Discours 1977 32

À L’AMBASSADEUR DE YOUGOSLAVIE PRÈS LE SAINT-SIÈGE*


Samedi 2 avril 1977




Monsieur l’Ambassadeur,

33 Nous sommes très sensible aux aimables paroles que vous venez de prononcer et Nous vous en remercions vivement: comment pourrions-Nous ne pas apprécier cet hommage rendu à l’activité du Saint-Siège, ainsi que votre souhait de voir un dialogue toujours plus fructueux promouvoir la paix et le bien de tout l’homme, dans le domaine international comme dans votre noble pays?

Le Saint-Siège porte en effet, en tant que centre de l’Eglise catholique, la responsabilité d’un message de salut universel. A ce titre, et Votre Excellence a tenu à le souligner, il prend à coeur les droits des personnes et des peuples, afin que tous parviennent, dans la liberté, la justice et l’égalité, aux conditions d’existence que requiert l’épanouissement humain. Il y a là, au plus profond de la nature humaine et dans la diversité des conditions économiques et sociales, une vocation que tous sont appelés à réaliser ensemble car, comme l’enseigne l’Evangile, «l’homme ne vit pas seulement de pain».

C’est pourquoi Nous suivons avec une attention et une affection toutes particulières l’action et les efforts de nos chers Fils catholiques de Yougoslavie. C’est en effet dans la force intérieure de leur foi et dans les possibilités concrètes d’en exercer, personnellement et en tant que communauté ecclésiale, les obligations, qu’ils trouvent une raison nouvelle et encore plus forte de coopérer pleinement au progrès social et humain de leur pays, avec tous ceux qui ont à coeur le bien de la communauté humaine dans laquelle la Providence divine les a placés.

Au moment où vous assumez la charge de représenter auprès de Nous votre pays comme Ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire, Nous sommes heureux de vous dire combien le Saint-Siège suit avec attention et sympathie les efforts déployés par la Yougoslavie dans le domaine des relations internationales pour y favoriser un esprit de dialogue et de coopération au service de la paix. Nous formons, en même temps, les meilleurs voeux pour l’accomplissement de la haute mission que votre Gouvernement vous a confiée et pour laquelle vous trouverez toujours ici un accueil empreint de compréhension et de bonne volonté.

Nous vous confions le soin de transmettre notre salut respectueux à Son Excellence Monsieur le Président de la République, dont vous vous êtes fait l’interprète auprès de Nous. Nous vous redisons, Monsieur l’Ambassadeur, nos souhaits de bienvenue, en demandant au Seigneur Tout-Puissant de répandre ses bénédictions sur toutes les populations de votre cher pays.

*AAS 69 (1977), p.279-280.

Insegnamenti di Paolo VI, vol. XV, p.304-305.

L’Attività della Santa Sede 1977, p.103-104.

L’Osservatore Romano, 3.4.1977, p.1.

La Documentation catholique, n.1719 p.406.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française, n.15 p.2.



À L’AMBASSADEUR D’IRAN PRÈS LE SAINT-SIÈGE*


34
Lundi 4 avril 1977


Monsieur l’Ambassadeur,

Vous êtes accueilli avec des souhaits de cordiale bienvenue et Nous vous remercions particulièrement de ces aimables paroles qui font honneur à Votre Excellence comme au noble pays que vous représentez désormais auprès du Saint-Siège.

Depuis longtemps en effet, l’Iran suscite l’estime et la sympathie du Saint-Siège, et les relations diplomatiques n’ont fait qu’illustrer et renforcer les rapports de cordialité et de collaboration que Nous souhaitons approfondir. L’histoire de votre pays n’évoque pas seulement un passé prestigieux et une culture féconde. Les responsables d’aujourd’hui, et en particulier Sa Majesté Impériale le Shahinshah Aryamehr, manifestent un vif souci de développer tout ce qui, notamment dans les domaines de l’instruction et du progrès technique, peut contribuer à assurer à leurs concitoyens la juste promotion à laquelle ils aspirent dans le monde moderne. Nous savons aussi le sentiment religieux intense qui anime l’ensemble du peuple iranien dans sa foi monothéiste. Et cela aussi constitue un heureux présage: ces forces spirituelles favorisent et garantissent un développement digne de l’homme, car, en définitive, une civilisation n’est grande que par son âme.

Dans ce contexte, vous avez évoqué, Monsieur l’Ambassadeur, le respect et l’accueil dont jouissent les minorités religieuses et en particulier les communautés chrétiennes, dans la riche diversité de leurs rites. «Membres à part entière de la grande famille iranienne», comme Votre Excellence s’est plu à le souligner, elles témoignent en effet de leur enracinement, de leur vitalité religieuse, d’un dévouement loyal et généreux au service de leurs compatriotes. Nous nous réjouissons de l’esprit de fraternité et de la coopération harmonieuse qui marquent ces rapports, selon la haute tradition pacifique de l’Iran.

Mais c’est également au niveau des grands problèmes internationaux que votre pays assume une participation très active. L’humanité a besoin du concours de tous les hommes de bonne volonté, fermement décidés à consolider la véritable paix, qui va de pair avec la promotion des droits de la personne humaine, la mise en oeuvre d’une plus grande justice pour tous, l’aide aux milieux et aux peuples défavorisés. Il faut établir partout un climat de vérité et de fraternité qui correspondent à la volonté du Créateur et au respect des hommes. C’est là le leit-motiv de nos efforts dans les relations internationales - vous en serez témoin - et Nous ne doutons pas qu’ils ne rencontrent ceux du peuple iranien.

Nous sommes sensible aux sentiments déférents que votre Auguste Souverain vous a chargé de Nous exprimer: Nous vous prions de lui renouveler l’assurance de notre fidèle souvenir et de nos voeux les meilleurs. Nous implorons sur Lui et sur tous vos compatriotes les Bénédictions du Tout-Puissant, et Nous ajoutons à votre adresse des voeux chaleureux pour l’accomplissement de votre mission d’Ambassadeur auprès du Saint-Siège.

*AAS 69 (1977), p.280-281.

Insegnamenti di Paolo VI, vol. XV p.316-317.

L’Attività della Santa Sede 1977 p.107-108.

L’Osservatore Romano, 4-5.4.1977, p.1, 2.

35 L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française, n.15 p.3.




14 avril



VOICI QUE JE SUIS AVEC VOUS JUSQU’A LA FIN DES SIÈCLES



Le Pape reçoit les Evêques de Hongrie :

Le Pape Paul VI a reçu en. audience dans sa bibliothèque privée les Evêques hongrois, venus à Rome pour leur visite «ad limina ». Etaient présents : le Cardinal Laszlo Lekai, archevêque de Esztergom, primat de Hongrie, NN. SS. Jozsef Ijjas, archevêque de Kalocsa. Jozsef Bank, archevêque de Eger, Jozsef Csermati, évêque de Pecs, secrétaire de la Conférence épiscopale, Mihaly Endrey, évêque de Vac, Imre Kisberk, évêque de Szekesfehervar, Jozsef Udvardy, évêque de Csanad, Kornei Payaky, évêque de Gyor, Arpad Fabian, évêque de Szombathely, Laszo Toth, son auxiliaire ainsi que Mgr Imre Timko, de rite byzantin grec-catholique, évêque de Hajdudorog, administrateur apostolique de Mizkolc. A l’adresse d’hommage qui lui était présentée en latin par le Cardinal Primat, le Saint-Père a répondu, dans la même langue par le discours dont voici la traduction :



Vénérables Frères,



A la joie pascale s’ajoute aujourd’hui le plaisir qui nous est donné de vous saluer, et en tout premier lieu notre vénérable frère Ladislas, Cardinal Lekai, archevêque d’Esztergom ; le plaisir également de nous entretenir avec vous, c’est-à-dire de partager avec un sentiment de charité fraternelle tout ce qui provoque votre confiance ou vous cause de la douleur. Nous nous réjouissons aussi de ce que vous représentez d’une certaine façon toute l’Eglise de Hongrie, puisqu’un saint pasteur est maintenant attaché à chacun des sièges de votre patrie.

Nous avons écouté avec attention ce que notre vénérable frère, que nous venons de citer, a dit au nom des autres évêques en termes excellents et significatifs : il a qualifié de « véritable vénération à l’égard du Pontife romain et à l’égard de la chaire de Pierre » le patrimoine reçu de Saint Etienne, roi de Hongrie, et il a rappelé le souvenir de Saint Ladislas qui, ayant siégé lui aussi sur ce trône royal, a laissé d’illustres exemples de cette observance et de cette fidélité.

Vous donc, qui êtes les héritiers de ces saints par votre foi et cette déférence, vous témoignez excellemment de votre union avec le centre de l’Eglise et avec son chef visible par votre visite aux tombeaux des apôtres et par votre venue vers nous qui occupons la place du bienheureux Pierre par un mystérieux dessein de Dieu.

Dans votre patrie, qui nous est très chère, il ne manque pas aujourd’hui de signes qui font briller l’espoir de voir la situation religieuse s’améliorer de jour en jour ; nous en rendons grâces à Dieu « entre les mains de qui est notre destinée » (cf. Ps Ps 30,15). Cependant on attend encore avec confiance la solution de certains problèmes parmi lesquels nous voulons faire mention de celui qui touche les fidèles du Christ, hommes ou femmes, qui se sentent appelés par Dieu à lui consacrer leur vie, surtout au service de leurs frères les plus pauvres et les plus démunis.

Des soins vigilants, vous en êtes vous-mêmes persuadés, sont à apporter surtout à la formation religieuse de la jeunesse : c’est une question très importante qui réclame le plus grand dévouement et la plus grande compétence. « Les éducateurs de la jeunesse ont une influence formatrice sur lès esprits des jeunes et ainsi d’une certaine façon ils orientent leur avenir, selon le témoignage de la Sainte Ecriture : ‘Instruis l’enfant de la voie à suivre, devenu vieux, il ne s’en détournera pas’ (— Pie XI Lettre encyclique Divini illius Magistri, AAS XXII, 1930, p. 52). Il s’ensuit que de cette oeuvre de formation religieuse, dépend en grande partie l’avenir de l’Eglise. Comme on le sait, le prochain Synode des évêques abordera plus largement ce sujet qui préoccupe l’Eglise dans presque tous les pays.

Dans son histoire, qui s’étend presque sur deux mille ans, l’Eglise s’est toujours trouvée dans de multiples et parfois très graves difficultés. Nous n’ignorons pas celles qui, aujourd’hui encore, sont pressantes dans l’Eglise et qui nous oppressent aussi nous-même, dans notre très grande union avec les évêques concernés. Il n’est pas rare, en effet, qu’à des difficultés extérieures il s’en ajoute d’autres, à l’intérieur de la vie de l’Eglise elle-même, et qui apportent avec elles un danger particulier : comme par exemple certaines tendances qui nient la juste reconnaissance de l’autorité de l’évêque.

36 Si donc il y a lieu de s’affliger, il ne manque cependant pas de raisons d’espérer chrétiennement. Ainsi, que Celui qui a dit à ses disciples : « Voici que moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20), daigne « non seulement se montrer le gardien des brebis, mais être le pasteur des pasteurs eux-mêmes ; Lui que nous ne voyons pas de nos yeux de chair, mais que nous sentons spirituellement dans notre coeur : absent de corps, ce corps dans lequel il a pu être contemplé ; présent par sa divinité, par laquelle il est toujours tout entier partout » (St Léon le Grand, Sermo 5, 2 ; PL 54, 154).

Encouragés par ces paroles de Saint Léon le Grand, notre prédécesseur, nous en avons la ferme confiance, vous retournerez dans vos diocèses pour y reprendre la charge pastorale avec coeur et ardeur. Quant à nous, nous saisissons cette occasion pour vous assurer que notre « coeur » vous est ouvert (cf. 2Co 6,11), et que nous offrons d’intenses prières à votre intention et à l’intention de votre troupeau.

Voici, vénérables frères, ce que nous ressentons dans cette rencontre fraternelle. Nous vous accordons avec grand amour, à vous-mêmes et à tous ceux qui vous sont confiés, la Bénédiction apostolique, en gage de la force et du réconfort célestes.






18 avril



RENFORCER LA COMMUNION ECCLÉSIALE



Paul VI reçoit les Evêques de la région épiscopale du Sud-Ouest (France).



Chers Frères dans le Christ,



Nous sommes très heureux de vous accueillir et d’avoir avec vous cet entretien que nous voulons empreint de simplicité, de cordialité et de confiance. Cette visite nous rend plus proche et plus concret le visage de chacun d’entre vous, et aussi celui de vos diocèses : la grande agglomération de Bordeaux, et les diocèses plus ruraux d’Agen, d’Angoulême, de Bayonne, de Limoges, de Périgueux, de Tulle. En votre personne, nous accueillons vos prêtres et vos fidèles, auxquels vous redirez notre affection et notre espérance. Nous attribuons beaucoup d’importance à ce moment où il nous est donné de confirmer nos frères, en discernant avec eux ce qui est le meilleur pour le Royaume de Dieu.

Vous avez pris soin de préparer ensemble, et avec vos collaborateurs, une présentation globale, claire et lucide, de vos problèmes pastoraux. La façon dont vous décrivez la situation religieuse, selon les régions et les milieux, en relevant les difficultés, mais aussi les valeurs et les espoirs, a retenu toute notre attention, et nous avons lu avec intérêt votre « projet » qui trace des voies d’évangélisation pour « l’Eglise en notre temps ». L’essentiel nous semble exposé dans ces rapports.

Par ailleurs, vous avez pu vous entretenir avec la plupart de nos Dicastères ; informés avec précision de vos efforts apostoliques et de vos questions, ils vous ont fait eux-mêmes bénéficier de leurs observations, grâce à la compétence plus universelle qui est la leur et à l’autorité que nous leur conférons. Tel est l’échange vital que nous souhaitons développer.

Pour notre part, nous ajouterons seulement quelques encouragements particuliers.

D’abord nous attribuons une importance déterminante à la communion qu’il faut entretenir entre tous les membres du Peuple de Dieu, responsables chacun à leur place. C’est le meilleur témoignage, le témoignage original, que nous pouvons donner au monde. L’Eglise est communion. Et c’est la garantie d’un ministère fidèle et fécond. Une telle communion suppose échanges, dialogue, collaboration, recherche humble de la Vérité, respect des autres, renoncement, docilité, en un mot l’amour : l’agapè du Christ. Elle doit s’établir à tous les niveaux.

37 Communion avec l’Eglise de Rome, avec le Saint-Siège : plus l’apôtre s’engage dans une mission particulière et difficile — et c’est tien votre cas — plus il doit maintenir vivants et confiants ses rapports avec le coeur de l’Eglise.

Communion avec l’Eglise universelle : la collégialité suppose non seulement la même profession de foi, mais un consensus sur l’ensemble des orientations communes à toute l’Eglise et une réelle solidarité dans la prière et l’entraide.

Communion entre Evêques, dans votre pays : que ce soit au niveau national, à Lourdes, au Conseil permanent, ou au niveau de votre région apostolique du Sud-Ouest. Nous savons que vous travaillez beaucoup ensemble avec méthode, pour mieux cerner les réalités mouvantes, affermir devant Dieu la conscience de vos devoirs et mettre au point des orientations communes, qui ne déchargent évidemment aucun Evêque de ses propres responsabilités. Et nous apprécions particulièrement le climat de prière qui imprègne vos rencontres.

Communion avec vos prêtres ! De plus en plus ils éprouvent le besoin de contacts avec vous et d’encouragements, à une heure où le ministère est certainement difficile et parfois incompris. Puissent-ils former autour de vous un presbyterium qui soit une communion : sans le témoignage de leur amour mutuel et de leur collaboration fraternelle, dans la diversité des sensibilités et la complémentarité des tâches, il serait vain et hypocrite de prétendre édifier l’Eglise. Et vous-mêmes, sans jamais renoncer à une autorité nécessaire, vous cherchez un nouveau style de présence et de soutien: entretiens fréquents, rencontres des équipes sacerdotales, visite des prêtres au sein de leurs activités de paroisses, d’aumôneries, de mouvements, attention à ceux qui sont exposés à plus de difficultés, sans négliger les autres. Le dialogue que vous avez avec eux doit vous permettre de leur parler avec affection et confiance, en toute vérité et liberté.

Ils comprendront que vous fassiez appel, fermement si c’est nécessaire, à leurs responsabilités de serviteurs de la Parole de Dieu et des mystères, et aux exigences de la communion avec l’ensemble de l’Eglise. Les fidèles s’étonneraient à bon droit que des abus manifestes soient tolérés par ceux qui ont reçu la charge de l’« épiscopat », qui signifie, depuis les premiers temps de l’Eglise, vigilance et unité. Le Pasteur est celui qui accompagne le troupeau, avec sollicitude pour chacun, mais aussi celui qui marche en tête, pour tracer courageusement la voie. Avec l’Apôtre Pierre, redites aux « anciens » qui sont vos prêtres : « Ne faites pas peser votre autorité, mais soyez les modèles du troupeau » (
1P 5,3).

Communion encore avec les religieux et les religieuses, dans le respect de leur vocation propre. Ne craignez pas de rappeler, à celles qui sont vouées à la vie active, leur responsabilité dans l’évangélisation directe : catéchèse, animation et service des communautés ou mouvements, avec toutes leurs qualités de foi et de coeur.

Enfin, communion à promouvoir entre les laïcs chrétiens, trop enclins à s’ignorer, et qui va au-delà de la confrontation épisodique. A ce sujet, nous souhaitons avec vous que les Conseils pastoraux prennent effectivement leur place souhaitée par le Concile (Décret Christus Dominus, CD 27). Pour vous, nous savons les longs moments — soirées, récollections — que vous consacrez aux militants pour les aider à faire de leur action et de leur projet une oeuvre d’Eglise. Mais c’est aussi l’ensemble du peuple chrétien qui a besoin de garder contact avec vous, et les occasions ne manquent pas : fêtes paroissiales, rassemblements, pèlerinages. Bref, favorisez la communion à tous les niveaux.

Un autre point important : nous tenons expressément à encourager vos efforts et ceux de vos prêtres pour susciter une participation éclairée et vivante du peuple chrétien à la sainte Liturgie, dans l’esprit de votre récente Assemblée de Lourdes. Nous connaissons et admirons les célébrations qui témoignent, dans vos églises de villes et de campagnes, d’un véritable esprit liturgique et d’une fidélité exemplaire aux normes de Vatican II. C’est votre joie et la nôtre ! Nous devons également encourager votre vigilance et votre fermeté. La liturgie catholique doit demeurer théocentrique. C’est sa nature même. C’est l’esprit de la rénovation accomplie par le Concile. Permettez-nous de nous arrêter un instant à la célébration de l’Eucharistie. Elle se situe bien au-delà d’une rencontre fraternelle et d’un partage de vie. Saint Paul ne craignait pas de le rappeler aux chrétiens de Corinthe (1Co 11,22). L’Eucharistie est essentiellement la réitération du sacrifice rédempteur du Christ. C’est une réalité dont aucun ministre, aucun laïc n’est propriétaire. C’est un mystère sacré qui requiert une atmosphère de gravité et de dignité, et ne supporte pas la médiocrité ou le laisser-aller du lieu, de la tenue vestimentaire, des objets du culte. Simplicité, oui ! Désinvolture, jamais ! Nous félicitons et stimulons les diocèses qui, de diverses manières, proposent aux fidèles une formation liturgique digne de ce nom. Un tel travail, loin des inventions faciles, permettra au culte catholique de conserver son identité, d’exprimer et de nourrir la foi du Peuple des baptisés.

Dans la synthèse de vos rapports, nous avons noté avec la plus grande satisfaction votre volonté de « relancer l’appel » au ministère ordonné, à la vie religieuse, aux ministères institués. Il est bien certain que, depuis des années, un peu partout dans l’Eglise, la notion du sacerdoce et de la vie consacrée est comme recouverte d’un certain brouillard, engendré par d’interminables recherches et par des abandons véritablement épidémiques. Faut-il désespérer ? Absolument pas ! C’est dans ce contexte que vous avez à rejoindre les jeunes d’aujourd’hui pour leur présenter vous-mêmes le visage immuable, à travers le temps, du sacerdoce catholique et de la vie religieuse. Tant de jeunes sont capables d’entendre l’appel ! Vous en êtes justement persuadés ! Assurément ces jeunes disciples du Christ ont besoin de lieux de formation. Quiconque se destine à une responsabilité importante doit accepter des années exigeantes, austères même, d’Université, d’Ecole professionnelle, etc. Le ministère sacerdotal en particulier ne pourra jamais faire l’économie de centres spécifiques de formation spirituelle, doctrinale et pastorale. « Relancer l’appel » ! Nous gardons votre formule dans notre coeur et notre prière. Elle correspond si bien à une donnée constante de l’Evangile et de la Tradition ecclésiale. Elle est vraiment dans le sens de l’histoire !

Enfin, nous aurions aimé parler plus longuement de l’apostolat dans les différents milieux, nous avons récemment insisté avec vos confrères du Nord sur le rôle et la formation des laïcs. Il est difficile d’établir une priorité dans l’évangélisation, car tous les milieux en ont un besoin particulier. Nous notons avec gravité la dispersion et le désarroi humain et religieux du monde étudiant : c’est lourd de conséquences pour l’avenir ! Aussi encourageons-nous de façon spéciale ceux qui se préparent à assumer cet apostolat délicat : il exige une solide formation théologique et profane mais par dessus tout un attachement fervent à la personne du Christ et à son Eglise. Le milieu ouvrier est depuis longtemps aussi l’objet de votre sollicitude à travers des obstacles persistants : une déchristianisation accentuée, et un esprit marxiste pénétrant. Il faut aider les ouvriers chrétiens engagés dans le progrès social à demeurer critiques à l’égard de l’idéologie athée et des moyens non évangéliques. Une partie des milieux indépendants et de larges secteurs ruraux connaissent aussi les effets du matérialisme et de l’indifférentisme. Mais que cette vision lucide ne vous décourage pas ! C’est le lot de toute l’Eglise de repartir sans cesse avec une poignée de témoins convaincus. L’Eglise est toujours missionnaire. Vous-mêmes vous notez des signes de renouveau, au moins à l’état de germes : laïcs plus responsables, éveil de nouvelles communautés... Alors encouragez-les, en vérifiant toujours la qualité du levain et les « critères objectifs pour l’identité chrétienne », précisés dans votre récent document sur l’accueil et l’annonce de la Parole de Dieu. « N’éteignez pas l’Esprit... Eprouvez tout, retenez ce qui est bon », disait déjà l’Apôtre Paul (1Th 5,19).

Tout au cours de cet entretien, nous avons relevé votre généreux dévouement pastoral, parfois au milieu d’incompréhensions et de sacrifices. Alors nous concluons : « Age quod agis » : accomplissez au mieux ce que vous devez faire.

38 Et comment nous quitter sans évoquer la mémoire d’un grand Docteur de l’Eglise, évêque de votre région, Saint Hilaire de Poitiers ? N’est-ce pas l’un des créateurs du « langage théologique » de l’Occident ? Ses grandes oeuvres sont encore une lumière pour nous. Il nous rappelle notamment que la sûreté doctrinale, — c’était l’épreuve décisive de l’arianisme — empêche l’Eglise de se dissoudre dans les idéologies du temps, en lui redonnant toute sa vigueur.

Avec ce saint Evêque, prions le Seigneur de nous aider à conserver et à répandre la foi ! (De Trinitate, fin du Livre XII). Et que le Christ ressuscité renouvelle sans cesse l’espérance en vos coeurs ! Avec notre Bénédiction Apostolique.






21 avril



LA VRAIE PHYSIONOMIE DE L’EVEQUE : SERVITEUR, PASTEUR, MAÎTRE, PRÊTRE



Le Pape reçoit les Evêques italiens de Lombardie



Monsieur le Cardinal et très chers Confrères de la Conférence Episcopale Lombarde.

Les souhaits de bienvenue que nous adressons à chacun de vous en vous accueillant aujourd’hui sont tout particulièrement cordiaux à cause des liens personnels très spéciaux qui nous unissent à votre et notre Terre bien-aimée. Nous sommes de Brescia, et déjà ce fait ne peut manquer de déterminer un rapport préférentiel avec toute la Région. Puis, à Milan, nous avons exercé pendant 8 années notre ministère en tant qu’Archevêque, y trouvant et y développant — autant que cela se pouvait — un précieux patrimoine ecclésial et y mûrissant une expérience qui, certainement, par un providentiel dessein du Seigneur, s’est insérée entre notre première période romaine et celle postérieure et formidable, de notre succession à Pierre.

Ces deux faits suffisent à expliquer le très vif intérêt que nous réservons à tout événement se passant en Lombardie, intérêt qui, pour tout ce qui touche à la vie religieuse et morale, devient vigilante sollicitude et co-participation à vos anxiétés, à votre responsabilité et à vos espérances de Pasteurs expérimentés et engagés dans l’activité ministérielle. Nous avons eu une consolante confirmation de votre zèle en lisant le texte du rapport — complet bien qu’étant une synthèse — intitulé Regard général sur la Région Lombarde, que nous a fait parvenir, avant la réunion d’aujourd’hui, votre cher et vénéré Président, notre successeur au siège des Saints Ambroise et Charles Borromée.

Le tableau qui se présente comme une synthèse précise, vous est familier et il constitue un motif d’application renouvelée dans l’action pastorale : de chaque Eglise vous connaissez trop bien les problèmes, les difficultés, les promesses et les attentes pour qu’il nous soit nécessaire d’insister sur les différents points. Pour nous, il suffit et il demeure ce devoir fondamental, né des graves paroles que le Christ adressa à son premier Vicaire : « Confirme tes frères » (Lc 22,32). C’est là, en fait, une parole riche de signification ample et profonde (Comme le reconnaissent les exégètes), sur laquelle nous ne pourrons jamais assez réfléchir pour en dégager toute la charge potentielle en vue des attributions spécifiques de notre office apostolique. Renonçant à une subtile analyse philologique et au, malgré tout, nécessaire rappel du contexte concret (pour Jésus, c’était celui de l’imminente passion), l’impératif du Confirmez, nous le traduisons devant vous, qui êtes nos frères à titre ecclésial, par des paroles d’éloge et d’encouragement qui, dépassant les « choses » vont directement à vos personnes et s’adressent à vos « âmes ».

Oui, Frères, nous devons louer le zèle qui vous distingue dans votre apostolat et se révèle dans tant d’initiatives exemplaires, souvent valables pour d’autres régions également. Et à l’expression de cette reconnaissance méritée nous joignons celle d’une solidarité profondément ressentie, qui, avant de se tourner vers les difficultés objectives qui émergent des différentes situations, s’adresse à leurs reflets subjectifs, c’est-à-dire aux tribulations et aux peines que ces difficultés peuvent vous procurer.

Cette référence explicite et pénétrante à votre sensibilité intime nous porte à ajouter, par une facile association d’idées, une seconde parole au sujet de la « psychologie pastorale », entendant par là la physionomie caractéristique et authentique qui révèle le vrai Pasteur d’âmes, Nous ne prétendons pas dire quelque chose de neuf ; cependant, qu’il ne vous déplaise pas d’entendre répéter, même par nous, quelque chose qui concerne votre vie pastorale et celle de votre bien-aimé et excellent clergé.

Quels sont les traits et les aspects saillants de la figure de l’Evêque ? Quelles doivent en être les vertus et les dispositions spirituelles ? En disant « Evêque » on pense aussitôt à un maître compétent et qualifié, mais d’abord et surtout — c’est une leçon répétée et commentée par lé Concile Vatican II — il faut penser au Pasteur. Essayons d’examiner cette note primordiale comme test dans la psychologie citée ci-dessus. Voici : celui qui est Pasteur est, plus que tout autre, dédié et consacré à autrui, sans économie d’énergie, ni limites de temps. Le Pasteur est un homme orienté et, pour ainsi dire, projeté vers ses frères et, dans la mesure où il s’efforce de répondre à cet idéal ; jam non sibi vivit : vraiment, il ne vit plus pour lui-même parce qu’il sait négliger ses propres affaires, son bien personnel, sa santé et, si nécessaire, sa vie elle-même. Aussi le Pasteur est-il placé dans un état de perfection en raison de la charité à laquelle il a tout donné, stimulé par le modèle jamais dépassé du Bon Pasteur qui « donne sa vie pour ses brebis » (Jn 10,11) ; et même, il est dans une situation de plus grande perfection comme « perfector » par rapport aux « perfecti » (cf. St Thomas, II-II, q. 185, a. l, ad Ilum, a. 3 c.). Ces traits — vous le comprenez — s’appliquent au vrai Pasteur et il importe de toujours les étudier et les reproduire, et notamment pour modifier certains traits qui marquaient la psychologie épiscopale d’autres époques : il est évident qu’aujourd’hui ce serait une déviation et un anachronisme de garder une mentalité féodale et autoritaire alors qu’il est, au contraire, indispensable d’accentuer la dimension essentielle, disons même évangélique, du service qui se trouve implicitement insérée dans le concept même d’autorité.

39 Mais l’Evêque — nous l’avons déjà dit — est également un Maître de la Foi : il est fidei praeco et... doctor authenticus (Cf. Lumen Gentium, LG 25) opérant dans un secteur délicat et jaloux où ne sont admises ni incertitudes ni déviations et auquel on peut aussi appliquer très justement la prière de Jésus pour Pierre: ut non deficiat fides tua (Lc 22,32). Quelle importance, Frères, a aujourd’hui cette disponibilité à la doctrine de la foi, et quelle vertu intérieure exige un tel magistère ! C’est un service qui impose une étude constante, de la fidélité personnelle, de la sagesse et de la prudence ; c’est un magistère qui doit s’adresser, selon une pédagogie intelligente et différenciée, aux petits et aux adultes, aux humbles et aux savants, aux pratiquants et aux tièdes. De ceci découle l’importance primordiale qu’assument aujourd’hui les devoirs de la catéchèse et de la prédication, deux activités distinctes mais contribuant aux mêmes fins, dans lesquelles il est licite et nécessaire d’introduire des formes et des méthodes nouvelles, dans un style qui les rendent incisives et adaptées au contexte socio-culturel de notre temps.

Enfin, l’Evêque est le prêtre de la Liturgie et ici encore le champ d’activité apparaît aussi vaste qu’important parce qu’il est urgent, notamment, d’utiliser toujours mieux la grande réforme conciliaire. Si, dans la Liturgie, on a redécouvert la perspective communautaire et si l’on a insisté sur le concept de participation active et consciente des fidèles, l’Evêque aura pour devoir de valoriser et de faire valoriser chaque célébration qui se déroule dans son Eglise afin qu’elle réponde à ces fins et s’encadre dans le contexte global de son action pastorale. A cet égard, les possibilités sont vraiment nombreuses : il faut, par exemple, s’adresser aux divers groupes sociaux et professionnels ; il faut aussi veiller non seulement à obtenir une parfaite diction et un respect absolu des textes sacrés, mais également prendre soin du chant liturgique selon une tradition que l’Eglise devra, loin de la minimiser, plutôt accroître et enrichir de nouveaux et intelligents apports créatifs : une tradition — il nous plaît de le dire — dont l’Eglise de Saint Ambroise nous offre des exemples qui sont des modèles d’incomparable beauté et de valeur éducative.

Nous avons donc parlé de vous comme Pasteurs, Maîtres et Prêtres en termes qui vous sont connus, mais dans une intention de mutuelle ouverture dans la chaleur de la communion fraternelle qui règne entre nous. Nous vous dirons, en manière le synthèse des trois fonctions, qu’il faut aspirer à la sainteté dans la cohérence d’un effort quotidien d’ascétisme. Le Sancti estote de l’Ancien Testament (cf. Lv Lv 11, 44, 45) se dépouille pour nous de toute signification légaliste ou rituelle, parce que, dans le Nouveau Testament, il est devenu un appel à une perfection intérieure, pure et intégrale de la vie, sous l’éclairage du lumineux précepte du Discours sur la Montagne : Estote vos perfecti, sicut et Pater vester caelestis perfectus est (Mt 5,48). Et ceci, qui est valable pour chaque membre du Peuple de Dieu, ne vaut-il pas à plus forte raison pour ceux qui ont pour mission de paître le troupeau et de le conduire vers le salut ?

Que la Bénédiction Apostolique que nous vous donnons avec vive prédilection soutienne votre ministère et vous concilie la céleste protection du Seigneur.








Discours 1977 32