1996 Universi Dominici Gregis


UNIVERSI DOMINICI GREGIS

CONSTITUTION APOSTOLIQUE

SUR LA VACANCE DU SIEGE APOSTOLIQUE ET L'ELECTION DU PONTIFE ROMAIN


Introduction

100 JEAN-PAUL EVEQUE SERVITEUR DES SERVITEURS DE DIEU EN PERPETUELLE MEMOIRE

Le Pasteur de tout le troupeau du Seigneur est l'évêque de l'Eglise de Rome, dans laquelle le bienheureux Apôtre Pierre, par une souveraine disposition de la divine Providence, rendit au Christ le suprême témoignage de son sang par le martyre. Il est donc bien compréhensible que la légitime succession apostolique sur ce Siège, avec lequel, "en raison de son origine plus excellente, doit nécessairement s'accorder toute Eglise", ait toujours été l'objet d'attentions particulières.
C'est pourquoi, au cours des siècles, les Souverains Pontifes ont considéré comme leur devoir propre, et aussi comme leur droit spécifique, d'organiser l'élection régulière de leur Successeur par des normes appropriées. Ainsi, en des temps encore tout proches, mes prédécesseurs, saint Pie X (Cf. Const. ap. Vacante Sede Apostolica (25.12.1904): Pii X Pontificis Maximi Acta, III (1908), p. 239-288) Pie XI, (Const. ap. Quae divinitus (25.3.1935): AAS 27 (1935), p.97-113) Pie XII, (Cf. Const. ap. Vacantis Apostolicae Sedis (8.12.1945): AAS 38 (1946), p. 65-99) Jean XXIII (Cf. Motu proprio Summi Pontificis electio (5.9.1962): AAS 54 (1962), p. 632-640) et dernièrement Paul VI, (Cf. Const. ap. Regimini Ecclesiae universae (15.8.1967): AAS 59 (1967), p. 885-928; Motu proprio Ingravescentem aetatem (21.11.1970): AAS 62 (1970), p. 810-813; Const. ap. Romano Pontifici eligendo (1.10.1975): AAS 67 (1975), p. 609-645) chacun dans l'intention de répondre aux exigences d'une période historique particulière, veillèrent à promulguer sur cette question des règles sages et appropriées, pour préciser la préparation adéquate et le déroulement régulier de l'assemblée des électeurs, auxquels est confiée la charge importante et difficile d'élire le Pontife Romain, en raison de la vacance du Siège apostolique.

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Si aujourd'hui je m'apprête à aborder à mon tour cette question, ce n'est certainement pas par manque d'estime pour les normes précédentes, que j'apprécie profondément et que j'entends en grande partie confirmer, au moins quant à l'essentiel et aux principes de fond qui les ont inspirées. Ce qui me pousse à cette démarche, c'est la conscience des mutations de la situation dans laquelle vit aujourd'hui l'Eglise et, en outre, la nécessité de tenir compte de la révision générale de la loi canonique, heureusement accomplie à la satisfaction de l'ensemble de l'Episcopat, grâce à la publication et à la promulgation tout d'abord du Code de Droit canonique, puis du Code des Canons des Eglises orientales. Après cette révision, inspirée par le deuxième Concile oecuménique du Vatican, je me suis attaché ultérieurement à réaliser la réforme de la Curie romaine par la Constitution apostolique Pastor bonus . D'ailleurs, ce sont précisément les dispositions du
CIC 335, reprises dans le CIO 47, qui laissent entendre qu'il existe un devoir d'édicter et de remettre constamment à jour des lois spécifiques pour régler le pourvoi canonique du Siège de Rome, vacant pour quelque motif que ce soit.

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Dans la formulation de la nouvelle discipline, tout en tenant compte des exigences de notre temps, j'ai pris soin de ne pas dévier en substance de la ligne de la sage et vénérable tradition en vigueur jusqu'à présent. En vérité, apparaît indiscutable le principe selon lequel il revient aux Pontifes romains de définir, en l'adaptant aux changements des temps, la manière dont doit être effectuée la désignation de la personne appelée à assumer la succession de Pierre sur le Siège de Rome. En premier lieu, cela concerne l'organisme auquel est confié la charge de pourvoir à l'élection du Pontife Romain: en vertu d'une pratique millénaire, consacrée par des normes canoniques précises, confirmée aussi par une disposition explicite du Code de Droit canonique en vigueur
CIC 349, cet organisme est constitué par le Collège des Cardinaux de la Sainte Eglise Romaine. S'il appartient en vérité au dépôt de la foi que le pouvoir du Souverain Pontife provient directement du Christ, dont il est le Vicaire sur la terre, DS 3059-3063 LG 18 il est aussi hors de doute que ce pouvoir suprême dans l'Eglise lui est conféré "par l'élection légitime acceptée par lui, conjointement à la consécration épiscopale" CIC 332 Par. 1 CIO 44 Par 1. Par conséquent, la tâche qui incombe à l'organisme chargé de pourvoir à cette élection est d'une importance capitale. De ce fait, les normes qui en régissent les actes devront être claires et très précises, afin que l'élection elle-même advienne selon le mode le plus digne et convenant à la responsabilité suprême que l'élu, par investiture divine, devra assumer par son assentiment.
Par conséquent, confirmant la norme du Code de Droit canonique en vigueur CIC 349, dans laquelle se reflète la pratique désormais millénaire de l'Eglise, je déclare une fois encore que le Collège des électeurs du Souverain Pontife est constitué uniquement des Pères Cardinaux de la Sainte Eglise Romaine. En eux, s'expriment, comme en une admirable synthèse, les deux aspects qui caractérisent la figure et la charge du Pontife Romain: Romain, parce qu'identifié à la personne de l'Evêque de l'Eglise qui est à Rome et, donc, en relation étroite avec le clergé de cette Ville, représenté par les Cardinaux des titres presbytéraux et diaconaux de Rome, et avec les Cardinaux Evêques des sièges suburbicaires; Pontife de l'Eglise universelle, parce qu'il est appelé à prendre de manière visible la charge du Pasteur invisible qui guide le troupeau tout entier vers les pâturages de la vie éternelle. L'universalité de l'Eglise est du reste bien représentée dans la composition même du Collège cardinalice, qui rassemble des Cardinaux de tous les continents.

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Dans les circonstances historiques présentes, la dimension universelle de l'Eglise paraît suffisamment exprimée par le Collège des cent vingt Cardinaux électeurs, composé de Cardinaux provenant de toutes les parties du monde et des cultures les plus diverses. Je confirme donc le nombre maximal des Cardinaux électeurs, précisant en même temps que le maintien de la norme établie par mon prédécesseur Paul VI, norme selon laquelle ne participent pas à l'élection ceux qui ont atteint, le jour du début de la vacance du Siège apostolique, quatre-vingts ans, ne veut nullement être un signe de moindre considération. (Cf. Motu proprio Ingravescentem aetatem (21.11.1970), II, 2: AAS 62 (1970), p. 811; Const. ap. Romano Pontifici eligendo (1.10.1975), n. 33: AAS 67 (1975), p. 622) En effet, la raison de cette disposition est à rechercher dans la volonté de ne pas ajouter au poids d'un âge si vénérable la charge représentée par la responsabilité du choix de celui qui devra guider le troupeau du Christ de manière appropriée aux exigences des temps.
Cela n'empêche pas cependant que les Pères Cardinaux ayant dépassé les quatre-vingts ans prennent part aux réunions préparatoires du Conclave, selon ce qui est précisé plus loin. On attend d'eux en particulier que, durant la vacance du Siège, et surtout pendant le déroulement de l'élection du Souverain Pontife, se faisant les animateurs du Peuple de Dieu rassemblé dans les Basiliques patriarcales de la ville de Rome comme dans d'autres églises des diocèses répandus à travers le monde entier, ils s'associent à la tâche des électeurs, par d'intenses prières et par des supplications à l'Esprit Saint, implorant à leur intention la lumière nécessaire pour faire leur choix sous le regard de Dieu seul, en recherchant uniquement "le salut des âmes qui doit toujours être dans l'Eglise la loi suprême"
CIC 1752.

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J'ai voulu accorder une attention particulière à la très ancienne institution du Conclave; à cet égard, les normes et les pratiques ont été consacrées et définies aussi par des dispositions solennelles de nombre de mes Prédécesseurs. Un examen historique attentif confirme non seulement l'opportunité contingente de cette institution, en raison des circonstances où elle est apparue et où elle a été peu à peu définie de manière normative, mais aussi sa constante utilité pour le déroulement ordonné, diligent et régulier des actes de l'élection elle-même, particulièrement dans les périodes de tension et de trouble.
Pour cela précisément, tout en étant conscient de l'évaluation des théologiens et des canonistes de chaque époque, qui de manière concordante reconnaissent que cette institution n'est pas, de par sa nature, nécessaire à l'élection valide du Pontife Romain, je confirme par cette Constitution la permanence de sa structure essentielle, y apportant cependant quelques modifications, de manière à en adapter la discipline aux exigences actuelles. En particulier, j'ai considéré comme opportun de décider que, pendant toute la durée de l'élection, le logement des Cardinaux électeurs et de ceux qui sont appelés à collaborer au déroulement régulier de l'élection elle-même soit situé dans des locaux convenables de l'Etat de la Cité du Vatican. Même s'il est petit, l'Etat est suffisant pour assurer à l'intérieur de son enceinte, grâce aussi aux dispositions opportunes indiquées plus loin, l'isolement et ainsi le recueillement qu'un acte vital pour l'Eglise entière exige de la part des électeurs.

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En même temps, étant donné le caractère sacré de l'acte et donc qu'il doit se dérouler dans un lieu approprié où, d'une part, les actions liturgiques puissent se conjuguer avec les formalités juridiques et où, d'autre part, il soit rendu plus facile aux électeurs de disposer leur esprit à accueillir les motions intérieures de l'Esprit Saint, je décide que l'élection continuera à se dérouler dans la Chapelle Sixtine, où tout concourt à entretenir le sentiment de la présence de Dieu, devant qui chacun devra se présenter un jour pour être jugé.
En outre, avec mon autorité apostolique, je confirme le devoir de maintenir le plus rigoureux secret sur tout ce qui concerne directement ou indirectement les actes mêmes de l'élection: cependant, j'ai voulu simplifier et réduire à l'essentiel les normes relatives à ce dernier aspect, de manière à éviter les incertitudes et les doutes, et peut-être aussi les problèmes de conscience ultérieurs pour ceux qui ont pris part à l'élection.
Enfin, j'ai estimé nécessaire de revoir la forme même de l'élection, tenant aussi compte des exigences ecclésiales actuelles et des orientations de la culture moderne. Il m'est donc apparu opportun de ne pas conserver le mode d'élection par acclamation quasi ex inspiratione, la jugeant désormais inapte à interpréter l'avis d'un collège d'électeurs plus nombreux et si divers par les origines. Il est également apparu nécessaire de renoncer à l'élection per compromissum, non seulement parce qu'elle est difficile à réaliser, comme il ressort de l'accumulation presque inextricable de normes qui ont été émises sur cette question, mais aussi parce qu'elle est de nature à entraîner une certaine perte de responsabilité pour les électeurs, qui, dans une telle hypothèse, ne seraient pas appelés personnellement à exprimer leur vote.
Après mûre réflexion, j'ai donc décidé d'établir que l'unique forme par laquelle les électeurs peuvent exprimer leur vote pour l'élection du Pontife Romain est celle du scrutin secret, accompli selon les normes indiquées ci-dessous. Cette forme, en effet, donne la meilleure garantie de clarté, de rectitude, de simplicité, de transparence et, surtout, de participation effective et constructive de chacun des Pères Cardinaux, appelés à constituer l'assemblée des électeurs du Successeur de Pierre.

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Dans ces intentions, je promulgue la présente Constitution apostolique, qui contient les normes auxquelles doivent se conformer rigoureusement les Cardinaux qui ont le droit et le devoir d'élire le Successeur de Pierre, Chef visible de toute l'Eglise et Serviteur des serviteurs de Dieu, lorsque le Siège de Rome devient vacant.



PREMIERE PARTIE

I.- VACANCE DU SIEGE APOSTOLIQUE


I POUVOIRS DU COLLEGE DES CARDINAUX DURANT LA VACANCE DU SIEGE APOSTOLIQUE

1
1. Pendant la vacance du Siège apostolique, le Collège des Cardinaux n'a aucun pouvoir ni aucune juridiction sur les questions qui sont du ressort du Souverain Pontife, durant sa vie ou dans l'exercice des fonctions de sa charge; ces questions devront toutes être réservées exclusivement au futur Pontife. Je déclare donc invalide et nul tout acte de pouvoir ou de juridiction appartenant au Pontife Romain, durant sa vie ou dans l'exercice des fonctions de sa charge, que le Collège des Cardinaux lui-même croirait devoir poser, sinon dans les limites de ce qui est expressément permis par la présente Constitution.

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2. Durant la période où le Siège apostolique est vacant, le gouvernement de l'Eglise est confié au Collège des Cardinaux seulement pour expédier les affaires courantes ou celles qui ne peuvent être différées
cf. n. 6 et pour la préparation de ce qui est nécessaire en vue de l'élection du nouveau Pontife. Cette tâche devra être accomplie selon les modalités et dans les limites prévues par la présente Constitution: devront par conséquent être absolument exclues les affaires qui - en vertu de la loi ou en vertu de la pratique - relèvent des pouvoirs du seul Pontife Romain lui-même ou bien qui concernent les normes pour l'élection du nouveau Pontife suivant les dispositions de la présente Constitution.

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3. J'établis en outre que le Collège des Cardinaux ne peut en aucune façon prendre des dispositions sur les droits du Siège apostolique et de l'Eglise Romaine, et encore moins abandonner certains de ces droits, directement ou indirectement, même pour régler des dissensions ou pour poursuivre des actions perpétrées contre ces mêmes droits après la mort ou la démission valide du Pontife
CIC 332 Par. 2 CIO 44 Par. 2. Tous les Cardinaux défendront soigneusement ces droits.

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4. Durant la vacance du Siège apostolique, on ne peut en aucune façon corriger ni modifier les lois promulguées par les Pontifes Romains, ni leur ajouter ni leur retrancher quelque chose, ni en dispenser même partiellement, surtout en ce qui concerne les règles pour l'élection du Souverain Pontife. De plus, s'il se produisait éventuellement que quelque chose soit fait ou tenté contre cette prescription, de par ma suprême autorité, je le déclare nul et non avenu.

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5. S'il surgissait des doutes sur les prescriptions contenues dans la présente Constitution, ou sur la façon de les mettre en oeuvre, je dispose formellement que tout pouvoir d'émettre un jugement en ce domaine appartient au Collège des Cardinaux, auquel j'attribue donc la faculté d'en interpréter les points douteux ou controversés, établissant que, s'il faut délibérer sur ces questions et sur d'autres semblables, excepté l'acte de l'élection, il suffira que la majorité des Cardinaux réunis s'accorde sur la même opinion.

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6. De la même façon, dans le cas d'un problème qui, selon la majorité des Cardinaux réunis, ne peut être remis à plus tard, le Collège des Cardinaux prendra une décision conforme à l'avis de la majorité.


II – Congrégations préparatoire à l’élection

LES CONGREGATIONS DES CARDINAUX PREPARATOIRES A L'ELECTION DU SOUVERAIN PONTIFE

7 7. Durant la vacance du Siège, il y aura deux sortes de congrégations des Cardinaux: l'une générale, c'est-à-dire de tout le Collège jusqu'au commencement de l'élection, et l'autre particulière. Aux congrégations générales doivent participer tous les Cardinaux qui ne sont pas légitimement empêchés, dès qu'ils ont été informés de la vacance du Siège apostolique.
Toutefois, aux Cardinaux qui, selon la norme du
n. 33 de la présente Constitution, ne jouissent pas du droit d'élire le Pontife, est accordée la faculté de s'abstenir, s'ils le préfèrent, de participer à ces congrégations générales.
La congrégation particulière est composée du Cardinal Camerlingue de la Sainte Eglise Romaine et de trois Cardinaux, un de chaque ordre, tirés au sort parmi les Cardinaux électeurs déjà arrivés à Rome. La charge de ces trois Cardinaux, dits assistants, cesse à la fin du troisième jour, et d'autres leur succèdent, toujours par tirage au sort, pour une égale durée, même après le commencement de l'élection.
Pendant la période de l'élection, les questions les plus importantes sont traitées, si nécessaire, par l'assemblée des Cardinaux électeurs, tandis que les affaires ordinaires continuent à être traitées par la congrégation particulière des Cardinaux. Dans les congrégations générales et particulières, durant la vacance du Siège, les Cardinaux porteront la soutane noire filetée habituelle et la ceinture rouge, avec la calotte, la croix pectorale et l'anneau.

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8. Dans les congrégations particulières, on doit traiter seulement les questions d'importance mineure qui se présentent au jour le jour ou d'un moment à l'autre. Mais s'il surgit des questions plus graves qui demandent un examen plus approfondi, elles doivent être soumises à la congrégation générale. En outre, ce qui a été décidé, résolu ou repoussé dans une congrégation particulière ne peut être abrogé, modifié ou accordé dans une autre; le droit d'agir ainsi appartient seulement à la congrégation générale, et à la majorité des voix.

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9. Les congrégations générales des Cardinaux se tiendront dans le Palais apostolique du Vatican ou, si les circonstances le demandent, dans un autre lieu que les Cardinaux eux-mêmes jugeraient plus adapté. Elles seront présidées par le Doyen du Collège ou, s'il est absent ou légitimement empêché, par le Vice-Doyen. Si l'un d'entre eux, ou les deux, ne jouissaient plus du droit d'élire le Pontife, selon la norme du n. 33 de la présente Constitution, le Cardinal électeur le plus ancien, suivant l'ordre habituel de préséance, présidera les assemblées des Cardinaux électeurs.

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10. Le vote, dans les congrégations des Cardinaux, s'il s'agit de choses d'importance majeure, ne doit pas se faire oralement, mais sous une forme secrète.

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11. Les congrégations générales qui précèdent le commencement de l'élection, appelées pour cette raison "préparatoires", doivent avoir lieu quotidiennement, à partir du jour qui sera fixé par le Camerlingue de la Sainte Eglise Romaine conjointement avec le premier des Cardinaux électeurs de chaque ordre, même les jours où l'on célèbre les obsèques du Pontife défunt. Cela devra être accompli pour permettre au Cardinal Camerlingue de recueillir l'avis du Collège et de lui faire les communications qu'il estimera nécessaires ou opportunes; cela permettra aussi à chacun des Cardinaux d'exprimer son sentiment sur les problèmes qui se présentent, de demander des explications en cas de doute ou de faire des propositions.

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12. Lors des premières congrégations générales, on fera en sorte que tous les Cardinaux disposent d'un exemplaire de la présente Constitution et, en même temps, qu'ils aient la possibilité de formuler éventuellement des questions sur la signification et sur l'exécution des normes qu'elle établit. En outre, il convient que soit lue la partie de la présente Constitution concernant la vacance du Siège apostolique. Au même moment, tous les Cardinaux présents devront prêter serment d'observer les prescriptions de cette Constitution et de garder le secret. Ce serment, qui devra être prêté également par les Cardinaux qui, arrivant en retard, participent à ces congrégations dans un deuxième temps, sera lu par le Cardinal Doyen ou, éventuellement, par un autre président du Collège, conformément à la norme définie par le n. 9 de la présente Constitution, en présence des autres Cardinaux, selon la formule suivante:
" Nous, Cardinaux de la Sainte Eglise Romaine, dans l'ordre des Evêques, des Prêtres et des Diacres, promettons, nous déclarons obligés et jurons, tous et chacun, d'observer exactement et fidèlement toutes les normes contenues dans la Constitution apostolique Universi Dominici Gregis du Souverain Pontife Jean-Paul II, et de maintenir scrupuleusement le secret sur tout ce qui a rapport de quelque manière que ce soit avec l'élection du Pontife Romain, ou qui, de par sa nature, pendant la vacance du Siège apostolique, demande le même secret ".
Ensuite, chaque Cardinal dira: " Et moi, N. Cardinal N. je promets, je m'oblige et je jure ". Et, posant la main sur l'Evangile, il ajoutera: " Que Dieu m'aide en cela, et ces saints Evangiles que je touche de ma main ".

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13. Dans une des congrégations qui suivront immédiatement, les Cardinaux devront, selon un ordre du jour préétabli, prendre les décisions les plus urgentes en vue de commencer les actes de l'élection, à savoir:

- a) fixer le jour, l'heure et de quelle façon le corps du Pontife défunt sera porté dans la Basilique vaticane pour être exposé à l'hommage des fidèles;

- b) prendre toutes les dispositions nécessaires pour les obsèques du pontife défunt, qui devront être célébrées durant neuf jours consécutifs, et fixer le moment où elles commenceront, de telle sorte que l'inhumation ait lieu, sauf raison spéciale, entre le quatrième et le sixième jour après la mort;

- c) demander à la commission composée du Cardinal Camerlingue et des Cardinaux qui remplissaient respectivement la charge de Secrétaire d'Etat et de Président de la Commission pontificale pour l'Etat de la Cité du Vatican de préparer en temps opportun les locaux de la Domus Sanctæ Marthæ pour le logement convenable des Cardinaux électeurs et des personnes dont il est question au n. 46 de la présente Constitution, et de prévoir, en même temps, la mise en place de ce qui est nécessaire pour aménager la Chapelle Sixtine, afin que les opérations de vote puissent se dérouler commodément, dans l'ordre et dans le plus grand secret, conformément à ce qui est prévu et établi dans la présente Constitution;

- d) confier à deux ecclésiastiques exemplaires pour leur doctrine, leur sagesse et leur autorité morale la tâche de prononcer devant les Cardinaux deux méditations approfondies sur les problèmes de l'Eglise à ce moment-là et sur le choix éclairé du nouveau Pontife; en même temps, restant ferme ce qui est prévu au
n. 52 de la présente Constitution, ils veilleront à fixer le jour et l'heure où devra leur être adressée la première de ces méditations;

- e) approuver - sur proposition de l'Administration du Siège apostolique ou, pour ce qui est de sa compétence, du Gouvernement de l'Etat de la Cité du Vatican - les dépenses courantes depuis la mort du Pontife jusqu'à l'élection de son successeur;

- f) lire, au cas où il y en aurait, les documents laissés par le Pontife défunt à l'intention du Collège des Cardinaux;

- g) prendre soin de faire annuler l'Anneau du Pêcheur et le sceau de plomb sous lesquels sont expédiées les Lettres apostoliques;

- h) prendre les dispositions nécessaires pour l'attribution des logements des Cardinaux électeurs par tirage au sort;

- i) fixer le jour et l'heure du commencement des opérations de vote.

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III - DIVERSES CHARGES PENDANT LA VACANCE DU SIEGE APOSTOLIQUE

14. Selon l'art. 6 de la Constitution apostolique Pastor bonus , à la mort du Pontife, tous les Chefs des Dicastères de la Curie romaine, c'est-à-dire le Cardinal Secrétaire d'Etat, les Cardinaux Préfets, les Archevêques Présidents, ainsi que les membres de ces mêmes Dicastères, cessent leurs fonctions. Exception est faite pour le Camerlingue de la Sainte Eglise Romaine et pour le grand Pénitencier, qui continuent à s'occuper des affaires courantes, soumettant au Collège des Cardinaux ce qui aurait dû être référé au Souverain Pontife.
De même, conformément à ce que stipule la Constitution apostolique Vicariæ potestatis (n. 2 Par. 1)(Cf. AAS 69 (1977), p. 9-10), le Cardinal Vicaire général pour le diocèse de Rome ne quitte pas sa charge pendant la vacance du Siège apostolique et il en est de même du Cardinal Archiprêtre de la Basilique vaticane et Vicaire général pour la Cité du Vatican, pour ce qui relève de sa juridiction.

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15. Si les charges de Camerlingue de la Sainte Eglise Romaine ou de grand Pénitencier se trouvent vacantes à la mort du Pontife ou avant l'élection de son successeur, le Collège des Cardinaux devra, le plus vite possible, élire le Cardinal ou, selon les cas, les Cardinaux qui en assumeront les fonctions jusqu'à l'élection du nouveau Pontife. Dans chacun des cas cités, l'élection se fait par vote secret de tous les Cardinaux électeurs présents, au moyen de bulletins qui seront distribués et recueillis par les cérémoniaires, puis ouverts en présence du Camerlingue et des trois Cardinaux assistants, s'il s'agit d'élire le grand Pénitencier, ou bien en présence des trois Cardinaux susmentionnés et du secrétaire du Collège des Cardinaux, s'il s'agit d'élire le Camerlingue. Sera élu et jouira ipso facto de toutes les facultés liées à la charge celui qui aura obtenu la majorité des suffrages. En cas d'égalité des voix, sera désigné celui qui appartient à l'ordre le plus élevé et, dans le même ordre, celui qui a été créé Cardinal le premier. Jusqu'à l'élection du Camerlingue, ses fonctions sont exercées par le Doyen du Collège ou, s'il est absent ou légitimement empêché, par le Vice-Doyen ou par le Cardinal le plus ancien selon l'ordre habituel de préséance, conformément au
n. 9 de la présente Constitution, qui peut prendre sans délai les décisions appelées par les circonstances.

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16. Mais, si le Vicaire général pour le diocèse de Rome venait à disparaître pendant la vacance du Siège apostolique, le vice-gérant alors en fonction exercera la charge propre au Cardinal vicaire en plus de sa propre juridiction ordinaire (Cf. Const. ap. Vicariæ potestatis (6.1.1977), n. 2 Par. 4: AAS 69 (1977), p. 10). S'il n'y a pas non plus de vice-gérant, le premier nommé des Evêques auxiliaires en remplira les fonctions.

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17. Dès qu'il a reçu la nouvelle de la mort du Souverain Pontife, le Camerlingue de la Sainte Eglise Romaine doit constater officiellement la mort du Pontife en présence du Maître des Célébrations liturgiques pontificales, des prélats clercs et du secrétaire et chancelier de la Chambre apostolique; ce dernier rédigera le document ou acte de décès authentique. Le Camerlingue doit en outre apposer les scellés au bureau et à la chambre du Pontife, s'assurant que le personnel qui réside habituellement dans l'appartement privé puisse y demeurer jusqu'après la sépulture du Pape, au moment où tout l'appartement pontifical sera mis sous scellés; informer de la mort le Cardinal Vicaire de Rome, lequel en donnera la nouvelle au peuple romain par une déclaration spéciale; et de même le Cardinal Archiprêtre de la Basilique vaticane; il doit prendre possession du Palais apostolique du Vatican et, personnellement ou par un délégué, des Palais du Latran et de Castel Gandolfo dont il assurera la garde et le gouvernement; déterminer, après avoir consulté les Cardinaux chefs des trois ordres, tout ce qui concerne la sépulture du Pontife, à moins que ce dernier, de son vivant, n'ait fait connaître ses volontés à ce sujet; veiller, au nom et avec le consentement du Collège des Cardinaux, à tout ce que les circonstances suggéreront pour défendre les droits du Siège apostolique et assurer sa bonne administration. Il revient en effet au Camerlingue de la Sainte Eglise Romaine, pendant la vacance du Siège apostolique, de veiller à l'administration des biens et des droits temporels du Saint-Siège, avec l'aide des trois Cardinaux assistants, après avoir obtenu, une fois pour les questions moins importantes et chaque fois pour les plus graves, le vote du Collège des Cardinaux.

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18. Le Cardinal grand Pénitencier et ses collaborateurs, pendant la vacance du Siège, pourront accomplir ce qui a été établi par mon prédécesseur Pie XI dans la Constitution apostolique Quæ divinitus du 25.3.1935 (Cf. n. 12: AAS 27 (1935), p. 112-113), et par moi-même dans la Constitution apostolique Pastor bonus .

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19. Il appartient au Doyen du Collège des Cardinaux, dès que le Cardinal Camerlingue ou le Préfet de la Maison pontificale l'aura informé de la mort du Pontife, d'en communiquer la nouvelle à tous les Cardinaux et de les convoquer pour les congrégations du Collège. De même, il fera part de la mort du Pontife au Corps diplomatique accrédité près le Saint-Siège et aux Chefs d'Etat des nations correspondantes.

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20. Pendant la vacance du Siège apostolique, le Substitut de la Secrétairerie d'Etat ainsi que le Secrétaire pour les Relations avec les Etats et les Secrétaires des Dicastères de la curie romaine garderont la direction de leurs services respectifs et en répondront devant le Collège des Cardinaux.

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21. De même, la mission et les pouvoirs des représentants pontificaux ne cessent pas.

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22. L'aumônier de Sa Sainteté continuera à exercer ses oeuvres de charité, en observant les critères en usage du vivant du Pontife; et il sera soumis au Collège des Cardinaux jusqu'à l'élection du nouveau Pontife.

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23. Pendant la vacance du Siège, tout le pouvoir civil du Souverain Pontife concernant le gouvernement de la Cité du Vatican revient au Collège des Cardinaux; cependant, celui-ci ne pourra porter de décrets qu'en cas d'urgente nécessité et seulement pour la durée de la vacance du Saint-Siège. Ces décrets n'auront de valeur par la suite que si le nouveau Pontife les confirme.

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IV. Pouvoirs des Dicastères pendant la vacance du Siège

24. Durant la vacance du Siège, les dicastères de la curie romaine, à l'exception de ceux dont il est question au n. 26 de la présente Constitution, n'ont aucun pouvoir en ce qui concerne les affaires que, Sede plena, ils ne peuvent traiter ou expédier que facto verbo cum SS.mo, ou bien Ex Audientia SS.mi, ou vigore specialium et extraordinariarum facultatum que le Pontife Romain a coutume d'accorder aux Préfets, aux Présidents ou aux Secrétaires de ces dicastères.

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25. Au contraire, les facultés ordinaires de chaque dicastère ne sont pas supprimées par la mort du Pontife; j'établis toutefois que les dicastères ne doivent user de ces facultés que dans la concession de grâces de moindre importance, tandis que les affaires plus graves ou controversées, si leur solution peut être différée, devront être exclusivement réservées au futur Pontife; mais, si elles n'admettent aucun retard (comme, entre autres, les cas in articulo mortis pour les dispenses que le Souverain Pontife a coutume d'accorder), le Collège des Cardinaux pourra les confier au Cardinal qui était Préfet jusqu'à la mort du Pontife, ou à l'Archevêque jusqu'alors Président, et aux autres Cardinaux du même dicastère à qui le Souverain Pontife défunt en aurait probablement confié l'examen. En de telles circonstances, ils pourront décider per modum provisionis, jusqu'à l'élection du Pontife, ce qu'ils auront jugé le plus apte à la sauvegarde et à la défense des droits et des traditions ecclésiastiques.

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26. Le Tribunal suprême de la Signature apostolique et le Tribunal de la Rote romaine continuent, pendant la vacance du Saint-Siège, à traiter les causes selon leurs lois propres, restant fermes les prescriptions figurant dans l'article 18, alinéas 1 et 3 de la Constitution apostolique Pastor bonus .

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V. LES FUNERAILLES DU PONTIFE ROMAIN

27. Après le décès du Pontife Romain, les Cardinaux célébreront pendant neuf jours consécutifs les services funèbres pour le repos de son âme, selon les normes de l'Ordo exequiarum Romani Pontificis, auxquelles ils se conformeront fidèlement, ainsi qu'à celles de l'Ordo rituum Conclavis.

28
28. Si l'inhumation a lieu dans la Basilique vaticane, son procès-verbal authentique est rédigé par le notaire du chapitre de cette même Basilique ou par le chanoine archiviste. Ensuite, un délégué du Cardinal Camerlingue et un délégué du Préfet de la Maison pontificale rédigeront séparément les documents qui font foi de ce que l'inhumation a eu lieu; le premier en présence des membres de la Chambre apostolique, le second en présence du Préfet de la Maison pontificale.

29
29. Si le Pontife Romain devait mourir en dehors de Rome, il appartient au Collège des Cardinaux de prendre toutes les dispositions nécessaires pour un transfert digne et honorable de sa dépouille mortelle à la Basilique Saint-Pierre du Vatican.

30
30. Personne n'a le droit de prendre, en utilisant quelque moyen que ce soit, des images du Souverain Pontife alité et malade ou défunt, ni d'enregistrer avec quelque procédé que ce soit ses paroles pour les reproduire par la suite. Si quelqu'un, après la mort du Pape, désire prendre de lui des photographies à titre documentaire, il devra en faire la demande au Cardinal Camerlingue de la Sainte Eglise Romaine, lequel ne permettra cependant de photographier le Souverain Pontife que s'il est revêtu des vêtements pontificaux.

31
31. Après l'inhumation du Souverain Pontife et pendant l'élection du nouveau Pape, aucune pièce de l'appartement privé des Souverains Pontifes ne sera habitée.

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32. Si le Souverain Pontife défunt a fait un testament concernant ses biens, laissant des lettres et des documents privés, et s'il a désigné son exécuteur testamentaire, il revient à celui-ci, en vertu des pouvoirs reçus du testateur, de prendre les décisions et les dispositions nécessaires concernant les biens privés et les écrits du Pontife défunt. Cet exécuteur ne rendra compte de son action qu'au nouveau Souverain Pontife.

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1996 Universi Dominici Gregis