Bernard, du Baptême 10016

CHAPITRE IV. Saint Bernard prouve, contre l'assertion de son contradicteur, qu'il y a des péchés d'ignorance.

10016 16. Pour la troisième proposition, il n'y a pas lieu, je crois, à s'en mettre bien en peine; car, outre qu'elle est, manifestement fausse, l'auteur nous donne le moyen de 1a détruire, ans sa première proposition; il se contredit évidemment lui-même. Il prétend que l'entretien que Jésus-Christ eut en secret et pendant la nuit avec Nicodème, fut comme un piège tendu à l'ignorance des hommes, puisque nul ne put des lors, être sauvé sans baptême; n'est-ce pas là reconnaître ouvertement qu'il y a un péché d'ignorance, et même un péché mortel? à moins que d'avoir l'audace de dire que Dieu damne l'innocent. Mais, comme il est à craindre qu'en négligeant de répondre à l'insensé selon sa folie, il ne présume être sage, et que enhardi par notre silence, il ne répande et ne multiplie à l'infini les semences de son erreur, je veux vous citer les passages les plus précis de la vérité, pour réfuter ses mensonges. Il est probable que cet homme, qui soutient qu'il n'y a point de péché d'ignorance, ne prie jamais Dieu de lui pardonner ces sortes de péchés, et se rit du Prophète, quand il lui entend dire: «Ne vous souvenez pas, Seigneur, des fautes de ma jeunesse ni de mes péchés d'ignorance (Ps 24,7).» Il doit même condamner Dieu, quand il impose des pénitences pour ces sortes de fautes, par la bouche de Moise, et qu'il dit: «Si quelqu'un pèche par ignorance, contre quelque point de la loi et reconnaît son péché, il offrira au prêtre un bélier sans tache, selon ce qui aura été réglé pour sa faute (Lv 17): «et ailleurs: «Le prêtre priera pour lui, et son péché lui sera remis; parce qu'il a offensé le Seigneur sans le savoir (Lv 48).»
10017 17. Si l'ignorance n'est jamais un péché, pourquoi est-il écrit dans l'Epître aux Hébreux, qu'il n'y avait que le grand prêtre qui entrait une fois l'an, dans le Saint des saints et qu'il y portait le sang des victimes pour l'expiation de son ignorance et de celle du peuple ()? S'il n'y a point de péchés d'ignorance, Saul n'a point péché en persécutant l'Eglise, puisqu'il l'a fait dans l'ignorance et dans l'incrédulité; bien plus, il méritait des louanges en blasphémant, en persécutant, en outrageant l'Eglise, en jetant la terreur partout, en ne respirant que le sang des disciples du Seigneur, puisqu'il n'avait en vue que de signaler son zèle pour les traditions de ses pères. Il ne devait donc pas dire: «J'ai trouvé miséricorde (Ga 1,14),» mais, J'ai reçu la récompense de ma conduite, puisque, en même temps que son ignorance l'exemptait de tout péché, son zèle le rendait digne de récompense. Si l'ignorance ne peut être un péché, pourquoi condamner les meurtriers des Apôtres? Loin de penser mal faire en les faisant mourir, ils s'imaginaient même rendre service à Dieu. Enfin, pourquoi Jésus-Christ prie-t-il pour ceux qui le crucifient, «puisqu'ils ne savent ce qu'ils font (Lc 23,34),» et, par conséquent, ne pèchent point? C'est lui-même qui nous en donne l'assurance; oserons-nous le soupçonner de mensonge, quand même nous soupçonnerions l'Apôtre de vouloir peut-être excuser sa nation, lorsqu'il dit que, si les Juifs avaient connu le Seigneur de gloire, ils ne l'auraient jamais crucifié? Tous ces passages ne montrent-ils pas dans quelle ignorance grossière se trouve celui qui ne sait pas qu'on peut pécher par ignorance? Mais en voilà assez sur ce point.



CHAPITRE V. Saint Bernard avait avancé que les anges mêmes avaient ignoré le plan divin de l'incarnation; cette proposition ayant été l'objet de plusieurs attaques, il la défend.

10018 18. Vous m'insinuez, à la fin de votre lettre, en termes obligeants que plusieurs personnes trouvent mauvais que j'aie avancé, en expliquant i'Evangile a que le plan de Dieu pour le mystère de l'incarnation n'a été révélé à aucun ange, avant de l'avoir été à la sainte Vierge. Il me semble qu'ils ne sont pas tout à fait dans leur droit; en effet, ils peuvent remarquer que je n'affirme rien positivement et qu'au contraire, j'ai la précaution de suspendre mon jugement en me servant de la disjonctive ou; car après avoir dit pour quelle raison je pensais que l'Evangéliste après avoir dit que (a) l'ange Gabriel fut envoyé, ajoute expressément, de Dieu (Lc 1,36),» j'en donne une seconde, mais avec réserve et sans me déclarer pour un sentiment plus que pour l'autre, afin de n'être point obligé de les défendre l'un ou l'autre et de laisser au lecteur la liberté

a Il s'agit ici de l'Evangile selon saint Luc, chapitre premier, et des mots: Missus est, qu'il explique dans son homélie I.

d'embrasser celui qui lui plaira davantage. Si l'un des deux peut se soutenir, pourquoi m'entreprendre sur l'autre, puisque je ne me prononce pour aucun et que j'en abandonne le choix au lecteur? Mais quand j'aurais avancé que l'ange n'a pas connu l'incarnation, je n'aurais point prétendu parler du dessein que Dieu avait formé d'opérer notre salut au milieu de la terre,puis qu'il avait déjà été donné à quelques hommes de le prévoir et de le prédire; et lors même que j'aurais écrit ou pensé que ce dessein aurait été inconnu aux anges, quant aux circonstances de temps, de lieu, de manière et de personne que Dieu avait choisies pour l'exécuter, je ne vois pas qu'il y ait là quelque chose d'incroyable. Chacun peut en sûreté suivre son sentiment, pourvu qu'il n'y ait point quelques fortes raison ou quelque autorité considérable qui lui soit opposée.
10019 19. Or, quelle raison ou quelle autorité m'oblige de croire que le temps de l'incarnation ait été autrefois révélé aux anges; ce temps, dis-je, dont l'Apôtre a dit que «lorsqu'il fut accompli, Dieu envoya son Fils formé d'une femme et assujetti à la loi (Ga 4,4)?» Il me paraît plus vraisemblable que les mêmes anges qui, selon Jésus-Christ, ignorent le jour de son dernier avènement, ont aussi ignoré le temps du premier. Et qui sait si la Sagesse de Dieu ne leur a pas tenu spirituellement sur l'incarnation, le même langage qu'elle tint sensiblement aux apôtres sur le jugement dernier quand elle leur dit: «Il ne vous est pas donné de connaître les temps et les moments que le Père a réservés en son pouvoir (Ac 1,7)?» De plus, quelle raison avons nous de penser que les anges discernaient Nazareth des autres villes, avant qu'un archange y saluât une vierge et lui annonçât qu'elle enfanterait le fils de Dieu? A la vérité les prophètes ont prévu et prédit qu'il naîtrait à Bethléem et que Jérusalem serait le lieu de sa mort; mais je ne vois nulle part que Nazareth soit précisément marqué pour le lieu où il devait être conçu; et, lorsqu'il est dit, il «s'appellera Nazaréen (Mt 2,23),» l'Evangile, qui rapporte les paroles du Prophète, les applique à son éducation, plutôt qu'à sa conception, parce qu'il demeura dans cette ville, à son retour d'Egypte, et y fut élevé. Voilà pourquoi les Juifs disaient à Nicodème: «Examinez les écritures et vous verrez qu'il ne vient point de prophète de la Galilée (Jn 7,52);» il s'adressait à un docteur de la loi, à un maître en Israël, à un homme par conséquent bien instruit de ces choses. Cependant, ils lui montrent qu'ils n'est écrit nulle part que le Christ dût naître en Galilée, dont Nazareth était une ville. Ils avaient présent à l'esprit le passage du Prophète qu'ils citèrent à Hérode quand il leur demanda où le Messie devait naître (Mt 2,1). Ainsi Jésus-Christ est né à Bethléem et il est mort à Jérusalem, c'est ce que les prophètes avaient formellement prédit. Il fut conçu à Nazareth en Galilée; mais Nicodème ne trouve aucun endroit, dans les Ecritures où la Galilée et Nazareth soient marquées comme le lieu destiné à l'avènement du Messie.
10020 20. Nathanaël, qui était aussi instruit dans la loi, ayant entendu dire à Philippe que Jésus, fils de Joseph, était de Nazareth, reprit avec étonnement: «Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth (Jn 1,46)?» Sa surprise vient de ce qu'on lui annonce que le Messie est de Nazareth, quand l'Ecriture n'en parle point. Si on prétend que l'exclamation de Nathanaël est affirmative plutôt que dubitative, à cause de l'endroit que j'ai cité plus haut, «il s'appellera Nazaréen,» on ne saurait en conclure que le Prophète eût su que Nazareth était le lieu où Jésus-Christ serait conçu, attendu qu'il pouvait lui appliquer ce nom en plusieurs sens. Or, les anges ont pu ignorer le lieu rie sa conception, aussi bien que les prophètes.
10021 21. De plus, comment prouvera-t-on qu'ils aient connu le moyen incompréhensible que Dieu devait employer, quand on voit Marie elle-même s'en informer avec une espèce de trouble? J'oserais même dire qu'il était inconnu à l'ange chargé d'annoncer ce mystère, et il le confesse lui-même, si nous pesons bien le sens de ses paroles. En effet, quand il dit à Marie: «Le Saint-Esprit viendra en vous (Lc 1,35),» ne semble-t-il point la renvoyer à l'école du Saint-Esprit, pour apprendre de lui ce qu'il ne se flatte point de savoir lui-même, et pour sentir ce qu'il ne peut lui exprimer. Puis il ajoute: «La vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre (Ibidem),» comme pour lui marquer, d'une façon plus précise encore, que c'est dans l'ombre que la Trinité seule, de concert avec Marie seule, doit opérer en elle ce mystère ineffable. Jean-Baptiste ne veut-il pas faire entendre aussi, combien il s'estime incapable de comprendre ce mystère, quand il se déclare indigne de dénouer les cordons des souliers de Jésus-Christ? Enfin, quelle preuve a-t-on que les anges connussent Marie de nom ou de visage, et qu'ils sussent qu'elle était choisie pour être la mère du Sauveur, à l'exception de l'archange que nous devons croire que Dieu lui donna pour gardien, dès sa naissance? Le démon ne la reconnut pas pour telle, même après qu'elle eut conçu. parce qu'elle était fiancée à Joseph, et il est très-croyable qu'avant la conception de Notre-Seigneur, les anges ne la connaissaient point, comme devant être la mère du Sauveur. Car, quoique les esprits malins soient déchus de la grâce spirituelle, ils n'ont pourtant point perdu entièrement leur pénétration et leurs lumières naturelles.
10022 22. Vous voyez combien de raisons j'aurais de croire, sans aller contre la foi ni contre l'autorité des Ecritures, que la révélation de ce grand mystère fat réservée à Marie, du moins quant à ses circonstances de temps, de lieu et de manière, et quant au chois d'une vierge. Voilà ce que vous pouvez dire à vos frères qui me blâment d'avoir dit, à la louange de la sainte Vierge, que les mots «envoyé de Dieu» ont été mis exprès pour qu'on ne s'imaginât point que Dieu eût communiqué à aucun ange, excepté à l'archange Gabriel, le plan de l'incarnation, avant de l'avoir fait connaître à la sainte Vierge. Quand je dis le plan de l'incarnation, je n'ai pas voulu parler de l'oeuvre même de la rédemption, mais seulement des circonstances de temps, de lieu, de manière et de personne qui devaient en accompagner l'exécution. Adieu.




SUR LE DIXIÈME TRAITÉ DU BAPTÊME, A HUGUES DE SAINT-VICTOR.

10023 CHAPITRE I, n. 4.

266. Seule a servi aux enfants, etc. Saint Grégoire le Grand émet une opinion semblable dans son livre IV des Morales, chapitre ni. En effet il dit.: «Ce que l'eau du baptême produit chez nous, la foi toute seule le produisit chez les anciens et chez les enfants, la vertu du sacrifice chez les adultes, et le mystère de la circoncision chez les descendants d'Abraham.» Toutefois, saint Augustin ne parait pas être de cet avis, il dit en effet dans son livre V. contre Julien, chapitre XI. «Il ne faut pas croire qu'avant la circoncision, les serviteurs de Dieu qui avaient la foi dans le Médiateur à venir selon la chair, n'aient eu aucun sacrement pour assurer le salut des petits enfants, quoique l'Ecriture pour de bonnes raisons, nous laisse ignorer quel était ce sacrement.» L'auteur du sermon sur le motif de la circoncision, s'exprime en ces termes: «Il est certain qu'il exista en tout temps un moyen d'effacer le péché originel qui est passé de nos premiers parents dans tous les hommes.» C'est d'ailleurs l'opinion de Scot, de Durand, de Paludanus et même de saint Thomas, III p. q. LXX, art. 4 ad. 2. qui dit que probablement les parents fidèles adressaient à Dieu quelques paroles pour leurs enfants une fois mis au monde et surtout pour ceux qui se trouvaient en danger de mort, ou leur donnaient une certaine bénédiction qui était comme le sceau de la foi, de même que les adultes avaient pour eux-mêmes la prière et les sacrifices. (Note de Mabillon. )

CHAPITRE 2, n. 6.

267. L'ancienne loi commença à cesser d'être en vigueur alors que, etc. En effet, comme il est de l'essence de la loi positive de n'obliger qu'après avoir été promulguée, et qu'il est certain d'ailleurs que le baptême n'est point de précepte naturel mais seulement de précepte divin positif, il s'ensuit que les hommes n'ont pu être tenus de l'observer que lorsqu'ils en eurent connaissance, ce qui n'a pu avoir lieu que par la promulgation qui en fut faite. Car s'il est vrai qu'il fut toujours nécessaire tic renaître du Saint-Esprit pour être sauvé, la manière dont on doit renaître du Saint-Esprit, qui est d'être baptisé, n'a pas toujours été nécessaire; elle ne le devint qu'après l'institution du baptême, en partie par l'abolition de l'ancienne manière, c'est-à-dire, de la circoncision, en partie aussi par la promulgation du nouveau précepte. Par conséquent, ce n'est point à partir du moment précis oit il a été dit: «Si on ne renaît, etc.» qu'on doit croire que tous les hommes, ou même les Juifs et encore moins les enfants ne purent être sauvés sans être baptisés. Car la loi du baptême n'était pas encore promulguée alors, et bien qu'elle eût commencé probablement l'être par les apôtres qui baptisèrent avant la passion de Notre-Seigneur, elle ne l'était pourtant point encore suffisamment à cette époque pour être censée complètement promulguée et produire son effet. Nous pensons donc que la nécessité du baptême ne fut point encore suffisamment annoncée par ces paroles de saint Pierre aux Juifs: «Que chacun de vous se fasse baptiser, etc.» pour avoir eu dès lors, même chez les Juifs, le caractère d'une véritable loi, car il est évident que les paroles de saint Pierre ne pouvaient être entendues de tous les autres Juifs qui se trouvaient répandus dans le reste de la Judée et dans le monde entier. On doit donc se contenter de dire, que la loi du baptême ne commença à être obligatoire que du moment qu'elle fut suffisamment promulguée, ce qui est d'ailleurs de la nature de toute loi positive. La nécessité du baptême était prêchée en même temps que l'Évangile dont elle fait partie. C'est d'ailleurs en ce sens que saint Bernard répond à Hugues de Saint-Victor, qui embrassa volontiers son sentiment ainsi qu'on peut le voir dans son livre II des Sacrements. Voyez encore saint Thomas III par. q. LXXXVI, art. 2, ainsi que le Commentaire du Maître des sentences, sur cet endroit de saint Thomas, livre 4, distinction 3; Estius, Soto, etc. et la lettre cent huitième de saint Augustin. (Note de Horstius. )

268. La volonté est réputée pour le fait, etc. Il ne faut pas entendre ces mots en ce sens que la volonté, c'est-à-dire l'intention de recevoir le sacrement, ait en soi la force même du sacrement, c'est-à-dire agisse à la manière du sacrement et produise le même effet dans l'âme que si on avait reçu le sacrement lui-même. Elle n'agit pas ex opere operato, mais ex opere operantis, comme on dit, en tant qu'elle est le désir de l'accomplissement de l'oeuvre sacramentelle, elle agit donc comme acte de foi et comme prière. Si donc le voeu du baptême est réputé pour le fait même du baptême, cela ne tient pas de la nature des choses, mais de la miséricorde de Dieu qui, eu égard à la foi et au désir de celui qui veut faire son salut, supplée dans le cas de nécessité au défaut du sacrement. Dans ces oeuvres, où il est moins tenu compte du fait matériel que de l'intention de celui qui agit, la volonté, pourvu qu'elle soit suffisamment grande et complète, est réputée pour le fait, parce que le mérite de l'action même repose tout entier dans l'intention qui peut être aussi grande et même quelquefois plus grande sans l'acte qu'avec lui. C'est donc dans ces sortes d'oeuvres que la volonté est réputée pour le fait; mais non point dans celles qu'on appelle oeuvres opérées, excepté pour les choses où la miséricorde de Dieu supplée invisiblement ce que l'oeuvre visible sacramentelle ne saurait produire elle-même. Or, ce supplément de la miséricorde divine, quand le désir du sacrement visible existe effectivement, passe aux yeux de tous les l'ères comme incontestable. Voir sur ce point saint Cyprien, Lettre à Jubaien; saint Ambroise, Oraison funèbre de Valentinien, qui mourut en allant demander le baptême à saint Ambroise; saint Augustin, livre 4, Contre les Donatistes, chap. XXII et 25, et sur le Lévitique, questions LXXXIV. (Note de Horstius.)


MÊME TRAITÉ, MÊME NOMBRE.

269. Il est juste, en effet, que ceux à qui l'âge ne permet point de faire des actes de foi, etc., Saint Augustin était du même avis comme on peut le voir dans son livre 4, Contre les Donatistes, chap. XXIII. De même que les adultes qui sont dans l'impossibilité physique de recevoir le baptême sont néanmoins sauvés, parce que la charité supplée spirituellement ce sacrement. Ainsi le baptême lui-même supplée la foi, là où elle est impossible et sauve celui qui les reçoit dans ces conditions. «Telle est la doctrine de l'Église catholique, car elle baptise les petits enfants qui sont encore incapables de croire de coeur pour obtenir la justice, et de confesser leur foi de bouche pour obtenir le salut.» Au chap. XIV, il continue en ces termes: «De même que chez les adultes, ce qui manque au sacrement, non pas par suite de l'orgueil ou du mépris de l'homme, mais par un effet de la nécessité, est suppléé par la bonté du Tout-Puissant;ainsi, chez les enfants baptisés, la grâce du même Dieu Tout-Puissant supplée ce qui leur manque, non par suite d'une volonté impie de leur part, mais parce que, à cause de leur âge trop tendre encore, ils sont incapables de croire de coeur pour obtenir la justice et de confesser leur foi de bouche pour obtenir le salut. Aussi, quand d'autres répondent pour eux, attendu qu'ils ne sauraient le faire eux-mêmes, pour qu'on puisse leur administrer le baptême, ce sacrement produit tout son effet dans leurs âmes.» Ailleurs encore, dans la lettre XXIII, à Boniface, saint Cyprien dit encore: «Les petits enfanta sont présentés pour recevoir la grâce spirituelle du baptême, beaucoup moins par les mains de ceux qui les apportent à l'église, quoiqu'ils les présentent en effet eux-mêmes aussi s'ils sont de bons chrétiens, que par les mains de la société tout entière des saints et des fidèles. En effet, ces enfants sont censés présentés à l'église par tous ceux qui sont heureux qu'on les présente et dont la sainteté et la charité indivisibles les aident à recevoir le Saint-Esprit. Ainsi on peut dire que notre Mère l'Église, qui est tout entière dans les saints, opère elle-même en cette occasion, attendu que seule elle enfante tous les saints et chacun d'eux en particulier.»

D'ailleurs, si leur propre foi supplée en cas de nécessité, le baptême pour les adultes, tandis que la foi des autres ne peut sauver les enfants sans le secours du baptême, cela s'explique ainsi; c'est que la foi propre, même sans le baptême,rapproche Dieu de l'homme, et, par elle-même, le lui rend propice, puisque la foi lui inspire la prière à Dieu, la douleur de ses péchés et le désir du salut. Or, il ne s'opère rien de semblable dans les enfants par la foi d'autrui, elle les laisse éloignés de Dieu tant qu'ils n'ont point reçu le sacrement du baptême. Or, il convient plus à la bonté de Dieu de sauver celui qui est déjà revenu à lui, et qui le cherche, que celui qui est encore tout entier loin de lui et qui n'a en soi aucun principe de vie spirituelle. Ajoutez à cela que l'Eglise dont la charité maternelle donne tous les jours de nouveaux enfants au Christ, ne veut donner aux petits enfants le bénéfice de sa foi que par les moyens établis pour cela par Jésus-Christ lui-même, c'est-à-dire par le. baptême. (Note de Horstius.)


Bernard, du Baptême 10016