Messages 1975

MESSAGE DU PAPE PAUL VI


À S.E. MONSIEUR SOLEIMAN FRANGIÉ,


PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE LIBANAISE*


Lundi 3 novembre 1975





A Son Excellence Monsieur Soleiman Frangié


Président de la République Libanaise



Nous tenons à exprimer à Votre Excellence, au Gouvernement et à tout le Peuple libanais notre profonde tristesse et notre préoccupation pour les événements sanglants qui se prolongent en votre pays.

Il Nous apparaît que le risque est devenu très grand de voir s’écrouler l’édifice de la Nation libanaise, élevé avec tant d’amour par des générations de fils et arrivé à un stade exemplaire de fraternité et de collaboration entre des communautés, assurément diverses quant à leur origine et à leurs caractéristiques, mais unies dans une activité intense, dans l’amour de la patrie et dans l’attachement aux valeurs morales et spirituelles.

Etant donné la très vive affection que nous avons toujours portée au Liban, nous ne pouvons pas nous retenir d’adresser à tous, au nom de Dieu, un appel pressant à déposer définitivement les armes fratricides et à résoudre les divergences dans une compréhension réciproque et un dialogue fraternel.

Nous ne sommes pas sans connaître les problèmes rencontrés par les populations et les Dirigeants libanais, dans la situation difficile du pays et de la région. Comme Pasteur suprême de l’Eglise catholique, nous avons éprouvé une grande satisfaction en voyant la Communauté chrétienne, guidée par ses dignes Responsables, s’engager à apporter sa contribution à la solution de ces problèmes. Elle a promu et développé les conversations avec les Autorités et les concitoyens de religion musulmane, afin de favoriser le progrès économique, moral, social et politique du pays.

Le Saint-Siège, pour sa part, tout en appuyant les efforts que les Dirigeants des parties intéressées s’efforcent d’accomplir pour rendre justice au peuple palestinien, forme des voeux pour la sauvegarde du Liban, dans le respect de sa souveraineté et dans l’indépendance de toute ingérence extérieure.

Mais tout appui amical sera vain si les Libanais eux-mêmes ne renoncent pas, avec générosité et clairvoyance, à la lutte et à la destruction, et ne s’engagent pas à résoudre leurs désaccords par des tractations sincères et rapides.

Nous ne pouvons achever ce message sans assurer le Liban qu’il ne manquera jamais de notre soutien pour que sa croissance et son développement s’accomplissent dans un climat de paix et de sérénité. Tel est l’objet de notre continuelle et pressante supplication au Tout-Puissant. A tous les fils du Liban et à leurs Dirigeants, en particulier à Votre Excellence et aux Membres du Gouvernement, nous souhaitons de la part du Seigneur les dons de la sagesse et de la concorde, afin que la terre du Liban recommence à prospérer, pour le bien du Moyen Orient et du monde entier.

Du Vatican, le 3 novembre 1975.

PAULUS PP. VI


*AAS LXVII p.693-694.

Insegnamenti di Paolo VI, XIII p.1224-1225.

L'Osservatore Romano 9.11.1975, p.1.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n.46 p.1.

La Documentation catholique n.1687 p.1025.





MESSAGE DU PAPE PAUL VI À SA SAINTETÉ DIMITRIOS Ier,


ARCHEVÊQUE DE CONSTANTINOPLE


ET PATRIARCHE OECUMÉNIQUE


Jeudi 11 décembre 1975




Sa Sainteté Dimitrios I Archevêque de Constantinople et Patriarche oecuménique

Alors que touchent à leur fin, ici à Rome, les célébrations de l’Année Sainte, au cours desquelles l’Eglise catholique Romaine a imploré de la divine Providence le renouveau et la réconciliation, c’est avec une grande émotion que nous rendons grâces à Dieu, qui «nous a bénis de toutes sortes de bénédictions spirituelles» (Ep 1,3). C’est le Seigneur qui, il y a dix ans, nous a fait la grâce d’un grand acte ecclésial de réconciliation, acte qui a réparé d’antiques et réciproques gestes regrettables et qui est source d’implications fécondes pour retrouver et rétablir entre nos Eglises cette «pleine communion de foi, de concorde fraternelle et de vie sacramentelle qui exista entre elles au cours du premier millénaire de la vie de l’Eglise» (Déclaration commune du 7 décembre 1965: Tomos Agapis, 127). Nous avons voulu ôter pour toujours de la mémoire et du milieu de l’Eglise le pénible souvenir des anathèmes qui rendaient prisonniers les coeurs dans l’amertume et la défiance réciproques. L’Esprit de Dieu a illuminé nos esprits et l’amour du Christ a ressuscité la charité fraternelle entre nos Eglises.

Aujourd’hui «l’amour du Christ nous presse» (2Co 5,14) encore plus pour rechercher toutes les voies et être toujours plus attentifs aux inspirations de l’Esprit-Saint afin de poursuivre le dialogue de la vérité dans la Charité: «Veritatem facientes in caritate» (Ep 4,15). Ce dialogue il faut que nous le fassions progresser sur la route qui conduit à la parfaite unité pour laquelle le Christ a prié, est mort et est ressuscité. Pour cela nous nous réjouissons pleinement de la possibilité de créer de nouveaux instruments de dialogue théologique. Ainsi dans la charité, dans une confiance réciproque, dans un respect mutuel, animés par l’unique désir de servir l’Eglise du Christ Une et Sainte, sera mis en plus grande lumière tout ce qui est vécu en commun dans nos Eglises. En outre, on aura la possibilité de discuter fraternellement et de surmonter avec sagesse les difficultés qui nous empêchent encore de célébrer ensemble l’Eucharistie du Seigneur.

Que Dieu nous donne de résoudre toute divergence, nous trouvant ensemble dans la vérité toute entière (Cfr. Io Jn 16,18) pour pouvoir louer d’un seul coeur et dans la symphonie de voix pourtant diverses son nom qui est béni dans les siècles. Ainsi «vivant selon la vérité et dans la charité» nous grandirons de toute manière vers celui qui est la tête, le Christ, dont le corps tout entier reçoit concorde et cohésion (Ep 4,15-16). C’est dans ces sentiments de vive joie et d’ardente espérance, en ce temps où nous nous préparons à célébrer l’Incarnation salvifique de notre Seigneur Jésus-Christ, que Nous assurons votre vénérable Eglise et vous-même, Frère bien-aimé, de notre affection dans le Seigneur.
Du Vatican, le 11 décembre 1975

PAULUS PP. VI




25 décembre



MESSAGE DE NOËL DE PAUL VI





Frères et Fils de Rome et du monde !



Voici que je vous annonce une grande joie, qui est celle du monde entier : aujourd’hui est né un Sauveur, qui est le Christ Seigneur (cf. Lc Lc 2,10).

Nous faisons nôtre cette voix de l’ange qui a résonné dans la nuit décisive de la naissance de Jésus à Bethléem, et nous la relançons dans le monde. Oui, le Noël du Christ se renouvelle perpétuellement dans le temps; et depuis que l’événement incomparable, mûri depuis des siècles dans la pensée de Dieu (cf. Ep Ep 1,4), est apparu sur l’écran de l’histoire, en lui l’humanité y atteint son dessein universel, découvre sa signification permanente, cherche son destin final. Dans le plan global du genre humain, la naissance du Seigneur marque une date éternelle; et l’Eglise fait bien de célébrer, à chaque cycle solaire, non seulement le souvenir lointain de cet événement singulier et ineffable, de la venue du Verbe vivant de Dieu parmi les hommes, homme lui-même, c’est-à-dire l’Incarnation, mais elle fait bien aussi de rappeler son actualité désormais acquise : la terre est toujours la patrie du Christ, du Fils de Dieu qui s’est fait Fils de l’homme. Tout en n’étant plus en rapports sensibles avec nous, il n’en demeure pas moins, silencieusement, humblement, mais réellement comme à la crèche, avec nous et pour nous, afin qu’il y ait de notre part inlassable recherche, bonheur sans limites, indéfectible attente eschatologique. Il l’a dit d’une manière catégorique au moment de prendre congé de la scène expérimentale de ce monde, lorsqu’il a promis : « Et moi, je suis avec vous pour toujours, jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20).

Noël, le mystère admirable de l’Incarnation, la fête de l’Emmanuel, de « Dieu avec nous » (Mt 1,23), marque la nouvelle naissance de l’histoire. Notre foi y trouve son point d’appui; notre conception de l’énigme de l’homme y trouve son unique explication ; et pour nous, fils d’un siècle enclin à faire prévaloir l’anthropologie, c’est-à-dire l’intérêt humain, sur la théologie, c’est-à-dire sur la contemplation de l’Etre divin, cela représente une étape légitime dans notre itinéraire spirituel, cela représente la formule satisfaisante et définitive : dans la venue du Christ sur terre se trouve le salut ; son nom est Jésus, qui signifie Sauveur (cf. Mt Mt 1,21). Et voici alors que resplendit comme un étendard déployé sur la face de la terre, et pour tous les temps de la vie humaine, le nom de Jésus-Christ, Sauveur du monde (cf. Ac Ac 3,15). Laissons encore, à Saint Pierre le soin de proclamer depuis ce carrefour des peuples qui, à juste titre, porte son nom : en dehors de Jésus-Christ, « il n’y a pas sous le ciel d’autre nom donné aux hommes, par lequel il nous faille être sauvés » (Ac 4,12).

Jésus, Jésus ! Tel est le cri qui jaillit le l’esprit de tous ceux qui ont accueilli, qui ont compris Noël : Jésus, tu es le Christ, toi, le salut, la vérité, la force, la béatitude, la gloire, toi la vie du monde ! « Tu solus Sanctus. Tu solus Dominus. Tu solus Altissimus. Iesu Christe ! » Telle est notre exclamation, comme celle que chante le Peuple de Dieu en célébrant les saints mystères de la Messe.

Mais ici notre joyeux message de Noël suscite un nouveau drame. Un drame dans lequel nous sommes tous impliqués, comme Saint Paul nous le rappelle avec vigueur : qui croit à notre prédication (cf. Rm Rm 10,16) ? Qui accueille notre évangélisation ?

Le vacarme assourdissant des mille voix qui remplissent l’atmosphère de la vie moderne, avec les puissants haut-parleurs des fameux moyens de communication sociale, ou l’enchantement suggestif des images et des sons qui déplacent le langage du royaume de la pensée à celui des sens, ou encore le narcotique impondérable, mais formidable d’une certaine pression de l’opinion publique et de la propagande politique qui, insensiblement, empêche la liberté personnelle de s’exercer activement pour y substituer une attitude passive sous la domination d’autrui, tout cela vous permet-il encore Frères et Fils, de distinguer et de saisir la vraie résonance de l’Esprit, à la fois souple et douce, la voix vibrante de l’Evangile du Christ, l’écho du cri prophétique qui monte du désert (cf. Mt Mt 3,3) ? Ou, au contraire le Verbe mystérieux qui, si on l’écoute bien, murmure dans le silence intérieur du coeur, n’est-il plus perçu ? N’est-il pas redouté et étouffé comme le rappel d’une vérité qu’on préfère ignorer ?

C’est là qu’on enregistre un fait nouveau, qui Nous semble, précisément en cette année de grâce, à la fois authentique et consolant : quelques-uns écoutent ! Quelques-uns savent accueillir l’annonce de la bonne nouvelle comme un message révélateur et rénovateur. Qui sont ces auditeurs inattendus, et pourtant prédestinés, du Verbe secret qui détient la vraie solution ? Ce sont les jeunes, Nous semble-t-il. C’est vous, jeunes gens : dans votre génération s’est manifestée, on pourrait dire avec une fureur subversive, la déception devant la fausseté ou du moins l’insuffisance de la sagesse des générations qui vous ont précédés, elles qui vous ont inculqué la folie de la guerre pour la puissance, du matérialisme présenté comme la seule justice, du plaisir comme aveuglement malhonnête sur les devoirs et la destinée supérieure de la vie humaine. Le vide a causé en vous, les jeunes, de grands ravages, et une aspiration intime et puissante vous a ramenés presque inconsciemment dans le cadre d’une invitation qu’on ne peut repousser : « Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai » (Mt 11,28).

Le drame est là, à ce point précis du oui ou du non de la génération qui monte, et qui a manifestement l’intuition d’une rencontre possible et heureuse avec le Christ. Il parle, même du fond de sa crèche, avec un accent unique, à la fois pénétrant et doux : « Heureux ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la mettent en pratique ! ».

Fasse Dieu que la nouvelle jeunesse, et que nous tous, fils de l’Eglise et citoyens du monde, nous accueillions comme fruit de l’Année Sainte cette Parole d’un inépuisable « Bon Noël » !







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