); Ad Ephes. 2, 9-10, lect. 3 (éd. Marietti, n°96." ).

3. Is 40, 10.

4. Mt 20, 13.

5. Rm 6, 23.

6. Rm 8, 18.

7. Rm 8, 14.

8. Rm8, 17.

9. Rm 8, 33.



appelé juste et reçoive le salaire de la justice, comme s’il eût accompli les oeuvres de la justice, selon ces paroles: "On croit de coeur pour la justice 1." et cette impu tation se fait selon le décret de la grâce de Dieu, c’est-à-dire en tant que Dieu se propose de sauver les hommes par sa grâce: "Nous savons que tout coopère au bien pour ceux qui aiment Dieu, pour ceux qui, selon son propos, sont appelés saints 2." Et encore: "Ayant été prédes tinés selon le décret de celui qui fait toutes choses suivant le conseil de sa volonté."

331. — B. L’autre explication 4 consiste à référer ce passage à la justification de l’homme. <L’Apôtre> dit donc: Or, à celui qui oeuvre, c’est-à-dire si quelqu’un était justifié par les oeuvres, la justice elle-même lui serait imputée comme un salaire, non comme une grâce, mais comme un dû "Mais si c’est par grâce, ce n’est plus en raison des oeuvres; autrement la grâce n’est plus grâce 5." Mais à celui qui n'oeuvre pas, à savoir afin d’être justifié par ses propres oeuvres, mais qui croit en celui qui justifie l’impie, cette foi lui sera imputée à justice, selon le décret de la grâce de Dieu, non cependant de telle manière qu’il mérite la justice par la foi, mais parce que le fait même de croire est le premier acte de cette justice que Dieu opère en lui 6. Car du fait qu’il croit en Dieu qui justifie, il se soumet à sa justification et en reçoit ainsi l’effet. Cette explication est littérale et exprime l’intention de l’Apôtre, qui conforte ce qui est dit dans la Genèse: "Ce lui fut imputé à justice 7." On se sert habituellement de cette expression lorsqu’on impute gratuitement à quelqu’un la totalité d’un acte qu’il n’a accompli qu’en partie. Voilà pourquoi l’Apôtre dit que cette imputation n’aurait pas lieu si la justice était par les oeuvres, mais qu’elle a lieu seulement en tant qu’elle procède de la foi 8.

332. — III. Lorsque <l’Apôtre> dit:

6 C’est ainsi que David, il prouve sa proposition conditionnelle par l’autorité du psaume.

A) Il en donne d’abord le sens.

B) Puis, il cite le passage concerné [n° 334]: "Bienheureux ceux.

C) Enfin, il rejette sa fausse interpré tation [n° 339]: Cette béatitude, etc.

333. — A. Il dit donc: C’est ainsi que David proclame, c’est-à-dire affirme que la béatitude de l’homme appartient à celui à qui Dieu attribue, c’est-à-dire donne, la justice indépendamment, c’est-à-dire gratui tement, des oeuvres, c’est-à-dire sans les oeuvres antécédentes: "Ce n’est point par les oeuvres de justice que nous avons faites qu’il nous a sauvés 10." Or la béatitude de l’homme vient de Dieu, selon ces paroles du psaume: "Bienheureux l’homme dont le Seigneur Dieu est l’espérance 11." Il est donc manifeste que celui qui a sujet de se glorifier devant Dieu, c’est celui qui n’est pas justifié par les oeuvres de la Loi, ainsi qu’on l’a dit.

1. Rm 10, 10.

2. Rm 8, 28.

3. Ep 1, 11.

4. Voir Glosa in Rom. IV, 5 (GPL, col. 1368).

5. Rm 11, 6.

6. Lieux parallèles: Somme Théologique 1a-2 Q. 113, a. 4; 4 Sentences dist. 17, Q. I, a. 3, q 3; De veritate, Q. 28, a. 4; Ad Ephes. 2, 9, lect. 3 (éd. Marietti, n° 96).

7. Gn 15, 6.

8. Il s’agit en somme de comprendre l’imputation de justice au pécheur non comme une simple décision extrinsèque de la pare de Dieu, de caractère purement juridique, comme l’est la décision d’un juge quand il rend justice à un accusé innocent, mais comme une imputation réelle, c’est-à-dire que la justice est réellement conférée à l’être justifié, ce dont la foi, qui est un effet de cette justice inhé rente (le premier acte de justice que Dieu opère dans l’âme), est la preuve manifeste.

9. Voir Ps 31, 1-2.

10. Tt 3, 5.

11. Citation combinée du Ps 39, 5a pour "Beatus vir, cujus est", et du Ps 13, 6c pour "Dominus spes ejus e. — Lieux parallèles Somme Théologique Ia, Q. 62, a. 4; 1a-2ae, Q. 5, a. 7; Compend. eheol., c. 172; Super Psalmos, in Ps. 39, 5.



334. — B. Quand il ajoute: 7 Bienheureux ceux, etc., <l’Apôtre> cite les paroles de David renfermant la pensée exprimée, et il dit que ceux-là sont bienheureux dont les péchés sont remis. Il est donc évident qu’ils n’eurent point auparavant les bonnes oeuvres, pour acquérir par elles la justice ou la béatitude.

335. Il y a trois sortes de péché: le péché originel 1, le péché actuel mortel 2 et le péché actuel véniel.

1. À propos du péché originel, <l’Apôtre> dit: Bienheureux ceux dont les iniquités ont été remises. Il faut remarquer ici que le péché originel est appelé iniquité, parce qu’il est la privation de la justice originelle, par laquelle selon l’équité la raison de l’homme était soumise à Dieu, les puissances inférieures à la raison, et le corps à l’âme. Or, par le péché originel, cette équité a été détruite, car à partir du moment où la raison cesse d’être soumise à Dieu les puissances inférieures se rebellent contre la raison, et le corps, par la corruption et par la mort, se soustrait à l’obéissance <qu’il doit rendre> à l’âme

Voilà pourquoi il est écrit au psaume 50 "Car dans les iniquités j’ai été conçu 5." Le péché originel est indiqué au pluriel dans deux circonstances: soit à cause de la pluralité des hommes, dans lesquels le péché originel se multiplie, soit plutôt parce qu’il contient en quelque sorte en puis sance tous les autres péchés. Et on dit que ce péché est remis, parce que sa tache disparaît avec la venue soudaine de la grâce; mais il demeure en acte, car son foyer, ou concupiscence, n’est pas tota lement détruit en cette vie, mais "ce péché" est remis et adouci.

336. 2. Ensuite, quant au péché actuel mortel, <l’Apôtre> dit: et dont les péchés ont été couverts. On dit que les péchés sont couverts devant le regard divin, selon que Dieu ne les examine pas pour les punir: "Tu as couvert tous leurs péchés 6."

337. 3. Enfin, quant au péché véniel, <l’Apôtre> dit: 8 Bienheureux l’homme à qui le Seigneur n’a pas imputé de péché; en sorte que par <ce mot> "péché" on comprenne les péchés véniels qui, bien qu’ils soient légers, séparent et éloignent cependant l’homme de Dieu par leur nombre 7: "Le Seigneur, qui est bon, sera propice envers tous ceux qui cherchent de tout leur coeur le Seigneur, le Dieu de leurs pères, et il ne leur imputera point ce défaut de sanctification 8."

338. On peut encore établir une triple distinction à propos de ces passages 9.

1. Lieux parallèles: Somme Théologique l’—2ae, Q. 81, a. 3; Q. 82, a. 1; a. 2; 3a, Q. 27, a. 2; Q. 31, a. 8; 2 Sentences dist. 30, Q. 1, a. 2; a. 3, sol. 2; dist. 31, Q. 1, a. 2; dist. 33, Q. l, a. 1; a. 3; ; 3Sentences dist. 3, Q. 4, a. 3, Q. 1; 4 Sentences dist. 43, a. 4, Q. 1, sol. 3; 4 Contra Gentiles c. 50, 51, 52, 83; De malo, Q. 4, a. 2, sol. 4; a. 6; a. 8, soi. 1; Dequodlibet 6, Q. 5, a. 1; De veritate, Q. 27, a. 6, sol. 2; Super Psalmos, in Ps. 31; 50; Ad Rom. 5, 12, lect. 3 (éd. Marietti, n° 406-420).

2. Lieu parallèle Super Psalmos, in Ps. 31, 2.

3. Lieux parallèles Super Psalmos, in Ps. 31, 2; De malo, Q. 1, a. 5

4. En Adam, le péché originel est un péché actuel et personnel qui atteint la nature humaine et lui fait perdre la grâce de la justice ongi nelle dans laquelle Dieu l’avait établie. Cette justice originelle consistait en la juste hiérarchisation des parties de la nature humaine soumission du corps à l’âme, des puissances de l’âme à la raison, de la raison à Dieu. Dans les fils d’Adam, le péché originel n’est pas un péché personnel ni actuel aucun d’eux ne l’a commis. Mais c’est un péché de nature qui communique sa souillure et sa faute à la personne de ceux qui ont hérité cette nature et qui se trouvent donc dans un état d’injustice, c’est-à-dire de désordre: la bonté de la nature n’est pas entièrement détruite, comme le soutiendra Luther, mais sa structure est désorganisée. A son tour, la grâce de la justification en Jésus-Chnst est conférée â la personne, elle rétablit la justice dans son principe, mais non dans ses effets. Elle libère la personne du poids de la faute et rétablit le coeur de l’homme dans l’amitié de Dieu, mais elle ne guérit pas la nature blessée; le corps continue de désirer contre l’âme, l’âme contre une raison insoumise à Dieu le foyer de la " concupiscence " n’est pas éteint (voir Somme Théologique 3a, Q. 69, a. 3, sol. 3).

5. Es 50, 7. — Lieu parallèle Super Psalmos, in Ps 50, 7.

6. Es 84, 3.

7. En soi le péché véniel, méme répété, ne supprime pas le sens de la fin dernière, mais il prédispose au péché mortel et le devient à partir du moment ou celui qui pèche met sa fin dans le péché véniel. Voir Somme Théologique 1a-2ae, Q. 88, a. 3 et 4; Q. 186, a. 9, sol. 1; 1 Sentences dist. 17, Q. 2, a. 5; 2 Sentences dist. 24, Q. 3, a. 6; dist. 42, Q. 1, a. 4; De malo, Q. 7, a. 1, sol. 7 et a. 3.

8. 2 Par (2 Ch) 30, 18-19.

9. Voir Glosa in Rom. IV, 7-8 (GEL, col. 1370 A).



Il y a en effet trois choses <principales à relever> dans le péché: l’offense faite à Dieu 1, et à ce propos <l’Apôtre> dit: Bienheureux ceux dont les iniquités ont été remises, dans le sens où l’on dit que l’homme remet l’offense qui lui a été faite: "Son iniquité a été remise 2 "Ensuite, l’acte même désor donné de la faute, qui ne peut pas ne pas avoir été fait dès lors qu’il a été commis, mais qui est couvert par la main de la misé ricorde divine, en sorte qu’il est regardé comme s’il n’avait pas été fait. Enfin, l’obligation à la peine 3, et à ce propos <l’Apôtre> dit: Bienheureux l’homme à qui le Seigneur n’a pas imputé de péché, c’est-à-dire en vue de la peine.

339. C. En ajoutant: 9 Cette béatitude est-elle donc, etc., <l’Apôtre> rejette la fausse interprétation de l’autorité citée. Car un Juif pourrait entendre que la grâce précitée de la rémission des péchés n’était donnée qu’aux circoncis.

1. L’Apôtre, donc, afin de rejeter cette interprétation <possible>, commence par poser une question en disant: Cette béatitude, par laquelle Dieu donne la justice sans les oeuvres, est-elle seulement réservée à la circoncision, c’est-à-dire n’a-t-elle lieu que chez les circoncis, ou s’adresse-t-elle aussi à l’incirconcision, c’est-à-dire aux nations païennes? Il est manifeste qu’elle a lieu à l’égard des uns et des autres, selon ce qui est dit plus bas: "Il n’y a pas en effet de distinction de Juif et de Grec, parce que c’est le même Seigneur de tous, riche pour tous ceux qui l’invoquent 4."

2. Ensuite <en ajoutant ces mots> Car nous disons <l’Apôtre> a recours à l’autorité de l’Ecriture pour prouver ce qu’il vient d’avancer, autrement dit: Je pose cette question parce que nous disons que la foi d’Abraham <lui> fut imputée à justice 5.

3. Enfin il conclut par cette autorité <scripturaire> en donnant la solution à la question posée, sous une forme interro gative cependant: 10 Comment donc lui a-t-elle été imputée, à savoir, comment la foi d’Abraham a-t-elle été imputée à justice? Est—ce en l’état de circoncision, c’est-à—dire après qu’il eut été circoncis, ou en l’état d ‘incirconcision, c’est-à-dire lorsqu’il était <encore> incirconcis?

340. Et il répond: Non en l’état de circon cision, mais en l’état d’incirconcision. En effet, la suite du récit de l’Ecriture en montre l’évidence. Car on lit au chapitre 15 de la Genèse que la foi a été imputée à justice à Abraham 6, et au chapitre 17 qu’il reçut <le précepte de> la circoncision 7. Si donc Abraham, étant encore incirconcis, a été justifié par la foi, il est évident que la justice de la foi, par laquelle sont remis gratui tement les péchés, se trouve non seulement en l’état de circoncision, mais aussi en l’état d’incirconcision, c’est-à-dire chez les nations païennes.

1. Lieux parallèles Super Psalmos, in Ps 31, 1; Dc veritate Q. 28, a. 2, coud.

2. Is 40, 2.

3. Lieu parallèle: Somme Théologique 1 Q. 87.

4. Rm 10, 12.

5. Gn 15, 6.

6. Voir Gn 15, 6.

7. Voir Gn 17, 23-26.


Leçon 2 [versets 11 à 15]

19
075 (
Rm 4,11-15)


[n° 341] "Et il a reçu le signe de la circon cision comme sceau de la justice de la foi qu’il eut dans l’état d’incirconcision, pour être le père de tous les croyants, à travers l’incircon cision, de sorte que <leur foi> leur soit aussi imputée à justice,

[n° 344] 12 et pour être père de la circoncision, de ceux qui non seulement appar tiennent à la circoncision, mais aussi de ceux qui suivent les traces de la foi d’Abraham notre père dans l’état d’incirconcision.

[n° 351]: 13 En effet, ce n’est point par la Loi que la promesse a été faite à Abraham ou à sa postérité d’avoir le monde en héritage, mais c’est par la justice de la foi.

[n° 354] ‘ Car si ceux qui se réclament de la Loi sont héritiers, réduite à néant est la foi et abolie la promesse.

[n° 356]: 15 Car la Loi opère la colère; tandis que là où il n’y a pas de Loi, il n’y a pas non plus de prévarication.

341. Après avoir montré par l’exemple d’Abraham, qui fut justifié alors qu’il était incirconcis, que la béatitude consistant en la rémission des péchés est donnée non seulement en l’état de circoncision, mais aussi en l’état d’incirconcision [n° 339], <l’Apôtre> répond ici à une objection.

En effet, on pourrait dire: Si Abraham a été justifié avant la circoncision, c’est donc en vain et sans cause qu’il a été circoncis.

Pour rejeter cette objection:

I) <L’Apôtre> attire d’abord l’attention sur le fait que la circoncision n’était pas la cause de la justice, mais qu’elle en était le signe.

II) Il montre ensuite quelle en était la conséquence [n° 344]: 12 pour être le père, etc.

III) Enfin, comment cela s’est accompli [n° 345]: de ceux qui non seulement, etc.

342. — I. Sur le premier point il indique deux choses:

A. Il commence par attirer l’attention sur le fait que la circoncision est un signe "Vous circoncirez la chair de votre prépuce, afin que ce soit là un signe d’alliance entre moi et vous 1."

B. Puis il montre de quoi la circon cision est le signe, en disant: qu’elle est le sceau de la justice de la foi, c’est-à-dire de la justice qui est par la foi, laquelle foi est dans l’état d’incirconcision, c’est-à-dire qu’Abraham l’eut alors qu’il était encore incirconcis.

343. Le mot "sceau" est employé dans deux sens: ou bien, en tant qu’il exprime et porte la similitude de ce qu’il désigne, selon ce passage d’Ezéchiel: "Toile sceau de la ressemblance 2." Or la circoncision a une similitude expresse avec la foi d’Abraham, tout d’abord quant à l’objet de la foi; car Abraham crut à la multiplication de sa postérité, et c’est pourquoi il était convenable qu’il reçût ce signe dans l’organe de la génération. Puis quant à l’effet de cette foi, qui consiste en l’éloi gnement de la faute, ce qui est désigné par le retranchement d’une membrane superflue.

1. Gn 17, 11.

2. Ez 28, 12.



Ou bien, on appelle sceau un signe qui cache une chose qu’on ne révèle qu’à des amis 1. Il en est ainsi d’un cachet; et c’est dans ce sens qu’il est dit dans l’Apocalypse: "Tu es digne, Seigneur, de recevoir le livre et d’en ouvrir les sceaux, parce que tu as été mis à mort, que tu nous as rachetés pour Dieu par ton sang, de toute tribu, de toute langue et de toute nation" Le secret de l’Incarnation du Christ, de la race d’Abraham, était donc caché sous le sceau de la circoncision.

344. — II. Puis <l’Apôtre> montre la conséquence de ce qui vient d’être dit. Car il résulte de ce qu’Abraham en l’état d’incirconcision a été justifié par la foi et a reçu ensuite la circoncision, qu’il est le père non seulement de ceux qui ont été circoncis, mais aussi des croyants en l’état d’incirconcision. Et tel est ce que dit <l’Apôtre>: 12 être le père, c’est-à-dire qu’il résulte de ce qui précède qu’Abraham est le père de tous les croyants, à travers l’incirconcision, c’est-à-dire qui sont en l’état d’incirconcision. Ou bien qu’Abraham est le père en l’état d’incirconcision, c’est-à-dire par les dispositions qu’il a eues en l’état d’incirconcision, afin que cela leur soit aussi imputé à justice, à savoir, qu’ils croient, comme cela fut imputé à Abraham. Et c’est de cette paternité dont il est dit <dans l’évangile de> Matthieu: "Dieu peut, de ces pierres mêmes, susciter des enfants à Abraham 3" — 12 Et pour être père de la circoncision, c’est-à-dire des circoncis, qui tirent de lui leur origine. D’où <ces paroles des Juifs> dans <l’évangile de> Jean: "Notre père, c’est Abraham 4."

345. — III. Enfin, il montre de quelle manière il est aussi le père des incirconcis, à savoir, par imitation. D’où ces paroles de <l’Apôtre>: pour être, dis-je, le père [ de ceux qui non seulement appartiennent à la circoncision, c’est-à-dire de ceux qui sont circoncis, mais aussi de ceux qui suivent les traces de la foi d’Abraham notre père dans l’état d’incirconcision, c’est-à-dire de la foi qu’Abraham eut alors qu’il était encore incirconcis: "Si vous êtes les fils d’Abraham, faites les oeuvres d’Abraham 5."

346. Étant donné que <l’Apôtre> fait ici mention de la circoncision, il convient de faire trois considérations sur cette dernière

A) Pourquoi elle a été instituée [n° 347].

B) Quelle a été son efficacité [n° 349].

C) Et pourquoi elle a été changée [n° 350].

347. — A. À propos de la première question, il faut considérer que la circon cision, tout comme les autres cérémonies de la Loi, a été instituée pour deux raisons

1. En raison du culte divin, auquel les hommes étaient portés par ces sortes de cérémonies. A ce point de vue, la circon cision a un triple motif d’institution 6.

a. Le premier d’entre eux est de signifier la foi et l’obéissance par lesquels Abraham s’est soumis à Dieu, afin que ceux qui recevraient la circoncision transmise par Abraham pratiquent sa foi et son obéissance. Car il est dit dans l’épître aux Hébreux: "Par la foi Abraham" fut

1. Voir Glosa in Rom. IV, 11 (GPL, col. 1371 8).

2. Ap 5, 9.

3. Mt 3, 9.

4. Jn 8, 39a.

5. Jn 8, 39b.

6. Voir Glosa in Rom. IV, 11 (GPL, col. 1371-1372). Pierre Lombard donne cinq motifs â l’institution de la circoncision, mais les deux premiers n’en font qu’un seul pour saint Thomas.



circoncis 1; et c’est ainsi que la circoncision est pratiquée dans l’organe de la géné ration, pour signifier sa foi à la multipli cation de sa postérité, comme on l’a dit.

b. Le deuxième <motif> est d’exprimer par un signe corporel ce qui devait se faire spirituellement. De même qu’on excise de l’organe de la génération, qui est principa lement l’esclave de la concupiscence, la petite peau superflue, ainsi enlève-t-on également du coeur de l’homme tout désir excessif, selon ce passage de Jérémie: "Soyez circoncis au Seigneur, et ôtez les prépuces de vos coeurs, hommes de Juda, et habitants de Jérusalem; de peur que mon indignation ne sorte comme le feu, et qu’elle ne s’embrase, et qu’il n’y ait personne qui l’éteigne, à cause de la malice de vos pensées 2."

c. Le troisième <motif> est que par ce signe le peuple <juif>, qui adorait <le vrai> Dieu, se distingue des autres peuples. Et de là vient qu’au livre de Josué 3 le Seigneur prescrivit aux enfants d’Israël de se faire circoncire, eux qui devaient habiter parmi d’autres nations, et qui auparavant n’avaient pas été circoncis tandis qu’ils demeuraient à l’écart dans le désert.

348. 2. La seconde raison <de l’institution> de la circoncision et de toutes les cérémonies est à mettre en parallèle avec le Christ, auquel la circoncision se rapporte, comme la figure à la vérité et les membres au corps, selon ce passage de l’épître aux Colossiens: "Tout cela n’est que l’ombre des choses à venir, mais la réalité, c’est le corps du Christ 4." La circoncision corporelle signifie donc la circoncision spirituelle, qui devait avoir lieu par le Christ. D’abord dans l’âme, en tant que par lui la tache des péchés et de la concupiscence a été ôtée. — "C’est en lui [dans le Christ] que vous avez été circoncis d’une circoncision non faite de main d’homme par le dépouillement de votre corps de chair, mais de la circoncision de Notre Seigneur Jésus-Christ 5." Ensuite dans le corps, c’est-à-dire qu’au jour même de la résurrection toute passibilité et mortalité seront enlevées du corps des élus; et la circoncision se pratiquait le huitième jour, parce qu’elle signifie le huitième âge de ceux qui sont ressuscités; car le septième âge est l’âge de ceux qui se reposent dans le Christ. Quant aux six autres âges 6, ils forment le cours des siècles 7. Et comme on le lit aux livres de Josué 8 et de l’Exode 9, la circoncision était pratiquée "avec des couteaux de pierre", afin de signifier que la circoncision spiri tuelle devait se faire avec la "pierre, qui est le Christ", comme <l’Apôtre> le dit dans sa première épître aux Corinthiens ° Cependant en général, on ne regardait pas la pratique de la circoncision avec une pierre comme étant de rigueur.

1. Cette référence à He 4, 11 donnée par l’édition Marietti est inexacte. On ne trouve l’expression C’est par la foi qu’Abraham, etc." qu’au chapitre 11, versets 8, 9 et 17, mais sans allusion à sa circoncision.

2. Jr 4, 4.

3. Voir Jos 5, 2.

4. Col 2, 17.

5. Col 2, 11.

6. De la tradition chrétienne revue et ordonnée par saint Augustin, saint Thomas recueille la doctrine des âges du monde, laquelle d’ailleurs se décline différemment selon Its auteurs. Elle combine en effet une division d’origine hébraïque (six jours de création plus un our de repos déterminent six âges historiques et un âge de repos) avec la conception paulinienne (en particulier Rm 5, 13-14) en trois âges ou plutôt trois états avant la Loi, sous la Loi, sous la grâce (Somme Théologique 2a Q. 174, a. 6), à quoi s’ajoute un quatrième état méta historique, l’état de gloire. La périodisation pourrait ètre la suivante: 1) d’Adam à Noé; 2) de Noé à Abraham; 3) d’Abraham à Moïse; 4) de Moïse à David; 5) de David au Christ; 6) de la Pentecôte à la seconde venue. Ici, le septième âge désigne l’état posthume de ceux qui sont morts en Jésus-Christ et qui attendent la résurrection finale: c’est, si l’on veut, un état parahistorique. A l’état de gloire convient seulement le chiffre 8, qui est, numériquement, la signature christique, le chiffre du" Jour du Seigneur" (dominica die" "dimanche"), c’est-à-dire le jour de la résurrection: le Chnst, en effet, est ressuscité le lendemain du shabbat, du "septième", donc le "huitième", qui est aussi le "premier." Ainsi le monde entrera dans sa résurrection, après l’hebdomade de l’histoire universelle, tn son "huitième âge." — Lieux parallèles: Super Psalmos 6, 1 Somme Théologique 1a-2ae, Q. 102, a. 5, sol. 1; 3a, Q. 70, a. 3, sol. 3; Super Matth. 20, 3 (éd. Marietti, n° 1628).

7. Voir Glosa in Rom. IV, 12 (GPL, col. 1371 B-1372 A).

8. Voir Jos 5, 2.

9. Voir Ex 4, 25.

10. Voir I Co 10, 4. — Lieu parallèle: Somme Théologique 3a, Q. 70, a. 3, sol. 2.



349. — B. À propos 1 de la deuxième considération sur la circoncision, il faut savoir que, comme le dit ici la Glose 2 selon Bède, "la circoncision sous la Loi fournissait contre la blessure du péché originel le même secours salutaire de guérison que le baptême depuis le temps où la grâce s’est révélée 3." Par là on voit que l’efficacité de la circoncision s’étendait à la destruction du péché originel.

Cependant, certains 4 prétendent que la grâce n’était pas conférée dans la circon cision, car la grâce de Dieu ne peut être sans la justice. <L’Apôtre> quant à lui, en donne l’argumentation suivante dans son épître aux Galates: "Si c’est par la Loi qu’est la justice, c’est donc en vain que le Christ est mort 5", c’est-à-dire sans raison. Nous pouvons aussi raisonner de la même manière: si la grâce justifiante vient de la circoncision, le Christ est mort pour rien; mais il ne peut en être ainsi, car la rémission du péché n’a jamais lieu sans la grâce: "Afin que, justifiés par sa grâce, nous soyons héritiers selon notre espérance de la vie éternelle 6" Et c’est pourquoi d’autres 7 prétendent que dans la circon cision la grâce était donnée quant à ses effets privatifs, c’est-à-dire quant à l’éloi gnement de la faute, mais non quant à ses effets positifs, comme l’opération de la justice. Mais ce raisonnement ne semble pas convenir non plus: car les effets positifs d’une forme quelconque précèdent dans l’ordre naturel ses effets privatifs. Ainsi la lumière ne chasse les ténèbres que parce qu’elle éclaire. Et de même, la grâce ne chasse la faute que parce qu’elle justifie. En supprimant l’antécédent, on supprime le conséquent 8. Et c’est pourquoi il vaut mieux dire que la circoncision n’avait de vertu efficace par l’oeuvre elle-même accomplie 9 (ex opere operato), ni quant à l’éloignement de la faute, ni quant à l’opération de la justice, mais qu’elle était seulement le signe de la justice, comme le dit ici l’Apôtre, que c’était par la foi du Christ, dont la circoncision était le signe, que le péché originel était remis et que le secours de la grâce était conféré pour agir avec rectitude.

350 10C. Quant à la nécessité de changer la circoncision, ce qui précède montre déjà pourquoi il le fallait. Car la circoncision était le signe de ce qui devait s’accomplir. Or le même signe ne convient pas à une chose présente, passée ou future:

aussi le baptême est-il le signe de la grâce présente qui produit un effet plus abondant et plus efficace, parce qu’un agent opère d’autant plus efficacement qu’il est plus proche et plus présent.

1. Il est intéressant de faire remarquer ici l’évolution de la pensée de saint Thomas sur l’efficacité de la circoncision. Dans son commentaire du livre des Sentences (4 Sentences dist. 1, Q. 2, a. 4, Q. 3), oeuvre de jeunesse datant des années 1254-1256, il partage l’opinion de ceux qui disent que la circoncision, tout en conférant la grâce, ne réprime pas la concupiscence poussant à pécher. On trouve la même position, un peu plus tard (1256-1259), dans le De veritate (Q. 28, a. 2, sol. 12). Mais une dizaine d’années après (1271-1272), dans la Somme de théologie (3a, Q. 62, a. 6 et Q. 70, a. 4), il montre qu’il abandonne cette opinion " Telle était autrefois ma manière de voir, mais un examen plus attentif fait apparaître que cette opinion n’est pas vraie. Car la moindre grâce est capable de résister à n’importe quelle concupiscence." Et ici, dans son Commentaire de l’épître aux Romains (1272-1273), il reprend clairement et définitivement sa pensée. Voir aussi au chap. 2, v. 25; leçon 4, n° 238, n. 1.

2. Voir Glosa in Rom. IV, 12 (GPL, col. 1372 B).

3. BÉDE LE VÉNERABLE, Homélie I, XI pour la circoncision (CCL 122, 74). — Lieux parallèles: Somme Théologique 1a-2ae, Q. 103, a. 2; 3a, Q. 62, a. 5, sol. 3; a. 6; Q. 70, a. 4; 4Sentences dist. 1, Q. l, a. 5, q dist. 18, a. 3, Q. 1, sol. 1; 4 Contra Gentiles c. 57; De veritate, Q. 27, a. 3, sol. 20; Q. 28, a. 2, sol. 12; Ad Galat. 2, 16, lect. 4 (éd. Marietti, n° 94-96).

4. Saint Thomas se réfère ici à l’enseignement de quelques maîtres, dont PIERRE LOMBARD, Sententiae, lib. IV, dist. 1, c. 9 (éd. I. Brady, t. II, p. 238-239); IV, 12 (GPL 191, col. 1372 C); son élève, PIERRE DE POITIERS, Sententianum libri quinque IV, 2 (PL 211, 1141 B); et GANDUU’HE DE BOLOGNE, Sententiarum libni quatuor IV, 10 (éd. J. de Walter, p. 393).

5. Ga 2, 21.

6. Tt 3, 7.

7. Telle est, par exemple, l’opinion de Guillaume d’Auxerre (Summa aurea in quatuor libros sententiarum IV, tract. II, o. 5, Q. 2 éd. Jean Ribaillier, p. 39." ).

8. Lieu parallèle: Somme Théologique 1a-2ae, Q. 15, a. 2, sol. 2.

9. Lieu parallèle: 4 Sentences dist. 1, Q. 1, a. 5.

10. Lieu parallèle Somme Théologique 1a-2ae, Q. 103, a. 3, sol. 4.



351. En disant 13 [n° 323]: 13 En effet, ce n’est point par la Loi, etc., <l’Apôtre> développe son propos, à savoir que la circoncision ou toute autre oeuvre de la Loi ne justifie pas en raison de la promesse divine.

1) Il expose premièrement ce qu’il veut établir.

2) Puis, il le prouve [n° 354]: 14 Car si ceux qui se réclament de la Loi, etc.

352. 1. L’Apôtre, en s’appuyant sur l’autorité de la Genèse, suppose donc d’abord la promesse faite à Abraham et à sa postérité, à savoir d’avoir le monde en héritage, c’est-à-dire que toutes les nations du monde seraient bénies en lui, selon ce passage: "En toi seront bénies toutes les nations de la terre 1." Et il dit: ou à sa postérité, car, bien que cette promesse n’ait point été accomplie en la personne d’Abraham, elle devait l’être cependant dans sa postérité. En effet il est dit: "Seront bénies en ta postérité toutes les nations de la terre, parce que tu as obéi à ma voix 2." Or par ce mot "postérité" on entend principalement le Christ, selon ce passage <de l’épître> aux Galates: < à Abraham que les promesses ont été faites et à sa postérité. <L’Ecriture> ne dit pas à ses postérités, comme s’il s’agissait de plusieurs, mais à sa postérité, comme s’il s’agissait d’un seul, c’est-à-dire le Christ 3", parce qu’à l’égard d’un seul en qui la promesse s’est accomplie, on montre qu’il eut le monde en héritage, selon cette parole du psalmiste: "Demande-moi, et je te donnerai les nations en héritage, et pour ta possession les extrémités de la terre 4" Secondairement, cette promesse est aussi accomplie dans ceux qui, par la grâce du Christ, sont spirituellement la postérité d’Abraham "Ce sont les fils de la promesse qui sont comptés pour semence 5." Par le Christ, ils ont aussi le monde en héritage, en tant que toutes choses sont données pour la gloire des élus: "Tout est à vous, soit Paul, soit Apollos, soit Céphas, soit le monde, soit la vie, soit la mort, soit le présent, soit l’avenir 6."

353. À l’égard de cette promesse, <l’Apôtre> nie une chose et en affirme une autre. Il nie qu’elle ait été faite par la Loi. Ce qui ne s’entend pas de la promesse elle-même, puisque au temps <où elle a été faite> la Loi n’était pas encore donnée, mais <cela s’entend> de l’accomplis sement de la promesse, en sorte que le sens est: que cette promesse a été faite à Abraham non comme devant être accomplie par la Loi, parce que, selon l’épître aux Hébreux, il est dit: "La Loi n’a rien amené à la perfection 7." Mais il affirme une autre chose, à savoir que cette même promesse devait être accomplie par la justice de la foi, parce que "c’est par la foi que" les saints "ont vaincu des royaumes."

354. 2. En disant: 14 Car si ceux qui se réclament, etc., <l’Apôtre> développe son propos:

En disant premièrement que la promesse ne devait pas être accomplie par la Loi.

Ensuite, qu’elle devait l’être par la justice de la foi [n° 359]: 16 dépend-il de la foi, etc.

Sur le premier point, il fait ce raison nement: Si la promesse faite à Abraham devait être accomplie par la Loi, la foi d’Abraham, qui crut à la promesse, serait vaine, parce que la promesse qui lui a été faite serait abolie; mais cela ne convient

1. Gn 12, 3.

2. Gn 22, 18.

3. Ga 3, 16.

4. Ps 2, 8.

5. Rm 9, 8.

6. 1 Co 3, 22.

7. He 7, 19.

8. He 11, 33.



pas, donc la première partie du raison nement l’est aussi.

Sur ce point, <l’Apôtre> fait deux choses:

a) Il commence par avancer une propo sition conditionnelle.

b) Puis, il la prouve [n° 356] 15 Car la Loi opère la colère, etc.

Et le rejet de la conclusion <de ce raison nement> est manifeste.

355. a. <L’Apôtre> dit donc d’abord que la promesse n’a pas été faite par la Loi. Car si ceux qui se réclament de la Loi sont héritiers, c’est-à-dire si, pour parti ciper à l’héritage promis, il est requis de l’obtenir par l’observance de la Loi, réduite à néant est la foi, c’est-à-dire qu’est vaine la foi par laquelle Abraham a cru à la promesse de Dieu, comme on le dit dans la Genèse. Ce raisonnement ne convient pas, selon ce qui est dit dans la première épître aux Corinthiens: "Si le Christ n’est pas ressuscité, notre prédication est donc vaine, et vaine est aussi votre foi 2."

Et la raison pour laquelle la foi est vaine, <l’Apôtre> la montre en ajoutant: abolie, c’est-à-dire sans valeur, est la promesse, puisqu’elle n’obtient pas son effet. En sens contraire il est dit dans l’épître aux Hébreux "C’est par la foi aussi que Sara, stérile, reçut la vertu de concevoir un enfant, même après avoir passé l’âge, parce qu’elle crut fidèle celui qui en avait fait la promesse 3", et plus bas dans ce même chapitre "<Abraham est> pleinement convaincu que ce que <Dieu> a promis, il est aussi puissant pour le faire 4."

356. b. Lorsque <l’Apôtre> dit: 15 Car la Loi, il prouve par l’effet ou le résultat de la Loi la proposition conditionnelle qu’il avait avancée.

Et il expose en premier lieu l’effet ou le résultat de la Loi.

Puis, il le prouve [n° 358]: tandis que là où il n a pas de Loi, etc.

357. <L’Apôtre> prouve sa proposition conditionnelle de la manière suivante Si une promesse doit être accomplie par ce qui entrave l’accomplis sement de cette promesse, une telle promesse est abolie et la foi de celui qui croit est réduite à néant. Or la Loi empêche l’obtention de l’héritage, car la Loi opère la colère; donc si la promesse doit être accomplie par la Loi, la foi est réduite à néant et la promesse abolie.

On dit de la Loi qu’elle opère la colère, c’est-à-dire la vengeance, parce que par la Loi les hommes sont devenus dignes de la vengeance de Dieu: "La grande colère du Seigneur s’est illumée contre nous, parce que nos pères n’ont point écouté les paroles de ce livre 6", c’est-à-dire de la Loi.

On pourrait entendre que la Loi opère la colère quant aux préceptes cérémoniels 7 pratiqués au temps de la grâce, selon ce passage <de l’épitre aux> Galates: "Si vous vous faites circoncire, le Christ ne vous servira de rien 8." Mais ce qui est dit ici doit être entendu même des préceptes moraux, non point qu’ils ordonnent des choses qui rendent dignes de la colère de Dieu ceux qui les observent, mais occasion nellement, parce que la Loi commande mais ne donne pas la grâce d’accomplir, selon ce passage de la seconde lettre <de l’Apôtre> aux Corinthiens: "La lettre tue, tandis que l’Esprit vivifie 9", c’est-à-dire parce qu’il "vient en aide à notre faiblesse 10", comme l’écrit plus loin <l’Apôtre> dans cette même épître.

1. Voir Gn 15, 6.

2. 1 Co 15, 14.

1. 1-le 11, 11.

4. Rm 4, 21.

5. Voir au chap. 1; leçon 6, n° 110. — Lieu parallèle 3 Sentences dist. 1, Q. 1, a. 2, sol. 4.
6. 4 R (2 R) 22, 13.

7. Voir au chap. 2; leçon 3, n° 212." — Chap. 3; leçon 2, n° 297.

Chap. 3; leçon 4, n° 316 à 321.

8. Ga 5, 2.

9. 2 Corinthiens 3, 6.

10. Rm 8, 26.

358. Lorsqu’il dit: tandis que là où il n‘y a pas de Loi, il n'y a pas non plus de prévarication, <l’Apôtre> montre comment la Loi opère la colère, parce que si, en dehors de la Loi, on peut pécher en agissant contre ce qui est naturellement juste, on ne peut cependant appeler quelqu’un prévaricateur que dans la mesure où il transgresse la Loi 2: "J’ai vu les prévaricateurs, et je séchais <de douleur>, parce qu’ils n’ont pas gardé tes promesses 3." Toutefois tout pécheur peut être appelé prévaricateur, en tant qu’il a transgressé la Loi naturelle: "J’ai réputé prévaricateurs tous les pécheurs de la terre, aussi j’ai aimé tes témoignages 4." Néanmoins il est plus grave de transgresser en même temps la loi naturelle et la Loi écrite, que la loi naturelle seulement. Voilà pourquoi la Loi étant donnée sans l’aide de la grâce, la prévarication a grandi et a mérité une colère plus grande.

2. Voir Glosa in Rom. IV, 15 (GPL, col. 1374). —Lieu parallèle Somme Théologique 2a-2 Q. 68, a. 3.

3. Ps 118, 158.

4. Ps 118, 119.



Thomas A. sur Rm (1999) 17