Messages 1975



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Messages 1975


10 février



LA CHARITÉ FRATERNELLE FACTEUR DE RÉCONCILIATION





Chers Fils et chères Filles,



« Les pauvres, vous les aurez toujours avec vous » (Jn 12,8). Ces paroles du Christ à ses Apôtres sont chargées de sens. Elles pourraient faire croire que les efforts de la charité chrétienne et de la justice humaine sont toujours voués à l’échec. Un regard d’ensemble sur notre temps ne paraîtrait-il pas le confirmer ? Il semble que nous disposions de tous les moyens pour combattre la pauvreté ; et pourtant nous avons encore devant les yeux des spectacles de guerres, de famines et de désastres. Mais pour le chrétien le fait que de telles situations se répètent continuellement ne signifie pas qu’elles soient inévitables. Le chrétien entend plutôt les paroles de Jésus dans le sens qu’aucun des disciples ne peut ignorer le fait que Jésus s’est identifié aux pauvres. Jusqu’à la fin des temps les pauvres seront « avec » Jésus. Ils sont ses associés, ses compagnons, ses frères et soeurs. Le chrétien, précisément parce que chrétien, doit prendre place à côté des marginaux. Il doit se dépenser pour les assister dans leurs besoins immédiats. Il doit s’employer à les aider, de toutes les manières possibles, à bâtir un monde meilleur, un monde plus juste.

Le Carême est un temps favorable pour exercer cette abnégation, parce qu’il rappelle aux chrétiens ce qu’ils sont. Il les met en garde contre les satisfactions d’une existence commode et contre les tentations de vivre dans l’abondance. En cette Année Sainte, consacrée à la réconciliation, chacun est mis au défi par ce qu’impliqué la réconciliation elle-même : donner et partager au sein de la famille humaine. Si chacun fait entrer ses frères et soeurs dans sa propre vie, s’il partage avec eux ses propres biens plus que son superflu, alors il surmontera les nombreux obstacles qui s’opposent à la réconciliation et il réalisera le renouveau grâce à un véritable détachement.

La présente Année jubilaire exige de nous un témoignage de totale solidarité vis-à-vis de ceux avec lesquels Jésus s’est particulièrement identifié. Ce sera là une des preuves les plus significatives que nous puissions donner à nos frères et soeurs pour leur démontrer que cette Année est « Sainte » pour tous les hommes.

Oui, voilà ce que nous vous demandons aujourd’hui, au début du Carême : une authentique solidarité, une solidarité concrète avec les pauvres du Christ; et nous vous le demandons au nom de Jésus. Avec une profonde affection pour vous tous, nos Fils et nos Filles du monde entier, nous vous bénissons tous au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. Amen.





MESSAGE DU PAPE PAUL VI

À SA BÉATITUDE ANTOINE PIERRE KHORAIKE,

PATRIARCHE D’ANTIOCHE DES MARONITES


Lundi 17 février 1975




A Sa Béatitude Antoine Pierre Khoraiche,
Patriarche d’Antioche des Maronites,
Bkerké - Liban.

Nous apprenons avec une grande joie que Votre Béatitude a été canoniquement élue, par la confiance du Synode épiscopal Maronite, au Siège Patriarcal d’Antioche des Maronites. Et Nous Le remercions pour les sentiments d’attachement et de fidélité qu’Elle a bien voulu nous manifester en cette heureuse occasion.

En même temps que Nous félicitons cordialement Votre Béatitude. Nous accueillons très volontiers la demande de Communion Ecclésiastique et de concession du Pallium, présentée par Votre Béatitude et par les Pères Synodaux. Nous désirons également informer Votre Béatitude qu’Elle pourra dès maintenant accomplir tous les actes inhérents à sa charge, sans attendre que le Pallium lui soit conféré.

Nous connaissons bien la fidélité de l’Eglise Maronite au Siège Apostolique et le prestige dont elle jouit, et la valeur de sa présence et de son témoignage au sein de la Chrétienté du Liban met du Moyen Orient: Eglise vénérable que la Providence confie désormais au zèle pastoral de Votre Béatitude, avec l’héritage de ses riches traditions catholiques et le dynamisme de son Episcopat, de son Clergé et de son Laïcat.

Veuillez agréer nos voeux fervents pour votre haute mission, alors que Nous prions le Seigneur de répandre sur la personne vénérée de Votre Béatitude l’abondance de ses grâces, en gage desquelles Nous lui envoyons, ainsi qu’à tous les Evêques, Prêtres, Religieux, Religieuses et Fidèles Maronites, notre Bénédiction Apostolique.

PAULUS PP. VI





30 mars



MESSAGE PASCAL DE PAUL VI





Dimanche matin, Fête de Pâques, lorsque Paul VI parut sur le parvis de la Basilique Vaticane, la place Saint-Pierre offrait un spectacle jamais connu. Près de 300.000 pèlerins de l’Année Sainte se pressaient sur l’immense terre-plain, une foule haut en couleurs, venue de tous les horizons du monde, joyeuse et recueillie tout en même temps. Le Saint-Père a célébré la messe à l’autel dressé sur le parvis de la Basilique. Au moment de l’Offertoire, les jeunes gens et jeunes filles qui ont participé a la « Marche de la Paix » d’Assise à Rome lui ont offert un grand rameau d’olivier.

Après la cérémonie Paul VI s’est rendu à la Loggia des Bénédictions d’où il a lancé son Message Pascal. Puis il a donné la Bénédiction « Urbi et Orbi ». Pour terminer il a souhaité de bonnes Pâques aux fidèles, s’exprimant successivement en 12 langues différentes parmi lesquelles le russe, le vietnamien et le chinois. Voici le texte du Message Pascal :



Pâques ! C’est Pâques, Frères ! Bonne Pâques à vous tous ! Et vive la Pâque de Jésus-Christ ! Alléluia ! Il est vraiment, réellement ressuscité, alléluia ! Et cela, non seulement dans l’opinion puis dans la persuasion subjective de la première communauté qui est issue de Lui ; mais Il est ressuscité personnellement, historiquement ; c’est toujours Lui, le Jésus de l’Evangile, dans un mode de vie radicalement nouveau, qui conserve mais dépasse l’état de l’existence humaine d’ici-bas, en le sublimant dans la plénitude, la gloire, la force, le caractère spirituel (cf. 1Co 15,42 ss.). Il est ressuscité ! A lui adressons l’hommage de notre foi et de notre joie ! Alléluia !

Laissons la lumière, la puissance d’un tel mystère envahir notre humanité, comme, cette nuit, l’hymne plein de joie de l’Exultet nous en a donné l’annonce et nous l’a presque fait expérimenter. Car la résurrection du Christ n’est pas seulement son triomphe personnel, mais elle est également le principe de notre salut et donc de notre propre résurrection. Elle l’est dès maintenant, car elle nous libère de la cause première et fatale de notre mort ; cette cause, c’est le péché, qui nous sépare de l’unique et véritable source de la vie : Dieu (cf. Rm Rm 4,25 Rm 6,11). Elle l’est comme gage de notre future résurrection corporelle — car nous sommes sauvés dans l’espérance qui ne déçoit pas (Rm 8,24) — et cela au dernier jour, pour la vie qui ne connaît pas de fin (Jn 6,49 ss.). Elle l’est aussi comme modèle et force du continuel renouveau moral, spirituel, social de la vie présente, qui fait actuellement l’objet de notre intérêt immédiat.

Peu importe, Frères, si l’expérience de la faiblesse des forces humaines déçoit chaque jour l’espérance fragile que nous mettons dans un ordre stable de la société ; peu importe aussi si le progrès engendré par le développement moderne et par la culture qui se rend maîtresse des secrets utiles de la nature semble procurer à l’homme, non pas la plénitude, non pas la sécurité de la vie, mais plutôt le tourment venant d’aspirations non satisfaites. Peu importe, puisqu’une source de vie nouvelle, originale, inépuisable, a été insérée dans le monde par le Christ ressuscité : Il agit pour tous ceux qui écoutent sa parole, qui reçoivent son Esprit et qui composent son Corps mystique, dans le monde et tout au long de l’histoire.

Peu-être la croix, avec laquelle Jésus, de nouveau vivant, est fidèlement et symboliquement représenté, rend-elle les hommes hésitants, orientés qu’ils sont vers l’élimination de l’effort et du devoir, et empêche-t-elle l’adhésion de beaucoup. Ce n’est pas le cas cependant des jeunes qui ont l’intuition de la vérité et qui sont avides d’une intériorité joyeuse et sincère. Oui, à celui qui l’accueille, le Seigneur dévoile le secret de sa croix ; elle est liberté, elle est force, elle est, certes, sacrifice, mais pour la grandeur morale de l’homme et pour que l’égoïsme stérile et mortel soit vaincu par l’amour qui ne meurt pas (cf. 1Co 13,8).

Nous souhaitons que le Christ ressuscité soit compris et suivi de la sorte. Et ainsi seront stimulés ceux qui travaillent au renouveau de l’humanité, ainsi seront réconfortés les pauvres et tous ceux qui souffrent, si nombreux encore aujourd’hui, ainsi seront remplis d’espérance les humbles et ceux qui prient, et cela dans toute l’Eglise, dans toute l’humanité.

Tel est notre voeu, tel est le sens de notre Bénédiction pascale en cette année de grâce et de renouveau.

Sainte et joyeuse fête de Pâques !






19 avril



RESPONSABILITÉ, PRÉPARATION ET COMPÉTENCE POUR LA BONNE UTILISATION DES MASS-MEDIA





Le 11 mai prochain sera célébrée la Journée Mondiale des Communications Sociales dont le thème est, cette année-ci, « La Réconciliation ». Voici le texte du Message du Saint-Père pour la « Journée » :



Chers Fils de l’Eglise,

et vous tous,

Hommes de bonne volonté,



C’est l’Année Sainte qui fournit le thème de notre Message pour la Journée mondiale des Communications sociales : la réconciliation. Oui, la presse, la radio, la télévision et le cinéma doivent servir la réconciliation entre les hommes sur la terre, servir la pleine réconciliation des chrétiens dans une unité toujours plus visible et plus solide, servir la réconciliation et l’élévation vers Dieu.

Cette Journée annuelle est un moment privilégié de prière, de méditation et de réflexion sur une réalité qui comporte une dimension spirituelle authentique d’intérêt vital pour tous : l’influence positive des mass média sur la vie individuelle ou sociale, et en même temps leur ambiguïté et le danger de manipulation auquel ils sont exposés. Ils peuvent en effet protéger et stimuler les efforts qui contribuent vraiment à libérer l’homme et à l’orienter vers la réalisation de ses aspirations les plus profondes ; ils peuvent également être asservis à la mode et à la curiosité superficielle et même soutenir des desseins d’exploitation ou de discrimination.

Dans notre Message du 25 mars 1971, nous avions déjà mis en lumière le service de l’unité des hommes. Cette année, nous insistons sur la première condition qui permet, au niveau des communications sociales, de favoriser un climat de réconciliation: le respect de l’objectivité des faits et de l’authenticité de l’échelle des valeurs auxquelles ils sont référés. Là-dessus, nous tenons à redire notre estime et nos encouragements à tous les artisans des mass média qui s’efforcent de faire connaître le vrai et de donner au bien la place qu’il mérite. Mais nous ne pouvons pas nous empêcher non plus d’exprimer nos préoccupations relativement à certaines situations ou à certains périls.

L’objectivité de l’information est une visée essentielle ; elle correspond au droit de chacun de développer intégralement sa personnalité, selon la vérité, et de pouvoir exercer ses responsabilités sociales en connaissance de cause. Elle .suppose d’abord qu’on rapporte honnêtement les faits ; on peut utilement enrichir cet exposé d’une certaine « interprétation » : celle-ci se justifie dans la mesure où elle fait mieux apparaître la nature des faits, la dimension réelle qu’ils prennent dans tout un contexte et leur référence aux valeurs humaines. Nous ne saurions par contre approuver certains procédés qui prétendent être « neutres » et « indépendants », alors que concrètement ils s’avèrent des manipulations habiles, comme par exemple : la mise en relief unilatérale des dépravations humaines ; la pression sur l’opinion publique pour susciter des aspirations insatiables, décevantes et d’ailleurs impossibles à réaliser, par exemple consommer toujours davantage des choses superflues ; la présentation des modèles de comportement illusoires ou immoraux ; le fait de taire, de sélectionner, ou de déformer les événements les plus importants selon un plan idéologique qui ne respecte pas la liberté de l’homme et viole le droit à l’information ; la façon de soulever des problèmes et d’imposer des doutes mettant en crise des certitudes éthiques indiscutables ; le fait de considérer comme art ce qui est permissif, et comme répression les impératifs humains qui correspondent légitimement à la façon de vivre en société ; le fait d’appeler justice ce qui est violence, vengeance, représailles...

Pour servir vraiment la réconciliation, l’objectivité dans le choix et la présentation des faits requiert un sens profond des responsabilités, une préparation et une compétence adéquates et un véritable renouveau des attitudes regrettables adoptées trop souvent par des sources d’information, des professionnels des communications sociales et un public de lecteurs, de spectateurs et d’auditeurs qui s’en rendent complices.

On y parviendra d’autant mieux qu’on assurera concrètement dans tous les pays une pluralité raisonnable de voies d’information. Au lieu d’obliquer pour ainsi dire les usages à s’en tenir à leurs nouvelles et à leurs interprétations, ces différents organes doivent alors consentir un dialogue ouvert et une confrontation loyale permettant aux personnes les plus valables et aux idées les plus nobles de s’exprimer librement. Autrement, parfois on en arrive à une sorte de « tyrannie » ou à un « terrorisme culturel », diffus et quasi anonyme, qui peut même, paradoxalement, trouver un accueil favorable sous le prétexte que ce monopole sert la promotion personnelle et sociale, même s’il viole les convictions religieuses, éthiques et civiques.

En exprimant de telles préoccupations nous voulons contribuer positivement à ce que les communications sociales jouent le rôle bienfaisant dont elles sont capables, en favorisant la réconciliation humaine et chrétienne. Et nous invitons tous les fils de l’Eglise à travailler à ce renouveau. En fait, nous souhaitons que les artisans des mass média se sentent eux-mêmes appelés à défendre et à accroître leur liberté d’expression, nous entendons la liberté fondée sur la vérité, sur l’amour des frères et de Dieu. Nous n’ignorons certes pas les difficultés qu’ils rencontrent et le courage qui leur est demandé, en particulier quand il s’agit de « satisfaire » un public de lecteurs, d’auditeurs et de spectateurs qui semble peu se soucier de rechercher cette vérité et cet amour. Puissent-ils songer alors aux graves responsabilités qui leur incombent, à cause de l’impact certainement profond qu’ils exercent sur l’information et, partant, sur les structures de pensée et l’orientation même de la vie !

Notre appel s’adresse, plus pressant encore, à ceux qui disposent d’un pouvoir politique, social ou économique auprès de ces agents des communications sociales : qu’ils favorisent eux aussi le progrès d’une saine liberté d’information et d’expression. Quand la vérité est étouffée par des intérêts économiques injustes, par la violence de groupes qui entendent faire oeuvre de subversion dans la vie civile ou par la force organisée en système, c’est l’homme qui est blessé : ses justes aspirations ne peuvent plus être entendues, encore moins satisfaites. A l’inverse, la liberté revendiquée ne saurait être affranchie d’une norme morale, intrinsèque, qui trouve protection dans des dispositions légales ? elle demeure toujours en effet corrélative aux droits d’autrui et aux impératifs de la vie en société, au devoir par conséquent de respecter la réputation des personnes honnêtes, l’honneur des fonctions de responsabilité au service du bien commun, la décence des moeurs publiques. Il est évident par exemple que la publicité qui étale les dépravations humaines ou excite les instincts immoraux déshonore la presse, corrompt l’éducation du sens moral, notamment chez les jeunes, et ne saurait prétendre être couverte par le droit à l’information, auprès de l’autorité civile.

L’Eglise, en ce domaine comme en d’autres, ne revendique pas de privilèges, encore moins de monopoles. Elle réaffirme simplement le droit et le devoir de tous les hommes de répondre à l’appel de Dieu et le droit de ses fils d’accéder à l’utilisation de ces instruments de communication, dans le respect des droits légitimes d’autrui. Toute personne, tout groupe social n’aspire-t-il pas à être présenté selon la réalité de son être propre ? L’Eglise a droit elle aussi à ce que l’opinion publique connaisse sa véritable image, sa doctrine, ses aspirations, sa vie.

En rappelant ces exigences, nous espérons faciliter la réconciliation entre les hommes, qui ne peut avoir lieu que dans un climat de respect, d’écoute fraternelle, de recherche de vérité, de volonté de collaboration. Nous sommes sûr que cet appel trouvera un écho chez beaucoup d’hommes de bonne volonté, fatigués d’un conditionnement qui asservit et finit par aggraver les tensions déjà pesantes. Mais à nos Frères et Fils dans la foi, nous ajoutons : travaillez de toutes vos forces à la réconciliation à l’intérieur de l’Eglise, comme notre Exhortation Apostolique du 8 décembre dernier vous y conviait. Que les moyens de communication sociale, loin de durcir les oppositions entre chrétiens, d’accentuer les polarisations, de donner force aux groupes de pression, de nourrir la partialité, oeuvrent à la compréhension, au respect, à l’acceptation des autres dans l’amour et le pardon, à l’édification du Corps unique du Christ dans la vérité et la charité ! Il n’y a pas de véritable christianisme en dehors de là.

Tel est le renouveau fondamental que nous implorons de Dieu en cette Année Sainte, pour les méritants promoteurs et pour les bénéficiaires des communications sociales : que grâce à celles-ci, la réconciliation véritable progresse entre les groupes sociaux, entre les nations, entre ceux qui croient en Dieu, et spécialement entre les disciples du Christ. Et que tous ceux qui s’y emploient soient bénis par le Dieu de paix !






20 avril



MESSAGE DU PAPE POUR LA XII° JOURNEE MONDIALE DE PRIÈRES POUR LES VOCATIONS





Chers Fils et Filles de l’Eglise,



« La moisson est abondante, les ouvriers peu nombreux ». Qui d’entre vous ne ressent l’actualité brûlante de cette parole du Seigneur ?

C’est un fait que vous connaissez tous : le besoin de prêtres, de religieux, d’âmes consacrées est immense. Si par endroits s’annonce une relève pleine d’espérance, en beaucoup de régions, un fléchissement inquiétant des vocations est apparu, qui pèse sérieusement sur l’avenir.

Assurément, cette raréfaction provoque parfois un réveil salutaire des communautés chrétiennes ; les catéchistes, les membres de l’Action catholique, beaucoup d’autres laïcs à la foi et au témoignage admirables, prennent des responsabilités, assurent des « ministères », qui aident la vitalité chrétienne de leurs frères et incarnent le message chrétien au coeur des réalités quotidiennes. Leur rôle est irremplaçable. L’Esprit Saint les anime. Nous sommes le premier à nous réjouir de cette promotion du laïcat, à l’encourager.

Mais tout cela, est-il besoin de le dire, ne supplée pas le ministère indispensable du prêtre, ni le témoignage spécifique des âmes consacrées. Il les appelle. Sans eux, la vitalité chrétienne risque de se couper de ses sources, la communauté de s’effriter, l’Eglise de se séculariser. Négliger le problème des vocations ferait courir un risque très grave à l’Eglise. Ce serait s’éloigner de la volonté très nette du Seigneur disant à ses apôtres : « Venez à ma suite, je ferai de vous des pêcheurs d’hommes » (Mc 1,17) —de fait ils laissèrent leurs filets pour le suivre — et à certains disciples : « Va, vends tout ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, tu auras un trésor dans le ciel, puis viens, suis-moi » (Mc 10,21).

Cet appel du Seigneur est une grâce inestimable. Le Seigneur, soyons-en persuadés, continue à le faire retentir au coeur de nombreux jeunes et adultes. Par l’Eglise, le Christ se présente aujourd’hui comme hier, comme celui qui annonce l’amour sans mesure de Dieu son Père ; qui apporte le pardon, la guérison du coeur, la plénitude de sa Vie ; qui invite à bâtir avec lui, sur la vérité et sur l’amour, un monde nouveau, un monde de fils de Dieu et de frères. Telle est la Bonne Nouvelle, qui est proposée d’ailleurs à la foi de tout chrétien.

Mais quand le Seigneur appelle quelqu’un, de façon particulière, par une lumière intérieure et par la voix de l’Eglise, à le servir comme prêtre, religieux, membre d’Institut séculier, il suscite en lui, et il lui demande, une préférence absolue pour sa personne et pour l’oeuvre de son Evangile : « Suis-moi ». Cette préférence est séduisante ; elle peut vraiment combler le coeur humain. Elle suppose une attitude de foi très ferme. C’est là, chers Fils, le noeud du problème des vocations. En notre temps où la sérénité des croyants eux-mêmes est passablement bouleversée, la volonté d’un engagement total et définitif à la suite du Christ apparaît encore plus difficile. Il faut une confiance totale pour se livrer à l’appel du Christ. Cette préférence suppose aussi une volonté de rupture, avec le péché bien sûr — mensonge, impureté, égoïsme, haine —, mais aussi avec certaines valeurs humaines qui sont de l’ordre des moyens : les satisfactions de l’amour humain, la richesse, la réussite professionnelle, le plaisir, le succès, la puissance. Pour une âme profonde, droite et généreuse, les valeurs du Royaume peuvent l’emporter : la joie pure et simple, la soif de Dieu rencontré dans la prière, le service des autres, le souci de leurs besoins spirituels. Encore faut-il se dégager du matérialisme ambiant pour opérer ce jugement, prendre décision. C’est donc tout un climat qu’il faut renouveler pour que les vocations puissent germer et s’affermir. C’est l’affaire des appelés. C’est l’affaire de toute la communauté chrétienne avec eux. L’Année Sainte en est vraiment le temps favorable : « Convertissez-vous, et croyez en l’Evangile » (Mc 1,15).

C’est donc sous le signe de cette Année Sainte, année de conversion et de renouveau dans la foi, que nous, successeur de l’Apôtre Pierre, chargé comme lui de confirmer nos frères, nous vous adressons ce message, plein de gravité et d’espérance, pour la Journée mondiale des vocations.

Nous l’adressons à vous, nos Frères dans l’épiscopat, dont nous partageons la préoccupation devant la moisson si abondante et la rareté des ouvriers.

Nous l’adressons à vous, prêtres, afin que, ravivant en vous la fierté de servir le Christ, avec les tribulations et les joies de l’Apôtre, vous suscitiez l’estime et le désir du sacerdoce. Que votre fidélité, votre espérance, que l’unité entre vous témoignent qu’il s’agit là d’une grâce incomparable.

Nous l’adressons à vous, religieux et religieuses, afin que la liberté et la gratuité de votre consécration exclusive au Christ, avec le dévouement ouvert à tous qu’elle permet, donnent largement le goût du Royaume de Dieu, rendant l’Evangile actuel, crédible, attrayant.

Nous l’adressons à vous, éducateurs, à vous surtout, pères et mères de famille, afin que la fermeté de votre foi, la profondeur de votre générosité, votre amour de l’Eglise, vous permettent de préparer des âmes fortes, capables d’entendre l’appel du Seigneur.

Nous l’adressons spécialement à vous, jeunes gens et jeunes filles, adolescents, que le message du Christ attire et que les besoins spirituels de vos frères émeuvent. L’homme ne vit pas seulement de pain. Interrogez-vous sous le regard du Christ.

Nous l’adressons à vous aussi, enfants. Le Christ vous aime avec prédilection. Vous êtes déjà capables de donner une préférence à Dieu qui peut entraîner toute votre ; vie, à la suite de Jésus. Recherchez-le de tout votre coeur, dans une prière plus ardente, dans un apostolat à la mesure de vos forces.

Que tous prient le Maître de la moisson: « Seigneur, viens au secours de ton Eglise ! ». Les besoins sont immenses. Les générosités sont multiples. L’appel et la grâce du Seigneur ne manquent jamais. Puissions-nous ne pas lui manquer. Et nous, nous vous bénissons au nom du Seigneur.






10 mai



UNE LETTRE DU SOUVERAIN PONTIFE





Du 17 au 19 mai dernier une Table Ronde eut lieu à Chantilly pour commémorer le centenaire du décès du célèbre prêtre-éditeur, l’abbé Jacques Paul Migne. A cette occasion « L’Osservatore Romano », édition française, a consacré plusieurs pages à la vie et à l’oeuvre de Migne (cf. « L’Oss. Rom. », éd. en langue française, n. 9 du 28 février 1974 et n. 16 du 18 avril 1975). Nous avons l’avantage du publier maintenant la Lettre que le Saint-Père a envoyée à l’époque à S.E.M. le Cardinal Michel Pellegrino, Président du Comité International du Centenaire de J. P. Migne :



Monsieur le Cardinal,



Nous avons pris connaissance avec la plus vive satisfaction du programme des célébrations prévues pour le centenaire de la mort de l’Abbé Jacques Paul Migne, et notamment de la Table ronde internationale organisée par le Comité international que vous présidez, qui aura lieu tout prochainement à Chantilly sous le patronage de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres.

Il était bien juste que fût solennellement célébré le souvenir de ce prêtre insigne, dont la courageuse entreprise d’édition a rendu et continue à rendre de si grands services à l’Eglise universelle. De grand coeur nous nous associons à cette commémoration et félicitons ceux qui en ont eu l’initiative et assumé l’organisation.

En publiant la « Bibliothèque universelle du clergé », l’abbé Migne se proposait de rassembler toutes les oeuvres d’exégèse, de théologie, de patristique, d’éloquence sacrée et de spiritualité, éparses dans diverses éditions particulières, difficilement accessibles et par surcroît trop coûteuses pour des bourses moyennes.

Il était persuadé que le renouvellement religieux — que, comme prêtre, il avait souverainement à coeur — commence par l’illumination des esprits, et que celle-ci suppose, à son tour, qu’on puisse disposer, facilement et en abondance, d’oeuvres de saine et profonde doctrine. Il voulut donc, avec une remarquable intuition, et sans se laisser arrêter par d’innombrables difficultés — y compris le terrible incendie qui, le 12 février 1868, réduisit en cendres son imprimerie du Petit Montrouge — mettre à la disposition et à la portée de tous, et surtout du clergé et des laïcs cultivés, les trésors de la doctrine ecclésiastique ancienne et moderne. Et il réussit, par sa ténacité, à mener à bien une partie considérable de son immense programme.

On vit sortir de sa typographie, avec une prodigieuse rapidité et à des prix abordables pour toutes les bourses des centaines et des centaines de volumes : le « cours complet » des traités d’exégèse et de théologie, la collection intégrale et universelle des orateurs sacrés, une encyclopédie théologique, des oeuvres complètes de Sainte Thérèse d’Avila, du Cardinal de Bérulle, de Saint François de Sales, de Bossuet, de Fénelon, pour ne mentionner que celles-là.

Mais de toutes ces collections, les deux plus célèbres, les plus universellement connues et consultées restent sans contredit la Patrologie latine en 222 volumes, et la Patrologie grecque, avec traduction latine, en 161 volumes. L’ampleur de cette publication dépassait de loin toutes les collections précédentes, et débordant les limites de l’ère patristique, arrivait, pour la première collection jusqu’à notre prédécesseur Innocent III, et pour la seconde jusqu’au Concile de Florence.

L’infatigable éditeur montrait ainsi par l’éloquence des faits, que pour un chrétien, l’illumination de l’esprit passe par la Tradition, et que la connaissance de la Tradition passe par l’étude des Père de l’Eglise. Son exemple avait et a encore valeur prophétique.

De fait, l’Eglise, dans sa fonction de « colonne et soutien de la vérité » (1Tm 3,15), s’est toujours référée à l’enseignement des Pères, considérant leur accord comme une règle d’interprétation de la Sainte Ecriture. Saint Augustin avait de son temps formulé cette règle (cf. De Baptismo 4, 24, 31 ; Migne P.L. 43, 174) et l’avait appliquée (cf. Contra Julianum 2, 10, 33 Migne P.L. 44, 697). Vincent de Lérins, à son tour, l’avait longuement exposée dans son Commonitorium Primum (Migne P.L. 50, 637-673). Elle fut reprise et solennellement proclamée par le Concile de Trente (Concilium Trident., éd. Goerresiana, V, Acta II, 91 ss.) et par le premier Concile du Vatican (Collectio Laecensis 7, 251).

Le récent second Concile du Vatican s’est fait, si l’on peut dire, plus insistant encore sur ce point. Car après avoir affirmé que « l’enseignement des Pères atteste la présence vivante de la Tradition, dont les richesses passent dans la pratique et dans la vie de l’Eglise qui croit et qui prie » (Dei Verbum, DV 8), il a recommandé l’étude des Pères « pour une intelligence toujours plus profonde des Saintes Ecritures » (Dei Verbum, DV 23), pour l’enseignement de la théologie, qui doit montrer aux étudiants « l’apport des Pères d’Orient et d’Occident à la transmission et à l’approfondissement fidèles de chacune des vérités révélées» (Optatam totius, OT 16), pour une solide science sacerdotale (PO 19), pour l’enrichissement de la prière officielle de l’Eglise (SC 92) et pour la recherche théologique dans les terres de mission (Ad Gentes, AGD 22).

L’étude des Pères, d’une grande utilité pour tous, apparaît d’une impérieuse nécessité pour ceux qui ont à coeur le renouvellement théologique, pastoral et spirituel promu par le récent Concile, et qui veulent y coopérer. Après les Apôtres, l’Eglise a grandi, comme le dit Saint Augustin, grâce aux Pères, qui la plantèrent, l’irriguèrent, l’édifièrent, la nourrirent (Contra Julianum, 2, 10, 37 ; P.L. 44, 700). Elle continuera à croître en bénéficiant de leurs richesses. Celles-ci sont d’une grande variété, mais elles comportent des propriétés constantes, qui sont précisément à la base de tout renouvellement authentique dans l’ordre spirituel et théologique : l’attachement inébranlable à la Foi, le désir ardent de scruter le mystère du Christ, le sens profond de la Tradition, l’amour sans borne pour l’Eglise. Ces sentiments, qui animent les Pères de l’Eglise, étaient aussi ceux de l’abbé Migne.

Pour porter un jugement équitable sur ce grand serviteur de l’Eglise, il faut bien comprendre le caractère spécifique de son oeuvre. Le but qu’il se proposait était de transmettre le patrimoine patristique dans l’état où il le trouvait de son temps. On ne saurait donc lui reprocher de n’avoir pas préparé des éditions scientifiquement irréprochables. Ce n’était pas son but. Il recueillait les meilleures éditions alors existantes et se contentait de les publier à nouveau, aidé dans son choix par un collaborateur de haute compétence, le futur Cardinal Pitra.

Mais par le seul fait de rassembler en un corpus les écrits des Pères et des écrivains ecclésiastiques, Migne a grandement favorisé l’étude scientifique et les entreprises ardues d’éditions critiques postérieures. Aussi la Table ronde de Chantilly, en mettant à son programme le problème de la transmission et de l’édition des textes patristiques, rend-elle par là même un hommage indirect au magnanime éditeur qui a tant contribué à préparer ces possibilités de travail scientifique.

Nous voudrions saisir cette occasion pour encourager très vivement ceux qui, au prix d’un labeur souvent austère, préparent aujourd’hui ces éditions critiques et utilisent sagement le progrès des sciences pour arriver à une connaissance toujours plus exacte des textes. Ils rendent par là un signalé service à l’Eglise.

Ces encouragements, nous tenons à les étendre à tous ceux qui se consacrent à une oeuvre non moins utile : celle de la diffusion des textes patristiques. Avec les heureux progrès de la culture, un nombre croissant de chrétiens manifestent aujourd’hui le désir de connaître directement les sources, et sont grandement reconnaissants à ceux qui leur fournissent, dans des éditions accessibles à tous, ces trésors de foi et de doctrine de la grande Tradition catholique.

Migne fut en ce domaine, qui était proprement le sien, un précurseur vraiment génial, et ceux qui, par la divulgation des textes patristiques, marchent dans les voies qu’il a ouvertes, méritent, eux aussi, à un titre très spécial la reconnaissance de l’Eglise. La collaboration si féconde de l’abbé Migne et du futur Cardinal Pitra peut en outre servir de modèle à la concertation si désirable entre éditeurs et érudits.

On ne saurait oublier enfin qu’un des plus grands mérites de Migne a été son souci d’englober dans son immense entreprise les témoins de la tradition des Eglises Orientales, et de les mettre, grâce à une traduction latine, à la portée du plus grand nombre de ses lecteurs. Là encore il se montrait précurseur et annonçait déjà cet oecuménisme positif et constructeur pour lequel on remarque aujourd’hui tant de sensibilité dans l’Eglise, surtout depuis le second Concile du Vatican. Nous aimons à faire remonter à l’abbé Migne une part du mérite de ce climat nouveau dans les relations avec nos frères séparés d’Orient, heureuse évolution, qu’atteste d’ailleurs éloquemment leur empressement à s’associer à ces fêtes centenaires.

En appelant les meilleures grâces sur tous ceux qui participent à la Table ronde internationale de Chantilly, et en témoignage du vif intérêt que nous portons à leurs travaux, nous leur envoyons à tous, et d’abord à Votre Eminence, une large Bénédiction Apostolique.



Du Vatican, le 10 mai 1975.



Paulus PP. VI






16 juin




Messages 1975