Discours 1977 51

51 Que la tradition authentique et vive soit constamment le point de référence de votre action pastorale, cherchez en elle le critère de vérification qui vous permettra de « discerner » la validité des nouvelles propositions émergeant dans l’Eglise. La tradition, si on l’écoute d’un coeur attentif et disponible, n’écarte pas le neuf; elle rend même particulièrement apte à percevoir « les signes des temps » qui annoncent l’opérante et transcendante présence du Christ dans l’histoire. D’ailleurs, le Christ, Lui qui est « l’Alpha et l’Oméga... Il est, Il était et Il vient » (Ap 1,8), n’est-il pas la substance même de la donnée traditionnelle ?

Quelle confiance sereine, quel courage intrépide, quelle ferme volonté de s’engager jaillissent de la conscience de cette ineffable proximité du Christ qui, avant de monter au ciel promit à ses Apôtres qu’il serait avec eux jusqu’à la fin des temps ! (cf. Mt Mt 28,20). Certes, l’époque où la Providence nous fait vivre et lutter est caractérisée par des événements complexes et contradictoires qui provoquent des tensions et des déséquilibres, parfois dramatiques. Mais pour nous encourager, vous et nous, nous répéterons la parole du Maître à ses Apôtres, peut-être défiants et troublés : « Ayez confiance ; Moi, j’ai vaincu le monde » (Jn 16,23). La victoire du Christ, du reste, s’est accomplie sur la Croix, non sans l’amère expérience de l’humiliation, de l’abandon, de la mort. C’est au moment de sa Passion qu’a commencé sa glorification (cf. Jn Jn 13,31 et ss.). Il ne faut donc pas s’étonner si l’Eglise, incarnation du Christ dans l’histoire, continue, elle aussi, à faire l’expérience de la souffrance, de l’amertume, de la persécution. Une Eglise en paix, souveraine, toujours accueillie triomphalement sur les routes du monde est une perspective fallacieuse qui ne correspond pas au dessein providentiel de Dieu.

Regardons devant nous avec un optimisme évangélique et laissons-nous guider par l’Esprit qui parle aux Eglises (cf. Ap Ap 2,7 etc.) même à travers les vicissitudes de l’histoire. Il y a des devoirs anciens et des besoins nouveaux qui s’imposent à notre responsabilité de Pasteurs. Les graves et urgentes nécessités de l’heure exigent de nous un sens psychologique plus actif et vigilant, un esprit plus entreprenant et ouvert, un coeur plus hardi et décidé. Il n’a peut-être jamais été aussi vrai qu’aujourd’hui ce que dit l’Apôtre : « Depuis les jours de Jean Baptiste jusqu’à présent, le Royaume des cieux souffre violence, et des violents le prennent de force » (Mt 11,12).

Alors, par où commencer ? Nous pensons devoir encourager avant tout une forme communautaire de l’action, également au niveau régional. Dans votre rapport, vous mettez opportunément en évidence la coordination déjà réalisée au niveau des secteurs pastoraux. Il faut continuer sur cette voie. Il y a vraisemblablement d’autres services qui peuvent également être utilement unifiés ou coordonnés. Une collaboration généreuse, une planification clairvoyante et une sage répartition des énergies disponibles constituent le secret d’une incidence pastorale toujours plus efficace.

Vous accorderez ensuite une attention toute particulière aux ouvriers de la moisson : les prêtres, et vous veillerez à entretenir avec eux des rapports de constante et paternelle cordialité ; puis les religieuses dont vous solliciterez inlassablement l’insertion responsable dans l’activité pastorale ; vous ferez aussi appel, avec une confiance toujours renouvelée, aux organismes diocésains voulus par le Concile ; et enfin vous prendrez toutes dispositions nécessaires pour assurer l’épanouissement des vocations tant masculines que féminines.

Et pour les laïcs ? Veillez à leur manifester respect et estime, prêtant une oreille attentive à leurs suggestions, stimulant leurs initiatives en vue d’assurer un témoignage chrétien cohérent dans les milieux de leur existence et de leur travail. Vous veillerez ainsi à ne pas étouffer l’Esprit, qui peut parler à tous des langues diverses, non sans vous rappeler toujours que tout charisme authentique se qualifie par la contribution qu’il apporte à l’édification — dont vous êtes promoteurs et maîtres — de l’unité de l’Eglise (cf. 1Co 12-14).

Puis, voici d’autres champs d’action : la culture, l’école, la presse, la charité, la jeunesse, la souffrance... C’est un travail immense ! Il y a place pour tout le monde (vraiment « in domo Patris met mansiones multae sunt : Jn 14,2) ; il y a des possibilités de mérites et de joie pour chacun, si la charité anime les âmes et leur inspire des pensées d’efficacité, de solidarité et d’entente.

Il faut toutefois que vous gardiez vivement conscience du fait que parmi les tâches primordiales de votre action pastorale figurent celles de la prière, de l’enseignement, de la liturgie, du chant sacré... ; en un mot, tout ce dont l’âme tire l’énergie nécessaire pour se livrer dans un élan renouvelé, à l’action dans le service de Dieu et des frères « Age quod agis » : faire bien chaque chose religieuse, voilà la consigne.

Courage, Frères ! Aux fatigues du service Apostolique succédera la joie. N’est-ce pas précisément à ses Apôtres que le Seigneur a adressé ces très belles paroles : « La femme, sur le point d’accoucher, s’attriste parce que son heure est venue ; mais quand elle a enfanté, elle oublie les douleurs, dans la joie qu’un homme soit venu au monde » (Jn 16,21). Ce sera également notre joie quand, après les trépidations et les souffrances d’un ministère épuisant, nous pourrons aller à la rencontre du Seigneur, entouré des fils que notre zèle aura engendré à la vie divine ; et ce sera une joie que nul ne pourra jamais nous ravir (cf. ibid. 22).

En exprimant ces voeux, nous donnons à chacun de vous la Bénédiction Apostolique que nous voulons également étendre aux populations de vos Diocèses, qui nous sont profondément chères.





AU CONSEIL SUPÉRIEUR DES OEUVRES PONTIFICALES MISSIONNAIRES

Vendredi 13 mai 1977




52 Chers Frères et chers Fils,

En cette période pascale, préparatoire à l’Ascension et à la Pentecôte, nous méditons avec plus de disponibilité les consignes du Seigneur: «Allez, proclamez l’Evangile à toute créature . . . vous serez mes témoins jusqu’aux extrémités de la terre» (Cfr. Marc.
Mc 16,15 Act Ac 1,18). L’oeuvre missionnaire, qui concerne toute l’Eglise, est d’abord obéissance au Seigneur, amour du Seigneur, amour des hommes qu’Il invite dans son Royaume, désir de voir sa Bonne Nouvelle vivifier les coeurs et renouveler l’humanité.

Vous apportez à l’évangélisation une contribution de première importance, en tant que Directeurs nationaux des OEuvres missionnaires ou membres du Conseil Supérieur des OEuvres Pontificales Missionnaires. Nous qui avons adressé à l’Eglise entière notre Exhortation Apostolique «Evangelii Nuntiandi» et constatons avec satisfaction qu’elle a eu, et continue d’avoir, un écho profond dans les Eglises locales, Nous éprouvons une joie particulière à vous recevoir pour vous remercier, vous encourager et confirmer votre apostolat. Car vous êtes mandatés pour soutenir et stimuler l’activité missionnaire de l’Eglise.

Nous mettons au premier rang l’effort que vous faites pour sensibiliser toutes les catégories du peuple chrétien aux besoins spirituels de leurs frères, et cela à travers le monde entier, pour donner ou redonner vigueur au sens missionnaire. C’est ce qu’avait bien compris le Père Paolo Manna, fondateur de l’Union Missionnaire du Clergé: nous commémorons cette année le vingt-cinquième anniversaire de son retour à Dieu. Aujourd’hui, en effet, certains peuvent être tentés de se laisser décourager par les obstacles que rencontre l’évangélisation en d’immenses contrées. D’autres, moins sensibles aux valeurs spirituelles ou ne discernant plus suffisamment le caractère unique du salut en Jésus-Christ et la grâce que constitue l’accueil de la foi, ne voient plus très bien le pourquoi de la mission. Il faudrait qu’ils fassent eux-mêmes, plus profondément, l’expérience de la Bonne Nouvelle, pour désirer qu’elle brille aux yeux de tous les hommes! C’est toute l’éducation de la foi qui est en cause, et l’aspect missionnaire du message chrétien en est partie intégrante. Par ailleurs, Nous répétons qu’il n’y aura jamais d’évangélisation possible sans l’action de l’Esprit Saint. C’est pourquoi il vous revient d’abord de susciter une prière missionnaire. Et sainte Thérèse de Lisieux, proclamée, voilà juste cinquante ans, Patronne universelle des missions, pour avoir soutenu l’ardeur missionnaire dans le mystère de la communion des saints, sans sortir de son Carmel, Nous semble être un exemple typique de la solidarité spirituelle qu’il faut approfondir.

Nous vous encourageons aussi de toutes nos forces à procurer aux missionnaires, et plus précisément aux jeunes Eglises, qui ont pris en main leur destin, l’aide matérielle qui leur est toujours nécessaire. C’est une solidarité exemplaire que vous entretenez dans toute l’Eglise, admirable, non seulement par la somme globale que vous mettez à la disposition du Conseil supérieur des OEuvres Pontificales Missionnaires, mais par la façon dont tant de fidèles y participent, et souvent parmi les plus pauvres. Là encore, ne laissez pas cet effort se ralentir, sous de multiples prétextes. Nous noterons seulement trois choses.

Curieusement, à l’heure où les liens internationaux se multiplient, où les questions deviennent mondiales, certains pays, pourtant favorisés ont tendance à se replier sur eux-mêmes, obnubilés par leurs propres besoins, par le souci d’élever leur niveau de vie ou d’augmenter leurs moyens. Cette tendance se répercute évidemment sur la participation des chrétiens à l’entretien des missions. Mais Dieu merci, il ne manque pas d’exemples contraires, et Nous félicitons les Eglises dont la générosité s’est maintenue ou même accrue.

En second lieu, nos générations sont justement sensibles aux problèmes angoissants de la faim, de la santé: nous ne serions pas les disciples du Seigneur si nous ne travaillions pas à résoudre ces problèmes, avec tous les organismes de promotion humaine et de développement heureusement à l’oeuvre. C’est l’un des témoignages de l’amour sur lequel le Seigneur nous jugera. Mais l’homme ne vit pas seulement de pain, et les chrétiens doivent saisir mieux que d’autres l’urgence des besoins spirituels et les exigences normales de l’évangélisation. Or ces besoins ne diminuent, pas, au contraire. Qu’il suffise de citer: la formation des prêtres et des religieuses, la formation des catéchistes, les nécessités d’une catéchèse adaptée pour les jeunes et pour les adultes, la prise en charge des diverses institutions chrétiennes d’éducation, le soutien des mouvements apostoliques, l’organisation d’une presse et de moyens audio-visuels qui donnent un sens chrétien des événements. Il vous faut attirer l’attention sur ces besoins vitaux de l’évangélisation qui constitue l’objectif spécifique de l’Eglise. Et par là même, c’est la qualité des efforts de développement qui en bénéficiera car il est très important que ceux-ci soient conçus et réalisés selon une vision évangélique.

Enfin Nous voyons avec plaisir que les diverses Eglises locales participent désormais à la réflexion, à la collecte et à la distribution des subsides. C’est un heureux progrès, car elles sont les meilleurs juges des besoins locaux. Mais c’est aussi un appel à participer davantage à leur propre prise en charge et à la solidarité universelle, à inviter leurs propres fidèles à donner à leur tour, selon leurs possibilités. Disons-le: les oeuvres missionnaires sont moins une activité d’assistance à sens unique, si tant est qu’elles l’aient vraiment été; elles deviennent de plus en plus une oeuvre de solidarité réciproque, un appel à la responsabilité de chacun. Cette réciprocité se vérifie plus encore au plan spirituel: combien de jeunes Eglises font bénéficier les plus vieilles chrétientés, ou l’Eglise universelle, de leur sens chrétien et du dynamisme de leur foi!

Chers Frères et chers Fils, poursuivez tette tâche dont Nous n’avons fait que souligner l’actualité et la nécessité. Portez nos félicitations, nos encouragements et nos voeux à tous ceux qui travaillent avec vous. A eux, et d’abord à vous-mêmes, Nous donnons notre Bénédiction Apostolique, en priant le Seigneur de faire fructifier tout ce que vous faites généreusement au service de la Mission de l’Eglise.


16 mai



PERSÉVÉRANCE ET FOI DANS L’ANNONCE DE L’EVANGILE



Le Pape reçoit un groupe d’Evêques d’Allemagne

53 Le 16 mai le Pape a reçu en audience un groupe d’Evêques de la République Fédérale d’Allemagne, venus à Rome pour leur « visite ad limina ». Etaient présents les Evêques de Trèves, Fulda, Sperper, Rottembourg, ainsi que l’Evêque auxiliaire de Mayence.

Paul VI leur a adressé en latin le discours dont voici la traduction :



Vénérables Frères,



A vous grâce et paix de la part de Dieu, notre Père, et du Seigneur Jésus-Christ » (
Rm 1,7). Ce sont les paroles par lesquelles Saint Paul s’est adressé à l’antique communauté romaine et c’est ainsi que nous vous saluons, vous qui venez dans cette ville pour votre visite ad limina. A l’occasion de cette agréable rencontre, notre pensée se dirige aussitôt vers vos frères dans l’épiscopat et aussi vers les prêtres, les religieux et tous les fidèles des diocèses des provinces ecclésiastiques de cette Allemagne qui se situe entre l’ouest et le sud : en effet, vous les représentez tous ici. Des circonstances particulières font que nous témoignons de liens de sincère amitié et de grande estime à l’égard des très respectables pasteurs des églises de Mayence et de Fribourg, le Cardinal Hermann Volk et l’Archevêque Hermann Schaufele, qui souffrants, ne peuvent être présents à cet entretien fraternel.

Les éloges que nous avons adressés aux Evêques des régions d’Allemagne qui se situent entre le nord et l’ouest, au moment où, en union avec le président de la Conférence épiscopale de ce Pays, ils nous ont rendu visite, nous vous les adressons également à vous-mêmes. Nous leur avons parlé du rôle, qui est celui de l’Eglise dans votre patrie, de renouveler la vie religieuse des fidèles et de la faire progresser en profondeur; de donner une nouvelle impulsion à l’accomplissement du devoir de protection et de promotion de la religion chrétienne dans la société des hommes et dans le monde de ce temps. Cette charge commune de chaque Eglise particulière repose toujours sur le zèle et les efforts de chaque évêque, qui en a momentanément la charge, en qualité de fondement des prêtres et des fidèles. C’est ainsi que vous avez eu l’occasion de remettre votre relation quinquennale aux Dicastères compétents de la Curie Romaine : vous y rendez compte et vous témoignez de ce labeur pastoral et ministériel qui est le vôtre dans vos diocèses. Nous voulons que vous sachiez que nous prendrons connaissance de cette relation avec l’attention qui convient et selon une juste estimation.

Actuellement, les colloques des Evêques avec nous, quand ils se rendent aux tombeaux des Apôtres, se font plutôt sous une forme collégiale ; mais notre amour et notre bienveillance ainsi que notre confirmation fraternelle ou même notre encouragement s’adressent aux pasteurs en particulier, et, par conséquent, à chacun d’entre vous.

Compte tenu de cette grave et primordiale doctrine du caractère collégial de l’épiscopat, ce que le Concile Vatican II énonce dans les termes suivants n’en reste pas moins d’une grande importance et fermement établi : « Chaque Evêque, à qui a été confié le soin d’une église particulière, paît ses brebis au nom du Seigneur, sous l’autorité du Souverain Pontife, à titre de pasteur propre, ordinaire et immédiat, exerçant à leur égard la charge d’enseigner, de sanctifier et de gouverner. » (Christus Dominus, CD 11).

Nous nous sentons poussé, vénérables frères, de par la charge qui nous a été confiée par le Seigneur, à vous encourager et à vous confirmer dans la charge pastorale que vous avez à remplir dans votre diocèse propre et à l’égard de vos fidèles. L’Evêque, en effet, est tout d’abord et plus que tous les autres, le pasteur et le premier maître spirituel des personnes qui lui ont été confiées, les membres du clergé aussi bien que les laïcs. Le Christ dit que le bon Pasteur connaît ses brebis et que ses brebis le connaissent. C’est pourquoi chaque évêque se sentira pressé par le souci d’entrer lui-même en contact avec les prêtres et les fidèles et de se concerter avec eux. Dans ce but, on peut remarquer que la visite de l’évêque pour administrer le sacrement de confirmation dans les communautés ecclésiales, est une excellente occasion. Que chaque évêque, par conséquent, s’efforce de remplir par lui-même, quand c’est possible, ce devoir pastoral qui le concerne au plus haut point et qu’il lui consacre le temps convenable selon l’ordre des autres charges multiples qui lui incombent.

L’Evêque, en effet, pour remplir efficacement sa tâche pastorale a besoin, pour l’aider, d’ouvriers bons et actifs ; qu’il mette donc tout son soin à s’occuper des prêtres, des diacres, des aides laïcs et surtout de cette oeuvre de première importance, nous voulons parler des vocations ecclésiastiques. Les prêtres, en communion avec l’Evêque, sont « les dispensateurs des mystères de Dieu » (2Co 4,1). Ils sont ses plus proches collaborateurs et tels que personne ne peut les remplacer. De même que le Christ n’a pas appelé ses disciples des serviteurs mais des amis, ainsi l’Evêque est lié à ses prêtres comme un ami et un père et il les aide dans les difficultés qu’ils rencontrent ; il les encourage avec zèle dans l’exercice de leur ministère auprès des communautés ecclésiales, à favoriser autant qu’ils le peuvent les vocations sacerdotales et religieuses. En effet, c’est le devoir de ces prêtres et des fidèles qui leur sont confiés de se soucier de leurs successeurs dans la tâche sacerdotale et la direction spirituelle. Qu’ils s’efforcent donc d’ouvrir plus pleinement aux adolescents la connaissance de la personne et du message de Jésus-Christ, de les attirer à un grand amour pour Jésus Christ et son Eglise et de les amener à entreprendre rapidement, avec la grâce de Dieu, des actions difficiles. En effet, la situation critique, dans laquelle l’Eglise se trouve actuellement, pourra cependant peu à peu être surmontée efficacement si les doutes en matière de foi, le manque de grandeur d’âme sont vraiment dépassés par le goût de l’abnégation et du dévouement. En cette matière, les évêques et les prêtres, par le témoignage de leur vie et leur fidélité au Christ et à l’Eglise doivent donner l’exemple au peuple qui leur est confié ; ainsi le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis (cf. Jn Jn 10,11-15).

Nous savons très bien, vénérables Frères, quel soin vous apportez à la sainte liturgie, à la pastorale des sacrements, à la transmission de la catéchèse aux adultes, aux réunions fraternelles avec les chrétiens qui se trouvent en dehors de l’Eglise catholique. Il faut continuer à faire tout cela quelles que soient les difficultés, et elle ne sont pas légères, que vous avez à affronter. Pour des raisons spéciales, nous voulons aujourd’hui vous avertir : conduisez les fidèles à une juste réception du sacrement de pénitence ainsi qu’à la sanctification du dimanche et des fêtes ; le renouveau de la vie chrétienne commence toujours par la conversion du coeur et par la pénitence et le changement d’habitudes. Il faut, en effet, donner à Dieu la première part et le confesser comme Seigneur devant les hommes et le monde en union avec ceux qui « partagent notre foi » (cf. Ga Ga 6,10).

Enfin nous vous demandons avec instance de poursuivre ce qui a été entrepris pour que soient constituées des communautés adaptées à notre temps et des associations dans les paroisses et au niveau du diocèse et de la région ; ce que nous déclarons ici, nous le faisons en considérant les difficultés que, surtout aujourd’hui, rencontrent l’apostolat commun et l’apostolat que l’on appelle « organisé » auprès de nombreux fidèles. La recherche de ses aises et non de celles des autres, la volonté de se séparer ne répondent en rien à la vocation apostolique du chrétien. Rendre vraiment témoignage du Christ est plus facile et plus crédible si les esprits sont en connexion et si les initiatives se prennent en conseil et sont réalisées dans un effort commun. C’est seulement en unissant leurs forces que les fidèles réussiront à remplir avec succès les tâches qui leur sont proposées comme apostolat dans le monde.

54 Nous voulons résumer et conclure cette fraternelle exhortation par les paroles d’encouragement de Saint Pierre; gardez-les toujours devant vos yeux comme une invitation et une confirmation pour l’avenir de votre tâche ministérielle de pasteurs de vos diocèses : « Faites paître le troupeau de Dieu qui est chez vous, non par contrainte, mais de bon gré, selon Dieu... non en exerçant votre domination sur ceux qui vous sont échus en partage, mais en vous montrant les modèles du troupeau. Et quand se manifestera le prince des pasteurs, vous obtiendrez l’inflétrissable couronne de gloire » (1P 5,2-4).

Nous demandons à Dieu qu’il vous accorde sa grâce pour vous aider à accomplir toutes ces choses et nous vous accordons à vous et à tous ceux qui sont confiés à votre souci pastoral, à vos collaborateurs et à tous les fidèles de vos diocèses, la Bénédiction Apostolique dans la charité du Christ.





A UN GROUPE DE SUPERIEURS GENERAUX DE CONGRÉGATIONS RELIGIEUSES NON CATHOLIQUES


Mercredi 25 mai 1977




Avec joie et affection, Nous saluons en vous ceux qui, dans les diverses confessions chrétiennes, ont embrassé l’idéal d’une vie consacrée à chercher Dieu seul et son Règne dans la contemplation et la charité apostolique. Nous sommes en effet convaincu - Nous le disions déjà dans notre Exhortation «Evangelica Testificatio» - que «le charisme de la vie religieuse, loin d’être une impulsion née "de la chair et du sang" (Cfr. Io Jn 1,13), est bien le fruit de l’Esprit Saint toujours agissant dans l’Eglise» (PAULI PP. VI Evangelica Testificatio, 11).

Nous sommes heureux de constater que cet idéal est compris et vécu partout où l’on rencontre le Christ, où l’on croit en Lui, où on l’aime. Et c’est avec une vive satisfaction que Nous avons été informé de la rencontre organisée entre vous ici, à Rome, dans le but de chercher ensemble comment la vie religieuse, dans les différentes confessions chrétiennes, peut apporter une contribution efficace à la cause de l’oecuménisme, qui nous tient tant à coeur. Sur vos efforts, comme sur vos personnes, Nous invoquons de tout coeur les dons du Seigneur Jésus.




26 mai



STIMULER UNE CONSCIENCE PASTORALE TOUJOURS PLUS CONFIANTE, VIGILANTE ET CRÉATIVE



Le Pape reçoit les Evêques italiens de la région de la Basilicate et de la Calabre

A l’occasion de leur visite « ad limina », le Saint-Père a reçu le 26 mai dernier, les membres des Conférences Episcopales de la Basilicate et de la Calabre : les Archevêques de Reggio Calabria, de Acerenza, de Potenza, de Matera, de Catanzaro, de Rossano, de Santa Severina ; les Evêques d’Anglona-Tursi, de Melfi, de Lungro, de San Marco Argentano, de Nicastro, de Cassano Jonio, de Locri, de Mileto ainsi que les Administrateurs Apostoliques de Lungro et d’Oppido Mamertina et l’Evêque Auxiliaire de Cosenza.

Le Saint-Père leur a adressé un discours dont voici la traduction :



Cette rencontre familiale avec vous, vénérables Frères de la Calabre et de la Basilicate est pour nous un motif de joie très vive, non seulement en raison du réconfort que nous donne le fait de pouvoir épancher librement les sentiments intimes de notre âme en compagnie de ceux qui ont, en partage avec nous, une même sollicitude pastorale, mais aussi parce que votre présence nous offre la possibilité de rendre hommage aux Eglises qui vous sont confiées et qui, par leur antique origine et leurs nobles traditions chrétiennes sont particulièrement vénérables.

Il est notoire en effet que certaines de vos Eglises peuvent se glorifier d’une origine directement apostolique ; comment ne pas se rappeler ce passage des Actes des Apôtres (28, 13) où Saint Luc dit : « De Syracuse, en longeant la côte nous allâmes à Theguim » ; d’autres se rattachent à l’oeuvre de moines diligents dont les monastères, disséminés ici et là dans la Région, se transformèrent, durant les siècles bouleversés par les invasions barbares, en centres de promotion civile et économique, mais surtout en phares d’irradiation chrétienne. Il serait intéressant de reconstruire l’histoire antique et médiévale de cette partie de l’Italie, à la lumière des vicissitudes des nombreux monastères que le monachisme oriental d’abord (pensons à Nilus de Rossano), occidental ensuite (il suffit de citer Saint Bruno et Joachim de Fiore) firent surgir un peu partout, offrant aux populations environnantes un service religieux, une aide économique et parfois aussi une protection physique en cas d’incursions guerrières.

55 Ne pouvant nous attarder à évoquer des souvenirs historiques, si riches pourtant de précieuses leçons pour nos jours, nous nous limiterons à recueillir le témoignage, explicite de Saint Grégoire le Grand qui nous informe que vers la fin du VI° siècle, la région comptait 11 diocèses, preuve évidente d’une vie religieuse déjà si affirmée que les adversités politico-sociales des siècles suivants ne réussiront jamais à l’étouffer. La formation au XV° siècle d’un saint comme François de Paule et le mouvement auquel il donna naissance constituent une éloquente confirmation de la présence dans l’âme populaire d’une veine, riche d’authentique sève chrétienne.

Vénérables Frères, les nombreux et souvent exaltants souvenirs de personnes et de faits qui nous remontent à la mémoire, les témoignages répétés de foi sincère et de ferme attachement au Saint-Siège rendus par la population de la généreuse terre calabro-lucanienne, autant que la constatation de graves vexations antiques et récentes auxquelles elle a bien souvent été soumise et la conscience des difficultés économiques et sociales qui obligent des personnes de tout âge et de toutes conditions à émigrer en masse, expliquent pourquoi une émotion toute particulière s’empare de notre âme dans cette rencontre avec vous qui partagez les amertumes, les luttes et les espérances de cette population.

Nous ne pouvons que vous encourager. Avec Saint Paul nous vous dirons : « Prenez garde à vous-mêmes et à tout le troupeau dont l’Esprit Saint vous a constitués intendants pour paître l’Eglise de Dieu, acquise par lui au prix de son propre sang » (
Ac 20,28).

Personne ne connaît mieux que vous les conditions réelles dans lesquelles vivent et luttent les gens de l’Italie méridionale. Au nom du Christ et de l’Eglise nous vous exhortons à rester fidèles dans l’amour pour vos terres et vos populations. Vous grandirez ainsi dans l’amour, dans l’optimisme, dans l’esprit d’initiative, dans le bon emploi des moyens culturels, économiques et sociaux.

Il est nécessaire que vous voyez tout dans une perspective pastorale et alors, vous serez heureux même pauvres, même fatigués, même emportés par les tribulations de vos populations. Tout ceci, en effet, favorisera une fusion plus étroite, plus fréquente, plus familiale avec vos gens et stimulera une conscience pastorale plus amoureuse, plus vigilante, plus inventive.

Aussi, pour confirmer chez vous quelque vision générale, nous vous dirons, suivant vos propres indications : dans le patrimoine religieux et moral des populations calabraises et lucaniennes il existe de nombreuses valeurs qui méritent d’être justement estimées, jalousement gardées et, le cas échéant, courageusement défendues. Nous nous référons en particulier aux vertus humaines du peuple, comme par exemple l’attachement à la famille, la vive « appréciation de ce précieux don du mariage » (cf. Gaudium et Spes, GS 50) que sont les enfants, la solidarité sociale dans les situations heureuses et dans les événements pénibles, la sobriété et l’amour du travail. Nous pensons aussi aux valeurs religieuses qui s’expriment dans des traditions encore vivement ressenties, dans la dévotion toujours fraîche et spontanée à l’égard de la Vierge et des Saints, dans la ferme adhésion à l’enseignement de ses Pasteurs légitimes.

Il ne manque pas, malheureusement, de défauts, parfois même très graves. Il suffit de citer par exemple cette conception déformée de l’honneur qui voit dans la « vendetta » la nécessaire réparation de l’offense subie, ou cette complicité latente avec la délinquance qui, par respect d’une certaine coutume d’« omerta » — de silence — offre un terrain propice à la propagation du crime. Il importe aussi d’accorder une particulière attention à l’inclination, plus vive depuis quelques années et favorisée par le continuel mouvement migratoire, à s’adapter à des moeurs « nouvelles » que l’on ne saurait, à cause de l’amoralité et même de l’immoralité qui les caractérisent, considérer comme un pas en avant sur la voie du progrès civil.

Un élan renouvelé dans l’engagement pastoral s’impose donc à chaque membre de la communauté ecclésiale. Quant à nous, nous estimons devoir souligner en particulier, la nécessité urgente pour les membres de la communauté diocésaine de raviver leur sens social en reprenant conscience de la valeur et de l’importance des diverses formes d’organisation : les paroisses, les institutions catholiques (action catholique, etc.), les instruments de coopération inter-paroissiales et inter-diocésaines, la presse catholique. Dans le cadre de ce panorama coordonné de l’action pastorale il sera bon de faire place à d’opportunes structures pour la formation de catéchistes qui, en assistant les prêtres, suppléent à leur effectif réduit et assurent une présence évangélisatrice également dans les zones qui, trop éloignées du centre paroissial, risqueraient d’être négligées.

Il importe aussi de faire de grands efforts pour assurer toute sa dignité à l’accomplissement du culte divin et au déroulement des manifestations extérieures de la dévotion aux Saints. Une constante référence aux normes prescrites en la matière par le Saint-Siège et par les Séminaires régionaux en garantira le caractère propre et le décorum sans nuire à une saine créativité à laquelle les jeunes peuvent contribuer en y apportant leur fraîche originalité.

Il ne faudrait pas, d’autre part, négliger les initiatives d’assistance et de bienfaisance qu’une certaine mentalité moderne tend, trop légèrement à sous-évaluer sous prétexte qu’il s’agirait là des formes de suppléance inopportunes et injustifiées. Vous ne manquerez certainement pas d’unir vos efforts à ceux de toutes personnes responsables, pour solliciter et promouvoir d’opportunes interventions sociales des autorités publiques. Mais il vous faudra, en même temps, favoriser l’épanouissement de ces multiples formes de sollicitude chrétienne envers les besoins du prochain ; même si elles disposent de modestes ressources, elles sont souvent pourvues de richesses bien plus importantes: celles de la participation personnelle, du tact, de la délicatesse, de la discrétion ; bref, de toutes ces prérogatives qui ont leur source dans l’amour.

Nous aimerions vous faire une dernière recommandation avant de nous séparer : ayez grand soin de votre clergé ; n’épargnez aucun sacrifice pour favoriser, dès leur éclosion, les nouvelles vocations. C’est là qu’est la source de la vie ecclésiastique. Puis restez toujours aux côtés de vos prêtres engagés dans différents ministères. Ayez pour chacun d’eux les sentiments qu’un père éprouve pour son fils adulte. Ayez de la considération pour leur personne, du respect pour leur travail; intéressez-vous activement à leurs problèmes concrets. Ayez soin d’entretenir avec chacun d’eux des relations d’amitié, nourries par le dialogue, exprimées dans la confiance, dans l’encouragement, dans une juste reconnaissance. Stimulez leur sens de responsabilité en leur demandant des conseils, en appréciant leur contribution, en valorisant leurs charismes personnels. Dans la mesure où vous réussirez à créer autour de vous un clergé uni et solidaire, non seulement vous assurerez une plus grande efficacité à votre action pastorale, mais vous accroîtrez également votre joie et celle des autres, par une commune et plus intense expérience de la vivifiante présence du Christ (cf. Mt Mt 18,20).

56 Voilà, vénérables Frères, les pensées que nous désirons vous communiquer dans l’effusion de notre coeur. Nous augurons que nos paroles, dans lesquelles vous aurez entendu l’écho des sentiments qui nous emplissent le coeur pour vous et pour vos Eglises, auront pour effet de vous confirmer dans vos intentions d’oblation totale à vos chères populations en lutte pour surmonter leur difficile situation. On parle beaucoup du « miracle du Sud » : vous en serez les générateurs silencieux et actifs. Que, par votre zèle, continue à agir Saint François de Paule qui ne craignit jamais, pour défendre les pauvres et les opprimés, d’élever la voix, dénonçant ouvertement les malversations des puissants. Puissent les humbles, les déshérités, les gens qui souffrent, trouver toujours en vous et dans l’Eglise cet accueil que souvent ils mendient vainement ailleurs. « La grâce du Seigneur Jésus soit avec vous ! Je vous aime tous dans le Christ Jésus » (1Co 16,23-34). A ces sentiments nous joignons une spéciale Bénédiction Apostolique que nous étendons volontiers à vos prêtres, aux religieux et aux religieuses, aux membres des organisations catholiques et à tous les fidèles de la Basilicate et de la Calabre, auxquels nous vous prions de porter le témoignage de notre affection particulièrement vive et profonde.






27 mai




Discours 1977 51