Messages 1970



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Messages 1970
29 mars



« QUE NOTRE PAIX AILLE VERS VOUS »





Message de Pâques



Frères humains,



Quelle autre salutation pourrions-Nous vous présenter en cette joyeuse journée de Pâques sinon celle-là même que le Christ ressuscité adressa à la communauté de ses disciples encore sous l'emprise de l'incertitude et de la peur: Paix à vous !

Oui, Nous osons faire nôtre cette annonce sereine et forte, comme si notre voix était l'écho fidèle de la sienne ; et au nom de Jésus toujours vivant dans la réalité de notre histoire et déjà vivant dans la réalité bienheureuse et éternelle de la posthistoire, nous vous répétons : Paix à vous !

A vous qui êtes réunis en cette place des peuples et qui dans une certaine mesure connaissez d'expérience sa présence cachée, à qui la promesse a été faite de pouvoir vous réunir partout en son nom ; à vous, très chers fidèles de Rome, à vous, pèlerins et hôtes de cette Ville où tout citoyen du monde peut se sentir chez lui ; à vous qui êtes ministres avec Nous de ce Siège Apostolique ; à vous, illustres Représentants des peuples, messagers et collaborateurs avec Nous de l'amitié que Nous voulons faire régner sur terre ; à tous Nous exprimons notre voeu le plus sincère et le meilleur : Paix à vous !

Et, élevant la voix de notre coeur, Nous étendons ce souhait serein de Pâques aux cercles les plus larges de notre cher auditoire : à la toute proche Nation italienne, à toutes, à toutes les Nations du monde, à l'humanité tout entière ; et Nous voudrions que notre souhait de paix se fasse pénétrant et efficient là où sévissent encore les guerres locales, et là où les négociations cherchent sans se lasser à écarter et à résoudre les conflits, afin que la concorde et la collaboration se réinstaurent dans la justice et dans la liberté pour le progrès de tous : Paix, Paix à vous !

A vous, les jeunes de la génération montante, qui, en même temps que vous mettez en accusation les inadaptations de la société actuelle, en cherchez les futurs développements dans des ensembles humains plus authentiques ; à vous, hommes du monde ouvrier, sans cesse en quête d'une meilleure justice sociale, non dans le bouleversement mais dans l'équilibre du bien commun ; à vous, travailleurs du monde scientifique et technique ; à vous, spécialistes de la culture ; à vous, hommes politiques, promoteurs et arbitres du bien public : à vous tous, artisans du monde moderne, que parvienne notre souhait de paix.

Aux familles, aux écoles, aux usines, aux casernes, aux hôpitaux et aux cliniques, à tous les lieux où l'on souffre, partout Nous voulons proclamer : Paix !

Beaucoup, peut-être, de ceux qui Nous écoutent Nous demanderont de quel droit Nous Nous faisons le héraut de cette voix pacifique. Nous répondons tout de suite : tous nous devons être des annonciateurs de paix, parce que cette bonne nouvelle doit concerner tout le monde ; et pour ce qui Nous regarde, Nous l'avons déjà dit : cet appel ne vient pas de Nous, mais, tel que Nous l'avons entendu du Christ, tel, devenu l'instrument de sa voix, Nous vous le redisons : c'est sa Paix que Nous vous annonçons à tous.

Et si quelqu'un Nous demande le sens particulier du mot Paix en cette circonstance, Nous pouvons lui répondre tout simplement que cette Paix de Pâques signifie une grande certitude, une grande sécurité. Ne voyez-vous pas, frères humains, que tous nous avons particulièrement besoin de certitude dans la pensée, de sécurité dans l'action ? Il se produit en effet ceci : plus l'homme cherche, étudie, pense, découvre et construit sa gigantesque tour de la culture moderne, moins il se sent sûr de la valeur de la raison, de la vérité objective, de l'utilité existentielle du savoir, de sa propre immortalité ; le doute l'envahit, le trouble, le secoue, l'abat ; il se réfugie dans l'évidence de ses merveilleuses conquêtes, il s'alimente de la sincérité de ses expériences, il se fie au crédit des grandes paroles sonores à la mode, mais en réalité la peur lui donne le vertige quant à la valeur de toute chose.

Eh bien, Nous, avec ce souhait de Pâques, Nous sommes en mesure d'offrir à l'homme, qui sombre dans l'océan de son propre humanisme, un fondement sûr. Et ce n'est pas un fondement de notre fabrication, qui serait en concurrence avec tant d'autres que le monde moderne offre à l'incertitude humaine ; car, dans notre petitesse et notre faiblesse, Nous n'avons pas la présomption de compter sur un pouvoir quelconque de notre part. Mais il est certain que Nous possédons un fondement solide sur lequel on peut construire la vie, entendons la vie religieuse, dans l'incomparable certitude que donne d'ici, depuis vingt siècles, le témoignage de Pierre : le Christ est ressuscité (cf. Ac Ac 2,24). C'est là l'événement nouveau et prodigieux, vrai et irréfutable, sur lequel tout est fondé ; c'est là désormais et pour toujours « la pierre angulaire, méprisée par les bâtisseurs. Et le salut ne se trouve en aucun autre » (cf. Ac, Ac 4,11-12). Mais même la vie de ce monde peut ressentir les avantages d'une telle assurance vitale. Le Concile dit :

« Constitué Seigneur par sa résurrection, le Christ... agit désormais dans le coeur des hommes par la puissance de son Esprit ; il n'y suscite pas seulement le désir du siècle à venir, mais par là même anime aussi, purifie et fortifie ces aspirations généreuses qui poussent la famille humaine à améliorer ses conditions de vie et à soumettre à cette fin la terre entière » (Gaudium et spes, GS 38).

Nous avons cette conviction, et Nous vous la transmettons avec la Paix. Nous la transmettons comme un humble et fraternel rappel :

— Si vous, hommes de notre siècle, ne voulez pas être trompés par votre propre sagesse, si vous ne voulez pas transformer en instrument de destruction votre propre progrès, rappelez-vous le caractère prioritaire de ce règne de Dieu que le Christ a proclamé comme souveraine justice du monde ;

— si vous voulez attribuer son domaine le plus étendu à la liberté, personnelle ou sociale, afin qu'elle ne fasse pas dominer l'être inférieur sur l'homme supérieur qui est en nous, ou qu'elle ne provoque pas l'écrasement des puissances petites et faibles par celles qui sont plus riches et mieux armées, rappelez-vous le grand promoteur de la conscience responsable devant l'inexorable loi de l'amour évangélique, rappelez-vous le Christ défenseur des pauvres, des petits, des faibles, de ceux qui souffrent ;

— si vous voulez vraiment conduire le monde vers son unité organique, rappelez-vous les principes d'où cette unité tire sa logique et sa possibilité : la fraternité que le Christ nous a enseignée et dont il nous a fait un devoir tout en la rendant facile ;

— si vous voulez donner au monde moderne son émancipation complète et adulte, n'oubliez pas la racine dont notre civilisation tire son génie et la sève de sa maturation, la conception de l'homme racheté.

Et en gage d'espérance, Nous vous transmettons, à vous et au monde, la certitude, une certitude de foi, la sécurité, une sécurité faite d'amour, qui résultent pour nous du message pascal. Oui, qu'en termes de confiance et d'espérance aille vers vous notre Paix, aube d'une journée toujours nouvelle et sereine dans l'histoire du monde.

Paix et bénédiction !








6 avril



MESSAGE POUR LA « JOURNEE MONDIALE 1970 » DES COMMUNICATIONS SOCIALES





Chers frères et fils,

Vous tous, hommes de bonne volonté,

Vous surtout, jeunes du monde entier,



La Journée mondiale des communications sociales rejoint cette année, Nous en sommes sûr, une de vos préoccupations essentielles : « Les communications sociales et la jeunesse ». Qui, en effet, ne prend conscience de notre immense responsabilité à tous, devant l'histoire et devant Dieu, dans l'usage des possibilités extraordinaires que ces moyens nous donnent pour aider les jeunes à s'informer, à se former, à découvrir les vrais problèmes du monde, à rechercher les valeurs authentiques de la vie, à assumer leur vocation d'hommes et de chrétiens ?

Oui, c'est vraiment une interpellation brûlante pour tous les hommes de bonne volonté, pour les organisations privées, nationales et internationales, pour l'Eglise aussi : hommes, quelle jeunesse surgira demain dans cet univers que vous lui construisez aujourd'hui ? Jeunes, quelle société allez-vous réaliser lorsque vous prendrez en mains à votre tour les destins du monde ?

Frères et fils, à tous Nous voulons dire, dans la conscience aiguë de notre responsabilité pastorale : demain sera ce que Nous l'aurons fait, avec la grâce de Dieu.



Or, est-il besoin de le rappeler encore, alors que le phénomène prend chaque jour une plus vaste ampleur, presse, radio, cinéma, télévision tendent à recouvrir, voire à supplanter ce que les contacts familiaux, scolaires et paroissiaux, ce que l'enseignement des maîtres et des éducateurs, bref, tout ce que les moyens traditionnels de la culture, permettaient aux générations d'hier de transmettre à leurs héritiers. Aujourd'hui ce sont de nouvelles sources de savoir et de culture qui jaillissent, avec leur puissant pouvoir d'imprégnation sur les sensibilités comme sur les intelligences, et tout ce cortège de résonances imaginaires et idéologiques qu'entraînent les images sonores et visuelles.

Merveilleux moyens en vérité, d'ouverture, de contact, de communication, de participation. Mais, qui ne le voit, à condition précisément de rester des moyens au service d'une fin, le seul qui soit digne de ce nom : le service de l'homme, de tout homme et de tout l'homme (cf. Populorum Progressio, PP 14), au contraire, l'on constate trop souvent l'utilisation des jeunes et des enfants, comme autant de consommateurs faciles à entraîner sur les pentes de l'érotisme et de la violence, ou sur les chemins périlleux de l'incertitude, de l'anxiété et de l'angoisse. Il n'est pas trop de l'entente de tous les honnêtes gens pour pousser enfin un cri d'alarme, et mettre un terme à des entreprises qu'il faut bien, appeler : corruptrices.

Qui ne saisit dès lors l'urgence d'utiliser les moyens de communication sociale et leur langage émotionnel, à travers le son, l'image, la couleur et le mouvement, pour en faire les modernes instruments des échanges humains, capables de répondre à l'attente de la jeunesse ? Chance inouïe que cette profusion de nourriture, si elle est saine, si l'organisme est préparé à la recevoir, s'il peut l'assimiler aussi et n'en pas être intoxiqué ! Oui, sans aucun doute, merveilleuse possibilité pour tant de jeunes : trouver une détente de choix, acquérir une information étendue et pour certains une première formation à la lecture et à l'écriture — Nous tenons à le rappeler en cette année mondiale de l'éducation, voulue par les Nations-Unies à l'aube de la deuxième décennie du développement —, accéder à une culture de qualité, éprouver le goût des valeurs authentiques de fraternité, de paix, de justice, de bien commun.

Tâche immense, exaltante en vérité, pour tous ceux qui mettent en oeuvre ces moyens gigantesques au service des jeunes. Mais à quoi servirait tout cela si parents et éducateurs n'aidaient ces jeunes à choisir, à juger, à intégrer ce qui leur est proposé, pour devenir hommes et chrétiens à part entière ; et si les jeunes eux-mêmes demeuraient passifs, comme fascinés par ces puissantes sollicitations, englués dans le désir, et incapables de le dominer avec maîtrise ?



Qui saura enfin apporter aux jeunes ce message de vie authentique, loyal et courageux que plus ou moins consciemment ils attendent ? Des centaines de millions d'hommes ont communié au même enthousiasme devant les images étonnantes des premiers pas de l'homme sur la lune. Qui saura unir ces hommes dans la même ferveur autour du Dieu d'amour qui est venu marcher d'un pas d'homme sur notre terre, pour « nous appeler tous à participer en fils à la vie du Dieu vivant, Père de tous les hommes ? » (cf. Populorum Progressio, PP 21).

A tous les pasteurs, à tous ceux qui, nombreux, Nous le savons, prêtres, religieux, religieuses et laïcs, s'emploient avec ardeur à chercher à travers les mass-media ce nouveau langage qu'il faut trouver pour annoncer aux jeunes cette bonne nouvelle, qui demeure toujours une nouvelle étonnante, Nous disons notre encouragement le plus vif. Qui douterait en effet que les jeunes d'aujourd'hui ne soient en attente de cette annonce, qu'ils n'aient soif de ce témoignage, et qu'ils ne sachent reconnaître eux aussi avec une joie profonde, celui qui est lui-même la réponse à leurs interrogations les plus radicales et les plus déconcertantes, lui qui est « devenu pour nous sagesse, justice et sanctification, rédemption? » (1Co 1,30).

« Jeunes, cherchez le Christ pour rester jeunes » (saint augustin, Ad fratres in eremo, sermo XLIV) : c'est notre voeu, c'est notre prière.

Que parents, éducateurs, producteurs, réalisateurs, utilisateurs des moyens de communication sociale, mettent à profit cette journée mondiale qui leur est consacrée, pour une utile réflexion et de fécondes résolutions pour le plus grand bien de la jeunesse ! Nous vous adressons à tous notre affectueuse et confiante Bénédiction Apostolique.

Du Vatican, le 6 avril 1970

En la fête de l'Annonciation de Notre Seigneur.

paulus PP. VI






5 juin



MESSAGE DU PAPE POUR LA JOURNEE MONDIALE MISSIONNAIRE





A tous ceux qui sont nos Frères dans le Christ nous adressons cette année encore notre parole à l'occasion de la Journée Missionnaire. Nous ne pouvons pas nous taire, même si nous ne disons rien de nouveau; mais la cause missionnaire est si vitale pour l'Eglise et si importante pour le monde qu'elle nous oblige à intervenir en cette occasion avec toute la force de notre voix.

La Journée Missionnaire est devenue dans la vie de l'Eglise un événement qui mérite un grand relief. Elle engage directement et au premier chef notre ministère apostolique ; c'est l'ordre du Seigneur qui nous oblige à comprendre, en cette occurrence, combien grave et combien grand est notre rôle de prédicateurs de l'Evangile, non seulement à l'intérieur de l'Eglise mais aussi au-delà de ses limites communautaires et géographiques ; et nous ne pouvons pas négliger l'occasion de faire sentir, à notre tour, cette vocation missionnaire à l'Eglise elle-même, à nos Frères dans l'épiscopat, au Clergé, aux Religieux et Religieuses, à tout Catholique.

Après le Concile, le devoir de concourir à la diffusion de la Foi s'impose à tous, quoique de diverses manières, avec la plus grande urgence, parce qu'il a été enseigné, avec une profonde pénétration théologique, que « l'Eglise, durant son pèlerinage sur terre, est missionnaire par nature » (Ad Gentes, AGD 2) ; elle est signe et instrument de l'intention salvifique de Dieu étendue à toute l'humanité (Lumen Gentium, LG 9) ; et qui veut vivre la vie de l'Eglise doit être attentif à l'urgence intérieure de ce dynamisme ontologique qui est le sien (Ad Gentes, AGD 1, 2, 6), à cette tendance à se répandre qui lui est naturelle, à cette responsabilité intime qu'elle ressent de communiquer la Foi à tous les hommes (cf. Ad Gentes, AGD 28).

Ceci est la mission de l'Eglise en tant que telle. Mais à présent nous pensons à ces institutions particulières dans lesquelles se manifeste, suivant le sens spécifique traditionnel, l'effort d'élargir l'aire humaine de l'annonce évangélique sur la terre, et auxquelles nous donnons le nom béni de Missions catholiques (cf. Ad Gentes, AGD 6).

Nous voulons leur confirmer à nouveau le mandat apostolique les qualifiant et les investissant de la vertu de l'Esprit-Saint pour l'accomplissement de leur oeuvre incomparable ; et nous voulons que tous ceux qui y consacrent leur vie et qui prient, travaillent, souffrent pour les Missions, sachent qu'ils jouissent à un titre spécial, de notre affection et de notre reconnaissance.

Pourquoi cette préférence ? Parce qu'au devoir, à la nécessité de diffuser la Parole du salut s'ajoutent aujourd'hui des circonstances particulières qui nous paraissent « les signes des temps » pour la reprise vigoureuse d'une activité missionnaire rénovée. La parole de Jésus à ses disciples vient à nos lèvres : « ... je vous le dis : levez les yeux et voyez : les champs sont blancs pour la moisson » (Jn 4,35). Il existe des circonstances qui facilitent les communications entre les hommes : le monde est ouvert et exploré, les transports sont partout plus rapides et plus répandus, le commerce, la culture, les relations internationales tendent à des contacts entre les différentes civilisations et visent à l'unification... Mais à quel niveau ? au niveau pratique, oui ; au niveau civil, oui ; mais ne voyons-nous pas que ce processus de rapprochement des hommes entre eux révèle des déficiences pouvant se transformer en menaces de conflits nouveaux et plus graves ? Et ne semble-t-il pas en outre, ce monde, espérer avec impatience cette affirmation de principes, cette effusion d'énergies spirituelles, cette solution d'idéologies discordantes en une fraternelle et unique vérité supérieure qui du Christ seulement peut découler sur nous, même dans l'ordre temporel ? (cf. Lumen Gentium, LG 13).

Une heure nouvelle





Une heure nouvelle est venue pour les Missions. Difficultés nouvelles et facilités nouvelles sont sur les chemins de ceux qui, au nom du Christ, « annoncent de bonnes nouvelles » (Rm 10,15) ; mais cet état actuel des âmes et des choses offre un champ infiniment plus vaste, plus attirant, mais non assurément plus facile aux sages et nobles hardiesses des pionniers de l'Evangile. Nous voudrions aujourd'hui plus que jamais faire écho à la parole pressante du Christ : « Venez à ma suite et je vous ferai pêcheurs d'hommes » (Mt 4,19). Ne nous attardons pas à des critiques corrosives; ne laissons point passer ce moment historique, qui nous semble décisif pour les orientations futures de l'humanité et qui offre au génie et au courage des jeunes l'occasion d'être les sujets et les instruments de nouveaux et exaltants charismes de la foi et de la charité.

Cela signifie que l'activité missionnaire doit être conçue avec des vues larges et modernes. Une nouvelle planification s'impose ; dans les principes théologiques, la propagande, le recrutement, la préparation, les méthodes, les réalisations et l'organisation. C'est une révision que nous savons être en cours, sur une vaste échelle, de la part de ceux qui ont expérience et compétence en la matière, avec l'encouragement et sous la conduite de l'organisme missionnaire central de l'Eglise, notre valeureuse Congrégation pour l'Evangélisation du Monde.

Deux conceptions





Dans cette révision de la vocation missionnaire de l'Eglise, une question domine les autres et met en présence deux conceptions différentes touchant l'orientation générale de l'activité missionnaire, conceptions qui se définissent et se distinguent par deux noms: évangélisation et développement... On entend par évangélisation l'action proprement religieuse qui regarde l'annonce du Règne de Dieu, de l'Evangile en tant que révélation du dessein salvifique dans le Christ Seigneur, par l'action de l'Esprit-Saint, qui trouve dans le ministère de l'Eglise son véhicule, dans l'édification de l'Eglise elle-même son but et dans la gloire de Dieu son terme : c'est la doctrine traditionnelle, à laquelle le Concile a donné son approbation autorisée. Et par développement on veut dire la promotion humaine, civile, temporelle de ces Peuples, qui, au contact de la civilisation moderne et avec l'aide qu'elle peut donner, trouvent une nouvelle conscience d'eux-mêmes et s'acheminent vers des niveaux supérieurs de culture, de prospérité : le Missionnaire doit s'intéresser à cette promotion comme à son devoir imprescriptible (cf. Ad Gentes, AGD 11).

La gravité de cette question, qui met en présence ces deux conceptions, vient d'un double danger : celui de les rendre exclusives l'une de l'autre et celui d'établir inexactement les rapports qui doivent intervenir entre elles.

Nous voulons croire qu'une telle confrontation ne peut être posée comme un dilemme devant exclure une coordination, une complémentarité, une synthèse entre l'évangélisation et le développement. Nous ne saurions concevoir, nous autres croyants, une activité missionnaire qui ferait de la réalité terrestre son but unique ou principal et perdrait de vue sa fin essentielle: porter à tous les hommes la lumière de la foi, les régénérer par le baptême, les unir au Corps mystique du Christ, l'Eglise, leur apprendre ce qu'est la vie chrétienne, les ouvrir à l'espérance de la vie de l'au-delà. Il est également inadmissible que l'action missionnaire de l'Eglise soit insensible aux besoins et aux aspirations des Peuples en voie de développement et que ses finalités religieuses fassent abstraction des devoirs fondamentaux de la charité humaine ; nous ne pouvons oublier la leçon solennelle de l'Evangile sur l'amour du prochain souffrant et besogneux (Mt 25,31-46), leçon reprise par l'enseignement apostolique (cf. 1Jn 4,20 Jc 2,14-18) et confirmée par toute la tradition missionnaire de l'Eglise. Nous-même avons fait état, dans notre Encyclique Populorum progressio), du devoir de favoriser résolument et sagement le progrès économique, culturel, social et spirituel des Peuples, et spécialement de ceux du « tiers-monde » comme on les appelle, où l'activité missionnaire trouve un champ d'action plus étendu pour la réalisation de son programme (cf. Ad Gentes, AGD 12).

Il ne doit pas y avoir de dilemme. La question concerne plutôt la priorité des fins, la priorité des intentions et des devoirs ; et il ne fait pas de doute que l'activité missionnaire soit orientée avant tout vers l'évangélisation et qu'elle doive maintenir cette priorité aussi bien dans l'idée qui l'inspire que dans les moyens avec lesquels elle s'organise et par lesquels elle s'exerce. L'activité missionnaire perdrait sa raison d'être si elle s'éloignait de l'axe religieux qui la conduit: le Royaume de Dieu avant toute autre chose ; le Royaume de Dieu entendu dans son sens vertical, théologique, religieux, qui libère l'homme du péché, lui présente comme suprême commandement l'amour de Dieu et comme ultime destin la vie éternelle. C'est-à-dire le kérygme, la Parole du Christ, l'Evangile, la foi, la grâce, la prière, la croix, la vie chrétienne. Et nous devons être convaincus que la fidélité à ce programme principal de l'activité missionnaire peut engendrer de grandes difficultés, capables d'empêcher parfois et son explication et son expansion : « folie et scandale » (cf. 1Co 1,18 et sq.) est notre mission. Mais n'est-ce pas également cela qui de nos jours, non moins qu'au début de la prédication chrétienne, est sa force et sa sagesse ? Aujourd'hui encore, pratiquement, ce qui dans l'économie terrestre fait obstacle à l'évangélisation : c'est-à-dire son caractère spirituel, peut la libérer des liens matériels de l'économie, du soupçon de colonialisme, de l'impuissance du naturalisme dans le dialogue avec les différentes civilisations.

L'évangélisation fin propre de l'activité missionnaire





La question du dualisme: évangélisation-développement, se pose plutôt à propos de la méthode : est-ce l'évangélisation qui doit précéder ou le développement ? La réponse ne peut être univoque, mais doit être dictée par l'expérience, la possibilité, un empirisme attentif et patient, conforme à l'esprit apostolique et aux exigences des situations diverses, en vue toujours de l'efficacité et de la sainteté de l'activité missionnaire (cf. Ad Gentes, AGD 6). Nous pouvons envisager trois moments : avant, pendant, après l'évangélisation, laquelle garde toujours sa priorité essentielle et intentionnelle ; le développement, c'est-à-dire l'emploi des moyens d'ordre temporel, peut avoir priorité pastorale propre. On parle de pré-évangélisation, c'est-à-dire de l'approche des futurs chrétiens par la charité, l'aide, l'exemple, la vie en commun, la présence. Puis on parle de service : là où arrive l'Evangile arrive la charité ; c'est un témoignage de son efficience sur le plan humain, qui va de pair avec l'évangélisation : les écoles, les hôpitaux, l'assistance sociale, l'éducation professionnelle ; c'est la récompense qui finalement vient après l'évangélisation, c'est-à-dire l'art nouveau de bien vivre.

Pour conclure, nous observerons que si la question du dualisme « évangélisation et développement » se pose sur le plan doctrinal, dans la confrontation des fins respectives et dans la hiérarchie des intentions qui s'y rapportent, elle trouve sa réponse dans la définition du Décret conciliaire : « La fin propre de l'activité missionnaire est l'évangélisation et l'implantation de l'Eglise », (Ad Gentes, AGD 6 cf. Enc. Fidei donum , AAS. AGD 1957,236).

Mais sur le plan pratique, ceux qui ont pris l'engagement missionnaire doivent être convaincus que l'évangélisation s'accomplit aussi au moyen des activités orientées vers le développement temporel et humain des Peuples, auxquels elle est consacrée. De telles activités peuvent se confondre avec l'évangélisation quand, élevées au niveau de la charité, elles ont valeur de fin et encore lorsque, ayant valeur de moyen, elles peuvent, en cours d'exécution précéder et aussi parfaire l'oeuvre évangélisatrice. C'est cela qui, par rapport aux Laïcs spécialement, acquiert une grande importance, appelés comme ils le sont à « chercher le Royaume de Dieu en administrant les choses temporelles » (Lumen Gentium, LG 31) pouvant et devant, « même lorsqu'ils sont accaparés par des soucis temporels, exercer une action importante eu égard à l'évangélisation du monde ! (ibid., 35).

Il arrive parfois que l'activité pour le développement, coordonnée avec celle de l’évangélisation, rayonne elle aussi une lumière du Christ, celle de l'idée de la dignité humaine, des droits de l'homme, de la liberté, de la responsabilité, du devoir, du travail, de la vie sociale, du bon usage de toute valeur même temporelle ; illumine la scène du monde et en révèle la beauté, la richesse, l'honnêteté ; en dévoile aussi les insuffisances, les injustices, les calamités..., que l'homme nouveau, le chrétien, sait alors comment juger et traiter. Et le développement en tire profit pour le progrès, l'unité, la justice et la paix (cf. Ad Gentes, AGD 12 etc.).

L'activité missionnaire annonce l'Evangile et ouvre les voies du développement humain.

Faut-il encore recommander l'évangélisation à vos prières, à votre générosité ? Connue, elle fait d'elle-même son apologie ; mais nous, au nom du Christ notre Seigneur, nous la confions à votre intelligence humaine et chrétienne, à votre charité.

Et à vous tous, Missionnaires et Amis des Missions, nous envoyons, large comme l'horizon du monde, notre Bénédiction Apostolique.



Du Vatican, 5 juin 1970.



paulus PP. VI







À MONS. JEAN RODHAIN, PRÉSIDENT DE CARITAS INTERNATIONALIS, POUR L’AIDE AUX VICTIMES DU CONFLIT EN JORDANIE


Jeudi 24 septembre 1970




A Notre cher Fils Monseigneur Jean Rodhain Président de Caritas Internationalis

En écho aux dispositions favorables avec lesquelles les autorités des parties engagées dans le douloureux conflit survenu en Jordanie ont accueilli Notre proposition d’aide aux malheureuses victimes de ce drame, Nous vous demandons, cher Fils, de prendre en Notre nom et en votre qualité de Président de Caritas Internationalis, toutes les initiatives adaptées aux besoins de cette tragique situation.

Nous vous faisons parvenir immédiatement une contribution pour cette entreprise de grande urgence, vous invitant à solliciter le concours des institutions caritatives nationales et de toute organisation d’assistance susceptible d’apporter son aide pour l’acquisition et l’acheminement des équipements médicaux et des vivres nécessaires au soulagement de milliers de victimes.

Implorant l’assistance du Seigneur sur tous ceux qui souffrent de ces sanglants affrontements comme sur tous ceux qui s’offrent à en panser les blessures, Nous vous envoyons, cher Fils, en gage de Notre confiance pour la mission dont Nous vous chargeons, Notre paternelle Bénédiction Apostolique.

Du Vatican, le 24 Septembre 1970

PAULUS PP. VI




4 octobre



POUR LES PEUPLES COMME POUR LES HOMMES PARLER DE DROITS C'EST AUSSI ENONCER DES DEVOIRS





Message à l'O.N.U.



Au moment où l'Organisation des Nations-Unies fête ses vingt-cinq ans d'existence, Nous sommes heureux de lui apporter, par votre haute entremise, avec nos voeux confiants, l'assurance de Notre sympathie, comme de Notre adhésion à sa vocation universelle. Aujourd'hui encore Nous tenons à redire ce que Nous avions l'honneur de proclamer le 4 octobre 1965 à la tribune de votre Assemblée : « Cette organisation représente le chemin obligé de la civilisation moderne et de la paix mondiale » (cf. AAS, t. LVII, 1965, p. 878).

Un tel anniversaire n'est-il pas l'occasion propice d'un bilan et d'une réflexion sur les résultats qui ont pu être atteints au cours de ce premier quart de siècle ? Si les attentes et les espérances qu'avait suscitées la naissance de votre institution n'ont pu être toutes comblées, du moins doit-on reconnaître que c'est au sein de l'Organisation des Nations-Unies que s'élabore le plus sûrement la volonté des gouvernements et des peuples à collaborer efficacement à la construction de leur fraternelle unité. Où donc d'ailleurs les uns et les autres pourraient-ils mieux trouver un pont pour les relier, une table pour se réunir, une barre pour y plaider la cause de la justice et de la paix ? Si les foyers de violence couvent toujours, jaillissant ici ou là en de nouveaux brasiers, la conscience de l'humanité ne s'affirme pas moins toujours plus fort sur ce forum privilégié où, par-delà les antagonismes et les particularismes, les hommes retrouvent cette part inaliénable d'eux-mêmes qui les réunit tous : l'humain dans l'homme.

N'est-ce pas pour en assurer toujours mieux le respect que votre assemblée s'est justement préoccupée d'établir dans des textes appropriés, pactes ou déclarations, les conditions de dignité, de liberté, de sécurité qui devraient être garanties « par tous, partout et pour tous » ? (cf. Message à la Conférence de Téhéran, dans AAS, t. LX, 1968, p. 285). Plus que jamais, en cette heure tourmentée de leur histoire, les peuples ressentent vivement l'écart qui sépare ces généreuses résolutions de leur mise en oeuvre efficiente. Devant tant de situations inextricables, d'intérêts contradictoires, de préjugés tenaces, devant l'enchaînement tragique des conflits, le découragement guette les meilleurs qui voient s'écrouler l'espoir d'une pacifique coexistence entre des forces obstinément hostiles. Osons-le dire : la paix sera éphémère tant qu'un nouvel esprit ne poussera pas à une vraie réconciliation les hommes, les groupes sociaux et les peuples. Et c'est pourquoi il faut inlassablement s'efforcer de substituer aux relations de force des relations de compréhension profonde, de respect mutuel, de collaboration créatrice.

Proclamée voici plus de vingt ans par votre assemblée, la charte des droits de l'homme en demeure à nos yeux l'un des plus beaux titres de gloire. Demander pour tous, sans acception de race, d'âge, de sexe, de religion, le respect de la dignité humaine et les conditions nécessaires à son exercice, n'est-ce pas traduire haut et clair l'aspiration unanime des coeurs et le témoignage universel des consciences ? Aucune violation de fait ne pourra entamer la reconnaissance de ce droit inaliénable. Mais dans les situations d'oppression prolongée, si contraires aux exigences ainsi proclamées, qui évitera aux humiliés de céder aux tentations de ce qui leur apparaît être la solution de désespoir ?

Malgré d'inévitables échecs et tant d'entraves imposées par sa complexité même à un aussi vaste organisme, ce doit être l'honneur de votre assemblée de prêter sa voix à ceux qui n'ont pas le moyen de se faire entendre, de dénoncer, sans souci des idéologies, toute oppression, d'où qu'elle vienne, et de faire en sorte que les cris de détresse soient entendus, les justes requêtes prises en considération, les faibles protégés contre la violence des forts, et la flamme de l'espérance ainsi entretenue au sein de l'humanité la plus humiliée (cf. Discours à VOIT, dans AAS, t. LXI, 1969, PP 497 et 499). Inlassablement, c'est au coeur de chaque homme —« car le vrai péril se tient dans l'homme » (cf. Discours à l'ONU, dans AAS, t. LVII, 1965, p. 885) — qu'il faut redire : « Qu'as-tu fait de ton frère ? » (cf. Gn Gn 4,10), ce frère qui, pour tant de croyants à travers le monde, est marqué de l'empreinte indélébile du Dieu vivant, Père de tous les hommes (cf. Gn Gn 1,26).

Pour les peuples comme pour les hommes, parler de droits, c'est aussi énoncer des devoirs. Nous vous le disions déjà, voici cinq ans : votre vocation, est de vous reconnaître les uns les autres, de cheminer les uns avec les autres, de vous refuser à ce que les uns dominent les autres, de faire en sorte que jamais plus les uns ne luttent contre les autres, mais que tous travaillent les uns pour les autres. Vaste entreprise, bien digne de réunir toutes les bonnes volontés en une immense et irrésistible conspiration pour ce développement intégral de l'homme et ce développement solidaire de l'humanité, auquel Nous avons osé les convier, au nom d'un « humanisme plénier », dans notre encyclique Populorum Progressio (cf. n. 42).

A l'aube de la deuxième décennie dû développement, qui saura, mieux que l'ONU et ses agences spécialisées, relever le défi lancé à toute l'humanité ? Il s'agit de faire en sorte que les peuples, tout en conservant leur identité et leur manière de vivre originale, s'accordent du moins sur les moyens à prendre pour assurer leur commun vouloir-vivre, et à quelques-uns d'entre eux, leur survie. Reconnaissons-le : le bien commun des peuples, petits ou grands, exige des Etats le dépassement de leurs seuls intérêts nationalistes, pour que les plus beaux projets ne demeurent pas lettre morte et que les structures de dialogue les mieux agencées ne se disloquent pas dans des calculs capables de mettre en péril l'humanité.

N'est-ce pas la livrer à un destin obscur et peut-être fatal que de continuer à stériliser en budgets de guerre les possibilités de progrès les plus étonnants qu'elle ait jamais connues ? L'heure n'a-t-elle pas sonné d'un sursaut de raison devant l'avenir terrifiant que tant d'énergies gaspillées risquent de préparer au monde ? « Ils fondront leurs épées pour en faire des charrues et leurs lances pour en faire des faux » (cf. Is Is 2,4). Puisse votre inlassable obstination, mise au service de toutes les initiatives de désarmement réciproque et contrôlé, assurer en notre ère industrielle la réalisation de l'annonce de l'ancien prophète des temps agraires et employer les ressources rendues ainsi disponibles au progrès scientifique, à la mise en oeuvre des immenses ressources des terres et des océans, et à la subsistance de tous les membres de la famille humaine en perpétuel accroissement : que jamais le travail des vivants ne soit utilisé contre la vie, mais au contraire tourné à l'alimenter et à la rendre vraiment humaine ! Avec imagination, courage et persévérance, vous permettrez ainsi à tous les peuples de prendre pacifiquement la place qui leur revient dans le concert des nations.

Ce dynamisme nouveau à promouvoir requiert, il faut le dire, un changement d'attitude radical, pour « penser d'une manière nouvelle les chemins de l'histoire et les destins du monde » (cf. Discours à l'ONU, dans AAS, t. LVII, 1965, p. 884). Le progrès spirituel ne sort pas, est-il besoin de le souligner, du progrès matériel, auquel seul pourtant il donne son véritable sens, comme l'effet de sa cause. Les réalisations techniques, pour admirables qu'elles soient, ne suscitent par elles-mêmes aucune ascension morale. Alors que la science bondit de succès en succès, son utilisation exige toujours plus de conscience chez l'homme qui la met en oeuvre. Travaillé, en ses forces les plus vives et les plus jeunes, par la plus grave des questions qui l'ait jamais secoué, celle de son salut, le monde moderne oscille entre la peur et l'espoir, et cherche désespérément un sens à donner à sa montée laborieuse, pour la rendre authentiquement humaine.

Aussi est-il d'une importance capitale que votre organisation ait reconnu, parmi les droits fondamentaux de la personne humaine, ce que notre vénéré prédécesseur Jean XXIII appelait « le droit d'honorer Dieu suivant la juste règle dé la conscience, et de professer sa religion dans la vie privée et publique » (cf. Pacem in terris, dans AAS, t. LV, Lv 1963, p. 260) : cette liberté religieuse dont l'Eglise a réaffirmé tout le prix au Concile oecuménique (cf. Dignitatis Humanae, DH 2). Mais, hélas, ce droit sacré entre tous se trouve impunément bafoué pour des millions d'hommes, victimes innocentes d'intolérables discriminations religieuses. Aussi Nous tournons-Nous avec confiance vers votre noble assemblée, dans l'espoir qu'elle saura promouvoir, en un domaine si fondamental de la vie des hommes, une attitude conforme à la voix irrépressible de la conscience, et proscrire des comportements incompatibles avec la dignité du genre humain.

C'est dire de quelle espérance votre organisation est porteuse, pour réaliser cette communauté d'hommes libres qui demeure l'idéal de l'humanité, et de quelles énergies il lui faut disposer pour remplir un tel programme. Mais, selon la si juste remarque d'un grand penseur contemporain : « Plus cette immense tâche est difficile, plus elle doit tenter les hommes. Les peuples n'entrent en mouvement que pour les choses difficiles » (cf. J. maritain, Christianisme et Démocratie, Paris, éd. Hartmann 1947, p. 71).

Il existe en effet un bien commun des hommes, et il appartient à votre organisation, de par sa vocation à l'universalité qui est sa raison d'être, de le promouvoir inlassablement. Malgré les tensions permanentes et les oppositions sans cesse renaissantes, l'unité de la famille humaine s'affirme toujours plus dans un même refus de l'injustice et de la guerre, et dans le même espoir d'un monde fraternel où personnes et communautés puissent s'épanouir librement selon leurs virtualités matérielles, intellectuelles et spirituelles. Au coeur des pires affrontements jaillit plus forte encore l'aspiration vers un monde où la force — celle des plus puissants tout spécialement — ne domine plus de son poids égoïste et aveugle, mais soit l'expression d'une responsabilité plus grande et plus haute au service d'une libre et féconde coopération entre tous les groupes humains, dans le respect mutuel de leurs valeurs propres.

La vocation des Nations-Unies n'est-elle pas de prémunir les Etats contre les tentations qui les assaillent, de donner consistance à toutes les bonnes volontés, et d'aider les peuples à cheminer vers une société où chacun soit reconnu, respecté, et soutenu dans son effort de croissance spirituelle, vers une plus grande maîtrise de lui-même, dans une authentique liberté ? Oui, le travail de l'homme et les conquêtes du génie humain rejoignent le dessein du Dieu créateur et rédempteur, pourvu que son intelligence et son coeur se haussent au niveau de sa science et de sa technique, et sachent extirper les forces de division, voire de dissolution, toujours à l'oeuvre dans l'humanité.

Aussi renouvelons-Nous Notre confiance que votre organisation saura répondre à l'immense espoir d'une communauté mondiale fraternelle où chacun puisse mener une vie vraiment humaine. Disciples de Celui qui a donné sa vie pour réunir les enfants de Dieu dispersés, les chrétiens pour leur part, portés par l'espérance puisée dans le message du Christ, entendent travailler avec énergie en collaboration avec tous les hommes de coeur, à ce grand oeuvre. Puissent les Nations-Unies, à la place hors de pair qui est la leur, s'y employer résolument, et aller de l'avant avec confiance et intrépidité. Sur cet avenir généreux au service désintéressé de tous les hommes et de tous les peuples, Nous appelons de grand coeur les bénédictions du Tout-Puissant.

Du Vatican, le 4 octobre 1970.

paulus PP. VI




À L’OCCASION DU 75ème ANNIVERSAIRE DE



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