Discours 1977 39

AUX MEMBRES DU CONSEIL DE L’UNION MONDIALE DES ENSEIGNANTS CATHOLIQUES


Vendredi 22 avril 1977




Chers Fils et chères Filles,

Nous sommes très heureux de vous accueillir et de nous entretenir quelques brefs instants avec vous. Vous êtes ici, non seulement comme enseignants et catholiques, mais aussi comme membres qualifiés du Conseil de l’Union Mondiale des Enseignants catholiques. Et vous représentez également ici les quelque quatre cent mille adhérents de l’Association, dispersés un peu partout dans le monde: c’est également à ce titre que Nous vous saluons de grand coeur.

Nous voudrions profiter de cette rencontre pour rappeler le caractère fondamental de l’école catholique, à laquelle vous consacrez généreusement vos énergies. Quel meilleur point de repère peut-on trouver à ce sujet, sinon le texte du Concile Vatican II que vous connaissez tous: «Ce qui lui appartient en propre - à l’école catholique -, c’est de créer pour la communauté scolaire une atmosphère animée d’un esprit évangélique de liberté et de charité, d’aider les adolescents à développer leur personnalité en faisant en même temps croître cette créature nouvelle qu’ils sont devenus par le baptême, et finalement d’ordonner toute la culture humaine à l’annonce du salut, de telle sorte que la connaissance graduelle que les élèves acquièrent du monde, de la vie et de l’homme, soit illuminée par la foi» (Gravissimum Educationis GE 8). Il y a donc deux objectifs à réaliser simultanément: le premier, de caractère humain, consiste à créer, aussi bien parmi les élèves qu’entre eux et leurs maîtres, une vraie communauté fraternelle d’amour et de dialogue sincère, permettant le développement intégral des jeunes. Le second objectif, de nature plus intellectuelle, consiste à établir une synthèse harmonieuse entre l’enseignement scolaire normal et le patrimoine de la sagesse chrétienne, de manière à inspirer aux étudiants une dimension nouvelle et féconde, celle de l’absolu de l’Evangile, les protégeant contre le risque d’un humanisme autarchique et, par suite, accablant.

Dans l’accomplissement d’une telle tâche, la personnalité de l’enseignant catholique apparaît comme un élément déterminant, nul ne saurait le nier. Sa formation spécifiquement chrétienne doit accompagner pas à pas sa préparation culturelle et pédagogique: ainsi pourra-t-il, au lieu de rester sur le plan purement professionnel, entraîner ses élèves par son témoignage évangélique à la fois ardent et cohérent.

Nous n’ignorons pas que l’Union Mondiale des Enseignants catholiques peut avoir à affronter, dans les pays très divers où elle exerce ses activités, des difficultés particulières, d’ordre interne ou externe. Nous ne pouvons traiter chacune de ces situations. Mais notre parole voudrait aujourd’hui être pour tous un stimulant, un encouragement à poursuivre avec fidélité et enthousiasme l’activité que vous exercez déjà avec dévouement et intelligence. Et il Nous faut ici souligner l’aspect solidaire de cette activité: chaque enseignant catholique, chaque communauté éducative, se sentent soutenus dans l’accomplissement de leur tâche s’ils participent personnellement et de tout coeur aux initiatives de votre groupement. Et celui-ci, par ses dimensions mondiales, pourra et devra favoriser en chacun des associés une prise de conscience de ses engagements qui l’élèvera au plan universel, élargissant ses horizons aux dimensions de l’Eglise.

Dans cette perspective, et en formant les meilleurs voeux pour la réussite des travaux qui font l’objet de votre présente réunion, Nous vous donnons, pour vous-même, pour tous les vôtres et pour ceux que vous représentez ici, notre paternelle Bénédiction Apostolique.



AUX MÉDECINS DU NORD DE LA BELGIQUE


40
Samedi 23 avril 1977




Mesdames, Messieurs,

Nous sommes heureux de vous adresser notre salut cordial en vous accueillant ce matin dans la maison du Père commun de tous les catholiques.

Puisque vous vous êtes réunis en Congrès pour approfondir votre information médicale, vous attendez de Nous bien certainement, au cours de ces journées, une parole qui soit pour vous, malgré sa brièveté, un appel à la réflexion et un encouragement.

La médecine moderne devient de plus en plus inaccessible au profane à cause de la complexité de ses techniques et de son langage. Ceci Nous a frappé en parcourant votre programme. Cependant, le haut niveau scientifique auquel doit parvenir tout médecin ne saurait voiler ou diminuer le sens de l’humain, l’attention aux personnes qui ont caractérisé depuis toujours l’exercice de la médecine et en ont fait la grandeur.

Dans ce domaine de l’étique médicale, Nous voudrions de nouveau insister sur son fondement: le respect inconditionnel de la vie, depuis son commencement. Il importe en effet de bien comprendre pourquoi ce point essentiel à toute civilisation digne de ce nom est aujourd’hui mis en cause, et pourquoi il est nécessaire de s’opposer fermement à ce qu’on a nommé, si improprement, une «libéralisation».

L’Eglise catholique a toujours vu dans l’avortement un crime abominable, car le respect absolu de la vie en son commencement se réfère aux mystères de la création et de la rédemption: dans Notre Seigneur Jésus-Christ, tout homme, même celui dont la vie physique est la plus disgraciée, est appelé à la dignité de fils de Dieu. Tel est l’enseignement de la foi. Tout chrétien doit en tirer les conséquences et ne pas se laisser aveugler en ce domaine par de prétendues nécessités sociales ou politiques. Encore moins pourrait-il se targuer du devoir de respecter l’opinion de ceux qui ne partagent pas ses convictions. La foi chrétienne, en effet, ne fait qu’éclairer de sa lumière surnaturelle une attitude morale qui apparaît, de manière universelle, comme une exigence fondamentale de toute conscience droite et qui, pour cela, est à juste titre référée à ce qui est constitutif de l’humanité même, à sa nature au sens philosophique du terme. Il faut donc savoir mettre en valeur cette réalité morale supérieure, cette loi non écrite située dans le coeur même de l’homme et qui seule peut servir de fondement à un vrai consensus social et à une législation digne de ce nom.

En tant que médecins, cependant, conscients des exigences scientifiques et éthiques de votre profession, vous avez un rôle particulier et très important d’information et de formation à remplir, selon vos diverses spécialités, pour montrer les graves erreurs sur lesquelles s’appuie la propagande en faveur de l’avortement. Qui mieux que vous, souvent, peut dénoncer les manipulations statistiques, les affirmations hâtives dans le domaine biologique, les répercussions désastreuses au plan physiologique et psychologique?

En vous encourageant ainsi à cette lutte en faveur de la vie, Nous n’ignorons pas, vous le savez bien, les graves problèmes que vous rencontrez dans l’exercice de votre profession. Il faut une conscience éclairée pour les résoudre concrètement, non sans angoisse bien souvent, sans sacrifier aucune des valeurs en cause. N’est-ce pas là aussi que le rôle du médecin, s’appuyant sur sa compétence technique mais la dépassant, prend sa pleine dimension: être vraiment un homme à qui rien d’humain n’est étranger?

Vous, qui êtes des hommes de recherche, puissiez-vous faire progresser toujours de pair votre savoir et la conscience de vos responsabilités! Vous pouvez être certains que Nous recommandons vos intentions au Seigneur, en lui demandant de bénir vos personnes, vos familles et tous ceux qui viennent se confier à vous.


25 avril



UN VISAGE AFRICAIN POUR UN MESSAGE EVANGELIQUE



41 Le Pape reçoit les Evêques du Rwanda

Le Lundi 25 avril, le Pape Paul VI a reçu en audience les Archevêques et Evêques du Rwanda, venus à Rome pour la visite « ad limina ». Etaient présents : NN. SS. Vincent Nsengi-Yumva, Arch. de Kigali, André Perraudin, Arch.-Evc. de Kabgayi, J.B. Gahamanyi, Ev. de Butare, Joseph Sibomana, év. de Kibungo, Wenceseas Kalibushi, Ev. de Nyundo et Phocas Nikwigize, Ev. de Rubengeri. Voici le texte du discours que le Saint-Père leur a adressé en français :



Chers Frères de la Conférence Episcopale du Rwanda,



Nous sommes profondément touché des paroles émouvantes que nous venons d’entendre, et c’est avec joie que nous vous accueillons, tous et chacun ce matin, heureux d’adresser un souhait de bienvenue tout particulier à Monseigneur Wenceslas Kalibushi, qui a été nommé récemment Evêque de Nyundo et est venu compléter ainsi le Corps épiscopal de votre pays.

Votre digne interprète a relevé à juste titre, combien ce pays nous est cher et avec quel soin nous nous sommes efforcé de suivre, au cours des années, l’évolution de sa situation civile et religieuse.

Vous venez à nous dans des sentiments auxquels nous ne pouvons manquer d’être très sensible, car nous les voyons inspirés avant tout par la foi, cette foi profonde et limpide des Eglises africaines, qui nous frappe toujours si vivement dans nos rencontres avec les fils très chers de votre Continent. Vous croyez d’une foi vivante, au primat de Pierre, et vous venez « ad limina » pour confier à son humble successeur, avec un abandon filial, vos joies et vos peines, votre reconnaissance et vos soucis : vous y venez aussi pour être, par lui, confirmés dans votre mission de Pasteurs. Rien ne peut nous rendre plus conscient de notre propre mission à votre égard, celle que le Christ confiait à Saint Pierre par ces paroles définitives et ineffaçables : « Confirma fratres tuos ! » Nous le faisons, soyez en sûrs, avec joie et avec amour.

Nous savons que votre tâche, pour implanter toujours davantage en terre d’Afrique le message de l’Evangile dans toute sa pureté, n’est pas une mission facile. Mais vous devez savoir aussi que non seulement le Saint-Siège, mais — on peut le dire — toute la communauté ecclésiale a le regard tourné vers les jeunes Eglises d’Afrique avec une immense espérance. On attend de vous la preuve qu’il est possible d’insérer profondément chez vous le message chrétien authentique, en respectant les lignes essentielles de la culture africaine : en d’autres termes, de donner un visage africain, à l’éternel et immuable message de l’Evangile. Cela suppose un effort en deux directions qui, au premier abord, semblent presque impossibles à faire converger : l’adaptation et la fidélité. Il faut adapter, c’est indubitable : qu’il s’agisse de la présentation des vérités, de l’expression liturgique, etc. Mais le message à adapter est unique et ne peut être déguisé ni trahi : il n’y a qu’une seule Foi et qu’une seule Eglise !

Votre fidélité à cette unique Eglise du Christ transparaît dans chaque phrase du message que nous venons d’entendre : elle nous édifie et nous émeut. Elle nous donne aussi la certitude que l’attente, l’espérance de l’Eglise dont nous parlions à l’instant, ne sera pas déçue par les Eglises d’Afrique, par la chère et vaillante Eglise du Rwanda, en particulier.

La « Journée des Vocations », que nous célébrions hier, nous invite à stimuler particulièrement votre zèle pastoral sur ce point si important pour l’avenir de votre Pays : lui assurer un clergé autochtone nombreux, bien préparé et avec une formation doctrinale profonde et solide. La moisson est abondante, Notre Seigneur nous en donne l’assurance, et l’expérience le confirme chaque jour: mais les ouvriers sont peu nombreux, et toute la communauté chrétienne doit en être consciente et élever vers Dieu d’incessantes prières pour qu’il envoie des moissonneurs.

Nous voudrions en terminant attirer votre attention sur un autre point, moins directement lié, peut-être, à votre mission proprement religieuse, mais qui en découle cependant et peut parfois en conditionner l’exercice : nous voulons parler de la paix civile, de la bonne entente entre les citoyens d’une même patrie. Nous n’avons que trop d’exemples, hélas, du trouble grave apporté à des communautés nationales par des discordes intestines. En effet, c’est avant tout dans le coeur de l’homme que doit d’abord s’établir la paix, qui rayonnera ensuite sur ses frères. Et c’est là qu’apparaît le rôle irremplaçable d’une communauté catholique vraiment pénétrée par l’esprit de paix, de pardon, d’amour, l’esprit que le Seigneur a apporté sur la terre et confié à son Eglise. Puissiez-vous contribuer à en pénétrer toujours davantage vos prêtres et vos fidèles !

C’est avec ce souhait, chers Fils et Frères du Rwanda, que nous prenons congé de vous, en vous chargeant de porter à toutes vos communautés notre salut paternel, nos voeux et nos bénédictions, et en vous accordant à vous-mêmes une très particulière Bénédiction Apostolique.






25 avril



LA PASSION D’EVANGELISER



42 Paul VI aux participants à l’Assemblée Nationale de l’Action Catholique Italienne

Le Saint-Père a reçu en audience le 25 avril environ 1500 délégués de l’Action Catholique Italienne qui viennent de prendre part aux travaux de leur III° Assemblée Nationale. Paul VI leur a adressé un discours dont voici la traduction :

C’est avec grande joie que ce matin nous ouvrons la porte de notre demeure, et plus encore, celle de notre coeur, à vous tous, Délégués de l’Action Catholique qui, avec la présidence nationale, avez voulu nous apporter personnellement l’assurance de vos sentiments, de votre fidélité à toute épreuve, de votre généreux dévouement à la cause de l’Evangile. A tous et à chacun, nous souhaitons la bienvenue d’autant plus cordialement que dans la fraîcheur de votre enthousiasme nous sentons vibrer l’élan, les résolutions, les espérances des innombrables personnes, jeunes et moins jeunes, qui, partout dans cette chère Italie, partagent vos idéaux et militent dans les rangs des Associations que vous représentez ici.

Vous êtes venus à Rome pour y tenir votre Assemblée Nationale, conscients des espoirs que mettent dans cet événement chaque Diocèse, chaque communauté paroissiale, partout où s’exerce la ferveur de l’engagement chrétien. Il n’est pas seulement question de renouveler les comités élus : il s’agit de faire franchement le bilan de l’activité accomplie pendant la période triennale qui vient de se conclure, et surtout de déterminer les objectifs et de tracer le programme des trois prochaines années.

Ce n’est assurément pas une entreprise facile si l’on réfléchit à tous les problèmes, complexes et urgents, qui sont proposés actuellement à l’action pastorale de l’Eglise. Eh bien, très chers Fils, nous pensons qu’il est opportun de profiter de cette rencontre pour soumettre à votre considération quelques indications au sujet de votre action, désireux de contribuer ainsi à la planification de votre activité dans le proche avenir.

Une action éducatrice et formatrice basée sur la prière





La première indication, sur laquelle nous aimerions mettre l’accent bien que vous l’ayez prévue, concerne la reprise décidée et vigoureuse de l’action éducatrice et formatrice. L’Association doit insister avec confiance, courage et originalité sur l’importance primordiale de la prière, de la lutte quotidienne pour la fidélité au Baptême, de la chasteté selon l’état personnel de chacun, de la disponibilité à la consécration virginale et au service des frères pour ceux qui sont appelés à cet état, du témoignage de vie, en public et en privé, au milieu des situations diverses de l’existence, souvent très difficiles. En un mot : l’Action Catholique Italienne doit être une école de sainteté, dans le sillage de ces nombreux hommes et femmes, jeunes gens et adolescents qui, dans le programme « prière, action et sacrifice » ont trouvé la voie de leur fidélité généreuse et parfois héroïque au Seigneur.

Le Rôle propre de l’Action Catholique





Nous voulons encore attirer votre attention sur un second point : l’importance toute particulière de l’Action Catholique qui, en tant que collaboration des laïcs à l’apostolat hiérarchique de l’Eglise, a une place, non historiquement contingente, mais théologiquement motivée dans la structure ecclésiale.

Après tout ce qu’en a dit le Concile (cf. Apostolicam Actuositatem,
AA 20 Ad Gentes, AGD 15) et ce que nous avons eu nous-même l’occasion de souligner dans notre Exhortation Apostolique Evangelii Nuntiandi (c. n. 73), le rôle spécifique de l’Action Catholique dans le dessein constitutionnel et dans le programme d’action de l’Eglise ne peut plus être sous-évalué. L’Action Catholique est appelée à réaliser une forme particulière de ministère laïc orienté vers la plantatio Ecclesiae et le développement de la communauté chrétienne, en union étroite avec les ministères ordinaires. Pour pouvoir mieux répondre à sa fonction spécifique, l’Action Catholique devra

donner des soins tout particuliers aux structures des associations par lesquelles non seulement s’exprime et se concrétise le principe d’obéissance, qui est une valeur irremplaçable, mais qui rendent également possible cette planification des activités et des interventions qui seule garantit une profonde influence sur le milieu. Du reste le critère d’association, correctement compris et sagement appliqué, non seulement n’asphyxie pas, mais, au contraire stimule l’initiative responsable des individus et la sage perception des exigences découlant des situations concrètes : de plus, il offre également, d’efficaces instruments pour y répondre de manière opportune.

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L’Evangélisation des couples et de la famille





La troisième indication nous est imposée par un phénomène où l’on peut découvrir, à notre avis, un signe des temps qu’on ne saurait négliger : la présence, parmi les membres inscrits, de dix mille couples d’époux, qui ont, en tant que tels, voulu donner leur adhésion à l’Action Catholique, signe que se développe une nouvelle sensibilité sacramentelle et pastorale qui doit être accueillie et encouragée. L’Action Catholique Italienne doit faire place en son sein aux époux et aider les communautés paroissiales et diocésaines à reconnaître le rôle de « protagonistes » de la pastorale qui leur vient de la grâce du sacrement. Dans une société où la famille est de plus en plus mise à l’écart et qui tend pratiquement à rendre toujours plus fragile sa consistance et toujours moins essentielles ses tâches dans les réalités civiles et dans l’éducation des enfants, l’Action Catholique doit s’engager à fond pour promouvoir le ministère des conjoints, principalement en ce qui concerne la croissance dans la foi de leurs enfants ; puis, sur le plan de l’évangélisation des couples et des familles à la foi branlante avec lesquels ils ont chaque jour des contacts de voisinage, ou de travail, d’autant plus qu’il s’agit souvent de situations hermétiquement closes à d’autres présences ecclésiales ; et enfin à l’égard des fiancés, qui se préparent au mariage.

La Passion d’annoncer l’Evangile





Nous avons encore à vous donner une quatrième indication : elle est de toute première importance et nous considérons qu’elle s’impose de manière particulièrement pressante aujourd’hui ; l’Action Catholique doit redécouvrir la passion pour l’annonce de l’Evangile, seul salut possible d’un monde, autrement, désespéré. Certes, l’Action Catholique aime le monde, mais d’un amour qui tire son inspiration de l’exemple du Christ. Sa manière de servir le monde et de promouvoir les valeurs de l’homme consiste avant tout à évangéliser, en harmonie logique avec la conviction que l’Evangile contient la force la plus bouleversante, capable de rendre vraiment neuves toutes les choses. Les militants de l’Action Catholique sont en conséquence des Evangélisateurs laïcs, habilités, par le don de l’Esprit et en pleine fidélité à la parole reçue des Pasteurs, à réaliser dans leur vie quotidienne la synthèse entre la foi et la vie, retrouvant cette unité que, avec de claires intentions, un sécularisme insidieux tente inlassablement de dissoudre. En d’autres mots, il s’agit de favoriser le moment pastoral. La mentalité actuellement dominante tend à l’engagement « politique» au détriment de l’engagement pastoral, refusant à celui-ci tout caractère de réelle efficacité dans la transformation de la société. Il importe de réévaluer l’engagement pour la croissance de la communauté chrétienne dans la foi et dans le témoignage de vie en proclamant bien haut les fins surnaturelles de l’homme et en aidant les croyants à redécouvrir les valeurs, politiques y compris, qu’une cohérente profession du christianisme développe au bénéfice d’une coexistence plus humaine : le ferment rénovateur introduit par la communauté chrétienne primitive dans les structures socio-politiques de l’Etat païen, en est un témoignage, extrêmement éloquent.



De quelques applications concrètes





Et à ce propos, nous noué sentons particulièrement tenu de souligner vivement l’urgente nécessité d’une action évangélisatrice plus courageuse et qualifiée dans quelques secteurs de la coexistence civile qui ont tout spécialement besoin d’une stimulante confrontation avec le message du Christ. Nous faisons allusion au monde du travail, qui souvent se caractérise par une aversion profonde à l’égard de toute expression de vie ecclésiale ; au monde de l’école, symbole de toutes les contradictions qui assaillent dramatiquement la vie des adolescents et des jeunes gens les entraînant dans une spirale sans espoir ; au monde de l’Université et de la culture, dangereusement exposé à l’attrait de théories matérialistes en contradiction radicale avec l’Evangile ; et enfin, nous faisons également allusion au monde féminin tendu vers la recherche d’un discours libérateur sur l’identité et l’autonomie de la femme, en proie, lui aussi, à de honteux ferments subversifs qui bouleversent les générations les moins mûres, les conduisant souvent à des comportements aberrants et à des attitudes de refus total à l’égard de l’Eglise.

Le champ de travail, vous le voyez, très chers Délégués de l’Action Catholique, est immense et singulièrement difficile. On ne saurait l’affronter à la légère. L’action évangélisatrice de l’Action Catholique dans le monde actuel exige une étude et un engagement culturels ; un engagement de moyens adaptés à la lecture des exigences historiques qui se révèlent dans la vie du pays et des Eglises locales ; d’opportunes interventions et une présence de caractère organique ; une qualification rigoureuse de la presse et de l’édition ; une liaison étroite et cordiale avec les Pasteurs ; la coordination et la collaboration avec les autres associations, groupes et mouvements ecclésiaux, spécialement avec la F.U.C. (Fédération des Universitaires) et les Associations des Maîtres et Diplômés Universitaires Catholiques (celles-ci significativement représentées à cette audience) ; une grande clarté des objectifs et des méthodes, afin que toute énergie soit utilisée sans gaspillages stériles et trompeurs.

Voilà, très chers Fils, les suggestions que nous avions hâte de vous soumettre. Nous les confions à votre intelligente réflexion et à votre généreux dévouement. Non sans faire allusion à l’expérience joyeuse que le temps liturgique nous invite à raviver : l’expérience de la présence, réelle, même si elle est mystérieuse, de Jésus ressuscité au milieu de nous. C’est lui qui, avec la grâce de son Esprit, soutient notre témoignage. C’est lui qui enflamme nos coeurs lorsque, fatigués par notre démarche, nous nous mettons à l’écoute de sa parole qui résonne dans les Ecritures et que nous nous approchons de la Sainte Table où, en son nom, le pain est rompu. Avec la force qui nous vient de cette rencontre, allons, confiants, par les routes du monde et disons à tous, avec une humble fermeté, les paroles qui nous remplissent le coeur de joie : « Oui, le Seigneur est vraiment ressuscité » (Lc 24,34). Nous savons que ceci est le message que, peut-être même sans en avoir conscience, attend tout être humain.

Que vous accompagne notre Bénédiction Apostolique.






28 avril



SEMER AVEC CONFIANCE



Paul VI reçoit les Evêques de la Conférence Episcopale des « Trois-Vénéties » (Italie)

Le 28 avril le Saint-Père a reçu les Archevêques et Evêques de la Conférence Episcopale des Trois-Vénéties à l’occasion de leur visite « ad limina Apostolorum ». Le groupe, présidé par le Cardinal Luciani, Patriarche de Venise, comprenait les Archevêques d’Udine, de Gorizia et de Trente, les Evêques de Padoue, de Vérone, de Chioggia, de Vittorio Veneto, de Concordia-Pordenone, de Feltre et Belluno, de Bolzano, de Trévise, d’Adria-Rovigo et de Vicence ; étaient également présents les Evêques Auxiliaires d’Udine, de Bolzano et de Vicence. Le Saint-Père a adressé à ses visiteurs un discours dont voici la traduction :



44 Monsieur le Cardinal Patriarche et vous tous, vénérables Frères de la Conférence Episcopale des Trois-Vénéties !

Agréez nos plus cordiaux souhaits de bienvenue à l’occasion de cette visite « ad limina Apostolorum » que vous avez préparée avec beaucoup de soin et que vous avez entreprise dans un vif esprit de foi.

Nous vous accueillons donc avec grande bienveillance, voyant en vous, représentées et comme présentes vos bien-aimées populations : de celle du Patriarche de Venise dont la perle, et dont le Protecteur est ce Marc intrepres Petri qui ne peut que susciter dans le coeur du Successeur du premier Pape un profond écho de dévotion et d’amour ; à toutes celles de vos régions riantes et laborieuses, tenaces et fortes, riches d’histoire et de foi chrétienne que nous voudrions appeler de leur nom, l’une après l’autre ; mais nous voulons donner la place d’honneur à la généreuse terre du Frioul dont les souffrances et dont la volonté de renaître nous sont bien connues et dont nous nous sentons tout particulièrement proche, l’assurant une fois de plus de notre affection et de notre appui.

Nous avons lu avec très grand intérêt le rapport que vous avez rédigé au sujet de la situation des Diocèses des Trois-Vénéties, et nous l’avons apprécié non seulement parce qu’il confirme la constante vitalité d’une tradition chrétienne antique et bien enracinée dans vos populations, mais aussi parce qu’il est le fruit d’un fraternel et concordant travail d’étude concernant l’Eglise de vos régions.

En vous assurant de nouveau que nous suivons avec affectueuse et participante attention votre activité pastorale éclairée, nous voudrions qu’en ce moment de réciproque effusion des coeurs vous compreniez à fond combien nous apprécions la sagesse et le dévouement, la fermeté et la clairvoyance, le zèle infatigable dont vous faites preuve comme maîtres de la foi et en alimentant dans vos diocèses un authentique et intense témoignage chrétien, en formant autour de vous, spécialement dans le clergé compact et paternel et dans le laïcat catholique bien préparé, une réserve de forces de premier ordre qui imprègnent et qualifient les formes quotidiennes de l’apostolat et de la vie ecclésiale.

Et maintenant, pour exprimer notre pensée, nous vous livrons un mot qui, en synthèse, dit tout : persévérez ! Cette exhortation a pour objet fondamental votre charité pastorale qui doit avoir pour norme et mesure le fréquent rappel évangélique la « vigilance » : moins dans le sens négatif du terme que dans son acception positive et dynamique, celle qui caractérise la tension de celui qui s’acharne tant à relever les signes des temps qu’à appliquer avec patience et ténacité les programmes établis. Nous trouvons, vous et nous, un paradigme dans la parabole du grain qui pousse tout seul : que le semeur « dorme ou veille, la nuit et le jour, la semence germe et pousse, il ne sait comment. D’elle-même la terre produit d’abord l’herbe, puis l’épi, puis plein de blé dans l’épi » (
Mc 4,26-28). L’important est de semer avec confiance, et pour le faire, il importe de tenir compte également des phénomènes négatifs, comme peuvent l’être certains secteurs de la presse, de la jeunesse, des moeurs, sans exclure certains milieux de travail ; ce sont même ces constatations qui doivent inciter chaque pasteur aux semailles : après, la terre « produira spontanément » même, si d’autres auront à faire la récolte. Il importe, à cette fin, de ne pas sous-évaluer d’éventuelles expérimentations de nouveautés pastorales et apostoliques qui peuvent de temps à autres s’offrir à votre activité sage et prudente.

Quant à ceux auxquels doivent s’adresser en priorité vos soins de premiers responsables du Peuple de Dieu nous pouvons les classer comme suit. En premier lieu nous plaçons les membres du clergé en tant que notre ministère : ils forment la portion de l’Eglise qui doit être la plus écoutée, soignée et aimée ; puis ici, nous pourrions greffer un long discours sur le thème de la Vocation, tant masculine que féminine, que nous recommandons instamment à votre sollicitude apostolique. Nous mettons à la deuxième place le monde de l’école avec ses problèmes et ses espérances, avec cette impétuosité et cette générosité qui sont le propre des jeunes étudiants; l’offre d’une opportune et intégrale éducation chrétienne caractérisera vos efforts en faveur d’une société moins sénescente, c’est-à-dire moins païenne. En troisième lieu, nous trouvons le vaste monde du travail : ses tensions et ses luttes doivent être suivies non seulement avec une attention sympathisante, mais aussi avec l’apport d’une plus haute vision chrétienne qui « attend et hâte l’avènement (...) de nouveaux cieux et d’une terre nouvelle où la justice habitera » (2P 3,12 et 13).

Dernier dans la liste, mais certainement pas dans nos attentions, voici maintenant le monde de la souffrance qui attend de nous ces soins humains et chrétiens qu’aucun médecin ne saurait donner : c’est ici tout particulièrement que l’Evêque exercera sa paternité évangélique, dans le sillage de Celui qui « a pris nos infirmités et s’est chargé de nos maladies » (Mt 8,17).

Enfin à un niveau plus général mais non moins déterminant, nous reconnaissons avec vous qu’il convient d’habituer toujours plus les laïcs baptisés à la collaboration et à la coresponsabilité pastorales. Les formes pourront être celles que vous préférez, suivant une pédagogie précise de l’apostolat, qui comprenne confiance et initiation spécifique. Il faut donc que dans tous ses membres l’Eglise apparaisse vraiment comme le Corps en croissance du Christ ressuscité, Prophète, Prêtre et Roi.

Pour conclure, nous admettons avec chacun de vous que les devoirs épiscopaux ne peuvent être affrontés d’un coeur léger : ce n’est pas en vain que nous avons été « constitués intendants pour paître l’Eglise de Dieu » par Celui qui l’a « acquise au prix de son propre sang » (Ac 20 Ac 28). Mais notre dernière parole exprimera notre confiance assurée en la promesse du Pasteur suprême : « Vous sauverez vos vies par votre constance » (Lc 21,19).

Que notre Bénédiction Apostolique vous confirme dans toutes ces intentions.






28 avril



PAUL VI REÇOIT S. G. FREDERICK D. COGGAN



45 En visite officielle



Chers Frères dans le Christ,



Cette rencontre est une joie pour nous. Le Christ notre Seigneur nous a en effet enseigné que « là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux » (
Mt 18,20). Et puisque nous sommes rassemblés au nom de l’unité des Chrétiens, c’est l’obéissance à la volonté du Seigneur qui fait que nous nous rencontrons, car il a demandé à son Père « Qu’ils soient un » (Jn 17,21).

Mais c’est une joie particulière pour nous d’être réunis dans cet esprit avec Votre Grâce et avec d’autres Responsables de la Communion Anglicane, qui, selon les termes du Concile Vatican II, occupe une « place spéciale » par rapport à nous.

Nous avons célébré la semaine dernière la fête de Saint Anselme, notre compatriote d’Aoste, qui devint Abbé du Bec en Normandie puis archevêque de Canterbury. En de telles circonstances il est naturel de penser à une pleine communion entre nos Eglises. Cependant, nous ne devons pas regarder cette célébration avec une simple nostalgie tournée vers le passé, mais plutôt comme une réalité spirituelle. Car la liturgie prophétise également ce qui doit arriver ; elle représente les prémices de ce qui doit venir.

L’histoire des relations entre l’Eglise catholique et la Communion Anglicane a été illustrée par le témoignage marquant de personnes comme Charles Brent, Lord Halifax, William Temple et George Bell du côte anglican ; et de l’abbé Portal, Don Lambert Beaudouin, le Cardinal Mercier et le Cardinal Béa du côté catholique. Le pas de ce mouvement s’est merveilleusement accéléré ces dernières années, de sorte que ces paroles d’espoir « l’Eglise anglicane unie mais non absorbée » ne sont pas seulement un simple rêve.

Quant à vous, frères, votre souci est que l’Evangile soit traduit en projets d’action, et qu’il retrouve son sens pour une société de tradition chrétienne. Ainsi que notre prédécesseur Pie XI le déclare, « L’Eglise fait oeuvre de civilisation quand elle évangélise ».

L’Evangile est le coeur et l’âme de votre vie chrétienne et il nous inspire aussi — la civilisation de l’amour est notre espérance partagée — chose qui est une utopie pour la sagesse du monde, mais une prophétie pour ceux qui vivent dans la vérité.

Dans la joie de cette espérance que nous partageons nous vous saluons et nous vous souhaitons la bienvenue ici. Que votre visite soit fructueuse et nous fasse cheminer en avant sur la route de notre pèlerinage d’amour et d’unité dans le Christ Ressuscité.






2 mai




Discours 1977 39