Homélie de saint Ambroise (+ 397) Du bien de la mort, 12, 52-55 : CSEL 32, 747-750.

Avançons hardiment vers notre Rédempteur Jésus, rejoignons hardiment l’assemblée des saints, le concile des justes. Car nous irons vers ceux qui sont nos frères, vers ceux qui nous ont instruits dans la foi. Ainsi, même si nos oeuvres sont insuffisantes, que la foi vienne à notre secours et préserve notre héritage. <>

Le Seigneur sera la lumière de tous, et cette vraie lumière qui éclaire tout homme (Jn 1,9) brillera pour tous. Nous irons là où le Seigneur Jésus a préparé des demeures pour ses serviteurs, afin que là où il est, nous soyons nous aussi car telle est sa volonté. Quelles sont ces demeures ? Ecoutons-le en parler : Dans la maison de mon Père il y a beaucoup de demeures. Et il nous dit ce qu’il veut : Je reviendrai et je vous prendrai avec moi, afin que là où je suis, vous soyez vous aussi (Jn 14,2-3).

Mais, me direz-vous, il ne parlait ainsi qu’à ses disciples, c’est à eux seuls qu’il promettait ces nombreuses demeures ; et où voyez-vous qu’on viendra de partout prendre part au banquet dans le royaume de Dieu ?

Comment pouvez-vous mettre en doute l’efficacité de la parole divine ? Pour le Christ, vouloir, c’est réaliser. Enfin il a montré le lieu et le chemin, quand il a dit : Où je vais, vous le savez, et vous savez le chemin (Jn 14,4). Le lieu, c’est chez le Père ; le chemin, c’est le Christ, comme il l’a dit lui-même : Moi je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi (Jn 14,7).

Entrons dans ce chemin, attachons-nous à la vérité, suivons la vie. Le chemin est ce qui conduit, la vérité est ce qui affermit, la vie est ce qui se donne de soi-même. Et pour que nous comprenions bien ce qu’il veut, il ajoutera plus loin : Père, ceux que tu m ‘as donnés, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, pour qu ‘ils contemplent ma gloire, Père (cf. Jn 17,24). Il est beau de voir que ce qu’il avait promis auparavant, maintenant il le demande. En effet, parce qu’il avait promis d’abord et qu’il demande maintenant, et non pas le contraire, on voit qu’il a promis d’abord comme étant maître du don, conscient de sa puissance ; ensuite il a demandé au Père, comme étant l’interprète de la piété filiale. Il a promis d’abord, pour que vous reconnaissiez son pouvoir. Il a demandé ensuite, pour que vous compreniez sa piété envers le Père.

Nous te suivons, Seigneur Jésus. Mais pour que nous te suivions, appelle-nous, parce que, sans toi, nul ne montera vers toi. Car tu es le chemin, la vérité, la vie. Tu es aussi notre secours, notre foi, notre récompense. Ceux qui sont à toi, accueille-les, toi qui es le chemin ; fortifie-les, toi qui es la vérité ; vivifie-les, toi qui es la vie.

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Ch. 14-17 : décret Ad gentes 4 La mission du Saint-Esprit

4 Mais pour le réaliser pleinement, le Christ a envoyé d’auprès du Père le Saint-Esprit, qui accomplirait son oeuvre porteuse de salut à l’intérieur des âmes et pousserait l’Eglise à s’étendre. Sans l’ombre d’un doute le Saint-Esprit était déjà à l’oeuvre avant la glorification du Christ (5). Pourtant, le jour de la Pentecôte, il descendit sur les disciples pour demeurer avec eux à jamais Jn 14,16 ; l’Eglise se manifesta publiquement devant la multitude, la diffusion de l’Evangile commença avec la prédication ; enfin fut préfigurée l’union des peuples dans la catholicité de la foi, par l’Eglise de la Nouvelle Alliance, qui parle toutes les langues, comprend et embrasse dans sa charité toutes les langues, et triomphe ainsi de la dispersion de Babel (6). Car c’est à la Pentecôte que commencèrent " les actes des apôtres ", tout comme c’est lorsque le Saint-Esprit vint sur la Vierge Marie que le Christ fut conçu, et lorsque le même Esprit-Saint descendit sur le Christ pendant sa prière que le Christ fut poussé à commencer son ministère (7). Le Christ Jésus lui-même, avant de donner librement sa vie pour le monde, a de telle sorte organisé le ministère apostolique et promis d’envoyer le Saint-Esprit, que ce ministère et cette mission sont tous deux associés pour mener à bien, toujours et partout, l’oeuvre du salut (8). A travers toutes les époques, c’est le Saint-Esprit qui " unifie l’Eglise tout entière dans la communion et le ministère, qui la munit des divers dons hiérarchiques et charismatiques "(9), vivifiant à la façon d’une âme (10) les institutions ecclésiastiques et insinuant dans les coeurs des fidèles le même esprit missionnaire, qui avait poussé le Christ lui-même. Parfois même il prévient visiblement l’action apostolique (11), tout comme il ne cesse de l’accompagner et de la diriger de diverses manières (12).

(5) C’est l’Esprit-Saint qui a parlé par les prophètes : Symb. Constantin. : DS 150 . St Léon le grand, sermon 76 : PL 54, 405-406 : Quand au jour de la Pentecôte l’Esprit-Saint remplit les disciples du Seigneur, ce ne fut pas le début d’un don mais une largesse surajoutée à d’autres : les patriarches, les prophètes, les prêtres, les saints qui vécurent aux temps anciens ont été nourris du même Esprit sanctifiant ... bien que la mesure des dons ait été différente . Etiam sermo 77, 1 : PL 54, 412. Léon XIII, encyc. Divinum illud : ASS 1897, 650-51. Etiam St Jean Chrysostome bien qu’il insiste sur la nouveauté de la mission du St Esprit au jour de la Pentecôte : In Eph. c. 4, hom. 10,1. (6) De Babel et Pentec. saepe loquuntur Ss. Patres : Origènes, In Genesim, c. 1 : PG 12, 112. St Grégoire de Naz. Oratio 41, 16 : PG 26, 449. St Jean Chrysost. Hom. 2 in Pentec. 2, PG 5O, 467. Id Act. Apost. PG 60, 44. St Augustin, En. in Ps. 54, 11 : PL 36, 636 ; CChr.39, 664 s. ID. Sermo 271 : PL 38, 1245. St Cyrille d’Alex. Glaphyra in Genesim II : PG 699, 79. St Grégoire M.Hom. in Evang., lib. II, hom.30, 4 : PL 76, 1222. st Bède, in Hexaem. lib. III : PL 91,125. L’Eglise parle toutes les langues et ainsi rassemble tous les hommes dans la catholicité de la foi St Augustin sermons 266, 267, 268, 269 : PL 65, 743-744. sur la Pentecôte comme consécration des apôtres à la mission, cf. J.A.Cramer, Catena in Acta SS. Apostol. Oxford 1838, pp. 24 s. (7) Lc 3,22 ; Lc 4,1 ; Ac 10,38 . (8) Jn 14-17 . Paul VI, Alloc. in Concile habita du 14/09/1964 : AAS 56 (1964), p. 807. (9) LG 4 . (10) St Augustin, sermon 267, 4 : PL 38, 1231 : ce que fait l’âme dans tous les membres d’un même corps, le St Esprit le fait dans l’Eglise tout entière . LG 7, note 8. (11) Ac 10,44-47 ; Ac 11,15 ; Ac 15,8 . (12) Ac 4,8 ; Ac 5,32 ; Ac 8,26 ; Ac 8,29 ; Ac 8,39 ; Ac 9,31 ; Ac 10 ; Ac 11,24-28 ; Ac 13,2 Ac 13,4 ; Ac 13,9 ; Ac 16,6-7 ; Ac 20,22-23 ; Ac 21,11, etc.

 

v. 1 : CEC 151 Croire en Jésus Christ, le Fils de Dieu

151 Pour le chrétien, croire en Dieu, c’est inséparablement croire en Celui qu’il a envoyé, " son Fils bien-aimé " en qui Il a mis toute sa complaisance (Mc 1,11) ; Dieu nous a dit de l’écouter (cf. Mc 9,7). Le Seigneur lui-même dit à ses disciples : " Croyez en Dieu, croyez aussi en moi " (Jn 14,1). Nous pouvons croire en Jésus Christ parce qu’il est lui-même Dieu, le Verbe fait chair : " Nul n’a jamais vu Dieu ; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, lui, l’a fait connaître " (Jn 1,18). Parce qu’il " a vu le Père " (Jn 6,46) : il est seul à le connaître et à pouvoir le révéler (cf. Mt 11,27).

v. 1 : II.II, 9, 9 : La transmission des articles de foi par le symbole

Objections : 5. Comme le fait observer S. Augustin lorsqu’il explique cette parole (Jn 14,1) : " Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi " : " Nous croyons Pierre ou Paul, mais il n’est jamais question que de croire en Dieu. " L’Église catholique étant purement quelque chose de créé, il semble donc Inconvenant de dire qu’on croit " en la sainte Église, une, catholique et apostolique ".

En sens contraire, l’Église universelle ne peut pas se tromper, gouvernée qu’elle est par l’Esprit Saint qui est l’Esprit de vérité ; car le Seigneur l’a promis à ses disciples en leur disant (Jn 16,13) : " Lorsque sera venu cet Esprit de vérité, il vous enseignera toute vérité. " Mais quand un symbole est publié, c’est par l’autorité de l’Église universelle. Donc il n’y a rien en lui qui ne soit comme il faut.

Réponse : L’Apôtre le dit bien (He 11,6) : " Celui qui s’approche de Dieu doit croire. " Mais nul ne peut croire si la vérité qu’il doit croire ne lui est proposée. C’est pourquoi il a été nécessaire de recueillir en un tout la vérité de foi, afin qu’elle puisse être proposée à tous plus facilement et que personne ne reste éloigné de la foi par ignorance. Le mot de " symbole " vient de ce recueil des sentences de la foi.

Solutions : 5. Lorsqu’on dit " en la sainte Église catholique " on doit l’entendre en ce sens que notre foi se réfère à l’Esprit Saint qui sanctifie l’Église. On veut dire : " je crois en l’Esprit Saint sanctifiant son Église. " Mais il est préférable, et d’un usage plus général, de ne pas mettre là le mot " en " et de dire simplement : " la sainte Église catholique ", comme fait aussi le pape S. Léon.

v. 1 : II, II, 16, 1 : Les préceptes relatifs à la foi

Objections : 2. Le Nouveau Testament est contenu dans l’Ancien nous l’avons dit, comme une réalité figurée dans sa figure. Mais il y a dans le Nouveau Testament des Commandements touchant expressément la foi, comme on le voit en S. Jean (Jn 14,1) : " Croyez en Dieu, croyez aussi en moi. " Il semble donc que quelques préceptes relatifs à la foi aient dû être donnés aussi dans l’ancienne loi.

En sens contraire, l’Apôtre appelle la loi ancienne " la loi des oeuvres " et il l’oppose à la " loi de la foi " (Rm 3,27) . Il n’y eut donc pas à donner dans la loi ancienne de préceptes touchant la foi.

Réponse : La loi n’est imposée par un maître qu’à ses sujets. C’est pourquoi les préceptes d’une loi présupposent la sujétion de tous ceux qui la reçoivent envers celui qui la donne. Or la première sujétion de l’homme à l’égard de Dieu se fait par la foi, selon cette parole (He 11,6) : " Pour s’approcher de Dieu il faut croire qu’il existe. " C’est pourquoi la foi est présupposée aux préceptes de la loi. A cause de cela, dans l’Exode (Ex 20,2), une vérité de la foi est mise en tête, avant les préceptes de la loi, lorsqu’il est dit : " Je suis le Seigneur ton Dieu, c’est moi qui t’ai tiré du pays d’Égypte. " Et pareillement dans le Deutéronome (Dt 6,4) on trouve d’abord : " Écoute Israël, le Seigneur ton Dieu est l’unique ", et aussitôt après viennent les préceptes. Mais il y a dans le contenu de la foi beaucoup de points qui sont ordonnés à cette foi par laquelle nous croyons que Dieu existe, ce qui est la vérité première et principale

entre toutes celles à croire, ainsi que nous l’avons dit. C’est pourquoi cette foi à Dieu étant présupposée, par laquelle l’esprit humain se soumet à Dieu, des préceptes peuvent être donnés relativement aux autres points qu’on doit croire. En ce sens S. Augustin affirme, lorsqu’il expose le passage :" Ceci est mon commandement ", que les commandements relatifs à la foi sont pour nous très nombreux. Mais dans l’ancienne loi, les secrets de la foi n’avaient pas à être exposés au peuple ; et c’est pourquoi, la foi au Dieu unique étant supposée, aucun autre précepte ne fut donné dans l’ancienne loi relativement aux vérités à croire.

Solutions : 2. Même là, le Seigneur présuppose quelque chose relevant de la foi. Il présuppose la foi au Dieu unique, lorsqu’il dit : " Vous croyez en Dieu. " Et il prescrit quelque chose, la foi à l’Incarnation par laquelle le même être est Dieu et homme. C’est assurément un développement de la foi qui relève de la foi du Nouveau Testament. C’est pourquoi le Seigneur ajoute : " Croyez aussi en moi. "

v. 1 : II, II, 174, 6

En sens contraire, Moïse, on l’a vu, a été le plus grand des prophètes, bien qu’il ait précédé tous les autres. Le degré de prophétie n’a donc pas progressé avec le temps.

Réponse : La prophétie, nous l’avons dit, est ordonnée à la connaissance de la vérité divine ; et la contemplation de cette vérité a un double but : éclairer notre foi et diriger notre activité selon le Psaume (Ps 43,3) : " Envoie ta lumière et ta vérité, ce sont elles qui m’ont conduit. " Or notre foi comprend surtout deux vérités. 1 La vraie connaissance de Dieu, car d’après l’épître aux Hébreux (He 11,6) : " Celui qui s’approche de Dieu doit croire qu’il existe. " 2 Le mystère de l’incarnation du Christ : " Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi ", dit le Seigneur en S. Jean (Jn 14,1) . Donc, si nous parlons de la prophétie qui est ordonnée à la foi en Dieu, elle a subi des accroissements selon trois périodes de temps : avant la loi, sous la loi et sous la grâce. En effet, avant la loi, Abraham et les autres Pères furent instruits prophétiquement des vérités qui se rapportent à la foi en Dieu ; aussi sont-ils appelés prophètes, d’après le Psaume (Ps 105,15) - " Ne faites pas de mal à mes prophètes ", ce qui vise spécialement Abraham et Isaac. Mais sous la loi les vérités concernant Dieu furent l’objet de révélations prophétiques supérieures aux précédentes, car il fallait alors instruire de ces vérités, non seulement quelques personnes ou quelques familles, mais tout un peuple ; aussi le Seigneur dit-il à Moïse (Ex 3,14) : " je suis le Seigneur, qui suis apparu à Abraham, à Isaac et à Jacob comme Dieu tout puissant, mais je ne leur a fait connaître mon nom d’Adonaï. " Les patriarches antérieurs avaient en effet appris à connaître sous une forme commune la toute-puissance du Dieu unique ; mais dans la suite, Moïse fut plus pleinement instruit de la simplicité de l’essence divine, lorsqu’il lui fut dit (Ex 3,14) : " je suis celui qui suis. " C’est ce nom que les Juifs ont remplacé par celui d’Adonaï, à cause de la vénération due à ce nom qu’on ne peut prononcer. Enfin, au temps de la grâce, le mystère de la Trinité a été révélé par le Fils de Dieu lui-même (Mt 28,19) - " Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. "

Toutefois, en chacune de ces périodes, la première en date des révélations fut la plus haute. Avant la loi, la première révélation fut faite à Abraham ; c’est de son temps, en effet, que les hommes commencèrent à s’éloigner de la foi au Dieu unique pour tomber dans l’idolâtrie ; auparavant cette révélation n’était pas nécessaire, puisque tous persévéraient dans le culte du Dieu unique. A Isaac fut octroyée une révélation de moindre importance, qui était comme fondée sur celle d’Abraham ; aussi lui fut-il dit (Gn 26,24) : " Je suis le Dieu d’Abraham, ton père. " Et de même à Jacob (Gn 28,13) : " je suis le Dieu d’Abraham, ton père, et le Dieu d’Isaac. Pareillement, durant la période de la loi, la première révélation fut accordée à Moïse, et elle fut la plus parfaite ; sur elle fut fondée la révélation faite à tous les prophètes. Et au temps de la grâce, c’est aussi sur la révélation qui a été faite aux Apôtres, et qui concernait la foi en l’Unité et en la Trinité, que s’appuie toute la foi de l’Église, d’après ces paroles du Seigneur (Mt 16,18) : " Sur cette pierre ", c’est-à-dire ta confession de foi, " je bâtirai mon Église. "

Quant à la foi en l’incarnation du Christ, il est évident que plus les fidèles furent proches du Christ, soit avant, soit après, plus aussi, dans l’ensemble, ils reçurent de lumière sur cette vérité. Toutefois, davantage après qu’avant, comme le remarque l’Apôtre (Ep 3,5) .

Par rapport au second but de la révélation prophétique : diriger l’activité humaine, on ne remarque pas de variation dans la suite des temps, mais selon les nécessités des circonstances ; car, comme il est écrit au livre des Proverbes (Pr 29,18) : " Quand il n’y aura plus de vision, le peuple sera sans direction. " C’est la raison pour laquelle, en chaque temps, les hommes ont été instruits par Dieu de ce qu’ils devaient faire, selon ce qui était utile au salut des élus.

v. 1 : III, 75, 1 : Le corps du Christ est-il dans ce sacrement en vérité, ou seulement en figure ou comme dans un signe

En sens contraire, S. Hilaire dit : " On ne peut mettre en doute la vérité de la chair et du sang du Christ. C’est affirmé par la déclaration du Seigneur et par notre foi : sa chair est vraiment une nourriture et son sang est vraiment une boisson. " Et S. Ambroise : " De même que le Seigneur Jésus Christ est vraiment le Fils de Dieu, de même c’est sa vraie chair que nous mangeons, et son vrai sang qui est une boisson. "

Réponse : Que le vrai corps du Christ et son sang soient dans le sacrement, les sens ne peuvent le saisir, mais seulement la foi qui s’appuie sur l’autorité divine. Aussi le texte de S. Luc (Lc 22,19) : " Ceci est mon corps, qui sera livré pour vous " est commenté ainsi par S. Cyrille : " Ne doutez pas que ce soit vrai, mais plutôt recevez les paroles du Sauveur dans la foi : puisqu’il est la vérité, il ne ment pas. "

1 Or cela s’accorde à la perfection de la loi nouvelle. Car les sacrifices de la loi ancienne ne contenaient qu’en figure ce vrai sacrifice de la passion du Christ, selon ce que dit l’épître aux Hébreux (He 10,1) : " La loi a l’ombre des biens à venir, non l’image même des réalités. " Il fallait donc que le sacrifice de la loi nouvelle, institué par le Christ, eût quelque chose de plus, c’est-à-dire qu’il contint le Christ en sa passion, non seulement par mode de signification ou de figure, mais bien en vérité réelle. Et c’est pourquoi ce sacrement, parce qu’il contient réellement le Christ lui-même est, au dire de Denys " celui qui achève tous les autres sacrements ", dans lesquels on trouve seulement une participation de la vertu du Christ.

2 Cela convient à la charité du Christ : c’est par charité qu’il a pris, pour notre salut, un vrai corps de même nature que le nôtre. Et parce que la propriété essentielle de l’amitié, selon Aristote, est " qu’on partage la vie de ses amis ", il nous a promis pour récompense sa présence corporelle : " Là ou sera le corps, dit-il (Mt 24,28), là se rassembleront les aigles. " En attendant toutefois, il ne nous a pas privés de sa présence corporelle pour le temps de notre pèlerinage, mais, par la vérité de son corps et de son sang, il nous unit à lui dans ce sacrement. Ce qui lui fait dire (Jn 6,57) : " Qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi, et moi en lui. " Ce sacrement est ainsi le signe de la suprême charité et le réconfort de notre espérance, puisqu’il opère une si intime union entre le Christ et nous.

3 Cette présence réelle ressortit à la perfection de la foi, qui doit être aussi ferme à l’égard de l’humanité du Christ qu’à l’égard de sa divinité, comme il l’a dit (Jn 14,1) : " Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. " Or la foi porte sur des réalités invisibles : de même que le Christ nous présente invisiblement sa divinité, de même, en ce sacrement, nous présente-t-il sa chair sous un mode invisible.

Certains, négligeant toutes ces considérations, ont professé que le corps et le sang du Christ ne se trouvent dans ce sacrement que comme le signifié se trouve dans le signe. Cette position est à rejeter comme hérétique, car elle contredit les paroles du Christ. C’est pourquoi Bérenger, initiateur de cette erreur, fut ensuite contraint de la rétracter et de confesser la vraie foi.

v. 1 : Redemptor Hominis 13 Le Christ s’est uni à chaque homme

Lorsque, à travers l’expérience de la famille humaine qui augmente continuellement à un rythme accéléré, nous pénétrons le mystère de Jésus-Christ, nous comprenons avec plus de clarté que, au centre de toutes les routes par lesquelles l’Eglise de notre temps doit poursuivre sa marche, conformément aux sages orientations de Paul VI (86), il y a une route unique : la route expérimentée depuis des siècles et qui est en même temps la route de l’avenir. Le Christ Seigneur a indiqué cette route surtout lorsque, pour reprendre les termes du Concile, "par l’Incarnation le Fils de Dieu s’est uni d’une certaine manière à tout homme" (87). L’Eglise reconnaît donc son devoir fondamental en agissant de telle sorte que cette union puisse continuellement s’actualiser et se renouveler. L’Eglise désire servir cet objectif unique : que tout homme puisse retrouver le Christ,afin que le Christ puisse parcourir la route de l’existence, en compagnie de chacun, avec la puissance de la vérité sur l’homme et sur le monde contenue dans le mystère de l’Incarnation et de la Rédemption, avec la puissance de l’amour qui en rayonne. Sur la toile de fond des développements toujours croissants au cours de l’histoire, qui semblent se multiplier de façon particulière à notre époque dans le cercle de divers systèmes, conceptions idéologiques du monde et régimes, Jésus-Christ devient, d’une certaine manière, nouvellement présent, malgré l’apparence de toutes ses absences, malgré toutes les limitations de la présence et de l’activité institutionnelle de l’Eglise. Jésus-Christ devient présent avec la puissance de la vérité et avec l’amour qui se sont exprimés en lui avec une plénitude unique et impossible à répéter, bien que sa vie terrestre ait été brève, et plus brève encore son activité publique.

86- Cf. Encyclique Ecclesiam suam : AAS 56 (1964) 609-659.

87- GS 22

Jésus-Christ est la route principale de l’Eglise. Lui-même est notre route vers "la maison du Père" (88), et il est aussi la route pour tout homme. Sur cette route qui conduit du Christ à l’homme, sur cette route ou le Christ s’unit à chaque homme, l’Eglise ne peut être arrêtée par personne. Le bien temporel et le bien éternel de l’homme l’exigent. L’Eglise, par respect du Christ et en raison de ce mystère qui constitue la vie de l’Eglise elle-même, ne peut demeurer insensible à tout ce qui sert au vrai bien de l’homme, comme elle ne peut demeurer indifférente à ce qui le menace. Le Concile Vatican II, en divers passages de ses documents, a exprimé cette sollicitude fondamentale de l’Eglise, afin que la vie en ce monde soit "plus conforme à l’éminente dignité de l’homme" (89) à tous points de vue, pour la rendre "toujours plus humaine" (90).Cette sollicitude est celle du Christ lui-même, le bon Pasteur de tous les hommes. Au nom de cette sollicitude, comme nous le lisons dans la constitution pastorale du Concile, "l’Eglise qui, en raison de sa charge et de sa compétence, ne se confond d’aucune manière avec la communauté politique et n’est liée à aucun système politique, est à la fois le signe et la sauvegarde du caractère transcendant de la personne humaine" (91).

88- Jn 14,1 89- GS 91 90- GS 38 91- GS 76

Il s’agit donc ici de l’homme dans toute sa vérité, dans sa pleine dimension. Il ne s’agit pas de l’homme "abstrait", mais réel, de l’homme "concret", "historique". Il s’agit de chaque homme, parce que chacun a été inclus dans le mystère de la Rédemption, et Jésus-Christ s’est uni à chacun, pour toujours, à travers ce mystère. Tout homme vient au monde en étant conçu dans le sein de sa mère et en naissant de sa mère, et c’est précisément à cause du mystère de la Rédemption qu’il est confié à la sollicitude de l’Eglise. Cette sollicitude s’étend à l’homme tout entier et est centrée sur lui d’une manière toute particulière. L’objet de cette profonde attention est l’homme dans sa réalité humaine unique et impossible à répéter, dans laquelle demeure intacte l’image et la ressemblance avec Dieu lui-même (92). C’est ce qu’indique précisément le Concile lorsque, en parlant de cette ressemblance, il rappelle que "l’homme est la seule créature sur terre que Dieu ait voulue pour elle-même" (93). L’homme, tel qu’il est "voulu" par Dieu, "choisi" par Lui de toute éternité, appelé, destiné à la grâce et à la gloire : voilà ce qu’est "tout" homme, l’homme "le plus concret", "le plus réel" ; c’est cela, l’homme dans toute la plénitude du mystère dont il est devenu participant en Jésus-Christ et dont devient participant chacun des quatre milliards d’hommes vivant sur notre planète, dès l’instant de sa conception près du coeur de sa mère.

92- Gn 1,27 93- GS 24

v. 2 : CEC Article 6 " Jésus est monté aux cieux, il siège à la droite de Dieu, le Père tout-puissant "

659 " Or le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fut enlevé au ciel et il s’assit à la droite de Dieu " (Mc 16,19). Le Corps du Christ a été glorifiée dès l’instant de sa Résurrection comme le prouvent les propriétés nouvelles et surnaturelles dont jouit désormais son corps en permanence (cf. Lc 24,31 ; Jn 20,19 ; Jn 20,26). Mais pendant les quarante jours où il va manger et boire familièrement avec ses disciples (cf. Ac 10,41) et les instruire sur le Royaume (cf. Ac 1,3), sa gloire reste encore voilée sous les traits d’une humanité ordinaire (cf. Mc 16,12 ; Lc 24,15 ; Jn 20,14-15 ; Jn 21,4). La dernière apparition de Jésus se termine par l’entrée irréversible de son humanité dans la gloire divine symbolisée par la nuée (cf. Ac 1,9 cf. aussi Lc 9,34-35 ; Ex 13,22) et par le ciel (cf. Lc 24,51) où il siège désormais à la droite de Dieu (cf. Mc 16,19 ; Ac 2,33 ; Ac 7,56 cf. aussi Ps 110,1). Ce n’est que de manière tout à fait exceptionnelle et unique qu’il se montrera à Paul " comme à l’avorton " (1Co 15,8) en une dernière apparition qui le constitue apôtre (cf. 1Co 9,1 ; Ga 1,16).

660 Le caractère voilé de la gloire du Ressuscité pendant ce temps transparaît dans sa parole mystérieuse à Marie-Madeleine : " Je ne suis pas encore monté vers le Père. Mais va vers mes frères et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu " (Jn 20,17). Ceci indique une différence de manifestation entre la gloire du Christ ressuscité et celle du Christ exalté à la droite du Père. L’événement à la fois historique et transcendant de l’Ascension marque la transition de l’une à l’autre.

661 Cette dernière étape demeure étroitement unie à la première, c’est-à-dire à la descente du ciel réalisée dans l’Incarnation. Seul celui qui est " sorti du Père " peut " retourner au Père " : le Christ (cf. Jn 16,28). " Personne n’est jamais monté aux cieux sinon le Fils de l’Homme qui est descendu des cieux " (Jn 3,13 cf. Ep 4,8-10). Laissée à ses forces naturelles, l’humanité n’a pas accès à la " Maison du Père " (Jn 14,2), à la vie et à la félicité de Dieu. Le Christ seul a pu ouvrir cet accès à l’homme, " de sorte que nous, ses membres, nous ayons l’espérance de le rejoindre là où Lui, notre Tête et notre Principe, nous a précédés " (MR, éface de l’Ascension)

662 " Moi, une fois élevé de terre, j’attirerai tous les hommes à moi " (Jn 12,32). L’élévation sur la Croix signifie et annonce l’élévation de l’Ascension au ciel. Elle en est le début. Jésus-Christ, l’unique Prêtre de l’Alliance nouvelle et éternelle, n’est pas " entré dans un sanctuaire fait de mains d’hommes ... mais dans le ciel, afin de paraître maintenant à la face de Dieu en notre faveur " (He 7,24). Au ciel le Christ exerce en permanence son sacerdoce, " étant toujours vivant pour intercéder en faveur de ceux qui par lui s’avancent vers Dieu " (He 9,25). Comme " grand prêtre des biens à venir " (He 9,11), il est le centre et l’acteur principal de la liturgie qui honore le Père dans les cieux (cf. Ap 4,6-11).

vv. 2-3 : IV " Qui es aux cieux "

2794 Cette expression biblique ne signifie pas un lieu (" l’espace "), mais une manière d’être ; non pas l’éloignement de Dieu mais sa majesté. Notre Père n’est pas " ailleurs ", il est " au-delà de tout " ce que nous pouvons concevoir de sa Sainteté. C’est parce qu’il est trois fois Saint, qu’il est tout proche du coeur humble et contrit :

C’est avec raison que ces paroles ‘Notre Père qui es aux cieux’ s’entendent du coeur des justes, où Dieu habite comme dans son temple. Par là aussi celui qui prie désirera voir résider en lui Celui qu’il invoque (S. Augustin, serm. Dom. 2,5,17).

Les " cieux " pourraient bien être aussi ceux qui portent l’image du monde céleste, et en qui Dieu habite et se promène (S. Cyrille de Jérusalem, catech. myst. 5,11).

2795 Le symbole des cieux nous renvoie au mystère de l’Alliance que nous vivons lorsque nous prions notre Père. Il est aux cieux, c’est sa Demeure, la Maison du Père est donc notre " patrie ". C’est de la terre de l’Alliance que le péché nous a exilés (cf. Gn 3) et c’est vers le Père, vers le ciel que la conversion du coeur nous fait revenir (cf. Jr 3,19-4,1 ; Lc 15,18-15,21). Or c’est dans le Christ que le ciel et la terre sont réconciliés (cf. Is 45,8 ; Ps 85,12), car le Fils " est descendu du ciel ", seul, et il nous y fait remonter avec lui, par sa Croix, sa Résurrection et son Ascension (cf. Jn 12,32 ; Jn 14,2-3 ; Jn 16,28 ; Jn 20,17 ; Ep 4,9-10 ; He 1,3 ; He 2,13).

2796 Quand l’Eglise prie " notre Père qui es aux cieux ", elle professe que nous sommes le Peuple de Dieu déjà " assis aux cieux dans le Christ Jésus " (Ep 2,6), " cachés avec le Christ en Dieu " (Col 3,3), et, en même temps, " gémissant dans cet état, ardemment désireux de revêtir, par dessus l’autre notre habitation céleste " (2Co 5,2 cf. Ph 3,20 ; He 13,14) :

Les chrétiens sont dans la chair, mais ne vivent pas selon la chair. Ils passent leur vie sur terre, mais sont citoyens du ciel (Epître à Diognète 5,8-9).

v. 2 : Cantique spirituel 14 str 3

Reviens, colombe,

3 Sur quoi il faut remarquer que, comme en l’Arche de Noé, selon que dit la Sainte Écriture (Gn 6,14 ss), il y avait de nombreuses demeures pour toutes les différences d’animaux, et aussi toutes les viandes (nourriture) qui se pouvaient manger, de même l’âme, en ce vol qu’elle fait à cette Arche divine du sein de Dieu, non seulement y voit les nombreuses demeures que Sa Majesté dit en saint Jean (Jn 14,2) qu’il y avait en la maison de son Père, mais aussi elle y voit et y connaît toutes les viandes, c’est-à-dire toutes les grandeurs que l’âme peut goûter, qui sont toutes les choses contenues dans les deux couplets susdits, signifiées par ces termes communs, qui sont en substance les suivants :

4 L’âme voit et goûte en cette union divine une abondance et des richesses inestimables, et trouve tout le repos et toute la récréation qu’elle désire, et entend des secrets et des intelligences de Dieu merveilleuses, qui sont des viandes de celles qui lui sont le plus savoureuses ; et sent en Dieu un pouvoir et une force terribles qui surpassent tout autre pouvoir et toute autre force ; et de plus elle goûte là une suavité et une délectation d’esprit admirables, elle trouve un vrai repos et une lumière divine, elle goûte hautement de la sagesse de Dieu qui reluit dans l’harmonie des créatures et des faits de Dieu ; et elle se sent pleine de biens, vide et exempte de maux ; et surtout, elle perçoit et goûte une inestimable réfection d’amour qui la confirme en amour.

5 Voilà la substance de ce qui est contenu dans les deux couplets susdits, dans lesquels l’Épouse dit que son Bien-Aimé est toutes ces choses en Soi et les est pour elle. Car, en ce que Dieu a coutume de communiquer en semblables transports d’esprit, l’âme sent et connaît la vérité de ce que disait saint François, c’est à savoir : " Mon Dieu et toutes les choses ".

D’où vient que parce que Dieu est toutes choses à l’âme, et le bien de toutes, la communication de ce transport se déclare dans les couplets susdits par la similitude de la bonté des choses, selon que nous expliquerons en chaque vers ; où il faut entendre que tout ce qui est ici déclaré est éminemment en Dieu, dans une façon infinie. Ou, pour mieux dire, chacune de ces grandeurs qui se rapportent ici est Dieu, et toutes ici sont Dieu.

Car pour autant que l’âme s’unit avec Dieu, elle sent que Dieu est en toutes les choses en un simple être, comme saint Jean le sentit quand il dit : " Quod factum est, in ipso vita erat " ; c’est-à-dire : " Ce qui a été fait, en lui était vie " (Jn 1,3-4). D’où vient qu’il ne faut pas entendre que ce qu’on dit ici que l’âme sent comme si on voyait les choses en la lumière ou les créatures en Dieu ; mais qu’en cette possession, elle sent que Dieu lui est toutes choses. Et il ne faut pas non plus entendre qu’à cause que l’âme sent si hautement de Dieu en ce que nous disons, qu’elle le voie essentiellement et clairement, parce que ce n’est qu’une forte et abondante communication et un rayon de ce qu’il est en soi, où l’âme sent ce bien des choses que nous déduirons maintenant dans les vers suivants :

v. 2 : I, II, 102, 2 : Un homme peut-il avoir plus de béatitude qu’un autre ?

En sens contraire, le Seigneur dit dans S. Jean (Jn 14,2) : " Dans la maison de mon Père il y a beaucoup de demeures. " Et ces demeures correspondent, d’après S. Augustin " aux différents degrés de mérite de ceux qui sont dans la vie éternelle ". Or le degré de vie éternelle qui est accordé au mérite est la béatitude elle-même. Donc il y a différents degrés dans la béatitude, et elle n’est pas égale chez tous.

Réponse : Comme nous l’avons déjà expliqué, l’idée de béatitude inclut deux aspects : d’abord la fin ultime elle-même, qui est le souverain bien ; puis l’obtention ou la jouissance de ce bien. En ce qui concerne le bien même qui est l’objet de la béatitude, il ne peut y avoir une béatitude plus grande qu’une autre, puisqu’il n’y a qu’un souverain bien, qui est Dieu, dont la possession rend les hommes bienheureux. Mais quant à l’obtention ou jouissance de ce bien, l’un peut avoir plus de béatitude que l’autre ; car plus on jouit de ce bien, plus on est bienheureux. Or il arrive qu’un homme jouisse de Dieu plus parfaitement qu’un autre, parce qu’il est mieux disposé ou mieux ordonné à cette jouissance. Et c’est ainsi que l’un peut avoir plus de béatitude que l’autre.

v. 2.3 : III, 57, 6 : Les effets de l’Ascension

Réponse : L’ascension du Christ est la cause de notre salut de deux façons : tout d’abord par rapport à nous ; puis par rapport au Christ lui-même.

Par rapport à nous, l’ascension du Christ est cause de notre salut : grâce à elle, en effet, notre esprit se tourne vers lui. Ainsi qu’on vient de le voir, l’ascension est utile : 1 à notre foi ; 2 à notre espérance ; 3 à notre charité. 4 En outre, notre respect pour le Christ s’augmente, car nous ne le considérons plus comme un homme terrestre, mais comme Dieu. Aussi l’Apôtre écrit-il (2Co 5,16) : " Si nous avons connu le Christ selon la chair ", c’est-à-dire, d’après la Glose, selon une chair mortelle qui nous faisait penser qu’il n’était qu’un homme, " à présent, nous ne le connaissons plus comme tel ".

Par rapport au Christ lui-même, l’ascension est cause de notre salut.

1 Il nous a préparé la voie pour monter au ciel, comme il le dit en S. Jean (Jn 14,2) : " je vais vous préparer une place " ; et ainsi que l’écrit Michée (Mi 2,13) : " Il est monté en ouvrant le chemin. " Il est en effet notre chef, et là ou le chef a passé, il faut que passent les membres. Aussi le Christ affirme-t-il (Jn 14,3) : " Il faut que là ou je suis, vous soyez aussi. " La preuve en est que les âmes des saints qu’il avait libérées de l’enfer, il les a conduites au ciel, comme le chante le Psaume (Ps 68,19) : " En montant au ciel, il a emmené captive la captivité. " Ceux qui avaient été faits captifs par le démon, il les a emmenés avec lui au ciel, comme en un lieu étranger à la nature humaine, captifs d’une bonne capture, puisqu’il les a acquis par la victoire.

2 De même que le grand prêtre de l’Ancien Testament entrait dans le sanctuaire afin de se tenir devant Dieu et de représenter le peuple, ainsi le Christ " est entré au ciel afin d’intercéder pour nous " (He 7,25) . Sa présence même, par la nature humaine qu’il a introduite au ciel, est en effet une intercession pour nous. Dieu, qui a exalté de la sorte la nature humaine du Christ, aura aussi pitié de ceux pour lesquels le Fils de Dieu a assumé la nature humaine.

3 Le Christ siégeant ainsi dans les cieux comme Dieu et Seigneur, envoie de là-haut les biens divins aux hommes. " Il s’est élevé au-dessus de tous les cieux, afin de remplir toutes choses " (Ep 4,10), de les remplir " de ses dons ", explique la Glose.

v. 2 : Laborem exercens 25 Le travail comme participation à l’oeuvre du Créateur

Comme dit le Concile Vatican II, "pour les croyants, une chose est certaine : l’activité humaine, individuelle et collective, le gigantesque effort par lequel les hommes, tout au long des siècles, s’acharnent à améliorer leurs conditions de vie, considéré en lui-même, correspond au dessein de Dieu. L’homme, créé à l’image de Dieu, a en effet reçu la mission de soumettre la terre et tout ce qu’elle contient, de gouverner le cosmos en sainteté et justice et, en reconnaissant Dieu comme Créateur de toutes choses, de lui référer son être ainsi que l’univers : en sorte que, tout étant soumis à l’homme, le nom même de Dieu soit glorifié par toute la terre" (27).

27- GS 34

Dans les paroles de la Révélation divine, on trouve très profondément inscrite cette vérité fondamentale que l’homme, créé à l’image de Dieu, participe par son travail à l’oeuvre du Créateur, et continue en un certain sens, à la mesure de ses possibilités, à la développer et à la compléter, en progressant toujours davantage dans la découverte des ressources et des valeurs incluses dans l’ensemble du monde créé. Nous trouvons cette vérité dès le commencement de la Sainte Ecriture, dans le Livre de la Genèse, ou l’oeuvre même de la création est présentée sous la forme d’un "travail" accompli par Dieu durant "six jours" (28) et aboutissant au "repos" du septième jour (29). D’autre part, le dernier livre de la Sainte Ecriture résonne encore des mêmes accents de respect pour l’oeuvre que Dieu a accomplie par son "travail" créateur lorsqu’il proclame : "Grandes et admirables sont tes oeuvres, ô Seigneur Dieu tout-puissant" (30), proclamation qui fait écho à celle du Livre de la Genèse dans lequel la description de chaque jour de la création s’achève par l’affirmation : "Et Dieu vit que cela était bon" (31).

28- Gn 2,2 ; Ex 20,8 ; Ex 20,11 ; Dt 5,12-14

29- Gn 2,3

30- Ap 15,3

31- Gn 1,4 ; Gn 1,10 ; Gn 1,12 ; Gn 1,18 ; Gn 1,21 ; Gn 1,25 ; Gn 1,31

Cette description de la création, que nous trouvons déjà dans le premier chapitre de la Genèse, est en même temps et en un certain sens le premier "évangile du travail". Elle montre en effet en quoi consiste sa dignité : elle enseigne que, par son travail, l’homme doit imiter Dieu, son Créateur, parce qu’il porte en soi et il est seul à le faire l’élément particulier de ressemblance avec Lui. L’homme doit imiter Dieu lorsqu’il travaille comme lorsqu’il se repose, étant donné que Dieu lui-même a voulu lui présenter son oeuvre créatrice sous la forme du travail et sous celle du repos. Cette oeuvre de Dieu dans le monde continue toujours, comme l’attestent ces paroles du Christ : "Mon Père agit toujours ..." (32) ; il agit par sa puissance créatrice, en soutenant dans l’existence le monde qu’il a appelé du néant à l’être, et il agit par sa puissance salvifique dans les coeurs des hommes qu’il a destinés dès le commencement au "repos" (33) en union avec lui, dans la "maison du Père" (34). C’est pourquoi le travail de l’homme, lui aussi, non seulement exige le repos chaque "septième jour" (35), mais en outre ne peut se limiter à la seule mise en oeuvre des forces humaines dans l’action extérieure : il doit laisser un espace intérieur dans lequel l’homme, en devenant toujours davantage ce qu’il doit être selon la volonté de Dieu, se prépare au "repos" que le Seigneur réserve à ses serviteurs et amis (36).

32- Jn 5,17

33- He 4,1 ; He 4,9-10

34- Jn 14,2

35- Dt 5,12-14 ; Ex 20,8-12

36- Mt 25,21

La conscience que le travail humain est une participation à l’oeuvre de Dieu doit, comme l’enseigne le Concile, imprégner même "les activités les plus quotidiennes. Car ces hommes et ces femmes qui, tout en gagnant leur vie et celle de leur famille, mènent leurs activités de manière à bien servir la société, sont fondés à voir dans leur travail un prolongement de l’oeuvre du Créateur, un service de leurs frères, un apport personnel à la réalisation du plan providentiel dans l’histoire" (37).

37- GS 34

Il faut donc que cette spiritualité chrétienne du travail devienne le patrimoine commun de tous. Il faut que, surtout à l’époque actuelle, la spiritualité du travail manifeste la maturité qu’exigent les tensions et les inquiétudes des esprits et des coeurs : "Loin de croire que les conquêtes du génie et du courage de l’homme s’opposent à la puissance de Dieu et de considérer la créature raisonnable comme une sorte de rivale du Créateur, les chrétiens sont au contraire bien persuadés que les victoires du genre humain sont un signe de la grandeur divine et une conséquence de son dessein ineffable. Mais plus grandit le pouvoir de l’homme, plus s’élargit le champ de ses responsabilités, personnelles et communautaires... Le message chrétien ne détourne pas les hommes de la construction du monde et ne les incite pas à se désintéresser du sort de leurs semblables : il leur en fait au contraire un devoir plus pressant" (38).

38- GS 34

La conscience de participer par le travail à l’oeuvre de la création constitue la motivation la plus profonde pour l’entreprendre dans divers secteurs : "C’est pourquoi les fidèles lisons-nous dans la constitution Lumen gentium doivent reconnaître la nature profonde de toute la création, sa valeur et sa finalité qui est la gloire de Dieu ; ils doivent, même à travers des activités proprement séculières, s’aider mutuellement en vue d’une vie plus sainte, afin que le monde s’imprègne de l’Esprit du Christ et atteigne plus efficacement sa fin dans la justice, la charité et la paix... Par leur compétence dans les disciplines profanes et par leur activité que la grâce du Christ élève au-dedans, qu’ils s’appliquent de toutes leurs forces à obtenir que les biens créés soient cultivés..., selon les fins du Créateur et l’illumination de son Verbe, grâce au travail de l’homme, à la technique et à la culture de la cité..." (39).

39- LG 36

 

vv. 2-3 : LT 127 A Céline.

J.M.J.T.

Au Carmel le 26 Avril 91

Jésus +

Ma Céline chérie,

Pour la quatrième fois c’est de la solitude du Carmel que ta Thérèse vient te souhaiter ton anniversaire... Oh ! comme ces souhaits ressemblent peu à ceux du monde... Ce n’est point la santé, le bonheur, la fortune, la gloire, etc., que Thérèse désire pour sa Céline oh non ! ce n’est pas tout cela !... Nos pensées à nous ne sont point sur la terre d’exil, notre coeur est là où est notre trésor, Mt 6,21 et notre trésor est là-haut dans la patrie où Jésus nous prépare une place auprès de lui. Je dis une place et non pas des places, Jn 14,2-3 car sans doute le même trône est réservé à celles qui sur la terre n’ont jamais été qu’une seule âme... Ensemble nous avons grandi, ensemble Jésus nous a instruites de ses secrets, secrets sublimes qu’il cache aux puissants et qu’il révèle aux petits, Lc 10,21 ensemble encore nous avons souffert à Rome, nos coeurs alors étaient étroitement unis, et la vie eût été sur la terre l’idéal du bonheur si Jésus n’était venu encore rendre nos liens plus étroits, oui en nous séparant il nous a unies d’une façon inconnue jusqu’alors à mon âme, car depuis ce moment je ne puis rien désirer pour moi seule mais seulement pour nous deux... Ah ! Céline !... Il y a trois ans nos âmes n’avaient pas encore été brisées, le bonheur était encore possible pour nous sur la terre, mais Jésus nous a envoyé un regard (v) d’amour, un regard voilé de larmes, et ce regard est devenu pour nous un océan de souffrance, mais aussi un océan de grâces et d’amour. Il nous a pris celui que nous aimions avec tant de tendresse, d’une façon plus douloureuse encore qu’il ne nous avait enlevé notre mère chérie au printemps de notre vie, mais n’est-ce pas afin que nous puissions dire véritablement : " Notre Père qui êtes dans les Cieux. " Oh ! qu’elle est consolante cette parole, Mt 6,9 quel horizon infini elle ouvre à nos yeux... Céline, la terre étrangère n’a pour nous que des plantes sauvages et des épines, Gn 3,18 mais n’est-ce pas la part qu’elle a donnée à notre divin époux, oh ! qu’elle est belle aussi pour nous, cette part qui est la nôtre, et qui nous dira ce que l’éternité nous réserve ?... Céline chérie, toi qui me faisais tant de questions quand nous étions petites, je me demande comment il se fait que tu ne m’aies jamais fait celle-ci :" Mais pourquoi le bon Dieu ne m’a-t-il pas créée un ange ? " Ah ! Céline, je vais te dire ce que je pense, si Jésus ne t’a pas créée un ange dans le Ciel, c’est qu’il veut que tu sois un ange de la terre, oui Jésus veut avoir ici-bas sa cour céleste comme là-haut ! Il veut des anges-martyrs, il veut des anges-apôtres, et il a creé une petite fleur ignorée qui se nomme Céline dans cette intention-là. Il veut que sa petite fleur lui sauve des âmes, il ne veut pour cela qu’une chose, que sa fleur le regarde en souffrant son martyre... Et c’est ce mystérieux regard échangé entre Jésus et sa petite fleur, qui fera des merveilles et donnera à Jésus une multitude d’autres fleurs (surtout un certain Lys fané et flétri 1 qu’il faudra changer en rose d’amour et de repentir !)... (r tv) Céline chérie, ne m’en veux pas si je t’ai dit que là-haut nous aurions la même place, car vois-tu je pense qu’une pauvre petite pâquerette peut bien pousser dans la même terre qu’un beau lys éclatant de blancheur, ou encore une petite perle peut être enchâssée à côté d’un diamant et lui emprunter son éclat !... Oh ! Céline, aimons Jésus à l’infini et de nos deux coeurs n’en faisons qu’un afin qu’il soit plus grand en amour !... Céline, avec toi je ne finirais jamais, comprends tout ce que je voudrais te dire pour tes 22 ans !... Ta petite soeur qui n’est qu’un avec toi... (Sais-tu qu’à nous deux nous avons 40 ans maintenant, ce n’est pas étonnant que nous ayons déjà l’expérience de tant de choses, qu’en penses-tu ?)

Thérèse de l’Enfant Jésus, de la Ste Face

nov. carm. ind.

vv. 2-3 : LT 173 A soeur Thérèse-Dosithée (Léonie).

Janvier 1895

J.M.J.T.

Jésus +

Ma chère petite soeur

C’est avec grande joie que je viens t’offrir mes voeux au commencement de cette nouvelle année. Celle qui vient de s’écouler a été bien fructueuse pour le Ciel, notre Père chéri a vu ce que " L’oeil de l’homme ne peut contempler ". Il a entendu l’harmonie des anges... et son coeur comprend, son âme jouit des récompenses que Dieu a préparées à ceux qui l’aiment !

Notre tour viendra aussi... peut-être ne verrons-nous pas finir l’année qui commence ! peut-être l’une de nous entendra-t-elle bientôt l’appel de Jésus !...

Oh ! qu’il est doux de penser que nous (1v) voguons vers l’éternel rivage !...

Chère petite soeur, ne trouves-tu pas comme moi que le départ de notre Père chéri nous a rapprochées des Cieux ? Plus de la moitié de la famille jouit maintenant de la vue de Dieu et les cinq exilées de la terre ne tarderont pas à s’envoler vers leur Patrie Cette pensée de la brièveté de la vie me donne du courage, elle m’aide à supporter les fatigues du chemin. Qu’importe (dit l’Imitation) 1 un peu de travail sur la terre. nous passons et n’avons point ici de demeure permanente ! He 13,14 Jésus est allé devant afin de nous préparer une place en la maison de son Père et puis Il viendra et Il nous prendra avec Lui afin que-là où Il est nous y soyons aussi... Jn 14,2-3 Attendons, souffrons en (2r) paix, l’heure du repos approche les légères tribulations de cette vie d’un moment produisent en nous un poids éternel de gloire... 2Co 4,17 Chère petite soeur, que tes lettres m’ont fait de plaisir et surtout de bien à l’âme, je me réjouis en voyant combien le Bon Dieu t’aime et te comble de ses grâces... Il te trouve digne de souffrir pour son amour et c’est la plus grande preuve de tendresse qu’Il puisse te donner, car c’est la souffrance qui nous rend semblables à Lui...

O ma petite Soeur chérie ! n’oublie pas la dernière, la plus pauvre de tes soeurs ; demande à Jésus qu’elle soit bien fidèle qu’elle soit comme toi heureuse d’être partout la plus petite... la dernière !... 2 Je te prie d’offrir mes voeux à tes bonnes mères et de leur assurer que je leur suis bien unie dans le coeur de Jésus.

Ta pauvre petite Soeur

(Th. de l’Enfant Jésus)

rel. carm. ind.

 

v. 2 : LT 204 A Mère Agnès de Jésus.

18 Décembre 96

La Sainte Vierge est si contente d’avoir un petit âne et une petite servante qu’elle les fait courir de droite et de gauche pour son plaisir, 1 aussi n’est ce pas étonnant que la petite Mère tombe quelquefois...

Oui mais 2 quand le petit Jésus sera grand, qu’il n’aura plus besoin d’apprendre le " petit métier de la boutique ", 3 il préparera une petite place Jn 14,2 à la petite Mère dans son royaume qui n’est pas de ce monde Jn 18,36 et puis à son tour " Il ira et viendra pour la servir ". Lc 12,37 Plus d’un petit nez tiré par la petite Mère sera obligé de se lever pour regarder celle qui n’eut d’autre ambition que d’être l’âne du petit Jésus.

v. 2 : LT 226 Au Père Roulland.

J.M.J.T.

Carmel de Lisieux

9 Mai 1897

Mon Frère

J’ai reçu avec joie ou plutôt avec émotion les reliques que vous avez bien voulu m’envoyer, 1 votre lettre est presque une lettre d’au revoir pour le Ciel, il me semblait en la lisant entendre le récit des épreuves de vos ancêtres dans l’apostolat.

Sur cette terre où tout change, une seule chose reste stable, c’est la conduite du Roi des cieux à l’égard de ses amis ; depuis qu’Il a levé l’étendard de la Croix, c’est à son ombre que tous doivent combattre et remporter la victoire : " Toute vie de Missionnaire est féconde en Croix " disait Th. Vénard, et encore : " Le vrai bonheur est de souffrir. Et pour vivre il nous faut mourir. "

Mon Frère, les débuts de votre apostolat sont marqués du sceau de la croix, le Seigneur vous traite en privilégié ; c’est bien plus par la persécution et par la souffrance que par de brillantes prédications qu’il veut affermir son règne dans les âmes. - Vous dites : " Je suis encore un petit enfant qui ne sait pas parler. " 2 Le P. Mazel qui fut ordonné prêtre le même jour que vous, ne savait pas parler non plus cependant il a déjà cueilli la palme... 3 Oh ! que les pensées divines sont au dessus des nôtres !..

Is 55,8-9 En apprenant la mort de ce jeune missionnaire que j’entendais nommer pour la première fois, je me suis sentie portée à l’invoquer, il me semblait le voir au Ciel dans le glorieux choeur des Martyrs. Je le sais, aux yeux des hommes son martyre ne porte pas ce nom, mais au regard du bon Dieu ce sacrifice sans gloire n’est pas moins fécond que ceux des premiers chrétiens qui confessèrent leur foi devant les tribunaux. La persécution a changé de forme, les apôtres du Christ n’ont pas changé de sentiments, aussi leur Divin Maître ne saurait changer ses récompenses à moins que ce ne soit pour les augmenter en comparaison de la gloire qui leur est refusée ici-bas. Je ne comprends pas, mon frère, que vous paraissiez douter de votre entrée immédiate au Ciel si les infidèles vous ôtaient la vie. (je sais qu’il faut être bien pur pour paraître devant le Dieu de toute Sainteté, mais je sais aussi que le Seigneur est infiniment Juste et c’est cette justice qui effraye tant d’âmes qui fait le sujet de ma joie et de ma confiance. Etre juste, ce n’est pas seulement exercer la sévérité pour punir les coupables, c’est encore reconnaître les intentions droites et récompenser la vertu. J’espère autant de la justice du Bon Dieu que de sa miséricorde. C’est parce qu’il est juste qu’il est compatissant et rempli de douceur, lent à punir et abondant en miséricorde. Ps 102,8 Car il connaît notre fragilité, Ps 102,14 Il se souvient que nous ne sommes que poussière. Ps 103,13 Comme un Père a de la tendresse pour ses enfants ainsi le Seigneur a compassion de nous "... 4 O mon Frère, en entendant ces belles et consolantes paroles du Prophète-Roi, comment douter que le Bon Dieu ne puisse ouvrir les portes de son royaume à ses enfants qui l’ont aimé jusqu’à tout sacrifier pour Lui, qui non seulement ont quitté leur famille et leur patrie pour le faire connaître et aimer, mais encore désirent donner leur vie pour Celui qu’ils aiment... Jésus avait bien raison de dire qu’il n’y a pas de plus grand amour que celui-la ! Jn 15,13 Comment donc se laisserait-Il vaincre en générosité ? Comment purifierait-Il dans les

flammes du purgatoire des âmes consumées des feux de l’amour divin ? Il est vrai que nulle vie humaine n’est exempte de fautes, seule la Vierge Immaculée se présente absolument pure devant la Majesté-Divine.. Quelle joie de penser que cette Vierge est notre mère ! Puisqu’elle nous aime et qu’elle connaît notre faiblesse, qu’avons nous à craindre.

Voici bien des phrases pour exprimer ma pensée ou plutôt pour ne pas arriver à le faire, je voulais simplement dire qu’il me semble que tous les missionnaires sont " martyrs " par le désir et la volonté, et que par conséquent pas un ne devrait aller en purgatoire. S’il. reste dans leur âme au moment de paraître devant Dieu quelque trace de la faiblesse humaine, là Ste Vierge leur obtient la grâce de faire an acte d’amour parfait et puis leur donne la palme et la couronne qu’ils ont si bien méritées.

- Voilà mon Frère, ce que je pense de la justice du bon Dieu ma voie est toute de confiance et d’amour, je ne comprends pas les âmes qui ont peur d’un si tendre Ami. Parfois lorsque (2r) je lis certains traités spirituels où la perfection est montrée à travers mille entraves, environnée d’une foule d’illusions, mon pauvre petit esprit se fatigue bien vite, je ferme le savant livre qui me casse la tête et me dessèche le coeur et je prends l’Ecriture Sainte. Alors tout me semble lumineux une seule parole découvre à mon âme des horizons infinis, la perfection me semble facile, je vois qu’il suffit de reconnaître son néant et de s’abandonner comme un enfant dans les bras du Bon Dieu. Laissant aux grandes âmes, aux grands esprits les beaux livres que je ne puis comprendre, encore moins mettre en pratique, je me réjouis d’être petite puisque les enfants seuls et ceux qui leur ressemblent seront admis au banquet céleste. Mc 10,14 Je suis bien heureuse qu’il y ait plusieurs demeures dans le royaume de Dieu, Jn 14,2 car s’il n’y avait que celle dont la description et le chemin me semblent incompréhensibles, je ne pourrais y entrer. Je voudrais bien cependant n’être pas trop éloignée de votre demeure ; en considération de vos mérites, j’espère que le bon Dieu me fera la grâce de participer à votre gloire, de même que sur la terre la soeur d’un conquérant, serait-elle dépourvue des dons de la nature, participe malgré sa pauvreté aux honneurs rendus à son frère.

Le premier acte de votre ministère en Chine m’a semblé ravissant. La petite fille dont vous avez béni la dépouille mortelle devait en effet vous sourire et vous promettre sa protection ainsi qu’aux vôtres. Combien je vous remercie de me compter parmi eux ! Je suis aussi profondément touchée et reconnaissante du souvenir que vous avez à la Sainte messe pour mes parents chéris. J’espère qu’ils sont maintenant en possession du Ciel vers lequel tendaient toutes leurs actions et leurs désirs, cela ne m’empêche pas de prier pour eux, car il me semble que les âmes bienheureuses reçoivent une grande gloire des prières qui sont faites à leur intention et dont elles peuvent disposer pour d’autres âmes souffrantes.

Si, comme je le crois, mon père et ma mère sont au Ciel, ils doivent regarder et bénir le frère que Jésus m’a donné. Ils avaient tant désirée un fils missionnaire !... On m’a raconté qu’avant ma naissance, mes parents espéraient que leur voeu allait enfin se réaliser. S’ils avaient pu pénétrer le voile de l’avenir, ils auraient vu que c’était en effet par moi que leur désir serait accompli ; puisqu’un missionnaire est devenu mon frère, il est aussi leur fils, et dans leurs prières ils ne peuvent séparer le frère de son indigne soeur.

(2v) Vous priez, mon Frère, pour mes parents qui sont au ciel, moi je prie souvent pour les vôtres qui sont encore sur la terre, c’est pour moi une bien douce obligation et je vous promets d’être toujours fidèle à la remplir, même si je quitte l’exil et plus encore peut-être puisque je connaîtrai mieux les grâces qui leur seront nécessaires ; et puis, lorsque leur course ici-bas sera finie, je viendrai les chercher en votre nom et les introduirai au Ciel. Qu’elle sera douce la vie de famille dont nous jouirons pendant toute l’éternité !

En attendant cette bienheureuse éternité, qui dans peu de temps s’ouvrira pour nous, puisque la vie n’est qu’un jour, travaillons ensemble au salut des âmes ; moi je puis faire bien peu de chose, ou plutôt absolument rien si j’étais seule, ce qui me console c’est de penser qu’à vos cotés je puis servir à quelque chose ; en effet le zéro par lui-même n’a pas de valeur, mais placé prés de l’unité il devient puissant, pourvu toutefois qu’il se mette du bon côté, après et non pas avant !... C’est bien là que Jésus m’a placée et j’espère y rester toujours, en vous suivant de loin, par la prière et le sacrifice.

Si j’écoutais mon coeur je ne terminerais pas ma lettre aujourd’hui mais la fin du silence va sonner, 5 il faut que je porte ma lettre à notre bonne Mère qui l’attend.

Je vous prie donc, mon Frère, de bien vouloir envoyer votre bénédiction au petit zéro que le Bon Dieu a placé près de vous.

Sr Thérèse de l’Enfant Jésus de la Ste F.

rel. carm. ind.

 

v. 2 : LT 247 A l’abbé Bellière.

Carmel de Lisieux

J.M.J.T.

21 Juin 1897

Jésus +

Mon cher petit Frère,

Avec vous j’ai remercié Notre Seigneur de la grande grâce qu’Il a daigné vous accorder le jour de la Pentecôte, c’est aussi le jour de cette belle fête (il y a 10 ans) que j’ai obtenu, non de mon directeur, mais de mon père la permission de me faire apôtre au carmel. C’est encore un rapprochement de plus entre nos âmes.

O mon cher petit frère, je vous en prie ne croyez jamais " m’ennuyer, ni me distraire " en me parlant beaucoup de vous. Serait-il possible qu’une soeur ne prit pas d’intérêt à tout ce qui touche son frère ? Pour ce qui est de me distraire, vous n’avez rien à craindre, vos lettres au contraire m’unissent davantage au bon Dieu, en me faisant (1v) contempler de près les merveilles de sa miséricorde et de son amour.

Quelquefois Jésus se plaît " à révéler ses secrets aux plus petits ", Lc 10,21 la preuve, c’est qu’après avoir lu votre première lettre du 15 oct. 95, j’ai pensé la même chose que votre Directeur : Vous ne pourrez être un saint à demi, il vous faudra l’être tout à fait ou pas du tout. - J’ai senti que vous deviez avoir une âme énergique et c’est pour cela que je fus heureuse de devenir votre soeur.

Ne croyez pas m’effrayer en me parlant " de vos belles années gaspillées ". Moi je remercie Jésus qui vous a regardé d’un regard d’amour comme autrefois le jeune homme de l’Evangile. Mc 10,21 Plus heureux que lui vous avez répondu fidèlement à l’appel du Maître, vous avez tout quitté pour Le suivre, et cela au plus bel âge de la vie, à 18 ans. Ah ! mon frère, comme moi vous pouvez chanter les miséricordes du Seigneur, Ps 89,2 elles brillent en vous dans toute leur splendeur... Vous aimez st Augustin, Ste Madeleine, ces âmes auxquelles " Beaucoup de péchés ont été remis (2r) parce qu’elles ont beaucoup aimé ". Lc 7,47 Moi aussi je les aime, j’aime leur repentir, et surtout... leur amoureuse audace ! Lorsque je vois Madeleine s’avancer devant les nombreux convives, arroser de ses larmes les pieds de son Maître adoré, Lc 7,36-38 qu’elle touche pour la première fois ; je sens que son coeur a compris les abîmes d’amour et de miséricorde du Coeur de Jésus, et que toute pécheresse qu’elle est ce Coeur d’Amour est non seulement disposé à lui pardonner, mais encore à lui prodiguer les bienfaits de son intimité divine, Lc 10,39 à l’élever jusqu’aux plus hauts sommets de la contemplation.

Ah ! mon cher petit Frère, depuis qu’il m’a été donné de comprendre aussi l’amour du Coeur de Jésus, je vous avoue qu’il a chassé de mon coeur toute crainte. 1Jn 4,18

Le souvenir de mes fautes m’humilie, me porte à ne jamais m’appuyer sur ma force qui n’est que faiblesse, mais plus encore ce souvenir me parle de miséricorde et d’amour.

Comment lorsqu’on jette ses fautes avec une confiance toute filiale dans le brasier dévorant de l’Amour, (2v) comment ne seraient-elles pas consumées sans retour ?

Je sais qu’il y a des saints qui passèrent leur vie a pratiquer d’étonnantes mortifications pour expier leurs péchés ; mais que voulez-vous, " Il y a plusieurs demeures dans la maison du Père Céleste ", Jn 14,2 Jésus l’a dit et c’est pour cela que je suis la voie qu’Il me trace. Je tâche de ne plus m’occuper de moi-même en rien, et ce que Jésus daigne opérer en mon âme je le lui abandonne, car je n’ai pas choisi une vie austère pour expier mes fautes, mais celles des autres.

Je viens de relire mon petit mot et je me demande si vous allez me comprendre, car je me suis très mal expliquée. Ne croyez pas que je blâme le repentir que vous avez de vos fautes et votre désir de les expier. Oh non ! j’en suis bien loin, mais vous savez : maintenant nous sommes deux, l’ouvrage se fera plus vite (et moi avec ma manière je ferai plus de besogne que vous), aussi j’espère qu’un jour Jésus vous fera marcher par la même voie que moi.

Pardon, cher petit-frère, je ne sais pas ce que j’ai aujourd’hui, car je dis vraiment ce que je ne voudrais pas dire. Je n’ai plus de place pour répondre à votre (2v tv) lettre, je le ferai une autre fois. Merci pour vos dates, j’ai déjà fêté vos 23 ans ; Je prie pour vos chers parents que Dieu a retirés de ce monde et je n’oublie pas la mère que vous aimez.

Votre indigne petite soeur

Th. de l’Enfant Jésus de la Ste Face

rel. carm. ind.

 

v. 2 : Prière n 2 (Billet de Profession)

8 septembre 1890

(introduction)

O Jésus, mon divin époux ! que jamais je ne perde la seconde robe de mon Baptême, prends-moi avant-que je fasse la plus légère faute volontaire. Que je ne cherche et ne trouve jamais que toi seul, que les créatures ne soient rien pour moi et que je ne sois rien pour elles mais toi Jésus soit tout !... Que les choses de la terre ne puissent jamais troubler mon âme que rien ne trouble ma paix, Jésus je ne te demande que la paix, et aussi l’amour, l’amour infini sans limite autre que toi, l’amour qui ne soit plus moi mais toi mon Jésus. Jésus que pour toi je meure martyre, le martyre du coeur ou du corps, ou plutôt tous les deux..... Donne-moi de remplir mes voeux dans toute leur perfection et fais-moi comprendre ce que doit être une épouse à toi. Fais que je ne sois jamais à charge à la communauté mais que personne ne s’occupe de moi, que je sois regardée foulée aux pieds oubliée comme un petit grain de sable à toi, Jésus. Que ta volonté soit faite en moi parfaitement, que j’arrive à la place que tu as été devant me préparer...... (Mt 6,10 ; Jn 14,2-3) Jésus fais que je sauve beaucoup d’âmes, qu’aujourd’hui il n’y en ait pas une seule de damnée et que toutes les âmes du purgatoire soient sauvées.... Jésus pardonne-moi si je dis des choses qu’il ne faut pas dire, je ne veux que te réjouir et te consoler.

v. 2 : Prière n 6 Acte d’Offrande

J.M.J.T.

Offrande de moi-même

comme Victime d’Holocauste (Sg 3,6)

à l’Amour Miséricordieux du Bon Dieu

O mon Dieu ! Trinité Bienheureuse, je désire vous Aimer et vous faire Aimer, travailler à la glorification de la Sainte Eglise en sauvant les âmes qui sont sur la terre et (en) délivrant celles qui souffrent dans le purgatoire. Je désire accomplir parfaitement votre volonté et arriver au degré de gloire que vous m’avez préparé dans votre royaume, (Jn 14,2) en un mot, je désire être Sainte, mais je sens mon impuissance et je vous demande, ô mon Dieu ! d’être vous-même ma Sainteté . (Jn 3,16)

Puisque vous m’avez aimée jusqu’à me donner votre Fils unique pour être mon Sauveur et mon Epoux, les trésors infinis de ses mérites sont à moi, je vous les offre avec bonheur, vous suppliant de ne me regarder qu’à travers la Face de Jésus et dans son Coeur brûlant d’Amour .

Je vous offre encore tous les mérites des Saints (qui sont au Ciel et sur la terre) leurs actes d’Amour et ceux des Saints Anges ; enfin je vous offre, ô Bienheureuse Trinité ! L’Amour et les mérites de la Sainte Vierge, ma Mère chérie, c’est à elle que j’abandonne mon offrande la priant de vous la présenter. Son divin Fils, mon Epoux Bien-Aimé, aux jours de sa vie mortelle, nous a dit : " Tout ce que vous demanderez à mon Père, en mon nom, il vous le donnera ! " (He 5,7 ; Jn 16,23) Je suis donc certaine que vous exaucerez mes désirs ; je le sais, ô mon Dieu ! (plus vous voulez donner, plus vous faites désirer). Je sens en mon coeur des désirs immenses et c’est avec confiance que je vous demande de venir prendre possession de mon âme. Ah ! je ne puis recevoir la Sainte Communion aussi souvent que je le désire, mais, Seigneur, n’êtes-vous pas Tout-Puissant ?... Restez en moi, comme au tabernacle, ne vous éloignez jamais de votre petite hostie......

Je voudrais vous consoler de l’ingratitude des méchants et je vous supplie de m’ôter la liberté de vous déplaire, si par faiblesse je tombe quelquefois qu’aussitôt votre Divin Regard purifie mon âme consumant toutes mes imperfections, comme le feu qui transforme toute chose en lui-même....

Je vous remercie, ô mon Dieu ! de toutes les grâces que vous m’avez accordées, en particulier de m’avoir fait passer par le creuset de la souffrance. C’est avec joie que je vous contemplerai (Sg 3,5-6 ; Mt 24,30) au dernier jour portant le sceptre de la Croix ; puisque vous (avez) daigné me donner en partage cette Croix si précieuse, j’espère au Ciel vous ressembler et voir briller sur mon corps glorifié les sacrés stigmates de votre Passion... (Jn 20,27 ; Ga 6,17)

Après l’exil de la terre, j’espère aller jouir de vous dans la Patrie, mais je ne veux pas amasser de mérites pour le Ciel, je veux travailler pour votre seul Amour, dans l’unique but de vous faire plaisir, de consoler votre Coeur Sacré et de sauver des âmes qui vous aimeront éternellement.

Au soir de cette vie je paraîtrai devant vous les mains vides car je ne vous demande pas, Seigneur, de compter mes oeuvres. Toutes nos justices ont des taches à vos yeux. (Is 64,6) Je veux donc me revêtir de votre propre Justice et recevoir de votre Amour la possession éternelle de Vous-même. Je ne veux point d’autre Trône et d’autre Couronne que Vous, ô mon Bien-Aimé !......

A vos yeux le temps n’est rien, un seul jour est comme mille ans, vous pouvez donc en un instant me préparer à paraître devant vous... (Ps 90,4)

Afin de vivre dans un acte de parfait Amour je m’offre comme victime d’holocauste à votre Amour miséricordieux, vous suppliant de me consumer (2v) sans cesse, (Jn 7,38) laissant déborder en mon âme les flots de tendresse infinie qui sont renfermés en vous et qu’ainsi je devienne Martyre de votre Amour, ô mon Dieu !...

Que ce martyre après m’avoir préparée à paraître devant vous me fasse enfin mourir et que mon âme s’élance sans retard dans l’éternel embrassement de Votre Miséricordieux Amour...

Je veux, ô mon Bien-Aimé, à chaque battement de mon coeur vous renouveler cette offrande un nombre infini de fois, jusqu’à ce que les ombres s’étant évanouies je puisse vous redire mon Amour dans un Face à Face Eternel !... (Ct 4,6 ; 1Co 3,12)

Marie, Françoise, Thérèse de l’Enfant Jésus

et de la Sainte Face

rel. carm. ind.

Fête de la Très Sainte Trinité

Le 9 juin de l’an de grâce 1895.

 

v. 2 : Vive flamme, I, 13

13 En outre, il faut noter que l’inclination, la force et la vertu qui sont en l’âme pour aller à Dieu, ne sont autres que l’amour, parce que par le moyen de l’amour, l’âme s’unit à Dieu ; et par ainsi, tant plus l’âme aura de degrés d’amour tant plus avant elle entre en Dieu et se concentre en Lui. De sorte que nous pouvons dire que l’âme peut avoir en Dieu autant de centres - l’un plus profond que l’autre - qu’elle peut avoir de degrés d’amour de Dieu ; parce que l’amour le plus fort plus étroitement, et c’est de cette façon que nous devons entendre ce que disait le Fils de Dieu, qu’il y avait " maintes demeures en la maison de son Père " (Jn 14,2).

Ce pourquoi, afin que (selon ce que nous avons dit) l’âme puisse être en son centre qui est Dieu, il suffit qu’elle ait un degré d’amour, parce qu’elle s’unit avec Lui par grâce avec un seul degré d’amour ; que si elle a deux degrés, elle sera entrée plus avant en son centre, et unie avec Dieu plus étroitement ; que si elle en a trois, elle se concentre comme trois ; si elle arrive jusqu’au dernier degré, l’amour de Dieu la viendra blesser jusqu’au dernier et plus profond centre - ce qui sera la transformer et l’éclairer tout autant que la puissance, la faculté et la capacité de son être le peuvent comporter, jusqu’à la mettre en tel état qu’elle ressemble à Dieu. Nous voyons cela en un cristal pur et net, lequel est assailli par la lumière : car, tant plus il reçoit de degrés de lumière, tant plus la lumière se concentre en lui, et tant plus il en demeure lumineux - voire qu’à raison de l’abondance de lumière qu’il reçoit, il peut venir à tel point qu’il semble n’être que toute lumière et qu’il n’y a plus de différence de lui la lumière, parce qu’il est éclairé par la lumière tout autant qu’il en est capable, et cela le fait ressembler à la lumière.

v. 3 : CEC 1025 II Le Ciel

1023 Ceux qui meurent dans la grâce et l’amitié de Dieu, et qui sont parfaitement purifiées, vivent pour toujours avec le Christ. Ils sont pour toujours semblables à Dieu, parce qu’ils le voient " tel qu’il est " (1Jn 3,2), face à face (cf. 1Co 13,12 ; Ap 22,4) :

De notre autorité apostolique nous définissons que, d’après la disposition générale de Dieu, les âmes de tous les saints ... et de tous les autres fidèles morts après avoir reçu le saint Baptême du Christ, en qui il n’y a rien eu à purifier lorsqu’ils sont morts, ... ou encore, s’il y a eu ou qu’il y a quelque chose à purifier, lorsque, après leur mort, elles auront achevé de le faire, ... avant même la résurrection dans leur corps et le Jugement général, et cela depuis l’Ascension du Seigneur et Sauveur Jésus-Christ au ciel, ont été, sont et seront au ciel, au Royaume des cieux et au Paradis céleste avec le Christ, admis dans la société des saints anges. Depuis la Passion et la mort de notre Seigneur Jésus-Christ, elles ont vu et voient l’essence divine d’une vision intuitive et même face à face, sans la médiation d’aucune créature (Benoit XII : DS 1000 cf. LG 49).

1024 Cette vie parfaite avec la Très Sainte Trinité, cette communion de vie et d’amour avec Elle, avec la Vierge Marie, les anges et tous les bienheureux est appelée " le ciel ". Le ciel est la fin ultime et la réalisation des aspirations les plus profondes de l’homme, l’état de bonheur suprême et définitif.

1025 Vivre au ciel c’est " être avec le Christ " (cf. Jn 14,3 ; Ph 1,23 ; 1Th 4,17). Les élus vivent " en Lui ", mais ils y gardent, mieux, ils y trouvent leur vraie identité, leur propre nom (cf. Ap 2,17) :

Vita est enim esse cum Christo ; ideo ubi Christus, ibi vita, ibi regnum (S. Ambroise, Lc 10,12 ).

1026 Par sa mort et sa Résurrection Jésus-Christ nous a " ouvert " le ciel. La vie des bienheureux consiste dans la possession en plénitude des fruits de la rédemption opérée par le Christ qui associe à sa glorification céleste ceux qui ont cru en Lui et qui sont demeurés fidèles à sa volonté. Le ciel est la communauté bienheureuse de tous ceux qui sont parfaitement incorporés à Lui.

1027 Ce mystère de communion bienheureuse avec Dieu et avec tous ceux qui sont dans le Christ dépasse toute compréhension et toute représentation. L’Ecriture nous en parle en images : vie, lumière, paix, festin de noces, vin du royaume, maison du Père, Jérusalem céleste, paradis : " Ce que l’oeil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au coeur de l’homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment " (1Co 2,9).

1028 A cause de sa transcendance, Dieu ne peut être vu tel qu’Il est que lorsqu’il ouvre lui-même son Mystère à la contemplation immédiate de l’homme et qu’Il lui en donne la capacité. Cette contemplation de Dieu dans sa gloire céleste est appelée par l’Eglise " la vision béatifique " :

Quelle ne sera pas ta gloire et ton bonheur : être admis à voir Dieu, avoir l’honneur de participer aux joies du salut et de la lumière éternelle dans la compagnie du Christ le Seigneur ton Dieu, ... jouir au Royaume des cieux dans la compagnie des justes et des amis de Dieu, les joies de l’immortalité acquise (S. Cyprien, ep. 56,10,1).

1029 Dans la gloire du ciel, les bienheureux continuent d’accomplir avec joie la volonté de Dieu par rapport aux autres hommes et à la création toute entière. Déjà ils règnent avec le Christ ; avec Lui " ils règneront pour les siècles des siècles " (Ap 22,5 cf. Mt 25,21 ; Mt 25,23).

 

v. 3 : III, 57, 1 : Convenait-il que le Christ monte au ciel ?

Objections : 3. Le Fils de Dieu a pris la nature humaine pour notre salut. Mais il aurait été plus salutaire pour les hommes qu’il vive toujours avec nous sur la terre. Il le déclare lui-même à ses disciples (Lc 17,22) : " Des jours viennent ou vous désirerez voir un seul des jours du Fils de l’homme, et vous ne le verrez pas. " Il semble donc qu’il ne convenait pas au Christ de monter au ciel.

En sens contraire, le Seigneur l’affirme (Jn 20,17) : " je monte vers mon Père et votre Père. "

Réponse : Le lie doit être proportionné à ce qui y réside. Le Christ, par sa résurrection, a commencé une vie immortelle et incorruptible. Or, le lieu ou nous habitons est celui de la génération et de la corruption, mais le ciel est celui de l’incorruption. Il ne convenait donc pas qu’après sa résurrection le Christ demeure sur la terre ; mais bien au contraire, il fallait qu’il mont au ciel.

Solutions : 3. L’ascension a retiré aux fidèles la présence corporelle du Christ ; cependant, par sa divinité, le Christ reste toujours présent parmi eux. Aussi dit-il lui-même en S. Matthieu (Mt 28,20) : " Voici que je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles. " Celui " qui est monté aux cieux, dit S. Léon n’abandonne pas ceux qu’il a adoptés. " Mais l’ascension du Christ qui nous a privés de sa présence corporelle, nous a été plus utile que ne l’aurait été cette présence elle-même, pour les raisons suivantes :

1 Elle augmente notre foi, qui a pour objet ce qu’on ne voit pas. Le Seigneur lui-même dit en S. Jean (Jn 16,8) que l’Esprit Saint, lorsqu’il sera venu, " convaincra le monde au sujet de la justice ", la justice " de ceux qui auront cru ", remarque S. Augustin : " car la comparaison des fidèles avec les infidèles est par elle-même la condamnation de ces derniers ". Aussi le Seigneur ajoute-t-il : " je vais au Père, et vous ne me verrez plus. " S. Augustin reprend : " Bienheureux ceux qui ne voient pas et qui croient. Ce sera donc par notre justice que le monde sera condamné, car vous croirez en moi sans me voir. "

2 Elle relève notre espérance. Le Seigneur déclare (Jn 14,3) : " Lorsque je m’en serai allé et que je vous aurai préparé une place, je reviendrai et je vous prendrai avec moi, afin que là ou je suis, vous y soyez aussi. " Et le Christ, en emmenant au ciel la nature humaine qu’il avait prise, nous a donné l’espoir d’y parvenir, car " partout ou sera le corps s’assembleront les aigles " (Mt 24,28) . Et Michée (Mi 2,13) avait prophétisé " Il monte en frayant le chemin devant eux. "

3 Elle dirige vers les réalités célestes l’affection de notre charité : " Recherchez les choses d’en haut, ou le Christ demeure assis à la droite de Dieu ; affectionnez-vous aux choses d’en haut, et non à celles de la terre " (Col 3,1) . Car, d’après S. Matthieu, " ou est ton trésor, là aussi est ton cœur ". L’Esprit Saint étant l’amour qui nous ravit vers les réalités du ciel, le Seigneur dit aux disciples (Jn 16,7) : " Il vous est bon que je m’en aille car, si je ne m’en vais pas, le Défenseur ne viendra pas à vous ; mais si je m’en vais, je vous l’enverrai. " Ce que S. Augustin commente ainsi : " Vous ne pouvez saisir l’Esprit Saint tant que vous persistez à connaître le Christ selon la chair. Lorsque le Christ se fut éloigné corporellement, non seulement l’Esprit Saint, mais encore le Père et le Fils leur furent présents spirituellement. "

4 Au Christ ressuscité pour la vie immortelle il convenait d’être dans un lieu céleste ; toutefois, il a retardé son ascension afin de prouver la réalité de sa résurrection. Aussi lit-on dans les Actes (Ac 1,3) : " Après sa passion, il se montra vivant à ses disciples, leur en donnant des preuves nombreuses pendant quarante jours. " La Glose fournit plusieurs explications de ce texte : " Ayant subi la mort pendant quarante heures, il a voulu pendant quarante jours confirmer qu’il était vivant. Par ces quarante jours, on peut aussi entendre le temps du monde présent durant lequel le Christ vit avec son Église ; l’homme est composé en effet de quatre éléments, et il est instruit à ne pas transgresser les dix commandements. "

v. 5 : III, 45, 1 : Convenait-il que le Christ soit transfiguré ?

En sens contraire, on lit dans l’évangile (Mt 17,2) : " Jésus fut transfiguré " devant trois de ses disciples.

Réponse : Le Seigneur, après avoir annoncé sa passion à ses disciples les avait engagés à suivre sa passion. Or, pour que quelqu’un marche avec assurance sur une route, il faut qu’il connaisse plus ou moins par avance le but du voyage, de même que l’archer ne lance pas bien la flèche s’il n’a pas vu la cible qu’il faut viser. C’est ainsi que Thomas disait (Jn 14,5) : " Seigneur, nous ne savons pas ou tu vas : comment pourrions-nous connaître le chemin ? " Et cela est particulièrement nécessaire quand la voie est difficile et escarpée, le trajet pénible, et la fin joyeuse. Or le Christ par sa passion est parvenu à obtenir la gloire non seulement de l’âme, gloire qu’il avait depuis le premier instant de sa conception, mais aussi du corps, comme il l’a dit (Lc 24,26) : " Il fallait que le Christ souffrit cela et entrât ainsi dans sa gloire. " C’est à elle qu’il conduit ceux qui suivent les traces de sa passion, selon la parole de S. Paul -. " Il nous faut traverser bien des épreuves pour entrer dans le Royaume des cieux " (Ac 14,21) . Et c’est pourquoi il convenait qu’il montre à ses disciples sa gloire lumineuse, qui est sa transfiguration, à laquelle il configurera les siens, selon l’épître aux Philippiens (Ph 3,24) " Il transfigurera notre corps de misère pour le conformer à son corps de gloire. " Si bien que Bède déclare : " Il a pourvu dans sa bonté à ce que ses disciples, ayant goûté peu de temps la contemplation de la joie définitive, soient capables de supporter plus courageusement l’adversité. "

v. 6 : Château intérieur, 2ème demeure

10 Je vous ai dit au début que j’ai écrit comment vous devez affronter les troubles que le démon suscite ici (Autobiographie, et ) et qu’il ne s’agit pas, quand on commence à se recueillir, de s’y employer à la force du poignet, mais avec douceur, afin de s’y tenir plus longuement, je n’en parlerai donc pas davantage ici ; je dirai seulement qu’à mon avis il est très important d’en conférer avec des personnes expérimentées, car lorsque vous aurez à vaquer à des occupations nécessaires, vous imaginerez faillir gravement au recueillement. Tant qu’on ne l’abandonnera point, le Seigneur dirigera tout pour notre bien, même si nous ne trouvons personne pour nous instruire ; mais contre ce mal, l’abandon, il n’y a d’autre remède que de recommencer, sinon l’âme se perd un peu plus chaque jour, et encore plaise à Dieu qu’elle le comprenne !

11 Certaines pourront penser que puisqu’il est si grave de retourner en arrière, mieux vaudrait ne jamais commencer, et rester en dehors du château. Je vous l’ai dit au début, et le Seigneur lui-même le dit, celui qui vit dans le danger y périt (d’après Qo 3,27), et la porte d’entrée dans ce château est l’oraison. Songer que nous devons entrer dans ce château sans rentrer en nous-même, nous connaître, considérer cette misère, ce que nous devons à Dieu, et sans lui demander souvent miséricorde, c’est de la folie. Le Seigneur lui-même le dit : " Nul ne parviendra à mon Père si ce n’est par moi (Jn 14,6) " ; je ne sais s’il le dit en ces termes, je crois que oui ; et " Qui me voit, voit mon Père (Jn 14,9) ". Donc, si nous ne le regardons jamais, si nous ne considérons pas ce que nous lui devons et la mort qu’il a subie pour nous, je ne sais comment nous pouvons le connaître, ni agir à son service. Car la foi sans les oeuvres, et sans que ces oeuvres tirent leur valeur des mérite, de Jésus-Christ, notre bien, quelle valeur peut-elle avoir ? Et qui nous excitera à aimer ce Seigneur ? Plaise à Sa Majesté de nous faire comprendre tout ce que nous lui coûtons, que le serviteur n’est pas plus que son Seigneurs (Mt 10,24), que nous devons travailler pour jouir de sa gloire, et qu’il nous est nécessaire pour cela de prier, afin de ne pas vivre toujours en tentations (Mt 26,40).

v. 6 : Château intérieur, 6éme demeure 7

6 Certaines âmes croiront peut-être aussi qu’il leur est impossible de penser à la Passion ; dans ce cas, elles pourront moins encore penser à la Très Sainte Vierge, ni à la vie des Saints, dont la mémoire nous est si profitable et si encourageante. Je ne puis imaginer à quoi elles songent, car l’éloignement de toute chose corporelle est le fait d’esprits angéliques toujours enflammés d’amour, alors que nous, qui vivons dans un corps mortel, nous avons besoin du commerce, de la pensée, de la société de ceux qui, dans ce corps, ont réalisé pour Dieu de si hauts faits ; nous devons d’autant moins travailler à nous écarter de notre plus grand bien, de notre remède le plus efficace, qui est l’Humanité sacrée de Notre-Seigneur Jésus-Christ. J’imagine que ces âmes ne se comportent ainsi que par ignorance, car elles se nuiront et nuiront aux autres. Je leur certifie, du moins, qu’elles ne pénétreront pas dans les deux dernières Demeures, car si elles s’éloignent du guide, qui est le bon Jésus, elles n’en trouveront pas le chemin ; ce sera déjà beaucoup si elles sont assurées de se maintenir dans les Demeures précédentes. Le Seigneur dit lui-même qu’il est " le chemin " (Jn 14,6) ; Il dit aussi qu’il est " la lumière " et que nul ne peut aller au Père que par luit ; et " si vous me connaissez, vous connaîtrez aussi mon Père ". On prétendra qu’on donne un autre sens à ces paroles. J’ignore ces autres sens ; je me suis toujours bien trouver de celui-là, et mon âme sent que telle est la vérité.

7 Certaines âmes - et nombreuses sont celles qui s’en sont ouvertes à moi - dès que Notre-Seigneur leur accorde la contemplation parfaite, voudraient y demeurer toujours, et ce n’est pas possible ; mais cette faveur du Seigneur les rend inaptes à réfléchir aux mystères de la Passion et de la vie du Christ comme elles le faisaient auparavant. J’ignore pourquoi, mais il est très fréquent que l’entendement soit alors moins habile à la méditation. Cela, à ce que je crois, doit venir de ce que l’âme, sachant que la méditation consiste à chercher Dieu, ne veut plus fatiguer son entendement une fois qu’elle l’a trouve, et qu’elle s’est accoutumée, par un acte de volonté, à le chercher à nouveau. Il m’apparaît aussi que lorsque la volonté est ardente, cette puissance généreuse ne veut plus, autant que possible, se servir de l’entendement ; elle n’a pas tort, mais n’y parviendra pas, du moins jusqu’à ce qu’elle ait atteint ces dernières Demeures, et elle perdra du temps ; car l’aide de l’entendement est souvent nécessaire pour enflammer la volonté.

8 Remarquez ce point, mes soeurs, il est d’importance, c’est pourquoi je veux l’expliquer plus à fond. L’âme voudrait se vouer tout entière à l’amour, elle voudrait ne s’occuper de rien d’autre, mais elle a beau le vouloir, elle ne le pourra pas ; car bien que la volonté ne soit pas morte, le feu qui l’enflamme parfois est mourant, il faut que quelqu’un souffle dessus pour qu’il projette sa chaleur. Serait-il bon pour l’âme de rester dans cette sécheresse, en attendant, comme notre P. Élie, que le feu du ciel brûle ce sacrifice qu’elle fait d’elle-même à Dieu ? Non, certes ; il ne sied pas d’attendre des miracles. Le Seigneur en fait pour cette âme quand il veut, comme je l’ai dit et le dirai ; mais Sa Majesté veut que nous nous jugions assez vils pour ne pas les mériter, et que nous nous aidions nous-mêmes autant que nous le pouvons. Je crois, quant à moi, que cela nous est nécessaire jusqu’à notre mort, si haute que soit notre oraison.

v. 6 : Montée du Carmel 7

8 Je voudrais bien persuader aux spirituels comme ce chemin de Dieu ne consiste pas en multiplicité de considérations, ni de moyens, ni de manières, ni de goûts, encore que cela soit à sa manière nécessaire aux commençants, mais en une seule chose nécessaire, qui est de savoir se renoncer vraiment selon l’extérieur et l’intérieur, s’exerçant à pâtir pour le Christ et à s’anéantir en tout. Car en pratiquant ceci, tout ce qui a été dit et autres choses encore se font et se trouvent ici. Que si l’on manque à cet exercice - qui est le sommaire de tout et la racine des vertus - toutes les autres manières ne sont rien, sinon battre les buissons et ne pas profiter, encore qu’on ait d’aussi hautes considérations et communications que les anges. Car on ne peut profiter qu’en imitant le Christ, qui est la voie, la vérité et la vie ; et personne ne vient au Père que par lui, lui-même le dit en saint Jean (Jn 14,6). Et ailleurs il dit : Je suis la porte ; si quelqu’un entre par moi, il sera sauvé (Jn 10,9). De sorte que je ne tiendrais pas pour bon esprit celui qui recherche les douceurs et la facilité et qui fuit d’imiter le Christ.

9 Or, parce que j’ai dit que le Christ est le chemin, et que ce chemin c’est mourir à notre nature en ce qui est du sens et en ce qui appartient à l’esprit, je veux donner à entendre comment cela se peut faire à l’exemple du Christ. Car il est notre exemple et notre lumière.

10 Quant au premier, il est certain qu’il mourut spirituellement à ce qui est du sensuel en sa vie, et naturellement en sa mort, attendu, comme il dit, qu’il n’eut pas en sa vie où reposer sa tête (Mt 8,20), et encore moins en mourant.

11 Quant au second, il est tout manifeste qu’à l’instant de sa mort il fut aussi anéanti en l’âme, sans aucune consolation ni soulagement, son Père le laissant ainsi en une intime aridité, selon la partie inférieure. Cc qui le fit écrier en la croix : Mon Dieu ! Mon Dieu ! pourquoi m’avez-vous délaissé ? (Mt 27,46). Lequel délaissement fut le plus grand qu’il souffrît en la partie sensitive durant sa vie. Aussi fit-il en ce délaissement le plus grand oeuvre qu’il eût opéré en toute sa vie par ses miracles et ses merveilles, ni sur la terre ni dans le ciel, qui fut de réconcilier et unir le genre humain par grâce avec Dieu. Ce qui fut au moment et à l’instant que ce Seigneur se trouva le plus anéanti en tout ; à savoir : quant à l’estime des hommes, car, le voyant mourir, ils s’en moquaient plutôt que d’en faire aucun cas ; et quant à la nature, puisque, mourant, il s’anéantissait en elle ; et quant à la protection et consolation spirituelle du Père, puisqu’en ce temps Il l’abandonna afin qu’étant ainsi anéanti et réduit ainsi comme à rien, il payât purement la dette et unît l’homme à Dieu. D’où vient que David dit de lui : J’ai été réduit a néant et je ne m’en suis aperçu (Ps 72,22). Afin que l’homme vraiment spirituel entende le mystère de la porte et du chemin du Christ pour s’unir à Dieu ; et qu’il sache que tant plus il s’anéantira pour Dieu selon ces deux parties - la sensible et la spirituelle - tant plus il s’unit à Dieu et fait une oeuvre meilleure. Et lorsqu’il sera réduit à rien - ce qui sera dans l’extrême humilité - alors l’union spirituelle sera faite entre l’âme et Dieu, ce qui est le plus grand et plus haut état où l’on puisse parvenir en cette vie.

Il ne consiste donc pas en récréations, ni en goûts, ni en sentiments spirituels, mais en une vive mort de croix sensible et spirituelle, c’est-à-dire intérieure et extérieure.

12 Je ne veux point m’étendre davantage sur cela, encore que d’autre part je voudrais bien ne pas trancher si court, voyant le Christ si peu connu de ceux qui s’estiment ses amis ; puisque nous les voyons chercher leurs goûts et consolations en lui, s’aimant par trop eux-mêmes - et non pas ses amertumes et ses morts, l’aimant beaucoup, lui. Je parle de ceux qui (comme j’ai dit) se tiennent pour ses amis. Car, quant à ceux qui vivent si éloignés de lui, séparés de lui - quoique grands docteurs et hommes puissants et tous les autres qui vivent au monde, plongés dans les soins de leurs prétentions et de leurs grandeurs - desquels nous pouvons dire qu’ils ne connaissent pas le Christ et dont la fin, tant bonne soit-elle, ne sera que trop amère - on ne fait pas ici mention d’eux ; mais il en sera fait au jour du jugement. Parce que c’est eux qu’il appartenait principalement d’annoncer cette parole de Dieu, comme gens qu’il a mis en évidence pour leur doctrine et pour leur dignité.

13 Mais parlons à présent à l’entendement de l’homme spirituel, particulièrement de celui à qui Dieu a fait la grâce de le mettre en état de contemplation - car, comme j’ai dit, je m’adresse particulièrement à ceux-là - et disons comment on doit se dresser à Dieu en foi et se purifier des choses contraires, en se resserrant pour entrer par ce sentier étroit de la contemplation obscure.

 

v. 6 : Ad gentes 13 Evangélisation et conversion

Partout où Dieu ouvre un champ libre à la prédication pour proclamer le mystère du Christ Col 4,3, on doit annoncer avec assurance et persévérance Ac 4,13 ; Ac 4,29 ; Ac 4,31 ; Ac 9,27 ; Ac 9,28 ; Ac 13,46 Ac 14,3 ; Ac 19,8 ; Ac 26,26 ; Ac 28,31 ; 1Th 2,2 ; 2Co 3,12 ; 2Co 7,4 ; Ph 1,20 Ep 3,12 ; Ep 6,19-20 le Dieu vivant, et celui qu’il a envoyé pour le salut de tous, Jésus Christ 1Th 1,9-10 ; 1Co 1,18-21 ; Ga 1,31 Ac 14,15-17 ; Ac 17,22-31, pour que les non-chrétiens, le St Esprit ouvrant leur coeur Ac 16,14, croient et se convertissent librement au Seigneur et s’attachent loyalement à lui qui, étant " la voie, la vérité et la vie " Jn 14,6, comme toutes leurs attentes spirituelles, bien plus, les dépasse de façon infinie.

Bien sûr, cette conversion est à comprendre comme une conversion initiale ; elle est suffisante cependant pour que l’homme se rende compte que, détourné du péché, il est introduit dans le mystère de l’amour de Dieu, qui l’appelle à nouer des rapports personnels avec lui dans le Christ. En effet, sous l’action de la grâce de Dieu, le nouveau converti entreprend un itinéraire spirituel par lequel, communiant déjà par la foi au mystère de la mort et de la résurrection, il passe du vieil homme au nouvel homme qui a sa perfection dans le Christ Col 3,5-10 ; Ep 4,20-24 . Ce passage, qui entraîne avec soi un changement progressif de la mentalité et des moeurs, doit devenir manifeste avec ses conséquences sociales et de développer peu à peu pendant le temps du catéchuménat. Comme le Seigneur en qui on croit est un signe de contradiction Lc 2,34 ; Mt 10,34-39, il n’est pas rare que le converti fasse l’expérience de ruptures et de séparations, mais aussi connaisse les joies que Dieu donne sans les mesurer 1Th 1,6 .

L’Eglise interdit sévèrement de forcer qui que ce soit à embrasser la foi, ou de l’y amener ou attirer par des pratiques indiscrètes, tout comme elle revendique avec force le droit pour qui que ce soit de n’être pas détourné de la foi par des vexations injustes (2)

(2) DH 2 ; DH 4 ; DH 10 . Const. past. de Ecclesia in mundo huius temporis.

Selon la très antique coutume de l’Eglise, on doit examiner avec soin les motifs de la conversion et, s’il est nécessaire, les purifier.

v. 6 : Centesimus annus 3 La relecture de Rerum Novarum

3 Je voudrais proposer maintenant une " relecture " de l’encyclique de Léon XIII, et inviter à porter un regard " rétrospectif " sur son texte lui-même afin de redécouvrir la richesse des principes fondamentaux qui y sont formulés pour la solution de la question ouvrière. Mais j’invite aussi à porter un regard " actuel " sur les " choses nouvelles " qui nous entourent et dans lesquelles nous nous trouvons immergés, pour ainsi dire, bien différentes des " choses nouvelles " qui caractérisaient l’ultime décennie du siècle dernier. J’invite enfin à porter le regard " vers l’avenir ", alors qu’on entrevoit déjà le troisième millénaire de l’ère chrétienne, lourd d’inconnu mais aussi de promesses. Inconnu et promesses qui font appel à notre imagination et à notre créativité, qui nous stimulent aussi, en tant que disciples du Christ, le " Maître unique " (cf. Mt 23,8), dans notre responsabilité de montrer la voie, de proclamer la vérité et de communiquer la vie qu’il est lui-même (cf. Jn 14,6) .

En agissant ainsi, non seulement on réaffirmera la valeur permanente de cet enseignement, mais on manifestera aussi le vrai sens de la Tradition de l’Eglise qui, toujours vivante et active, construit sur les fondations posées par nos pères dans la foi et particulièrement sur ce que " les Apôtres ont transmis à l’Eglise " (5) au nom de Jésus-Christ : il est le fondement et " nul n’en peut poser d’autre " (cf. 1Co 3,11) .

5- Cf. S. Irénée, Adversus Haereses, I,10,1 ; III,4,1 ; PG 7, 549-550 ; 855-856 ; S. Ch. 264, 154-155 ; 211,44-46.

C’est en vertu de la conscience qu’il avait de sa mission de successeur de Pierre que Léon XIII décida de prendre la parole, et c’est la même conscience qui anime aujourd’hui son successeur. Comme lui, et comme les Papes avant et après lui, je m’inspire de l’image évangélique du " scribe devenu disciple du Royaume des cieux ", dont le Seigneur dit qu’il " est semblable à un propriétaire qui tire de son trésor du neuf et de l’ancien " (Mt 13,52) . Le trésor est le grand courant de la Tradition de l’Eglise qui contient les " choses anciennes ", reçues et transmises depuis toujours, et qui permet de lire les " choses nouvelles " au milieu desquelles se déroule la vie de l’Eglise et du monde.

De ces choses qui, en s’incorporant à la Tradition, deviennent anciennes et qui offrent les matériaux et l’occasion de son enrichissement comme de l’enrichissement de la vie de la foi, fait partie aussi l’activité féconde de millions et de millions d’hommes qui, stimulés par l’enseignement social de l’Eglise, se sont efforcés de s’en inspirer pour leur engagement dans le monde. Agissant individuellement ou rassemblés de diverses manières en groupes, associations et organisations, ils ont constitué comme un grand mouvement pour la défense de la personne humaine et la protection de sa dignité, ce qui a contribué, à travers les vicissitudes diverses de l’histoire, à construire une société plus juste ou du moins à freiner et à limiter l’injustice.

v. 6 : CEC 74 Article 2 La transmission de la Révélation divine

Dieu " veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité " (1Tm 2,4), c’est-à-dire du Christ Jésus (cf. Jn 14,6). Il faut donc que le Christ soit annoncé à tous les peuples et à tous les hommes et qu’ainsi la Révélation parvienne jusqu’aux extrémités du monde :

Cette Révélation donnée pour le salut de toutes les nations, Dieu, avec la même bienveillance, prit des dispositions pour qu’elle demeurât toujours en son intégrité et qu’elle fût transmise à toutes les générations (DV 7).

v. 6 : CEC I Pourquoi le Verbe s’est-il fait chair

456 Avec le Credo de Nicée-Constantinople, nous répondons en confessant : " Pour nous les hommes et pour notre salut Il descendit du ciel ; par l’Esprit Saint, Il a pris chair de la Vierge Marie et s’est fait homme ".

457 Le Verbe s’est fait chair pour nous sauver en nous réconciliant avec Dieu : " C’est Dieu qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils en victime de propitiation pour nos péchés " (1Jn 4,10). " Le Père a envoyé son Fils, le sauveur du monde " (1Jn 4,14). " Celui-là a paru pour ôter les péchés " (1Jn 3,5) :

Malade, notre nature demandait à être guérie ; déchue, à être relevée ; morte, à être ressuscitée. Nous avions perdu la possession du bien, il fallait nous la rendre. Enfermés dans les ténèbres, il fallait nous porter la lumière ; captifs, nous attendions un sauveur ; prisonniers, un secours ; esclaves, un libérateur. Ces raisons-là étaient-elles sans importance ? Ne méritaient-elles pas d’émouvoir Dieu au point de le faire descendre jusqu’à notre nature humaine pour la visiter, puisque l’humanité se trouvait dans un état si misérable et si malheureux ? (S. Grégoire de Nysse, or. catech. 15).

458 Le Verbe s’est fait chair pour que nous connaissions ainsi l’amour de Dieu : " En ceci s’est manifesté l’amour de Dieu pour nous : Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde afin que nous vivions par lui " (1Jn 4,9). " Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique afin que quiconque croit en lui ne se perde pas, mais ait la vie éternelle " (Jn 3,16).

459 Le Verbe s’est fait chair pour être notre modèle de sainteté : " Prenez sur vous mon joug et apprenez de moi ... " (Mt 11,29). " Je suis la voie, la vérité et la vie ; nul ne vient au Père sans passer par moi " (Jn 14,6). Et le Père, sur la montagne de la Transfiguration, ordonne : " Ecoutez-le " (Mc 9,7 cf. Dt 6,4-5). Il est en effet le modèle des Béatitudes et la norme de la Loi nouvelle : " Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés " (Jn 15,12). Cet amour implique l’offrande effective de soi-même à sa suite (cf. Mc 8,34).

460 Le Verbe s’est fait chair pour nous rendre " participants de la nature divine " (2P 1,4) : " Car telle est la raison pour laquelle le Verbe s’est fait homme, et le Fils de Dieu, Fils de l’homme : c’est pour que l’homme, en entrant en communion avec le Verbe et en recevant ainsi la filiation divine, devienne fils de Dieu " (S. Irénée, hær. 3, 19,1). " Car le Fils de Dieu s’est fait homme pour nous faire Dieu " (S. Athanase, inc. 54,3). " Unigenitus Dei Filius, suæ divinitatis volens nos esse participes, naturam nostram assumpsit, ut homines deos faceret factus homo " (S. Thomas d’A., opusc. 57 in festo Corp. Chr. 1).

 

v. 6 : Christifideles laici 34 L’heure est venue d’entreprendre une nouvelle évangélisation

Des pays et des nations entières ou la religion et la vie chrétienne étaient autrefois on ne peut plus florissantes et capables de faire naître des communautés de foi vivante et active sont maintenant mises à dure épreuve et parfois sont même radicalement transformées, par la diffusion incessante de l’indifférence religieuse, de la sécularisation et de l’athéisme. Il s’agit en particulier des pays et des nations de ce qu’on appelle le Premier Monde, ou le bien-être économique et la course à la consommation, même s’ils côtoient des situations effrayantes de pauvreté et de misère, inspirent et alimentent une vie vécue "comme si Dieu n’existait pas". Actuellement l’indifférence religieuse et l’absence totale de signification qu’on attribue à Dieu, en face des problèmes graves de la vie, ne sont pas moins préoccupantes ni délétères que l’athéisme déclaré. La foi chrétienne, même lorsqu’elle survit en certaines de ses manifestations traditionnelles et rituelles, tend à être arrachée des moments les plus importants de l’existence, comme les moments de la naissance, de la souffrance et de la mort. De là vient que se posent forcément des questions et des énigmes terribles ; elles restent sans réponse, et l’homme d’aujourd’hui se trouve exposé à la déception désespérée ou à la tentation de détruire la vie humaine elle-même, qui pose de tels problèmes.

En d’autres pays ou nations, au contraire, on conserve encore beaucoup de traditions très vivantes de piété et de sentiment chrétien ; mais ce patrimoine moral et spirituel risque aussi de disparaître sous la poussée de nombreuses influences, surtout celles de la sécularisation et de la diffusion des sectes. Seule une nouvelle évangélisation peut garantir la croissance d’une foi claire et profonde, capable de faire de ces traditions une force de réelle liberté.

Assurément il est urgent partout de refaire le tissu chrétien de la société humaine. Mais la condition est que se refasse le tissu chrétien des communautés ecclésiales elles-mêmesqui vivent dans ces pays et ces nations.

Les fidèles laïcs sont donc aujourd’hui, en vertu de leur participation à la fonction prophétique du Christ, pleinement engagés dans cette tâche de l’Eglise. A eux, en particulier, il revient de témoigner que la foi constitue la seule réponse pleinement valable, que tous, plus ou moins consciemment, entrevoient et appellent, aux problèmes et aux espoirs que la vie suscite en chaque homme et en toute société. Cela sera possible si les fidèles laïcs savent surmonter en eux-mêmes la rupture entre l’Evangile et la vie, en sachant créer dans leur activité de chaque jour, en famille, au travail, en société, l’unité d’une vie qui trouve dans l’Evangile inspiration et force de pleine réalisation.

A tous les hommes d’aujourd’hui, je répète, une fois encore, le cri passionné par lequel j’ai ouvert mon service pastoral : "N’ayez pas peur, ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ !A sa puissance salvatrice, ouvrez les frontières des Etats, les systèmes économiques comme les systèmes politiques, les vastes domaines de la culture, de la civilisation, du développement. N’ayez pas peur ! Le Christ sait " ce qu’il y a dans l’homme ". Seul Lui le sait. Aujourd’hui, bien souvent, l’homme ne sait pas ce qu’il porte au-dedans de lui-même, dans l’intime de son âme, dans les profondeurs de son coeur. De là vient que bien souvent il est incertain du sens de sa vie sur cette terre. Il est envahi par le doute, qui se change en désespoir. Permettez je vous en prie, je vous implore en toute humilité et confiance permettez au Christ de parler à l’homme. Seul Lui a des paroles de vie, oui, de vie éternelle"(124).

124- Jean Paul II, Homélie au début de son ministère de Pasteur Suprême de l’Eglise (22 octobre 1978) ; AAS 70 (1978), 947.

Ouvrir toutes grandes les portes au Christ, l’accueillir dans l’espace de sa propre existence humaine ne comporte aucune menace pour l’homme ; bien au contraire, c’est le seul chemin à parcourir si l’on veut reconnaître l’homme dans sa vérité totale et l’exalter dans ses valeurs.

La synthèse vitale que les fidèles laïcs sauront opérer entre l’Evangile et les devoirs quotidiens de la vie sera le témoignage le plus beau et le plus convaincant pour montrer que ce n’est pas la peur, mais la recherche du Christ et l’attachement à sa personne qui sont le facteur déterminant pour que l’homme vive et grandisse, et pour que naissent de nouveaux modèles de vie plus conformes à la dignité humaine.

L’homme est aimé de Dieu ! Telle est l’annonce si simple et si bouleversante que l’Eglise doit donner à l’homme. La parole et la vie de chaque chrétien peuvent et doivent faire retentir ce message : Dieu t’aime. Le Christ est venu pour toi, pour toi le Christ est "le Chemin, la Vérité et la Vie !" (Jn 14,6). Cette nouvelle évangélisation, qui s’adresse non seulement à chacune des personnes, mais aussi à des groupes entiers de populations dans la diversité de leurs situations, de leurs milieux, de leurs cultures, est destinée à la formation de communions ecclésiales mûres, c’est-à-dire ou la foi répand et réalise tout son sens originel d’adhésion à la personne du Christ et à son Evangile, de rencontre et de communion sacramentelle avec Lui, d’existence vécue dans la charité et le service.

Les fidèles laïcs ont leur rôle à jouer dans la formation de ces communautés ecclésiales, non seulement par une participation active et responsable à la vie communautaire, et donc par leur témoignage irremplaçable, mais aussi par l’élan et l’action missionnaires en direction de tous ceux qui n’ont pas encore la foi ou qui ne vivent pas selon la foi reçue au Baptême.

En faveur des nouvelies générations, les fidèles laïcs ont à apporter une contribution précieuse, plus nécessaire que jamais, par un effort systématique de catéchèse. Les Pères du Synode ont manifesté leur gratitude pour le travail des catéchistes, reconnaissant qu’ils ont "une tâche de grande valeur dans l’animation des communautés ecclésiales"(125). Il va de soi que les parents chrétiens sont les premiers catéchistes, irremplaçables, de leurs enfants, habilités qu’ils sont à cette tâche par le sacrement du Mariage. Mais nous devons tous, en même temps, être convaincus du "droit" qui est celui de tout baptisé d’être instruit, éduqué, accompagné dans la foi et dans la vie chrétienne.

125- Propositio 10

 

v. 6 : Catechesi Tradendae 5 Mettre en communion avec la Personne du Christ

La IVe Assemblée générale du Synode des Evêques a souvent insisté sur le christocentrisme de toute catéchèse authentique. Nous pouvons retenir ici les deux significations du mot, qui ne s’opposent pas ni ne s’excluent, mais plutôt s’appellent et se complètent.

On veut souligner d’abord qu’au coeur de la catéchèse nous trouvons essentiellement une Personne, celle de Jésus de Nazareth, "Fils unique du Père, plein de grâce et de vérité" (9), qui a souffert et qui est mort pour nous et qui maintenant, ressuscité, vit avec nous pour toujours. C’est Jésus qui est "le Chemin, la Vérité et la Vie" (10), et la vie chrétienne consiste à suivre le Christ, "sequela Christi".

9- Jn 1,14

10- Jn 14,6

L’objet essentiel et primordial de la catéchèse est, pour employer une expression chère à saint Paul et chère à la théologie contemporaine, "le Mystère du Christ". Catéchiser, c’est en quelque sorte amener quelqu’un à scruter ce Mystère en toutes ses dimensions : "Mettre en pleine lumière la dispensation du Mystère... Comprendre, avec tous les saints, ce qu’est la Largeur, la Longueur, la Hauteur et la Profondeur, (connaître) l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance et (entrer)... dans toute la Plénitude de Dieu" (11). C’est donc dévoiler dans la Personne du Christ tout le dessein éternel de Dieu qui s’accomplit en elle. C’est chercher à comprendre la signification des gestes et des paroles du Christ, des signes réalisés par lui, parce qu’ils cachent et révèlent à la fois son Mystère. En ce sens, le but définitif de la catéchèse est de mettre quelqu’un non seulement en contact mais en communion, en intimité avec Jésus-Christ : lui seul peut conduire à l’amour du Père dans l’Esprit et nous faire participer à la vie de la Trinité Sainte.

11- Ep 3,9 ; Ep 3,18-19

6 Transmettre la doctrine du Christ

Mais le christocentrisme, en catéchèse, signifie aussi qu’à travers elle on veut transmettre non point chacun sa propre doctrine ou celle d’un autre maître, mais l’enseignement de Jésus-Christ, la Vérité qu’il communique ou, plus exactement, la Vérité qu’il est (12). Il faut donc dire que, dans la catéchèse, c’est le Christ, Verbe incarné et Fils de Dieu, qui est enseigné - tout le reste l’est en référence à lui ; et seul le Christ enseigne, tout autre le fait dans la mesure ou il est son porte-parole, permettant au Christ d’enseigner par sa bouche. La constante préoccupation de tout catéchiste, quel que soit le niveau de ses responsabilités dans l’Eglise, doit être de faire passer, à travers son enseignement et son comportement, la doctrine et la vie de Jésus. Il ne cherchera pas à arrêter à lui-même, à ses opinions et attitudes personnelles, l’attention et l’adhésion de l’intelligence et du coeur de celui qu’il catéchise ; il ne cherchera surtout pas à inculquer ses opinions et ses options personnelles comme si elles exprimaient la doctrine et les leçons de vie du Christ. Tout catéchiste devrait pouvoir s’appliquer à lui-même la mystérieuse parole de Jésus : "Ma doctrine n’est pas de moi, mais de Celui qui m’a envoyé" (13). C’est ce que fait saint Paul en traitant une question de première importance : "J’ai reçu du Seigneur ce qu’à mon tour je vous ai transmis" (14). Quelle fréquentation assidue de la Parole de Dieu transmise par le Magistère de l’Eglise, quelle familiarité profonde avec le Christ et avec le Père, quel esprit de prière, quel détachement de soi-même doit avoir un catéchiste pour pouvoir dire : "Ma doctrine n’est pas de moi" !

12- Jn 14,6

13- Jn 7,16 C’est là un thème cher au quatrième Evangile cf. Jn 3,34 ; Jn 8,28 ; Jn 12,49-50 ; Jn 14,24 ; Jn 17,8 ; Jn 17,14

-14 1Co 11,23 : le mot " transmettre " employé ici par saint Paul a lui-même été répété souvent dans l’Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi pour décrire l’action évangélisatrice de l’Eglise, par exemple EN 4 ; EN 15 ; EN 78 ; EN 79 .

22 Catéchèse et expérience vitale

Il est vain de jouer l’orthopraxie contre l’orthodoxie : le christianisme est inséparablement l’une et l’autre. Des convictions fermes et réfléchies portent à l’action courageuse et droite ; l’effort pour éduquer les fidèles à vivre aujourd’hui en disciples du Christ appelle et facilite une découverte approfondie du Mystère du Christ dans l’histoire du salut.

Il est tout aussi vain de prôner l’abandon d’une étude sérieuse et ordonnée du message du Christ au nom d’une méthode qui privilégie l’expérience vitale. "Personne ne peut atteindre la vérité intégrale par une simple expérience privée, c’est-à-dire sans une explication adéquate du message du Christ, qui est " Chemin, Vérité et Vie " (Jn 14,6) " (51).

51- Discours de clôture du Synode, 29 octobre 1977 : AAS 69 (1977), p. 634.

On n’opposera pas non plus une catéchèse à partir de la vie à une catéchèse traditionnelle, doctrinale et systématique (52). La catéchèse authentique est toujours initiation ordonnée et systématique à la révélation que Dieu a faite de lui-même à l’homme, en Jésus-Christ, révélation gardée dans la mémoire profonde de l’Eglise et dans les Saintes Ecritures, et constamment communiquée, par une "traditio" vivante et active, d’une génération à l’autre. Mais cette révélation n’est pas isolée de la vie ni juxtaposée artificiellement à elle. Elle concerne le sens dernier de l’existence qu’elle éclaire tout entière, pour l’inspirer ou pour la critiquer, à la lumière de l’Evangile.

52- Directoire général de la Catéchèse, nn. 40 et 46 : AAS 64 (1972), pp. 121 et 124-125.

C’est pourquoi nous pouvons appliquer aux catéchistes ce que le Concile Vatican II a dit plus spécialement des prêtres : éducateurs - de l’homme et de la vie de l’homme - dans la foi (53).

53- PO 6

v. 6 : Dominum et vivificantem 37

Selon le témoignage du commencement, Dieu, dans la création, s’est révélé lui-même comme toute-puissance qui est Amour. En même temps, il a révélé à l’homme que, en tant qu’ "image et ressemblance " de son Créateur, il est appelé à participer à la vérité et à l’amour. Cette participation veut dire vivre en union avec Dieu, qui est la " vie éternelle "(138). Mais l’homme, sous l’influence du " père du mensonge ", s’est détaché de cette participation. Dans quelle mesure ? Certes pas dans la mesure du péché d’un pur esprit, pas dans la mesure du péché de Satan. L’esprit humain est incapable d’atteindre une telle mesure(139). Dans la description de la Genèse, on remarque aisément la différence de degré entre, d’un côté, le " souffle du mal " de la part de celui qui " est pécheur (c’est-à-dire demeure dans le péché) dès l’origine "(140) et qui déjà " est jugé " (141), et, d’un autre côté, le mal de la désobéissance de la part de l’homme.

Cependant, cette désobéissance signifie toujours que l’on tourne le dos à Dieu et, en un sens, que la liberté humaine se ferme à lui. Elle signifie aussi une certaine ouverture de cette liberté - de la connaissance et de la volonté humaine - vers celui qui est le " père du mensonge ". Cet acte de choix conscient n’est pas seulement une " désobéissance " mais comporte aussi une certaine adhésion à la motivation contenue dans la première incitation au péché et constamment renouvelée durant toute l’histoire de l’homme sur la terre : " Dieu sait que, le jour ou vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme des dieux, qui connaissent le bien et le mal ".

Nous nous trouvons ici au centre même de ce que l’on pourrait appeler l’ "anti-Verbe ", c’est-à-dire l’ "anti-vérité ". Ainsi se trouve faussée la vérité de l’homme, à savoir : ce qu’est l’homme et quelles sont les limites infranchissables de son être et de sa liberté. Cette " antivérité " est possible car, en même temps, est complètement " faussée " la vérité sur ce qu’est Dieu. Le Dieu Créateur est mis en suspicion, et même en accusation, dans la conscience de la créature. Pour la première fois dans l’histoire de l’homme apparaît dans sa perversité le " génie du soupçon ". Il cherche à " fausser " le Bien lui-même, le Bien absolu, qui s’est justement manifesté dans l’oeuvre de la création comme le Bien qui donne d’une manière ineffable, comme bonum diffusivum sui, comme Amour créateur. Qui peut pleinement " manifester le péché ", c’est-à-dire cette motivation de la désobéissance originelle de l’homme, sinon celui qui seul est le Don et la source de toute largesse, sinon l’Esprit, qui " sonde les profondeurs de Dieu " et qui est l’Amour du Père et du Fils ?

138 Cf. Gn 3,22 à propos de l’ " arbre de vie " ; Cf. aussi Jn 3,36-4,14 ; Jn 5,24 ; Jn 6,40 ; Jn 6,47 ; Jn 10,28 ; Jn 12,50 ; Jn 14,6 ; Ac 13,48 Rm 6,23 ; Ga 6,8 ; 1Tm 1,16 ; Tt 1,2 ; Tt 3,7 ; 1P 3,22 ; 1Jn 1,2 ; 1Jn 2,25 1Jn 5,11 ; 1Jn 5,13 ; Ap 2,7

139 Cf. S. THOMAS D AQUIN, Somme théol., I-II 80,4, ad 3.

140 1Jn 3,8

141 Jn 16,11

 

v. 6 : Dei verbum 2 Nature de la Révélation

2 Il a plu à Dieu dans sa sagesse et sa bonté de se révéler en personne et de faire connaître le mystère de sa volonté (cf. Ep 1,9) grâce auquel les hommes, par le Christ, le Verbe fait chair, accèdent dans l’Esprit-Saint, auprès du Père et sont rendus participants de la nature divine (cf. Ep 2,18 ; 2P 1,4). Dans cette révélation le Dieu invisible (cf. Col 1,15 ; 1Tm 1,17) s’adresse aux hommes en son immense amour ainsi qu’à ses amis (cf. Ex 33,11 ; Jn 15,14-15), il s’entretient avec eux (cf. Ba 3,38) pour les inviter et les admettre à partager sa propre vie. Pareille économie de la Révélation comprend des événements et des paroles intimement unis entre eux, de sorte que les oeuvres, réalisées par Dieu dans l’histoire du salut, attestent et corroborent et la doctrine et le sens indiqués par les paroles, tandis que les paroles publient les oeuvres et éclairent le mystère qu’elles contiennent. La profonde vérité que cette Révélation manifeste, sur Dieu et sur le salut de l’homme, resplendit pour nous dans le Christ, qui est à la fois le Médiateur et la plénitude de toute la Révélation (2).

Notes :

(2) cf. Mt 11,27 ; Jn 1,14 ; Jn 1,17 ; Jn 14,6 ; Jn 17,1-3 2Co 3,16 ; 2Co 4,6 ; Ep 1,3-14

v. 6 : Evangelium vitae 29 II- Je suis venu pour qu’ils aient la vie - Le message chrétien sur la vie

" La vie s’est manifestée, nous l’avons vue " (1 Jn 1, 2) : Le regard tourné vers le Christ, " le Verbe de vie " 

Face aux menaces innombrables et graves qui pèsent sur la vie dans le monde d’aujourd’hui, on pourrait demeurer comme accablé par le sentiment d’une impuissance insurmontable : le bien ne sera jamais assez fort pour vaincre le mal ! C’est alors que le peuple de Dieu, et en lui tout croyant, est appelé à professer, avec humilité et courage, sa foi en Jésus Christ, " le Verbe de vie " 1Jn 1,1 . L’Évangile de la vie n’est pas une simple réflexion, même originale et profonde, sur la vie humaine ; ce n’est pas non plus seulement un commandement destiné à alerter la conscience et à susciter d’importants changements dans la société ; c’est encore moins la promesse illusoire d’un avenir meilleur. L’Évangile de la vie est une réalité concrète et personnelle, car il consiste à annoncer la personne même de Jésus. À l’apôtre Thomas et, en lui, à tout homme, Jésus se présente par ces paroles : " Je suis le chemin, la vérité et la vie " Jn 14,6 . C’est la même identité qu’il affirme devant Marthe, soeur de Lazare : " Je suis la résurrection et la vie. Qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais " Jn 11,25-26 . Jésus est le Fils qui, de toute éternité, reçoit la vie du Père Jn 5,26 et qui est venu parmi les hommes pour les faire participer à ce don : " Je suis venu pour qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient en abondance " Jn 10,10 . C’est donc à partir de la parole, de l’action, de la personne même de Jésus que la possibilité est donnée à l’homme de connaître " la vérité tout entière sur la valeur de la vie humaine ; c’est de cette " source " qu’il reçoit notamment la capacité de " faire " parfaitement la vérité Jn 3,21, ou d’assumer et d’exercer pleinement la responsabilité d’aimer et de servir la vie humaine, de la défendre et de la promouvoir. Dans le Christ, en effet, est définitivement annoncé et pleinement donné cet Évangile de la vie qui, déjà présent dans la Révélation de l’Ancien Testament, et même inscrit en quelque sorte dans le coeur de tout homme et de toute femme, retentit dans chaque conscience " dès le commencement " , c’est-à- dire depuis la création elle-même, en sorte que, malgré les conditionnements négatifs du péché, il peut aussi être connu dans ses traits essentiels par la raison humaine. Comme l’écrit le Concile Vatican II, le Christ " par toute sa présence et par la manifestation qu’il fait de lui-même par des paroles et par des oeuvres, par des signes et des miracles, et plus particulièrement par sa mort et par sa résurrection glorieuse d’entre les morts, par l’envoi enfin de l’Esprit de vérité, achève la révélation en l’accomplissant, et la confirme encore en attestant divinement que Dieu lui-même est avec nous pour nous arracher aux ténèbres du péché et de la mort et nous ressusciter pour la vie éternelle " (22).

(22) DV 4 .

v. 6 : I, 2, 1 : L’existence de Dieu est-elle évidente par elle-même ?

Objections : 3. Il est évident que la vérité existe, car celui qui nie que la vérité existe concède par le fait même qu’elle existe ; car si la vérité n’existe pas, ceci du moins est vrai : que la vérité n’existe pas. Or, si quelque chose est vrai, la vérité existe. Or Dieu est la vérité même, selon ce que dit Jésus en Jean (Jn 14,6) : " Je suis la voie, la vérité et la vie. " Donc l’existence de Dieu est évidente.

En sens contraire, personne ne peut penser l’opposé d’une vérité évidente, comme le prouve le Philosophe en ce qui concerne les premiers principes de la démonstration. Or, on peut penser le contraire de cette proposition : Dieu existe, puisque, d’après le psaume (Ps 53,1), " L’insensé a dit dans son coeur : il n’y a pas de Dieu. " Donc l’existence de Dieu n’est pas évidente par elle-même.

Réponse : Une chose peut être évidente de deux façons : soit en elle-même, mais non pas pour nous ; soit à la fois en elle-même et pour nous. En effet, une proposition est évidente par elle-même du fait que le prédicat y est inclus dans l’idée du sujet, comme lorsqu’on dit : L’homme est un animal ; car l’animalité fait partie de l’idée d’homme. Si donc la définition du sujet et celle du prédicat sont connues de tous, cette proposition sera évidente pour tous. C’est ce qui a lieu pour les premiers principes de la démonstration, dont les termes sont trop généraux pour que personne puisse les ignorer, comme être et non-être, tout et partie, etc. Mais s’il arrive chez quelqu’un que la définition du prédicat et celle du sujet soient ignorées, la proposition sera évidente de soi ; mais non pour ceux qui ignorent le sujet et le prédicat de la proposition. C’est pour cette raison, dit Boèce, qu’il y a des conceptions communes de l’esprit qui sont évidentes seulement pour ceux qui savent, comme celle-ci : les choses immatérielles n’ont pas de lieu.

Je dis donc que cette proposition : Dieu existe, est évidente de soi, car le prédicat y est identique au sujet ; Dieu, en effet, est son être même, comme on le verra plus loin. Mais comme nous ne connaissons pas l’essence de Dieu, cette proposition n’est pas évidente pour nous ; elle a besoin d’être démontrée par ce qui est mieux connu de nous, même si cela est, par nature, moins connu, à savoir par les oeuvres de Dieu.

Solutions : 3. Que la vérité soit, en général, cela est évident ; mais que la vérité première soit, c’est ce qui n’est pas évident pour nous.

v. 6 : I, 3, 3 : Y a-t-il en Dieu composition d’essence ou de nature, et de sujet ?

En sens contraire, il est dit de Dieu qu’il est la vie, et non pas seulement qu’il est vivant, comme on le voit en S. Jean (Jn 14,6) : " Je suis la voie, la vérité et la vie. " Or la déité est dans le même rapport avec Dieu que la vie avec le vivant. Donc Dieu est la déité elle-même.

Réponse : Dieu est identique à son essence ou nature. Pour le comprendre, il faut savoir que dans les choses composées de matière et de forme, il y a nécessairement distinction entre la nature ou essence d’une part, et le suppôt de l’autre. En effet, la nature ou essence comprend seulement ce qui est contenu dans la définition de l’espèce ; ainsi l’humanité comprend seulement ce qui est inclus dans la définition de l’homme, car c’est par cela même que l’homme est homme, et c’est cela que signifie le mot humanité : à savoir ce par quoi l’homme est homme. Mais la matière individuelle, comprenant tous les accidents qui l’individualisent, n’entre pas dans la définition de l’espèce ; car on ne peut introduire dans la définition de l’homme cette chair, ces os, la blancheur, la noirceur, etc. ; donc, cette chair, ces os et les accidents qui circonscrivent cette matière ne sont pas compris dans l’humanité, et cependant ils appartiennent à cet homme-ci. Il s’ensuit que l’individu humain a en soi quelque chose que n’a pas l’humanité. En raison de cela, l’humanité ne dit pas le tout d’un homme, mais seulement sa partie formelle, car les éléments de la définition se présentent comme informant la matière, d’ou provient l’individuation.

Mais dans les êtres qui ne sont pas composés de matière et de forme, qui ne tirent pas leur individuation d’une matière individuelle, à savoir telle matière, mais ou les formes sont individualisées par elles-mêmes, les formes doivent être elles-mêmes les suppôts subsistants, de sorte que là le suppôt ne se distingue pas de la nature. Ainsi, puisque Dieu n’est pas composé de matière et de forme, comme nous l’avons montré, on doit conclure nécessairement que Dieu est sa déité, sa vie, et quoi que ce soit d’autre qu’on affirme ainsi de lui.

v. 6 : I, 16, 5 : Dieu est-il la vérité ?

En sens contraire, il est dit en S. Jean (Jn 14,6) : " Moi, je suis la voie, la vérité et la vie. "

Réponse : D’après ce qui précède, la vérité se trouve dans l’intelligence selon que celle-ci appréhende une chose telle qu’elle est, et dans la chose selon qu’elle a un être qui peut se conformer à l’intellect. Or cela se trouve en Dieu au plus haut degré. Car son être non seulement est conforme à son intelligence, mais il est son intellection même, et celle-ci est la mesure et la cause de tout être distinct du sien, de toute intelligence autre que la sienne ; et lui-même est son propre être et sa propre intellection. Il s’ensuit que non seulement la vérité est en lui, mais que lui-même est la souveraine et première vérité.

v. 6 : I, 39, 8 : Quel attribut faut-il approprier à chaque Personne ?

Objections : 5. La vérité se trouve appropriée au Fils, en S. Jean (Jn 14,6) : "Je suis la voie, la vérité et la vie. " On approprie aussi au Fils le " Livre de vie " ; la Glose explique ainsi ce verset du Psaume 40, 8 : " En tête du livre, il est écrit de moi ; c’est-à-dire dans le Père, qui est ma tête. " Au Fils encore, on approprie le nom divin : " Celui qui est ". Car, sur ce mot d’Isaïe (Is 65,1 Vg) : " Je m’adresse aux nations ", la Glose note : " C’est le Fils qui parle, lui qui disait à Moïse : " Je suis Celui qui suis. " "

Mais il semble que ce soient là des propriétés du Fils, et non pas de simples appropriations. En effet, selon S. Augustin, " la Vérité est la suprême similitude du principe, sans la moindre différence " ; et il semble que cela convienne en propre au Fils, qui a un principe. Le " Livre de vie ", lui aussi, paraît être un attribut propre, car il évoque un être qui procède d’un autre : tout livre a un auteur. Même le nom divin " Celui qui est " semble propre au Fils. Admettons en effet que ce soit la Trinité qui dise à Moïse : " Je suis Celui qui suis ", Moïse pouvait alors dire aux Hébreux : " Celui qui est Père, Fils et Saint-Esprit m’envoie vers vous. " Donc, il pouvait aller plus loin et

dire la même chose en désignant spécialement une des Personnes. Mais il eût dit une fausseté, car aucune personne n’est Père, Fils et Saint-Esprit. Donc, le nom divin " Celui qui est " ne peut pas être commun à la Trinité : c’est un attribut propre au Fils.

Réponse : C’est à partir des créatures que notre esprit s’achemine à la connaissance de Dieu ; et pour considérer Dieu, il nous faut bien emprunter les procédés de pensée que nous imposent les créatures. Or, quand nous considérons une créature quelconque, quatre aspects s’offrent successivement à nous. D’abord on considère la chose en elle-même et absolument, comme un certain être. Puis on la considère en tant qu’une. Ensuite on y considère son pouvoir d’agir et de causer. Enfin on envisage ses relations avec ses effets. La même et quadruple considération s’offre donc à nous à propos de Dieu.

C’est de la première de ces considérations celle qui envisage Dieu absolument en son être que relève l’appropriation d’Hilaire, ou l’on approprie l’éternité au Père, la beauté au Fils, la jouissance au Saint-Esprit. En effet, l’éternité, en tant qu’elle signifie l’être sans commencement, offre une analogie avec la propriété du Père, principe sans principe. La species ou beauté offre de son côté une analogie avec la propriété du Fils. Car la beauté requiert trois conditions. D’abord l’intégrité ou perfection : les choses tronquées sont laides par là même. Puis les proportions voulues ou harmonie. Enfin l’éclat : des choses qui ont de brillantes couleurs, on dit volontiers qu’elles sont belles.

Or, la première de ces conditions offre une analogie avec cette propriété du Fils de posséder en lui vraiment et parfaitement la nature du Père, en tant qu’il est Fils. S. Augustin l’insinue quand il dit : " En lui, c’est-à-dire dans le Fils, est la vie suprême et parfaite. "

La deuxième condition répond à cette autre propriété du Fils, d’être l’image expresse du Père. Aussi voyons-nous qualifier de "beau " tout portrait qui représente parfaitement le modèle, celui-ci fût-il laid. Augustin en touche un mot quand il note : " Lui, en qui est une si haute ressemblance et la suprême égalité... "

La troisième condition s’accorde avec la troisième propriété du Fils, Verbe parfait, " lumière et splendeur de l’intelligence ", comme dit Damascène. S. Augustin y touche aussi lorsqu’il dit :

" En tant que Verbe parfait et sans défaut, art en quelque sorte du Dieu tout-puissant... " Enfin l’usus (usage) ou jouissance offre une analogie avec les propriétés du Saint-Esprit, à condition de prendre usus au sens large, comme le verbe uti peut comprendre frui dans ses cas d’espèce ; saint Augustin dit ainsi qu’uti (user), c’est " prendre quelque chose à sa libre disposition ", et que frui (jouir), c’est " user avec joie. " En effet, l’" usage " dans lequel le Père et le Fils jouissent l’un de l’autre, s’apparente à cette propriété du Saint-Esprit : I’Amour. " Cette dilection, écrit S. Augustin, cette délectation, cette félicité ou béatitude, Hilaire lui donne le nom d’usus. " Quant à l’" usage " dont nous jouissons, nous, il répond à cette autre propriété du Saint-Esprit : le Don de Dieu. " Dans la Trinité, dit encore S. Augustin, le Saint-Esprit est la suavité du Père et du Fils, suavité qui s’épanche en nous et dans les créatures, avec une immense largesse et surabondance. " Et l’on voit dès lors pourquoi " éternité, beauté " et " jouissance " sont attribuées aux Personnes, à la différence des attributs " essence " et " opération ". Car ceux-ci ont une définition trop générale pour qu’on puisse y dégager un aspect qui offre des analogies avec les propriétés des Personnes.

La deuxième considération touchant Dieu est celle de son unité. A ce point de vue se rapporte l’appropriation de S. Augustin, qui attribue au Père l’unité, au Fils l’égalité, au Saint-Esprit l’harmonie ou union. Chacun de ces trois aspects implique l’unité, mais

diversement. L’unité se pose absolument, sans rien présupposer. Aussi est-elle appropriée au Père, qui ne présuppose aucune autre personne, étant principe sans principe. Tandis que l’égalité dit unité dans la relation à l’autre : on est égal à un autre, quand on a la même dimension que lui. Aussi l’égalité est-elle appropriée au Fils, principe issu du principe. Enfin l’union évoque l’unité des deux sujets. Aussi on l’approprie au Saint-Esprit qui procède des deux premières Personnes.

Cette explication nous permet de saisir la pensée de S. Augustin, lorsqu’il dit : " Les Trois sont un à cause du Père, égaux à cause du Fils, unis à cause du Saint-Esprit. " Il est bien clair en effet qu’un prédicat quelconque s’attribue spécialement au sujet ou il se rencontre d’abord ; ainsi tous les vivants, en ce monde matériel, sont-ils tels en raison de l’âme végétative, avec laquelle commence la vie, pour les êtres corporels. Or l’unité appartient au Père d’emblée, même en supposant l’impossible exclusion des deux autres Personnes ; cellesci tiennent donc leur unité du Père. Mais, si l’on fait abstraction des autres Personnes, on ne trouvera pas d’égalité dans le Père ; celle-ci apparaît dès qu’on pose le Fils. Aussi dit-on que tous sont égaux à cause du Fils ; non que le Fils soit principe d’égalité pour le Père, mais parce qu’on ne pourrait qualifier le Père d’" égal ", s’il n’y avait le Fils égal au Père. En celui-ci, l’égalité apparaît d’abord en regard du Fils ; quant au Saint-Esprit, s’il est égal au Père, il le tient du Fils. Pareillement, si l’on fait abstraction du Saint-Esprit, lien des deux, il devient impossible de concevoir l’unité de liaison entre le Père et le Fils ; aussi dit-on que tous sont liés ou " connexes " à cause du Saint-Esprit. En effet, dès qu’on pose le Saint-Esprit, apparaît la raison qui permet de dire du Père et du Fils qu’ils sont " connexes ".

La troisième considération qui envisage en Dieu sa puissance efficiente donne lieu à la troisième appropriation, celle des attributs de puissance, sagesse et bonté Cette appropriation procède par voie d’analogie, si l’on considère ce qui appartient aux Personnes divines ; par voie de différence, si l’on considère ce qui appartient aux créatures. La puissance, en effet, évoque un principe. Par là elle s’apparente au Père céleste, principe de toute la déité. Au contraire, elle fait parfois défaut chez les pères de la terre, en raison de leur vieillesse. La sagesse s’apparente au Fils qui est dans les cieux, car il est le Verbe, c’est-à-dire le concept de la sagesse. Mais elle fait parfois défaut chez les fils d’ici-bas, par manque d’expérience. Quant à la bonté, motif et objet d’amour, elle s’apparente à l’Esprit divin, qui est l’Amour. Mais elle peut s’opposer à l’esprit terrestre, qui comporte une sorte de violence impulsive : Isaïe (Is 25,4) parle ainsi de " l’esprit des violents, pareil à l’ouragan qui bat la muraille ". Que la force soit appropriée parfois au Fils et au Saint-Esprit, c’est vrai, mais non au sens ou ce mot signifie la puissance ; c’est en cet emploi particulier du mot ou l’on nomme "vertu" ou " force" un effet de la puissance, lorsqu’on dit qu’un ouvrage est très fort.

La quatrième considération envisage Dieu par rapport à ses effets. C’est de ce point de vue qu’on approprie la triade : " De lui, par lui, en lui. " En effet, la préposition " de " introduit tantôt la cause matérielle mais celle-ci n’a rien à faire en Dieu ; tantôt la cause efficiente, laquelle convient à Dieu en raison de sa puissance active. On l’approprie donc au Père, comme la puissance. La préposition " par " désigne tantôt une cause intermédiaire : l’ouvrier opère par son marteau. En ce sens " par lui " peut être mieux qu’approprié, ce peut être une propriété du Fils : " Par lui, tout a été fait ", dit S. Jean. Non que le Fils soit un instrument ; mais il est le Principe issu du Principe. Tantôt " par " désigne la cause formelle par quoi l’agent opère : l’ouvrier, dit-on, opère par son art. En ce sens, puisque la sagesse et l’art s’approprient au Fils, on lui approprie aussi " par lui ". Enfin la préposition " en " évoque un contenant. Or, Dieu

Dieu contient les choses doublement : par ses idées d’abord, car on dit que les choses existent " en Dieu ", en ce sens qu’elles existent dans sa pensée ; alors l’expression " en lui " s’approprie au Fils. Mais Dieu contient aussi les choses en ce sens que sa bonté les conserve et les gouverne en les conduisant à la fin qui leur convient. Alors " en lui " s’approprie au Saint-Esprit, comme la bonté. D’ailleurs, il n’y a pas lieu d’approprier au Père, principe sans principe, la fonction de cause finale, bien qu’elle soit la première des causes. En effet, les Personnes dont le Père est le principe ne procèdent pas en vue d’une fin : chacune d’elle est la fin ultime. Leur procession est naturelle et paraît plutôt relever de la puissance naturelle que d’un vouloir.

Quant aux autres appropriations qui font difficulté : la vérité, d’abord, puisqu’elle concerne l’intellect, nous l’avons dit, s’approprie bien au Fils. Elle n’est pas cependant son attribut propre ; car on peut considérer la vérité soit dans la pensée, soit dans la réalité ; et puisque pensée et réalité (celle-ci entendue au sens essentiel) sont des attributs essentiels et non personnels, on doit en dire autant de la vérité. La définition d’Augustin alléguée ci-dessus concerne la vérité en tant qu’appropriée au Fils.

L’expression " Livre de vie " évoque, en son terme direct, la connaissance ; et dans son génitif, la vie. C’est en effet, nous l’avons dit, la connaissance que Dieu a de ceux qui posséderont la vie éternelle. On l’approprie donc au Fils, bien que la vie s’approprie au Saint-Esprit, en tant qu’elle comporte un mouvement d’origine intérieure et apparente ainsi à cet attribut propre du Saint-Esprit : l’Amour. Quant à la condition d’" écrit par un autre ", cela n’appartient pas au livre en tant que livre, mais en tant qu’oeuvre de l’art. L’expression n’implique donc pas d’origine, et par suite n’est pas un attribut personnel : elle s’approprie seulement à la personne.

Enfin le nom divin " qui est " s’approprie à la personne du Fils, non pas en vertu de sa signification propre, mais en raison du contexte : c’est-à-dire pour autant que la parole adressée par Dieu à Moïse préfigurait la libération du genre humain plus tard accomplie par le Fils. Cependant, si l’on considère la relation impliquée dans ce " qui ", le nom divin " qui est " pourrait se trouver rapporté à la personne du Fils. Alors il prendrait un sens personnel, par exemple si je dis : " Le Fils est le " Qui est " engendré, tout comme " Dieu engendre " est un nom personnel. Mais si l’antécédent de " Qui " demeure indéterminé, " Qui est " est un attribut essentiel. " Il est vrai encore que, dans la phrase : Iste qui est Pater, etc., le pronom iste (celui) paraît se rapporter à une personne déterminée ; mais la grammaire tient ainsi pour une personne n’importe quelle chose désignable comme du doigt, même s’il ne s’agit pas d’une personne en réalité : Cette pierre, cet âne. Aussi, toujours du point de vue grammatical, l’essence divine signifiée et posée en sujet par le mot Deus peut fort bien être désignée par le pronom iste, comme dans ce texte : Iste Deus meus et glorificabo eum (Celui-ci est mon Dieu, je le glorifierai

v. 6 : III, 78, 5 : La vérité de ces paroles

En sens contraire, ces paroles sont proférées au nom du Christ, qui dit de lui-même (Jn 14,6) " je suis la Vérité. " 

Réponse : Autour de ce problème les opinions se sont multipliées. Certains ont dit que dans la proposition " Ceci est mon corps ", le mot " ceci " comporte une démonstration pensée et non exercée, car toute cette proposition est prise matériellement, puisqu’elle est proférée par mode de récit. En effet le prêtre rapporte que le Christ a dit : " Ceci est mon corps. " 

Mais cette position ne tient pas. Car, à ce compte, les paroles ne s’appliqueraient pas à la matière corporelle présente, et ainsi le sacrement ne se réaliserait pas. Car S. Augustin écrit : " La parole se joint à l’élément et voilà le sacrement. " D’ailleurs cette solution n’évite pas totalement la difficulté de notre problème : les mêmes arguments valent pour ces paroles prononcées la première fois par le Christ ; car il est évident qu’alors elles n’étaient pas employées matériellement, mais pour leur valeur de signification. Il faut donc dire que, même quand elles sont proférées par le prêtre, elles sont employées pour leur valeur de signification et non matériellement. Et il n’y a pas à objecter que le prêtre les profère par manière de récit, comme dites par le Christ. Car, à cause de la vertu infinie du Christ (de même qu’au contact de sa chair la vertu d’opérer une nouvelle naissance n’a pas atteint seulement les eaux touchées par le Christ mais toutes les eaux de la terre, et cela pour tous les siècles à venir), de même aussi, parce que ces paroles ont été émises par le Christ, elles ont obtenu une vertu consécratoire, quel que soit le prêtre qui les prononce, comme si le Christ les proférait présentement.

C’est pourquoi d’autres ont avancé que le mot " ceci ", dans cette proposition, adresse sa démonstration non pas aux sens mais à l’intellect. Le sens de " Ceci est mon corps " serait : " Ce qui est signifié par ceci est mon corps. " 

Mais cela non plus ne peut tenir. Car puisque, dans les sacrements, est produit ce qui est signifié, cette forme ne ferait pas que le corps du Christ soit dans ce sacrement d’une façon réelle, mais seulement par mode de signe. Ce qui est hérétique, nous l’avons dit précédemment.

Et c’est pourquoi d’autres ont soutenu que le mot " ceci " adresse sa démonstration aux sens, mais que cette démonstration doit se comprendre non pas pour l’instant ou ce mot est prononcé, mais pour le dernier instant de la proposition. Ainsi, lorsque quelqu’un dit : " Maintenant, je me tais ", l’adverbe " maintenant " indique l’instant qui suivra immédiatement le prononcé de la proposition. Le sens est : " Aussitôt après avoir dit ces paroles, je me tais. " 

Mais ceci encore est insoutenable. Car, à ce compte, le sens de la proposition serait : " Mon corps est mon corps. " Or ce n’est pas l’objet de cette proposition, car les choses existaient ainsi même avant l’émission des paroles. Tel n’est donc pas le sens de cette proposition.

Il faut donc parler autrement. Comme on l’a vue, cette proposition a la vertu de réaliser la conversion du pain au corps du Christ. C’est pourquoi elle est dans le même rapport avec les autres propositions qui n’ont qu’une vertu significative et non réalisatrice, que la conception de l’intellect pratique, qui est réalisatrice, avec la conception de notre intellect spéculatif, qui est tirée du réel. Car " les mots sont les signes des idées ", selon Aristote. C’est pourquoi, de même que la conception de l’intellect pratique ne présuppose pas la réalité queue conçoit mais la réalise, ainsi la vérité de notre proposition ne présuppose pas la réalité mais la produit. Tel est le rapport qui existe entre le verbe de Dieu et les réalités produites par ce verbe. Or cette conversion ne s’accomplit pas graduellement mais instantanément, comme on l’a vue. Il faut donc entendre cette proposition selon le dernier instant de l’émission des paroles ; non pas que l’on présuppose du côté du sujet ce qui est le terme de la conversion, c’est-à-dire que le corps du Christ soit le corps du Christ ; ni même cela qui existait avant la conversion, c’est-à-dire du pain ; mais ce qui est commun aux deux., comme contenu à la manière d’un genre commun à ces deux termes sous ces espèces. En effet, ces paroles ne font pas que le corps du Christ soit le corps du Christ, ni que le pain soit le corps du Christ ; mais que ce qui est contenu sous ces espèces, qui était d’abord du pain, soit le corps du Christ. C’est pourquoi, explicitement, le Seigneur n’a pas dit : " Ce pain est mon corps ", ce qui serait conforme à l’interprétation de la deuxième thèse ; ni : " Ce corps est mon corps ", ce qui serait conforme à l’interprétation de la troisième, mais, d’une façon indéterminée : " Ceci est mon corps ", sans mettre aucun nom du côté du sujet, mais seulement un pronom qui signifie la substance d’une façon globale, sans qualité, c’est-à-dire sans forme déterminée.

v. 6 : Lettre aux familles 11

Le fait que naît un homme, qu’ " un être humain est venu au monde " (cf. Jn 16,21), constitue un signe pascal. Jésus lui-même en parle à ses disciples, selon l’évangéliste Jean, avant sa passion et sa mort, comparant la tristesse causée par son départ à la souffrance d’une femme qui enfante : " La femme, sur le point d’accoucher, s’attriste (c’est-à-dire souffre) parce que son heure est venue ; mais, lorsqu’elle a donné le jour à l’enfant, elle ne se souvient plus des douleurs, dans la joie qu’un homme soit venu au monde. " (Jn 16,21). L’ " heure " de la mort du Christ (cf. Jn 13,1) est ici comparée à l’ " heure " de la femme dans les douleurs de l’enfantement ; la naissance d’un nouvel homme se compare à la victoire de la vie sur la mort remportée par la résurrection du Seigneur. Ce rapprochement suscite diverses réflexions. De même que la résurrection du Christ est la manifestation de la Vie au-delà du seuil de la mort, de même la naissance d’un enfant est aussi manifestation de la vie, toujours destinée, par le Christ, à la " plénitude de la Vie " qui est en Dieu même : " Je suis venu pour qu’on ait la vie, et qu’on l’ait surabondante " (Jn 10,10). Voilà révélé dans sa valeur profonde le vrai sens de l’expression de saint Irénée : " Gloria Dei vivens homo " .

C’est la vérité évangélique du don de soi, sans lequel l’homme ne peut " pleinement se trouver ", qui permet de comprendre à quelle profondeur ce " don désintéressé " s’enracine dans le don du Dieu Créateur et Rédempteur, dans " la grâce de l’Esprit Saint " dont le célébrant demande l’effusion sur les époux au cours de la cérémonie du mariage. Sans cette " effusion ", il serait vraiment difficile de comprendre tout cela et de le réaliser comme la vocation de l’homme. Mais bien des personnes comprennent cela ! Beaucoup d’hommes et de femmes accueillent cette vérité et arrivent à entrevoir que c’est en elle seulement qu’ils trouvent " la Vérité et la Vie " (Jn 14,6). Sans cette vérité, la vie des époux et de la famille ne peut parvenir à son sens pleinement humain.

Voilà pourquoi l’Église ne se lasse jamais d’enseigner cette vérité et de lui rendre témoignage. Tout en faisant preuve de compréhension maternelle pour les nombreuses et complexes situations de crise dans lesquelles les familles se trouvent impliquées et pour la fragilité morale de tout être humain, l’Église est convaincue qu’elle doit absolument demeurer fidèle à la vérité sur l’amour humain ; autrement, elle se trahirait elle-même. S’éloigner de cette vérité salvifique serait en effet comme fermer " les yeux du coeur " (Ep 1,18), qui doivent au contraire rester toujours ouverts à la lumière que l’Évangile projette sur les vicissitudes de l’humanité (cf. 2Tm 1,10). La conscience de ce don de soi désintéressé par lequel l’homme " se trouve lui-même " est à renouveler sérieusement et à garantir constamment, face aux nombreuses oppositions que l’Église rencontre de la part des partisans d’une fausse civilisation du progrès (30). La famille exprime toujours une nouvelle dimension du bien pour les hommes, et c’est pourquoi elle crée une nouvelle responsabilité. Il s’agit de la responsabilité pour le bien commun particulier où réside le bien de l’homme, le bien de tout membre de la communauté familiale. Certes, c’est un bien " difficile ", (" bonum arduum " ), mais c’est aussi un bien merveilleux.

30- SRS 25

n. 23 : ... Que le Christ, qui est le même " hier, aujourd’hui et à jamais " (He 13,8), soit avec nous tandis que nous fléchissons les genoux devant le Père de qui viennent toute paternité, toute maternité et toute famille humaine (cf. Ep 3,14-15) et, avec les paroles mêmes de la prière qu’il adresse au Père et qu’il nous a lui-même enseignée, qu’il nous donne encore une fois le témoignage de l’amour avec lequel il nous " aima jusqu’à la fin " (Jn 13,1) !

Avec la puissance de sa vérité, je parle à l’homme de notre temps pour qu’il comprenne la grandeur des biens que sont le mariage, la famille et la vie ; le grand péril constitué par le refus de respecter ces réalités et par le manque de considération pour les valeurs suprêmes qui fondent la famille et la dignité de l’être humain.

Que le Seigneur Jésus nous redise tout cela avec la puissance et la sagesse de la Croix, afin que l’humanité ne cède pas à la tentation du " père du mensonge " (Jn 8,44) qui la pousse constamment à prendre des voies larges et dégagées, à l’apparence facile et agréable, mais qui sont en réalité remplies de pièges et de dangers ! Qu’il nous soit donné de suivre toujours Celui qui est " le Chemin, la Vérité et la Vie " (Jn 14,6) !

Voilà, chers Frères et Soeurs, la tâche des familles chrétiennes et le souci missionnaire de l’Église, au long de cette Année riche de grâces divines singulières. Puisse la Sainte Famille, icône et modèle de toute famille humaine, aider chacun à cheminer dans l’esprit de Nazareth ; puisse-t-elle aider chaque famille à approfondir sa mission dans la société et dans l’Église par l’écoute de la Parole de Dieu, par la prière et le partage fraternel de la vie ! Que Marie, Mère du bel amour, et Joseph, Gardien du Rédempteur, nous accompagnent tous de leur incessante protection !C’est dans ces sentiments que je bénis chaque famille au nom de la Très Sainte Trinité, Père, Fils et Saint-Esprit.

v. 6 : Nostra aetate 2 Les diverses religions non chrétiennes

Depuis les temps les plus reculés jusqu’à aujourd’hui, on trouve dans les différents peuples une certaine sensibilité à cette force cachée qui est présente au cours des choses et aux événements de la vie humaine, parfois même une reconnaissance de la Divinité suprême, ou encore du Père. Cette sensibilité et cette connaissance pénètrent leur vie d’un profond sens religieux. Quant aux religions liées au progrès de la culture, elles s’efforcent de répondre aux mêmes questions par des notions plus affinées et par un langage plus élaboré. Ainsi, dans l’hindouisme, les hommes scrutent le mystère divin et l’expriment par la fécondité inépuisable des mythes et par les efforts pénétrants de la philosophie ; ils cherchent la libération des angoisses de notre condition, soit par les formes ascétiques, soit par la méditation profonde, soit par le refuge en Dieu avec amour et confiance. Dans le bouddhisme, selon ses formes variées, l’insuffisance radicale de ce monde changeant est reconnue et on enseigne une voie par laquelle les hommes, avec un coeur dévot et confiant, pourront acquérir l’état de libération parfaite, soit atteindre l’illumination suprême par leurs propres efforts ou par un secours venu d’en-haut. De même aussi, les autres religions qu’on trouve de par le monde s’efforcent d’aller, de façons diverses ; au-devant de l’inquiétude du coeur humain en proposant des voies, c’est-à-dire des doctrines, des règles de vie et des rites sacrés.

L’Eglise catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions. Elle considère avec un respect sincère ces manières d’agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui, quoiqu’elles différent en beaucoup de ce qu’elle-même tient et propose, cependant apportent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes. Toutefois, elle annonce, et elle est tenue d’annoncer sans cesse, le Christ qui est " la voie, la vérité et la vie " Jn 14,6, dans lequel les hommes doivent trouver la plénitude de la vie religieuse et dans lequel Dieu s’est réconcilié toutes choses.

Elle exhorte donc ses fils pour que, avec prudence et charité, par le dialogue et par la collaboration avec ceux qui suivent d’autres religions, et tout en témoignant de la foi et de la vie chrétiennes, ils reconnaissent, préservent et fassent progresser les valeurs spirituelles, morales et socioculturelles qui se trouvent en eux.

v. 6 : Pastores dabo vobis 47

47 La lecture méditée et priante de la Parole de Dieu (lectio divina), en écoutant avec humilité et amour celui qui parle, est un élément essentiel de la formation spirituelle. C’est en effet dans la lumière et la force de la Parole de Dieu que chacun peut découvrir, comprendre, aimer et suivre sa vocation, et accomplir sa mission ; de telle sorte que toute l’existence trouve sa signification plénière et radicale dans le fait d’être le terme de la Parole de Dieu qui appelle l’homme et le principe de la parole de l’homme qui répond à Dieu. La familiarité avec la Parole de Dieu facilitera l’itinéraire de la conversion, dans un double sens : non seulement renoncer au mal pour adhérer au bien, mais aussi faire grandir dans le coeur les pensées de Dieu. La foi, en tant que réponse à la Parole, devient alors le nouveau critère de jugement et d’évaluation des hommes et des choses, des événements et des problèmes.

Tout cela, à condition que la Parole de Dieu soit entendue et accueillie selon sa vraie nature, car elle fait rencontrer Dieu lui-même, Dieu qui parle à l’homme ; elle fait rencontrer le Christ, le Verbe de Dieu, la Vérité, qui est également le Chemin et la Vie (cf. Jn 14,6). Il s’agit de lire les " écritures ", en écoutant les " paroles ", la " Parole " de Dieu, comme le rappelle le Concile : " Les Saintes Ecritures contiennent la Parole de Dieu et, puisqu’elles sont inspirées, elles sont vraiment Parole de Dieu " (138). Le Concile dit encore : " Dans cette révélation, le Dieu invisible (cf. Col 1,15 ; 1Tm 1,17) s’adresse aux hommes en son immense amour comme à des amis (cf. Ex 33,11 ; Jn 15,14-15), il s’entretient avec eux (cf. Ba 3,38), pour les inviter et les admettre à partager sa propre vie " (139).

138- DV 24

139- DV 2

La connaissance intime et pleine d’amour de la Parole de Dieu acquise dans la prière revêt une importance toute spéciale pour le ministère prophétique du prêtre ; elle est une condition indispensable pour qu’il l’exerce d’une manière adéquate, surtout dans le contexte de la " nouvelle évangélisation " à laquelle l’Eglise est appelée aujourd’hui. Comme le Concile y invite, " tous les clercs, en premier lieu les prêtres du Christ, et tous ceux qui vaquent normalement, comme diacres ou comme catéchistes, au ministère de la parole, doivent, par une lecture spirituelle assidue et par une étude approfondie, s’attacher aux Ecritures, de peur que l’un d’eux ne devienne " un vain prédicateur de la Parole de Dieu au dehors, lui qui ne l’écouterait pas au-dedans de lui " (S. Augustin, Serm. 179, 1 : PL 38, 966) " (140).

140- DV 25

 

v. 6 : Redemptor Hominis 7 Dans le mystère du Christ

Les chemins sur lesquels le Concile de notre siècle a engagé l’Eglise, et que le regretté Pape Paul VI nous a indiqués dans sa première encyclique, resteront pour longtemps ceux que nous devons tous suivre ; mais en même temps, en cette nouvelle étape, nous pouvons à juste titre nous demander : comment, de quelle manière faut-il avancer ? Que faut-il faire pour que ce nouvel Avent de l’Eglise, lié à la fin, désormais très voisine, du deuxième millénaire, nous rapproche de Celui que la Sainte Ecriture appelle : "Père à jamais", Pater futuri saeculi ? (21) Telle est la question fondamentale que le nouveau Pontife doit se poser lorsque, en esprit d’obéissance dans la foi, il accepte l’appel que constitue pour lui le commandement du Christ adressé à plusieurs reprises à Pierre : "Pais mes agneaux" (22) ce qui veut dire : Sois le pasteur de mon troupeau ; et ensuite : "... et toi, quand tu seras revenu, affermis tes frères" (23).

21- Is 9,6

22- Jn 21,15

23- Lc 22,32

C’est précisément ici, Frères, Fils et Filles très chers, que s’impose une réponse fondamentale et essentielle, à savoir : l’unique orientation de notre esprit, l’unique direction de notre intelligence, de notre volonté et de notre coeur est pour nous le Christ, Rédempteur de l’homme, le Christ, Rédempteur du monde. C’est vers Lui que nous voulons tourner notre regard parce que c’est seulement en Lui, le Fils de Dieu, que se trouve le salut, et nous renouvelons la proclamation de Pierre : "Seigneur, à qui irons-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle" (24).

24- Jn 6,68 cf. Ac 4,8-12

A travers la conscience, si bien développée par le Concile, que l’Eglise a d’elle-même, à tous les niveaux de cette conscience, dans tous les domaines d’activité ou l’Eglise s’exprime, se retrouve et s’affirme, nous devons tendre constamment vers Celui "qui est la tête" (25), Celui "de qui tout provient et pour qui nous sommes" (26), Celui qui est tout à la fois "la voie, la vérité" (27) et "la résurrection et la vie" (28), Celui en qui, en le voyant, nous voyons le Père (29), Celui qui devait s’en aller d’auprès de nous (30) entendons : par sa mort sur la croix et ensuite par son ascension au ciel pour que le Consolateur vienne et continue à venir à nous comme Esprit de vérité (31).En Lui sont "tous les trésors de la sagesse et de la science" (32), et l’Eglise est son Corps (33). L’Eglise est "dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain" (34) : et

(34) : et c’est Lui qui en est la source ! Lui-même ! Lui, le Rédempteur !

25- Ep 1,10 ; Ep 1,22 ; Ep 4,25 ; Col 1,18 26- 1Co 8,6 ; Col 1,17 27- Jn 14,6 28- Jn 11,25 29- Jn 14,9 30- Jn 16,7 31- Jn 16,7 ; Jn 16,13 32- Col 2,3 33- Rm 12,5 ; 1Co 6,15 1Co 10,17 ; 1Co 12,12 ; 1Co 12,27 ; Ep 1,23 ; Ep 2,16 ; Ep 4,4 ; Col 1,24 ; Col 3,15 34- LG 5 .

 

L’Eglise ne cesse d’écouter ses paroles, elle les relit continuellement, elle reconstitue avec la plus grande dévotion tous les détails de sa vie. Ces paroles sont écoutées aussi par les non chrétiens. La vie du Christ parle en même temps à nombre d’hommes qui ne sont pas encore en mesure de répéter avec Pierre : "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant" (35). Lui, le Fils du Dieu vivant, il parle aux hommes en tant qu’Homme aussi : c’est sa vie elle-même qui parle, son humanité, sa fidélité à la vérité, son amour qui s’étend à tous. Sa mort en croix parle, elle aussi, c’est-à-dire la profondeur insondable de sa souffrance et de son abandon. L’Eglise ne cesse jamais de revivre sa mort sur la croix et sa résurrection qui constituent le contenu de la vie quotidienne de l’Eglise. C’est en effet sur mandat du Christ lui-même, son Maître, que l’Eglise célèbre sans cesse l’Eucharistie, trouvant en elle "la source de la vie et de la sainteté" (36), le signe efficace de la grâce et de la réconciliation avec Dieu, le gage de la vie éternelle. L’Eglise vit son mystère, elle y puise sans jamais se lasser, et elle recherche continuellement tous les moyens pour rendre ce mystère de son Maître et Seigneur proche du genre humain, des peuples, des nations, des générations qui se succèdent, de chaque homme en particulier, comme si elle répétait toujours à l’exemple de l’Apôtre : "Je n’ai rien voulu savoir parmi vous sinon Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié" (37). L’Eglise demeure dans la sphère du mystère de la Rédemption, qui est justement devenu le principe fondamental de sa vie et de sa mission.

35- Mt 16,16

36- cf. Litanie du Sacré-Coeur.

37- 1Co 2,2

 

Redemptor Hominis 20

L’Eglise vit de l’Eucharistie, elle vit de la plénitude de ce sacrement dont la signification et le contenu admirables ont souvent trouvé leur expression dans le magistère de l’Eglise depuis les temps les plus anciens jusqu’à nos jours (168). Et pourtant, nous pouvons dire avec certitude que cet enseignement, mis en valeur avec pénétration par les théologiens, par les hommes de foi profonde et de prière, par les ascètes et les mystiques dans leur fidélité totale au mystère eucharistique, demeure pratiquement sur le seuil, parce qu’il est incapable de saisir et de traduire en paroles ce qu’est l’Eucharistie dans sa plénitude, ce qu’elle exprime et ce qui se réalise en elle. Elle est, au sens propre, le sacrement ineffable ! L’engagement essentiel, et par-dessus tout la grâce visible et jaillissante de la force surnaturelle de l’Eglise comme peuple de Dieu, consiste à persévérer et à progresser constamment dans la vie eucharistique, dans la piété eucharistique, à se développer spirituellement dans le climat de l’Eucharistie. A plus forte raison, il n’est donc pas permis, dans notre manière de penser, de vivre et d’agir, d’enlever à ce Sacrement qui est vraiment très saint sa dimension totale et sa signification essentielle. Il est en même temps sacrement et sacrifice, sacrement et communion, sacrement et présence. Et bien qu’il soit vrai que l’Eucharistie fut toujours et doit être encore la révélation la plus profonde et la célébration la meilleure de la fraternité humaine des disciples du Christ et de ceux qui lui rendent témoignage, elle ne peut pas être traitée seulement comme une "occasion" de manifester cette fraternité. Dans la célébration du sacrement du Corps et du Sang du Seigneur, il faut respecter la pleine dimension du mystère divin, le sens plénier de ce signe sacramentel dans lequel le Christ réellement présent est reçu, l’âme est comblée de grâce et le gage de la gloire future nous est donné (169). De là découle le devoir d’observer rigoureusement les règles liturgiques et tout ce qui est le témoignage du culte communautaire rendu à Dieu, et ceci d’autant plus que, dans ce signe sacramentel, le Seigneur s’en remet à nous avec une confiance illimitée, comme s’il ne prenait pas en considération notre faiblesse humaine, notre indignité, l’habitude, la routine ou même la possibilité de l’outrage. Tous dans l’Eglise, mais surtout les évêques et les prêtres, doivent veiller à ce que ce sacrement d’amour soit au centre de la vie du peuple de Dieu pour qu’on agisse, à travers toutes les manifestations du culte qui lui est dû, de manière à rendre au Christ "amour pour amour", et qu’il devienne vraiment "la vie de nos âmes" (170). Et d’autre part, nous ne pourrons jamais oublier ces paroles de saint Paul : "Que chacun s’éprouve donc lui-même et qu’il mange de ce pain et qu’il boive de ce calice" (171).

168- Paul VI, Encyclique Mysterium fidei : AAS 57 (1965) 553-574.

169- SC 47 170- Jn 6,52 ; Jn 6,58 ; Jn 14,6 ; Ga 2,20 171- 1Co 11,28

 

v. 6 : Ut unum sint 18 Importance fondamentale de la doctrine

En reprenant une idée que le Pape Jean XXIII avait exprimée à l’ouverture du Concile (31), le décret sur l’oecuménisme fait figurer la manière de formuler la doctrine parmi les éléments de la réforme permanente (32). Dans ce contexte, il ne s’agit pas de modifier le dépôt de la foi, de changer la signification des dogmes, d’en éliminer des paroles essentielles, d’adapter la vérité aux goûts d’une époque ou d’abolir certains articles du Credo sous le faux prétexte qu’ils ne sont plus compris aujourd’hui. L’unité voulue par Dieu ne peut se réaliser que dans l’adhésion commune à la totalité du contenu révélé de la foi. En matière de foi, le compromis est en contradiction avec Dieu qui est Vérité. Dans le Corps du Christ, lui qui est " le Chemin, la Vérité et la Vie " Jn 14,6, qui pourrait considérer comme légitime une réconciliation obtenue au prix de la vérité ? La déclaration conciliaire sur la liberté religieuse Dignitatis humanæ reconnaît que la recherche de la vérité appartient à la dignité humaine, " surtout en ce qui concerne Dieu et son Eglise " (33) et l’adhésion à ses exigences. Un " être ensemble " qui trahirait la vérité s’opposerait donc à la nature de Dieu, qui offre la communion avec lui, et à l’exigence de la vérité, qui habite en profondeur tout coeur humain.

31- Cf. Discours d’ouverture du Concile oecuménique Vatican II (11 octobre 1962) : AAS 54 (1962), p. 792.

32- UR 6 .

33- DH 1 .

 

v. 6 : Vita consecrata 18 Per Filium : sur les pas du Christ

Le Fils, chemin qui conduit au Père (cf. Jn 14,6), appelle tous ceux que lui a donnés le Père (cf. Jn 17,9) à venir à sa suite, ce qui oriente leur existence. Mais à certains, précisément les personnes consacrées, il demande un engagement total qui comporte l’abandon de toutes choses (cf. Mt 19,27) pour vivre en intimité avec lui (30) et le suivre où qu’il aille (cf. Ap 14,4).

30- Cf. Proposition 16.

Dans le regard de Jésus (cf. Mc 10,21), " image du Dieu invisible " (Col 1,15), resplendissement de la gloire du Père (cf. He 1,3), se lit la profondeur d’un amour éternel et infini qui atteint les racines de l’être (31). La personne qui se laisse saisir ne peut que tout abandonner et le suivre (cf. Mc 1,16-20 ; Mc 2,14 ; Mc 10,21 ; Mc 10,28). Comme Paul, elle considère tout le reste comme " désavantageux à cause de la supériorité de la connaissance du Christ Jésus " devant qui elle n’hésite pas à regarder tout " comme des déchets, afin de gagner le Christ " (Ph 3,8). Elle aspire à s’identifier à lui, en ayant les mêmes sentiments et la même forme de vie. Cette façon de tout abandonner et de suivre le Seigneur (cf. Lc 18,28) constitue un programme valable pour toutes les personnes qui sont appelées et pour tous les temps.

31- Cf. Jean-Paul II, Exhort. Ap. Redemptionis donum (25 mars 1984), n. 3 : AAS 76 (1984), pp.515-517.

Les conseils évangéliques, par lesquels le Christ invite certains à partager son expérience d’homme chaste, pauvre et obéissant, demandent et manifestent chez celui qui les accepte le désir explicite d’être totalement configuré à lui. Vivant " dans l’obéissance, sans rien de personnel et dans la chasteté " (32),les consacrés professent que Jésus est le Modèle dans lequel toute vertu atteint la perfection. Sa forme de vie chaste, pauvre et obéissante apparaît, en effet, comme le mode le plus radical de vivre l’Evangile sur cette terre, un mode pour ainsi dire divin, parce qu’il a été embrassé par lui, l’Homme-Dieu, afin d’exprimer sa relation de Fils unique avec le Père et avec l’Esprit Saint. Tel est le motif pour lequel, dans la tradition chrétienne, on a toujours parlé de l’excellence objective de la vie consacrée.

32- Français d’Assise, Regula hullata, ch I, 1.

v. 6 : Veritatis splendor 2

Aucun homme ne peut se dérober aux questions fondamentales : Que dois-je faire ? Comment discerner le bien du mal ? La réponse n’est possible que grâce à la splendeur de la vérité qui éclaire les profondeurs de l’esprit humain, comme l’atteste le psalmiste :

" Beaucoup disent : ‘ Qui nous fera voir le bonheur ? ‘ Fais lever sur nous, Seigneur, la lumière de ta face " Ps 4,7 . La lumière de la face de Dieu brille de tout son éclat sur le visage de Jésus Christ, " image du Dieu invisible " Col 1,15, " resplendissement de sa gloire " He 1,3, " plein de grâce et de vérité " Jn 1,14 : il est " le chemin, la vérité et la vie " Jn 14,6 . De ce fait, la réponse décisive à toute interrogation de l’homme, en particulier à ses interrogations religieuses et morales, est donnée par Jésus Christ ; bien plus, c’est Jésus Christ lui-même, comme le rappelle le deuxième Concile du Vatican " En réalité, le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que dans le mystère du Verbe incarné. Adam, en effet, le premier homme, était la figure de Celui qui devait venir, le Christ Seigneur. Nouvel Adam, le Christ, dans la révélation même du mystère du Père et de son amour, manifeste pleinement l’homme à lui-même et lui découvre la sublimité de sa vocation " (1).

Le Christ, " la lumière des nations ", éclaire le visage de son Église, qu’il envoie dans le monde entier pour annoncer l’Évangile à toute créature Mc 16,15 (2). Ainsi, peuple de Dieu au milieu des nations (3), l’Église, attentive aux nouveaux défis de l’histoire et aux efforts que les hommes accomplissent dans la recherche du sens de la vie, propose à tous la réponse qui vient de la vérité de Jésus Christ et de son Évangile. L’Église a toujours la vive conscience de son " devoir, à tout moment, de scruter les signes des temps, et de les interpréter à la lumière de l’Évangile, de telle sorte qu’elle puisse répondre, d’une manière adaptée à chaque génération, aux questions éternelles des hommes sur le sens de la vie présente et future et sur leurs relations réciproques " (4).

(1) GS 22 . (2) LG 1 . (3) LG 9 . (4) GS 4 .

19 La voie et, en même temps, le contenu de cette perfection consistent dans la suite du Christ, dans le fait de suivre Jésus après avoir renoncé à ses biens particuliers et à soi-même. C’est précisément la conclusion du dialogue entre Jésus et le jeune homme : " Puis viens, suis-moi " Mt 19,21 . La merveilleuse profondeur de cette invitation sera pleinement perçue par les disciples après la résurrection du Christ, quand l’Esprit Saint les introduira dans la vérité tout entière Jn 16,13 .

Jésus lui-même prend l’initiative et invite à le suivre. L’appel est adressé avant tout à ceux auxquels il confie une mission particulière, à commencer par les Douze ; mais il apparaît aussi clairement qu’être disciple du Christ est la condition de tout croyant Ac 6,1 . De ce fait, suivre le Christ est le fondement essentiel et original de la morale chrétienne : comme le peuple d’Israël suivait Dieu qui le conduisait dans le désert vers la Terre promise Ex 13,21, de même le disciple doit suivre Jésus vers lequel le Père lui-même l’attire Jn 6,44 .

Il ne s’agit pas seulement ici de se mettre à l’écoute d’un enseignement et d’accueillir dans l’obéissance un commandement ; plus radicalement, il s’agit d’adhérer à la personne même de Jésus, de partager sa vie et sa destinée, de participer à son obéissance libre et amoureuse à la volonté du Père. En suivant, par la réponse de la foi, celui qui est la Sagesse faite chair, le disciple de Jésus devient vraiment disciple de Dieu Jn 6,45 . En effet, Jésus est la lumière du monde, la lumière de la vie Jn 8,12 ; il est le pasteur qui guide et nourrit les brebis Jn 10,11-16 ; il est le chemin, la vérité et la vie Jn 14,6 ; il est celui qui conduit au Père, de telle sorte que le voir, lui le Fils, c’est voir le Père Jn 14,6-10 . Par conséquent, imiter le Fils, " l’image du Dieu invisible " Col 1,15, signifie imiter le Père.

83 Comme on le voit, dans la question de la moralité des actes humains, et en particulier dans celle de l’existence des actes intrinsèquement mauvais, se focalise en un certain sens la question même de l’homme, de sa vérité et des conséquences morales qui en découlent. En reconnaissant et en enseignant l’existence du mal intrinsèque dans des actes humains déterminés, l’Église reste fidèle à la vérité intégrale sur l’homme, et donc elle respecte l’homme et le promeut dans sa dignité et dans sa vocation. En conséquence, elle doit repousser les théories exposées ci-dessus qui s’inscrivent en opposition avec cette vérité.

Cependant, Frères dans l’épiscopat, nous ne devons pas nous contenter d’admonester les fidèles sur les erreurs et sur les dangers de certaines théories éthiques. Il nous faut, avant tout, faire apparaître la splendeur fascinante de cette vérité qui est Jésus Christ lui-même. En Lui, qui est la Vérité Jn 14,6, l’homme peut comprendre pleinement et vivre parfaitement, par ses actes bons, sa vocation à la liberté dans l’obéissance à la Loi divine, qui se résume dans le commandement de l’amour de Dieu et du prochain.

Cela se réalise par le don de l’Esprit Saint, Esprit de vérité, de liberté et d’amour : en Lui, il nous est donné d’intérioriser la Loi, de la percevoir et de la vivre comme le dynamisme de la vraie liberté personnelle : cette Loi est " la Loi parfaite de la liberté " Jc 1,25 .

88 L’opposition et même la séparation radicale entre la liberté et la vérité sont la conséquence, la manifestation et le résultat d’une dichotomie plus grave et plus néfaste, celle qui dissocie la foi de la morale.

Cette dissociation constitue l’une des préoccupations pastorales les plus vives de l’Église devant le processus actuel de sécularisation, selon lequel des hommes nombreux, trop nombreux, pensent et vivent " comme si Dieu n’existait pas ". Nous nous trouvons en présence d’une mentalité qui affecte, souvent de manière profonde, ample et très répandue, les attitudes et les comportements des chrétiens eux-mêmes, dont la foi est affaiblie et perd son originalité de critère nouveau d’interprétation et d’action pour l’existence personnelle, familiale et sociale. En réalité, dans le contexte d’une culture largement déchristianisée, les critères de jugement et de choix retenus par les croyants eux-mêmes se présentent souvent comme étrangers ou même opposés à ceux de l’Évangile.

Il est alors urgent que les chrétiens redécouvrent la nouveauté de leur foi et la force qu’elle donne au jugement par rapport à la culture dominante et envahissante : " Jadis vous étiez ténèbres - nous avertit l’Apôtre Paul -, mais à présent vous êtes lumière dans le Seigneur ; conduisez-vous en enfants de lumière ; car le fruit de la lumière consiste en toute bonté, justice et vérité. Discernez ce qui plaît au Seigneur, et ne prenez aucune part aux oeuvres stériles des ténèbres ; dénoncez- les plutôt Ainsi, prenez bien garde à votre conduite ; qu’elle soit celle non d’insensés, mais de sages, qui tirent bon parti de la période présente ; car nos temps sont mauvais " Ep 5,8-11 ; Ep 5,15-16 ; 1Th 5,4-8 .

Il faut retrouver et présenter à nouveau le vrai visage de la foi chrétienne qui n’est pas seulement un ensemble de propositions à accueillir et à ratifier par l’intelligence. Au contraire, c’est une connaissance et une expérience du Christ, une mémoire vivante de ses commandements, une vérité à vivre. Du reste, une parole n’est vraiment accueillie que lorsqu’elle est appliquée dans les actes, lorsqu’elle est mise en pratique. La foi est une décision qui engage toute l’existence. Elle est une rencontre, un dialogue, une communion d’amour et de vie du croyant avec Jésus Christ, Chemin, Vérité et Vie Jn 14,6 . Elle implique un acte de confiance et d’abandon au Christ, et elle nous permet de vivre comme il a vécu Ga 2,20, c’est-à-dire dans le plus grand amour de Dieu et de nos frères

vv. 8-9 : Dives in misericordia 1 Révélation de la miséricorde

1 "DIEU RICHE EN MISERICORDE" (1) est Celui que Jésus-Christ nous a révélé comme Père : c’est Lui, son Fils, qui nous l’a manifesté et fait connaître en lui-même (2). Mémorable, à cet égard, est le moment ou Philippe, l’un des douze Apôtres, s’adressant au Christ, lui dit : "Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffit" ; et Jésus lui répondit : "Voilà si longtemps que je suis avec vous et tu ne me connais pas... ? Qui m’a vu a vu le Père" (3). Ces paroles furent prononcées durant le discours d’adieux, à la fin du repas pascal, que suivirent les événements des saints jours qui devaient confirmer une fois pour toutes que "Dieu, qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont Il nous a aimés, alors que nous étions morts par suite de nos fautes, nous a fait revivre avec le Christ" (4).

1- Ep 2,4

2- Jn 1,18 ; He 1,1-2

3- Jn 14,8-9

4- Ep 2,4-5

Suivant l’enseignement du Concile Vatican II, et considérant les nécessités particulières des temps que nous vivons, j’ai consacré l’encyclique Redemptor Hominis à la vérité sur l’homme, vérité qui, dans sa plénitude et sa profondeur, nous est révélée dans le Christ. Une exigence aussi importante, dans ces temps critiques et difficiles, me pousse à découvrir encore une fois dans le Christ lui-même le visage du Père, qui est "le Père des miséricorde set le Dieu de toute consolation" (5). On lit en effet, dans la constitution Gaudium et Spes : "Nouvel Adam, le Christ... manifeste pleinement l’homme à lui-même et lui découvre la sublimité de sa vocation" : il le fait précisément "dans la révélation même du mystère du Père et de son amour" (6). Ces paroles attestent très clairement que la manifestation de l’homme, dans la pleine dignité de sa nature, ne peut avoir lieu sans la référence non seulement conceptuelle mais pleinement existentielle à Dieu. L’homme et sa vocation suprême se dévoilent dans le Christ par la révélation du mystère du Père et de son amour.

5- 2Co 1,3

6- GS 22

 

vv. 9-10 : IV Comment le Fils de Dieu est-il homme

470 Parce que dans l’union mystérieuse de l’Incarnation " la nature humaine a été assumée, non absorbée " (GS 22), l’Eglise a été amenée au cours des siècles à confesser la pleine réalité de l’âme humaine, avec ses opérations d’intelligence et de volonté, et du corps humain du Christ. Mais parallèlement, elle a eu à rappeler à chaque fois que la nature humaine du Christ appartient en propre à la personne divine du Fils de Dieu qui l’a assumée. Tout ce qu’il est et ce qu’il fait en elle relève " d’Un de la Trinité ". Le Fils de Dieu communique donc à son humanité son propre mode d’exister personnel dans la Trinité. Ainsi, dans son âme comme dans son corps, le Christ exprime humainement les moeurs divines de la Trinité (cf. Jn 14,9-10) :

Le Fils de Dieu a travaillé avec des mains d’homme, il a pensé avec une intelligence d’homme, il a agi avec une volonté d’homme, il a aimé avec un coeur d’homme. Né de la Vierge Marie, il est vraiment devenu l’un de nous, en tout semblable à nous, hormis le péché (GS 22).

v. 9 : Les traits communs des Mystères de Jésus

516 Toute la vie du Christ est Révélation du Père : ses paroles et ses actes, ses silences et ses souffrances, sa manière d’être et de parler. Jésus peut dire : " Qui me voit, voit le Père " (Jn 14,9), et le Père : " Celui-ci est mon Fils bien-aimé ; écoutez-le " (Lc 9,35). Notre Seigneur s’étant fait homme pour accomplir la volonté du Père (cf. He 10,5-7), les moindres traits de ses Mystères nous manifestent " l’amour de Dieu pour nous " (1Jn 4,9).

517 Toute la vie du Christ est Mystère de Rédemption. La Rédemption nous vient avant tout par le sang de la Croix (cf. Ep 1,7 ; Col 1,13-14 ; 1P 1,18-19), mais ce mystère est à l’oeuvre dans toute la vie du Christ : dans son Incarnation déjà, par laquelle, en se faisant pauvre, il nous enrichit par sa pauvreté (cf. 2Co 8,9) ; dans sa vie cachée qui, par sa soumission (cf. Lc 2,51), répare notre insoumission ; dans sa parole qui purifie ses auditeurs (cf. Jn 15,3) ; dans ses guérisons et ses exorcismes, par lesquels " il a pris nos infirmités et s’est chargé de nos maladies " (Mt 8,17 cf. Is 53,4) ; dans sa Résurrection, par laquelle il nous justifie (cf. Rm 4,25).

518 Toute la vie du Christ est Mystère de Récapitulation. Tout ce que Jésus a fait, dit et souffert, avait pour but de rétablir l’homme déchu dans sa vocation première :

Lorsqu’il s’est incarné et s’est fait homme, il a récapitulé en lui-même la longue histoire des hommes et nous a procuré le salut en raccourci, de sorte que ce que nous avions perdu en Adam, c’est-à-dire d’être à l’image et à la ressemblance de Dieu, nous le recouvrions dans le Christ Jésus (S. Irénée, hær. 3,18,1). C’est d’ailleurs pourquoi le Christ est passé par tous les âges de la vie, rendant par là à tous les hommes la communion avec Dieu (ibid. 3,18,7 cf. 2,22,4).

v. 9 : Dives in misericordia 4

Au mystère de la création est lié le mystère de l’élection, qui a modelé d’une manière spéciale l’histoire du peuple dont Abraham est le père spirituel en vertu de sa foi. Toutefois, par I’intermédiaire de ce peuple qui chemine tout au long de l’histoire de l’Ancienne comme de la Nouvelle Alliance, ce mystère d’élection concerne tout homme, toute la grande famille humaine. "D’un amour éternel, je t’ai aimée, aussi t’ai-je maintenu ma faveur" (56). "Les montagnes peuvent s’écarter..., mon amour ne s’écartera pas de toi, mon alliance de paix ne chancellera pas" (57). Cette vérité, annoncée un jour à Israël, porte en elle une vue anticipée de toute l’histoire : anticipation à la fois temporelle et eschatologique (58). Le Christ révèle le Père dans cette perspective, et sur un terrain déjà préparé, comme le montrent de larges pages de l’Ancien Testament. Au terme de cette révélation, à la veille de sa mort, il dit à l’Apôtre Philippe les paroles mémorables : "Voilà si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas... ? Qui m’a vu a vu le Père" (59).

56- Jr 31,3

57- Is 54,10

58- Jon 4,2 ; Jon 4,11 ; Ps 145,9 ; Si 18,8-14 ; Sg 11,23-12,1

59- Jn 14,9

 

Dives in misericordia 7

Que nous dit la croix du Christ, qui est le dernier mot pour ainsi dire de son message et de sa mission messianiques ? Certes, elle n’est pas encore la parole ultime du Dieu de l’Alliance, qui ne sera prononcée qu’aux lueurs de cette aube ou les femmes d’abord puis les Apôtres, venus au tombeau du Christ crucifié, le trouveront vide et entendront pour la première fois cette annonce : "Il est ressuscité". Ils la rediront à leur tour, et ils seront les témoins du Christ ressuscité. Toutefois, même dans la glorification du Fils de Dieu, la croix ne cesse d’être présente, cette croix qui - à travers tout le témoignage messianique de l’Homme-Fils qui a subi la mort sur elle - parle et ne cesse jamais de parler de Dieu-Père, qui est toujours fidèle à son amour éternel envers l’homme, car "Il a tellement aimé le monde - donc l’homme dans le monde - qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais ait la vie éternelle" (78). Croire dans le Fils crucifié signifie "voir le Père" (79), signifie croire que l’amour est présent dans le monde, et que cet amour est plus puissant que les maux de toutes sortes dans lesquels l’homme, l’humanité et le monde sont plongés. Croire en un tel amour signifie croire dans la miséricorde. Celle-ci en effet est la dimension indispensable de l’amour ; elle est comme son deuxième nom, et elle est en même temps la manière propre dont il se révèle et se réalise pour s’opposer au mal qui est dans le monde, qui tente et assiège l’homme, s’insinue jusque dans son coeur et peut "le faire périr dans la géhenne" (80).

78- Jn 3,16

79- Jn 14,9

80- Mt 10,28

 

Dives in misericordia 8

Le mystère pascal, c’est le Christ au sommet de la révélation de l’insondable mystère de Dieu. C’est alors que s’accomplissent en plénitude les paroles prononcées au Cénacle : "Qui m’a vu, a vu le Père" (96). En effet, le Christ, que "le Père n’a pas épargné" (97) en faveur de l’homme, et qui, dans sa passion et le supplice de la croix, n’a pas été l’objet de la miséricorde humaine, a révélé dans sa résurrection la plénitude de l’amour que le Père nourrit envers lui et, à travers lui, envers tous les hommes. "Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants" (98). Dans sa résurrection, le Christ a révélé le Dieu de l’amour miséricordieux justement parce qu’il a accepté la croix comme chemin vers la résurrection. Et c’est pourquoi, lorsque nous faisons mémoire de la croix du Christ, de sa passion et de sa mort, notre foi et notre espérance se fixent sur le Ressuscité : sur ce Christ qui, "le soir de ce même jour, le premier de la semaine... vint au milieu de ses disciples" au Cénacle ou "ils se trouvaient,... souffla sur eux, et leur dit : Recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus " (99).

96- Jn 14,9

97- Rm 8,32

98- Mc 12,27

99- Jn 20,19-23

 

vv, 9-10 : Dives in misericordia 13 L’Eglise professe et proclame la miséricorde de Dieu

13 L’Eglise doit professer et proclamer la miséricorde divine dans toute sa vérité, telle qu’elle nous est attestée par la révélation. Dans les pages qui précèdent, nous avons cherché à dessiner au moins les grandes lignes de cette vérité, qui s’exprime avec tant de richesse dans toute la Sainte Ecriture et la Tradition. Dans la vie quotidienne de l’Eglise, la vérité sur la miséricorde de Dieu, exposée dans la Bible, trouve constamment un écho dans de nombreuses lectures de la sainte liturgie. Et le peuple, dans son sens authentique de la foi, le perçoit bien, comme l’attestent de nombreuses expressions de la piété personnelle et communautaire. Il serait certainement difficile de les énumérer et de les résumer toutes, car la majeure partie d’entre elles est fortement gravée au plus profond des coeurs et des consciences. Des théologiens affirment que la miséricorde est le plus grand des attributs de Dieu, la plus grande de ses perfections ; la Bible, la Tradition et toute la vie de foi du peuple de Dieu en fournissent des témoignages inépuisables. Il ne s’agit pas ici de la perfection de l’inscrutable essence de Dieu dans le mystère même de sa divinité, mais de la perfection et de l’attribut grâce auxquels l’homme, dans la vérité intérieure de son existence, entre en relation le plus intimement et le plus souvent avec le Dieu vivant. Conformément aux paroles que le Christ adressa à Philippe (112), la "vision du Père" - vision de Dieu par la foi - trouve dans la rencontre avec sa miséricorde un degré de simplicité et de vérité intérieure semblable à celui que nous trouvons dans la parabole de l’enfant prodigue.

112- Jn 14,9-10

"Qui m’a vu a vu le Père" (113). L’Eglise professe la miséricorde de Dieu, l’Eglise en vit, dans sa vaste expérience de foi, et aussi dans son enseignement, en contemplant constamment le Christ, en se concentrant en lui, sur sa vie et son Evangile, sur sa croix et sa résurrection, sur son mystère tout entier. Tout ce qui forme la "vision" du Christ dans la foi vive et dans l’enseignement de l’Eglise nous rapproche de la "vision du Père" dans la sainteté de sa miséricorde. L’Eglise semble professer et vénérer d’une manière particulière la miséricorde de Dieu quand elle s’adresse au coeur du Christ. En effet, nous approcher du Christ dans le mystère de son coeur nous permet de nous arrêter sur ce point - point central en un certain sens, et en même temps le plus accessible au plan humain - de la révélation de l’amour miséricordieux du Père, qui a constitué le contenu central de la mission messianique du Fils de l’homme.

113- Jn 14,9-10

L’Eglise vit d’une vie authentique lorsqu’elle professe et proclame la miséricorde, attribut le plus admirable du Créateur et du Rédempteur, et lorsqu’elle conduit les hommes aux sources de la miséricorde du Sauveur, dont elle est la dépositaire et la

v. 9 : Dives in misericordia 15

En poursuivant la grande tâche de la mise en oeuvre du Concile Vatican II, dans lequel nous pouvons voir à juste titre une nouvelle phase de l’auto-réalisation de l’Eglise - à la mesure de l’époque ou il nous est donné de vivre -, l’Eglise elle-même doit être toujours guidée par la pleine conscience qu’il ne lui est permis à aucun prix, dans cette oeuvre, de se replier sur elle-même. Sa raison d’être est en effet de révéler Dieu, c’est-à-dire le Père qui nous permet de le "voir" dans le Christ (140). Si grande que puisse être la résistance de l’histoire humaine, si marqué le caractère hétérogène de la civilisation contemporaine, si forte enfin la négation de Dieu dans le monde humain, plus grande toutefois doit être la proximité de ce mystère qui, caché depuis les siècles en Dieu, a été ensuite réellement communiqué dans le temps à l’homme par Jésus-Christ.

140- Jn 14,9

v. 9 : Dei verbum 4 Le Christ plénitude personnelle de la Révélation

4 Après avoir, à bien des reprises et de bien des manières, parlé par les prophètes, Dieu " en ces jours qui sont les derniers, nous a parlé par son Fils " (He 1,1-2). Il a envoyé en effet son Fils, le Verbe éternel qui éclaire tous les hommes, pour qu’il demeurât parmi eux et leur fit connaître les secrets de Dieu (cf. Jn 1,1-18). Jésus-Christ donc, le Verbe fait chair, " homme envoyé aux hommes " (3), " prononce les paroles de Dieu " (Jn 3,34) et achève l’oeuvre de salut que le Père lui a donnée à faire (cf. Jn 14,9) - qui, par toute sa présence et par la manifestation qu’il fait de lui-même par paroles et oeuvres, par signes et miracles, et plus particulièrement par sa mort et par sa résurrection glorieuse d’entre les morts, par l’envoi enfin de l’Esprit de vérité, achève en la complétant la révélation, et la confirme encore en attestant divinement que Dieu lui-même est avec nous pour nous arracher aux ténèbres du péché et de la mort et nous ressusciter pour la vie éternelle.

L’économie chrétienne, étant l’Alliance Nouvelle et définitive, ne passera donc jamais et aucune nouvelle révélation publique n’est dès lors à attendre avant la manifestation glorieuse de notre Seigneur Jésus-Christ (cf. 1Tm 6,14 cf. Tt 2,13).

Notes :

(3) Epît. à Diogène, 8, 4 ; Funk I, 403.

v. 9 : II, II, 1, 8 : Le nombre des articles de foi

Objections : 3. Avoir la notion du Père c’est avoir celle du Fils. Il est écrit en S. Jean (Jn 14,9) : " Qui me voit voit aussi le Père. " Il ne doit donc y avoir qu’un seul article sur le Père et sur le Fils, et, pour la même raison, sur le Saint-Esprit.

En sens contraire, il y a l’autorité de l’Église qui les énumère ainsi.

Réponse : Comme nous l’avons dit, ce qui concerne essentiellement la foi, ce sont les choses que nous jouirons de voir dans la vie éternelle, et celles par lesquelles nous y sommes conduits. Or, deux réalités nous sont proposées à voir : le secret de la divinité, dont la vision nous rend bienheureux ; et le mystère de l’humanité du Christ, par lequel " nous avons accès à la gloire des enfants de Dieu ", dit l’Apôtre (Rm 5,2) . Aussi lit-on en S. Jean (Jn 17,3) : " La vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le Dieu véritable, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ. " C’est pourquoi, parmi les vérités à croire, il faut distinguer d’abord celles qui concernent la majesté divine, et ensuite celles qui ressortissent au mystère de l’humanité du Christ, qui est " le sacrement de la religion " (1Tm 3,16) .

Sur la majesté de la divinité, on nous propose trois vérités à croire : 1 L’unité de la divinité (premier article) ; 2 La trinité des personnes (trois articles pour les trois personnes) ; 3 Enfin les oeuvres propres à la divinité. La première concerne l’existence de la nature ; ainsi nous est proposé l’article de la création. La deuxième concerne l’existence de la grâce, et ainsi nous est proposé dans un seul article tout ce qui intéresse la sanctification de l’homme. La troisième concerne l’existence dans la gloire, et ainsi nous est proposé un autre article sur la résurrection de la chair et la vie éternelle. Il y a ainsi sept articles se rapportant à la divinité.

Semblablement, sept articles sont consacrés à l’humanité du Christ. Le premier sur l’incarnation, ou conception du Christ, le deuxième sur sa naissance de la Vierge, le troisième sur sa passion, sa mort et sa sépulture, le quatrième sur sa descente aux enfers, le cinquième sur la résurrection, le sixième sur l’ascension, le septième sur son retour pour le jugement. Ce qui fait en tout quatorze articles.

Certains, cependant, distinguent douze articles de foi : six pour la divinité et six pour l’humanité. Ils ramassent en un seul les trois articles sur les trois personnes, parce que nous en avons la même connaissance. En revanche, ils distinguent l’article sur notre glorification en deux articles, l’un sur la résurrection de la chair, l’autre sur la gloire de l’âme. De même, ils rassemblent en un seul l’article de la Conception et celui de la Nativité.

Solutions : (3) La connaissance du Père, du Fils et Saint-Esprit est unique pour ce qui est de l’unit de leur essence, et c’est l’objet du premier article Quant à la distinction des personnes., comme elle se fait par leurs relations d’origine, la connaissance du Père inclut d’une certaine manière celle du Fils : il ne serait pas le Père s’il n’avait le Fils, et leur lien est l’Esprit Saint. A cet égard, ceux qui ont fait pour les trois Personnes un seul article ont eu raison. Mais, comme on doit veiller en ce qui concerne chacune des personnes, à quelques points autour desquels il arrive qu’il y ait erreur, on peut faire au sujet des trois Personnes trois articles. Arius, en effet, a cru le Père tout-puissant et éternel, mais il n’a pas cru le Fils égal et consubstantiel au Père, et à cause de cela on a dû apposer un article sur la personne du Fils afin que ce point soit bien défini. Et, pour la même raison, contre Macedonius on a dû poser un troisième article touchant la personne de l’Esprit Saint. - De même pour la conception et la naissance du Christ, et aussi la résurrection et la vie éternelle. Ces mystères peuvent être compris selon un aspect dans un seul article, en tant qu’ils sont ordonnés à une seule chose ; et selon un autre aspect, ils peuvent être distincts, en tant qu’ils présentent séparément des difficultés spéciales.

v. 9 : Redemptor Hominis 7 Dans le mystère du Christ

Les chemins sur lesquels le Concile de notre siècle a engagé l’Eglise, et que le regretté Pape Paul VI nous a indiqués dans sa première encyclique, resteront pour longtemps ceux que nous devons tous suivre ; mais en même temps, en cette nouvelle étape, nous pouvons à juste titre nous demander : comment, de quelle manière faut-il avancer ? Que faut-il faire pour que ce nouvel Avent de l’Eglise, lié à la fin, désormais très voisine, du deuxième millénaire, nous rapproche de Celui que la Sainte Ecriture appelle : "Père à jamais", Pater futuri saeculi ? (21) Telle est la question fondamentale que le nouveau Pontife doit se poser lorsque, en esprit d’obéissance dans la foi, il accepte l’appel que constitue pour lui le commandement du Christ adressé à plusieurs reprises à Pierre : "Pais mes agneaux" (22) ce qui veut dire : Sois le pasteur de mon troupeau ; et ensuite : "... et toi, quand tu seras revenu, affermis tes frères" (23).

21- Is 9,6

22- Jn 21,15

23- Lc 22,32

C’est précisément ici, Frères, Fils et Filles très chers, que s’impose une réponse fondamentale et essentielle, à savoir : l’unique orientation de notre esprit, l’unique direction de notre intelligence, de notre volonté et de notre coeur est pour nous le Christ, Rédempteur de l’homme, le Christ, Rédempteur du monde. C’est vers Lui que nous voulons tourner notre regard parce que c’est seulement en Lui, le Fils de Dieu, que se trouve le salut, et nous renouvelons la proclamation de Pierre : "Seigneur, à qui irons-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle" (24).

24- Jn 6,68 cf. Ac 4,8-12

A travers la conscience, si bien développée par le Concile, que l’Eglise a d’elle-même, à tous les niveaux de cette conscience, dans tous les domaines d’activité ou l’Eglise s’exprime, se retrouve et s’affirme, nous devons tendre constamment vers Celui "qui est la tête" (25), Celui "de qui tout provient et pour qui nous sommes" (26), Celui qui est tout à la fois "la voie, la vérité" (27) et "la résurrection et la vie" (28), Celui en qui, en le voyant, nous voyons le Père (29), Celui qui devait s’en aller d’auprès de nous (30) entendons : par sa mort sur la croix et ensuite par son ascension au ciel pour que le Consolateur vienne et continue à venir à nous comme Esprit de vérité (31).En Lui sont "tous les trésors de la sagesse et de la science" (32), et l’Eglise est son Corps (33). L’Eglise est "dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain" (34) : et

(34) : et c’est Lui qui en est la source ! Lui-même ! Lui, le Rédempteur !

25- Ep 1,10 ; Ep 1,22 ; Ep 4,25 ; Col 1,18 26- 1Co 8,6 ; Col 1,17 27- Jn 14,6 28- Jn 11,25 29- Jn 14,9 30- Jn 16,7 31- Jn 16,7 ; Jn 16,13 32- Col 2,3 33- Rm 12,5 ; 1Co 6,15 1Co 10,17 ; 1Co 12,12 ; 1Co 12,27 ; Ep 1,23 ; Ep 2,16 ; Ep 4,4 ; Col 1,24 ; Col 3,15 34- LG 5 .

L’Eglise ne cesse d’écouter ses paroles, elle les relit continuellement, elle reconstitue avec la plus grande dévotion tous les détails de sa vie. Ces paroles sont écoutées aussi par les non chrétiens. La vie du Christ parle en même temps à nombre d’hommes qui ne sont pas encore en mesure de répéter avec Pierre : "Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant" (35). Lui, le Fils du Dieu vivant, il parle aux hommes en tant qu’Homme aussi : c’est sa vie elle-même qui parle, son humanité, sa fidélité à la vérité, son amour qui s’étend à tous. Sa mort en croix parle, elle aussi, c’est-à-dire la profondeur insondable de sa souffrance et de son abandon. L’Eglise ne cesse jamais de revivre sa mort sur la croix et sa résurrection qui constituent le contenu de la vie quotidienne de l’Eglise. C’est en effet sur mandat du Christ lui-même, son Maître, que l’Eglise célèbre sans cesse l’Eucharistie, trouvant en elle "la source de la vie et de la sainteté" (36), le signe efficace de la grâce et de la réconciliation avec Dieu, le gage de la vie éternelle. L’Eglise vit son mystère, elle y puise sans jamais se lasser, et elle recherche continuellement tous les moyens pour rendre ce mystère de son Maître et Seigneur proche du genre humain, des peuples, des nations, des générations qui se succèdent, de chaque homme en particulier, comme si elle répétait toujours à l’exemple de l’Apôtre : "Je n’ai rien voulu savoir parmi vous sinon Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié" (37). L’Eglise demeure dans la sphère du mystère de la Rédemption, qui est justement devenu le principe fondamental de sa vie et de sa mission.

35- Mt 16,16

36- cf. Litanie du Sacré-Coeur.

37- 1Co 2,2

 

v. 10 : I, 39, 2 : Doit-on dire qu’il y a trois Personnes d’une seule essence ?

Objections : 2. Selon Denys, on ne doit rien affirmer de Dieu, qui n’ait été formulé authentiquement par la Sainte Écriture. Or la Sainte Écriture n’a jamais dit expressément que le Père, le Fils et le Saint-Esprit " sont d’une seule essence ". Il ne faut donc pas le dire.

En sens contraire, " le mot homoousion, dit S. Augustin, mot qui fut approuvé contre les ariens au Concile de Nicée, signifie que les trois Personnes sont d’essence unique ".

Réponse : On l’a dit plus haut, notre intellect ne nomme pas les choses divines selon leur mode à elles, faute de pouvoir les connaître ainsi ; il les nomme selon le mode rencontré dans les créatures Or, dans les choses sensibles ou notre intellect puise sa connaissance, la nature d’une espèce donnée est individuée par la matière ; la nature tient ainsi le rôle d’une forme, et l’individu celui de sujet ou suppôt de la forme. Voilà pourquoi même en Dieu (il s’agit ici de notre mode de signifier) l’essence tient le rôle d’une forme des trois Personnes. Or, quand il s’agit des choses créées, notre langage rapporte toute forme à son sujet : la forme " de celui-ci ". On parle ainsi de la santé, de la beauté " de tel homme ". Mais on ne rapporte à la forme le sujet qui la possède que si la forme est accompagnée d’un adjectif qui la détermine. On dit ainsi : " cette femme est d’une beauté remarquable ", " cet homme est d’une vertu accomplie ". De même donc, puisqu’en Dieu il y a multiplication des personnes sans multiplication de l’essence, nous dirons : " l’unique essence des trois Personnes ", en prenant ces génitifs comme des déterminations de la forme.

Solutions : 2. Il est exact que l’expression " trois Personnes d’une seule essence " ne se trouve pas textuellement dans l’Écriture. Cependant, on y trouve bien ce qu’elle signifie, par exemple en ce passage (Jn 10,30) : " Mon Père et moi sommes un " ; et dans cet autre (Jn 10,38 ; Jn 14,10) : " Je suis dans mon Père, et mon Père est en moi. " Beaucoup d’autres passages pourraient être allégués.

v. 10 : I, 42, ARTICLE 5 : Les Personnes diuines sont-elles l’une dans l’autre ?

En sens contraire, on lit dans S. Jean (Jn 14,10) : " Je suis dans le Père et le Père est en moi. "

Réponse : Il y a trois choses à considérer dans le Père et dans le Fils : l’essence, la relation et l’origine. Et sous ces trois chefs, le Père et le Fils sont mutuellement l’un dans l’autre. En effet, considérons l’essence : le Père est dans le Fils, puisque le Père est son essence, et qu’il la communique au Fils sans le moindre changement : l’essence du Père étant dans le Fils, il s’ensuit bien que le Père est dans le Fils. Et puisque le Fils est son essence, il s’ensuit également que le Fils est dans le Père, ou est sa propre essence. C’est ce que disait S. Hilaire h : " Le Dieu immuable suit, pour ainsi dire, sa nature quand il engendre un Dieu immuable. En celui-ci, c’est donc la nature subsistante de Dieu que nous reconnaissons, car Dieu est en Dieu ". Considérons maintenant les relations : il est évident que chacun des relatifs qui s’opposent, entre dans la notion de l’autre. Enfin considérons l’origine : il est clair encore que le verbe intelligible ne procède pas au-dehors, mais qu’il demeure dans l’intellect qui le dit ; de même, l’objet exprimé par le verbe est contenu dans ce verbe. Et l’on raisonnerait pareillement pour le Saint-Esprit.

v. 10 : III, 43, 2 : Le Christ a-t-il fait des miracles par une vertu divine ?

En sens contraire, le Seigneur dit (Jn 14,10) : " C’est le Père, qui demeure en moi, qui fait toutes ces oeuvres. "

Réponse : Comme nous l’avons établi dans la première Partie, les vrais miracles ne peuvent s’accomplir que par la vertu divine, parce que Dieu seul peut changer l’ordre de la nature, ce qui relève de la raison de miracle. Aussi le pape S. Léon écrit-il que, le Christ ayant deux natures, l’une, la nature divine, " brille par les miracles " ; l’autre, la nature humaine, " est accablée par les outrages " et cependant " chacune agit en communication avec l’autre ", parce que la nature humaine est l’instrument de la nature divine, et l’action humaine a reçu une vertu de la nature divine, nous l’avons dit plus haut.

vv. 10.12 : III, 43, 4 : Les miracles du Christ ont-ils suffisamment montré sa divinité ?

Objections : 2. Rien n’est plus grand que la vertu divine. Mais certains ont fait de plus grands miracles que le Christ, car il dit lui-même (Jn 14,12) : " Celui qui croit en moi fera lui-même les oeuvres que je fais, et il en fera de plus grandes. " Il semble donc que les miracles accomplis par Jésus n’ont pas été suffisants pour montrer sa divinité.

En sens contraire, il y a cette parole du Seigneur (Jn 5,36) : " Les oeuvres que mon Père m’a données à faire, ce sont elles qui rendent témoignage de moi. "

Réponse : Il faut affirmer que les miracles du Christ étaient suffisants pour manifester sa divinité selon trois points de vue.

1 En raison de la nature spécifique de ces oeuvres, qui dépassaient la puissance de toute vertu créée et par conséquent ne pouvaient être accomplies que par la vertu divine. Et c’est pourquoi l’aveugle-né disait après sa guérison (Jn 9,32) : " On n’a jamais entendu dire que quelqu’un ait rendu la vue à un aveugle de naissance. Si celui-ci ne venait pas de Dieu, il ne pourrait rien faire. " 2 A cause de la façon d’accomplir ces miracles, en ce sens que Jésus les accomplissait comme par son propre pouvoir, sans prier, comme les autres. Aussi est-il écrit (Le 6, 19) : " Une vertu sortait de lui et les guérissait tous. " Cela montre, dit S. Cyrille " qu’il ne recevait pas une vertu étrangère mais, puisqu’il était Dieu par nature, il montrait sa propre puissance sur les malades. Et c’est pourquoi il faisait d’innombrables miracles ". Aussi, sur ces paroles (Mt 8,16) : " D’un mot il chassait les esprits et il guérissait tous les malades ", S. Jean Chrysostome - nous dit : " Remarquez quelle multitude de guérisons nous rapportent les évangélistes. Ils ne racontent pas chaque cure en détail, mais ils évoquent d’un mot une mer infinie de miracles. " Et par là il montrait qu’il avait une puissance égale à celle du Père selon cette parole (Jn 5,19 ; Jn 5,21) : " Tout ce que fait le Père, le Fils le fait pareillement. . . De même que le Père ressuscite les morts et leur donne la vie, ainsi le Fils de l’homme donne la vie à qui il veut. " 3 En raison de la doctrine par laquelle il se disait Dieu : si elle n’avait pas été vraie, elle n’aurait pas été confirmée par des miracles dus à la puissance divine. D’ou cette réflexion (Mc 1,27) : " Quel est cet enseignement nouveau ? Il commande avec autorité aux esprits mauvais, et ceux-ci lui obéissent ! "

Solutions : 2. S. Augustin, expliquant ce texte de S. Jean, se demande : " Quelles sont ces oeuvres plus grandes " que doivent faire ceux qui croient en lui ? " Serait-ce que les malades, à leur passage, étaient guéris par leur ombre ? Que l’ombre guérisse, c’est un miracle plus grand que d’obtenir la guérison en touchant une frange de manteau. Néanmoins, quand le Christ parlait ainsi, il mettait en valeur les faits et les oeuvres de ses propres paroles. En effet, quand il a dit (Jn 14,10) : "C’est le Père demeurant en moi qui fait ces oeuvres " de quelles oeuvres parlait-il, sinon de ses propres paroles ? Et le fruit de ses paroles, c’était la foi de ses disciples. Toutefois, lorsque ceux-ci annoncèrent l’Évangile, ceux qui crurent ne furent pas aussi peu nombreux qu’eux-mêmes : ce sont les nations qui ont cru. "

" N’est-ce pas sur une parole de sa bouche que le riche se retira tout triste ? Et pourtant ce que ce seul homme n’avait pas fait après avoir entendu le Christ, de nombreux riches l’ont fait après avoir entendu les disciples. Voilà comment, prêché par des croyants, le Christ a fait des oeuvres plus grandes que lorsqu’il parlait lui-même. ‘ "

" Pourtant ceci encore nous ébranle : ces oeuvres plus grandes, il les a faites par les Apôtres, et pourtant il ne désignait pas seulement eux lorsqu’il disait : " Celui qui croit en moi, fera aussi les oeuvres que je fais. . . " Écoute donc et comprends ainsi : " Celui qui croit en moi, les oeuvres que je fais, il les fera aussi. " C’est moi qui fais d’abord, et ensuite c’est lui qui les fera, car je fais qu’il les fasse. " Quelles oeuvres sinon la justification de l’impie ? C’est en lui, mais ce n’est pas sans lui que le Christ agit. Certes, je dirai que c’est une

oeuvre plus grande que la création du ciel et de la terre, car le ciel et la terre passeront, mais le salut et la justification des prédestinés dureront toujours. Mais dans les cieux les anges sont les oeuvres du Christ. Est-ce qu’il n’accomplit pas des oeuvres plus grandes, celui qui coopère avec le Christ pour sa propre justification ? Qu’on juge, si c’est possible, si créer des justes est une oeuvre plus grande que de justifier des impies ? Certes, si ces deux oeuvres demandent une égale puissance, la seconde demande plus de miséricorde. Mais rien ne nous oblige à penser que, lorsque le Christ dit : " Il fera des oeuvres plus grandes ", cela concerne toutes les oeuvres du Christ. Peut-être parlait-il seulement de celles qu’il faisait à ce moment. Alors il disait des paroles de foi et, certes, proclamer des paroles de justice, ce qu’il a fait sans nous, est une oeuvre moins grande que justifier des impies, ce qu’il fait en nous, afin que nous le fassions à notre tour. "

v. 11 : Vita consecrata 16 " Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ! "

Les trois disciples en extase reçoivent l’appel du Père à se mettre à l’écoute du Christ, à placer en Lui toute leur confiance, à faire de Lui le centre de leur vie. La parole venue d’en haut donne une nouvelle profondeur à l’invitation à le suivre que Jésus lui-même, au début de sa vie publique, leur avait adressée, en les arrachant à leur vie ordinaire et en les accueillant dans son intimité. C’est précisément de cette grâce spéciale d’intimité que proviennent, dans la vie consacrée, la possibilité et l’exigence du don total de soi par la profession des conseils évangéliques. Ces derniers, avant d’être un renoncement et même davantage, permettent d’accueillir le mystère du Christ d’une manière spécifique, vécue à l’intérieur de l’Eglise.

Dans l’unité de la vie chrétienne, en effet, les différentes vocations sont comme les rayons de l’unique lumière du Christ " qui resplendit sur le visage de l’Eglise " (26).Les laïcs, en vertu du caractère séculier de leur vocation, reflètent le mystère du Verbe incarné surtout en ce qu’il est l’Alfa et l’Oméga du monde, fondement et mesure de la valeur de toutes les réalités créées. Les ministres sacrés, de leur côté, sont de vivantes images du Christ chef et pasteur, qui guide son peuple dans le temps du " déjà là et du pas encore ", en attendant sa venue dans la gloire. La vie consacrée a le devoir de montrer le Fils de Dieu fait homme comme le terme eschatologique vers lequel tout tend, la splendeur face à laquelle pâlit toute autre lumière, la beauté infinie qui peut seule combler le cour de l’homme. Dans la vie consacrée, il ne s’agit donc pas seulement de suivre le Christ de tout son cour, en l’aimant " plus que son père ou que sa mère, plus que son fils ou que sa fille " (cf. Mt 10,37), comme il est demandé à chaque disciple, mais de vivre et d’exprimer cela par une adhésion qui est " configuration " de toute l’existence au Christ, dans une orientation radicale qui anticipe la perfection eschatologique, selon les différents charismes et pour autant qu’il est possible d’y parvenir dans le temps.

26- LG 1

En effet, à travers la profession des conseils, la personne consacrée ne se contente pas de faire du Christ le sens de sa vie, mais elle cherche à reproduire en elle-même, dans la mesure du possible, " la forme de vie que le Fils de Dieu a prise en entrant dans le monde " (27).Embrassant la virginité, elle fait sien l’amour virginal du Christ et affirme au monde qu’Il est Fils unique, un avec le Père (cf. Jn 10,30 ; Jn 14,11) ; imitant sa pauvreté, elle Le reconnaît comme Fils qui reçoit tout du Père et lui rend tout par amour (cf. Jn 17,7 ; Jn 17,10) ; adhérant par le sacrifice de sa liberté au mystère de son obéissance filiale, elle Le reconnaît comme infiniment aimé et aimant, comme Celui qui ne se complaît que dans la volonté du Père (cf. Jn 4,34), auquel Il est parfaitement uni et dont Il dépend tout entier.

27- LG 44

v. 11 : Vita consecrata 22 Consacrés comme le Christ pour le Royaume de Dieu

La vie consacrée " imite de plus près et représente continuellement dans l’Eglise " (38), grâce à l’élan donné par l’Esprit Saint, la forme de vie que Jésus, premier consacré et premier missionnaire du Père pour son Royaume, a embrassée et proposée aux disciples qui le suivaient (cf. Mt 4,18-22 ; Mc 1,16-20 ; Lc 5,10-11 ; Jn 15,16). A la lumière de la consécration de Jésus, il est possible de découvrir dans l’initiative du Père, source de toute sainteté, l’origine de la vie consacrée. Jésus lui-même, en effet, est celui que " Dieu a consacré par l’Esprit Saint et rempli de sa force " (Ac 10,38), " celui que le Père a consacré et envoyé dans le monde " (Jn 10,36). Accueillant la consécration du Père, le Fils à son tour se consacre à lui pour l’humanité (cf. Jn 17,19) : sa vie de chasteté, d’obéissance et de pauvreté exprime son adhésion filiale et totale au dessein du Père (cf. Jn 10,30 ; Jn 14,11). Son oblation parfaite confère la portée d’une consécration à tous les événements de son existence terrestre.

38- LG 44

Il est l’obéissant par excellence, descendu du ciel non pour faire sa volonté, mais la volonté de Celui qui l’a envoyé (cf. Jn 6,38 ; He 10,5 ; He 10,7). Il remet son être et son agir dans les mains du Père (cf. Lc 2,49). Par obéissance filiale, il adopte une forme d’esclave : " Il s’anéantit lui-même, prenant condition d’esclave (...), obéissant jusqu’à la mort, et à la mort sur une croix " (Ph 2,7-8). Telle est l’attitude de docilité au Père par laquelle, tout en approuvant et en défendant la dignité et la sainteté de la vie conjugale, le Christ assume la forme de vie virginale et révèle ainsi le prix extraordinaire et la mystérieuse fécondité spirituelle de la virginité. Sa pleine adhésion au dessein du Père se manifeste aussi dans son détachement des biens terrestres : " Il s’est fait pauvre, de riche qu’il était, afin de vous enrichir par sa pauvreté " (2Co 8,9). La profondeur de sa pauvreté se révèle dans la parfaite oblation au Père de tout ce qui lui appartient. La vie consacrée constitue en vérité une mémoire vivante du mode d’existence et d’action de Jésus comme Verbe incarné par rapport à son Père et à ses frères. Elle est tradition vivante de la vie et du message du Sauveur.

v. 12 : I, 105, 8 : La diversité des miracles

En sens contraire, le Seigneur dit lui-même (Jn 14,12) à propos des oeuvres miraculeuses : " Les oeuvres que je fais, (celui qui croit en moi) les fera lui aussi, et il en fera de plus grandes. "

Réponse : Rien ne peut être appelé miracle si on le réfère à la puissance divine, car tout ce qui est produit par Dieu, comparé à sa puissance, est infime, selon la parole d’Isaïe (Is 40,15) : " Les nations sont comme une goutte d’eau au bord du seau, comme un grain de poussière dans la balance. " Mais on qualifie de miracle un événement par comparaison avec la puissance de la nature qu’il dépasse. Et, sous ce rapport, il y a des miracles plus ou moins grands.

La puissance de la nature peut en être dépassée d’une triple manière : 1 en ce qui regarde la substance même du fait produit ; par exemple, si deux corps se trouvent ensemble dans un même lieu, si le soleil recule, si un corps humain est glorifié : cela, la nature ne peut le faire d’aucune façon. - 2 l’événement surpasse la puissance de la nature, non pas par rapport à ce qui est produit, mais par rapport au sujet dans lequel l’événement s’est produit. Il en est ainsi de la résurrection des morts, de la guérison des aveugles, ou d’autres cas semblables. La nature peut en effet produire la vie, mais non dans un cadavre ; elle peut donner la vue, mais non à un aveugle. De tels miracles appartiennent au deuxième degré. - 3 le miracle peut dépasser la puissance de la nature dans la manière et l’ordre selon lesquels il est produit : ainsi lorsqu’un malade est subitement guéri de la fièvre par la vertu divine sans recourir aux remèdes et en dehors du processus ordinaire et naturel de guérison ; ou bien quand, par la vertu divine, le ciel se couvre subitement et que la pluie tombe sans cause naturelle, comme le fait se produisit à la prière de Samuel (1S 12,18) et d’Élie (1R 18,44) . Ce sont là des miracles du dernier rang.

Mais en chacun de ces ordres de miracles, il y a des degrés multiples, selon qu’ils dépassent diversement la puissance de la nature.

Ce que nous venons de dire suffit pour résoudre les objections, qui se placent au point de vue de la puissance divine.

v. 12 : I, II, 55, 4 : définition de la vertu

Objections : 6. On est justifié grâce à la vertu. Or en commentant le texte de S. Jean (Jn 14,12) : " Il fera des oeuvres plus grandes ", S. Augustin affirme : " Celui qui t’a créé sans toi ne te justifiera pas sans toi. " Il est donc inadmissible de dire que Dieu opère en nous la vertu sans nous.

En sens contraire, il y a l’autorité de S. Augustin : la définition que l’on critique est composée de paroles prises surtout à son traité Du Libre Arbitre.

Réponse : Cette définition embrasse parfaitement tout ce qui est essentiel à la vertu. La notion parfaite d’une réalité récapitule toutes ses causes. Or notre définition comprend toutes les causes de la vertu.

La cause formelle de la vertu, comme de n’importe quelle réalité, est tirée d’un genre et d’une différence, quand on dit que c’est une " bonne qualité ". Le genre de la vertu, c’est la qualité ; la différence, c’est le bien. La définition serait cependant plus juste si, au lieu de la qualité, on mettait l’habitus, qui est le genre prochain.

La vertu, d’autre part, n’a pas une matière " de quoi " elle soit extraite, pas plus que les autres accidents ; mais elle a une matière " sur quoi " elle s’exerce, et une matière " en quoi " elle réside c’est-à-dire un sujet. La matière " sur quoi ", c’est l’objet de la vertu ; on n’a pas pu le mettre dans la définition pour cette raison que, par l’objet, la vertu se trouve délimitée dans une espèce, alors qu’on donne ici une définition de la vertu en général. On se borne donc à mentionner, en guise de cause matérielle, le sujet de la vertu, quand on dit qu’elle est une bonne qualité " de l’esprit ".

Quant à la fin de la vertu, puisqu’il s’agit d’habitus actif, elle consiste dans l’activité même.

Mais il faut remarquer que parmi les habitus actifs quelques-uns sont toujours pour le mal, les habitus vicieux ; quelques autres, tantôt pour le bien et tantôt pour le mal, l’opinion par exemple va au vrai et au faux ; mais la vertu est un habitus qui se porte toujours vers le bien. Aussi, pour discerner la vertu des habitus qui se portent toujours vers le mal, on dit " qu’elle assure une vie droite ", et pour la distinguer de celles qui se portent tantôt vers le bien et tantôt vers le mal, on dit que " nul n’en fait mauvais usage ".

La cause efficiente de la vertu infuse, laquelle est visée par notre définition, c’est Dieu. Voilà pourquoi l’on dit que " Dieu l’opère en nous sans nous ". Si vous ôtez ce membre de phrase, le reste de la définition sera commun à toutes les vertus acquises et infuses.

Solutions : 6. La vertu infuse est causée en nous par Dieu sans que nous agissions, non pas cependant sans que nous consentions ; et c’est ainsi qu’il faut entendre les mots " que Dieu opère en nous sans nous ". Au contraire, ce qui est fait par nous, c’est bien Dieu qui le cause en nous, mais non pas sans que nous agissions ; c’est lui en effet qui opère dans toute volonté comme dans toute nature.

v. 12 : I, II, 111, 2 : La division de la grâce qui rend agréable à Dieu en grâce opérante et grâce coopérante

Objections : 2. Si la grâce produit quelque chose en nous, c’est principalement la justification. Mais ce n’est pas la grâce seule qui l’opère en nous, car, à propos du passage de S. Jean (Jn 14,12) : " Les oeuvres que je fais, il les fera lui-même ", S. Augustin écrit : " Celui qui t’a créé sans toi ne te justifiera pas sans toi. " Il n’y a donc pas de grâce qui puisse être dite simplement opérante.

En sens contraire, nous lisons dans S. Augustin : " Dieu, par sa coopération, achève en nous ce qu’il commence par son opération ; car il commence en faisant en sorte, par son opération, que nous voulions ; il achève, en coopérant avec nos vouloirs déjà commencés. " Or les opérations de Dieu qui nous meuvent au bien sont des grâces. On peut donc raisonnablement diviser la grâce en opérante et coopérante.

Réponse : Nous l’avons dit plus haut, la grâce peut s’entendre en deux sens : soit comme un secours divin par lequel Dieu nous meut à bien vouloir et à bien agir ; soit comme un don habituel divinement infusé en nous. En l’un et l’autre sens il convient de diviser la grâce en opérante et coopérante. La production d’une oeuvre en effet ne s’attribue pas au mobile, mais au moteur. Dès lors, quand notre esprit est mû sans se mouvoir lui-même, Dieu étant le seul moteur, l’opération doit être attribuée à Dieu, et en ce sens on parlera de grâce opérante. Mais s’il s’agit d’une oeuvre ou notre esprit est à la fois moteur et mobile, l’opération ne devra pas seulement être attribuée à Dieu, mais aussi à l’âme ; on parlera alors de grâce coopérante.

Or il y a en nous deux sortes d’actes. D’abord l’acte intérieur de la volonté. Pour celui-là la volonté est à l’égard de Dieu dans la relation de ce qui est mû à celui qui le meut : surtout s’il s’agit pour la volonté de commencer à vouloir le bien alors qu’elle voulait auparavant le mal. Dès lors la grâce par laquelle Dieu meut l’esprit humain à cet acte est dite grâce opérante.

Mais il y a aussi l’acte extérieur. Celui-ci se faisant sous l’impulsion de la volonté, comme il a été dit antérieurement, il en résulte que là l’opération est attribuée à la volonté. Et comme, pour cet acte aussi, Dieu nous aide, tant intérieurement, affermissant la volonté pour qu’elle le veuille jusqu’au bout, qu’extérieurement pour la rendre réalisatrice, le secours divin, dans ce cas, est appelé grâce coopérante. De là les paroles de S. Augustin que nous avons rapportées plus haut : " Dieu opère pour que nous voulions, et quand

que nous voulions, et quand nous voulons, Dieu coopère avec nous pour que nous achevions. " Ainsi donc, si nous entendons par grâce la motion gratuite de Dieu par laquelle il nous meut au bien méritoire, c’est avec raison qu’on la divise en grâce opérante et grâce coopérante.

Si d’autre part nous prenons la grâce au sens de don habituel, à ce point de vue encore, la grâce comporte un double effet, comme toute forme d’ailleurs : le premier de ces effets, c’est l’être ; le second, l’opération. L’effet de la chaleur est de rendre chaud un objet, puis de lui faire produire un échauffement extérieur. Ainsi donc la grâce habituelle, en tant qu’elle guérit l’âme, qu’elle la justifie et la rend agréable à Dieu, est appelée grâce opérante ; en tant qu’elle est principe de l’acte méritoire qui procède aussi du libre arbitre, on la nomme grâce coopérante.

Solutions : 2. Dieu ne nous justifie pas sans nous en ce sens que, tandis que nous sommes justifiés, nous consentons, par un mouvement de notre libre arbitre, à l’action divine qui nous justifie. Mais ce mouvement n’est pas cause de la grâce ; il en est l’effet. C’est pourquoi toute l’oeuvre de notre justification relève de la grâce.

v. 12 : I, II, 113, 9 : La justification de l’impie est-elle la plus grande oeuvre de Dieu ?

En sens contraire, on dit dans le Psaume (Ps 145,9) : " Ses miséricordes surpassent toutes ses oeuvres ", et dans une collecte de la messe : " Dieu, qui manifestes au plus haut point ta toute-puissance en pardonnant et en faisant miséricorde. " Et S. Augustin commentant le passage de S. Jean (Jn 14,12) : " Il fera de plus grandes choses " écrit : " C’est une oeuvre plus grande de faire d’un pécheur un juste, que de créer le ciel et la terre. "

Réponse : Une oeuvre est dite grande à un double point de vue. Si on considère la manière dont elle est produite, la plus grande est l’oeuvre de la création en laquelle quelque chose est fait à partir de rien. Mais on peut considérer aussi la grandeur de l’oeuvre elle-même qui est produite. A ce point de vue la justification de l’impie, qui a pour terme le bien éternel divinement participé, est une oeuvre plus grande que la création du ciel et de la terre, car celle-ci se termine à un bien naturel périssable. C’est pourquoi S. Augustin, après avoir écrit : " C’est une oeuvre plus grande de faire d’un pécheur un juste que de créer le ciel et la terre ", ajoute : " Le ciel et la terre passeront, mais le salut et la justification des prédestinés demeureront à jamais. "

Il faut pourtant savoir que, lorsqu’on parle de grandeur, on peut l’entendre de deux façons : au sens d’une grandeur prise absolument, et, sous ce rapport, le don de la gloire est plus grand que le don de la grâce justifiant l’impie. Ou bien au sens d’une grandeur relative et proportionnelle : c’est ainsi qu’on dira d’une montagne qu’elle est petite, et d’un grain de millet qu’il est gros. De ce point de vue, le don de la grâce qui justifie l’impie est plus grand que le don de la gloire qui béatifie le juste car, par rapport à ce dont il était digne, le châtiment, le don de la grâce justifiante fait à l’impie est incomparablement plus grand que le don de la gloire fait au juste, qui en avait été rendu digne par sa justification. C’est pourquoi S. Augustin peut écrire : " Décide qui pourra si la création des anges dans la justice est une oeuvre plus grande que la justification des impies. En tous cas, si de part et d’autre, la puissance est la même, il y a, dans la justification de l’impie, une plus grande miséricorde. "

v. 12 : III, 64, 4 : Le Christ pouvait-il communiquer à d’autres son pouvoir sur les sacrements ?

Objections : 2. A propos de cette parole en S. Jean (Jn 14,12) : " Il fera de plus grandes choses ", S. Augustin écrit : " je l’affirme hautement, c’est une plus grande chose " de justifier un homme " que de créer le ciel et la terre ". Mais le Christ ne pouvait communiquer à ses disciples le pouvoir de créer le ciel et la terre. Il ne pouvait donc leur communiquer celui de justifier un impie. Donc, puisque la justification de l’impie s’accomplit par le pouvoir que le Christ exerce dans les sacrements, il semble qu’il ne pouvait communiquer ce pouvoir à des ministres.

En sens contraire, sur cette parole de S. Jean Baptiste (Jn 1,31) : " Et moi, je ne le connaissais pas ", S. Augustin écrit : " Il ne savait pas que le Seigneur lui-même aurait le pouvoir baptismal et se le réserverait. " Jean Baptiste ne l’aurait pas ignoré si un pouvoir de cette sorte était incommunicable.

Donc le Christ a pu communiquer ce pouvoir à ses ministres.

Réponse : Le Christ avait un double pouvoir sur les sacrements, nous venons de le dire : un pouvoir souverain qui lui appartient en tant qu’il est Dieu. Et ce pouvoir ne pouvait être communiqué à aucune créature, pas plus que l’essence divine. Il avait un autre pouvoir, celui d’excellence, qui lui appartient en tant qu’il est homme. Ce pouvoir-là, il pouvait le communiquer à des ministres, en leur donnant une telle plénitude de grâce que leur mérite aurait produit les effets des sacrements, qu’à l’invocation de leurs noms les sacrements auraient été sanctifiés, qu’ils auraient pu eux-mêmes instituer des sacrements et, sans les rites sacramentels, conférer l’effet des sacrements par leur seul commandement. L’instrument conjoint peut en effet transmettre d’autant mieux sa vertu à l’instrument séparé qu’il est lui-même plus puissant, comme la main à l’égard du bâton.

Solutions : 2. Cette objection se réfère au pouvoir d’autorité souveraine qui appartient au Christ selon qu’il est Dieu. Mais, comparé aux pouvoirs des autres ministres, le pouvoir d’excellence, lui aussi, peut être appelé souveraineté. Aussi, sur ce mot de la 1ère épître aux Corinthiens (1Co 1,13), " le Christ est divisé ", la Glose enseigne " qu’il pouvait donner autorité sur le baptême à ceux qu’il a chargés de ce ministère ".

v. 12 : III, 69, 6 : Même les petits enfants reçoivent-ils au baptême la grâce et les vertus ?

Objections : 2. Sur ce mot en S. Jean (Jn 14,12) " Il fera de plus grandes choses ", S. Augustin dit que faire un juste d’un impie, " le Christ le fait en lui, mais non pas sans lui ". Mais l’enfant, qui n’a pas l’usage de son libre arbitre, ne peut coopérer avec le Christ à sa justification, parfois même il s’y oppose de toutes ses forces. Il n’est donc pas justifié par la grâce et les vertus.

En sens contraire, S. Augustin dit : " En renaissant, les petits enfants meurent au péché qu’ils ont contracté en naissant. Et par là leur convient aussi cette parole (Rm 6,4) : " Par le baptême nous avons été ensevelis avec lui dans la mort. " " Et il ajoute " Afin que comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous aussi nous marchions dans une vie nouvelle. " Mais cette vie nouvelle, c’est celle de la grâce et des vertus. Donc les enfants reçoivent au baptême la grâce et les vertus.

Réponse : Quelques anciens ont enseigné que le baptême ne donne pas aux enfants la grâce et les vertus, mais qu’il leur imprime le caractère du Christ, en vertu duquel, une fois parvenus à l’âge parfait, ils recevront la grâce et les vertus.

Mais cela est faux, pour deux raisons. D’abord parce que les enfants, comme les adultes, deviennent par le baptême membres du Christ ; ils doivent donc recevoir du chef l’influx de la grâce et des vertus. - De plus, parce qu’à ce compte les enfants morts après le baptême ne pourraient pas parvenir à la vie éternelle, puisque " la grâce de Dieu, c’est la vie éternelle " (Rm 6,23) . Il ne leur servirait de rien pour le salut d’avoir été baptisés.

La cause de cette erreur fut que ces docteurs ne surent pas distinguer l’habitus et l’acte. Voyant que les enfants sont incapables de faire les actes des vertus, ils crurent qu’après le baptême ils n’avaient aucunement les vertus. Mais cette impuissance à agir provient chez les enfants non de l’absence de l’habitus, mais d’un empêchement corporel, de même que ceux qui dorment, bien qu’ils aient l’habitus des vertus, sont empêchés par le sommeil d’en faire les actes.

Solutions : 2. S. Augustin dit, que " personne sans le vouloir ne renaît de l’eau et de l’Esprit Saint ". Cela ne s’entend que des adultes. C’est des adultes aussi qu’il faut entendre que " le Christ ne justifie pas l’homme sans lui ". Que les petits enfants qu’on apporte au baptême s’y opposent de toutes leurs forces, " cela, dit S. Augustin. ne leur est pas imputé, parce qu’ils ignorent tellement ce qu’ils font qu’on doit les considérer comme ne le faisant pas. "

v. 12 : Poésie 24 de Ste Thérèse

Rappelle-toi que méprisant la gloire

En prodiguant tes miracles divins

Tu t’écriais : " Comment pouvez-vous croire, (Jn 5,44)

" Vous qui cherchez l’estime des humains ?...

" Les oeuvres que je fais vous semblent surprenantes (Jn 14,12)

" Mes amis en feront de bien plus éclatantes... " (Jn 15,15)

Que tu fus humble et doux (Mt 11,29)

Jésus, mon tendre Epoux

Rappelle-toi.

 

Io 14, 6 : CEC 1698 La vie dans le Christ

La référence ultime et première de cette catéchèse sera toujours Jésus-Christ Lui-même qui est " le chemin, la vérité et la vie " (Jn 14, 6). C’est en Le regardant dans la foi que les fidèles du Christ peuvent espérer qu’Il réalise Lui-même en eux ses promesses, et qu’en l’aimant de l’amour dont Il les a aimés, ils fassent en eux les oeuvres qui correspondent à leur dignité.

Je vous prie de considérer que Jésus-Christ notre Seigneur est votre véritable Chef, et que vous êtes un de ses membres. Il est à vous comme le chef est à ses membres ; tout ce qui est à Lui est à vous, son esprit, son Coeur son corps, son âme et toutes ses facultés, et vous devez en faire usage comme de choses qui sont vôtres, pour servir, louer, aimer et glorifier Dieu. Vous êtes à Lui, comme les membres sont à leur chef. Aussi désire-t-Il ardemment faire usage de tout ce qui est en vous, pour le service et la gloire de son Père, comme des choses qui sont à Lui 2 .

Ma vie, c’est le Christ (Ph 1, 21).

Io 14, 6 : Le huitième commandement - 1. Vivre dans la vérité

En Jésus-Christ, la vérité de Dieu s’est manifestée tout-entière. " Plein de grâce et de vérité " (Jn 1, 14), Il est la " lumière du monde " (Jn 8, 12), Il est la Vérité 4. " Quiconque croit en Lui, ne demeure pas dans les ténèbres " (Jn 12, 46). Le disciple de Jésus, " demeure dans sa parole " afin de connaître " la vérité qui rend libre " (Jn 8, 32) et qui sanctifie 5 Suivre Jésus, c’est vivre de " l’Esprit de vérité " (Jn 14, 17) que le Père envoie en son nom 6 et qui conduit " à la vérité tout entière " (Jn 16, 13). A ses disciples Jésus enseigne l’amour inconditionnel de la vérité : " Que votre langage soit : " Oui ? oui ", " Non ? non ? " (Mt, 5, 37).

Io 14, 6. 13-14 : La révélation de la prière, l’appel universel à la prière - Art. 2 Dans la plénitude du temps - Jésus enseigne à prier.

Quand Jésus confie ouvertement à ses disciples le mystère de la prière au Père, Il leur dévoile ce que devra être leur prière, et la nôtre, lorsqu’il sera retourné, dans son Humanité glorifiée, auprès du Père. Ce qui est nouveau maintenant est de " demander en son nom " (Jn 14, 13). La foi en Lui introduit les disciples dans la connaissance du Père, parce que Jésus est le " Chemin, la Vérité et la Vie " (Jn 14, 6). La foi porte son fruit dans l’amour : garder sa Parole, ses commandements, demeurer avec Lui dans le Père qui en Lui nous aime jusqu’à demeurer en nous. Dans cette alliance nouvelle, la certitude d’être exaucés dans nos demandes est fondée sur la prière de Jésus 3.