Discours 1976 32

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Une pensée émue aux peuples qui souffrent





Dans ces rencontres qui, au milieu de l’année se répètent à l’occasion de notre jour de fête, nous avons l’habitude de jeter un rapide coup d’oeil non seulement sur la vie de l’Eglise et sur ses problèmes mais aussi sur les situations les plus caractéristiques de la vie internationale et sur celles des différents pays.

Aujourd’hui notre temps est vraiment limité. Mais il nous semble que ce serait manquer à nos devoirs de Père, de ne pas exprimer notre participation, de coeur et de prière — et là où c’est possible, d’action — aux souffrances des populations et à la difficulté de trouver d’équitables et pacifiques solutions aux problèmes qui continuent à troubler des pays, géographiquement proches ou éloignés de notre siège, que ce soit l’Irlande du Nord, ou le territoire d’Erythrée, ou l’Afrique Australe ou — tout spécialement — l’Afrique du Sud.

Une pensée émue, mais non dépourvue du réconfort de quelque nouvelle raison d’espérer, nous voulons l’adresser tout particulièrement au Liban, un pays qui nous est très cher. A cette nation nous associons la région médio-orientale tout entière avec toutes ses populations, chrétiennes et non-chrétiennes, fraternisant toutes — tout au moins il faudrait qu’il en soit ainsi — dans l’invocation du Dieu unique, commun aux trois grandes religions monothéistes.

Que cette invocation, qui, dans toutes les parties du monde jaillit de si nombreux coeurs sincères, ait le pouvoir d’apaiser grâce à l’amour les sentiments de haine qui divisent sur la terre les fils du même Père et Créateur qui est dans les cieux ; puisse-t-elle aider à trouver la voie de la compréhension et de la paix.

Nous les exhortons tous à la paix et, de notre part, nous continuons, de l’aube à la nuit tombante, à interroger les signes, comme nous vous l’avons dit ici, lors du Consistoire : que le Seigneur soutienne nos espérances. Qu’avec son intercession, Marie Mère de l’Eglise, nous réconforte ; que nous réconforte Pierre dont nous avons, il y a treize ans, recueilli l’héritage aussi lourd qu’exaltant ; que nous réconforte Jean Baptiste dont nous portons le nom, que nous avons humblement suivi jusqu’à ce jour et que nous voudrions suivre toujours en indiquant au monde, comme il l’a fait, le Christ comme le seul salut, le seul espoir, la seule libération : Ecce Agnus Dei, ecce qui tollit peccatum mundi ! ... Ego... testimonium perhibui, quia hic est Filius Dei (
Jn 1, 29, 34). Avec notre Bénédiction Apostolique !





À L’OCCASION DES CÉLÉBRATIONS DE L’«ECOLE FRANÇAISE DE ROME»


Jeudi 8 juillet 1976




Monsieur le Directeur et Messieurs les Membres de l’Ecole Française, Mesdames et Messieurs,

Avec une courtoisie qui vous honore, vous avez tenu a clore les célébrations du Centenaire de votre Ecole, ici, près de Saint-Pierre, apud Sanctum Petrum, selon la formule usité dans les documents pontificaux. Ce n’est d’ailleurs pas votre première visite. Déjà la joie nous fut donnée de vous accueillir a l’occasion du «Colloque Monseigneur Duchesne», dont les Actes viennent de nous être offerts en hommage. D’autres visites au Vatican ont également marque l’histoire de l’Ecole Française. En 1948, l’Ambassadeur et philosophe Jacques Maritain lui obtint la faveur de rencontrer le Pape Pie XII. Et en 1922, Monseigneur Duchesne lui-même, presque à la veille de sa mort, voulut présenter au Pape Pie XI, récemment élu, chaque Membre de l’Ecole.

La rencontre de ce jour Nous parait revêtir une valeur symbolique. A l’aurore d’un nouveau centenaire d’activités et de rayonnement, l’Ecole Française réaffirme l’idéal romain qui la fit naître et qui n’a point cesse de caractériser son histoire. En effet, en se séparant de l’Ecole Française d’Athènes, non seulement elle prit son nom propre, mais elle se distingua par un champ d’activités élargies, inspirées par la Cite ou elle voyait le jour: «Nous nous appelons Ecole Française de Rome et non Ecole d’Archéologie – écrivait le premier Directeur, Auguste Geoffrey -, nous sommes une Ecole d’érudition, dont le code parait se modeler d’après les ressources qu’offrent non seulement le sol, mais les bibliothèques et les archives d’Italie . . . » (AUGUSTE GEFFROY, L’histoire et l’oeuvre de l’Ecole Française de Rome, Paris 1931, p, 21).

La romanité de votre Ecole n’est pas seulement un emblème. Vous êtes allés, avec une maîtrise remarquable, jusqu’aux racines profondes de Rome, de cette «Cité sacerdotale et royale», selon la définition donnée par Saint Léon le Grand avec son génie de l’histoire (S. LEONIS MAGNISermo LXXXII, «In Natali apostolorum Petri et Pauli»: PL 54, 423 A.).

33 La très riche production scientifique dont témoignent les Actes de votre Ecole offre en effet un ensemble équilibre d’études sur la Rome antique et la Rome chrétienne. Si les domaines sont différents, l’inspiration et la valeur sont les mêmes. Et de grands noms viennent immédiatement a l’esprit: celui de l’Abbé Louis Duchesne, qui tiendra une place primordiale durant presque un demi-siècle dans les annales de l’Ecole, se trouve dès le premier fascicule de la «Bibliothèque des Ecoles Françaises d’Athènes et de Rome». L’auteur préludait ainsi a sa fameuse édition du «Liber Pontificalis» paru sous votre emblème, et que vous avez réédité en y ajoutant un troisième volume. Comment ne pas évoquer aussi, parmi les maîtres prestigieux qui se sont succédés dans votre Ecole, les noms de Jérôme Carcopino, historien des grands siècles de la Rome antique, d’Emile Male, qui a si bien mis en relief la signification spirituelle de l’art médiéval, et encore ceux de Camille Jullian, du Père Jean Festugière et de tant d’autres?

Mais l’histoire de la Papauté inspire aussi vos recherches. Grâce à la bienveillance de notre prédécesseur Pie IX, Elie Berger put commencer la seconde série de votre «Bibliothèque», consacrée aux «Registres» des Papes du treizième siècle. La troisième série se poursuit avec les «Registres» de ceux du quatorzième siècle, et y prend place la toute récente publication, que vous Nous avez offerte, d’un volume de «Lettres» d’Urbain V. Bien d’autres oeuvres sont également méritantes et constituent autant de monuments érigés à la gloire de la Rome pontificale, depuis l’ouvrage d’Eugène Müntz sur «Les arts a la tour des Papes pendant le XVème siècle», ou celui de Philippe Lauer, intitulé «Le Palais du Latran», jusqu’a la prochaine parution d’une oeuvre très importante sur l'Eglise de Rome aux IVème et Vème siècles, due a Monsieur Charles Pietri, et que Nous’ avons nous-même favorisée.

Comment enfin ne pas mentionner ici les publications entreprises en collaboration avec nos Instituts culturels? Celle des «Acta Nuntiaturae Gallicae», avec le contours de la Faculté d’Histoire ecclésiastique de l’Université pontificale Grégorienne, et aussi la toute nouvelle série du «Catalogue des manuscrits classiques latins de la Bibliothèque Vaticane», dont vous venez de Nous offrir le premier tome. C’est la une oeuvre très appréciable, dont bénéficie notre Bibliothèque Vaticane; elle est le fruit du travail patient entrepris par toute une équipe de l’«Institut de Recherche et d’Histoire des Textes» de Paris: Nous tenons a en remercier vivement le Directeur, Monsieur Jean Glénisson, et ses collaborateurs.

La clairvoyance de vos gouvernants qui ont créé et soutenu l'Ecole Française, le haut niveau moral et scientifique de ses Directeurs, le courage exemplaire de ceux qui ont accepté l’exigeante discipline de l’Ecole et ont donne les meilleurs fruits de leur intelligence et de leur culture, ont véritablement fait grandir ce chêne merveilleux et toujours vigoureux, planté au coeur de Rome, voici cent ans déjà! Des hauteurs du Palais Farnèse, vous la contemplez et vous la reconnaissez, cette «Cite sacerdotale et royale»! C’est la votre tradition, votre vocation. C’est le service que vous rendez a la culture, à la société, a l’Eglise. Nous vous en remercions de tout coeur.



AU NOUVEAU PATRIARCHE DE CILICIE DES ARMÉNIENS, S.B. HEMAIAGH PIERRE XVII GHEDIGHIAN À L’OCCASION DE L’IMPOSITION DU PALLIUM

Vendredi 9 juillet 1976




Béatitude,

En vous conférant l’insigne liturgique réservé aux Patriarches, aux Archevêques et à certains Evêques titulaires de sièges illustres, notre intention est moins d’en évoquer l’histoire que de méditer, avec vous et ceux qui vous entourent, le sens permanent et exigeant de ce geste accompli depuis des siècles par l’Evêque de Rome.

Primitivement, il semble bien que la laine blanche, constitutive du pallium, était ornée de la figure du Bon Pasteur portant sur ses épaules la brebis égarée. Cet antique symbole du zèle pastoral et de l’humilité évangélique mérite d’être retenu. Il résume la mission salvatrice du Christ Jésus (Jn 10). Il est la hantise de tant d’Evêques aujourd’hui. Le pallium, une distinction honorifique? Non, une obligation supplémentaire de travailler à la fois au maintien et au sage renouvellement des activités pastorales de l’Eglise. Nous sommes sûr que, dans vos chères communautés arméniennes, vous continuerez de stimuler le service des brebis présentes au bercail et la recherche ardente et patiente des brebis éloignées.

Dans une mosaïque ancienne, l’Apôtre Pierre est représenté donnant le pallium à saint Léon. Nous voyons là une image très parlante de la succession apostolique. Nous y trouvons également une autre signification du pallium pour tous ceux qui le reçoivent. Il est le symbole d’une communion privilégiée avec le Successeur de Pierre, principe perpétuel et visible et fondement de l’unité (Cfr. Lumen Gentium LG 23). Aujourd’hui, en cette cérémonie à la fois si simple et émouvante, vous recevez un nouvel appel du Maître à oeuvrer de toutes vos forces à l’unité de l’Eglise dans la fidélité à la doctrine des Apôtres! En cette période de l’histoire où les Eglises locales doivent affronter tant de nouveaux et délicats problèmes, d’ordre doctrinal et pastoral, le ministère de l’unité, confié à l’Evêque de Rome, devient à la fois plus difficile et vitalement indispensable. Nous comptons beaucoup sur Votre Béatitude pour développer encore, à travers le Patriarcat dont Elle vient de recevoir la charge, cet esprit de compréhension et de fidélité sans faille, qui a toujours caractérisé les communautés arméniennes catholiques.

Nous voulons encore assurer Votre Béatitude de notre prière, non seulement aujourd’hui, mais dans le temps que nous consacrons quotidiennement à l’intercession pour l’Eglise du Christ et tous ses Responsables. Que le Seigneur vous bénisse surabondamment, ainsi que tous vos coopérateurs et tous vos chers fidèles arméniens, et accorde à tous le bonheur inexprimable de Le servir et de Le faire connaître dans le monde aujourd’hui!



AU CONSEIL EXÉCUTIF DE LA CONFÉRENCE MONDIALE DES INSTITUTS SÉCULIERS


Mercredi 25 août 1976




34 Chers Fils et chères Filles dans le Seigneur,

C’est bien volontiers que Nous avons accueilli la demande du Conseil exécutif de la Conférence Mondiale des Instituts séculiers, lorsque, en temps voulu, il nous fit part du désir de cette rencontre. Elle Nous offre, en effet, l’occasion de vous exprimer, avec notre estime, les espoirs de 1’Eglise dans le témoignage particulier que les Instituts séculiers sont appelés à rendre parmi les hommes d’aujourd’hui.

Il n’est pas nécessaire de Nous arrêter pour mettre en lumière les caractéristiques particulières qui définissent votre vocation, puisque, dans leurs traits fondamentaux qui sont «une vie totalement consacrée, en suivant les conseils évangéliques, et une présence et une action destinées, en toute responsabilité, à transformer le monde du dedans», ces caractéristiques peuvent être maintenant considérées comme une acquisition certaine de votre conscience institutionnelle. Tout cela, Nous l’avons rappelé à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de la Constitution apostolique «Provida Mater» (Allocutio diei 2 februarii 1972).

A la place qui est nôtre, notre désir est de souligner plutôt le devoir fondamental qui découle de la physionomie évoquée tout à l’heure, c’est-à-dire le devoir d’être fidèle. Cette fidélité, qui n’est pas immobilisme, signifie avant tout attention à l’Esprit Saint qui fait l’univers nouveau (Cfr.
Ap 21,5). Les Instituts séculiers, en effet, sont vivants dans la mesure où ils participent à l’histoire de l’homme, et témoignent auprès des hommes d’aujourd’hui, de l’amour paternel de Dieu, révélé par Jésus-Christ dans le Saint-Esprit (Cfr. PAULI PP. VI Evangelii Nuntiandi EN 26).

S’ils demeurent fidèles à leur vocation propre, les Instituts séculiers deviendront comme « le laboratoire d’expérience » dans lequel 1’Eglise vérifie les modalités concrètes de ses rapports avec le monde. C’est pourquoi ils doivent écouter, comme leur étant adressé surtout à eux, l’appel de 1’Exhortation apostolique «Evangelii Nuntiandi»: «Leur tâche première . . . est la mise en oeuvre de toutes les possibilités chrétiennes et évangéliques cachées, mais déjà présentes et actives dans les choses du monde. Le champ propre de leur activité évangélisatrice, c’est le monde vaste et compliqué de la politique, du social, de l’économie, mais également de la culture, des sciences et des arts, de la vie internationale, des mass media» (PAULI PP. VI Evangelii Nuntiandi EN 70).

Cela ne signifie pas, évidemment, que les Instituts séculiers, en tant que tels, doivent se charger de ces tâches. Cela revient normalement à chacun de leurs membres. C’est donc le devoir des Instituts eux-mêmes de former la conscience de leurs membres à une maturité et à une ouverture qui les poussent à se préparer avec beaucoup de zèle à la profession choisie, afin d’affronter ensuite avec compétence, et en esprit de détachement évangélique, le poids et la joie des responsabilités sociales vers lesquelles la Providence les orientera.

Cette fidélité des Instituts séculiers à leur vocation spécifique doit s’exprimer avant tout dans la fidélité à la prière, qui est le fondement de la solidité et de la fécondité. Il est donc très heureux que vous ayez choisi comme thème central de votre Assemblée la prière en tant «qu’expression d’une consécration séculière» et «source de l’apostolat et clé de la formation». C’est-à-dire que vous êtes en recherche d’une prière qui soit expressive de votre situation concrète de personnes «consacrées dans le monde».

Nous vous exhortons donc à poursuivre cette recherche, en vous efforçant de faire en sorte que votre expérience spirituelle puisse servir d’exemple à tout laïc. En effet, pour celui qui se consacre dans un Institut séculier, la vie spirituelle consiste à savoir assumer la profession, les relations sociales, le milieu de vie, etc., comme formes particulières de collaboration à l’avènement du Royaume des cieux, et à savoir s’imposer des temps d’arrêt pour entrer en contact plus direct avec Dieu, pour Lui rendre grâce et pour Lui demander pardon, lumière, énergies et charité inépuisable pour les autres.

Chacun de vous bénéficie assurement du soutien de son Institut, par les orientations spirituelles qu’il donne, mais surtout par la communion entre ceux qui partagent le même idéal sous la conduite de leurs responsables. Et, sachant que Dieu nous a donné sa Parole, celui qui s’est consacré se mettra très régulièrement à l’écoute de la Sainte Ecriture, étudiée avec amour et accueillie avec une âme purifiée et disponible, pour chercher en elle, ainsi que dans l’enseignement du Magistère de l’Eglise, une interprétation exacte de son expérience quotidienne vécue dans le monde. De façon spéciale, en s’appuyant sur le fait même de sa consécration à Dieu, il se sentira engagé à favoriser les efforts du Concile pour une participation toujours plus intime à la sainte liturgie, conscient que la vie liturgique bien ordonnée, bien intégrée dans les consciences et les habitudes des fidèles, contribuera à maintenir vigilant et permanent le sens religieux, à notre époque, et à procurer à 1’Eglise un nouveau printemps de vie spirituelle.

La prière deviendra alors l’expression d’une réalité mystérieuse et sublime, partagée par tous les chrétiens, c’est-à-dire l’expression de notre réalité de fils de Dieu. Elle sera une expression que le Saint-Esprit purifie et assume comme sa propre prière, en nous poussant à crier avec Lui: Abba, c’est-à-dire Père! (Cfr. Rom Rm 8,14 ss.; Gal Ga 4,4 ss.)

Une telle prière, si elle parvient à être consciente dans le contexte même des activités séculières, est alors une véritable expression de la consécration séculière.

35 Telles sont les pensées, chers fils et chères filles, que Nous voulons confier à votre réflexion, afin de vous aider dans votre recherche d’une réponse toujours plus fidèle à la volonté de Dieu, qui vous appelle à être dans le monde, non pour en assumer l’esprit, mais pour porter au milieu de lui un témoignage susceptible d’aider vos frères à accueillir la nouveauté de l’Esprit dans le Christ. Avec notre Bénédiction Apostolique.



AU PÈLERINAGE DES «EQUIPES NOTRE-DAME»


Mercredi 22 septembre 1976




Votre présence, chers Fils et Filles, foyers et aumôniers des Equipes Notre-Dame, apporte à celui qui, dans la grande famille ecclésiale, exerce la mission de Père, une joie profonde.

Joie de voir se profiler derrière chaque foyer les visages de ses enfants et petits enfants et de Nous sentir ainsi entouré, non seulement de couples, mais de familles entières. Joie de Nous adresser, par vous, aux milliers de foyers des Equipes Notre-Dame que vous représentez en quelque sorte. Joie enfin de savoir que, à travers vous, notre voix s’adresse à tous les chrétiens appelés à réaliser dans le mariage et la vie de famille une authentique vocation humaine et chrétienne.

Cette joie est d’autant plus grande que votre rassemblement international a lieu à Rome, où I’on peut toucher comme du doigt cette grâce bienfaisante qui est la découverte toujours renouvelée de l’universalité de l’Eglise.

Gardez bien à l’esprit les paroles fondamentales que Nous vous avons adressées lors de votre dernière visite et que vous avez méditées comme une charte de la spiritualité conjugale (Cfr. «L’Osservatore Romano», 7 maii 1970; AAS 62 (1970) 428-437). Nous n’avons point besoin d’y revenir ce matin. Mais aujourd’hui où l’évolution de la société en vient à remettre en question même le domaine de la morale, Nous voulons seulement y ajouter quelques brèves réflexions pour affermir vos convictions en face des questions soulevées ces derniers temps au sujet de la famille, pour fortifier votre foi et consolider votre espérance dans ce sacrement de mariage qui est bien le vôtre, pour que vous le viviez en plus grande plénitude «parmi les tribulations du monde et les consolations de Dieu» (S.AUGUSTINI De Civitate Dei, XVIII, 51. 2: PL 41, 614, in Lumen Gentium LG 8 relatum).

En évoquant le titre magnifique et compromettant d’«Eglise domestique», Nous avons, il y a quelques mois, rappelé aux familles chrétiennes le potentiel évangélisateur qui est en elles (PAULI PP. VI Evangelii Nuntiandi EN 71). Nous les avons invitées à penser que la force de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, annonce du Salut, prédication de la loi d’amour et des exigences évangéliques, appel à entrer dans la communauté des croyants, est présente à l’intérieur de chaque famille chrétienne dans le courant d’affection, de confiance, d’intimité qui unit ses membres. Mais, ajoutions-Nous aussi, cette force doit également rayonner des familles chrétiennes vers d’autres familles.

Nous avons déjà abordé ce thème en Nous adressant au Comité pour la Famille lors de sa dernière Assemblée (Cfr. «L’Osservatore Romano» 14 martii 1974; AAS 66, (1974) 232-234) et tout récemment encore Nous avons souligné que, pour construire l’Eglise universelle et les Eglises locales, il faut commencer par l’humble et indispensable construction de l’Eglise domestique (Cfr. «L’Osservatore Romano» 12 augusti 1976).

Permettez-Nous de vous le rappeler ici: le mariage est certes un état de vie volontairement choisi, dans lequel on cherche le bien être, le bonheur du couple et des enfants, que l’on vit – surtout lorsqu’on est chrétien - sous la lumière de la foi et en comptant sur la grâce de Dieu. Mais c’est également un témoignage que l’on rend et une mission que l’on accomplit. Et, par ces dernières dimensions, l’institution familiale est tournée vers le dehors, vers les autres, elle est faite pour le bien d’autrui. La famille doit donc chercher à avoir en tant que telle une valeur évangélisatrice et missionnaire. Elle accomplit cette mission en s’efforçant de porter un témoignage réel de vie chrétienne et de devenir ainsi toujours davantage un appel à accueillir la Bonne Nouvelle de l’Evangile.

Le fait d’être officiellement reconnu par le Saint-Siège comme Organisation Internationale Catholique, pourra manifester et consacrer votre volonté de participer toujours davantage à toute la vie de l’Eglise et Nous nous en réjouissons.

D’innombrables foyers vous seront reconnaissants de l’aide que vous leur apporterez ainsi. La plupart des couples, en effet, ont aujourd’hui besoin d’être aidés. Ils sont en proie à la méfiance et au doute d’abord, puis à la peur et au découragement et finalement à l’abandon des plus nobles valeurs du mariage. Ils sont souvent dans cet état parce que ceux qui devraient être des maîtres ont mis en doute ces valeurs, en ont rabaissé les dimensions théologales, ont estimé utopiques, dépassées, inaccessibles, inutiles, les exigences les plus fondamentales du mariage et de la famille.

36 Il faut donc réaffirmer sans cesse ces valeurs et ces exigences par le témoignage des foyers chrétiens, mais aussi, c’est une nécessité de notre temps, par la parole claire et courageuse des pasteurs et des maîtres, dans une adhésion sans faille au Magistère de l’Eglise.

Le mariage - ne cessons pas de le rappeler - est une communion fondée sur l’amour et rendue stable et définitive par une alliance et un engagement irrévocables. L’amour vrai est donc l’élément le plus important de cette communion: celui qui est don, renoncement, service, dépassement. Mais cette communion une fois scellée n’est plus à la merci des hauts et des bas d’un vouloir humain subjectif, changeant et instable. Elle dépasse les alternances de la passion, de l’arbitraire des conjoints. C’est pourquoi le mariage ne peut pas être livré aux vicissitudes du sentiment, aussi noble qu’il soit, mais en tant que tel, sujet à variations, à l’affaiblissement, aux déviations, au dépérissement. Nous voulons réaffirmer encore cette doctrine traditionnelle déjà rappelée par la Constitution pastorale «Gaudium et Spes» (Cfr. Gaudium et Spes
GS 48),6 contre la fallacieuse argumentation selon laquelle le mariage prend fin lorsque l’amour - mais quel amour? -s’éteint (Cfr. PAULI PP. VI Allocutio ad Sacram Romanam Rotam, 9 februarii 1976: AAS 68 (1976) 204-208).

Pour les chrétiens, cet engagement est pris devant Dieu et devant l’Eglise. La relation interpersonnelle des époux devient un sacrement: elle est garantie par une présence active et déterminante du Christ lui-même. Voilà ce qui fait la splendeur du mariage chrétien; voilà ce qui donne l’assurance que les exigences de l’amour conjugal peuvent être assumées sans crainte par les époux, même par les êtres faibles et pécheurs qu’ils demeurent. La page de l’Evangile de saint Jean où il est dit, à propos des Noces de Cana, que Jésus lui-même était là (Cfr. Io Jn 2,2) doit avoir une signification littérale dans la vie des couples chrétiens. Il doit ‘être l’invité de toutes les heures, capable de transformer l’eau de la routine et du laisser-aller, toujours à craindre, dans le vin d’un amour toujours rajeuni, dans celui d’un idéal rénové, dans celui d’une force reprise pour vaincre les obstacles. L’amour de Dieu s’enracine d’autant plus dans vos vies que vous vous entraidez réciproquement à vous ouvrir à Lui.

Ainsi comprise cette communion interpersonnelle, élargie par la naissance des enfants, est une marque de l’amour et de la bonté de Dieu. Chaque couple chrétien et chaque foyer de chrétiens proclame par leur seule existence que Dieu est amour et qu’Il veut le bien de l’humanité.

La croix n’est certes pas absente de cette communion comme elle n’est pas absente d’aucune manifestation d’amour. Il serait donc vain et dangereux de vouloir un mariage qui ne portât point le signe de la croix, soit par des souffrances physiques, soit par des douleurs morales ou spirituelles. Vous êtes là cependant pour témoigner que la grâce, la force et la fidélité de Dieu donnent la force pour porter la croix. Le sacrement est une source permanente de grâce qui accompagne les époux tout au long de leur vie.

C’est d’ailleurs cette fidélité de Dieu sur laquelle insistent saint Paul (Cfr. 1Co 1,9 2Tm 2,13) et saint Jean (1Jn 1,9 Apoc Ap 1,5 Ap 3,14); elle a suscité le vouloir: elle permettra l’accomplissement; l1 elle inspire, provoque et en même temps rend possible la fidélité dans le mariage. Généreuse et magnanime fidélité d’un conjoint à l’autre, des deux à leur mission commune et à l’idéal qu’ils ne réaliseront qu’ensemble et côté à côté, comme le mariage les a trouvés, fidélité à leurs enfants, fidélité à la société dans laquelle ils vivent et qu’ils acceptent de bien servir. Il est alors possible, quoiqu’on en dise de nos jours, de garder et d’épanouir cette fidélité jusqu’au bout, jusqu’à la fin.

Vos Equipes sont nées dans une heure critique de l’histoire, lorsqu’une horrible guerre venait d’accumuler bien des ruines dont les plus graves furent morales et spirituelles. Votre mouvement a contribué au maintien et à l’approfondissement de l’idéal de la famille chrétienne. Demeurez ce que vous avez voulu être depuis le premier jour, en maintenant votre vocation de véritable école de spiritualité pour les foyers, profondément fidèles, en tous domaines, doctrinal, liturgique et moral, au Magistère de l’Eglise (Ph 2,13).

Aux prêtres aumôniers des Equipes, «Je les exhorte, prêtre comme eux, témoin des souffrances du Christ et qui dois participer à la gloire qui va être révélée» (1 Petr. 5. 1): n’hésitez pas à donner le meilleur de votre compétence, de vos forces, de votre zèle pastoral à ce champ apostolique privilégié. Vous y trouvez une portion de l’Eglise dont vous êtes pasteurs. Ne cédez pas à la tentation de croire que votre travail pastoral se limite à un petit groupe de chrétiens. Votre action se multipliera par le rayonnement de tant de foyers. Vous les aidez à approfondir leur vie chrétienne: que la vôtre s’approfondisse dans une égale mesure.

Nous formons des voeux pour que ce pèlerinage à Rome et à Assise vous aide à implanter dans tous les pays les valeurs essentielles du mariage et à susciter des familles qui en vivent. Dans cette espérance, chers Fils et chères Filles, Nous vous assurons de notre prière et Nous vous donnons une paternelle Bénédiction Apostolique.



AUX MEMBRES DE «THE TRILATERAL COMMISSION»*


Samedi 25 septembre 1976




Chers Messieurs,

37 Nous accueillons volontiers votre visite à l’occasion de la réunion à Rome de votre Comité directeur. La science et l’expérience des membres de «The Trilateral Commission» leur permet d’aborder, avec une rare compétence, des thèmes qui ont une importance vitale pour l’aménagement de la société, aux plans politique, économique, professionnel, social. C’est dire que vos discussions, vos publications, votre action peuvent avoir une influence de poids auprès de ceux qui exercent directement les plus hautes charges en ces domaines.

Nous ne doutons pas que vous ne cherchiez à mettre cette «technique» au service des peuples pour un développement qui soit pleinement humain, permettant non seulement l’accroissement des richesses, mais leur répartition équitable et la participation responsable du plus grand nombre; non seulement ce progrès matériel et le bien-être qui en résulte, mais aussi l’épanouissement des qualités morales et spirituelles qui font la grandeur d’une civilisation: l’accès à une culture et à une sagesse qui initient au sens de la vie, la considération accrue de la dignité d’autrui et de sa liberté, la coopération volontaire et généreuse au bien commun, la volonté de paix, le respect de la vie humaine sous toutes ses formes, la fidélité dans l’amour et le souci d’une saine éducation de la jeunesse qui mette en valeur le don de soi, la reconnaissance des valeurs suprêmes et de Dieu qui en est la source et le terme. En cela, Nous vous exprimons notre estime et nos encouragements.

Nous espérons que vos travaux seront bénéfiques, aux pays ou continents que vous représentez certes, - l’Amérique du Nord, l’Europe, le Japon, assez privilégiés pour certaines conditions de vie - mais également aux autres pays, à ceux notamment qui sont vraiment démunis et qui demandent justement, devant les instances internationales, une aide solidaire qui respecte leur dignité. Comme disciple du Christ, Nous sommes particulièrement convaincu de la nécessité de concevoir le pouvoir comme un service. Nous savons que vous y êtes aussi sensibles, Nous prions Dieu de vous inspirer et de bénir vos familles et ceux qui vous sont chers.

*Insegnamenti di Paolo VI, vol. XIV, p.745-746.

L'Osservatore Romano 26.9.1976, p.1.

L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n.41 p.3.



À L’AMBASSADEUR DE FRANCE PRÈS LE SAINT-SIÈGE*


Jeudi 30 septembre 1976




Monsieur l’Ambassadeur,

La chaleur cordiale de vos paroles, l’optimisme dont elles font preuve, la haute considération que vous nourrissez pour la mission du Saint-Siège et de l’Eglise, Nous procurent une vive satisfaction. De tout coeur, Nous vous remercions de ce témoignage et Nous vous confions le soin d’exprimer au Président de la République française notre gratitude pour les nobles sentiments dont vous êtes l’interprète.

Vos propos trouvent en Nous un écho d’autant plus profond que notre regard s’est toujours tourné, avec sympathie et confiance, vers le pays que vous représentez. Non seulement Nous vénérons le rayonnement de tant de ses fils dans le passé, mais Nous nous intéressons grandement à la part que votre peuple peut aujourd’hui apporter à la communauté mondiale et à la vitalité de l’Eglise. Tout ce qui contribue ou contribuera à faire progresser l’esprit humain, en quête de culture et plus encore de sagesse et de valeurs suprêmes, à faire respecter la vie et la dignité humaines sous toutes ses formes, à tempérer la course au bien-être matériel par une solidarité effective avec les plus démunis, à dénouer les noeuds de conflits là où ils sont dangereusement tendus, à substituer la perspective du développement à la prolifération des armes, à favoriser l’effort des jeunes nations, à promouvoir l’entraide au lieu du repli sur soi, la compréhension, la détente, la véritable paix en un mot, tout cela honore un pays, suscite l’acquiescement et l’encouragement de l’Eglise, nourrit l’espoir des hommes. Nous avons grandement apprécié la manière dont Votre Excellence a qualifié cet espoir: «substituer aux causes de divisions des hommes les raisons de leur rencontre». C’est vrai pour les nations assises à la table des Conférences internationales; c’est vrai en particulier des peuples de l’Europe qui ont un témoignage spécifique à donner en ces domaines, et Nous sommes heureux de savoir le souci qu’en portent la France et son Gouvernement.

Pour vos compatriotes eux-mêmes, Nous souhaitons la qualité de vie, la qualité de bonheur auxquelles ils aspirent, et qui seront le fruit de leur courage inventif, de leur solidarité nationale et de leur attachement aux valeurs humaines et spirituelles. Une civilisation n’est grande que par son âme. Et là Nous sommes sûr que les catholiques convaincus peuvent y apporter une part de choix. Des faits récents ont manifesté l’intérêt et même la passion d’une très large faction de l’opinion publique pour les problèmes de l’Eglise. Puissent nos Fils de France, qui savent notre affection, répondre dignement à cette attente, par la profondeur de leur foi, par leur rectitude morale, par leur générosité évangélique, par leur cohésion avec la Tradition vivante de l’Eglise, en communion avec leurs Evêques et avec ce Siège Apostolique, garant et signe de l’unité pour tous les disciples du Christ!


Discours 1976 32