Discours 1970 41

DISCOURS DU PAPE PAUL VI AU CORPS DIPLOMATIQUE ACCRÉDITÉ PRÈS LE SAINT-SIÈGE*


Lundi 8 juin

VOEUX DU CORPS DIPLOMATIQUE





A l'occasion du jubilé du Saint-Père





Excellences et chers Messieurs,



Cette rencontre est pour Nous une très grande joie. Nous avons été vraiment très touché de votre démarche spontanée, de votre désir de vous unir à la célébration du cinquantième anniversaire de notre ordination sacerdotale, et de la part personnelle que vous avez voulu y prendre.

Une circonstance comme celle-là Nous fait mieux prendre conscience que Nous formons ensemble une famille, qui partage les joies et les peines de tous. Vous n'êtes pas en effet seulement les représentants des intérêts dé vos pays respectifs, mus uniquement par la préoccupation de présenter au Saint-Siège ce qui les concerne directement, selon les devoirs de votre haute mission diplomatique. Mais vous êtes des hommes de coeur, attentifs à ce qui concerne notre vie, même en ce qu'elle a de plus personnel.

42 Permettez-Nous de vous en faire, ce matin, la confidence : toutes les activités du Pape, toutes les obligations inhérentes à sa charge pastorale, à son ministère universel, tout cela n'a de raison d'être pour Nous que dans le sacerdoce, qui est le coeur de notre vie la plus intime et la plus profonde.

Et Nous sommes particulièrement sensible au fait que, par-delà les différences d'attitudes religieuses et de croyances, vous l'ayez compris, et que vous ayez tenu à participer à cet événement tout intérieur, à cette joie du prêtre que Nous sommes.

A propos de cette remarque suscitée par notre rencontre particulière de ce matin, Nous serions tenté de répéter les deux critères fondamentaux qui justifient et caractérisent les relations que Nous avons l'honneur d'entretenir avec vous, avec les pays que vous représentez si dignement auprès du Saint-Siège, avec la vie internationale.

Le premier de ces critères, c'est la conviction, humblement mais fermement ancrée dans notre esprit, que Nous pouvons au cours de nos conversations rappeler sans cesse les principes suprêmes sur lesquels doit être fondée la vie de la communauté humaine, pour être bonne et toujours en progrès : nous voulons dire la justice et le droit, qui découlent d'une conception éthique sûre et sacrée de la vie, aussi bien des individus que des peuples. Ces principes, dans la société civile, trouvent leur application au plan temporel, et c'est sur ce plan que se déroule notre dialogue avec vous ; mais pour Nous ils prennent leur source et leur force dans la foi religieuse que Nous portons en notre coeur et que nous avons le devoir — grave et doux en même temps — de professer comme croyant et comme ministre, comme prêtre, et tout spécialement au poste qui Nous a été assigné dans l'Eglise.

En second lieu, ce caractère religieux qui est le nôtre et que, si aimablement, vous voulez honorer aujourd'hui, vous donne l'assurance que nos rapports aussi bien diplomatiques qu'humains, avec vous et avec vos pays, conservent un aspect tout à fait particulier : ces rapports ne sont pas établis sur le contraste, ni sur des intérêts opposés à vos propres intérêts, ni sur l'émulation ou le prestige ; mais ce sont des rapports de service, et donc d'amour pour vos peuples. Eh effet, c'est au bien de vos peuples que Nous cherchons à collaborer — à leur développement, à leur progrès civil, social et moral —, en réaffirmant ces principes universels dont Nous avons parlé et auxquels Nous ne cessons de faire appel. Ces rapports, en un mot, sont faits d'amitié pour la paix ; la paix pour chacun de vos pays, et la paix pour le monde entier. Telles sont les perspectives que Nous ouvre et dont nous fait un devoir notre sacerdoce, ce sacerdoce qu'honoré aujourd'hui votre visite qui Nous est si agréable, et dont Nous vous sommes si reconnaissant.

Nous voulons vous dire aussi combien Nous a touché le choix que vous avez fait en cette circonstance, d'une bourse d'étude pour un jeune prêtre ou séminariste, qui pourra ainsi mieux se préparer à la grave et grande responsabilité qui sera la sienne dans le monde de demain. De par vos fonctions auprès du Saint-Siège, vous êtes en effet mieux à même que quiconque de connaître de près ses soucis, ses problèmes, ses projets. Et vous savez qu'à l'heure présente de son histoire l'Eglise se préoccupe plus que jamais de ses prêtres, de ses futurs prêtres, de leur formation, de leur vie. Aussi sommes-Nous très sensible à votre délicate attention, à ce don collectif qui manifeste votre profonde compréhension humaine de ce qui est au coeur de la vie de l'Eglise, à ce souci que vous avez eu d'y participer pour votre part.

C'est vous dire avec quelle gratitude Nous accueillons votre geste, heureux de voir se resserrer ainsi, par-delà les exigences du protocole et tes devoirs de notre charge, les liens humains et spirituels qui Nous unissent. Vous êtes, Messieurs, des hommes de coeur. N'est-ce pas une des qualités les plus éminentes du diplomate, la plus nécessaire peut-être aussi pour l'exercice de ses hautes fonctions au service de son pays, comme aussi de ce bien commun des hommes : la concorde, dans le respect mutuel des différents groupes qui constituent la grande famille humaine ? Si l'occasion ne Nous est pas toujours donnée de Nous entretenir avec vous de ce qui fait votre vie personnelle et familiale, de ce qui vous tient le plus à coeur en ce monde, Nous pouvons du moins ce matin vous assurer tous que, dans notre prière sacerdotale, Nous portons vos intentions auprès du Dieu Tout-Puissant, de qui vient « tout don excellent, tout don parfait » (
Jc 1,17). En recommandant au Très-Haut, avec vos personnes, ceux qui vous sont chers, Nous appelons sur tous l'abondance des divines bénédictions.



Diamo il testo della pergamena speciale:

Il y a cinquante ans, Vos mains recevaient l’onction sacerdotale, et sur l’autel Vous pouviez offrir pour la première fois, sous le regard émerveillé de Vos parents, le pain et le vin du Sacrifice eucharistique.
Maintenant que Vous occupez la Chaire de Pierre, le champ de votre apostolat s’étend au monde entier, et votre voix de Père et de Pasteur de l’immense troupeau du Christ, se fait entendre jusqu’aux confins de la terre.
Attirés par cette parole de foi et d’amour, les yeux de tous se tournent vers Votre personne et, en raison de vos efforts remplis d’amour et de ténacité en faveur d’une paix véritable, le monde entier regarde vers la fenêtre du Père dans l’espoir de voir se lever l’aube d’une plénitude de justice et de paix entre les hommes et entre les nations.
43 Pour tout cela, et en souvenir de cette fête marquée du doigt de Dieu, le Corps Diplomatique accrédité auprès de Votre Sainteté vous offre cet humble don, qu’il dépose respectueusement entre Vos mains et qui est destiné à une bourse d’études pour un prêtre, selon le désir le plus intime de votre coeur paternel.
En témoignage de quoi, tous et chacun des Chefs de Mission ont signé ce parchemin, avec une profonde émotion, en témoignage de filiale affection.

*AAS 62 (1970, p.512-514.

Insegnamenti di Paolo VI, vol. VIII, p.593-595.

L’Osservatore Romano, 8-9.6.1970, p.1.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française, n.25 p.1, 10.

La Documentation catholique, n.1566 p.607-608.





À L’AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE MALGACHE PRÈS LE SAINT-SIÈGE*


Jeudi 11 juin 1970




Monsieur l’Ambassadeur,

Nous sommes très sensible aux sentiments délicats que Votre Excellence vient de Nous exprimer et Nous la remercions vivement des voeux filiaux qu’elle Nous a présentés. De grand coeur Nous vous souhaitons la bienvenue en ce Palais Apostolique, en ce début de votre haute mission.
Vous représentez auprès de Nous Son Excellence Monsieur Philibert Tsiranana, Président de la République Malgache. Nous avons suivi avec une vive émotion et une affectueuse attention sa récente épreuve de santé: Nous vous confions le soin de lui porter, avec le témoignage de notre cordial souvenir, nos meilleurs souhaits pour son rétablissement et l’assurance de notre prière à ses intentions.
44 Votre Excellence sait toute la sympathie que Nous éprouvons pour le noble peuple malgache. Avec tous ses fils, Nous avons compati à ses épreuves, lors du terrible cyclone Jane, qui s’est récemment abattu sur votre pays, y semant la destruction et laissant de nombreuses familles sans t’ait et sans ressources. Nous espérons que ces difficultés seront bientôt surmontées.
Vous savez aussi la haute estime que Nous portons à vos compatriotes, et combien Nous apprécions le riche patrimoine de leur sagesse ancestrale, leur âme profondément religieuse, leur sens de la vie familiale, leur esprit pacifique et conciliateur, ainsi que la manière dont ils ont su prendre la place qui leur revient dans le concert des nations comme au sein de l’Eglise.

Enracinée sur cet humus fécond de valeurs humaines, la foi chrétienne apportée par de généreux missionnaires a pu se déployer largement chez vous, marquant à son tour l’âme malgache de cet enrichissement inégalable dû aux dons de Dieu, Avec nos frères vénérés, les Evêques de votre pays, Nous invitons nos fils catholiques à cette double et bénéfique fidélité. Au service du bien commun, en union avec tous leurs compatriotes, qu’ils mettent en oeuvre généreusement leurs talents et leurs responsabilités, pour réaliser cette grande oeuvre du développement matériel, social, culturel et spirituel, auquel votre nation travaille si activement. L’Evangile nous presse en effet de faire briller partout l’esprit de service, de justice, de paix et d’amour, sans lequel notre monde ne saurait devenir cette communauté humaine et fraternelle que les hommes recherchent si ardemment.
C’est dans ces sentiments que Nous invoquons de grand coeur les grâces de Dieu sur tout le peuple malgache en gage d’un fécond avenir matériel et spirituel pour la grande Ile. Et, en vous souhaitant une fructueuse mission auprès du Saint-Siège, Nous vous donnons à vous-même, Monsieur l’Ambassadeur, à votre famille et à tous ceux qui vous sont chers, Notre paternelle Bénédiction Apostolique.

*AAS 62 (1970), p.514-515.

Insegnamenti di Paolo VI, vol. VIII, p.635-636.

L'Osservatore Romano, 12.6.1970 p.1.

L’Attività della Santa Sede 1970, p.282-283.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française, n.25 p.3, 4.




23 juin



LE SAINT-PERE AU SACRE COLLEGE : « IL FAUT ANNONCER LA FOI SANS EQUIVOQUE »





Messieurs les Cardinaux,



45 Nous avons été très ému par l'affection dont vous avez voulu Nous entourer en cette heureuse circonstance et que le cher et vénéré Cardinal Aloisi Masella a exprimée avec tant de délicatesse. Nous aimons voir dans ces égards de votre part le signe de l'unanimité de la foi catholique qui nous unit au nom du Christ et de la ferveur sacerdotale qui, pour Nous depuis un demi-siècle et pour vous depuis tant d'années, anime nos vies passées à annoncer la bonne nouvelle du Christ Sauveur et au service du Saint-Siège.

Il n'y a pas pour Nous de plus grand bonheur que celui de partager avec vous Notre joie sacerdotale et, par vous, avec tous Nos frères dans l'épiscopat, avec tous les prêtres et tous les fidèles. A tous Nous voulons exprimer Notre satisfaction pour leur affection, Notre gratitude pour leurs prières, Notre joie pour leur généreux apostolat au service de l'Eglise. Cette heure difficile de la vie ecclésiale est cependant une heure bénie de Dieu, une heure riche de grâces, une heure pleine d'espérances. Aujourd'hui comme hier l'Eglise accomplit sa mission de salut à travers le monde et transmet aux hommes les promesses de la Rédemption et de la vie éternelle. Si elle gémit actuellement c’est, comme le dit saint Paul, en raison des douleurs de l'enfantement qui précèdent l'allégresse d'une nouvelle naissance : elle porte en elle l'Esprit de Dieu, l'Esprit créateur, l'Esprit d'amour et de charité.

Si l'esprit de division, comme toujours — nous en sommes d'ailleurs avertis — est à l'oeuvre dans le champ du Père de famille pour y semer l'ivraie (cf. Mt
Mt 13,25), ne nous laissons pas attirer par ses ruses, ni décourager par son intrusion : continuons notre travail humble, modeste, fervent, désintéressé, attentif aux signes des temps, dans l'authentique climat d'un dialogue sincère et loyal et dans une conversation fraternelle, inspirée par la prière, nourrie par la charité.

L'Esprit du Seigneur est à l'oeuvre lui aussi dans son Eglise: Ce n'est pas du tout un esprit de contestation, mais de rénovation et de paix. Il suscite sans cesse de nouvelles initiatives, celles de l'apostolat et de la sainteté. Puisque nous avons célébré la Pentecôte, nous devons être encore plus attentifs à ses appels, plus dociles à ses inspirations, plus intrépides pour répondre à ses impulsions. Il nous pousse au large, c'est-à-dire vers les besoins des temps nouveaux. Affrontons-les avec amour, avec pondération, sans céder à la tendance inconsidérée du monde profane et sans craindre les embûches du Malin, sûrs comme nous le sommes d'être dans les mains de Dieu et portés par son amour.

Aujourd'hui nous devons implorer avec ferveur une grande grâce du Saint-Esprit. L'heure qui sonne au cadran de l'histoire exige effectivement de tous les fils de l'Eglise un grand courage et, d'une manière toute particulière, le courage de la vérité, que le Seigneur en personne a recommandé à ses disciples lorsqu'il a dit : « Que votre oui soit oui, que votre non soit non » (Mt 5,37).

Affronter avec amour les nécessités du temps





La vague des contestations, des négations et des violences submerge aujourd'hui les digues les plus sûres, et l'homme aux prises avec son destin ressemble souvent au marin égaré en haute mer, qui a perdu le contact avec la côte, ou à l'alpiniste surpris par l'ouragan pendant une ascension, qui lui fait mesurer la profondeur de l'abîme.

Comment le chrétien pourrait-il ne pas être bouleversé par cette tempête qui semble frapper l'Eglise elle-même ? Au moment où celle-ci implore de l'Esprit les énergies de la croissance spirituelle et apostolique nécessaires pour franchir une nouvelle et difficile étape de son histoire, on voit se soulever jusque dans son sein des énergies destructrices. Certains voudraient alors la faire retourner sur ses pas pour retrouver la sécurité perdue. D'autres, au contraire, se laissent aller à l'exaltation d'un dangereux transformisme sans plus savoir, semble-t-il, ce qu'est vraiment le Christ, ce qu'est vraiment l'Eglise, ni la foi qui nous permet de les servir.

Le courage de la vérité





Que de fois l'Ecriture divine nous avertit à ce sujet ! N'écoutons pas tous ceux qui prétendent nous apporter un évangile différent (cf. Ga Ga 1,8-9). Que de gnoses ont disparu au cours des siècles qui semblaient, à leur époque, bien plus intelligentes que le mystère de la Croix et le nom de Jésus Sauveur (cf. 1Co 1,18-25) ! Les idoles renaissent toujours. Mais que serait le christianisme si on voulait le réduire à une idéologie, à une sociologie naturaliste ? Que serait l'Eglise si elle se laissait émietter en tant de sectes ? Non. Le Christ est venu pour libérer l'homme de toutes les idoles et avant tout de celles que son esprit se forme de siècle en siècle : « Aucune vérité, quelque sacrée qu'elle soit, ne peut longtemps résister à l'énergie sauvage des passions et au scepticisme dissolvant de l'intelligence humaine en matière de religion... » (Cardinal john henry newman, Apologia pro vita sua. History of my religions opinions. London, Longmans 1902, chap. 5).

Le courage de la vérité s'impose plus que jamais aux chrétiens s'ils veulent être fidèles à leur vocation de donner une âme à ce monde nouveau qui se cherche. Que notre foi au Christ soit sans faille en notre époque marquée, comme celle de saint Augustin, par une vraie « misère et pénurie de vérité » (Serm. 11, 11 ; Miscellanea agostiniana, 1930, 256). Que chacun soit disposé à vitam impendere vero (JUVENAL, Sat. IV, 91) !

46 Le courage de proclamer la vérité est aussi la première et indispensable charité que les pasteurs des âmes doivent pratiquer. Nous n'admettons jamais, même sous le prétexte de la charité envers le prochain, qu'un ministre de l'évangile prononce une parole purement humaine. Le salut des hommes ne se fait pas à moitié. Par conséquent, dans ce souvenir encore vivant de la Pentecôte, Nous voulons faire appel à tous les pasteurs responsables pour qu'ils élèvent leur voix lorsque c'est nécessaire, avec la force de l'Esprit-Saint (cf. Ac Ac 1,8), pour clarifier ce qui est trouble, redresser ce qui est tortueux, réchauffer ce qui est tiède, réconforter ce qui est faible, éclairer ce qui est obscur. Plus que jamais cette heure est l'heure de la clarté pour la foi de l'Eglise. Elle nous invite à éclairer l'opacité des réalités humaines par le rayonnement du message évangélique dans la recherche de cette paix spirituelle qui naît de la possession de la vérité et de l'amour de la prière, selon la belle et grande parole de notre prédécesseur, sur le siège de Milan, saint Ambroise : « Est bona pax et necessaria, ut nemo disputationum turbetur incertis neque passionum corporalium tempestate quatiatur, sed simplicitate fidei et tranquillitate mentis quietus circa Dei cultum perseveret affectus » (De Spiritu Sancto, I, 12, 126 : C.S.E.L. éd. Faller 79, 9, p. 69).

Les conflits d'Indochine et du Moyen-Orient





Cette paix intérieure doit se refléter ensuite à l'extérieur dans la tranquillité de l'ordre : et c'est là l'angoisse quotidienne qui Nous hante dans Notre terrible ministère. Avec l'aide de Dieu, Nous cherchons à apporter pleinement et totalement Nos humbles forces pour que s'établisse dans le monde et se renforce toujours davantage la paix, ce don si précieux et si fragile qui, lui aussi, semble plus que jamais compromis en tant de parties de notre monde tourmenté.

Votre Eminence a voulu y faire allusion par des paroles délicates dont Nous lui sommes reconnaissant.

En vérité, depuis le début de Notre sacerdoce, l'exclamation qui est aussi une invitation : « Quam pulchri pedes evangelizantium pacem, evangelizantium bonum » (Rm 10,15) a retenti à Nos oreilles. Et spécialement, depuis que le Seigneur Nous a appelé au service de son Eglise dans le Souverain Pontificat, Nous Nous sommes fermement proposé de consacrer Notre oeuvre en même temps au service de la paix. Et maintenant Nous avons le sentiment de pouvoir dire, humblement mais avec une conscience tranquille, que jamais, en ces dernières années, Notre esprit n'a nourri d'autres pensées qui ne fussent de paix et que Nous avons toujours tâché de faire suivre Notre pensée par l'action et l'effort, dans la mesure qui Nous était possible, pour conserver ou rétablir dans la justice et dans l'amour l'harmonie entre les hommes et entre les nations : Nous le faisons sans cesse, sans Nous décourager de nos insuccès ni, de l'incompréhension des buts qui Nous font agir, sûr de faire Nôtre le désir profond de l'humanité et surtout confiant dans l'aide de Celui qui est appelé le Dieu de la paix.

Malheureusement Nous devons prendre acte de ce que les grands conflits qui, depuis des années, ensanglantent les régions de l'Indochine et du Proche-Orient, loin d'approcher de la solution souhaitée, sont devenus dernièrement plus difficiles et plus complexes. Non seulement les champs des opérations belliqueuses s'étendent, mais les peuples directement intéressés et au nom desquels les guerres sont combattues semblent compter de moins en moins. L'accroissement de l'engagement militaire des grandes puissances, en effet, en même temps qu'il rend plus dangereuses les querelles par la menace de plus amples développements imprévisibles, en fait dépendre la fin de conditions et de volontés qui dépassent les choix de ceux qui, depuis des années, souffrent de leurs douloureuses conséquences.

En même temps que Nous renouvelons à ces victimes l'expression de Notre vive et paternelle participation à leurs souffrances, Nous désirons réitérer notre pressant appel à tous ceux qui ont quelque possibilité et responsabilité dans l'affaire, parce que Nous voulons engager, d'un côté comme de l'autre, et avec quelque sacrifice si c'est nécessaire, dans la recherche des voies d'une juste et équitable solution négociée, qui tienne compte des droits et des légitimes intérêts de tous les peuples impliqués dans les conflits et des attentes d'une humanité anxieuse de son propre sort.

Vaincre les misères et les déséquilibres entre les peuples





Cette humanité qui a droit à la paix, a droit aussi à ce que tous s'emploient à supprimer les causes qui alimentent les conflits à l'intérieur des nations et entre elles. Tâche grande et difficile, mais à laquelle il est juste de se consacrer avec une volonté sincère et tenace.

Pensons aux déséquilibres entre les peuples, à la misère qui actuellement presse une si grande partie de nos frères. Pensons aux injustices anciennes et nouvelles, en cours ou déjà établies, et aux réactions qu'elles provoquent. Pensons aux antagonismes et aux égoïsmes des groupes sociaux ou des Puissances, aux oppressions des plus faibles et de ceux qui sont sans défense.

D'autre part, Nous ne pouvons ne pas déplorer que soient érigées en systèmes de lutté des méthodes de terreur que la conscience civile réprouve à juste titre. Ce n'est pas par de nouvelles injustices que se combattent celles contre lesquelles on s'insurge, comme ce n'est pas en violant les droits de l'homme qu'on peut rétablir l'ordre troublé par des actes qui sont eux aussi délictueux.

47 En ce qui Nous concerne, Nous ne Nous lasserons pas d'élever Notre voix, d'exercer Notre action, souvent couverte d'un voile de discrétion pour en assurer une meilleure efficacité et n'offenser l'honneur de personne, afin que les raisons de la justice et — Nous voudrions le souhaiter — les exigences de la fraternité humaine trouvent l'accueil qui leur est dû et soient le fondement de cette paix vraie et solide que Nous désirons. Que le Christ l'entende, Lui qui « est notre paix » !

Voici, vénérables Frères et Fils très chers, ce que Nous avons voulu vous dire en cette circonstance si intime et si chère pour Nous, que vous avez voulu rendre si solennelle par votre présence et votre solidarité. Uni avec vous Nous voulons remercier le Saint-Esprit et Nous le prions de confirmer les bonnes résolutions de tous en cette heure de courage et de vérité afin que, selon les paroles de saint Ambroise, « magis in bonis operibus et sensibus ambulantes, repleamur voluntate Dei » (De Spiritu Sancto, I, 7, 89 : op. cit., p. 53).

Amen, amen.





AUX PARTICIPANTS À L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DU COMITÉ SODEPAX


Samedi 27 juin 1970




Chers Frères dans le Christ, Chers Fils,

Très sensible à la démarche que vous avez tenu à accomplir auprès de Nous, au terme des travaux qui vous rassemblaient dans le cadre hospitalier de la maison des Pères du Verbe Divin à Némi, Nous accueillons volontiers de tout coeur votre groupe de travail et d’étude oecuménique au service de la Société, du Développement et de la Paix.
Votre présence ici constitue un nouveau signe des liens fraternels entre le Conseil oecuménique des Eglises et l’Eglise catholique, illustrés de manière si émouvante lors de Notre visite l’an passé au siège du Conseil oecuménique à Genève.
Grâce à l’activité du secrétariat de ce Comité SODEPAX, qui constitue un lieu de rencontre entre Notre Commission Pontificale Justice et Paix et les instances correspondantes du Conseil mondial, vous avez pu faire ces jours-ci le bilan des sessions organisées depuis deux ans et «poursuivre cet effort commun dans l’étude des causes profondes de la faim et de la pauvreté dans le monde et la mobilisation de l’ensemble du Peuple de Dieu pour l’établissement d’une société plus responsable» selon la définition que M. le Dr Blake donnait de votre travail (Allocution du 10 juin à Genève).

Ce faisant vous rejoignez les préoccupations majeures dont Nous nous faisions l’écho ces jours derniers dans notre discours au Sacré-Collège et vous partagez Notre inquiétude devant les inégalités croissantes entre pays riches et pays en voie de développement, devant les drames qu’engendre chez des populations innocentes l’enchaînement des conflits qui continuent d’ensanglanter diverses parties du monde. Oui les chrétiens ont quelque chose à dire et à faire ensemble pour tenter d’arrêter et de résorber ce cancer d’injustice qui ronge le corps de l’humanité. Quand Nous évoquions il y a quelques jours «l’apport spécifique qu’il revient aux chrétiens d’offrir à un monde en proie aux graves problèmes du développement et de la paix», Nous pensions particulièrement à la contribution qu’ils peuvent et doivent apporter, dans les solutions techniques et politiques qui s’élaborent, par le rappel de l’esprit qui devrait les animer, l’esprit de cet Evangile qui nous est commun.

Devant les menaces de perversion que les formidables pouvoirs de la science et de I’argent mettent entre les mains de certains hommes ou de certains pays, devant les tentations de révolte et de subversion violente qui guettent les populations miséreuses et opprimées, les Chrétiens doivent être, au sein de ces tensions, les artisans de la conversion des hommes, de tous les hommes, au respect et à l’amour mutuels. Telle est la voie du Christ: une voie qu’il faut emprunter avec les moyens de l’Evangile. Non pas des moyens de puissance, de pression dominatrice, mais le témoignage contagieux d’un amour qui, nous révélant à nous-même et à nos frères le péché qui nous sépare, ouvre, par la prière et la pénitence, le coeur des hommes à la justice, à la solidarité, au partage fraternel. C’est, croyons-Nous, cette disposition intérieure qui doit être à la base de toute transformation de la Société. C’est elle qui doit être l’âme de nos dialogues avec les hommes, de notre action sur les institutions. C’est cette conversion que les chrétiens doivent susciter dans tous leurs milieux, à tous les niveaux de la société, parce qu’ils savent en disciples fidèles du Christ qu’elle est le levain qui peut assurer de manière authentique la montée des hommes et des peuples dans la justice et la paix.

Conduits par cet esprit vous pouvez être assurés, chers amis, de répondre, par vos études sur la condition sociale du monde et par vos efforts de sensibilisation de l’opinion, aux requêtes fondamentales de l’humanité d’aujourd’hui.
48 Certes nos Eglises n’en sont pas encore au point de convergence et d’unité qui permettrait à votre Comité de les engager immédiatement dans une action commune, permanente, universelle. Même en matière sociale, les positions doctrinales et les méthodes pastorales doivent être assurées, approfondies séparément au sein de leurs organismes compétents respectifs. Dans la phase expérimentale de votre collaboration, il revient aux autorités responsables de chacune de ces Eglises d’en étudier les projets et d’en adapter, et peut-être d’en différer, la réalisation en fonction des possibilités et des structures qui leur sont propres. Nous nous étions permis de le préciser l’an passé à Genève: au niveau local «le peuple chrétien doit être préparé au dialogue et à la coopération oecuménique», ce qui dans l’Eglise catholique est confié «aux soins diligents et à la prudente direction des évêques».

Mais que ces nécessaires prudences ne vous découragent pas. L’unité à laquelle nous tendons ensemble a tout à gagner à s’élaborer dans la clarté d’une confrontation confiante de nos conceptions respectives. Déjà la préoccupation que vous portez de servir la famille humaine au nom du même Evangile est le signe d’une concorde réalisée dans les coeurs.
Prions ensemble le Dieu de qui vient toute grâce que notre marche tâtonnante et, Nous le savons, trop lente pour certains vers l’unité, ne nous détourne pas un seul instant de la mission, longtemps compromise par nos insuffisances, de réaliser enfin le voeu du Christ à ses disciples «qu’ils soient un, afin que le monde croie».



AU COLLÈGE DE DÉFENSE DE L'O.T.A.N.*


Samedi 11 juillet 1970

Monsieur le Général, chers Messieurs et chers Fils!


Au terme de cette 36ème Session, les Auditeurs de votre Collège de Défense de l’O.T.A.N. sont sur le point de se disperser et de rejoindre leur chère patrie, en Turquie, en Europe, en Amérique. Et vous avez voulu passer avec Nous ces quelques instants pour recevoir notre témoignage et notre Bénédiction. Soyez les bienvenus!
Avec votre Commandant, Monsieur le Général Sefik Erensü - que Nous avons le plaisir de revoir avant son départ de Rome -, avec ses Adjoints, vous venez de bénéficier, pensons-Nous, d’un stage d’un grand intérêt. Non seulement, vous avez pu acquérir un supplément de formation technique à la hauteur des exigences de notre temps, mais vous avez vécu une expérience de solidarité par-dessus les frontières.

L’organisation de l’O.T.A.N. s’est révélée capable de préparer et de maintenir une collaboration internationale pour assurer la sécurité et la paix des pays membres, et Nous savons qu’il n’est pas de liberté et de paix sans cette sécurité: comme Nous souhaitons que cette solidarité s’élargisse et s’approfondisse, non seulement dans une commune défense, mais dans la construction positive de la paix, dans une recherche sincère d’entente entre les peuples, pour garantir les droits des populations opprimées ou menacées, pour susciter des solutions justes dans le respect loyal des intérêts de chacun, et surtout pour permettre enfin aux nations, - libérées, grâce à une défense et à des pactes vraiment internationaux, du joug de la peur, de la course aux armements et de la guerre fratricide - de consacrer leurs forces à promouvoir le développement des moyens de subsistance, de la culture et des valeurs spirituelles! Puissiez vous, chers Messieurs, être les garants et les serviteurs d’un tel projet, si bien en harmonie avec le message du Christ et le bonheur des hommes!

C’est dans ces sentiments que Nous implorons de grand coeur sur chacun d’entre vous, sur vos familles et ceux qui vous sont chers, les Bénédictions du Tout-Puissant.

*Insegnamenti di Paolo VI, vol. VIII, p.714-715.

L'Osservatore Romano, 12.7.1970, p.1.

49 L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française, n.29 p.6.



AUX MEMBRES DE LA «JEUNESSE OUVRIÈRE CHRÉTIENNE» DE BELGIQUE


Dimanche 19 juillet 1970




Chers Fils et chères Filles de la J.O.C. de Belgique,

C’est pour Nous une joie profonde de vous accueillir ce matin, d’accueillir, à travers vous, la foule des Jeunes que vous représentez, dont vous êtes les délégués et vers qui s’élance Notre pensée comme la vôtre.
C’est avec ces jeunes travailleurs et ces jeunes travailleuses que vous avez préparé longuement ce pèlerinage. C’est leur vie liée à la vôtre qui remplit les pages du «Dossier Rome 70» que Nous avons lu avec attention et intérêt et en référence auquel Nous voudrions souligner quelques-uns des points qui, parmi d’autres, font apparaître la valeur de votre action.
Sa valeur pédagogique d’abord: la «carte de relations», qui amène chacun d’entre vous à porter un regard neuf sur ceux que vous rencontrez, est au point de départ d’une vie d’amitié qui vous saisit et vous transforme. Vous le dites vous-mêmes: «J’ai appris la solidarité» - «J’ai appris à m’intéresser aux autres et à les aider» - «Quelle égoïste j’ai été. Je le suis encore sans doute, mais maintenant tout est différent . . .».
Et dans cette amitié vous trouvez la force d’agir ensemble au sein de vos communautés naturelles, vous trouvez la possibilité de vous exprimer dans la vérité pour réfléchir votre action.

Ainsi devenez-vous conscients de votre dignité d’hommes et de fils de Dieu, des richesses humaines et divines que le Seigneur vous a confiées comme des talents: c’est là le trésor où les jeunes travailleurs doivent puiser inlassablement pour construire le monde à leur manière et à leur place, découvrant avec vous et grâce à vous ce qu’ils sont, ce qu’ils valent et ce qu’ils peuvent.
De consciences ainsi réveillées naît en effet l’action qui transforme et humanise la société. Dans les témoignages de votre «Dossier» apparaît en pleine clarté la valeur sociale de la J.O.C.: action dans les loisirs comme dans la famille, à l’école comme dans le quartier, action surtout peut-être dans cette vie de travail qui vous marque si profondément.
Les maux que Nous dénoncions naguère à Genève, lors de Notre visite à l’Organisation Internationale du Travail, sont les maux dont trop souvent encore vous souffrez. Mais loin de vous laisser inertes et découragés, ils sont pour vous un appel à agir ensemble pour faire respecter les droits du travail. Ils sont aussi l’occasion de mieux comprendre vos devoirs sociaux: «J’ai compris par la J.O.C. le sens du respect, la responsabilité dans mon travail, le sens de la responsabilité dans le syndicat»: cette phrase de l’un d’entre vous, pris parmi beaucoup d’autres, montre où vous conduit votre mouvement: à préparer, dans des actions à votre mesure, l’avenir humain et chrétien du monde moderne.

Valeur pédagogique, valeur sociale et, finalement, valeur apostolique de votre action. Comment ne pas être impressionné en effet par le sens du Christ et de l’Eglise, par l’esprit missionnaire qui transparaissent dans les pages de votre Dossier de préparation à votre pèlerinage.
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Discours 1970 41