Bernard, de Consideratione 1215

CHAPITRE VIII. Excellence de la dignité et de l'autorité pontificales.

1215 15. Eh bien, voyons maintenant de plus près qui vous êtes, c'est-à-dire quel est, dans le temps, votre rôle dans l'Église de Dieu. Qui êtes-vous donc? Le grand-prêtre, le souverain Pontife. Vous êtes le premier des évêques, l'héritier des apôtres, vous rappelez Abel par la primauté, Noé par le gouvernement, Abraham par le patriarchat, Melchisédech par l'ordre, Aaron par la dignité, Moïse par l'autorité, Samuel par la juridiction, Pierre par la puissance et Jésus-Christ par l'onction. C'est à vous que les clefs ont été remises, à vous aussi que les brebis ont été confiées. Sans doute il en est d'autres qui peuvent aussi ouvrir le ciel et prendre soin des brebis du Seigneur; mais ce pouvoir est d'autant plus glorieux entre vos mains due vous l'avez reçu d'une manière toute différente des autres. Ils n'ont de troupeau que celui qui leur est assigné, chacun d'eux a le sien, tandis que pour vous tous les troupeaux n'en font qu'un dont vous êtes le pasteur (a), chargé de paître seul non-seulementles brebis, mais tous leurs pasteurs avec elles. Vous me demandez la preuve de ce que j'avance, la voici dans un mot du Seigneur.

Quel est, je ne dis pas l'évêque, mais l'apôtre à qui toutes les brebis ont été confiées sans distinction aucune, et en des termes aussi absolus que ceux-ci: «Si vous m'aimez, Pierre, paissez mes brebis (
Jn 21,15)?» Quelles brebis? Sont-ce les habitants de telle ou telle cité, de telle ou telle contrée, de tel ou tel royaume? «Mes brebis, n répond le Seigneur. N'est-il pas évident pour tout le monde qu'il n'a point voulu parler seulement de quelques-unes de ses brebis, mais de toutes? Irons-nous distinguer quand il ne fait point d'exception? Et peut-être les autres disciples étaient-ils présents lorsque, confiant toutes ses brebis à un seul pasteur, Jésus-Christ recommandait à tous ses apôtres l'unité de troupeau et de pasteur, selon cette parole du Cantique des cantiques: «Une seule est ma colombe, ma belle et ma parfaite amie(Ct 6,8).» Là où est l'unité, là est la perfection; les autres nombres ne deviennent pas plus parfaits en s'éloignant de l'unité, ils ne deviennent que plus divisibles. Voilà pourquoi les autres apôtres qui avaient compris le sens caché des paroles du Maître ne prirent chacun la conduite que d'un peuple en particulier. Saint Jacques lui-même, qui passait pour la colonne de l'Eglise, se contentant de l'Eglise de Jérusalem, laissa à Pierre la conduite de l'Eglise entière. Il était d'ailleurs déjà bien beau pour lui d'être destiné à susciter des enfants à son frère mort dans le lieu même où était mort celui dont il est appelé le frère (Ga 1,19). Or quand le frère du Sauveur le cède lui-même à Pierre, qui oserait revendiquer pour lui ses prérogatives?
1216 16. Ainsi, d'après vos propres canons, les autres n'ont reçu en partage qu'une portion de la sollicitude (b), tandis que vous, vous avez été appelé à la plénitude de la puissance: leur pouvoir est resserré dans des bornes précises, et le vôtre s'étend sur ceux mêmes qui ont reçu le droit de commander aux autres. Ne pouvez-vous pas, lorsque le cas l'exige, fermer le ciel à un évêque, le déposer de son siège et même le livrer à Satan? Vous avez donc un privilège incontestable sur les clefs du ciel qui vous ont été remises et sur les brebis du Seigneur qui vous ont été confiées.

Mais écoutez, voici qui prouve encore votre prérogative. Les disciples naviguaient sur la mer de Tibériade (
Jn 21) quand le Seigneur

a Nous préférons cette leçon à celle de Vossius, qui fait dire en cet endroit à saint Bernard: «L'unique Pasteur vous a confié à vous seul tous les troupeaux à la fois.»

b La leçon donnée par l'exemplaire du pape Nicolas V nous plait moins que celle que nous avons adoptée, la voici: «Les autres n'ont reçu en partage qu'une portion de la sollicitude ou de la puissance, mais d'une puissance subordonnée à la vôtre; tandis que vous, vous avez été appelé..... .» Ces mots: «ou de la puissance , mais d'une puissance subordonnée à la vôtre,» manquent dans tous les autres exemplaires.

leur apparut sur le rivage, et, ce qui augmentait leur joie, leur apparut dans son corps ressuscité. Pierre, ayant reconnu le Sauveur, se jette dans la mer et se dirige ainsi vers lui, tandis que les autres ne s'approchaient que montés sur leurs barques. Qu'est-ce à dire? C'est que nous avons là une image du pontificat singulier de Pierre qui n'a pas reçu une seule barque à conduire, comme les autres, mais le monde entier à gouverner; car la mer représente le monde et les barques, les différentes Eglises. De là vient encore que, dans une autre circonstance, Pierre marcha sur les eaux à l'exemple de son Maître, pour montrer par là qu'il était seul le vicaire (a) de Jésus-Christ appelé à gouverner, non pas un seul peuple, mais tous les peuples du monde, car nous savons que a les grandes eaux représentent tous les peuples (Ap 17,15).» Ainsi, pendant due les évêques ont chacun leur barque à conduire, vous en avez une aussi, mais immense, et composée de la réunion de toutes les autres, c'est l'Eglise universelle, répandue dans le monde entier.



CHAPITRE IX. Il faut considérer ce que nous sommes par rapport à notre propre nature.

1217 17. Voilà donc qui vous êtes, mais n'oubliez pas ce que vous êtes; pour moi, je n'ai point perdu de vue la promesse due je vous ai faite de revenir sur ce sujet à la première occasion favorable. Or, il ne s'en peut trouver de meilleure que de considérer ce que vous étiez d'abord, en même temps que vous considérez qui vous êtes maintenant. Mais que dis-je, ce que vous étiez d'abord? Vous l'êtes encore maintenant; or vous ne devez point cesser de considérer ce que vous n'avez point cessé d'être. Ce n'est à proprement parler qu'une seule et même considération, que d'examiner ce que vous avez été et ce que vous êtes maintenant, et c'en est une autre de considérer qui vous êtes devenu; il ne faut pas que ces deux considérations se nuisent l'une à l'autre dans leurs recherches; car, ainsi que je vous l'ai dit, vous êtes toujours ce que vous étiez d'abord, et vous ne l'êtes pas moins que vous n'êtes ce que vous êtes devenu ensuite, peut-être même l'êtes-vous davantage. Ce que vous êtes, vous l'êtes par le seul fait de votre naissance, mais ce que vous êtes devenu, vous le devez à un emprunt, non à un changement; si bien que sans cesser d'être ce que vous étiez, vous êtes devenu ce que vous êtes. Eh bien, considérons ces deux points de vue en même

a Saint Bernard, comme on le verra dans le traité suivant n. 36, appelle aussi les évêques vicaires de Jésus-Christ. Voir aux notes qui se rapportent au n. 31 du traité cité plus haut, et celles qui accompagnent la lettre cent quatre-vingt-troisième.

temps; car, comme je vous l'ai dit plus haut, ainsi rapprochés l'un de l'autre, ils se font valoir mutuellement davantage.

J'ai dit plus haut qu'en considérant ce que vous êtes, vous aperceviez d'abord que vous êtes homme, et cela par le seul fait de votre naissance; mais si vous vous demandez ensuite qui vous êtes, le mot de la réponse est le nom même de votre dignité,vous êtes évêque, non pour être né tel, mais pour l'être devenu. Lequel des deux, d'être homme ou d'être évêque, vous semble le plus vôtre, et le plus à vous? N'est-ce pas ce que vous êtes par le fait de votre naissance? Aussi vous conseillé-je de considérer d'abord ce que vous êtes avant tout, c'est-à-dire de considérer l'homme en vous, puisque c'est ce que vous êtes par votre naissance
1218 18. Mais si vous ne voulez perdre tout l'avantage et le fruit de votre considération, il ne faut pas vous contenter d'examiner ce que vous êtes, mais quel vous êtes par votre naissance. Commencez donc par ,vous dépouiller de la défroque que vous avez reçue de vos pères et qui fut maudite dés le commencement du monde; déchirez ce voile de feuillage qui ne cache que votre honte et ne peut guérir vos plaies; enfin écartez ce prestige d'une gloire éphémère, cet éclat d'emprunt et mensonger, et considérez à nu votre propre nudité, en vous rappelant que vous êtes sorti nu du sein de votre mère (Jb 1,21). Vous n'étiez point alors paré de la tiare, couvert de pierreries, brillant des reflets de la soie, ombragé, couronné de plumes ou chargé de métaux précieux. Si tout cela, comme les nuées du matin qui passent rapidement et disparaissent dans les airs, se dissipe au souffle de votre considération, vous n'aurez plus devant les yeux qu'un homme nu, pauvre, malheureux et misérable; un homme fâché d'être homme, honteux de sa nudité, malheureux d'être né et maudissant la vie; un homme né pour le travail, non pour la gloire (Jb 5,7), né de la femme, et par là même né dans le péché; un homme qui n'a que peu de temps à vivre (Jb 14,1), et qui le passe dans la crainte et dans les larmes parce qu'il est accablé de misères, de beaucoup de misères même, de celles du corps et de celles de l'âme: en est-il une seule dont puisse être exempt celui qui naît dans le péché, avec un corps périssable et un esprit stérile pour le bien? On peut bien dire qu'il en est rempli, puisque à l'infirmité du corps et à l'aveuglement de l'esprit, s'ajoutent la transmission d'une souillure héréditaire et la nécessité de mourir.

C'est pour vous un salutaire rapprochement à faire que de songer qu'en même temps que vous êtes pape, vous êtes, je ne dis pas vous su avez été,vous êtes une méprisable poussière. Imitez la nature, ou plutôt l'auteur même de la nature, en rapprochant dans votre pensée ce qu'il y a de plus grand de ce qu'il y a de plus petit. Ainsi vous voyez que la nature a dans l'homme associé un souffle de vie à une vile poussière, et que l'Auteur de la nature a, dans sa personne, uni notre limon au Verbe de Dieu. Inspirez-vous donc de la pensée de notre double origine et du mystère de notre rédemption afin de ne point vous enorgueillir dans le haut rang que vous occupez, mais de concevoir d'humbles sentiments de vous-même et d'aimer ceux qui, comme vous, pratiquent l'humilité.



CHAPITRE X. Le troisième objet de la considération est d'examiner quels nous sommes.

1219 19. Si vous considérez combien grand vous êtes, considérez aussi, considérez surtout quel vous êtes, car voilà la considération qui vous retient en vous-même, ne vous permettant ni de prendre votre essor loin de vous ni de vous égarer dans des idées de grandeur et de gloire qui sont au-dessus de vous (Ps 130,2). Oui, bornez-vous à vous-même, et gardez-vous bien soit de descendre plus bas que vous, soit de vous élever plus haut, soit enfin de vous égarer au loin et au large; maintenez-vous dans un juste milieu si vous ne voulez point excéder la mesure: il n'y a que le milieu de sûr, parce qu'il n'y a que là que se trouve la juste mesure, et que dans la mesure seule, est la vertu. Aussi voyons-nous le Sage regarder comme un lieu d'exil pour lui tout ce qui n'est pas renfermé dans une juste mesure; il ne se place ni au loin, parce que ce serait perdre toute mesure; ni au large, ce serait en sortir; ni au haut, ce serait l'excéder; ni au bas, ce serait ne la point atteindre; car enfin on ne s'éloigne ordinairement qu'en sortant des bornes, on n'élargit une chose qu'en risquant de la rompre, on ne l'élève qu'en s'exposant à la voir tomber, et on ne la baisse qu'au risque de la voir submergée. J'insiste sur ces explications de peur que vous ne. croyiez que je veux parler ici de la longueur, de la largeur, de. la sublimité et de la profondeur que l'Apôtre, avec tous les saints, nous exhorte à saisir (Ep 3,18); j'en parlerai ailleurs et dans un autre moment (infra, lib. V, c. 13 et 14). Mais ici j'entends par longueur, se promettre une longue vie; par largeur, se répandre en soins superflus; par hauteur, s'estimer plus qu'il ne faut; et par profondeur, se laisser trop abattre. En effet, se promettre de longs jours, n'est-ce pas se laisser emporter au delà de toutes limites en dépassant les bornes de la vie par l'étendue de ses projets? C'est en agissant ainsi qu'on voit des hommes, oublieux du moment où ils vivent, sortir de la vie présente pour s'élancer, par de vains projets, dans un avenir qui ne sera jamais pour eux et ne leur servira de rien. Il en est de même de l'esprit qui veut embrasser trop de choses à la fois, il ne peut manquer d'être déchiré par la multitude de ses soucis; car en tendant trop une étoffe on l'amincit d'abord, puis on la déchire. Quant aux pensées présomptueuses qui nous élèvent, qu'est-ce autre chose que le prélude d'une chute plus profonde? Vous savez qu'il est dit: «Notre coeur s'élève et puis tombe (Pr 18,12).» D'un autre côté, l'abattement excessif d'une âme pusillanime ne ressemble que trop à un engloutissement sans espoir. L'homme fort ne se laissera jamais abattre ainsi; l'homme prudent se gardera bien de faire fond sur les espérances incertaines d'une longue vie; l'homme modéré non-seulementne se laissera point aller à des soucis exagérés, mais s'abstiendra de tout excès, sans toutefois négliger les choses nécessaires; enfin l'homme juste ne présumera pas trop de sa justice et saura dire avec le Juste de l'Écriture: «Si je suis juste, je ne lèverai pas la tête pour cela (Jb 10,15).»



CHAPITRE XI. Saint Bernard recommande tout particulièrement au souverain Pontife de s'examiner sérieusement lui-même.

1220 20. Vous devez donc procéder, en voies considérant vous-même, avec une certaine précaution et apporter la plus grande droiture à ne vous point accorder plus qu'il ne faut et à ne vous point épargner plus qu'il n'est juste. Or on s'attribue plus qu'il ne faut, non-seulementen se donnant des qualités qu'on n'a pas, mais encore en s'imputant celles que l'on a. Vous devez donc faire soigneusement la part de ce que vous êtes par vous-même et de ce que vous n'êtes que par la grâce de Dieu. et apporter à cet examen un esprit exempt de toute mauvaise foi. C'est à quoi vous réussirez certainement si, par un fidèle partage, vous attribuez loyalement à Dieu ce qui vient de Dieu et à vous ce qui vient de vous. Or vous ne doutez pas, j'en suis sûr, que le bien est le fait de Dieu et que le mal est le vôtre. En considérant quel vous êtes il ne faut pas oublier de vous rappeler quel vous étiez précédemment, car c'est en comparant le présent au passé que vous verrez si vous avez fait quelques progrès en vertu, en sagesse, en intelligence et en mansuétude; ou bien ce qu'à Dieu ne plaise, si vous avez perdu du terrain du côté de ces vertus. Êtes-vous plus ou moins patient que par le passé, plus doux ou plus emporté, plus orgueilleux ou plus humble, plus affable ou plus raide, plus dur ou plus traitable, plus pusillanime ou plus magnanime, plus sérieux ou plus dissipé, plus circonspect on plus confiant en vous-même? Quel vaste champ s'ouvre devant vous pour exercer cette sorte de considération! Je ne touche que quelque point, c'est comme une semence que je vous présente tel qu'un homme qui ne semant pas lui même fournirait de la semence au semeur. Vous devez examiner à fond quel est votre zèle et votre clémence, puis avec quel discernement vous réglez l'usage de ces deux vertus; c'est-à-dire quel compte vous savez tenir, en frappant les coupables ou en leur pardonnant, des circonstances de temps, de lieu et de manière qu'on ne saurait dans l'un et l'autre cas trop attentivement considérer, si on ne veut pas, en négligeant de le faire, que le zèle et la clémence ne cessent d'être des vertus; ces qualités en effet ne sont pas des vertus par leur nature, mais seulement par l'usage qu'on en fait; d'elles-mêmes elles ne sont ni bonnes ni mauvaises, c'est de vous qu'il dépend d'en faire des vices par un usage abusif et déréglé, ou des vertus par un service sage et modéré. Si l'oei1 du discernement s'obscurcit, elles se supplantent et ,s'excluent ordinairement l'une l'autre. Or il y a deux choses qui obscurcissent l'oeil du discernement, ce sont la colère et l'affection: l'une précipite et l'autre énerve le jugement. Comment en effet ne nuiraient-elles pas l'une et l'autre à la douceur de la clémence et à la juste rigueur du zèle? L'oeil que trouble la colère ne voit plus rien avec clémence; et s'il est fasciné par une sensibilité toute féminine, il ne voit rien selon la justice, Vous cessez d'être innocent soit que vous punissiez celui qui pouvait avoir quelques droits à la clémence, ou que vous fassiez grâce à celui qui méritait d'être châtié.



CHAPITRE XII. Il ne faut ni s'endormir dans la prospérité, ni se décourager dans l'infortune.

1221 21. II est une chose encore que vous ne devez pas vous dissimuler, es c'est ce que vous avez été dans les tribulations. Si vous vous êtes montré constant dans les vôtres et compatissant à celles du prochain, réjouissez-vous-en, c'est la marque d'un coeur droit; au contraire, c'est l'indice d'une âme mauvaise de ne pouvoir supporter ses propres afflictions et d'ètreen même temps insensible à celles des autres. Mais que dirons-nous de la prospérité? ne mérite-t-elle pas aussi votre considération à son tour? Certainement elle en est digne, surtout quand on réfléchit combien sont rares les hommes qui, dans la prospérité, ne se sont pas relâchés au moins un peu de leur vigilance et de la sévérité de leurs de principes. Quand n'a-t-elle pas produit sur le moral de ceux qu'elle a pris au dépourvu, l'effet du feu sur la cire ou des rayons du soleil sur la neige et sur la glace? David était bien sage, Salomon le fut davantage, mais les faveurs de la fortune affaiblirent la sagesse de l'un et la firent perdre entièrement à l'autre. Celui-là est grand qui peut tomber dans l'adversité sans que sa sagesse en souffre, mais je trouve plus grand encore celui qui a pu voir la fortune lui sourire sans en devenir le jouet. Mais, à vrai dire, il est plus facile de trouver des hommes qui sont demeurés sages au sein de l'adversité que dans les faveurs du sort. Pour moi, je crois qu'on doit placer au rang des hommes véritablement grands ceux qui, dans la prospérité, ont su se défendre d'insolence dans le rire, d'impertinence dans le langage et de toute recherche exagérée dans leur mise et dans leur personne.



CHAPITRE XIII. Le souverain Pontife doit se garder de l'oisiveté, de la futilité et des entretiens inutiles.

1222 22. Quoique le sage nous engage avec raison à cultiver la sagesse 1 à loisir, il ne faut pas moins pourtant se garder d'être oisif dans le loisir, l'o et fuir l'oisiveté comme la mère de la futilité et la marâtre des vertus. Chez les gens du monde, les propos frivoles ne sont que des propos frivoles; chez un prêtre, ce sont des blasphèmes; si quelquefois pourtant il s'en tient en sa présence, il peut être bien qu'il les supporte, il ne le sera jamais qu'il v réponde; mieux vaudrait qu'il eût l'habileté de changer prudemment le cours de la plaisanterie et de faire tomber tout à coup l'entretien sur des choses sérieuses que non-seulement on puisse entendre avec intérêt et plaisir, mais encore qu'on préfère aux bagatelles. Depuis que vous avez consacré vos lèvres à l'Evangile, vous ne pouvez plus sans péché les ouvrir à des futilités; en prendre l'habitude serait un sacrilège, car, selon le Prophète, «les lèvres du prêtre seront les dépositaires de la science, et c'est de sa bouche que les peuples réclameront la loi (Ml 2,7),» non pas des fables et des sornettes. Je vais plus loin encore: non-seulement ces discours légers et futiles que le monde déclare aimables et spirituels ne doivent point sortir de votre bouche, il faut encore qu'ils trouvent vos oreilles fermées; le gros rire ne vous sied pas, et il vous sied moins encore de le provoquer chez les autres. Enfin pour ce qui est de la détraction, je ne saurais cou dire lequel est le plus condamnable de celui qui la fait ou de celui qui l'écoute.



CHAPITRE XIV. Il faut éviter avec soin dans les jugements de faire acception de personnes.

1223 23. Je n'ai pas à fatiguer Votre Considération (a) de la vue de l'avarice; car vous passez pour ne pas faire plus de cas de l'argent que d'une

a Vossius fait observer que plusieurs leçons placent ici le mot esprit au lieu de considération, mais c'est une remarque sans importance pour les savants;. il est clair que saint Bernard parle ici de la considération, qui est le propre sujet de tout son traité, et nous n aurions fait nous-même aucune attention si, dans plusieurs endroits, et eu particulier dans le livre 3, n. 16, Vossius, par une sorte de glossème, ne substituait d'après certains manuscrits le mot dîne au mot sang.

vile paille. Il est de, toute évidence qu'il n'y a pas à craindre qu'elle dicte vos arrêts dans les jugements, mais il est pour un juge un autre danger non moins ordinaire et non moins funeste à redouter, et, sur ce point surtout, je ne voudrais pas que vous fussiez dans l'ignorance de ce qui peut se passer dans votre coeur. Quel est-il donc? me direz-vous. C'est de faire acception de personnes; car ne pensez pas que ce soit pour vous une faute sans gravité de considérer la personne du prévenu plutôt que le mérite de ses actions.

Il y a encore un autre défaut dont je veux vous parler, et si votre conscience vous dit que vous en êtes exempt je puis bien assurer que vous êtes le seul de tous ceux qui, à ma connaissance, se sont assis pour juger leurs semblables, à qui sa conscience ne reproche rien sur ce point, et que vous vous êtes élevé, par un prodige unique et véritable, au-dessus de vous-même, pour emprunter le langage du Prophète (
Lm 3,28). Ce défaut, c'est la crédulité; je n'ai jamais vu les grands savoir se garantir tout à fait des ruses du serpent infernal en ce point. Il ne faut pas chercher ailleurs la raison de ces emportements que rien ne motive, de ces rigueurs dont les innocents ne souffrent que trop souvent, et de ces condamnations irréfléchies prononcées contre des absents. Pour vous, je vous félicite au contraire, et je ne crains pas, en m'exprimant ainsi, de passer pour flatteur à vos yeux, je vous félicite, dis-je, de rie vous être attiré jusqu'à présent aucun reproche de cette nature, depuis que vous rendez la justice; mais je vous laisse à décider si en effet vous n'avez point donné lieu qu'on vous en adresse.

Maintenant c'est aux choses qui sont placées au-dessous de vous que je veux appliquer votre considération; mais ce sera la matière d'un autre livre, d'autant plus qu'à cause de vos occupations, l'entretien le plus court est aussi le meilleur.



NOTES DE HORSTIUS ET DE MABILLON. LIVRE II.

1224 CHAPITRE I, n. 4.

233. Cela tient aux événements importants gui sont survenus. L'expédition de la Terre-sainteque saint Bernard avait prêchée lui-même, eut une fin malheureuse: de là contre notre Saint des plaintes et des murmures qu'il s'efforce de repousser et de détruire au commencement de ce livre. Il ne faut pas croire qu'il fut seul de son avis, plusieurs autres écrivains ont abondé dans son sens, soutenu la bonté de sa cause et montré qu'il n'avait rien fait pour s'attirer tous les reproches qu'on lui a adressés. Voyez Geoffroy, livre III de la Vie de saint Bernard, chapitre IV et Othon de Freisingen dans ses faits et gestes de Frédéric, livre I, chapitre LX où, après avoir fait plusieurs considérations philosophiques sur ce sujet, il continue en ces termes: «Cette expédition malgré le nombre des chrétiens auxquels elle a coûté la vie, fut bonne et salutaire; si elle ne contribua pas à l'agrandissement du royaume de Palestine, et si elle dévora des masses de guerriers, elle fut du moins utile à une multitude d'âmes, pour lesquelles elle fut une occasion de salut. D'ailleurs, en disant que le saint abbé Bernard était inspiré de Dieu pour nous prêcher la croisade, et que c'est nous qui, dans nos désordres et notre orgueil oubliant ses salutaires recommandations, avons causé tous les malheurs de cette entreprise et la perte de tant de monde, nous ne dirions rien qui ne fût parfaitement conforme à la raison et à ce qui s'est vu autrefois.» Tel est le langage d'Othon, qui prit part à la Croisade, vit tout de ses propres yeux et dont on ne peut révoquer en doute la véracité. Voir la lettre CCCLXXXVI de Jean de Casamario à saint Bernard, et Guillaume de Tyr, dans Baronius, à l'année 1148, où il est question des causes qui ont amené l'insuccès de l'expédition.

Mais qu'on nous permette de rapporter ici le sentiment d'un auteur contemporain sur les causes de l'insuccès de la seconde Croisade; cet écrivain, d'une valeur incontestable et d'une foi reconnue, c'est Guillaume de Neubridge; voici comment il s'exprime dans son Histoire d'Angleterre, livre I chapitre XX: «L'histoire nous apprend, dit-il, qu'autrefois une armée considérable fut. souillée par le crime secret d'un seul homme et que, dépouillée par là de la protection divine, elle n'offrit plus que le spectacle d'une armée languissante et sans force. Le Seigneur, consulté sur ce qui se passait, répondit que le peuple était frappé d'anathème et ajouta: L'anathème est au milieu de vous, Israël, tu ne pourras pas soutenir l'effort de tes ennemis, jusqu'à ce que celui qui est souillé de ce crime soit exterminé du milieu de toi (
Jos 7,13). Or, notre armée avait tellement foulé aux pieds toutes les lois chrétiennes en même temps que la discipline militaire, qu'on ne peut s'étonner qu'elle ait paru souillée et immonde aux yeux de Dieu et ait éloigné d'elle sa protection divine. Si on ne consulte que l'étymologie du mot, les camps ne sont appelés ainsi, - castra - que parce qu'on en a banni la débauche. Mais il s'en fallait bien qu'il en fût de la sorte de notre camp où, par une licence déplorable, les plus honteux désordres régnaient presque sans partage. Pleins de confiance dans leur nombre et dans leur tactique, nos troupes comptaient beaucoup plus sur la force de leurs bras de chair que sur la puissance et la miséricorde du Seigneur pour lequel il semblait qu'elles avaient pris les armes: aussi ont-elles été une preuve éclatante que Dieu résiste aux superbes, tandis qu'il accorde sa grâce aux humbles. De plus, on vit les nôtres se livrer au pillage sur les terres mêmes d'un Empereur chrétien avec lequel ils avaient fait alliance, et qui avait donné ordre qu'on leur fournît toutes sortes de provisions et qu'on ne les laissât manquer de rien; cette conduite irrita l'Empereur qui tourna ses armes contre eux en même temps qu'il intercepta les vivres dont ils avaient besoin, et ne recula pas, tout chrétien qu'il était, devant l'effusion du sang de tant de soldats chrétiens comme lui. Personne n'apportant plus rien au camp, et nos soldats ne pouvant plus s'écarter pour chercher des vivres, il s'ensuivit une disette affreuse qui les décima; enfin, les Turcs leur tendirent des embûches dans lesquelles ils donnèrent et, ils périrent sous le fer des ennemis, ou bien, faits prisonniers, ils se virent réduits à la plus honteuse des servitudes. La colère divine, excitée par l'orgueil et les désordres des masses, ne se borna point à ces châtiments, des pluies qui tombèrent en abondance avant le temps causèrent des inondations qui firent périr encore plus de monde que le glaive des ennemis. Tous ces fléaux réunis réduisirent presqu'à rien les deux plus belles armées qu'on eût vues, et les deux grands princes qui s'étaient mis à leur tète parvinrent à peine avec les rares débris de leurs troupes à gagner Jérusalem d'où ils revinrent avec la honte de n'avoir rien fait de mémorable.» Tel est le récit de Neubridge. (Note de Horstius.)

CHAPITRE V.

234. Comment se fait-il donc que de pauvre et d'obscur que j'étais, je me voie maintenant élevé au dessus des royaumes et des empires? D'après saint Bernard, il faut que le souvenir de notre ancienne obscurité nous maintienne dans les bornes de la modestie; il est très-propreà modérer les élans de notre orgueil et de notre arrogance. Nous en avons un bel exemple dans Agathoclès de Sicile, qui, de fils d'un obscur potier, devint tyran de Sicile. Pour que la pensée du rang où il se trouvait parvenu ne le fit point sortir des limites de la modestie ni oublier son origine et l'état précaire de sa première fortune, il voulut, pour ne point perdre le souvenir de son humble extraction, ne jamais se servir que de vaisselle de terre, dont la vue lui rappelait ce qu'il avait été autrefois. Ausone a conservé ce trait d'histoire dans une de ses élégantes épigrammes. Nicolas Serar, dans son Histoire de Mayence, attribue un trait semblable à Guilgise, archevêque de cette Eglise: issu d'une famille obscure, il se conduisit constamment dans la haute dignité où il fut élevé, avec d'autant plus d'humilité qu'il était monté plus haut, et ne manquait point l'occasion de rappeler d'où il était parti. Comme son père avait exercé l'état de charron, il avait fait dessiner çà et là des roues sur la muraille avec cette devise: Guilgise, Guilgise, n'oublie pas ce que tu fus autrefois. Il voulut ne jamais perdre de vue ce glorieux emblème, dont l'aspect lui rappelait son origine, et la ville de Mayence l'a conservé jusqu'à cette époque. Voir Serar, page 723, où, à propos du sens symbolique de la roue, il exprime quelques bonnes pensées sur la rapidité de la vie et l'inconstance de la fortune. (Note de Horstius.)

CHAPITRE XIII.

235. Chez les gens du»fonde les propos frivoles ne sont que des propos frivoles, mais chez un prêtre..., etc. Saint Bernard ne veut pas que les lèvres du prêtre s'ouvrent aux plaisanteries et aux discours frivoles, à plus forte raison ne le souffre-t-il pas dans un Pape. Une bouche consacrée à l'Évangile, ne doit selon lui, s'ouvrir qu'à des paroles sérieuses et utiles, non point à des discours vains et frivoles gui ne pourraient que la profaner, de quelque nom qu'on les décore. Pierre Damien nous a laissé un bien bel exemple de ce genre de vertu antique et sévère que prêche saint Bernard quand il se prit de dégoût pour la vie publique, et d'amour pour le repos et la solitude, ou du moins sentit ces dispositions se fortifier dans son âme à la vue des moeurs des clercs de la cour de Rome, et en entendant leurs entretiens remplis de facéties, de jeux de mots et de frivolités, pour me servir de l'expression même de saint Bernard. Entendons-le parler lui-même dans la lettre qu'il écrivit au souverain Pontife et aux autres cardinaux pour leur faire agréer sa démission d'évêque d'Ostie. «Il fut un temps, dit-il, oui il fut un temps qui malheureusement n'est plus, où la modestie était en honneur et la mortification un titre de gloire, où la réserve et la gravité étaient les compagnons honorables du Sacerdoce, mais aujourd'hui, pour n'accuser que moi, vous ne me voyez vous-même dès que je vous aborde que le mot piquant ou jovial à la bouche, c'est un langage recherché, un flot de politesses, de mots mordants et de questions, un véritable déluge de paroles futiles qui montrent moins en nous, des prêtres que des orateurs et des rhéteurs, et même qui pis est de véritables bouffons. En effet, à peine la conversation est-elle engagée entre nous, qu'insensiblement le charme de la réplique nous entraîne, l'esprit perd sa gravité et se relâche, le sérieux disparaît au milieu des éclats de rire, et l'on n'entend bientôt plus que de honteux jeux de mots: voilà comment il arrive que l'âme trop répandue hors d'elle-même se trouble, que le 'coeur s'endurcit, que la déférence et le respect dus au sacerdoce se perdent, et ce qui est plus dangereux encore, que l'on s'écarte de la ligne de conduite dent on ne devrait point se départir pour ne pas cesser d'être un exemple aux autres. Que si une sorte de crainte et une certaine retenue nous retiennent et nous empêchent de tomber dans cet excès, on nous regarde comme des gens qui n'ont rien d'humain, des hommes raides, quelque chose comme des tigres d'Hyrcanie, de vraies statues de marbre. Mais je m'arrête, car je rougirais de laisser ma plume retracer certaines inepties plus honteuses encore; par exemple ces chasses à courre et au vol, cet amour du jeu, etc.» On voit au langage de Pierre Damien qu'il était de l'avis de saint Bernard et qu'il ne blâmait pas moins que lui les discours frivoles dans la bouche d'un prêtre. Mais aujourd'hui, loin de voir des blasphèmes dans les paroles frivoles, une foule d'ecclésiastiques et même de prélats n'y trouvent pas même l'ombre d'une faute vénielle.

236. La faute dans laquelle saint Bernard veut que le pape Eugène évite avec soin de tomber, le saint pape Grégoire se la reproche sévèrement à lui-même comme s'il s'en était rendu coupable. Arrivé à ces paroles d'Ezéchiel: Fils de l'homme, je vous ai placé comme une sentinelle en observation dans la maison d'Israel (Ez 3,17), il fait un retour sur sa charge et éclate en paroles bien propres à toucher nos coeurs; nous ne les citerons qu'en partie, le lecteur pourra les lire en entier dans son Homélie onzième, sur Ézéchiel. «Que ces mots me semblent difficiles à articuler, s'écrie-t-il, c'est contre moi que je les prononce.... contre moi. dis-je, qui me répands souvent en conversations inutiles et qui oublie dans ma tiédeur et néglige d'exhorter et d'édifier le prochain. Je suis devenu muet et verbeux en même temps devant le Seigneur; muet pour les choses nécessaires à dire et verbeux pour les entretiens frivoles, etc.... Quand j'étais dans mon monastère je pouvais sevrer ma langue des discours inutiles et maintenir mon esprit dans une prière presque continuelle; mais depuis que j'ai pris sur les épaules de mon âme le fardeau de la charge pastorale, je ne puis plus me recueillir, ma pensée se trouve répandue sur une multitude de choses.... et comme je me trouve souvent en rapport avec les gens du monde, je me suis imposée dans mes discours, parce que je me relâche quelquefois de la règle que je me suis aperçu que si je l'observe trop rigoureusement j'éloigne de moi les personnes faibles et ne puis plus les amener où je veux. Voilà pourquoi aussi j'écoute quelquefois avec patience les choses oiseuses qu'ils me disent. Mais parce que je suis faible aussi moi-même, il n'est pas rare que je me laisse entraîner par le charme de ces entretiens frivoles au point de finir par y prendre part avec plaisir quand je n'avais commencé à les écouter qu'à regret, de sorte que je reste volontairement là même où j'avais d'abord craint de tomber, etc.»

Saint Ambroise, en parlant des offices croit qu'il doit s'interdire à lui-même l'habitude prise par les gens du monde de s'abandonner à des entretiens frivoles, et la raison qu'il en donne: «c'est, dit-il, que si quelquefois les plaisanteries ont quelque chose d'agréable à entendre, elles n'en sont pourtant pas moins contraires aux moeurs ecclésiastiques (Liv. I, chap. 23).»

237. «Mais c'est particulièrement aux orateurs sacrés, dont la bouche, comme dit saint Bernard, est consacrée à l'Evangile,» qu'il appartient de s'observer sur ce point et de ne se permettre soit en particulier, soit en public, ni paroles légères ni plaisanteries. Je ne puis voir sans indignation ces orateurs qui dans la chaire même vous débitent des jeux de mots, des plaisanteries et des historiettes et des fables, telles que celles que je vois consignées dans les écrits nouvellement publiés d'un certain religieux. Qu'on lise donc saint Jean Chrysostome (cap. V, Epist., ad Ephes.), on verra combien à ses yeux il convient à la gravité chrétienne de s'abstenir de toute parole bouffonne et ridicule, et en même temps, continue Charles Leroi, religieux de la compagnie de Jésus, dans son Orateur chrétien, on s'étonnera de trouver que la plupart des orateurs chrétiens soient si éloignés dans leurs discours de cette gravité que cet homme plein de sagesse, aurait voulu, avec raison, rencontrer chez tous les fidèles à qui il rappelle en ces termes le passage de saint Bernard qui nous occupe: «Il avertit prudemment l'orateur sacré de se mettre en garde contre cette manière d'agir qui sied mieux à des courtisans et aux personnes qui sont animées de l'esprit du monde, qu'à des religieux et à des hommes animés de l'esprit de Dieu, et qui convient plutôt à des hommes politiques, comme on les appelle, qu'à des gens qui font profession de simplicité évangélique. Il en est de même de la liberté pleine de légèreté avec laquelle dans le commerce ordinaire de la vie, on se permet, sous prétexte de certaine gaîté et d'enjouement, de mêler à sa conversation des paroles et des récits bouffons ou ridicules et des historiettes propres à faire rire, dans le but de captiver ainsi dans ces entretiens familiers l'attention de ses amis et des grands. Liv. 2, cap. 16).» Ainsi s'exprimait cet auteur bien capable de former l'orateur chrétien, et bien digne de se trouver entre les mains de tous ceux qui se disent tels. (Note de Horstius.)





Bernard, de Consideratione 1215