Messages 1978


PAULUS PP VI






14 mai



MESSAGE DE PAUL VI POUR LA JOURNÉE MONDIALE MISSIONNAIRE





A tous nos Frères et Fils dans le Christ !



Parmi les préoccupations de notre ministère apostolique, sont présents à notre esprit, d’une manière toute particulière, l’intérêt pour la cause des Missions et l’étude des problèmes qui en découlent, tant à cause de l’importance que la cause missionnaire a dans la réalité vivante de l’Eglise, qu’à cause de la sensibilité et de la générosité qui sont manifestées à son égard, et avec une chaleur croissante, par tout le Peuple de Dieu.

Nous reprenons donc bien volontiers ce thème inépuisable à l’occasion de la Journée Missionnaire mondiale, mais également parce que nous sommes assuré que les considérations que nous ferons, tout comme les suggestions que nous proposerons, feront l’objet d’une réflexion sérieuse de la part des Prêtres, des Religieux, et de tous les Coopérateurs des Missions Catholiques.

Le thème sur lequel Nous désirons attirer l’attention est justement celui de la coopération, comprise comme l’aide spécifique et directe offerte par l’évangélisation dans les lieux de mission. Nous espérons ainsi que les raisons et les critères d’un tel engagement missionnaire apparaîtront plus clairs et plus urgents.



L’aide apportée à l’évangélisation





Quand on parle de coopération missionnaire, il faut, tout d’abord, se rappeler quel est le but premier de l’action de l’Eglise : l’annonce et la diffusion de l’Evangile de son divin Fondateur. L’aide apportée à l’évangélisation ne peut donc se réduire seulement à une oeuvre de civilisation à caractère humain, ou — comme nous le faisions observer dans le Message de l’an passé — à la promotion du Tiers Monde. L’aide des fidèles doit s’adresser, en toute priorité, d’abord à l’évangélisation vraie et propre, à ce que l’on appelle la première évangélisation, pour faire en sorte que les signes permanents de la présence salvifique de Jésus-Christ par l’intermédiaire de son Eglise, laquelle est « Sacrement universel de salut » (Ad Gentes, AGD 11), soient établis et rendus bien visibles, en chaque communauté humaine.

Le Concile Vatican II nous avertit en effet que « la fin spécifique de l’activité missionnaire est l’évangélisation et la fondation de l’Eglise chez ces peuples et groupes où elle n’existe pas encore » (ibid., n. 6).

C’est donc dans cette perspective que s’inscrit l’aide nécessaire qui est demandée à tous les chrétiens.

Il arrive souvent, cependant que, à l’action évangélisatrice, doivent se joindre des initiatives prises en cas d’urgente nécessité, et ayant pour but le développement matériel et culturel des personnes et des peuples en voie de développement. Mais, même en ces cas, il est nécessaire de conserver à l’annonce de l’Evangile et à la fondation des Eglises locales, leur caractère prééminent, de manière à ce que l’aide technique ou économique apparaisse comme la conséquence logique de la prédication de la loi de l’Amour, apprise à l’école du Christ. Le secours apporté par les Missionnaires se présentera alors sous forme de dévouement fraternel empreint de délicatesse, et pour cette raison, même là où Jésus-Christ ne s’est pas encore manifesté dans la plénitude de sa transcendance, la semence est déjà jetée, et la porte est déjà ouverte pour la prédication ultérieure.

Or, pour pouvoir réaliser ce plan de travail, il faut la coresponsabilité de tout le Peuple de Dieu, c’est un service urgent qui s’impose à tous ceux qui président quelque Communauté que ce soit faisant partie de l’Eglise. Les premiers appelés à cette collaboration, sont les Prêtres, les Religieux et les Laïcs qui veulent vivre en conformité avec leur vocation baptismale. Sans cette dimension missionnaire, l’aide des anciennes Eglises, qui parvient aux individus isolés et aux peuples dans le besoin, pourrait perdre cette valeur de gratitude envers Dieu pour le don inestimable de la foi, et d’amour authentique du prochain, que les propres donateurs veulent y mettre.



L’aide aux jeunes Eglises





La prédication de l’Evangile ne peut se limiter à la simple annonce de la Parole de Dieu, mais doit tendre, de même, à la création de la communauté chrétienne, en la plaçant dans la condition « de pourvoir par elle-même autant que c’est possible, à ses propres nécessités (Ad Gentes, AGD 15), qui sont, en premier lieu, l’accroissement continu des vocations sacerdotales et religieuses, la naissance et la croissance d’initiatives adéquates au niveau religieux, culturel, et au plan de l’aide etc. L’aide missionnaire apportée par les fidèles devra donc être orientée vers ces Eglises particulières de fondation plus récente, lesquelles, étant donné une telle origine, ont besoin du soutien d’une communion effective et du secours concret des Eglises soeurs.

Cette préférence donnée à la répartition de l’aide caritative, bien loin de faire oublier les autres institutions missionnaires existant dans le monde, est la garantie, par la générosité qui s’y révèle, de la protection de la Providence divine.

Parmi les formes d’aide aux jeunes Eglises, il faut citer celle assez répandue aujourd’hui, que l’on appelle « jumelage » : c’est une donnée qu’il faut considérer comme authentique et positive, lorsque elle ne fait pas oublier le but fondamental de la coopération toute ordonnée aux nécessités urgentes de toute l’Eglise Missionnaire. Il se trouve, cependant, que plusieurs Eglises, ayant pourtant besoin de recevoir une assistance, éprouvant quelque hésitation devant le « jumelage », comme si elles craignaient de recevoir l’aide d’une Eglise particulière, préférant recevoir l’aide anonyme provenant d’un organisme central de l’Eglise Universelle, et qui respecte mieux, leur semble-t-il, leur dignité.

Il peut résulter, d’une telle attitude, que quelques jeunes Eglises en arrivent à être oubliées.

Nous voulons donc réaffirmer le principe selon lequel toute Eglise locale, quelle que soit l’époque de sa fondation, doit ressentir l’urgence pour elle d’être évangélisatrice, c’est-à-dire active et préoccupée de susciter et d’animer les diverses initiatives d’apostolat. Dans ce contexte, la jeune Eglise, tout en exprimant sa reconnaissance à la Communauté ecclésiale qui lui vient en aide, loin d’être pour ainsi dire, atrophiée dans son mouvement de croissance, ressentira elle aussi le besoin d’apporter sa propre collaboration généreuse pour favoriser la croissance de l’Eglise dans le monde entier.

II faut aussi se rappeler, à ce sujet, que le progrès économique dans plusieurs régions où le christianisme s’est établi depuis longtemps, permet la naissance et l’épanouissement d’institutions qualifiées d’assistance et de bienfaisance. Cependant, les responsables de tels organismes ne sont pas toujours en mesure de reconnaître, parmi ceux à qui sont adressés les secours, ceux qui en ont le plus besoin; d’autres fois, le secours apporté, par manque d’entente entre l’institution d’aide et la communauté secourue, n’atteint pas le résultat espéré, qui était de développer le sens d’une responsabilité éveillée à la création de structures propres.

Précisément, pour remédier au risque de voir une aide se transformer en aide particulière ou en aide dispersée, il est apparu évident qu’il fallait une coordination à l’échelon supérieur entre les diverses formes de secours et d’aide.



L’aide missionnaire des Oeuvres Pontificales Missionnaires





L’esprit de l’aide, que nous voulons recommander et promouvoir, est précisément celui des Oeuvres Pontificales Missionnaires, dont nous avons, à plusieurs reprises, mis en relief l’importance. Ces Oeuvres, en effet, sont nées au sein même de la Communauté chrétienne, avec le but d’encourager la conscience missionnaire de tout le Peuple de Dieu ; et c’est à cause de leur nature universelle, et littéralement catholique, que nos Prédécesseurs leur ont accordée ce titre : « Pontificales ». Par cette appellation, qui n’est pas seulement honorifique ou décorative, les Oeuvres Pontificales Missionnaires expriment et témoignent leur totale disponibilité pour apporter leur aide à celui « qui préside à la charité universelle ». Etant donné leur caractère pontifical, les dites Oeuvres sont également épiscopales, c’est-à-dire au service de la collégialité épiscopale et de chaque Evêque en particulier, parce qu’il est principe d’unité dans sa propre Eglise locale et responsable de l’évangélisation universelle. De telles Oeuvres sont donc, dans le domaine de la coopération missionnaire, le moyen privilégié mis à la disposition de tout le Peuple de Dieu.

Si, dans l’activité missionnaire directe, la préférence va aux Instituts qui sont sous la direction des Evêques des Eglises particulières, dans la coopération missionnaire, la priorité, de la part de la Communauté chrétienne, revient aux Oeuvres Pontificales Missionnaires. Avec raison donc, le Concile Vatican II a affirmé que « la première place doit être réservée à juste titre à ces Oeuvres, parce qu’elles constituent autant de moyens soit pour inculquer aux catholiques, depuis leur plus jeune âge, un esprit vraiment universel et missionnaire, soit pour provoquer une collecte efficace, de subsides, au profit de toutes les Missions, et selon les besoins de chacune » (Ad Gentes, AGD 38).

L’annonce et la diffusion de l’Evangile, aujourd’hui plus que jamais, demandent une planification d’ensemble prévoyante où concourent toutes les forces catholiques, tandis que le travail nécessaire de synthèse — en tant que service du primat universel du Souverain Pontife et du Collège Episcopal est confié au Dicastère Missionnaire auquel « il appartient de diriger et de coordonner par toute la terre l’oeuvre missionnaire et la coopération missionnaire » (Ad Gentes, AGD 29).

Il est donc souhaitable que dans le programme de renouveau pastoral qui est en cours dans diverses Nations et Diocèses, on accorde aux Oeuvres Pontificales Missionnaires, qui dépendent de la Sacrée Congrégation pour l’Evangélisation des Peuples, la place éminente que le Concile Vatican II et nous-même lui avons reconnue. De la sorte, l’aide qualitative et quantitative apportée à l’oeuvre de l’évangélisation, grâce d’une part à une plus grande application de ses promoteurs, dans le domaine technique et au plan de l’organisation, et d’autre part grâce au sens accru des responsabilités chez les fidèles, ne connaîtra pas d’interruption. Avec ces pensées, Frères et Fils très chers en Jésus-Christ, nous invoquons sur vous et votre travail missionnaire les secours incessants de la Divine Assistance, et, de grand coeur, nous vous accordons notre bénédiction apostolique.



Donné à Rome, auprès de Saint-Pierre, en la solennité de la Pentecôte, le 14 mai de l’an 1978, quinzième de notre Pontificat,




PAULUS PP. VI






24 mai



MESSAGE DE PAUL VI SUR LE DÉSARMEMENT





A l’Assemblée générale de l’ONU



Monsieur le Président,

Messieurs les Représentants des Etats membres des Nations Unies,



A l’occasion de la Session extraordinaire que l’Assemblée générale des Nations Unies a décidé de consacrer au problème du désarmement, il existe une attente, largement répandue, dont Nous avons reçu l’écho. Le Saint-Siège n’a-t-il pas quelque chose à dire sur un sujet d’une si brûlante actualité et d’une si vitale importance pour l’avenir du monde ?

Sans être membre de votre Organisation, le Saint-Siège en suit les multiples activités avec la plus grande attention et avec une profonde sympathie, il en partage les préoccupations et les généreuses intentions. Nous ne pouvons rester insensible à une pareille attente.

Nous accueillons donc bien volontiers la possibilité qui Nous est donnée d’adresser une fois encore notre parole à l’Assemblée générale des Nations Unies, comme Nous avons eu l’honneur de le faire, en personne, en cet octobre 1965 déjà lointain. La circonstance présente est en effet absolument exceptionnelle dans la vie de votre Organisation et pour l’humanité tout entière.



1. Nous venons à vous, aujourd’hui encore, dans l’esprit et avec les sentiments de notre première rencontre, dont le souvenir est toujours vif et cher à notre coeur. Recevez notre salutation respectueuse et cordiale.

Nous venons à vous comme représentant d’une Eglise qui réunit dans son sein plusieurs certaines de millions de personnes réparties dans tous les continents, mais avec la conscience de donner une voix, en même temps, aux aspirations et aux espérances d’autres centaines de millions d’hommes, chrétiens et non-chrétiens, croyants et non-croyants : Nous voudrions les rassembler, comme en un immense choeur qui s’élève vers Dieu et vers ceux qui ont reçu de Dieu la responsabilité du sort des nations.



2. Notre parole veut être, avant tout, une parole de félicitation pour avoir résolu d’affronter avec décision, en ce haut lieu, le problème du désarmement. C’est un acte de courage et de sagesse. C’est la réponse à une exigence extrêmement grave et urgente.

Notre parole est aussi une parole de compréhension. Nous connaissons les exceptionnelles difficultés que vous devez affronter et Nous nous rendons bien compte du poids de vos responsabilités, mais Nous avons confiance dans le sérieux et la sincérité de votre engagement.

Notre parole veut surtout être — si vous le permettez — une parole d’encouragement.



Aspiration à la paix





3. Si les peuples manifestent tant d’intérêt pour le thème de votre débat, c’est parce qu’ils croient que désarmer c’est, en premier lieu, enlever à la guerre ses moyens : la paix est leur rêve, leur plus profonde aspiration.

La volonté de paix est aussi le motif, noble et profond, qui vous a amenés à cette Assemblée. Mais aux yeux des hommes d’Etat, le problème du désarmement se présente sous une forme bien plus articulée et bien plus complexe.

Affronté à la situation telle qu’elle est, l’homme d’Etat se demande, non sans raison, s’il est juste et s’il est possible de ne pas reconnaître aux membres de la Communauté internationale le droit de pourvoir eux-mêmes à leur légitime défense, et donc de se procurer les moyens nécessaires à un tel but.

Et forte est la tentation de se demander si la meilleure protection possible de la paix ne continue pas, en réalité, à être assurée, fondamentalement, par le vieux système de l’équilibre des forces entre les divers Etats ou groupes d’Etats. Une paix désarmée est toujours exposée au danger ; sa faiblesse même est une incitation à l’attaquer.

Sur cette toile de fond, on pourra et on devra — dit-on — développer parallèlement, des efforts visant, d’une part, à perfectionner les méthodes et les organisme destinés à prévenir et à résoudre pacifiquement conflits et affrontements ; et, d’autre part, à rendre moins inhumaines les guerres que l’on ne parvient pas à éviter. En même temps, on pourra et on devra chercher à réduire mutuellement les arsenaux de guerre, d’une manière qui ne rompe pas les équilibres existants, tout en affaiblissant la tentation d’avoir recours aux armes et en allégeant les énormes budgets militaires. Telle paraît être la voie du réalisme politique. Elle se réclame de la raison et de l’expérience. Aller au-delà apparaît aux yeux d’un grand nombre comme une tentative inutile, voire périlleuse.



4. Disons tout de suite que tout progrès substantiel tendant à améliorer les mécanismes de prévention des conflits, à éliminer les armes particulièrement dangereuses et inhumaines, à abaisser le niveau des armements et des dépenses militaires, sera salué par Nous comme un résultat extrêmement précieux et bénéfique.

Mais cela ne suffit pas encore. La question de la guerre et de la paix, en effet, se pose aujourd’hui en termes nouveaux.

Non pas que les principes aient changé. L’agression d’un Etat contre un autre était illicite hier comme elle l’est aujourd’hui. Même dans le passé, un « acte de guerre qui tend indistinctement à la destruction de villes entières ou de vastes régions avec leurs habitants » était un « crime contre Dieu et contre l’homme lui-même » (Gaudium et Spes GS 80). Et la guerre — bien qu’il faille honorer l’héroïsme de ceux qui sacrifient jusqu’à leur vie au service de la patrie ou d’une autre noble cause — a toujours été, en elle-même, un moyen suprêmement irrationnel et moralement inacceptable pour régler les rapports entre les Etats, demeurant sauf le droit de légitime défense.

Mais aujourd’hui, la guerre peut disposer de moyens qui en ont accru « démesurément l’horreur et la perversion » (ibid.).



De l’équilibre de la peur à celui de la confiance





La logique immanente à la recherche des équilibres de forces pousse chacun des adversaires à tenter de s’assurer une certaine marge de supériorité, de peur de se trouver en situation de désavantage. Cette logique, conjuguée avec les progrès vertigineux de l’humanité dans les domaines de la science et de la technique, a conduit à découvrir des instruments de destruction toujours plus sophistiqués et plus puissants. Ils en sont venus à s’accumuler et, en vertu d’un processus presque autonome, tendent à s’engendrer sans cesse, dans une escalade continue, tant quantitative que qualitative, avec une immense dépense d’hommes et de moyens, jusqu’à atteindre, dès aujourd’hui, un potentiel amplement capable d’anéantir toute vie sur la planète.

Les développements de l’armement nucléaire constituent un chapitre spécial, certainement le plus typique et le plus impressionnant, de cette quête de sécurité par l’équilibre des forces et de la peur. Mais peut-on oublier aussi les « progrès » réalisés et à réaliser encore, hélas ! dans le secteur des autres armes de destruction massive ou capables de produire des effets particulièrement dommageables, armes que l’on estime douées, par là même, d’une particulière force de « dissuasion » ?

Mais si « l’équilibre de la terreur » a pu et peut encore servir pour quelque temps à éviter le pire, penser que la course aux armements puisse se poursuivre ainsi, indéfiniment, sans provoquer une catastrophe, serait une tragique illusion.

Certes le raisonnement concerne surtout, au moins directement, les grandes Puissances et les pays qui forment bloc avec elles, mais il serait bien difficile que les autres pays puissent ne pas se sentir concernés.

L’humanité se trouve donc obligée de faire retour sur elle-même et de se demander où elle est en train d’aller, ou mieux, de se précipiter; de se demander surtout si le point de départ n’est pas profondément erroné et ne devrait donc pas être radicalement modifié.

Les raisons d’un changement de ce genre — qu’elles soient des raisons d’ordre moral, de sécurité ou d’intérêt particulier et général — ne manquèrent certes pas.

Mais, est-il possible de trouver un substitut à la sécurité — si peu sûre et si coûteuse qu’elle soit — que chacun cherche à s’assurer en se procurant les moyens de sa propre défense ?



Un problème de confiance mutuelle





5. Peu de problèmes apparaissent aujourd’hui aussi inévitables et difficiles que celui du désarmement. Peu de problèmes répondent autant aux besoins et à l’attente des peuples, et sont aussi susceptibles en même temps de provoquer la, méfiance, le scepticisme et le découragement. Peu de problèmes exigent, de la part de ceux qui doivent les affronter, autant de ressources d’idéal et un sens aussi aigu des réalités. C’est un problème qui se situe, semble-t-il au niveau d’une vision prophétique, ouverte aux espérances de l’avenir ; et pourtant, on ne peut pas vraiment s’y affronter sans rester solidement appuyé sur la dure réalité concrète du présent.

Le désarmement requiert donc un effort extraordinaire d’intelligence et de volonté politique, de la part de tous les membres de la grande famille des nations, pour concilier des exigences qui semblent se contredire et s’éliminer mutuellement.

Le problème du désarmement est substantiellement un problème de confiance mutuelle. Il serait donc vain, pour une grande part, de chercher des solutions possibles aux aspects techniques du désarmement si l’on ne réussit pas à guérir à la racine la situation qui sert d’humus à la prolifération des armements.

Même la terreur des nouvelles armes risque d’être inefficace, dans la mesure où ne sont pas garanties, par d’autres voies, la sécurité des Etats et la solution des problèmes qui peuvent les faire s’affronter sur des points vitaux pour eux.

Il est donc indispensable, si l’on veut — comme cela s’impose — faire des pas substantiels sur la route du désarmement, de trouver le moyen de remplacer « l’équilibre de la terreur » par « l’équilibre de la confiance ».

Mais, pratiquement, cela est-il possible ? Et dans quelle mesure ?

Un premier pas consiste certainement à chercher à améliorer avec bonne foi et bonne volonté l’atmosphère et la réalité des rapports internationaux, spécialement entre les grandes Puissances et les blocs d’Etats. De cette manière, les craintes et les soupçons qui les divisent aujourd’hui pourront diminuer, et il leur sera plus facile de croire à la réelle volonté de paix réciproque. Il s’agit d’un effort long et compliqué, mais que Nous voudrions encourager de toute notre force.

La détente, entendue dans son sens authentique, c’est-à-dire fondée sur une volonté éprouvée de respect mutuel, conditionne la mise en route d’un véritable processus de désarmement. A leur tour, les mesures de désarmement, équilibré et opportunément contrôlé, aident la détente à progresser et à s’affermir.

Toutefois la situation internationale est trop exposée aux mutations et aux caprices toujours possibles de volontés tragiquement libres. Une solide confiance internationale suppose donc aussi des structures objectivement aptes à garantir par des voies pacifiques la sécurité et le respect ou la reconnaissance du bon droit de tous contre des mauvaises volontés toujours possibles ; autrement dit, cela suppose un ordre international qui soit à même de donner à tous ce que chacun, aujourd’hui, cherche à s’assurer par la possession et la menace des armes, quand ce n’est pas par leur emploi.

Mais ne risque-t-on pas de tomber ainsi dans l’utopie ?

Nous croyons pouvoir et devoir répondre résolument : non. Il s’agit il est vrai, d’une tâche extrêmement ardue, mais qui n’est pas inaccessible à la ténacité et à la sagesse d’hommes conscients de leurs propres responsabilités devant l’humanité et devant l’histoire : surtout devant Dieu. C’est dire la nécessité d’une conscience religieuse supérieure. Même ceux qui ne se réfèrent pas à Dieu peuvent et doivent reconnaître les exigences fondamentales de la loi morale que Dieu a inscrite au fond du coeur des hommes et qui doit régler leurs rapports mutuels sur la base de la vérité, de la justice et de l’amour.

A l’heure où les horizons de l’humanité s’élargissent démesurément au-delà des confins de notre planète, Nous nous refusons à croire que l’homme, animé d’une telle conscience, ne soit pas capable d’exorciser le démon de la guerre qui menace de le détruire, même si cela lui demande d’immenses efforts et un renoncement raisonnable à d’antiques concepts qui continuent à opposer entre eux : peuples et nations.



6. En faisant nôtre et en vous exprimant à nouveau le voeu et les angoisses d’une humanité qui aspire à la paix et qui en a besoin, Nous sommes conscient que le chemin qui doit conduire à l’avènement d’un nouvel ordre international capable d’éliminer les guerres et leurs causes, et, par conséquent, de rendre superflues les armes, ne pourra pas, en tous cas, être aussi court que Nous le voudrions.

Il sera donc indispensable d’étudier et de promouvoir, en attendant, une stratégie — progressive, mais presque impatiente en même temps, équilibrée mais courageuse — de la paix et du désarmement, le regard et la volonté fixés sur l’objectif ultime d’un désarmement général et complet.

Nous n’avons pas compétence ou autorité pour vous indiquer les méthodes et les mécanismes d’une telle stratégie qui présuppose, de toute façon, la mise au point de systèmes internationaux de contrôle sûrs et efficaces. Nous croyons cependant qu’il y a un commun accord avec vous sur la nécessité d’établir quelques priorité dans l’effort visant à arrêter la course aux armements et à réduire le poids des armes existantes.

L’armement nucléaire occupe certainement la première place : c’est la menace la plus effrayante qui pèse sur l’humanité. Tout en appréciant hautement les initiatives prises jusqu’à présent dans ce secteur, Nous ne pouvons qu’encourager tous les pays, et en particulier ceux qui en ont la principale responsabilité, à continuer et à développer ces initiatives, en ayant comme objectif final l’élimination totale de l’arsenal atomique. En même temps, on devra trouver les moyens de rendre accessibles à tous les peuples les immenses ressources de l’énergie nucléaire pour leur usage pacifique.

Viennent ensuite les armes de destruction massive, déjà existantes ou possibles, comme les armes chimiques, radiologiques ou de tout autre genre, et celles qui frappent sans discrimination ou, pour employer une expression elle-même assez cruelle, qui ont des effets cruels à l’excès et sans nécessité.

Une mention est à faire également du commerce des armes conventionnelles, qui sont, pour ainsi dire, le principal aliment des guerres locales ou limitées. Devant l’immensité de la catastrophe que signifierait pour le monde ou pour des continents entiers une guerre qui recourrait à tout l’arsenal des armes stratégiques et autres, de tels conflits peuvent paraître de moindre importance, sinon négligeables.

Mais les destructions et les souffrances qu’ils causent aux populations qui en sont les victimes ne sont pas inférieures à celles qui seraient provoquées, à une tout autre échelle, par un conflit général. De plus, l’augmentation des budgets d’armements peut étouffer l’économie de pays souvent encore en voie de développement. Sans compter, ensuite, le danger que, dans un monde devenu désormais petit et dans lequel les différents intérêts interfèrent et s’opposent, un conflit local pourrait peu à peu provoquer de beaucoup plus vastes incendies.



Une grande espérance





7. La course aux armements est un objet de scandale ; la perspective du désarmement est une grande espérance. Le scandale concerne la disproportion criante entre les ressources d’argent et d’intelligence vouées au service de la mort et celles qui sont consacrées au service de la vie. L’espérance est que, en diminuant les dépenses militaires, une part substantielle des immenses ressources qu’elles absorbent aujourd’hui puissent être employées dans un vaste projet de développement mondial.

Nous ressentons le scandale, Nous faisons nôtre l’espérance.

Dans cette même enceinte qui vous rassemble aujourd’hui. Nous nous étions permis de renouveler, le 4 octobre 1965, l’appel lancé à tous les Etats, à l’occasion de notre voyage à Bombay au mois de décembre précédent, à « consacrer au bénéfice des pays en voie de développement une partie au moins des économies qui peuvent être réalisées grâce à la réduction des armements ».

Nous répétons maintenant cet appel avec encore plus de force et d’insistance, en invitant tous les pays à l’étude et à la mise en oeuvre d’un plan organique dans le cadre des programmes pour la lutte contre les inégalités, le sous-développement, la faim, la maladie, l’analphabétisation. La justice le réclame ; l’intérêt général le recommande. Car le progrès de chacun des membres de la grande famille humaine profitera au progrès de tous et servira à établir plus solidement la paix.



Trois impératifs





8. Désarmement, nouvel ordre mondial, développement : trois impératifs inséparablement liés, et supposant essentiellement un renouvellement de la mentalité publique.

Nous savons et Nous comprenons les difficultés que ces impératifs présentent. Mais Nous voulons et Nous devons fortement rappeler à votre conscience d’hommes responsables des destinées de l’humanité, les motifs très graves pour lesquels il est nécessaire de trouver le moyen de surmonter ces difficultés. Ne vous séparez pas sans avoir jeté les fondements et donné l’impulsion indispensable à la solution du problème pour lequel vous êtes ici réunis. Demain il pourrait être trop tard.

Mais, vous demanderez-vous, quelle contribution le Saint-Siège peut-il et veut-il apporter à cet immense effort commun pour le désarmement et pour la paix ?

La question est légitime. Elle Nous place, à notre tour, face à nos responsabilités, vis-à-vis desquelles nos moyens sont très inférieurs à notre volonté.

Le Saint-Siège n’est pas une Puissance, et n’a pas non plus, un pouvoir politique. Dans un traité solennel, il a déclaré qu’il « veut rester et restera étranger aux affrontements temporels entre les Etats, et aux Congrès internationaux convoqués à cette fin, à moins que les parties opposées fassent un appel commun à sa mission de paix, se réservant, de toutes façons, de faire valoir son autorité morale et spirituelle » (Traité du Latran, article 24).

Partageant vos problèmes, conscient de vos difficultés, fort de notre faiblesse elle-même, avec grande simplicité, Nous vous disons donc : si jamais vous croyez que le Saint-Siège puisse aider à surmonter les obstacles qui barrent le chemin de la paix, il ne s’abritera pas derrière l’argument de son caractère « intemporel », il ne se dérobera pas devant les responsabilités que des interventions souhaitées et sollicitées pourraient comporter, tant le Saint-Siège estime la paix, tant il aime la paix !

De toute façon, Nous continuerons à proclamer bien haut, sans Nous lasser, sans Nous décourager, le devoir de la paix, les principes qui en règlent le dynamisme, les moyens de la conquérir et de la défendre, en renonçant d’un commun accord aux armes qui menacent de la tuer en prétendant la servir.

Connaissant la force d’une opinion publique nourrie de solides convictions idéales enracinées dans la conscience, Nous continuerons à coopérer pour éduquer avec vigueur l’humanité nouvelle à la paix ; à rappeler qu’il n’y aura pas de désarmement des armes, s’il n’y a pas de désarmement des âmes.

Nous continuerons à prier pour la paix.

Elle est le fruit de la bonne volonté des hommes, mais elle demeure continuellement exposée à des périls que la bonne volonté ne parvient pas toujours à maîtriser. C’est pourquoi la paix est toujours apparue à l’humanité, surtout, comme un don de Dieu. Nous la Lui demanderons : donne-nous la paix ! Et Nous Lui demanderons de guider vos travaux, afin que leurs résultats, immédiats et à venir, ne déçoivent pas l’espérance des peuples.



(Les sous-titres sont de notre rédaction).






6 août



TRANSFIGURATION : UNE DESTINEE INCOMPARABLE NOUS ATTEND





Texte du discours composé par le Pape pour la récitation de l’Angélus du 6 août et qu’il n’a pu prononcer selon son désir, en présence des pèlerins à Castel Gandolfo, retenu par la maladie qui, le soir même, devait le remettre entre les mains du Seigneur.



Frères et Fils très chers !



La Transfiguration du Seigneur, rappelée dans la liturgie du jour jette une lumière éblouissante sur notre vie quotidienne et nous invite à tourner notre pensée vers le destin immortel que le fait en lui-même recouvre. Sur la cime du Thabor, le Christ dévoile pour quelques instants la splendeur de sa divinité, et se manifeste aux témoins choisis tel qu’il est réellement : le Fils de Dieu, « l’irradiation de la gloire du Père et l’empreinte de sa substance » (cf. Hb He 1,3). Il découvre également le destin transcendant de notre nature humaine, qu’il a assumée pour nous sauver, destinée elle aussi, parce que rachetée par son sacrifice d’amour irrévocable, à participer à la plénitude de la vie, à l’« héritage des saints dans la lumière » (Col 1,12). Ce corps qui se transfigure devant les yeux stupéfaits des apôtres, est le corps du Christ notre frère, mais il est aussi notre corps destiné à la gloire. Cette lumière qui l’inonde est et sera aussi notre part d’héritage et de splendeur. Nous sommes appelés à partager une si grande gloire parce que nous sommes « participants de la nature divine » (2P 1,4). Une destinée incomparable nous attend si nous vivons loyalement notre vocation chrétienne selon les conséquences logiques des engagements de notre baptême.

Que le temps propice des vacances soit à tous favorable pour réfléchir plus à fond sur ces merveilleuses réalités de notre foi. Nous vous souhaitons encore une fois, à vous tous ici présents et à tous ceux qui profitent d’un temps de vacances, de les transformer en occasion de maturation spirituelle.

En ce dimanche nous ne pouvons oublier les hommes qui souffrent des conditions propres de la vie et sont empêchés de s’unir à ceux qui jouissent d’un repos mérité. Nous voulons parler des chômeurs, ils n’arrivent pas à subvenir aux nécessités des leurs par un travail en harmonie avec leur préparation et leurs aptitudes ; les affamés dont le nombre grandit tous les jours dans des proportions angoissantes ; et tous les hommes en difficulté à la recherche d’une activité satisfaisante dans la vie économique et sociale.

Que pour toutes ces intentions notre prière mariale s’élève aujourd’hui fervente, qu’elle invite, aussi chacun de nous à des résolutions de solidarité fraternelle. Que Marie, la Mère empressée et prévenante accorde à tous son regard et sa protection.









JE CROIS, J’ESPERE, J’AIME



Le Testament de Paul VI

Au cours de la réunion de la Congrégation générale des Cardinaux qui s’est déroulée le jeudi 10 août, le texte des dernières volontés de Paul VI a été lu. Avant d’être publié, sa famille en avait eu connaissance. Le testament comprend un texte écrit le 30 juin 1965 auquel ont été ajoutés deux compléments, l’un de 1972 et l’autre de 1973. L’ensemble comprend quatorze pages manuscrites. Le premier texte ajouté fut écrit à Castel Gandolfo. Outre la date : 16 septembre 1972, est aussi indiquée l’heure : 7h30 avec l’indication : « Notes complémentaires au testament ». Le second texte ajouté est intitulé : « supplément à mes dispositions testamentaires », il comprend quelques lignes écrites sur une unique feuille le 14 juillet 1973.




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