Thomas A. sur Rm (1999) 39

Leçon 5 [versets 23 à 27]

39
075 (
Rm 8,23-27)


[n° 676] 23 Et non seulement elle, mais nous aussi, qui avons les prémices de l’Esprit, nous aussi nous gémissons en nous-mêmes, attendant l’adoption des fils de Dieu, la rédemption de notre corps.

[n° 681] 24 Car c’est en espérance que nous avons été sauvés. Or l’espérance qui se voit n’est pas l’espérance; car ce que l’on voit l’espère-t-on?

[n° 685] 25 Mais si ce que nous ne voyons pas, nous l’espérons, nous l’attendons par la patience.

[n° 686] 26 De même aussi l’Esprit vient en aide à notre faiblesse. Car nous ne savons pas prier comme il faut; mais l’Esprit lui-même demande pour nous avec des gémissements inénarrables.

[n° 694] 27 Et celui qui scrute les coeurs sait ce que désire l’Esprit: c’est selon Dieu qu’il demande pour les saints.

675. Après avoir montré plus haut l’excellence de la gloire future par l’attente de la création [n° 656], il montre main tenant la même chose par l’attente des apôtres. En effet, ce qui est attendu avec tant d’anxiété par de si grands hommes ne pourrait être de peu d’importance. Et à ce propos <l’Apôtre> fait deux choses

I) Il commence par exposer son intention.

II) Puis, il prouve sa proposition [n° 681]: 24 Car c’est en espérance, etc.

676. — I. Sur le premier point, <l’Apôtre> fait trois choses:

A. Il montre en premier lieu la dignité de ceux qui attendent, lorsqu’il dit: 23 Et non seulement elle, à savoir la créature, attend la gloire des fils de Dieu, mais nous aussi, c’est-à-dire nous les Apôtres, qui avons les prémices de l’Esprit—Saint, parce que les Apôtres ont eu l’Esprit-Saint les premiers dans l’ordre du temps, et plus abondamment que tous les autres 1, comme dans les fruits de la terre, ce qui arrive en premier lieu à maturité est le plus succulent et le plus agréable: "Israêl fut le saint du Seigneur, les prémices de ses fruits 2: "Vous vous êtes approchés de la montagne de Sion, de la cité du Dieu vivant, de la Jérusalem céleste, d’une troupe de beaucoup de milliers d’anges; de l’Eglise des premiers-nés, qui sont inscrits dans les cieux 3." Il est évident par là qu’entre tous les saints les apôtres brillent par quelque prérogative, que ce soit la virginité, ou la doctrine, ou le martyre, en tant qu’ils ont reçu l’Esprit-Saint avec plus d’abondance.

677. Mais 4 on pourrait objecter que quelques autres saints ont enduré pour le Christ de plus grands tourments et de plus grandes austérités que les Apôtres.

1. Voir Glosa in Rom. VIII, 23 (GPL, col. 1444 D; GOS, <Glosa interlin. >, t. IV, p. 29lb). — Lieu parallèle: Super Psalmos, in Ps 44, 18.

2. Jr 2, 3.

3. He 12, 22-23.

4. Lieux parallèles: Somme Théologique 1a-2ae, Q. 114, a. 4; 3 Sentences dist. 30, a. 5, sol. 5; De potent., Q. 6, a. 9; I Ad Tim. 4, 8, lect. 2 (éd. Marietti, n° 160); Ad Hebr. 6, 10, lect. 3 (éd. Marietti, n° 305).



Cependant il faut savoir que la grandeur du mérite, principalement et par rapport à la récompense essentielle, se mesure sur la charité. Car la récompense essentielle consiste dans la joie qu’on éprouve de la possession de Dieu. Or il est manifeste que se réjouiront davantage de Dieu ceux qui l’aiment davantage. Et c’est pourquoi le Seigneur promet à son bien-aimé cette bienheureuse vision, en disant: "Or celui qui m’aime sera aimé de mon Père, et moi je l’aimerai, et me manifesterai à lui 1." Mais quant au nombre des oeuvres, l’homme mérite une récompense acciden telle, qui consiste dans la joie de ces oeuvres. Donc, les oeuvres des Apôtres furent accomplies, oeuvres qu’ils ont opérées avec une plus grande charité, laquelle disposait leur coeur à en accomplir de beaucoup plus importantes, si l’oppor tunité s’en présentait.

678. On dira peut-être 2 qu’un homme pourrait faire un effort tel qu’il posséderait une charité équivalente à celle des Apôtres.

A cela il faut répondre que la charité de l’homme ne vient pas de lui, mais de la grâce de Dieu, qui est donnée à chacun "selon la mesure du don du Christ 3," comme le dit <l’Apôtre> aux Ephésiens. Or <Dieu> donne à chacun une grâce proportionnée à la fin pour laquelle il est choisi. Par exemple, au Christ homme a été donnée la grâce la plus haute, parce qu’il a été choisi pour que sa nature <humaine> soit assumée dans l’unité de sa personne divine; à sa suite, la bienheureuse Marie a reçu la plus grande plénitude de grâce, elle qui a été choisie pour être la mère du Christ 4. Mais parmi les autres <saints>, les Apôtres ont été choisis en vue d’une dignité plus grande, c’est-à-dire pour recevoir immédiatement du Christ lui-même et transmettre aux autres ce qui concerne le salut; et c’est ainsi que l’Eglise est en quelque sorte fondée sur eux, selon ce passage de l’Apocalypse: "La muraille de la ville avait douze fondements, et sur ses fondements étaient les douze noms des apôtres de l’Agneau 5"; et c’est pourquoi il est dit dans la première épître aux Çorin thiens: "Dieu a établi dans l’Eglise, premièrement des apôtres 6." C’est aussi la raison pour laquelle Dieu leur a donné, de préférence aux autres <saints>, une grâce plus abondante.

679. — B. En deuxième lieu, <l’Apôtre> expose l’anxiété de l’attente, lorsqu’il dit: nous aussi nous gémissons en nous-mêmes. Ce gémissement désigne précisément l’affliction due au retard de ce qu’on attend avec un grand désir, selon ce passage des Proverbes: "L’espérance qui est différée afflige l’âme 7." Et selon ce verset d’un psaume: "J’ai peiné dans mon gémis sement 8" Or ce gémissement est plus inté rieur qu’extérieur, soit parce qu’il procède du sentiment intime du coeur, soit parce qu’il a pour objet les biens intérieurs. Aussi <l’Apôtre> dit-il expressément: en nous-mêmes. — "Mes gémissements sont nombreux."

1. Jn 14, 21.

2. Lieux parallèles Somme Théologique 3 Q. 7, a. 10; Q. 27, a. 5, sol. 1; 3 Sentences dist. 13, Q. 1, a. 2, q 2, sol. 2; Compend. theol, c. 214; Super Ioan. 1, 14, lect. 8 (éd. Marietti, n 189); 3, 34, lect. 6 (éd. Marietti, n° 544); lad Cor. 11, 3, lect. 1 (éd. Marietti, n°587); 12, 4, lect. 1 (éd. Marietti, n° 721).

3. Ep 4, 7.

4. Lieux parallèles Somme Théologique 3 Q. 35, a. 3; 3 Sentences dist. 3, Q. 2, a. 1; dist. 4, Q. 1, a. 1; 4 Contra Gentiles C. 34 et 35; Compend. theol, c. 222; Ad Gal. 4, 4, lect. 2 (éd. Marietti, n° 207).

5. Ap2l, 14.

6. 1 Co 12, 28.

7. Pr 13, 12a.

8. Ps 6, 7.

9. Lm 1, 22.



680. — C. En troisième lieu, <l’Apôtre> expose l’objet de l’attente, en disant: attendant l’adoption des fils de Dieu, c’est-à-dire l’accomplissement de cette adoption. Car cette adoption a été commencée par l’Esprit-Saint qui justifie l’âme, comme on l’a dit plus haut: "vous avez reçu l’esprit d’adoption des fils 1." Mais elle sera consommée par la glorification du corps lui-même. C’est ce qui faisait dire à l’Apôtre, plus haut: "nous nous glorifions dans l’espérance de la gloire des fils de Dieu 2." Et c’est bien ce qu’il ajoute <ici> la rédemption de notre corps, c’est-à-dire de même que notre âme a été rachetée du péché, notre corps sera racheté de la corruption et de la mort: "Je les rachèterai de la mort 3." Et: "Il réformera le corps de notre humilité 4."

681. — II. Lorsqu’il dit: 24 Car c’est en espérance, etc., <l’Apôtre> prouve ce qu’il avait dit par le raisonnement suivant l’espérance a pour objet des choses qui ne se voient pas actuellement, mais qui sont attendues dans l’avenir; or nous, nous avons été sauvés par l’espérance; donc nous attendons dans l’avenir l’achèvement du salut 5.

682. — A. L’Apôtre pose donc en premier lieu la mineure, en disant: Car nous les Apôtres et les autres fidèles, c’est en espérance que nous avons été sauvés, c’est-à-dire parce que nous avons l’espérance de notre salut: "Il nous a régénérés pour une vive espérance 6." Et: "Espérez en lui, vous tous l’assemblée de son peuple 7."

683. — B. En deuxième lieu, <l’Apô tre> pose la majeure, en disant: Or l’espérance, c’est-à-dire la chose espérée, qui se voit, comme possédée actuellement, n'est pas l’espérance, c’est-à-dire n’est pas la chose espérée, mais possédée. Or l’espé rance est l’attente de l’avenir: "Attends-moi, dit le Seigneur, au jour de ma résurrection à venir 8."

684. — C. En troisième lieu 9, <l’Apôtre> prouve la majeure, en disant: car ce que l’on voit l’espère-t-on? Comme s’il disait: L’espérance suppose un mouvement de l’âme qui tend vers une chose qu’elle n’a pas. Mais lorsqu’on est déjà en possession de la chose, il n’est plus nécessaire de tendre vers elle. Il faut remarquer que, l’espérance tirant en quelque sorte son origine de la foi, <l’Apôtre> lui attribue comme objet ce qui appartient à la foi, à savoir l’existence des réalités qu’on ne voit pas, selon ce verset de l’épître aux Hébreux: "La foi est la substance des réalités qu’on doit espérer, la preuve des réalités qu’on ne voit pas 10."

685. — D. 11 En quatrième lieu, <l’Apôtre> déduit sa conclusion, en disant: 25 Mais si ce que nous ne voyons pas, nous l’espérons, il s’ensuit que nous l’attendons par la patience. Il faut remarquer ici que la patience, à proprement parler, suppose qu’on endure les tribulations avec une certaine égalité d’âme: "Soyez patients dans la tribulation 12." Mais parce que le délai du bien possède en quelque manière le caractère d’un mal, il s’ensuit que l’attente prolongée des biens absents, <supportée> avec tranquillité d’âme, est attribuée à la patience, bien qu’elle relève

1. Rm 8, 15.

2. Rm 5, 2.

3. Os 13, 14.

4. Ph 3, 21.

5. Même remarque que précédemment (voir n° 634): saint Thomas énonce le syllogisme selon l’ordre classique des prémisses, d’abord la majeure, ensuite la mineure, alors que saint Paul l’inverse, pour des raisons identiques qui tiennent û la visée " exis tentielle " et proprement spirituelle de son enseignement. Ce qui compte d’abord, ce n’est pas l’énoncé d’un caractère général de l’espérance (qu’exprime la majeure), mais nous-mêmes qui espérons notre salut (ce qu’exprime la mineure). On pourrait se demander s’il n’y a pas là une loi de l’argumentation parénétique.
6. 1 P 1, 3.

7. Ps 61, 9.

8. So 3, 8a.

9. Lieux parallèles Somme Théologique 1a-2ae Q. 52, a. 4; Q. 67, a. 4, 5; Q. 2, a. 5, q." l, 2; dist. 31, Q. 2, a. 1, q 2, 3, De virtut., Q. 2, a. 3, sol. 15.

10. He 11, 1.

11. Lieux parallèles Somme Théologique 1a-2ae, Q. 40, a. 2, sol. 1; Q. 70, a. 3; 2 Q. 136, a. 5 AdHebr. 10, 37, lect. 4 (éd. Marietti, n° 547). l2. Rm 12, 12.



principalement de la longanimité 1, selon ce que dit Jacques: Soyez donc patients, mes frères, jusqu’à l’avènement du Seigneur 2." La patience est prise selon l’un et l’autre sens, parce que les Apôtres attendaient la gloire avec égalité d’âme, et malgré le délai et malgré la tribulation.

686. Lorsque <l’Apôtre> dit: 26 De même aussi, etc., il montre comment nous sommes aidés par l’Esprit-Saint au milieu des faiblesses de la vie présente [n° 628].

Et:

D’abord, quant à l’accomplissement des désirs.

Puis, quant à la direction des événements extérieurs [n° 695]: 28 "Or nous savons, etc."

Sur le premier point il fait deux choses

1) Il expose son intention.

2) Il explique sa proposition [n° 688] Car nous ne savons pas prier, etc.

687. 1. <L’Apôtre> a commencé par dire: Nos corps mortels seront vivifiés par l’Esprit-Saint lorsque nous serons libérés de notre faiblesse. De même aussi, et dans la condition de cette vie où nous sommes encore soumis à la faiblesse, l’Esprit vient en aide à notre faiblesse, bien qu’il ne l’enlève pas totalement: "Un esprit donc me souleva et m’emporta; et je m’en allai plein d’amertume dans l’indignation de mon esprit", comme si la faiblesse n’eût pas totalement cessé, car "la main du Seigneur était avec moi, me fortifiant." C’est en cela que l’Esprit m’a enlevé: "L’esprit est prompt, mais la chair est faible 4."

688. 2. Lorsque <l’Apôtre> dit: Car nous ne savons pas prier comme il faut, etc., il explique ce qu’il avait dit. Et

a) Il montre d’abord la nécessité du secours de l’Esprit, ce qui regarde la faiblesse de la vie présente.

b) Puis, il montre le mode de ce secours [n° 692]: mais l’Esprit lui-même, etc.

c) Enfin, il montre son efficacité [n° 694]: 27 Et celui qui scrute, etc.

689. a. Je dis à juste titre que l’Esprit vient en aide à notre faiblesse, car cette faiblesse nous l’éprouvons en ce que nous ne savons pas prier comme il faut. — "<Pourquoi la lumière et la vie sont-elles données> à l’homme dont la voie est cachée et que Dieu entoure de ténèbres 5 ?"

690. Remarquez que l’Apôtre dit que nous ignorons deux choses: ce que nous demandons en priant, et comment il faut le demander [n° 691]; mais, semble-t-il, ni l’une ni l’autre ne sont vraies. Car d’abord nous savons ce qu’il faut demander en priant, puisque le Seigneur nous l’a enseigné: "Que ton Nom soit sanctifié 6", etc.

Il faut répondre que nous pouvons précisément savoir en général ce qu’il convient de demander en priant, mais non en particulier.

Premièrement, parce que si nous désirons faire quelque acte de vertu, ce qui est accomplir la volonté de Dieu sur la terre comme au ciel, il peut arriver que cet acte de vertu ne soit pas convenable pour telle ou telle personne. Par exemple, à celui qui peut progresser utilement dans l’action, le repos de la contemplation ne convient pas, et réciproquement, comme le dit Grégoire dans ses Morales 7 sur cette parole de Job:

1. Lieux parallèles: Somme Théologique 1a-2ae Q. 70, a. 3; Ad GaL 5, 22, lect. 6 (éd. Marietti, n° 331).

2. Jc 5, 7a.

3. Ez 3, 14.

4. Mt 26, 41.

5. Jb 3, 23.

6. Mt 6, 9.

7. Voir SAINT GRÉGOIRE LE GRAND, Moralium seu Expositio in librsim Job VI, X (CCL 143, 327-328).



"Tu entreras dans l’abondance au sépulcre 1." Et d’où ces paroles des Proverbes: "Il est une voie qui paraît droite à l’homme; mais ses issues conduisent à la mort 2."

Deuxièmement, on peut désirer un bien temporel pour sustenter sa vie: c’est demander son pain quotidien; ce bien, cependant, peut devenir un péril de mort. Beaucoup, en effet, ont péri à cause de leurs richesses "Il est aussi un mal très grave que j’ai vu sous le soleil: des richesses conservées pour le malheur de leur maître 3."

Troisièmement, on peut désirer d’être libéré de la peine de la tentation, laquelle est pourtant <utile> pour garder l’humilité. Par exemple Paul demanda qu’on écarte de lui l’aiguillon, qui cependant lui avait été donné "de peur que la grandeur des révélations ne l’élève 4" comme il le dit dans la seconde épître aux Corinthiens.

691. De même il semble aussi que nous sachions comment il nous faut prier, selon ce passage de Jacques: "Qu’il demande avec foi, sans hésitation 5."

Il faut répondre à cela que nous pouvons le savoir en général, mais qu’en particulier nous ne pouvons pas toujours <le> discerner par le sentiment de notre coeur, par exemple si nous demandons quelque chose par un mouvement de colère ou par zèle de la justice. C’est ainsi que la demande des fils de Zébédée 6 fut rejetée, parce que, bien qu’ils parussent demander la participation de la gloire divine, leur demande procédait cependant de quelque sentiment de vaine gloire ou d’orgueil.

692. b. <L’Apôtre> expose ensuite la manière d’aider de l’Esprit-Saint, en disant: l’Esprit lui-même demande pour nous avec des gémissements inénarrables. Il semble que ce passage appuie l’erreur d’Anus et de Macédonius 8, qui ont prétendu que l’Esprit-Saint était une créature et qu’il était inférieur au Père et au Fils; en effet, il appartient à l’inférieur de demander. Mais si par ces mots "l’Esprit demande", nous comprenons qu’il est une créature passible et inférieure au Père, il s’ensuit de même que par les mots <qui suivent> "avec des gémissements", nous comprenons qu’il est une créature passible et privée de béatitude, ce que jamais un hérétique n’a prétendu. Car le gémissement procède de la douleur qui se rapporte à la misère. Il faut donc expliquer il demande, par: il nous fait demander, dans le sens de ces mots de la Genèse: "Je sais maintenant que tu crains Dieu 9", c’est-à-dire j’ai fait connaître 10.

693. L’Esprit-Saint nous fait demander, en tant qu’il cause en nous de justes désirs. Car la demande est une sorte d’explici tation des désirs. Or les justes désirs proviennent de l’amour de charité que <l’Esprit-Saint> produit en nous "la charité <de Dieu> a été répandue dans nos coeurs par l’Esprit-Saint qui nous a été

1. Jb 5, 26.

2. Pr 14, 12.

3. EccI (Qo) 5, 12.

4. 2 Corinthiens 12, 7.

5. Jc 1, 6.

6. Voir Mt 20, 20.

7. Pour Anus, voir au chap. 1; leçon 2, n° 32, n. 10, p. 74). Voir SAINT AUGUSTIN, De haeresibus XUX (CCL 46, 320-321).

8. Macédonius (t 362), évêque intrus de Constantinople de 342 à 346, puis de 351 à 360, fut le chef de la secte semi-arlenne qui se déclara contre la divinité du Saint-Esprit, d’où son nom de pneu matomaques (adversaires de l’Esprit) ou de macédoniens (du nom de Macédonius). — Voir SAINT AUGU5TIN, De haeresibus LII (CCL 46, 322-323). —Lieux parallèles:4 Contra Gentiles c. 16 et 18; De potent., Q. 9, a. 9; Q. 10, a. 2; Super Ioan. 3, 8a, lect. 2 (éd. Marietti, n° 452); 16, 7, lect. 2 (éd. Marietti, n° 2089); I ad Cor. 12, 11, lect. 2 (éd. Marietti, n° 730).

9. Gn 22, 12.

10. De même que la formule " l’Esprit demande avec des gémis sements inénarrables " pourrait laisser croire que cet Esprit est une créature, de même la formule "Je sais maintenant", mise dans la bouche de Dieu, pourrait signifier: "je viens d’apprendre que", comme si Dieu l’ignorait auparavant ce qui est impossible. Et de même que l’Esprit nous fait prier, de même l’épreuve du sacrifice d’Isaac à laquelle Dieu a soumis Abraham a fait connaître, non à Dieu mais à Abraham lui-même et aux autres hommes, qu’il crai gnait véritablement Dieu.



Donné 1." Or lorsque l’Esprit-Saint dirige et stimule notre coeur, nos désirs ne peuvent que nous être utiles: "Moi le Seigneur ton Dieu, je t’enseigne des choses utiles 2" Et c’est pourquoi <l’Apôtre> ajoute: pour nous. Or le délai de ce que nous désirons vivement et que nous demandons ardemment, nous le souffrons avec douleur et gémissements. Et c’est pourquoi il ajoute: avec des gémissements, à savoir ceux que <l’Esprit-Saint> cause dans notre coeur, c’est-à-dire en tant qu’il nous fait désirer les réalités célestes qui sont différées pour notre âme. C’est ce gémissement de la colombe 3 que l’Esprit-Saint produit en nous 4: "Ses servantes étaient emmenées gémissant comme des colombes." Et il dit: inénarrables, soit parce qu’ils ont pour objet un bien inénarrable, à savoir la gloire céleste: "Il entendit des paroles mysté rieuses qu’il n’est pas permis à un homme de dire 6"; soit parce que les sentiments mêmes du coeur, en tant qu’ils procèdent de l’Esprit-Saint, ne peuvent être suffi samment expliqués: "Qui expliquera la conduite des cieux 7 ?"

694. c. <L’Apôtre> montre l’efficacité du secours par lequel l’Esprit-Saint nous aide, en disant: 27 Et celui qui scrute les coeurs, etc., c’est-à-dire Dieu à qui il appartient de scruter les coeurs: "O Dieu scrutant les coeurs et les reins 8" On dit de Dieu qu’il scrute les coeurs, non parce qu’il cherche à connaître les secrets du coeur, mais parce qu’il connaît manifestement ce qui est caché dans le coeur 9: "Je scruterai Jérusalem avec des lampes 10." Dieu, dis-je, en scrutant les coeurs, sait, c’est-à-dire approuve (selon ce que <l’Apôtre> écrit dans sa seconde lettre à Timothée: "Le Seigneur connaît ceux qui sont à lui 11") ce que désire l’Esprit, c’est-à-dire ce qu’il nous fait désirer: "Seigneur, devant toi est tout mon désir 12" La raison pour laquelle les désirs que l’Esprit-Saint suscite chez les saints sont agréables à Dieu, c’est qu’il demande pour les saints, c’est-à-dire les fait demander, selon Dieu, c’est-à-dire ce qui convient au bon plaisir divin: "Le désir des justes est toute espèce de bien 13" Le Seigneur <nous en donnait> l’exemple <quand> il disait à son Père: "Non pas comme je veux, mais comme tu veux 14."

1. Rm 5, 5.

2. Is 48, 17.

3. Lieu parallèle Super Ioan. 1, 32, Iect. 14 (éd. Marietti, n° 272).

4. Il n’est peut-ètre pas interdit de trouver ici comme un écho discret du très haut degré de contemplation auquel saint Thomas était parvenu. Il semble, ainsi que le suggère le paragraphe suivant, que le théologien nous laisse apercevoir un peu du secret de son coeur mystique.

5. Na 2, 7.

6. 2 Corinthiens 12, 4.

7. Jb 38, 37.

8. Ps 7, 10. — Lieu parallèle Super Psalmos, in Ps. 7, 10.

9. voir Glosa in Rom. VIII, 27 (GPL, col. 1448 B).

10. So 1, 12.

11. 2 Tm2, 19.

12. Ps 37, 10.

13. Pr 11, 23.

14. Mt 26, 39.


Leçon 6 [versets 28 à 32]

40
075 (
Rm 8,28-32)


[n° 695] 28 Or nous savons que tout coopère au bien pour ceux qui aiment Dieu, pour ceux qui, selon son propos, sont appelés saints.

[n° 7011 29 Car ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi prédestinés à être conformes à l’image de son Fils, pour qu’il soit le premier-né d’une multitude de frères.

[n° 707] ° Et ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés; et ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés; et ceux qu’il a justifiés, il les a aussi glorifiés.

[n° 710] Que dirons-nous donc à l’égard de ces choses ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous?

[n° 712] 32 Lui qui n’a pas épargné même son propre Fils, mais l’a livré pour nous tous, comment ne nous donnerait-il pas aussi toutes choses avec lui?

695. Plus haut, l’Apôtre a montré que l’Esprit-Saint nous aide au milieu des faiblesses de la vie présente à obtenir l’objet de nos désirs [n° 686], ici il montre comment il nous aide dans les événements extérieurs, en les dirigeant pour notre bien.

Et:

Il commence par exposer son intention.

Puis il prouve sa proposition [n° 701]: 29 Car ceux qu’il a connus d’avance, etc.

Enfm, à partir de ce qu’il a dit, il tire une conclusion [n° 721]: "Qui donc nous séparera, etc."

696. I. Sur le premier point 1, il faut en l’occurrence considérer deux choses [n° 699]

A. Premièrement, la grandeur du bienfait qui est conféré par l’Esprit-Saint, à savoir que pour nous tout coopère au bien. Pour rendre cela évident, il faut consi dérer que tout ce qui se fait dans le monde, même le mal, tourne au bien de tout, parce que, comme Augustin le dit dans l’Enchi ridion, "Dieu est tellement bon, qu’il ne permettrait aucun mal, s’il n’était assez puissant pour tirer du bien de quelque mal que ce soit." Mais le mal ne tourne pas toujours au bien de celui en qui il se trouve; par exemple la corruption d’un animal tourne au bien de tout, en ce que la corruption de l’un sert à la génération de l’autre, sans cependant tourner au bien de celui qui se corrompt. Car le bien de tout est voulu par Dieu en lui-même, et chacune de ses parties lui est ordonnée.

697. La même raison 3 semble déter miner l’ordre des plus nobles parties aux autres, parce que le mal de ces dernières est ordonné au bien des plus nobles. Mais tout ce qui se fait à l’égard des parties les plus nobles n’est ordonné qu’à leur bien, parce que c’est pour elles-mêmes qu’on en prend soin, et pour elles encore qu’on prend soin des autres. Par exemple, le médecin tolère la faiblesse du pied, afin de guérir la tête. Or, entre toutes les parties du tout, les saints de Dieu tiennent le premier rang, et à chacun d’eux appartient ce qui est dit dans <l’évangile de> Matthieu: "Il l’établira sur tous ses biens." C’est la raison pour laquelle tout ce qui arrive, soit à leur égard, soit à l’égard d’autres choses, tourne en tout à leur bien. Ainsi se vérifie ce qui est dit dans les Proverbes: "Celui qui est insensé servira le sage 2", à savoir parce que même le mal des pécheurs tourne au bien des justes. Ce qui fait dire que Dieu a un soin particulier des justes, selon ce verset d’un psaume "Les yeux du Seigneur sont sur les justes 3", c’est-à-dire en tant qu’il prend soin d’eux, de telle sorte qu’avec sa permission le mal qui leur arrive ne tourne qu’à leur bien. Et cela est manifeste quant au mal de la peine dont ils souffrent, aussi est-il dit dans la Glose qu’"en eux l’infirmité sert d’exercice à l’humilité, l’affliction à la patience, la contradiction à la sagesse, la haine à la bienveillance 5." Ce qui fait dire à Pierre: "Si même vous souffrez pour la justice, bienheureux serez-vous 6."

698. Cependant les péchés coopéreraient-ils aussi à leur bien? Certains disent que les péchés ne sont pas contenus dans ce mot "tout", parce que, selon Augustin, "le péché n’est rien et les hommes sont réduits à rien lorsqu’ils pèchent 7."

En sens contraire, la Glose continue <en disant:>: "A l’égard de ces <justes> Dieu fait tellement coopérer toutes choses au bien que, si quelques-uns d’entre eux s’égarent et sortent de la voie, il fait servir même leur déviance à leur bien 8." Ce qui fait dire aussi <au psalmiste>: "Lorsque <le juste> tombera, il ne sera point brisé, parce que le Seigneur met sa main sous <lui> 9."

Mais suivant cela, il semble que ceux qui sont tels se relèvent avec une charité plus grande, puisque le bien de l’homme consiste dans la charité, dont l’Apôtre dit que si on ne l’a pas on est tenu pour rien "Si je n’ai point la charité, je ne suis rien 10."

Il faut répondre que le bien de l’homme ne consiste pas seulement dans l’étendue de la charité, mais principalement dans sa persévérance jusqu’à la mort, selon cette parole de Matthieu." Celui qui persévé rera jusqu’à la fin, celui-là sera sauvé 11." Or quand le juste tombe, il se relève et plus prudent et plus humble; aussi la Glose, après avoir dit que les chutes elles-mêmes font progresser les justes dans le bien, ajoute qu’" ils en reviennent plus humbles et plus instruits 12." Car ils apprennent à devoir se réjouir avec tremblement, sans s’arroger l’assurance de persévérer en s’appuyant sur leur propre vertu.

1. Mt 24, 47.

2. Pr 11, 29.

3. Ps 33, 16.

4. Lieux parallèles Somme Théologique 1a Q. 87, a. 7; 2ae-2 Q. 108, a. 4; 3a, Q. 14, a. 1, sol. 3; 2 Sentences dist. 30, Q. 1, a. 2; dist. 36, a. 4, 4 Sentences dist. 15, Q. 1, a. 4, Q. 2, sol. 3; dist. 46, Q. 1, a. 2, Q. 3; 3 Contra Gentiles c. 141; De malo, Q. 1, a. 4; Q. 5, a. 4; Super Ioan. 9, 3, lect. 1 (éd. Marietti, n° 1301).

5. Glosa in Rom. VIII, 28 (GPL, col. 1448 C).
6. 1 P 3, 14.

7. S In Ev. Ioan I, 13 (BA 71, 152-155); Enarr. in Ps., in Ps. 123, 5 (CCL 40, 1828-1829).

8. Glosa in Rom. VIII, 28 (GPL, col. 1448 D).

9. Ps 36, 24.

10. 1 Co 13, 2.

11. Mt24, 13.

12. Glosa in Rom. VIII, 28 (GPL, col. 1448 D).



699. — B. Deuxièmement, il faut considérer à qui est appliqué ce bienfait <de l’Esprit-Saint>.

1. Sur ce point, remarquez premièrement que <l’Apôtre exige> quelque chose du côté de l’homme, lorsqu’il dit: pour ceux qui aiment Dieu. En effet, l’amour de Dieu est <répandu> en nous par l’inha bitation de l’Esprit-Saint, comme on l’a dit plus haut [n° 605]. Or c’est l’Esprit-Saint lui-même qui nous dirige "dans une voie droite", comme le dit le psalmiste 1. Et d’où ces paroles de Pierre: "Qui est-ce qui vous nuira, si vous avez le zèle du bien ?" Et encore dans ce psaume: "Une paix abondante est pour ceux qui aiment ta Loi, et il n’y a pas pour eux de scandale 3." Et cela est tout à fait raisonnable, parce que, selon cette parole: "Moi, j’aime ceux qui m’aiment 4", aimer c’est vouloir du bien à celui que l’on aime 5; or pour Dieu vouloir c’est faire, car "tout ce qu’il a voulu, le Seigneur l’a fait 6" dit le psalmiste. Voilà pourquoi Dieu tourne tout au bien pour ceux qui l’aiment.

700. — 2. Deuxièmement, remarquez du côté de Dieu ce qu’il fait 7. Il a d’abord prédestiné ses fidèles de toute éternité ensuite il les appelle dans le temps; enfin il les sanctifie. <L’Apôtre> mentionne ces trois actions, lorsqu’il dit: pour ceux qui, selon son propos, sont appelés saints, c’est-à-dire pour ceux qui ont été prédestinés, appelés et sanctifiés; de sorte que le mot "propos)> se rapporte à la prédestination, laquelle, selon Augustin, est le propos de faire miséricorde 8: "Ayant été prédestinés selon le propos de Celui qui fait toutes choses suivant le conseil de sa volonté 9."

Le mot "appelés" se rapporte à la vocation: "<Qui> l’a appelé pour le suivre 10?" Le mot "saints" se rapporte à la sanctifi cation, selon ce passage du Lévitique: "Moi je suis le Seigneur qui sanctifie 11." Or l’Apôtre ajoute qu’il sait cela en parlant au nom des saints: nous savons, etc. — "La sagesse a donné <au juste>" la science des saints 12. Cette science procède soit de l’expérience, soit de la considération de l’efficacité de la charité: "L’amour est fort comme la mort 13 s>, soit même de la prédes tination éternelle: "Toute ma volonté s’accomplira et tout mon conseil s’exécutera 14"

701. — II. Lorsqu’il dit: 29 Car ceux qu’il a connus d’avance, etc., <l’Apôtre> prouve ce qu’il avait dit par le raison nement suivant: nul ne peut nuire à ceux que Dieu fait progresser; or Dieu fait progresser les prédestinés qui l’aiment donc rien ne peut leur nuire, mais tout tourne à leur bien.

A) <L’Apôtre> prouve donc d’abord la mineure, à savoir que Dieu fait progresser <les prédestinés>.

B) Puis, la majeure, à savoir que pour ceux qui progressent par Dieu rien ne peut être nuisible [n° 710]: 31 Que dirons-nous donc, etc.

A. Sur le premier point <l’Apôtre> fait deux choses:

1) Il indique d’abord ce qui est préparé de toute éternité pour faire progresser les saints.

2) Puis, ce qui leur est accordé dans le temps [n° 707]: 30 Et ceux qu’il a prédestinés, etc.

1. Ps 26, 11.
2. 1 P 3, 13.

3. Ps 118, 165.

4. Pr8, 17.

5. Voir au chap. 1; leçon 4, n° 67.

6. Ps 134, 6.

7. Lieux parallèles S’Ils. Ia, Q. 23, a. 1; I Sentences dist. 40, Q. 1, a. 2; 3 Contra Gentiles ç. 163; De veritate, Q. 6, a. 1; Ad Rom. 1, 4, lect. 3 (éd. Marietti, n° 46-48).

8. SAINT AuGUSTIN, Sur la prédestination des saints III, 7 (BA 24, 478-485); VI, 11 (RA 24, 496-501); XVII, 34 (BA 24, 568-573).

9. Ep 1, 11.

10. Is 41, 2.

1l. Lv21, 8.

12. Sg 10, 10.

13. Ct 8, 6.

14. Is 46, 10. Citation non littérale.



702. — 1. Sur ce qui est préparé 1 de toute éternité pour faire progresser les saints, <l’Apôtre> expose deux choses: la prescience et la prédestination Car ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi prédestinés.

Certains 2 prétendent que la prédestination est prise ici pour la préparation, qui se fait dans le temps, c’est-à-dire celle par laquelle Dieu prépare les saints à la grâce; ils parlent ainsi pour distinguer la pres cience de la prédestination. Toutefois si l’on considère cela de près, ils sont tous les deux éternels, mais diffèrent rationnellement. Car, comme on l’a dit plus haut [n° 43s], à propos de ces mots: Qui a été prédestiné, la prédestination suppose une préordination dans la disposition de ce qu’on doit accomplir. Or Dieu a prédestiné de toute éternité les bienfaits qu’il devait donner à ses saints. La prédestination est donc éternelle. Elle diffère de la pres cience rationnellement, parce que la pres cience suppose seulement la connaissance des choses futures, tandis que la prédesti nation suppose une sorte de causalité par rapport à ces choses futures. Voilà pourquoi Dieu a la prescience même des péchés, mais sa prédestination a pour objet les biens du salut. D’où ces paroles de l’Apôtre aux Ephésiens: "<Dieu> nous a prédestinés pour lui à l’adoption de ses fils par Jésus-Christ, selon le propos de sa volonté, pour la louange de la gloire de sa grâce dont il nous a gratifiés par son Fils bien-aimé 3."

703. — Sur l’ordre de la prédestination 4 et de la prescience certains <auteurs> disent que la prescience des mérites des bons et des méchants est la raison de la prédestination et de la réprobation, laissant entendre que Dieu prédestine quelques hommes, parce qu’il sait d’avance qu’ils feront le bien et qu’ils croiront dans le Christ. Et c’est dans ce sens qu’on explique ainsi le texte: ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi prédestinés à être conformes à l’image de son Fils. On dirait de cette explication qu’elle est raisonnable si la prédestination regardait seulement la vie éternelle, qui est donnée par les mérites; mais elle comprend tout bienfait dans l’ordre du salut, divinement préparé pour l’homme de toute éternité; c’est pourquoi, pour la même raison, tous les bienfaits que <Dieu> nous accorde dans le temps, il les a préparés de toute éternité. Donc avancer qu’un quelconque mérite de notre part est présupposé, et que sa pres cience est la raison de la prédestination, cela revient à avancer que la grâce est donnée d’après nos mérites; que le principe des bonnes oeuvres vient de nous et leur achèvement de Dieu. Il est donc plus convenable d’entendre le texte ainsi ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi prédestinés à être conformes à l’image de son Fils, en sorte que cette conformité ne soit pas la raison de la prédestination, mais son terme ou son effet. Car l’Apôtre dit aux Ephésiens: "Il nous a prédestinés à l’adoption des fils 6" de Dieu.

1. Lieux parallèles Somme Théologique Ia, Q. 23, a. 3; 1 Sentences dist. 35 (début de l’expos. Iitt. ); dist. 40, Q. 1, a. 2; 3 Contra Gentiles C. 163; De veritate, Q. 6, a. 1.

2. Voir Glosa in Rom. VIII, 29 (GPL, col. 1449 C).

3. Ep 1, 5."

4. Lieux parallèles Somme Théologique Ia, Q. 23, a. 5 et 6; 1 Sentences dist. 40, a. 3; dist. 4l, a. 3; 3Contra Gentiles c. 163; Deveritate Q De quodlibet 11, Q. 3; 12, Q. 3, a. 1; Super Ioan. 15, 16, lect. 3 (éd. Marietti, n° 2020." ); Ad Rom. 1, 4, Iect. 3 (éd. Marietti, n° 46." ) 9, 15, lect. 3 (éd. Marietti, n° 772); Ad Ephes. 1, 5, lect. 1 (éd. Marietti, n° 9." ); 1, 11, lect. 4 (éd. Marietti, n° 34).

5. Voir PIERRE LOMBARD, Sententzae, lib. I, dist. XLI, c. 2 (éd. I. Brady, t. I, p. 289-292).

6. Ep 1, 5.



704. En effet, l’adoption des fils n’est pas autre chose que cette conformité. Car celui qui est adopté comme fils de Dieu est conformé à son véritable Fils a. D’abord par le droit de participer à l’héritage, comme on l’a dit plus haut: "Fils, donc héritiers; et même héritiers de Dieu, et cohéritiers du Christ 1."

b. Ensuite par la participation à sa splendeur, car il est engendré du Père comme "splendeur de sa gloire 2." Aussi, en illuminant les saints de la lumière de la sagesse et de la grâce, il les fait devenir conformes à lui-même. D’où ces paroles du psalmiste "Dans les splendeurs des saints, avant l’étoile du matin, de mon sein je t’ai engendré 3", c’est-à-dire en répandant toute la splendeur des saints.

705. — Quant à ces paroles 4 <de l’Apôtre>: conformes à l’image de son Fils, elles peuvent se comprendre de deux manières. D’abord, en considérant cette phrase comme une construction "appositive 5": conformes à l’image de son Fils, lequel est l’image: "Il est l’image du Dieu invisible 6" Ensuite, en considérant cette phrase comme une construction tran sitive; le sens est alors le suivant Il nous a prédestinés à être conformes à son Fils, c’est-à-dire pour que nous portions son image: "Comme nous avons porté l’image du terrestre, portons aussi l’image du céleste 7." D’autre part <l’Apôtre> dit ceux qu’il a connus d’avance, il les a aussi prédestinés, non point parce qu’il prédestine tous ceux qu’il a connus d’avance 8 mais parce qu’il ne pouvait les prédestiner sans

1. Rm 8, 17.

2. He 1, 3.

3. Ps 109, 3.

4. Lieux parallèles: Somme Théologique Ia, Q. 41, a. 3; 3a, Q. 3, a. 5, sol. 2; Q. 24, a. 2, sol. 3; a. 3 et 4; 3 Sentences dise. 10, Q. 3; Ad Rom. 1, 4, lect. 3 (éd. Marietti, n°48); Ad Gal. 4, 6, lect. 3 (éd. Marietti, n° 212).

5. Une construction "appositive" est une construction dans laquelle "image" est mis en apposition à "Fils", autrement dit "conformes à cette image de Dieu qu’est Jésus-Christ son Fils. *

6. Col 1, 15.

7. 1 Co 15, 49.

8. Saint Thomas veut dire ici que parmi tous les hommes que Dieu connaît à l’avance, certains ne sont pas prédestinés â devenir conformes à l’image de son Fils. Mais qu’entend-il par prédesti nation" ? " La prédestination, écrit-il, est une pare de la providence * (1 Sentences dise. 40, Q. 1, a. 1; 5. Th. Ia, Q. 23, a. 1; Ad Rom. 8, 29, lece. 6, n° 702). La providence oriente toutes choses vers leur fin. La prédestination est une préordination infaillible au salue; elle concerne les êtres spirituels élus, les bienfaits salutaires nécessaires pour la réalisation du salut (De veritate, Q. 6, a. 1 et 2, éd. Léonine, 1970, c. XXII, vol. I, fasc. 2, p. 173-183; 1 Sentences dise. 41, Q. 1, a. 2; Somme Théologique Ia, Q. 23, a. 1; De quodlibet 11, Q. 3, éd. Léonine, 1996, t. XXV, vol. I, p. 155a, I. 23-25; Ad Rom. 8, 29, lece. 6, éd. Marietti, n° 702), l’ordre selon lequel ces bienfaits sont réalisés dans le temps (Ad Rom. 8, 29, lece. 6; éd. Marietti, n° 703); et l’ordre du sslut lui-même (Somme Théologique 3a, Q. 24, a. 4). La prédestination est éter nelle (Somme Théologique 3a, Q. 24, a. 2, etc. ; 3 Contra Gentiles c. 163; 1 Sentences dise. 44, Q. 1, a. 4 sol. 4; Ad Rom. 8, 29, lect. 6; éd. Marietti, n° 702). Comme ordonnance à la fin, la prédestination suppose d’une part la prescience, mais "elle en diffère selon la raison, parce que la prescience suppose seulement la connaissance des choses futures, tandis que la prédestination suppose une sorte de causalité par rapport à ces choses futures. Voilà pourquoi Dieu a la prescience même des péchés, mais sa prédestination " pour objet les biens du salut * (Ad Rom. 8, 29, lect. 6; éd. Marietti, n° 702); d’autre part la prédestination suppose la volonté absolue de sauver. Elle s’appuie donc sur la bonté de Dieu (S. Th Ia, Q. 23, a. 5, sol. 3) qui " veut que tous les hommes soient sauvés) (1 Tm 2, 4), et qui * (nous) " prédestinés à devenir conformes à l’image de son Fils" (1?. rn 8, 29); aussi la prédestination ne peut-elle se comprendre qu’à la lumière de l’amour (dilectio) gratuit et infini de Dieu, amour antérieur à tout, en particulier à l’élection (electio) (voir Ad Rom. 9, 13, lece. 2; éd. Marietti, n°763; De veritate, Q. 6, a. 1, éd. Léonine, 1970, c. XXII, vol. I, fasc. 2, p. l76a, I. 220-221), auquel te rapporte et dont dépend tout ce qui existe ainsi que tout ce qui peut se concevoir dans l’ordre du bien. Elle est toujours prise dans <le sens du> bien (in bonum ponitur), parce qu’elle a un double effet l’obtention de la fin, qui est la glorification, et le don d’un secours en vue de l’obtention de cette fin, qui est l’apport de la grâce, ce qui regarde la vocation (Rm 8, 28); et Dieu ordonne à l’une comme à l’autre" (voir Super Ioan. 17, 12, lect. 3; éd. Marietti, n° 2218; De veritate, Q. 6, a. 1 e., éd. Léonine, 1970, t. XXII, vol. I, fasc. 2, p. 176, I. 222-227). On notera que si l’Écriture ne mentionne pas le subs tantif • prédestination", es que si elle n’utilise en outre le verbe prédestiner (praedestinare, destiner à l’avance") que six fois seulement et dans le sens du bien (voir Rm 1, 4; 8, 29; 8, 30; 1 Co 2, 7; Ep I, 5; 1, 11), elle comprend cependant d’autres expressions qui semblent parler d’une prédestination dans le sens du mal. Ainsi par exemple, ce verset de saint Jean (17, 12):" J’ai veillé sur eux et aucun d’eux ne s’est perdu, sauf le fils de perdition, pour que l’Écriture s’accomplisse. * Saint Thomas le commente de la manière suivante: "le fils de perdition, c’est-à-dire Judas, lequel est appelé fils de perdition, comme s’il (quasi) était objet de prescience (praescieus) et préordonné à la perdition perpétuelle. Ainsi certains hommes ayant été voués à la mort sont-ils appelés fils de mort "Vous êtes des fils de mort, vous qui n’avez pas gardé votre Seigneur, le Christ du Seigneur" (1 R 26, 16); <Ou encore> "Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous parcourez la mer et la terre pour faire un prosélyte; et quand il est fait, vous faites de lui un fils de mort <de la géhenne> deux fois plus que vous" (Mt 23, 15). On remarquera que la Glose interlinéaire (voir GOS, t. IV, p. 263b) lie: "fils de mort", c’est-à-dire "prédestiné à la perdition°; alors qu’il est rare de trouver <dans l’Écriture> la prédestination prise dans le sens du mal. C’est pourquoi elle est communément assimilée ici à la science ou à la <pré>ordinaeion <divines> * (Super Ioan. 17, 12, lece. 3; éd. Marieeti, n° 2218; voir aussi 6, 44a, lecs. 5; éd. Marietti, n° 937-938; 12, 32, lect. 5; éd. Marietti, n° 1674). Il est ici question de la réprobation divine. Elle aussi appartient à la provi dence, mais elle est relative à ceux qui s’écartent des biens que Dieu met à leur disposition en vue du salut éternel ou qui déchoient de cette fin. Dieu n’est pas la cause de leur réprobation, car ils ne sont pas obligés de se détourner de lui, et leur faute provient de leur libre arbitre. En revanche, Dieu est la cause de ce qu’il leur inflige dans l’avenir, c’est-à-dire de la peine éternelle (voir Somme Théologique Ia, Q. 23, a. 3). Cette peine, elle seule, est l’objet d’une <pré>ordination divine (voir Super Jean. 17, 12, Iect. 3; éd. Marietti, n° 2218), "et sous le point de vue de cette peine qui est préparée aux réprouvés, à savoir en tant que Dieu se propose de punir les méchants à cause des péchés qui viennent d’eux-mêmes et non de Dieu; tandis qu’il se propose de récompenser les justes pour des mérites qui ne sont point d’eux-mêmes "Ta perte vient de toi, Israël; c’est seulement en moi qu’est ton secours" (Os 13, 9), la prescience <divine> des péchés peut être un motif de réprobation" (Ad Rom. 9, 13, lect. 2; éd. Marietti, n° 764 in fine). Mis à part l’idée d’un choix numérique d’élus que saint Thomas (voir notamment Somme Théologique Ia, Q. 23, a. 7 1 Sentences dist. 40, Q. 3; De veritate, Q. 6, a. 3 et 4, éd. Léonine, 1970, t. XXII, vol. I, fasc. 2, p. l83a-l92a; Ad Rom. 9, 6-13, lect. 2; éd. Marietti, n° 748-764) reprend sans réserve à saint Augustin (voir De correptione et gratia XIII, 39, BA 24, 358-359), sa doctrine réalise une synthése de l’Ecnture et de la tradition, surtout augustinienne, avec la philosophie d’Aristote; elle présente un certain nombre d’éléments qui font encore partie du patrimoine actuel de la théo logie de la prédestination; ainsi en est-il de son idée de préordi— nation, de son analyse de la relation entre la prédestination et la prescience, de la relation entre l’infaillibilité de la prescience et la liberté humaine (voir en particulier la lettre de saint Thomas à son ami, Dom Bernard Ayglier, abbé du Mont-Cassin), de sa conception de l’infaillibilité de la prédestination, de son utilisation de la distinction, empruntée à saint Jean Damascène (Defide orthodoxa, II, 29; éd. E M. Buytaert, p. 160), entre volonté antécédante et volonté conséquente. Voir aussi au chap. 9, y. 13; leçon 5, n°763, n. 10, p. 348.



les connaître d’avance: "Avant de te former dans le sein, je t’ai connu 1."

706. — <L’Apôtre> 2 dit ensuite quelle est la conséquence de cette prédestination, en ajoutant: pour qu’il soit le premier-né d’une multitude de frères. Car de même que Dieu a voulu communiquer à d’autres sa bonté naturelle, en les faisant participer à la simi litude de sa bonté, en sorte que non seulement il soit bon, mais qu’il soit aussi l’auteur des bontés, de même le Fils de Dieu a voulu communiquer aux autres la conformité de sa filiation, pour être non seulement le Fils, mais encore le premier-né d’entre les fils. Ainsi celui qui par sa génération éternelle est le Fils unique, selon cette parole de Jean: "Le Fils unique qui est dans le sein du Père", est devenu selon la communication de la grâce le premier-né d’une multitude de frères. — "Lui qui est le premier-né des morts et le prince des rois de la terre 4." Le Christ nous a donc pour frères, soit parce qu’il nous a communiqué la similitude de sa filiation 5, comme on vient de le dire, soit parce qu’il a assumé la similitude de notre nature, selon ces paroles: "Il a dû être en tout semblable à ses frères 6"

707. 2. Lorsqu’il dit: 30 Et ceux qu’il a prédestinés, etc., <l’Apôtre> expose ce que les saints reçoivent de Dieu <dans le temps>.

Et il mentionne d’abord la vocation, lorsqu’il dit: ceux qu’il a prédestinés, il les a aussi appelés. Or sa prédestination ne peut demeurer sans effet, selon cette parole "Le Seigneur des armées a juré, disant Certainement, comme j’ai pensé, de même il en sera. Et comme j’ai arrêté dans mon esprit, ainsi il arrivera 7." Or la prédesti nation commence à s’accomplir par la vocation de l’homme, laquelle est double 8. L’une est extérieure et se fait par la bouche du prédicateur: "La sagesse a envoyé ses servantes pour appeler à la forteresse et aux murs de la cité 9." Dieu a appelé de cette manière Pierre et André, comme on le rapporte dans <l’évangile de> Matthieu: "<Or, marchant le long de la mer de Gaulée, Jésus vit deux frères, Simon qui est appelé Pierre, et André, son frère, qui jetaient leurs filets dans la mer (car ils étaient pêcheurs), et il leur dit "Suivez-moi et je vous ferai devenir pêcheurs d’hommes." Et eux aussitôt, quittant leurs filets, le suivirent> 10." L’autre vocation est intérieure, elle n’est

l. Jr 1, 5.

2. Lieu parallèle Super Ioan. 1, 14b, lect. 7 (éd. Marietti, n° 178).

3. Jn 1, 18.

4. Ap 1, 5.

5. On a là le fondement de la déification des justes en Jésus-Christ, ainsi que l’exposera magnifiquement en s’appuyant d’ailleurs sur saint Thomas — Mgr Louis Laneau, au xvii siècle (voir De la déification des justes).

6. He 2, 17.

7. Is 14, 24-25a.

8. Voir Glosa in Rom. VIII, 30 (GPL, col. 1450 C).

9. Pr 9, 3.

10. Mt 4, 18-20.



rien d’autre qu’un certain instinct 1 de l’esprit, par lequel le coeur de l’homme est mû par Dieu pour donner son assentiment à ce qui relève de la foi ou de la vertu: "Qui a suscité de l’Orient le juste et l’a appelé pour le suivre 2?" Et cette vocation est nécessaire, parce que notre coeur ne se tournerait pas vers Dieu si Dieu lui-même ne nous attirait à lui "Nul ne peut venir à moi si le Père qui m’a envoyé ne l’attire 3."

"Convertis-nous à toi, Seigneur, et nous serons convertis 4." Cette vocation est aussi efficace chez les prédestinés, parce qu’ils y donnent leur assentiment "Quiconque a entendu ce qui vient de mon Père et s’en instruit vient à moi 5.

708. En deuxième lieu 6, <l’Apôtre> mentionne la justification, lorsqu’il dit: ceux qu’il a appelés, il les a aussi justifiés, c’est-à-dire en répandant sur eux la grâce "étant justifiés gratuitement par sa grâce 7." Si cette justification est rendue inutile chez quelques-uns, parce qu’ils ne persévèrent pas jusqu’à la fin, elle n’est cependant pas rendue inutile chez les prédestinés.

709. En troisième lieu, <l’Apôtre> mentionne la glorification, lorsqu’il ajoute il les a aussi glorifiés. Et cela de deux manières: d’abord par le progrès de la vertu et de la grâce; puis par l’exaltation de la gloire: "En toutes choses, tu as glorifié ton peuple, Seigneur, et tu l’as honoré" <Paul> utilise le passé au lieu du futur, si l’on entend cette parole de la magnificence de la gloire, soit à cause de la certitude de cet avenir, soit parce que ce qui n’est que futur pour quelques-uns est réalisé pour d’autres.

710. — B. Lorsque <l’Apôtre> dit:

31 Que dirons-nous donc, etc., il prouve la majeure, à savoir que nul ne peut nuire à ceux que Dieu fait progresser.

Et il montre d’abord qu’ils ne peuvent souffrir de dommage par le mal de la peine.

Ensuite, par le mal de la coulpe [n° 715]: "Qui accusera les élus de Dieu?"

711. Le mal de la peine est de deux espèces: le premier consiste dans l’acte d’infliger des maux, le second dans l’acte de retirer des biens.

1. <L’Apôtre> montre d’abord que ceux que Dieu fait progresser ne souffrent pas de dommage de la part de celui qui s’efforce de les persécuter, et cela en disant: Que dirons-nous donc, etc. Comme s’il disait: Du moment que Dieu accorde tant de bienfaits à ses élus, que peut-on dire à l’encontre de cela? peut-on dire que ces bienfaits sont réduits à rien? Non, c’est impossible: "Il n’y a pas de sagesse, il n’y a pas de prudence, il n’y a pas de conseil contre le Seigneur 9." Ou bien Que dirons-nous?, à savoir en considérant ces bienfaits ne faut-il pas nous en étonner? <Il est écrit> dans Habaquq, selon une autre version "J’ai considéré tes oeuvres et j’en ai été effrayé 10." Ou encore: Que dirons-nous à l’égard de ces choses?, c’est-à-dire que pourrons-nous dignement rendre à Dieu pour tant de bienfaits ?

"Que rendrai-je au Seigneur pour tous les biens qu’il m’a faits 11?" Et <L’Apôtre>

1. Voir â propos du mot instincts n. 1, p. 293.

2. Is 41, 2.

3. Jn 6, 44. — Lieu parallèle Super Ioan. 6, 44a, lect. 5 (éd. Marietti, n° 935 â 937).

4. Lrn 5, 21.

5. Jn 6, 45.

6. Lieux parallèles Somme Théologique 1a-2ae, Q. 113, a. 1, 2, 6, sol. 1; 4 Sentences dist17, Q. 1, a. 1, q Ephes. 5, 14, lect. 5 (éd. Marietti, n° 300).

7. Rm 3, 24.

8. Sg 19, 20.

9. Pr 21, 30.

10. Ha 3, 2. Citation rapprochée de la Septante, voir éd. Alfred Rahlfs, vol. II, p. 535 "kai ephobêthên, katenoésa ta erga sou kai exestên" ("et j’ai pris peur, j’ai observé tes oeuvres et j’en ai été effrayé").

11. Ps 115, 3.



ajoute: Si Dieu est pour nous, à savoir en nous prédestinant, en nous appelant, en nous justifiant et en nous glorifiant, qui sera contre nous, à savoir qui pourra l’être effica cernent? — "Présentons-nous ensemble qui est mon adversaire ?" Et encore "Place-moi auprès de toi: et qu’alors toute main lutte contre moi 2"

712. 2. <L’Apôtre> montre ensuite 3 que les saints de Dieu ne peuvent souffrir de dommage par la suppression des biens, en disant: 32 Lui qui n’a pas épargné même son propre Fils. Comme plus haut il avait fait mention de plusieurs fils, en disant: "vous avez reçu l’esprit d’adoption des fils 4", il distingue <maintenant> entre tous ce fils, en disant: son propre Fils, c’est-à-dire qui n’a pas été adopté, comme les hérétiques le disent dans leurs mensonges, mais son Fils par nature et coéternel: "Le Fils de Dieu est venu, et nous a donné l’intelligence, pour que nous connaissions le vrai Dieu et que nous soyons en son vrai Fils 5", Jésus-Christ, dont le Père dit: "Celui-ci est mon Fils bien-aimé 6."

713. Ces paroles 3: n’a pas épargné, doivent être entendues en ce sens que

<Dieu> ne l’a pas exempté de la peine; en effet, la coulpe n’étant pas en lui, il aurait pu en être épargné: "Celui qui épargne la verge hait son fils." Cependant Dieu le Père n’a pas épargné son Fils dans le dessein de le faire grandir, puisqu’il est Dieu parfait en tout, mais il l’a soumis à la passion en vue de notre bien (utilitatem). Et c’est bien ce que <l’Apôtre dit> en ajoutant: Mais l’a livré pour nous tous, c’est-à-dire l’a exposé à la Passion pour l’expiation de nos péchés: "lui qui a été livré pour nos fautes 8" — "Le Seigneur a mis sur lui l’iniquité de nous tous 9." Dieu le Père l’a livré à la mort en portant le décret de son Incarnation et de sa Passion, et en inspirant à sa volonté humaine le sentiment de la charité, qui l’a porté à endurer spontanément sa Passion. D’où ces paroles disant qu’il s’est livré lui-même: "Il s’est livré lui-même pour nous en oblation à Dieu et en hostie de suave odeur 10"; bien que Judas et les Juifs, quant aux actes exté rieurs, l’aient aussi livré, comme on l’a dit plus haut [n° 380].

714. Il faut faire attention à ces paroles <de l’Apôtre>: Lui qui n’a pas épargné, etc., autrement dit: non seulement il a exposé les autres saints à la tribulation pour le salut des hommes, selon ces paroles d’Osée: "A cause de cela, je les ai traités durement par les prophètes, je les ai tués par les paroles de ma bouche 11." <Et selon ces paroles de l’Apôtre> aux Corinthiens: "Si nous sommes dans la tribulation, c’est pour votre encouragement et votre salut 12"; mais il a encore livré son propre Fils. Or toutes choses existent dans le Fils de Dieu lui-même, comme dans leur cause primordiale et "préopérative" — "Lui-même est avant toutes choses et tout subsiste en lui 13" —, c’est pourquoi à partir du moment où il a été livré pour nous, toutes choses nous ont été données; aussi <l’Apôtre> ajoute-t-il comment aussi avec lui, c’est-à-dire nous ayant été donné, ne nous donnerait-il pas toutes choses, à savoir afin que toutes choses tournent à notre bien: les réalités supérieures, c’est-à-dire les Personnes divines, pour en jouir; les esprits raisonnables pour

1. Is 50, 8.

2. Jb 17, 3.

3. Lieux parallèles: Somme Théologique 3a, Q. 47, a. 3; 3 Sentences dist. 20, a. 5, Q. 1; 4 Gent. Gentiles c. 55, sol. 16; Super Jean. 3, 16, Iect. 3 (éd. Marietti, n° 477).

4. Rm 8, 15.

5. 1 Jn 5, 20.

6. Mt 3, 17,

7. Pr 13, 24.

8. Rm 4, 25.

9. Is 53, 6.

10. Ep 5, 2.

11. Os 6, 5.

12. 2 Co 1, 6.

13. Col. 1, 17.



vivre avec nous; toutes les réalités infé rieures, non seulement celles qui sont prospères mais aussi celles qui sont hostiles, pour en user: "Tout est à vous, soit Paul, soit Apollos, soit Céphas, soit le monde, soit la vie, soit la mort, soit le présent, soit l’avenir; tout est à vous; mais vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu 1. "D’où l’évidence de ce qui est dit dans ce psaume: "Rien ne manque à ceux qui le craignent 2"

1. 1 Co 3, 22-23.

2. Ps 33, 10. Selon le Psautier romain (Voir éd. Dom Robert Weber, p. 66).



Thomas A. sur Rm (1999) 39