Discours 1973 38


AUX PARTICIPANTS À LA SESSION EXTRAORDINAIRE

DE L'ORGANISATION DE L'AVIATION CIVILE INTERNATIONALE*

Mercredi 19 septembre 1973




Monsieur le Secrétaire général, chers Messieurs,

39 C'est bien volontiers que Nous avons accueilli le désir de tette rencontre que vous avez manifesté au nom des participants à la Session extraordinaire de l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale et à la Conférence diplomatique internationale de droit aérien. Vos paroles, Monsieur le Secrétaire général, indiquent bien l’enjeu du débat humain qui retient toute notre attention.

Certes, de par sa nature tout à fait particulière, le Saint-Siège semblerait moins concerné, pour lui-même, par les dispositions pratiques que vous élaborez pour les Etats, sur la répression de la capture illicite d’aéronefs. Nous vous remercions d’autant plus de l’avoir invité à vos travaux, comme observateur à l’Assemblée générale et plénipotentiaire à la table de la Conférence. Vous êtes bien convaincus, en effet, qu’étaient en péril le bien de l’homme, non seulement les droits des personnes innocentes - droits qui à nos yeux demeurent toujours inviolables -, mais aussi ce qu’on peut appeler le bien commun international: la sécurité que tous les passagers de l’aviation civile internationale sont en droit d’attendre d’un tel service, aujourd’hui capital pour les relations internationales, la possibilité aussi d’arriver à la paix par des moyens qui excluent la violence. Or, vous savez comment ces objectifs de justice et de paix, de droit international, rencontrent, à leur niveau le plus élevé, le message de l’Eglise catholique, et combien ils tiennent à coeur au Saint-Siège.

Vous n’attendez pas de Nous que Nous entrions ce matin dans la complexité des travaux que vous avez tenu à mener constamment sur les deux plans complémentaires. Les termes sont difficiles à définir, les processus difficiles à mettre en oeuvre. Cette recherche des instruments juridiques les plus adéquats, c’est-à-dire les plus justes et les plus efficaces, compte tenu de l’adhésion effective et de l’engagement assuré des participants, aura été, au cours de ce mois, une tâche de patience. Mais Nous pensons utile de réaffirmer ici les principes de droit international qui, dans la conscience d’un monde civilisé et à plus forte raison dans la conscience chrétienne, devraient toujours inspirer les solutions techniques.

Et d’abord, Nous déplorons, Nous condamnons la violence. C’est pour Nous une aberration d’y recourir de façon générale, mais spécialement lorsqu’il s’agit de cette forme spécifique de violence que certains appellent terrorisme international et piraterie aérienne. Dans ces excès se trouvent en effet impliquées des personnes étrangères au conflit que l’on veut exacerber, comme peuvent l’être des femmes et des enfants. Ils compromettent la sécurité des transports internationaux, augmentent les ruines et les ressentiments. Ils ralentissent la marche vers la paix. «Comme d’autres faits, ajoutions- Nous le 13 septembre 1970, que le monde civilisé tout entier condamne aujourd’hui - séquestrations de créatures innocentes, tortures de prisonniers politiques, trafics clandestins et lucratifs de la drogue . . . -, ces actes énormes de piraterie, d’injustes représailles et d’inadmissible chantage ne devraient plus jamais se reproduire» (Cfr.L’Osservatore Romano, 14-15 septembre 1970). Dieu merci, du reste, la réprobation, non seulement d’individus, mais aussi de multiples collectivités, semble de plus en plus nette et unanime. Nous voulons y voir une sagesse prometteuse, celle qui cherche d’autres voies plus conformes à la raison et à la justice.

Puisse être aussi unanime la recherche des causes de semblables aberrations! «C’est un problème grave et urgent, disions-Nous au début de cette année aux membres du Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège, qu’il appartient à tous les partenaires de résoudre ensemble, par une loyale approche, sans omettre d’attirer aussi l’attention sur les causes de ce phénomène, ses modes et ses mobiles» (AAS 65, 1973, 39-40). Ceux-ci peuvent être bien lamentables et recouvrir des intérêts très particuliers. Ils peuvent aussi être suscités par la misère, la frustration, le désespoir qui résultent de conditions estimées intolérables au point de vue social, politique et économique: ainsi éclate une révolte, anarchique ou organisée, que l’on espère fructueuse dans ses résultats immédiats ou au moins dans l’opinion publique internationale. Tous les pays du monde doivent reconnaître éventuellement de telles causes, pour y porter remède avant qu’elles ne dégénèrent en violence: bien fragile serait la lutte contre le terrorisme sans cette prise de conscience, et sans la volonté tenace d’en éloigner les raisons, autant que faire se peut, et par des voies appropriées qui n’aggravent pas l’injustice.

Cependant, Nous le déclarons avec netteté, de telles causes ne sauraient justifier le recours à la violence exercée sur les aéronefs civils, sur leurs pilotes et leurs passagers. Non, la fin ne justifie pas les moyens, en ce domaine comme dans les autres. C’est particulièrement évident lorsqu’on met en oeuvre des moyens si injustes et si dangereux pour l’ensemble de la navigation aérienne. Ce grave problème ne saurait non plus passer du domaine civil au domaine politique, Nous voulons dire se laisser grever de considérations politiques partielles. Ou alors, il faut envisager la politique au sens le plus élevé, celui de la sauvegarde du bien commun international, garanti par des Conventions ou par des accords internationaux, si possible multilatéraux, à défaut d’une autorité publique internationale. Nous formons le voeu que tous les membres de la communauté internationale en viennent à ratifier de tels accords, dans la conviction qu’il y va aussi, finalement, de leur propre intérêt. Est-ce rêver de penser que l’humanité est capable de se hausser à une telle conscience, avec le secours du Très-Haut qui inspire ce voeu au coeur de tout être humain digne de ce nom? Nous ne le croyons pas. C’est ce que Nous appelions dans notre message pour la Journée mondiale de la paix, le premier janvier 1973, «une loi sévère et pacifique pour régir les rapports internationaux»: N’êtes-vous pas fondamentalement à la recherche d’une telle loi?

L’Eglise, pour sa part, n’aura de cesse qu’elle ne forme la conscience de tous ses fils, qu’elle n’invite tous les hommes de bonne volonté, à promouvoir cette sécurité, à protéger les droits humains universels, à les défendre courageusement, à réaliser une justice pour tous, pour les victimes innocentes comme pour les populations injustement opprimées. Tout homme a droit au respect de sa dignité inviolable, tout l’homme est frère. La violence est un langage inhumain pour résoudre les conflits humains. La règle d’or demeure la raison et l’amour. Voilà le dessein du Créateur. Sans cet apport d’ordre moral, les instruments juridiques les plus perfectionnés risquent un jour ou l’autre d’être tournés et inopérants. C’est dans ce sentiment que Nous encourageons aussi, avec une particulière admiration, les instances qualifiées comme les vôtres, qui mettent en oeuvre la solidarité internationale en ce domaine particulièrement important et vulnérable. Votre responsabilité est grande, grande aussi celle des Gouvernements. De tout coeur Nous implorons sur votre entreprise l’Esprit de justice et de paix du Très-Haut.

*AAS 65 (1973), p.497-499;

Insegnamenti di Paolo VI, vol. XI, p.862-865;

ORf n.39 p.2;

La Documentation catholique, n.1639 p.815-816.



À L’AMBASSADEUR DE CHYPRE PRÈS LE SAINT-SIÈGE*


40
Lundi 24 septembre 1973




Monsieur l’Ambassadeur,

Nous remercions Votre Excellence des sentiments élevés qu’Elie vient d’exprimer en Nous présentant ses lettres de créance. Nous y sommes d’autant plus sensible que c’est la première fois que l’Ile de Chypre se trouve ainsi représentée, par un Ambassadeur, auprès de ce Siège Apostolique. Soyez assuré de notre cordiale bienvenue.

Par delà votre personne, Nous saluons respectueusement Sa Béatitude l’Archevêque Makarios, Président de la République, qui assume, depuis l’indépendance de votre cher pays, la lourde charge de la magistrature suprême au service de tous les Cypriotes. Et Nous accueillons, avec une grande sympathie et des voeux confiants, ces relations diplomatiques que son Gouvernement a voulu établir avec le Saint-Siège. Dans ce contexte, Nous espérons renforcer Notre contribution spécifique au respect des droits de l’homme, à la justice, à la paix, au progrès spirituel, sachant le prix que vos compatriotes attachent à ces idéaux si nécessaires pour leur pays et pour l’ensemble des peuples.

Le message de Votre Excellence Nous permet d’évoquer le passé prestigieux et parfois tourmenté de votre patrie, la symbiose des multiples civilisations qui l’ont marquée de leurs empreintes, le courage dont elle a dû faire preuve pour garder son originalité et trouver les voies pacifiques de la vie commune, les richesses de tous ordres dont elle demeure justement fière: ces valeurs humaines suscitent aussi notre estime et notre joie. Vous comprendrez que Nous sommes particulièrement sensible à l’une d’entre elles: la vitalité chrétienne qui n’a cessé de se déployer chez vous, depuis le jour béni où le grand Apôtre saint Paul y apporta la lumière de l’Evangile: c’était sa première étape au sortir d’Antioche. Près du lieu où il termina sa course missionnaire, Nous recommandons à son intercession ces vénérables communautés chrétiennes qui lui tenaient tant à coeur. Nous formons des voeux fervents pour la Communauté catholique, qui Nous est spécialement chère, pour tous nos frères dans la foi qui sont à Chypre, avec lesquels Nous souhaitons que puisse se réaliser la pleine communion voulue par Notre Seigneur, et pour tous ceux qui partagent notre croyance dans le Dieu tout-puissant.

A vous-même, Monsieur l’Ambassadeur, nous souhaitons une fructueuse mission auprès du Saint-Siège, pour le bien de l’ensemble de vos compatriotes, et la poursuite de la paix en ce creuset méditerranéen où Chypre occupe une place de choix. De tout coeur, Nous implorons sur votre personne, sur ceux qui vous sont chers, sur tous les habitants de votre pays et sur ses gouvernants, les bénédictions abondantes du Très-Haut.



*AAS 65 (1973), p.543-544;

Insegnamenti di Paolo VI, vol. XI, p.885-886;

L’Attività della Santa Sede 1973, p. 322;

ORf n.40 p.3.





AUX MEMBRES DE L'ACADÉMIE INTERNATIONALE


DE MÉDECINE LÉGALE ET DE MÉDECINE SOCIALE


Vendredi 28 septembre 1973




41 Monsieur le Président,
Chers Messieurs,

Nous répondons ce matin au désir manifesté par les membres de l’Académie internationale de Médecine légale et de Médecine sociale, de Nous rencontrer à l’occasion de leur Congrès romain. Le travail d’expert que cette Association cherche à promouvoir depuis plus de trente ans, à la charnière de la science médicale, du droit et des problèmes sociaux, mérite en lui-même une grande estime; et de même la collaboration qu’elle met en oeuvre, au-delà des frontières nationales, avec les gouvernements, les universités et de nombreux Organismes. La personne humaine et la société comptent sur votre service pour veiller sur les conditions sanitaires et sauvegarder le respect de la vie, pour assurer la défense des victimes et de leurs familles en déterminant les responsabilités en cause.

Les problèmes particuliers que vous abordez au cours de ce Congrès, dans les rapports et les tables rondes, Nous tiennent évidemment très à coeur. Nous ne pouvons malheureusement pas traiter, dans ce bref entretien, de toutes les valeurs morales qui sont ici en question: le sens des relations conjugales, le respect de l’être humain dès sa conception, l’importance primordiale des liens de parenté, le souci des conditions de la santé publique. Nous avons d’ailleurs souvent eu l’occasion, ainsi que nos Frères dans l’épiscopat, d’exprimer à ce sujet les exigences de la conscience chrétienne, basées sur les droits fondamentaux inscrits par le Créateur dans la nature humaine.

Certes, vous n’avez pas en mains les possibilités du législateur civil: en fixant les lois qui prétendront régler les moeurs de la société, ce législateur assume une responsabilité redoutable. Nous souhaitons qu’il agisse toujours, non pas comme un simple gestionnaire des besoins superficiels ou des passions serviles, mais avec la sagesse du prudent, l’autorité requise par le bien commun, le sens de l’éthique. On ne peut dissocier la loi civile et la morale. L’ensemble de la législation doit être orienté dynamiquement de manière à servir les droits et la dignité de la personne humaine et de la famille comme cellule de base de la collectivité, et à servir ainsi la vie en promouvant la responsabilité des individus et des familles.

Votre rôle de médecins et de légistes n’en garde pas moins toute son importance. Vos analyses rigoureuses, au plan médical, social, juridique, peuvent grandement contribuer à éclairer le législateur et l’opinion publique. Et surtout votre responsabilité apparaît capitale pour une application humaine, une application équitable des lois. Dans les problèmes familiaux qui nous préoccupent, ces lois ont tendance à faire une place de plus en plus grande à votre concours. Il ne s’agit pas, vous le savez, d’un concours administratif, encore moins de la délivrance d’un certificat de complaisance. La loi ne peut se substituer à votre conscience, comme vous ne pouvez pas non plus vous substituer à la conscience éclairée des personnes en cause. Et il importe de veiller à ce que toutes les justes garanties, exigées par le bien commun et la dignité de la personne humaine soient véritablement sauvegardées, dans la lettre et dans l’esprit des lois.

Nous souhaitons que vous puissiez toujours répondre à cette haute responsabilité. A vous-mêmes, comme à ceux qui vous sont chers, nous exprimons nos voeux les meilleurs et implorons sur vos personnes et sur vos travaux l’assistance de Celui qui est l’Auteur de la vie.



À L’AMBASSADEUR DE LA RÉPUBLIQUE ARABE SYRIENNE PRÈS LE SAINT-SIÈGE*


Jeudi 4 octobre 1973




Monsieur l’Ambassadeur,

L'hommage que vous venez de rendre au Saint-Siège, la confiance que vous témoignez à son égard au nom du peuple syrien, nous touchent profondément. Avec nos remerciements, nous présentons à Votre Excellence nos souhaits de cordiale bienvenue. Nous accueillons avec gratitude les hommages de Son Excellence Monsieur le Président de la République Arabe Syrienne, dont vous vous êtes fait l’interprète en nous remettant ces Lettres de créance.

La place que vous prenez aujourd’hui dans la lignée des Ambassadeurs de votre pays témoigne de la volonté de votre gouvernement et du peuple syrien d’entretenir et de renforcer avec le Saint-Siège une collaboration sincère et fructueuse, pour développer et mettre en oeuvre les idéaux les plus élevés de justice, de paix et de fraternité. Nous ne doutons pas que votre haute mission ne contribue à servir ce noble dessein.

42 Parmi ces valeurs humaines, inséparables à nos yeux d’une attitude spirituelle, Votre Excellence a tenu à souligner l’esprit universaliste. C’est bien là en effet un caractère essentiel du message dont l'Eglise catholique est porteuse. Si aucun peuple ne peut être exclu de la famille spirituelle de ceux qu’embrasse la miséricorde de Dieu, aucun non plus ne peut être exclu de la famille humaine: chacun doit pouvoir y être reconnu, faire valoir ses droits inviolables à l’existence, à la vie, à la dignité de ses membres, sans oublier ses obligations envers les autres partenaires.

Malheureusement, cette oeuvre de raison et de justice, seule voie d’une fraternité durable, est très souvent bafouée. Aucun homme digne de ce nom, aucun croyant surtout, aucune nation non plus, ne saurait se désintéresser de situations qui pèsent si lourdement sur beaucoup de populations civiles et mettent en péril le bien commun de l’humanité. Il faut amener chacun à considérer dans tout homme un frère, former les consciences à ce devoir capital, obtenir le consensus de la plus large opinion publique, chercher sans relâche les concertations et les instruments juridiques garantissant la justice pour tous.

C’est sur ce terrain, Votre Excellence le sait, que nous déployons notre mission d’amour, de paix et de fraternité, et nous le faisons avec une ferveur renouvelée au bénéfice de ce Moyen-Orient qui nous est cher à tant de titres. Dans cet esprit, nous sommes très attentif aux espoirs et aux souffrances de vos peuples dont vous vous êtes fait l’écho en notre présence.

Nous pensons avec une affection particulière aux communautés catholiques de Syrie, heureux de les voir partager la culture et les aspirations de leurs compatriotes, dans la fidélité à leur Eglise, à leur foi et à tout ce qui en permet l’expression. Nous saluons cordialement leurs frères chrétiens qui ont aussi à coeur de vivre les exigences évangéliques. Nous exprimons pareillement notre estime à tous les croyants soucieux de rechercher la volonté du Dieu juste et miséricordieux. Sur tout le peuple syrien et sur ses dirigeants, et d’abord sur vous-même, Monsieur l’Ambassadeur, qui les représenterez auprès de nous, nous implorons les Bénédictions du Tout-Puissant, afin qu’Il les conduise, les protège et les accompagne sur les chemins de la justice et de la paix.



*AAS 65 (1973), p.551-552;

Insegnamenti di Paolo VI, vol. XI p.931-932;

L’Attività della Santa Sede 1973, p.340;

ORf n.41 p.9;

DC n.1640 p.853.



AUX RESPONSABLES DE LA COMMISSION MÉDICO-PÉDAGOGIQUE


ET PSYCHO-SOCIALE DU BUREAU INTERNATIONAL


CATHOLIQUE DE L'ENFANCE


Jeudi 4 octobre 1973




Chers fils,

43 Les responsables de votre Commission médico-pédagogique et psycho-sociale, affiliée depuis plus de 20 ans au Bureau International Catholique de l’Enfance, avaient vivement souhaité la présente rencontre. Non seulement votre visite nos est un réconfort, mais elle stimule notre préoccupation d’une présence plus signifiante et plus adéquate de l’Eglise au monde immense et mal connu des handicapés de toutes sortes.

Nous savons que votre Congrès de Rome a été sérieusement préparé par les «séminaires» de Toronto et de Lausanne, et par quantité de sessions nationales, régionales ou diocésaines. Les comptes rendus de ces travaux témoignent de la montée certaine d’une pastorale nouvelle des jeunes handicapés et inadaptés. Assurément elle connaît encore des lenteurs, spécialement en ce qui concerne l’insertion de ces enfants et adolescents dans les communautés paroissiales et dans les mouvements de jeunesse. Evêques, prêtres, religieux et laïcs sont cependant plus nombreux à vouloir dépasser une action qui se limitait jadis au domaine de l’assistance. Les sciences humaines, inexistantes ou balbutiantes, ne permettaient guère de faire davantage. Oublier cela conduirait facilement au mépris ou à la condamnation simpliste du remarquable travail hospitalier de l’Eglise. Il faut plutôt vous réjouir d’avoir à chercher des voies nouvelles et complémentaires dans ce domaine exigeant et passionnant de la pastorale des jeunes handicapés.

Nous ne pouvons nous étendre longuement sur le thème de votre Congrès romain. Permettez-nous de souligner deux points qui nous apparaissent d’une importance capitale. Nous souhaitons par dessus tout que la personne des jeunes handicapés demeure toujours première dans vos esprits et dans vos coeurs. Le mystère de ces enfants, signe d’une présence divine blessée, transcende les recherches, les techniques, les expériences, si louables soient-elles. Ce mystère exige un respect absolu non moins qu’une délicatesse extrême dans l’art de communiquer avec eux par la simple présence, le regard, le silence ou le langage approprié. Les chrétiens au service de l’enfance meurtrie sont appelés à une continuelle dépossession d’eux-mêmes qui les conduit à la contemplation du visage souffrant de Dieu dans les pauvres. Ceux qui ont fait semblable découverte ne peuvent plus vivre qu’avec eux. Les jeunes de notre temps, souvent désabusés par une Société industrielle axée sur l’efficacité et le profit, nous semblent capables de donner leur vie à cette merveilleuse «pédagogie de résurrection», selon le titre d’un livre qui traite si bien de cette question. A cette jeunesse, il ne faut pas craindre de proposer un tel idéal.

Par ailleurs, nous vous encourageons vivement à développer une coopération, assurément très délicate mais indispensable, entre médecins et psychologues chrétiens, familles et éducateurs qualifiés, théologiens et responsables des Centres catéchétiques, aumôniers et personnel des maisons d’accueil. Vous ferez ainsi avancer les recherches saines et les expériences prudentes, nécessaires à cette pastorale si particulière. Nous pensons notamment à l’initiation à la Foi et à l’approche des sacrements. Ce sont d’ailleurs vos travaux mieux coordonnés, intelligemment vulgarisés, qui feront reculer le peur, le mépris ou l’indifférence face à ce monde de «l’innocence souffrante», porteuse de richesses humaines et spirituelles attendant d’être libérées. Pour être concret, nous souhaitons ardemment que les communautés diocésaines et paroissiales, que les Instituts religieux eux-mêmes, s’ouvrent davantage au grave problème des handicapés et investissent des forces jeunes et compétentes dans un travail pastoral qui témoigne au premier chef de l’Evangile de Jésus-Christ. La crédibilité de l’Eglise est en partie à ce prix. Comment pourrait-elle contribuer à l’intégration des handicapés dans la société moderne, si en son propre sein elle ne travaille pas à les faire reconnaître comme membres à part entière? L’Eglise d’aujourd’hui doit pouvoir dire, sur une tonalité nouvelle, les paroles du Christ aux envoyés de Jean-Baptiste: «. . . les aveugles voient et les boiteux marchent, les lépreux sont guéris et les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres» (
Mt 11,4-5).

C’est dans ces sentiments que nous sommes heureux de vous donner la Bénédiction du Seigneur qui est toujours le Maître de l’impossible. Et nous étendons cette Bénédiction à tous ceux que vous représentez, particulièrement à vos collaborateurs et aux chers jeunes que nous aimons tant.



AUX CHORALES EUROPEENNES DE MUSIQUE SACREE RASSEMBLEES POUR LE 10e ANNIVERSAIRE DE LA


«CONSOCIATIO INTERNATIONALIS MUSICAE SACRAE»


 Vendredi 12 octobre 1973



Chers Fils et Filles,

C'est toujours une joie pour Nous de pouvoir aborder les problèmes de la musique sacrée, dont l’importance est capitale pour la vie liturgique de l’Eglise. C’est pourquoi, saluant aujourd’hui les membres de la «Consociatio internationalis musicae sacrae», dont la compétence dans le domaine musical est connue, Nous voulons leur redire combien Nous tenons à ce que leur travail suive toujours, grâce à une étude objective et approfondie, les directives tracées par le Saint-Siège pour promouvoir le succès de la réforme liturgique.

Nous le rappelions encore récemment: une époque nouvelle s’ouvre pour la musique sacrée. Si elle est pleine d’espérance, elle ne va pas non plus sans difficultés et sans crises. Pour en favoriser l’heureuse solution, il importe que votre Association joue pleinement le rôle à la fois de conservation et de promotion qui s’impose actuellement. Conservation, oui. Il importe en effet de conserver, au moins dans certains centres spécialisés, le patrimoine de musique et de chant sacré qui appartient en propre à l’Eglise latine. Il faut aussi former les fidèles à établir un lien entre le culte et une expression musicale qui lui soit appropriée, spécialement en ce qui concerne le chant liturgique. Il faut en outre louer le souci de ceux qui cherchent à maintenir, dans les répertoires de chants liturgiques habituels, au moins les quelques formules jusqu’ici universellement utilisées, dans la langue latine et en grégorien. Elles sont tout à fait aptes à permettre le chant communautaire même à des fidèles de pays différents, à certains moments privilégiés du culte catholique, tels que par exemple le «Gloria», le «Credo», le «Sanctus» de la Messe. Nous disons aussi promotion: avec la réforme liturgique inaugurée par le Concile s’ouvrent des perspectives nouvelles pour la musique de l’Eglise et pour le chant sacré. Une nouvelle floraison d’art musical religieux est attendue aujourd’hui, puisqu’en chaque pays on admet dans le culte la langue usuelle, qui ne doit pas être privée de la beauté et de la force d’expression d’une musique religieuse et d’un chant adapté. Développant les exigences de la pastorale liturgique, le Concile rappelait opportunément que «l’Eglise approuve toutes les formes d’art véritable, si elles sont dotées des qualités requises, et les admet dans le culte divin» (Sacrosanctum Concilium SC 112). Il vous appartient donc de mettre tous vos efforts à son service, pour en assurer la dignité et la beauté, et pour permettre à tout le peuple chrétien de participer effectivement et avec profit à la prière de l’Eglise.

Avec amour, vous cultivez le patrimoine spirituel et artistique hérité du passé. Ce précieux dépôt, constitué au prix de tant de peines, doit vous être une indication et un encouragement pour votre action. C’est dès maintenant, en effet, qu’il faut développer les germes d’un nouveau progrès musical au service du culte, afin d’assurer à l’Eglise d’aujourd’hui et de demain une musique sacré vivante et actuelle, digne de prendre place à côté de celle des siècles passés.

Chers Fils et Filles, c’est dans cet esprit que Nous vous encourageons de grand coeur à servir efficacement l'Eglise. Certain que vous saurez collaborer de manière féconde avec tous ceux qui s’efforcent de promouvoir la musique sacrée par amour de l’Eglise et de sa divine liturgie, Nous vous accordons notre paternelle Bénédiction Apostolique.



AUX PARTICIPANTS AU CONGRÈS EUROPÉEN


SUR LA PASTORALE DES MIGRANTS


44
Mercredi 17 octobre 1973




Monsieur le Cardinal,
chers Frères dans l’Episcopat,
chers Fils,

Votre visite et les paroles qui viennent d’être prononcées Nous remplissent de gravité et d’espérance. A travers vos personnes, Nous rejoignons la foule immense des migrants. Ne parle-t-on pas d’environ douze millions pour la seule Europe occidentale? Et si les travailleurs manuels constituent la grande majorité, Nous ne saurions oublier tous les réfugiés pour raisons politiques ou religieuses, les étudiants, les techniciens, le personnel des organismes internationaux. Mais votre présence témoigne aussi du travail accompli dans vos pays respectifs par tant d’équipes nationales, régionales, diocésaines ou autres, au service des populations déracinées. Nous mesurons combien ce travail est délicat, obscur, souvent incompris. Nous espérons avec vous que ce Congrès de Rome fera encore avancer, de manière audacieuse et réaliste, la pastorale de l’Emigration. Nous n’avons pas besoin de multiplier, dans cet entretien, les références aux documents qui demeurent la charte d’une authentique présence d’Eglise au monde des migrants. Vous avez médité, commenté, diffusé «Pastoralis Migratorum Cura», «Apostolicae Caritatis», «Populorum Progressio», «Octogesima Adveniens». C’est une étape nécessaire, et Nous vous en félicitons. Elle appelle des réalisations concrètes, que Nous vous invitons à poursuivre et que Nous voudrions stimuler de toutes nos forces.

C’est un fait: dans les pays d’Europe les plus industrialisés, la migration des travailleurs a pris des proportions gigantesques. Tel d’entre eux n’a-t-il pas jusqu’à 28 pour cent d’immigrés dans sa population ouvrière? Cette situation crée de tels problèmes que certains se posent la question: ne vaudrait-il pas mieux exporter des usines plutôt que d’importer des hommes? Encore faudrait-il que de telles implantations aient le souci constant d’une réelle promotion des travailleurs du lieu. En tous cas, les conditions du phénomène migratoire actuel, qui se prolongera sans doute demain sous une forme ou sous une autre, demandent une réforme. Si les Eglises locales n’ont pas à se substituer aux gouvernements en place, qui ont leur propre responsabilité face à cette sorte de nomadisme moderne, elles ont une part spécifique à apporter à la solution des graves problèmes qu’il ne cesse d’engendrer. Sans renoncer à leur personnalité propre, ces Eglises locales sont appelées à vivre de plus en plus leur vocation universelle. Nous aimerions que la réflexion sur la signification de la migration, et plus largement de la mobilité, soit approfondie et nourrisse davantage l’action pastorale de l’Eglise contemporaine.

Nous encourageons d’abord les Eglises affectées par l’exode de leurs populations, à développer, rajeunir, créer si besoin est, des services pastoraux de préparation et d’accompagnement des travailleurs et de leurs familles. Il existe parfois des disproportions surprenantes entre les chiffres donnés pour telle ou telle ethnie et les chiffres de missionnaires, laïcs, religieuses, consacrés à leur évangélisation. Les diocèses d’origine n’ont-ils pas à réviser encore l’emploi de leurs effectifs apostoliques et de leurs ressources matérielles pour les diriger vers les points stratégiques, avant qu’il ne soit trop tard? A la mobilité contemporaine doit répondre la mobilité pastorale de l’Eglise.

D’autre part, Nous invitons de nouveau les Eglises d’accueil à coopérer humblement et loyalement aux divers besoins pastoraux des immigrés. Un travail, souvent admirable, est réalisé. Bien des ouvriers évangéliques cependant pourraient être appelés, préparés et envoyés à ces nouvelles moissons. Le premier accueil et les premiers temps d’accompagnement sont tellement importants pour l’insertion, momentanée ou définitive, des groupes ethniques! Il demeure très difficile aux habitants des pays qui s’estiment évolués de se faire pauvres avec les pauvres, d’apprendre à les regarder, à les écouter, à recevoir d’eux. C’est pourtant cette attitude fondamentale qui permettra aux personnes et aux communautés migrantes d’être elles-mêmes, de s’exprimer, de comprendre leurs problèmes d’insertion, de prendre confiance en elles mêmes pour les résoudre progressivement. Les méthodes purement directives ou démagogiques sont à proscrire définitivement. Nous lançons aussi un appel tout spécial aux responsables spirituels des diverses ethnies et au clergé local pour qu’ils collaborent davantage. Cette unité des pasteurs est absolument indispensable à l’unité de chaque communauté migrante et des communautés entre elles.

Nous espérons toujours que cette solidarité, sainement éduquée, hâtera, pour sa part, la venue d’un véritable statut de travailleurs migrants. Ce statut, pouvant connaître des variantes d’une nation à l’autre, garantirait les droits des migrants au respect de leur personnalité propre, à la sécurité du travail, à la formation professionnelle, à la vie en famille à la scolarisation adaptée des enfants, à la prévoyance sociale, à la liberté d’expression et d’association. Comme on l’a dit justement: les pays industrialisés appellent ou acceptent une main-d’oeuvre à bon marché, mais ce sont des hommes qu’ils reçoivent, des hommes qui ont une tête et un coeur. N’oublions pas que le Christ s’est identifié à l’étranger: «J’étais un étranger, et vous m’avez accueilli» (
Mt 25,35).

Toute cette coopération à l’authentique développement des migrants est dans la droite ligne de l’Evangile de justice et de paix. Mais Nous nous empressons d’ajouter que les hommes ont également besoin de vie spirituelle. D’ailleurs les immigrés sont presque tous porteurs de valeurs religieuses. Critiquer trop rapidement ou ignorer systématiquement ce donné religieux, sous prétexte qu’il n’est pas suffisamment vécu, est un manquement grave au respect et à la confiance; qui plus est: la porte ouverte à l’indifférentisme ou à la déchristianisation. Nous supplions instamment tous les responsables de la vie religieuse des migrants de faire converger avec beaucoup de patience, les coutumes religieuses traditionnelles et les engagements qui expriment une foi vivante. Il s’agit, en somme, d’aider les migrants à mûrir leur propre foi. Si les Eglises de départ et les Eglises d’accueil intensifient leur dialogue loyal et confiant, mettent davantage en commun leurs ressources humaines et matérielles, nous verrons encore la Lumière du Seigneur briller au dessus des Nations.

Ensemble, chers Frères et chers Fils, gardons la sérénité et l’espérance. A travers le phénomène migratoire, très préoccupant certes, ne peut-on pas dire que Dieu nous invite à abattre les barrières du racisme, à faire éclater les égoïsmes économiques et politiques? Les communautés chrétiennes qui craignent de perdre leur homogénéité ne devraient-elles pas voir dans la migration un appel pressant à édifier de vraies communautés, plus mûres et plus oecuméniques où la reconnaissance de l’autre, le partage avec l’autre devienne la règle de vie? A de telles relations, ne pourrait-on pas proposer comme idéal les paroles si brèves et si denses de l’Evangile de l’Apôtre Jean, destinées d’abord à caractériser la communion du Père et du Fils, dans l’Esprit: «Tout ce qui est à moi est à toi, et tout ce qui est à toi est à moi»? (Jn 17,10)

45 Voilà ce que nous avons eu grande joie à partager avec vous. Et c’est dans ces sentiments que Nous vous accordons, ainsi qu’à l’immense famille des migrants si présente à notre coeur, la Bénédiction Apostolique.




Discours 1973 38