Thomas A. sur Rm (1999) 46

CHAPITRE 10


Leçon 1 [versets 1 à 9]

47
075 (
Rm 10,1-9)


[n° 813] Assurément, frères, la volonté de mon coeur et l’obsécration 1 à Dieu ont pour objet leur salut.

[n° 815]: 2 Car je leur rends témoignage qu’ils ont un zèle ardent pour Dieu, mais non selon la science.

[n° 817] Ignorant, en effet, la justice de Dieu, et cherchant â établir la leur propre, ils ne se sont pas soumis à la justice de Dieu.

[n° 819]: ‘ Car la fin de la Loi est le Christ, pour <que soit donnée> la justice à tout croyant.

[n° 820] Moïse, en effet, a écrit de la justice qui vient de la Loi "L’homme qui la prati quera vivra par elle."

[n° 823] 6 Mais pour la justice qui vient de la foi, il en parle ainsi: "Ne dis pas en ton coeur Qui montera au ciel ?", c’est-à-dire pour en faire descendre le Christ;

[n° 824] ou bien "Qui descendra dans l’abîme ?", c’est-à-dire pour rappeler le Christ d’entre les morts.

[n° 826] 8 Mais que dit l’Ecriture? "Près de toi est la parole, dans ta bouche et dans ton coeur." [n° 829] C’est la parole de la foi que nous prêchons.

9 Parce que si tu confesses de ta bouche que Jésus-Christ est Seigneur, et si en ton coeur tu crois que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, tu seras sauvé.

813. Après avoir montré comment ont été appelés à la foi, par l’élection de la grâce de Dieu, les Gentils et même quelques Juifs, scandalisés et tombés, pris parmi la plus grande partie du peuple, au chapitre 9 [n° 735], <l’Apôtre> traite ici spécialement de la chute des Juifs. Et sur ce point il fait trois choses

Il commence par faire connaître la cause de leur chute dont il avait parlé plus haut, cause qui montre que leur chute est déplorable.

Puis, il montre que leur chute n’est pas universelle, au chapitre 11: "Je dis donc Est-ce que, etc.

Enfin, il montre que leur chute n’est ni inutile ni irréparable, au chapitre 11: 1 Je dis donc: Ont-ils trébuché, etc."

Sur le premier point, il montre:

En premier lieu que leur chute est déplorable par sa cause.

En second lieu qu’elle n’est pas tota lement excusable [n° 845]: 18 "Mais je dis N’auraient-ils pas entendu ?"

En montrant que leur chute est déplo rable par sa cause

I) <L’Apôtre> exprime d’abord qu’il éprouve à l’égard des Juifs un sentiment de compassion (miseratio) 2.

II) Puis, il indique la cause de sa compassion [n° 815] 2 Car je leur rends témoignage, etc.

1. Voir 86.

2. Voir n° 785.

814. — I. On a dit que les Juifs ne sont pas parvenus à la loi de justice, parce qu’ils ont achoppé à la pierre d’achoppement, toutefois je n’éprouve pas à leur égard de l’indignation, mais j’ai pitié d’eux. Voilà pourquoi je vous dis, assurément ô frères, vous qui vous êtes convertis tant parmi les nations païennes que les Juifs — "Vous êtes tous frères 1" — la volonté de mon coeur, c’est-à-dire la volonté qui procède du sentiment le plus intime du coeur, a pour objet leur salut, c’est-à-dire pour qu’eux-mêmes soient sauvés, comme moi-même je le suis: "Je voudrais que tous les hommes fussent comme moi-même 2."

"Je souhaite devant Dieu que tous ceux qui m’écoutent deviennent tels que je suis moi-même 3." Et en cela <son désir> se conformait à Dieu, qui "veut que tous les hommes soient sauvés 4." Ce n’est pas la volonté seule qui a pour objet leur salut, mais également l’effet de cette volonté, aussi <l’Apôtre> ajoute-t-il: et l’obsécration, c’est-à-dire la mienne, à Dieu ont pour objet leur salut. — "Loin de moi ce péché contre le Seigneur, que je cesse de prier pour vous 5." — "Priez les uns pour les autres afin que vous soyez sauvés 6." Il est ainsi évident qu’il faut prier pour les infidèles, afin qu’ils soient sauvés, car la foi elle-même est un don de Dieu: "C’est par la grâce que vous êtes sauvés, moyennant la foi, et cela ne vient pas de vous, car c’est un don de Dieu

815. — II. Ensuite, lorsqu’il dit: 2 Car je leur rends témoignage, etc., <l’Apôtre> donne la raison de sa compassion, à savoir qu’ils péchaient non pas avec une malice résolue, mais par ignorance. Et à ce propos

A) Il attire d’abord l’attention sur leur ignorance.

B) Puis, il montre ce qu’ils ignoraient [n° 817]: Ignorant, en effet, la justice de Dieu, etc.

C) Enfin, il montre la vérité de ce qu’ils ignoraient [n° 820]: Moïse, en effet, a écrit, etc.

816. — A. <L’Apôtre> dit d’abord: Je veux leur salut et je prie à cette intention avec compassion à leur égard, car je leur rends témoignage qu’ils ont un zèle ardent pour Dieu, c’est-à-dire que c’est par zèle pour Dieu qu’ils persécutent le Christ et ses membres: "Vient l’heure où quiconque vous fera mourir croira rendre hommage â Dieu 9." <L’Apôtre> pouvait témoigner de la chose, puisque lui-même s’était trouvé jadis dans une circonstance semblable: "Quant au zèle, persécutant l’Eglise de Dieu 10" — Mais non selon la science, à savoir, parce qu’il n’est pas ordonné par une science véritable, puisqu’ils ignorent la vérité: "C’est pour cela que mon peuple a été emmené captif, parce qu’il n’a pas de science 11." — "Si quelqu’un l’ignore, il sera ignoré 12"

817. — B. Lorsqu’il dit ensuite: Ignorant, en effet, etc., <l’Apôtre> montre quelle science <les Juifs> ne possédaient pas. Et:

1) Il commence par exposer son intention.

2) Puis, il explique son propos [n° 819]: "Car la fin de la Loi est le Christ, etc.

1. Mt 23, 8.

2. 1 Corinthiens 7, 7. Selon la Vetus latina, voir DOM SABATIER, Bibi. saer., t. III, p. 678.

3. Ac 26, 29.

4. 1 Tm 2, 4.
5. 1 R (I") 12, 23.

6. Jc 5, 16.

7. Lieux paralléles 5. Th. 1°, Q. 111, a. 1, sol. 1; 2a-2 Q. 6, a. 1; 3 Contra Gentiles c. 154; De veritate, Q. 18, a. 3; Contra error. Graec., c. 30; Ad Ephes. 2, 8, lect. 3 (éd. Marietti, n°95).

8. Ep 2, 8.

9. Jn 16, 2.

10. Ph 3, 6.

11. Is 5, 13.

12. 1 Corinthiens 14, 38.



818. 1. C’est à juste titre que je dis <que le zèle des Juifs est> non selon la science, car ignorant la justice de Dieu, c’est-à-dire celle par laquelle Dieu justifie par la foi — "Or la justice de Dieu par la foi de Jésus-Christ est pour tous ceux et sur tous ceux qui croient en lui 1"— et cherchant à établir, c’est-à-dire à assurer, la leur propre, à savoir la justice qui consiste dans les oeuvres de la Loi, laquelle, selon leur opinion, n’attendait rien de Dieu, mais dépendait uniquement du libre arbitre de ceux qui opéraient les oeuvres. Voilà pourquoi <l’Apôtre> dit que leur justice était en quelque sorte humaine et non divine, selon ce qui a été dit plus haut: "Si Abraham a été justifié par <les> oeuvres <de la Loi>, il a sujet de se glorifier", à savoir devant les hommes, "mais pas devant Dieu 2." — Car ils ne se sont pas soumis à la justice de Dieu, c’est-à-dire ne veulent pas être soumis au Christ, par la foi duquel les hommes sont justifiés par Dieu: "Est-ce que mon âme ne sera pas soumise à Dieu 3 ?" <Et selon ce qui est écrit plus haut>: "et que tout le monde devienne soumis à Dieu 4." Et dans l’Exode: "Jusques à quand ne voudras-tu pas te soumettre à moi 5?"

819. — 2. En disant 6: "Gar la fin de la Loi est le Christ, etc., il explique ce qu’il avait dit, à savoir que <les Juifs> ignorent la justice de Dieu et refusent de se soumettre à lui, puisqu’ils veulent établir la justice légale. Comme l’enseignent en outre les philosophes 7, il faut remarquer à ce propos que l’intention de tout législateur est de rendre les hommes justes: à plus forte raison la Loi ancienne, donnée par Dieu aux hommes, était-elle disposée en vue de rendre les hommes justes 8 Cependant la Loi ne pouvait pas par elle-même produire cette justice, parce que, selon ce qui est écrit dans l’épître aux Hébreux, "la Loi n’a amené [ à la perfection 9"; mais elle ordonne les hommes au Christ, qu’elle promettait et préfigurait: "La Loi fut notre pédagogue dans le Christ, pour que nous soyons justifiés par la foi 10." C’est ce que dit <l’Apôtre>: Car la fin de la Loi est le Christ, auquel est ordonnée la Loi tout entière: "J’ai vu la fin de toute perfection 11" — La f in, dis-je, pour la justice, c’est-à-dire afin que les hommes obtiennent par le Christ la justice que la Loi avait en vue: "Car ce qui était impossible à la Loi, parce qu’elle était affaiblie par la chair, Dieu, en envoyant son Fils dans une chair semblable à celle du péché, et au sujet du péché, a condamné le péché dans la chair, afin que la justification de la Loi s’accomplît en nous 12." Et je dis cela à tout croyant, parce que c’est par la foi que <Dieu> justifie les siens: "Il a donné pouvoir de devenir fils de Dieu à ceux qui croient en son Nom 13."

820. — C. Lorsqu’il dit: Moïse, en effet, a écrit, etc., <l’Apôtre> prouve la vérité de ce qu’ignoraient les Juifs, à savoir que la justice de Dieu est plus parfaite que la justice légale; et <il prouve> cela par l’autorité de Moïse lui-même, le légis lateur de la Loi ancienne. Par ces paroles il montre donc:

1. Rm 3, 22.

2. Rrn 4, 2.

3. Ps 61, 2a.

4. Rm 3, 19.

5. Ex 10, 3.

6. Lieux parallèles: Somme Théologique 1a-2ae Q. 91, a. 5; Q. 99, a. 6; Q. 107, a. 1 sol. 2; 3 Sentences dist. 40, Q. 1, a. 2; a. 4, q I; AdRom. 8, 15, lect. 3 (éd. Marietti, n° 642).

7. Voir notamment ARISTOTE, Ethique à Nicomaque II, 1 [n° 103b1 AL XXVI, fasc. 3, p. 164. — Lieu parallèle: Ethic. 2, lect. 1, éd. Léonine, 1969, t. XLVII, vol. I, p. 78, I. 135-138.

8. Lieux parallèles: Somme Théologique Ia-2 Q. 92, a. 1; Q. 96, a. 2, sol. 2; Q. 107, a. 2; 2a-2 Q. 122, a. 1, sol. 1; 2 Sentences dist. 28, a. 3; dist. 44, Q. 2, a. l; sol. 6; 3Sentences dist. 37, Q. 1, a. 2, q 1; dist. 40, Q. l, a. 1; a. 2; 4Sentences dist. 15, Q. 2, a. l, q a. 1, q l, 2et4; 3 Contra Gentiles c. 115, sol. 3; c. 116, sol. 2 et 3.

9. He 7, 19.

10. Ga 3, 24.

11. Ps 118, 96.

12. Rm 8, 3-4a.

13. Jn 1, 12b.

1) En premier lieu, ce qui caractérise la justice de la Loi.

2) En second lieu, ce qui caractérise la justice de la foi [n° 823]: 6 Mais pour la justice qui vient de la foi, etc.

821. 1. <L’Apôtre> dit donc en premier lieu: J’ai distingué avec raison la justice humaine d’avec la justice de Dieu, car Moïse a écrit 1: L‘homme qui pratiquera <la justice qui vient de la Loi>, vivra par elle. Dans notre version ce verset se lit de la manière suivante: "Gardez mes lois et mes ordonnances: l’homme qui les accomplit, y trouvera la vie 2." Et il est écrit dans Ezéchiel: "Ils ont rejeté mes ordonnances dans lesquelles l’homme qui les accomplira trouvera la vie 3." C’est que par l’observance de la Loi l’homme avait cet avantage de ne pas être mis à mort comme trans gresseur de la Loi: "Celui qui viole la Loi de Moïse meurt sans aucune miséricorde 4." — "Celui qui maudit son père ou sa mère, meurt de mort", et ainsi de suite. 822. Nous pouvons ajouter que par l’observance de la Loi l’homme est dirigé dans la vie présente: car la Loi promettait des biens temporels et faisait certaines pres criptions qui se rapportaient au règlement de la vie charnelle: "Ce sont des règles pour la chair, ne concernant que les aliments, les boissons, diverses ablutions, et imposées jusqu’au temps de la réforme 6." Mais cela semble contredire ces paroles du Seigneur dans <l’évangile de> Matthieu <Au jeune homme lui> demandant: "Que ferai-je de bon pour avoir la vie éternelle ?" il répondit: "Si tu veux entrer dans la vie, garde les commandements 7." Aussi à propos de ces paroles écrites plus haut: "Or la Loi est intervenue 8", une Glose dit: "La justice de la loi, gardée en son temps, conférait non seulement des biens temporels, mais aussi la vie éternelle." Mais il faut entendre cela selon le sens spirituel de la Loi, lequel se rapporte à la foi du Christ. En revanche, ce qui est dit ici se rapporte au sens extérieur de la Loi; et selon ce sens la Loi ne faisait pas mention de la vie éternelle 9.

823. 2. Lorsque <l’Apôtre> dit: 6 Mais pour la justice qui vient de la foi, etc., il cite l’autorité de Moïse à propos de la justice de la foi. Et <en citant> Moïse:

a) Il montre d’abord la certitude de la foi qui doit être dans le coeur de l’homme.

b) Ensuite, l’effet de la foi [n° 826] 8 Mais que dit l’Ecriture, etc.

824. a. 1l dit donc d’abord: Non seulement Moïse parle de la justice de la Loi, mais il parle aussi lui-même de la justice qui vient de la foi: Mais pour la justice qui vient de la foi, il en parle ainsi, c’est-à-dire il parle ainsi dans le coeur de l’homme: Ne dis pas en ton coeur, c’est-à-dire en exprimant un doute: Qui montera au ciel?, comme si tu considérais cette entreprise irréalisable, à la manière de cette question formulée dans les Proverbes: "Qui est monté au ciel et en est descendu 10?" Car tenir cela pour impossible, c’est faire descendre le Christ du ciel, c’est-à-dire affirmer que le Christ n’est pas au ciel, contrairement à ce qui est dit "Personne n’est monté au ciel, si ce n’est Celui qui est descendu du ciel, le fils de l’homme qui est au ciel 11" — "Celui qui est descendu est le même qui est monté au-dessus de tous les cieux, afin qu’il remplît toutes choses 12" ou bien, ne dis

1. Lv 18, 5. Voir la Septante, éd. Alfred Rahlfs, vol. I, p. 190: "ha poiêsas anthrôpos zésesm en auto, a.

2. Selon la Vulgate.

3. Ez 20, 13.

4. He 10, 28.

5. Lv 20, 9.

6. He 9, 10.

7. Mt 19, 16 et 17b.

8. Rm 5, 20.

9. Glosa in Rom. V, 20 (GPL, col. 1400 A, sous le nom de Bêde).

10. Pr 30, 4.

11. Jn 3, 13. — Lieu parallèle: Super Ioan. 3, 13, lect. 2 (éd. Marietti, n° 467-471).

12. Ep 4, 9.



pas non plus: "Qui descendra dans l’abîme ?", c’est-à-dire dans l’enfer 1, regardant cela comme impossible; car le nier, c’est rappeler le Christ d’entre les morts, en d’autres termes nier <en disant:> qu’il n’est pas mort. Car lui-même en mourant est descendu dans l’abîme: "Je pénétrerai dans toutes les parties inférieures de la terre 2"

825. Selon cette doctrine, <l’Apôtre> défend de mettre en doute deux articles de la foi du Christ, à savoir, de son ascension, de sa mort et de sa descente aux enfers. Le premier article se rapporte à la souveraine exaltation du Christ; le second à son extrême humiliation. On peut encore donner une autre explication de ce passage, dans le but d’étayer notre certitude à l’égard de ces deux articles 3. Premièrement <notre certitude sur> l’Incarnation <du Christ>, par laquelle il est descendu du ciel sur la terre, en sorte que tel serait le sens: Ne dis pas en ton coeur: Qui montera au ciel?, ce qu’on explique en ajoutant c’est-à-dire pour en faire descendre le Christ. Autrement dit: Qui est monté au ciel afin d’en faire descendre le Christ pour nous? Or ce ne fut pas nécessaire, puisque lui-même est descendu par sa propre puis sance. Deuxièmement, <notre certitude> sur sa Résurrection, lorsqu’il ajoute: ou bien ne dis pas non plus: Qui descendra dans l’abîme?, sous-entendu: c’est-à-dire pour rappeler le Christ d’entre les morts. Autrement dit: Qui y descendra pour pouvoir en rappeler le Christ; propos tenus à l’exemple de ces insensés dont parle la Sagesse: "Il n’est personne qu’on sache être revenu des enfers 4." Ce sens convient aux paroles de Moïse, car il est dit dans le Deutéronome, selon notre version 5: "Ce commandement, que moi je te prescris aujourd’hui, n’est pas au-dessus de toi, ni éloigné, ni placé dans le ciel, en sorte que tu puisses dire: Qui de nous peut monter au ciel pour nous l’apporter, et pour que nous l’entendions et l’accomplissions par nos oeuvres 6 ?" Il n’y a aucun inconvé nient à ce que l’Apôtre attribue au Christ ce que Moïse dit du commandement de la Loi, parce que le Christ est le Verbe de Dieu, et qu’en lui sont tous les comman dements de Dieu. Il faut donc entendre ces paroles: Qui montera au ciel? c’est-à-dire pour en faire descendre le Christ, comme s’il disait: Qui peut monter pour en ramener vers nous le Verbe de Dieu ? Il faut en dire autant du verset qui suit.

826. b. Lorsque <l’Apôtre> ajoute: 8 Mais que dit l’Ecriture? etc., il montre le fruit de la foi par l’autorité du même <Moïse>. Et:

Il commence par citer l’autorité <scripturaire>.

Puis, il l’explique [n° 829]: C’est la parole de la foi, etc.

Enfin, il prouve la convenance de son explication [n° 830]: "Car on croit de coeur, etc."

827. Il dit donc d’abord: Mais que dit l’Ecriture? Cela, dis—je: Près de toi est la

1. Le mot "enfer" ou "enfers" désigne ici le lieu où étaient rassemblées les âmes des saints patriarches et de tous les justes avant la Passion du Christ. "Il y a, écrit saint Thomas, quatre enfers. Le premier est l’enfer des damnés, lieu de ténèbres parce qu’y manquent et la vision divine et la grâce, et où il y a la peine du sens cet enfer est le séjour des damnés. Au-dessus de cet enfer, il en est un autre, lieu de ténèbres parce qu’y manquent et la vision divine et la grâce, mais où il n’y a pas de peine du sens; on l’appelle limbes des enfants. Au-dessus de cet enfer, il en est un autre, lieu de ténèbres parce qu’y manque la vision divine, mais non la grâce, et où il y a aussi la peine du sens; on l’appelle: purgatoire. Encore plus haut il en est un autre, lieu de ténèbres parce qu’y manque la vision divine, mais non la grâce, et où il n’y a pas de peine du sens c’est là l’enfer des pères saints (3 Sentences dist. 22, Q. 2, a. 1, Q. 3, sol. 2).

Autres lieux parallèles 3 Sentences dist. 22, Q. 2, a. 1, Q. I et 2 Somme Théologique 3a, Q. 52, a. 1 et 2; Gompend. theol., c. 235; Col!, in Symb. Apost., a. 5.

2. Eccli (Si) 24, 45.

3. Voir Glcsa in Rom. X, 7 (GPL, col. 1475 A).

4. Sg 2, 1.

5. Selon la Vulgate.

6. Dt 30, 11-12.

7. Lieux parallèles Somme Théologique Ia, Q. 34, a. 2; I Sentences dist. 27, Q. 2, a. 2, Q. 2; De veritate, Q. 4, a. 3; Contra error. Graec., c. 12; Ad Hebr. 1, 3, lect. 2 (éd. Marietti, n° 26 et 34).



Parole, dans ta bouche et dans ton coeur. C’est en effet <ce qu’on lit> à la suite du passage cité dans le Deutéronome: "La Parole est tout près de toi, dans ta bouche et dans ton coeur 1." Comme s’il disait: Ne te soucie pas de ce que la parole de foi qui justifie vienne à te manquer, parce que le Christ est dans le ciel, selon sa nature divine, ou parce qu’il est descendu en enfer en raison de la mort <éprouvée dans> son humanité, car lui-même, en descendant du ciel et en ressuscitant des enfers, a <mis> la parole de foi dans ta bouche et l’a gravée dans ton coeur.

828. Aussi ces mots: Près de toi, peuvent-ils s’appliquer à la parole de Dieu que nous avons reçue par l’Incarnation et la Résurrection du Christ: "Le salut a commencé à être annoncé par le Seigneur 2." — "Voici que j’ai mis mes paroles en ta bouche 3." Ou bien, selon le commentaire de la Glose 4, près de s’applique à notre utilité, en tant que nous disons être près de nous ce qui nous est commode et utile. En effet, par la parole de Dieu notre coeur est purifié: "Vous êtes déjà purs, vous, à cause de la parole que je vous ai dite 5." Ou bien près de peut s’appliquer au fait que les paroles de la foi, bien que surpassant la raison — "Un très grand nombre de choses au-dessus du sens de l’homme ont été découvertes pour toi 6." — ne sont cependant pas contre la raison, parce que la vérité ne peut être contraire à la vérité: "Tes témoignages sont très dignes de créance 7."

829. Lorsqu’il dit: C’est la parole de la foi, <l’Apôtre> explique l’autorité <scripturaire> citée:

Et il montre d’abord quelle est cette parole dont Moïse parle en disant: C’est la parole de la foi que nous prêchons. — "Prêche la parole 8" Et: "Celui qui a ma Parole, publie vraiment ma parole."

Ensuite, il explique comment cette parole est dans la bouche par la confession, et dans le coeur par la foi. C’est ce qui lui fait ajouter: Parce que si tu confesses de ta bouche que Jésus-Christ est Seigneur, c’est-à-dire si tu le reconnais pour Seigneur, en lui soumettant ton sentiment, selon ce qui est dit: "Personne ne peut dire: Jésus est Seigneur, sinon par le Saint-Esprit 10"; et de plus: si en ton coeur tu crois, c’est-à-dire avec une foi formée "qui opère par la charité 11", comme il est dit dans <l’épître aux> Galates 12, que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts — "Mais toi, Seigneur, aie pitié de moi et ressuscite-moi 13" — parce que, comme il est dit dans la seconde épître aux Corinthiens: "Il est ressuscité par la puis sance de Dieu 14", qui est commune à lui-même et au Père 15, tu seras sauvé, à savoir d’un salut éternel, dont il est dit: "Israêl a été sauvé par le Seigneur d’un salut éternel 16" Les mots Jésus est Seigneur se rapportent au mystère de l’Incarnation, tandis que le mot "Christ 17" se rapporte manifestement à la Résurrection. <L’Apôtre> a déjà fait mention de ces deux articles <de foi> plus haut.

1. Dt 30, 14.

2. He 2, 3.

3. Jr 1, 9.

4. Glosa in Rom. X, 8 (GPL, col. 1475 B).

5. Jn 15, 3.

6. Eccli (Si) 3, 25.

7. Ps 92, 5.

8. 2 Tm 4, 2.

9. Jr 23, 28.

10. 1 Co 12, 3.

11. Lieux parallèles: Somme Théologique T-T", Q. 4, a. 3; Q. 23, a. 8; 3 Sen dist. 23, Q. 3, a. 1; De veritate, Q. 14, a. 5; De virrat., Q. 2, a. 3.

12. Ga 5, 6.

13. Ps 40, 11.

14. 2 Co 13, 4. Resurrexu au lieu de vivit. Cette variante, rarement attestée, se lit dans le commentaire du psaume 53, 5 de SAINT HILAIRE (PL 9, 340; CSEL 22, 138). Voir DoM SABATIER, Bibi. sacr., t. III (Notae ad versionem antiquam), p. 759.

15. Lieux parallèles: II Ad Cor. 13, 4, lect. 1 (éd. Marietti, n° 522); Super Ioan. 2, 19, lect. 3 (éd. Marietti, n° 403).

16. Is 45, 17.

17. Le mot " Christ ne figure ni dans le texte de la Vulgate, ni, semble-t-il, au nombre des variantes de la Vetus latina.


Leçon 2 [versets 10 à 17]

48
075 (
Rm 10,10-17)


[n° 830] 10 Car on croit de coeur pour la justice et on confesse de bouche pour le salut.

[n° 833] 11 En effet, l’Ecriture dit

"Quiconque croit en lui ne sera point confondu."

[n° 834] 12 J n’y a pas en effet de distinction de Juif ou de Grec, parce que c’est le même Seigneur de tous, riche pour tous ceux qui l’invoquent.

13 "Car quiconque invoquera le Nom du Seigneur sera sauvé,"

[n° 835] 14 Comment donc invoqueront-ils Celui en qui ils n’ont pas cru? Ou comment croiront-ils à Celui qu’ils n’ont pas entendu ? Et comment entendront-ils si personne ne prêche?

[n° 837] 15 Et comment prêcheront-ils, s’ils ne sont pas envoyés? [n° 839] Comme il est écrit "Qu’ils sont beaux les pieds de ceux qui annoncent la paix, de ceux qui annoncent les biens !"

[n° 842] 16 Mais tous n’obéissent pas à l’Evangile. Isaïe dit en effet: "Seigneur, qui a cru à ce que nous avons fait entendre ?"

[n° 844] 17 Donc la foi provient de l’audition et on entend par la Parole du Christ.

830. Après avoir d’abord établi en expli quant la parole de Moïse selon laquelle la confession de la bouche et la foi du coeur opèrent le salut, en citant pour exemple les deux articles que Moïse semblait avoir mentionnés [n° 826], <l’Apôtre> prouve ici ce qu’il avait dit d’une manière générale.

Et à cette fin:

I) Il montre d’abord que par la foi et la confession l’homme obtient le salut.

II) Ensuite, il établit l’ordre du salut [n° 835]: 14 Gomment donc invoqueront-ils, etc.

III) Enfin, il déduit de ces paroles une sorte de conclusion [n° 844]: 17 Donc la foi provient de l’audition.

831. — I. Sur le premier point, <l’Apôtre> fait trois choses [n° 833, 834]

A. Il commence par exposer son intention, en disant: Je dis à juste titre, que si tu confesses de bouche et si tu crois de coeur, tu seras sauvé 10 car l’homme croit de coeur pour la justice, c’est-à-dire afin d’obtenir la justice par la foi: "Etant donc justifiés par la foi j." <L’Apôtre> dit expressément: on croit de coeur, c’est-à-dire par la volonté. Car pour le reste, pour ce qui regarde le culte extérieur de Dieu, l’homme peut l’accomplir malgré lui, mais il ne peut croire sans le vouloir 2. En effet, l’intelligence de celui qui croit n’est pas déterminée à donner son assentiment à la vérité, par une nécessité de raison nement, comme l’est l’intelligence de celui qui sait, mais par la volonté; et voilà pourquoi savoir ne concerne pas la justice de l’homme, laquelle réside dans la volonté, mais bien croire: "Abraham crut à Dieu, et ce lui fut imputé à justice." Mais l’homme ayant été justifié par la foi, il faut que sa foi opère par la charité pour qu’il obtienne le salut.

1. Rm 5, 1.

2. L’expression o credere non potest nisi volens o (o il ne peut croire que s’il le veut e) est une citation implicite de saint Augustin (In Ev. ban XXVI, 2 (BA 72, 486-487]). —. Ueux parallèles Ad Rom. 1, 5 (éd. Marietti, n° 62) 1, 17 (éd. Marietti, n° 105).

3. Gn 15, 6.



Aussi <l’Apôtre> ajoute-t-il: et on confesse de bouche pour le salut, c’est-à-dire pour obtenir le salut éternel: "Mais mon salut sera à jamais 1."

832 — Or 2 une triple confession est néces saire au salut:

1. La première confession est celle de sa propre iniquité, selon ce passage du psaume 31: "J’ai dit: "Je confesserai contre moi mon injustice au Seigneur 3." Cette confession est celle du pénitent.

2. La deuxième confession est celle par laquelle l’homme confesse la bonté de Dieu qui accorde miséricordieusement ses bienfaits: "Confessez le Seigneur parce qu’il est bon 4 " Et cette confession est celle de celui qui rend grâces.

3. La troisième confession est celle de la vérité divine: "Quiconque me confessera devant les hommes, moi aussi je le confes serai devant mon Père qui est dans les cieux 5." Et cette confession est celle de celui qui croit et dont l’Apôtre parle main tenant. Or cette confession est nécessaire au salut selon les lieux et les temps, c’est-à-dire lorsque la foi le requiert, par exemple face à un persécuteur de la foi, lorsque la foi d’un frère est mise en péril; de même les prélats sont particulièrement tenus de prêcher la foi à leurs sujets. Et les baptisés sont oints du saint chrême sur leur front avec le signe de la croix 6, afin de ne pas rougir de confesser le crucifié lui-même: "Car je ne rougis pas de l’Évangile 7." Il en est de même de tous les autres actes des vertus qui, selon les lieux et les temps, sont nécessaires au salut. Car les préceptes affir matifs, qui sont relatifs à ces actes de vertu, eux, obligent toujours, mais non pas de manière ininterrompue 8.

833. — B. Puis, <l’Apôtre> prouve sa proposition par l’autorité <scripturaire>, en disant: En effet, l’Ecriture dit, à savoir dans <le livre d’> Isaïe: Quiconque croit en lui, à savoir par la foi formée 9, ne sera point confondu 10, c’est-à-dire <ne sera pas> comme privé de salut: <Vous qui craignez le Seigneur, croyez en lui, et votre récom pense ne sera pas anéantie 11." Mais notre version 12 lit: "Que celui qui croira ne se hâte pas", comme on l’a dit plus haut [n° 812].

834. — C. Enfin, en disant: 12 Il n’y a pas en effet de distinction, etc., <l’Apôtre> prouve que ce passage doit être pris au sens général, puisque Isaïe l’expose d’une manière indéfmie.

1. Et il commence par exposer son intention, en disant: On a dit: Quiconque croit en lui ne sera point confondu, attendu qu’il n’y a pas en effet de distinction de Juif ou de Grec. — "Là il n’y a ni Gentil ni Juif, ni circoncision ni incirconcision, ni barbare, ni Scythe, ni esclave, ni homme libre, mais il n’y a que le Christ, qui est tout et en tout."

1. Is 51, 8.

2. Lieux parallèles: S. TIi. 2a-2 Q. 3, a. 2; 3 Sentences dist. 29, Q. 1, a. 8, q 2, sol. 3; De quodlibet 9, Q. 7, a. 1; AdRom. 14, 11, lect. 1 (éd. Marietti, n° 1111).

3. Ps 31, 5b. — Lieu parallèle Super Psalmos, in Ps. 31, 5.

4. Ps 117, 1.

5. Mt 10, 32.

6. Lieux parallèles Somme Théologique 3a, Q. 72, a. 9; a. 11, sol. 3; 4 Sentences dist. 7, Q. 3, a. 3, Q. 2; 4 Contra Gentiles c. 60; Dequodlibet 11, Q. 7; Ad Rom. 1, l6a, lect. 5 (éd. Marietti, n° 96).

7. Rm 1, 16 a.

8. Lieux parallèles: Somme Théologique 1a-2ae, Q. 71, a. 5, sol. 3; Q. 88, a. 1, sol. 2; Q. 100, a. 10(rép. etsol. 2); 2 Q. 79, a. 3, sol. 3; Q. 140, a. 2, sol. 2; 2 Sentences dist. 22, Q. 2, a. 1, sol. 4; dist. 29, Q. 1, a. 5 (fin de l’expos. du texte); dist. 35, Q. 1, a. 3, sol. 3; dist. 41, Q. I, a. 2, sol. 4; 3 Sentences dist. 25, Q. 2, a. 1, Q. 2, sol. 3; dist. 36, Q. I, a. 6; 4 Sentences dist. 15, Q. 2, a. 1, Q. 4; dist. l7, Q. 3, a. 1, q De malo, Q. 2, a. 1, sol. 11; Q. 7, a. 1, sol. 8; a. 10, sol. 9; Q. 16, a. 4, sol. 22; De virtut., Q. 3, a. 1; De quod. l. 1, Q. 6, a. 2; 3, Q. 5, a. 4; Ad Rom. 13, 9, lect. 2 (éd. Marietti, n° 1052); Ad Gal. 6, 1, lect. 1 (éd. Manetti, n° 343).

9. Lieux parallèles Somme Théologique 2a-2 Q. 4, a. 3; Q. 23, a. 8; 3 Sentences dist. 23, Q. 3, a. 1; De veritate, Q. 14, a. 5; De v Q. 2, a. 3.

10. Is 28, 16. Voir la Septante, éd. Alfred Rahlfs, vol. 1, p. 601 "ou mê kaeaischunthêi.

l1. Eccli (Si) 2, 8.

12. Selon la Vulgate.



2. Ensuite, il prouve <sa proposition> par un raisonnement qui s’appuie sur une double <vérité>, dont il indique la première, en disant: parce que c’est le même Seigneur de tous. — "Dieu est-il le Dieu des Juifs seulement 2" — "Dieu est le roi de toute la terre 3." C’est pour cette raison qu’il lui appartient de pourvoir au salut de tous. Il indique la seconde <vérité> en disant: riche pour tous ceux qui l’invoquent. Car s’il n’était pas d’une bonté telle qu’elle puisse satisfaire les uns et les autres, on pourrait penser que sa providence ne s’étend pas à tous ceux qui croient, mais les richesses de sa bonté et de sa miséricorde sont inépuisables: "Méprises-tu les richesses de sa bonté 4 ?" — "Dieu qui est riche en miséricorde 5."

3. Enfin, il prouve la même chose par l’autorité <scripturaire qui suit> Quiconque invoquera le Nom du Seigneur sera sauvé 6.Or invoquer, c’est appeler en soi avec passion et piété de culte: "Il m’invoquera et moi je l’exaucerai 7."

835. — II. Lorsque <l’Apôtre> dit: 14 Gomment donc invoqueront-ils, etc., il expose l’ordre selon lequel chacun est appelé au salut, qui procède de la foi. Et à cet effet, il fait deux choses

A) Il commence par montrer que ce qui, dans cet ordre, vient en second lieu, ne peut exister sans ce qui précède.

B) Puis, que ce qui a été fait d’abord ne suppose pas nécessairement ce qui vient en second lieu [n° 842]: Mais tous n’obéissent pas à l’Evangile.

A. Sur le premier point l’Apôtre

1) Etablit d’abord l’ordre de ce qui est nécessaire au salut.

2) Puis, confirme par une autorité ce qu’il avait supposé [n° 839]: Comme il est écrit, etc.

836. 1. 11 expose par ordre cinq 8 choses, en commençant par l’invocation, à la suite de laquelle, selon l’autorité du prophète, vient le salut.

a. 1l dit donc: Comment donc invoqueront-ils Celui en qui ils n’ont pas cru ? Comme s’il disait: Sans aucun doute, l’invocation ne peut procurer le salut, à moins que la foi ne précède. Or l’invo cation se rapporte à la confession de la bouche qui procède de la foi du coeur: "J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé. 9" — "Nous aussi nous croyons et c’est aussi pourquoi nous parlons 10.

837. b. Puis de la foi il monte ou passe à l’audition, en disant: Ou comment croiront-ils à Celui qu’ils n’ont pas entendu? Car on dit que l’homme croit ce qui lui est dit par les autres et qu’il ne voit pas lui-même: "Ce n’est plus à cause de tes dires que nous croyons; nous l’avons entendu nous-mêmes, et nous savons que c’est lui qui est vraiment le Sauveur du monde 1l Mais il y a deux sortes d’audition 12: l’une intérieure, par laquelle on entend Dieu qui révèle: "J’écouterai ce que dira au-dedans de moi le Seigneur Dieu 13" l’autre, par laquelle on entend une personne qui parle extérieurement: "Pierre parlant encore, l’Esprit-Saint descendit sur tous ceux qui écoutaient la parole 14"

1. Col3, 11.

2. Rm 3, 29.
3. P, 46, 7.

4. Rm 2, 4.

5. Ep 2, 4.

6. JI 2, 32 selon la Vulgate; 3, 5 selon le texte massorétique.

7. Ps 90, 15.

8. En réalité, quatre choses sont exposées.

9. Ps 115, 10.

10. 2 Co 4, 13.

11. Jn 4, 42.

12. L, eux parallèles Somme Théologique 2a-2a, Q. 5, a. 1, sol. 3; De veritate, Q. 9, a. 4, sol. 12.

13. Ps 84, 9.

14. Ac 10, 44.



Or la première sorte d’audition n’appar tient pas communément à tous, mais relève à proprement parler de la grâce de prophétie, qui est une grâce donnée gratuitement et distinctement à quelques-uns, mais non à tous, selon cette parole: "A la vérité, il y a des grâces diverses, mais c’est le même Esprit 1." Mais comme <l’Apôtre> parle ici de ce qui peut appar tenir indistinctement à tous, selon ce qu’il a dit plus haut: Il n’y a pas en effet de distinction, il reste donc qu’il faut l’entendre de la seconde sorte d’audition.

c. Et c’est pourquoi il ajoute: Et comment entendront-ils si personne ne prêche? Car l’audition extérieure est dans celui qui entend une impression passivement reçue, qui ne peut exister sans l’action de celui qui parle. Aussi le Seigneur a-t-il donné ce commandement à ses disciples: "Allez dans tout l’univers et prêchez l’Evangile à toute créature 2." Or ces <vérités>, qui sont l’objet de la foi, les prédicateurs ne les tirent pas d’eux-mêmes, mais ils les tiennent de Dieu: "Ce que j’ai entendu du Seigneur des armées, Dieu d’Israël, je vous l’ai annoncé 3" — "Car j’ai reçu moi-même du Seigneur ce que je vous ai aussi transmis 4."

d. Voilà pourquoi l’Apôtre ajoute en quatrième lieu: 15 Et comment prêcheront-ils, s’ils ne sont pas envoyés? Comme s’il disait <Ils ne le feraient> pas dignement: "Je n’envoyais pas ces prophètes, et d’eux-mêmes ils couraient 5."

838.Or on est envoyé par le Seigneur de deux manières: Selon une première manière, immé diatement par Dieu lui-même, par une inspiration intérieure: "Et maintenant le Seigneur et son Esprit m’ont envoyé." Le signe de cette mission, c’est quelquefois l’autorité de la sainte Ecriture, ainsi Jean-Baptiste, interrogé sur ce qu’il était, cite l’autorité d’un prophète, en disant: "Moi, dit-il, je suis "la voix de celui qui crie dans le désert: Rendez droit le chemin du Seigneur", comme a dit le prophète Isaïe 8." D’autres fois le signe de cette mission est la vérité des choses qu’on annonce. De là il est dit en sens contraire dans le Deutéronome: "Tu auras ce signe: si ce que ce prophète aura prédit au nom du Seigneur n’arrive pas, c’est que le Seigneur n’a pas parlé 9" Le signe de cette mission est aussi quelquefois l’opération des miracles. Aussi est-il écrit dans l’Exode que lorsque Moïse eut dit au Seigneur: "Ils ne me croiront point et ils n’écouteront point ma voix 10", à savoir ceux vers lesquels je suis envoyé, le Seigneur lui donna le pouvoir de faire des signes. Toutefois ces deux derniers signes ne démontrent pas suffisamment la mission de Dieu, en particulier lorsqu’on annonce une doctrine opposée à la foi. Car il est dit dans le Deutéronome: "S’il s’élève au milieu de toi un prophète ou quelqu’un qui dise qu’il a vu un songe, qui prédise un signe ou un prodige, si ce qu’il a annoncé arrive, et qu’il te dise: Allons et suivons des dieux étrangers que tu ne connais pas, et servons-les: tu n’écouteras pas les paroles de ce prophète ou de ce songeur 11."

Selon une autre manière, on est envoyé par l’intermédiaire de Dieu, par l’autorité des prélats, qui tiennent la place de Dieu: "Nous avons aussi envoyé avec lui un de nos, frères dont on fait l’éloge, à cause de l’Evangile, dans toutes les Eglises 12"

1. 1 Co 12, 4.

2. Mc 16, 15.

3. Is 21, 10.

4. 1 Co 11, 23.

5. Jr 23, 21a.

6. Lieux parallèles De quodlibet 12, Q. 17, a. 1; Contra zmpugn. De, cuit. et relig., c. 4; Super Ioan. 1, 6, Iect. 4 (éd. Mariett n° 112).

7. Is 48, 16.

8. Jn 1, 23.

9. Dt 18, 22.

10. Ex 4, 1.

11. Dt 13, l-3a.

12. 2 Corinthiens 8, 18.



839. 2. Ensuite, <l’Apôtre> cite une autorité <scripturaire> pour prouver ce qu’il vient de dire sur la mission des prédicateurs, en disant: Comme il est écrit, à savoir dans <le livre d’> Isaïe: Qu’ils sont beaux les pieds de ceux qui annoncent la paix, de ceux qui annoncent les biens 1. A cet endroit notre version 2 lit: "Qu’ils sont beaux, sur les montagnes, les pieds de celui qui prêche et annonce la paix, de celui qui annonce le bien." On lit des paroles semblables dans <le livre de> Nahum: "Voici sur les montagnes les pieds de celui qui évangélise et annonce la paix 3."

840. Dans ces paroles on fait d’abord l’éloge des progrès des prédicateurs: Qu’ils sont beaux les pieds; ce qui peut se comprendre de deux manières:

a. Selon une première manière, en tant que par pieds on entend leur démarche, à savoir qu’ils s’avancent de manière ordonnée, en n’usurpant point pour eux-mêmes le ministère, de la prédication "Que tes pieds sont beaux dans tes sandales, fille de prince 4."

b. Selon une autre manière, on entend par pieds les affections qui sont droites, tandis que <les prédicateurs> annoncent la parole de Dieu sans intention d’obtenir de la louange ou du profit, mais en vue du salut de l’homme et de la gloire de Dieu "Leurs pieds étaient droits 5."

841. Puis <l’Apôtre> aborde la matière de la prédication, qui est de deux sortes:

Car ils prêchent ce qui est utile à la vie présente, ce qu’il indique en disant: de ceux qui annoncent la paix, à savoir une triple paix.

Ils annoncent premièrement la paix que le Christ a établie entre les hommes et Dieu: "Car c’était Dieu qui, dans le Christ, se réconciliait le monde, n’imputant point aux hommes leurs péchés, et qui a mis en nous la parole de réconciliation 6." Et: "Ayons la paix avec <le Seigneur> par Jésus-Christ 7."

Deuxièmement ils annoncent la paix qu’il faut garder avec tous les hommes: "S’il se peut, et autant qu’il dépend de vous, ayant la paix avec tous les hommes 8."

Troisièmement ils annoncent ce qui peut donner la paix à l’homme en lui-même: "Paix abondante pour ceux qui aiment ta Loi", Seigneur 9.

Dans ces trois sortes de paix est contenu tout ce qui dans cette vie est utile pour le salut, soit par rapport à Dieu, soit par rapport au prochain, soit par rapport à soi-même 10.

Ils prêchent aussi ce que nous espérons posséder dans l’autre vie. Et <l’Apôtre> l’indique en disant: de ceux qui annoncent <tous> les biens. — "Il l’établira sur tous les biens qu’il possède 11."

842. — B. Quand il dit: 16 Mais tous n’obéissent pas à l’Evangile, <l’Apôtre> montre que ce qui précède n’a pas toujours de suite. Car, bien qu’il ne puisse pas arriver que l’on croie sans avoir entendu celui qui prêche, cependant tous ceux qui écoutent celui qui prêche ne croient pas, et voilà pourquoi <l’Apôtre> ajoute: Mais tous n'obéissent pas à l’Evangile. — "La foi n’est pas à tous 12." Il s’exprime ainsi pour montrer que la parole extérieure de celui qui parle n’est pas la cause suffisante de la foi, si le coeur de l’homme n’est pas inté rieurement attiré par la puissance de Dieu

1. Is 52, 7; d’après l’hébreu. Voir Biblia hebraica Stuugartensia, éd. K. Elliger et W. Rudolph, p. 758.

2. Selon la Vulgate.

3. Na 1, 15.

4 Ct 7, 1.

5. Ez 1, 7.

6. 2 Co 5, 19.

7. Rxss 5, 1 (citation non littérale).

8. Rm 12, 18.

9. Ps 118, 165.

10. Lieux parallèles Super Ioan. 14, 27a, lect. 7 (éd. Marietti, n° 1962); Super Mauh. 5, 9, (éd. Marietti, n° 438).

11. Lc 12, 44.

12. 211 3, 2.



qui parle: "Quiconque a entendu ce qui vient de mon Père et s’en instruit vient à moi 1." Ainsi ne faut-il pas attribuer à l’industrie du prédicateur le fait que des hommes croient. Ces paroles montrent encore que tous les incrédules ne sont pas exempts du péché, mais ceux-là qui n’écoutent pas et qui ne croient pas: "Si je n’étais pas venu, si je ne leur avais pas parlé, ils n’auraient pas de péché; mais maintenant ils n’ont pas d’excuse à leur péché 2." Et cela s’accorde mieux avec ce que l’Apôtre dira par la suite.

843. Puis à cet effet, <l’Apôtre> introduit l’autorité d’un prophète, lorsqu’il ajoute: Isaïe dit en effet "Seigneur, qui a cru à ce que nous avons fait entendre ?" Comme s’il disait: Ils sont rares. — "Des incrédules et des destructeurs sont avec toi 3." — "Je suis devenu comme celui qui recueille en automne des grappes de raisin oubliées pendant la vendange 4." Or, Isaïe parlait ainsi en prévision de la future infi délité des Juifs: "Dans la puissance de l’Esprit, il vit la fm des temps et il consola ceux qui pleuraient en Sion. Jusqu’à la fin des temps, il montra l’avenir et les choses cachées avant qu’elles n’advinssent 5." Et il dit: à ce que nous avons fait entendre, soit à cause ce qu’ils ont entendu de Dieu, comme on le dit dans Abdias: "Nous avons entendu une nouvelle du Seigneur; et il a envoyé <des messagers> vers les nations 6"; soit à cause de ce que les hommes avaient entendu des Apôtres: "Ils écoutent tes paroles et ils ne les accom plissent pas 7."

844. Ensuite, 8 <l’Apôtre> déduit de ce qui précède la conclusion, en disant: 17 Donc, du fait que quelques-uns ne croient pas s’ils n’ont pas entendu, la foi provient de l’audition. "Dès que son oreille m’a entendu, il m’a obéi 9."

En sens contraire, il semble que la foi est une vertu divinement infusée 10: "Il vous a donné touchant le Christ, non seulement de croire en lui, mais aussi de souffrir pour lui 11."

Il faut répondre que deux conditions sont requises pour la foi: la première de celles-ci est l’inclination du coeur à croire, et cela ne vient pas de l’audition, mais du don de la grâce; tandis que l’autre est la détermi nation à l’égard de ce qui doit être cru et cela vient de l’audition. Ainsi pour Corneille, qui avait le coeur incliné à croire, il fut nécessaire que Pierre lui fût envoyé, afin de déterminer pour lui ce qu’il devait croire 12. A partir de ce qu’il avait dit comment entendront-ils si personne ne prêche? Et comment prêcheront-ils s’ils ne sont pas envoyés?, <L’Apôtre> conclut: et on entend, à savoir chez les croyants, par la parole des prédicateurs qui est la Parole du Christ, soit parce qu’elle a le Christ pour objet: "Nous, nous prêchons Jésus-Christ crucifié 13", soit parce qu’ils ont reçu leur mission du Christ: "Car j’ai reçu moi-même du Seigneur ce que je vous ai aussi transmis 14"

1. Jn 6, 45.

2. Jn 15, 22.

3. Ez 2, 6.

4. Mi 7, 1.

5. Eccli (Si) 48, 27.

6. Ab I (littéralement " un messager").

7. Ez 33, 32.

8. Lieux parallèles Somme Théologique 2a-2 Q. 2, a. 5; 1 Sentences dist. 33, Q. 1, a. 5; 3 Sentences dist. 25, Q. 2, a. 1, q I et 2; De veritate, Q. 14, a. li, sol. 2; Q. 18, a. 3; Q. 27, a. 3, sol. 2.

9. Ps 17, 45b.

10. Lieux parallèles Somme Théologique 1a Q. 111, a. 1, sol. I; 2 Q. 6, a. 1; 3 Contra Gentiles c. 154; De veritate, Q. 18, a. 3; Contra error. Graec., c. 30; Ad Epizes. 2, 8, lect. 3 (éd. Marietti, n° 93 et 95).

ll. Ph 1, 29.

12. Voir Ac 10.

13. 1 Co 1, 23. Jésus est une variante qui figure notamment

chez saint Hilaire (De Trinitate, III, 24 [n° 62, 97 en note]); X (CCL 62 A, 518). Voir DOM SABATIER, Bibi. saer., t. III, p. 660 (Notae ad versionetn antiquanl).

14. 1 Co 11, 23.



Thomas A. sur Rm (1999) 46