Scivias FR 3911

11. La fin des temps (42)

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LA COUPOLE PENCHÉE.

Je vis ensuite apparaître vers l’Aquilon [F] (2), cinq animaux (3) : L'un ressemblait à un chien tout en feu, mais sans flammes; l’autre à un lion couleur fauve ; l'autre à un cheval blanc et l'autre à un porc de couleur noire, et l'autre à un loup de couleur grise ; et tous se tournaient vers l’occident. Et à l’occident parut devant ces animaux une colline ayant cinq monticules ; et chacun des animaux était muselé à une corde qui se réunissait aux cinq monticules de la colline (1). Et ces petites cordes étaient toutes de couleur brune (2), excepté celle de couleur noire et blanche, qui attachait le loup (3).

Et voilà qu’à l’orient [E] le jeune homme, que j’avais vu à l’angle de conjonction du mur lumineux au mur de pierre revêtu d’une tunique de pourpre, reparut sur ce même angle de conjonction (1). Mais maintenant il m’apparaissait depuis le ventre jusqu’aux pieds, et dans le milieu de la structure humaine il brillait comme l’aurore (2). Et il y avait à cet endroit une lyre posée en travers (3). Et depuis cette place jusqu’au talon, c’est-à-dire jusqu’à la cheville à deux doigts de la plante des pieds son corps était ombragé (4); car, depuis cette limite ses pieds apparaissaient en entier blancs comme du lait (5),

Mais cette autre image que j’avais vue (6) devant l’autel, c’est-à-dire en présence de Dieu, me fut aussi montrée, mais de manière que je pouvais voir maintenant le reste du corps (1). Car depuis le ventre jusqu’au milieu de la structure humaine elle avait différentes taches de rugosité. Et à cette place (2), apparaissait une tête monstrueuse et noire, ayant des yeux de feu ; ses oreilles ressemblaient à celles d'un âne, et ses narines et sa bouche étaient celles d’un lion, qui poussait de terribles rugissements, et qui horrible à voir grinçait convulsivement les dents (3). Et depuis cette tête jusqu’à ses genoux cette image blanche et rouge (4) était comme opprimée par une grande douleur. Mais ses deux jambes depuis les genoux jusqu’aux deux cordons blancs, qui se nouaient transversalement au-dessus des pieds, paraissaient couvertes de sang (5).

Alors cette tête monstrueuse quitta la place qu'elle avait, avec tant de fracas, que l’image de la femme en était émue dans tous ses membres (1). Et cette image fut unie à cette tête, comme une masse impure (2). Et cette tête, s'élevant jusqu’à une montagne, essaya de s’élever au ciel. Mais tout à coup le tonnerre éclata, frappa cette tête avec tant de violence, qu'elle tomba du haut de cette montagne, et quelle rendit le dernier soupir (3). Et tout aussitôt une nuée noirâtre enveloppa cette montagne (4) ; et dans cette nuée cette tête fut enveloppée d’une si grande souillure, que tous les peuples voisins étaient frappés de terreur, voyant que cette nuée demeurait un peu trop longtemps sur cette montagne (5) Le peuple, témoin de ce prodige et saisi d’une grande crainte, disait : « Hélas ! hélas ! qu'est ceci? quelle chose extraordinaire ! Ah! qui pourra nous sauver? qui pourra nous délivrer? Nous ne savons pas comment nous avons pu nous laisser séduire. O Dieu tout-puissant, ayez pitié de nous. Revenons, revenons donc. Hâtons-nous d'embrasser le testament de l’Evangile du Christ. Car, hélas! hélas! nous avons été séduits. » Mais voici que les pieds de l’image de cette femme apparurent tout éclatants de blancheur, et resplendissants comme le soleil (1). Et j’entendis une voix du ciel qui me disait : « Quoique toutes choses sur la terre touchent à leur fin, en sorte que le monde, privé de toutes ses forces, s’incline vers sa ruine, sous l’oppression de ses douleurs et de ses fléaux, cependant l'Epouse de mon Fils, persécutée dans ses enfante par les précurseurs du fils de la perdition et le fils de la perdition lui-même, ne sera pas ébranlée, bien qu’elle soit vivement combattue par eux. Au contraire, elle en sortira sur la fin des siècles plus forte et plus vigoureuse, et, paraissant plus belle et plus glorieuse, elle se présentera à son époux avec plus de douceur et de suavité pour recevoir ses caresses. C’est le sens mystérieux que te présente la vision qui t’est donnée. »

La journée de la grande révélation; les nouveaux cieux et la nouvelle terre (16)

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LA DERNIERE CONSOMMATION

Après, je vis que tous les éléments et toutes les créatures étaient frappés d’une terrible commotion ; le feu, l’air et l’eau rompirent leurs limites, et firent trembler la terre. Les foudres et les tonnerres retentirent, les montagnes et les forêts se renversèrent au point que toute âme vivante succomba. Alors tous les éléments furent purifiés de manière à faire disparaître à jamais tout ce qu’il y avait en eux de souillures. Et j'entendis une grande voix crier avec force par toute la terre, et dire : « O enfants des hommes, levez-vous tous, vous qui êtes ensevelis dans la terre. » Tout à coup tous les ossements humains, en quelque lieu qu’ils fussent, de se réunir, de se revêtir de leur chair : tous les hommes de ressusciter avec tous leurs membres et dans leur sexe, les bons tout brillants de clarté, les méchants apparaissant ténébreux, en sorte que l’œuvre de chacun se manifestait clairement en lui-même. Et les uns avaient le signe de la Foi, d’autres en étaient privés. Et parmi ceux qui avaient ce signe les uns le portaient sur leur front comme l'éclat de l’or, d’autres avaient comme une ombre qui était pour eux une flétrissure.

Et voilà que du côté de l’orient resplendit soudain une grande clarté ; c’était le Fils de l’homme dans une nuée avec le même visage qu’il avait sur la terre ; il venait avec les chœurs des Anges, portant à découvert les plaies qu’il avait reçues. Il était assis sur un trône brillant, mais sans feu, ayant sous lui la grande tempête qui devait purifier le monde.

Et ceux qui avaient le signe de la Foi furent enlevés avec lui comme en un tourbillon dans les airs, à l'endroit où j’avais vu d’abord la lumière qui représente le secret du suprême Créateur (1) ; et les bons étaient là séparés des méchants. Puis, comme il est écrit dans l’évangile, il bénit avec douceur les justes pour le royaume céleste ; et d’une voix terrible, comme il est encore écrit, il condamna les pécheurs aux peines de l'enfer. Et cela sans autre examen, sans autre réponse sur leurs œuvres, que ceux qui sont indiqués dans l'Évangile ; parce que toute oeuvre soit pour le bien, soit pour le mal sera marquée dans chaque individu. Quant à ceux qui n'avaient point le signe du baptême, ils étaient vers l’aquilon [F] avec la troupe des démons, et n’avaient point part à ce jugement; mais, voyant toutes ces choses comme un tourbillon, ils attendaient la fin du jugement; et poussaient en eux-mêmes de profonds soupirs.

Après le jugement, les foudres, les tonnerres, les vents et les tempêtes cessèrent ; et tout ce qu’il y avait de périssable dans les éléments disparut, et il se fit un grand calme. Alors les élus devenus tout à coup aussi resplendissants que le soleil se dirigèrent en grande joie vers le ciel avec le Fils de Dieu et toute la troupe bienheureuse des Anges ; tandis que les réprouvés, poussant des hurlements affreux, étaient entraînés en enfer avec le Diable et ses Anges. Et c’est ainsi que le ciel reçut les élus, et que l’enfer engloutit les réprouvés. Aussitôt de si grandes joies et de si grandes louanges éclatèrent dans le ciel, et une si grande tristesse et de si grands cris retentirent dans le lac de l’abîme, que le sens humain n’est pas capable de l’exprimer.

Bientôt après tous les éléments resplendirent dans une sérénité parfaite, comme si la nature se dépouillait d’une peau noire, en sorte que le feu avait perdu pour toujours son ardeur, l'air sa densité, l’eau l’impétuosité de ses vagues, la terre sa fragilité. De même le soleil, la lune et les étoiles, comme un vaste ornement dans les cieux, brillaient de la plus belle splendeur, et demeuraient fixes sans orbites, de manière à faire disparaître les vicissitudes du jour et de la nuit. Il n’y avait plus de nuit, c’était continuellement le jour (1). Et c’est fini.

Et j’entendis encore une voix du ciel me dire : « Ces mystères annoncent les derniers temps, où tout ce qui est temporel sera changé en l’éternelle splendeur qui ne finira jamais. Les derniers temps seront accablés de divers fléaux, et la fin du monde sera annoncée par différents signes. Comme on le voit, au dernier jour, tout l’univers sera frappé de mille terreurs, et sera ébranlé par des tempêtes, en sorte que tout ce qui est périssable périra dans ces calamités. Car le monde, ayant achevé sa course, ne pourra durer plus longtemps, mais il sera consumé selon les divins décrets. Et de même qu'un homme sur sa fin succombe prévenu par de grandes crises, en sorte qu’au moment même de sa mort il est brisé par de grandes douleurs; de même le monde sera prévenu de sa fin par des calamités, qui, au moment même de sa ruine, le briseront dans de grandes terreurs : A ce spectacle les éléments sembleront reculer d’horreur, et ne pourront plus en supporter l'éclat.


Eloge de la sainteté

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EPIPHONÈME.

Je vis ensuite un éther splendide, dans lequel j’entendis au milieu de toutes les allégories, une admirable symphonie de toutes sortes d’instruments de musique; 1° par les louanges des joies des citoyens du ciel ; 2° et de ceux qui persévèrent en marchant constamment dans la voie de la vérité ; 3° par les plaintes de ceux qui sont ramenés à louer les Saints; 4° par le zèle des vertus s’animant pour le salut des peuples, malgré les embûches des démons ; mais elles parviennent à les vaincre, en ce que les hommes fidèles passent par la pénitence de l’état du péché à l'amour des choses célestes. Et leur concert était comme la voix d'une multitude s’harmonisant par différentes hiérarchies pour l’accord des suprêmes louanges.

1° Louanges aux citoyens du ciel.

Et elle disait : « O pierre précieuse, éclatante, en toi s’est répandue la gloire très-pure du soleil, cette fontaine jaillissante du cœur de Dieu le Père, qui est son Verbe unique, par lequel il a créé la première matière du monde, qu’Eve a troublée. Ce Verbe a formé un homme en toi, et tu es la pierre précieuse, éclatante, d’où le Verbe lui-même a produit toutes les Vertus, de même que dans la première matière il a produit toutes les créatures (1).

O très-doux rejeton de la race de Jessé, ô combien est grande ta vertu, pour que le Seigneur ait jeté les yeux sur la plus belle des filles. Comme l’aigle fixe le soleil, le Père céleste à considéré l’éclat de cette Vierge, lorsqu’il a voulu incarner en elle son Verbe. Car l’âme de la Vierge étant initiée aux mystères secrets de la Divinité, une fleur éclatante se produisit miraculeusement de la Vierge (2).

Et ce concert dit encore : « O très-glorieuse lumière vivante, Anges qui, placés au-dessous de ta Divinité, contemplez dans vos célestes ardeurs les yeux mêmes de Dieu, sous l'obscurité mystérieuse qui convient à la créature, en sorte que vous ne pouvez jamais être satisfaits. O combien glorieuse est la joie de votre nature, demeurée intacte de toute mauvaise pensée, qui s'est aussitôt élevée dans votre compagnon, cet ange déchu, en voulant voler au-dessus du pinacle intérieurement caché de la Divinité. Dès ce moment ce séducteur a été précipité dans sa ruine, mais ses suppôts ont résolu d’entraîner dans le malheur de sa suggestion toute créature sortie des mains de Dieu. C'est pourquoi, vous, O Anges! qui conservez les peuples dont vous êtes la forme (cf.
He 1,14); ô vous, Archanges ! qui recueillez les âmes des justes (2); ô vous, Vertus ! Puissances ! Principautés ! Dominations ! et Trônes! qui êtes comptés pour le mystérieux nombre cinq (3) ; ô vous enfin, Chérubins et Séraphins ! qui êtes le sceau même (1) des secrets de Dieu, louange à vous, qui voyez comme en une fontaine l’ancienne place du coeur de Dieu. Vous voyez la force intérieure du Père, qui produit de son cœur de (grandes) figures (2). »


2° Louanges de ceux qui persévèrent.

« O hommes à jamais recommandables ! qui sur la terre avez contemplé des yeux de l’esprit les choses cachées, qui avez annoncé sous des figures frappantes la Vive et pénétrante lumière qui sortait du rameau fleuri comme du trône de la lumière incréée ; vous avez prédit dans des temps reculés le salut des âmes exilées, qui avaient été ensevelies dans la mort. Vous vous êtes animés comme les roues (3), pour dire dans un admirable langage les merveilles de la montagne qui touche le ciel, tout en répandant l’onction sur de grandes eaux (1), puisque parmi vous a surgi une lampe ardente (2), qui illumine par avance cette montagne (8). O vous, fécondes racines ! avec lesquelles l’œuvre des miracles et non l’œuvre des crimes a été plantée à travers le torrent, comme dans la voie des ombres transparentes (4), Et toi aussi voix (5) toute de feu, l’abrégé (6), le précurseur de la pierre lisse, qui renverses l’abîme. O vous tous, réjouissez- vous dans votre chef, réjouissez-vous en celui que plusieurs ont désiré de voir, et qu’ils ont ardemment invoqué. »

Et cette symphonie dit encore : « O troupe aguerrie du rameau fleuri sans épines (7) ! tu retentis par tout l’univers en parcourant toutes les nations dont le goût perverti se pourrit parmi les animaux immondes ; tu les a combattues par le docteur inspiré (8), le protecteur de celui qui plante les racines (l), afin de dresser les pavillons et de terminer l'édifice du Verbe éternel. Tu es, toi aussi, la noble race du Sauveur ; tu es partie pour les régénérer par le baptême dans le sang de l'Agneau; c'est lui qui t’a envoyée à travers le glaive parmi des chiens cruels (2). Ces hommes pervertis ont anéanti leur gloire par les œuvres mêmes de leurs mains ; car, voulant assujettir à leur puissance celui dont l’œuvre n'est point faite de mains d'hommes, ils n'ont pu même le saisir (Lc 1,71). Mais, o troupe très-illustre des Apôtres ! tu te lèves pleine de la vraie sagesse pour briser les portes de l'école de Satan (Ps 23,7 Ps 23,9), en purifiant dans les eaux de la vive fontaine ceux qu'ils ont entraînés. Tu es une lumière éclatante au milieu des plus épaisses ténèbres, ô réunion des plus fortes colonnes! pour soutenir avec tous ses ornements l'épouse de l’Agneau; l’Agneau pour la joie duquel la Vierge-mère elle-même est la première Porte-croix (1). Car l'Agneau est l'époux immaculé, et son épouse est immaculée. »

Cette symphonie disait encore : « Victorieux triomphateurs ! qui par l’effusion de votre sang avez rendu hommage à l’établissement de l’Eglise (2); vous avez mêlé votre sang à celui de l'Agneau, faisant le repas (3) avec le veau gras (4). Oh! combien est grande la récompense que vous possédez, vous qui avez méprisé vos corps sur la terres en imitant l’Agneau de Dieu, vous avez honoré sa Passion, par laquelle il vous a rétablis dans l'héritage où vous êtes entrés. Vous êtes des boutons de roses, vous qui, par l’effusion de votre sang, jouissez du plus grand bonheur, ce bonheur qui découle et ruisselle de la Rédemption, comme de la source du plus profond décret du conseil divin, ce bonheur qui réside avant tous les siècles au Dieu éternel. Que tout honneur rejaillisse sur votre union à votre origine (5). Vous êtes tous l’instrument de l'Eglise puisque vous l'avez abondamment inondée du sang de vos blessures. »

Et ce concert continuait : O courageux héritier du lion (1) ! qui dominez entre le temple et l'autel (2), pour l'administration (3), vous êtes comme les Anges qui, tout en publiant ses louanges, assistent les peuples pour les secourir; vous êtes parmi les Esprits célestes, qui en sont chargés, tout occupé de ces soins continuels dans la mission que vous a confiée l'Agneau. O imitateur de cette sublime personne sous les plus précieux et les plus excellents rapports, qu'il est relevé votre pouvoir! par lequel un simple mortel procède en liant et déliant de la part de Dieu les faibles et les étrangers (4), et conférant même des pouvoirs aux innocents et aux coupables (5), et dispensant les plus grandes charges. O vous! qui remplissez si bien les fonctions de l'ordre angélique, et qui prévoyez les établissements solides qu’il est nécessaire de fonder; c’est en cela que votre dignité est relevée (1) ! »

Et ce concert disait de même : « O beaux visages ! à qui il est donné de voir Dieu, vous qui prenez votre modèle sur l'aurore (2), ô bienheureuses vierges ! que vous êtes nobles ! vous, en qui le Roi s’est miré, lorsqu'il a représenté en vous la splendeur même des cieux, où vous êtes par tous vos ornements comme un jardin délicieux, exhalant les plus suaves odeurs. O verdoyante noblesse ! qui places ton origine au soleil, qui brilles d’une clarté sereine dans la roue (3), et qu’aucune perfection terrestre ne peut même comprendre, tu es entourée des étreintes des divins mystères (4); tu rougis comme l’aurore, l’ardeur de ta flamme est celle du soleil (5). »


3° Plaintes de ceux qui sont convertis.

Puis la même symphonie, comme la voix d’une multitude, exhalait ses plaintes sur ceux qui devaient être ramenés aux mêmes degrés de cette harmonie ; voici donc ces gémissements : « Oh ! cette voix, qui se plaint, exprime une profonde douleur. Hélas ! hélas ! une admirable victoire est résultée d’un admirable amour de Dieu, dans laquelle se cache sourdement l’aiguillon de la chair (1). Hélas! hélas ! en quel lieu la volonté pourra-t-elle ignorer le crime, où le désir de l’homme pourra-t-il éviter la passion? puisqu’un si petit nombre parvient jusqu’à toi (2 cf. 2Co 12,14 Mc 14,58). Pleure donc sur cette faiblesse, ô candeur ! toi qui n’as point perdu la belle modestie de l’innocence, et qui n’as point goûté l’amorce attrayante de l’antique serpent, pleure de ce que les hommes ont si peu d’attention à te conserver. O vive fontaine (l) ! combien est grande ta douceur, toi qui n’as point perdu de vue ces pécheurs; mais qui as adroitement prévu le moyen d’échapper à la chute des Anges, lorsqu’ils ont ambitionné un état qu’il ne leur était pas permis d’avoir. Réjouis-toi, fille de Sion, parce que le Seigneur te rend un grand nombre de ceux que le serpent a voulu te ravir. Mais, en dépit des démons, ils brillent maintenant d’une plus grande lumière qu'avant la Rédemption. Car, cette vive lumière dit en parlant de ces âmes : « J’ai confondu le serpent séducteur par sa séduction même, qui n’a pas eu le succès qu’il en attendait. Aussi l’ai-je juré par moi-même, je ferai tant et plus dans cette lutte, que tu ne pourras te vanter d’aucune victoire, ô serpent! Car j’ai coupé court à ta suggestion, pour retrancher et faire disparaître le résultat de ta cruauté, Séducteur infâme (2) !»


4° Le zèle des vertus s’animant pour le salut des peuples.

Et cette symphonie continuait, comme la voix d'une multitude par le zèle des vertus pour le salut des hommes. Malgré les efforts contraires des ruses sataniques, pour porter aux vices, les vertus parvenaient à les déconcerter, en ramenant enfin sous l’inspiration divine les peuples à la pénitence, et elle s'écriait dans son harmonie : « Nous, les vertus, nous sommes en Dieu, nous vivons en Dieu, nous combattons pour le Roi des rois, et nous séparons le bien du mal. Car nous avons été les premiers à combattre, lorsque nous sommes restés vainqueurs, tandis qu'il est tombé celui qui voulait s'élever au-dessus de lui-même. Marchons donc maintenant encore pour secourir ceux qui nous invoquent, rompre les filets du démon, et conduire ceux qui veulent nous imiter jusqu'aux bienheureuses demeures (1).»


5e ÉPIPHONÈME.
Gémissements des Ames ensevelies dans la chair.

« Oh! pauvres exilées! qu’avons-nous fait en nous éloignant par le péché? nous devrions être les filles du roi, et nous voilà tombées dans l’ombre de la mort. O soleil vivifiant ! portez-nous sur vos épaules jusqu’au légitime héritage, que nous avons perdu en Adam. O Roi des rois ! nous combattons vos combats.


Prière de l'âme fidèle.

« O douceurs de la divinité ! ô vie délicieuse! dans laquelle je serai revêtue de cet habit lumineux, que j’ai perdue à mon origine, je te réclame, j’invoque toutes les vertus. »


Réponse des vertus. .

« O âme trop heureuse ! ô douce créature de Dieu ! qui es élevée dans la sublime profondeur de Dieu, que tu as de zèle ! »


L’âme fidèle.

« Oh ! je voudrais aller à vous, pour connaître l’union des cœurs !


Les vertus.

« Attends, fille du Roi, c’est avec toi que nous devons combattre. » -


L’âme fidèle.

« Oh! le rude labeur ! oh ! quelle lourde charge ai-je à soutenir sous cette enveloppe mortelle, il est dur de combattre contre la chair »


Les vertus.

« O âme ! respecte l’état où le Seigneur t’a placée, tu es l’heureux instrument dont Dieu s’est servi dans la virginité, pour briser ce qui te fait peine à combattre ; c’est avec nous que tu dois vaincre Satan.


L’âme fidèle.

« Accourez vite à mon secours, afin que je puisse résister.»


La science de Dieu (1)

« Considère la force (2),t dont tu es revêtue, ô fille du salut ! Sois ferme, et tu ne tomberas pas. »


L'âme fidèle.

« Oh! je ne sais que faire ? Où vais-je fuir ? Je ne puis achever tout ce qui m’entoure, je vais certes m'en débarrasser (1).


Les vertus.

«O malheureuse conscience ! ô pauvre âme ! pourquoi cacher ainsi ton visage devant ton Créateur. »


L'âme fidèle.

« Dieu a créé le monde pour en jouir, je ne pêche point en usant de la création.»


Satan.

« Que tu es folle ! de quoi te sert ton travail ? Vois le monde, il te couronnera d’honneurs. «


Les vertus. ,

«Hélas! hélas! pleurons, ô vertus, lamentons-nous, parce que les brebis du Seigneur fuient la vie. »

L’humilité.

«Je suis la reine des vertus : Venez à moi, dit l’humilité, et je vous nourrirai pour chercher la dragme perdue, et la couronner heureusement dans sa persévérance.»

Les vertus.

« Oui, nous viendrons à toi, glorieuse reine, ô la plus douce médiatrice (l)! »

L'humilité.

«C’est pourquoi, mes très chères filles, je vous retiens pour les noces du Roi. O filles d'Israël (2), Dieu vous a réveillées sous un tronc d'arbre (3) Rappelez-vous donc en ce moment votre origine. Eclatez de joie, o filles de Sion ! »

Satan.

» Quelle est celle qui peut dire que nul n’existe excepté DIEU? Je dis moi : Celui qui me recherche et qui voudra suivre ma volonté, je lui donnerai toutes choses. Mais toi, que peux-tu donner avec tes compagnes? vous ne savez toutes qui vous êtes. »


L'humilité.

« Je sais toujours bien avec mes campagnes, que tu es l’ancien serpent, qui as voulu t’élever au-dessus du Très-Haut ; mais Dieu même t'a précipité dans les profondeurs de l’abîme. »


Les vertus.

«Pour nous, nous habitons toutes les sublimes hauteurs. »


L’âme fidèle.

« O royales vertus! que vous etes belles, que vous êtes brillantes dans le soleil élevé ! et qu’elle est douce votre demeure ! C’est pourquoi je suis bien à plaindre de vous avoir quittées ! »


Les vertus

«Oh! viens, reviens vers nous, fugitive, et le Seigneur te recevra. »


L'âme fidèle.

« Hélas ! l’ardeur des passions m’a entraînée dans le péché, et c’est pourquoi je n’ai pas osé me présenter à vous.»


Les vertus

« Ne crains rien, ne fuis plus, car le bon pasteur cherche en toi la brebis égarée. »


L’âme fidèle.

« Il est absolument nécessaire que vous daigniez me recevoir, parce que mes blessures se sont envenimées par la contagion qu’y a répandu l’ancien serpent.»


Les vertus.

« Accours, suis les traces, où tu ne peux plus tomber en notre compagnie, et le Seigneur te guérira. »


L’âme fidèle.

«Moi, pauvre pécheresse, qui, pleine d'ulcères, ai fui la vie, j'irais vers vous, pour que vous me présentiez le bouclier de la Rédemption ! »

Les vertus.

« O âme fugitive! sois fertile, et revets-toi des armes de la lumière. »


L'âme fidèle

« O troupe entière de la reine des vertus (1) ! ô vous, lis éclatant avec la rose empourprée! inclinez-vous vers moi, car j’étais exilée loin de vous, et secourez-moi afin que je puisse revivre dans le sang du Fils de Dieu. Et toi, vrai baume, ô humilité ! prête- moi ton secours, parce que l’orgueil, me faisant par les vices de profondes blessures, m’a brisée. J’accours maintenant vers toi, daigne me recevoir. »


L'humilité.

« Vous toutes, ô vertus ! recevez cette pécheresse, qui pleure sur ses blessures, à cause des plaies de son Sauveur, et amenez-la-moi. »


Les vertus.
« Nous voulons te l’amener, nous ne voulons pas te quitter, et toute la cour céleste se réjouit de ta joie; il faut donc laisser éclater nos transports. »


L'humilité.

« O pauvre fille, viens m'embrasser, car c’est pour toi que le grand médecin a souffert des plaies cruelles et bien amères. »


Satan

» Qui es-tu ? d'où viens-tu? Tu m’as recherchée, je t’ai fait parcourir le Jmonde extérieur, et maintenant tu me confonds par ton retour? Ah je te renverserai par mes combats (1). «


L'âme fidèle,

« J'ai reconnu que toutes tes voies étaient mauvaises, c'est pourquoi je t'ai fui, c’est maintenant que je te combats, trompeur. «


L'âme fidèle.

« Viens donc, humilité, ma reine ! viens me guérir par ton baume. »


L’humilité

« O victoire (1) ! qui as déjà terrassé ce démon dans les cieux, pars avec tes compagnes, et venez toutes l’enchaîner. »


La victoire aux vertus.

O très-forte et très-glorieuse milice! venez m’aider à lier ce trompeur. »


Les vertus.

« O très-douce guerrière au torrent de la fontaine», qui as englouti ce loup ravissant, nous combattons volontiers avec toi contre ce séducteur des âmes. »

L’humilité.

« Liez-le donc, o très-illustres vertus! »

Les vertus.
« O notre reine ! nous allons vous obéir, et nous suivrons en tous points vos ordres. »

La victoire.

«Réjouissez-vous, mes compagnes, parce que l'ancien serpent est enchaîné! »


Les vertus.

« Louanges à vous, ô Christ, roi des Anges! Qui êtes-vous, Seigneur, pour avoir daigné concevoir en vous-même le grand dessein de fermer ce gouffre infernal aux publicains et aux pécheurs? Ils brillent maintenant dans la beauté suprême: Gloire à vous donc, ô notre Roi ! ô Père tout-puissant! C’est de vous que sort la fontaine de l’ardente lumière. Conduisez vos enfants par le vent favorable, qui gonfle les voiles des mers, de manière à nous les laisser diriger heureusement au port de la Jérusalem céleste. »



Et ces voix étaient comme les voix des multitudes, lorsqu’elles font retentir leurs clameurs. Et leur concert me pénétra tellement, que je compris incontinent ce qu’elles voulaient dire.

Alors j’entendis une voix partir de ce même brillant éther pour me dire : « Ces louanges continuelles de la voix et des cœurs sont adressées au Créateur suprême, qui soutient lui-même par sa grâce non-seulement ceux qui sont debout, qui persévèrent, mais encore ceux qui sont tombés, ou penchés vers la ruine, pour les placer sur des trônes célestes. »

FIN.






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