Homélie de saint Augustin (+ 430) Sermon 271 ; éd. des Mauristes 5, 1102-1103.

Nous avons vu avec joie, mes frères, se lever ce jour de la Pentecôte, où la sainte Eglise resplendit aux yeux des fidèles et enflamme leurs coeurs. Car nous célébrons ce jour où notre Seigneur Jésus Christ, après sa résurrection et la gloire de son ascension, a envoyé le Saint-Esprit. Il avait dit, comme l’Evangile nous le rapporte : Si quelqu’un a soif qu’il vienne à moi, et qu’il boive, celui qui croit en moi ! Comme dit l’Ecriture : Des fleuves d’eau vive jailliront de son coeur. L’Evangéliste donne alors cette explication : En disant cela, il parlait de l’Esprit Saint, l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en Jésus. En effet, l’Esprit n’avait pas encore été donné, parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié par le Père (Jn 7,37-39).

Il restait donc, après la glorification de Jésus, sa résurrection d’entre les morts et sa montée aux cieux, que l’Esprit Saint fût donné, après avoir été envoyé par celui qui l’avait promis. Et c’est ce qui s’est produit.

En effet, après avoir vécu avec ses disciples pendant les quarante jours qui suivirent sa résurrection, le Seigneur monta au ciel, et, le cinquantième jour, que nous célébrons aujourd’hui, il envoya le Saint-Esprit, ainsi qu’il est écrit : Soudain il vint du ciel un bruit pareil à celui d’un violent coup de vent : il virent apparaître comme une sorte de feu qui se partageait en langues et qui se posa sur chacun d’eux. Ils se mirent à parler en d’autres langues, et chacun s’exprimait selon le don de 1’Esprit (Ac 2,2-4).

Ce souffle purifiait les coeurs de leur paille chamelle ; ce feu consumait le foin de l’ancienne convoitise ; ces langues que parlaient les Apôtres ,comblés de l’Esprit Saint préfiguraient la diffusion de l’Eglise par les langues de toutes les nations. Car, de même qu’après le déluge l’impiété des hommes édifia une haute tour contre le Seigneur, quand le genre humain mérita d’être divisé par des langues diverses si bien que chaque nation parlait sa propre langue sans être comprise par les autres nations ainsi l’humble piété des croyants ramena vers l’Eglise la diversité de ces langues. Ainsi, ce que la discorde avait disperse, la charité le rassemblerait, et les membres épars d un unique genre humain seraient reliés entre eux et avec le Christ, le chef unique, et seraient fondus par le feu de l’amour dans l’unité de ce corps très saint.

C’est pourquoi ils sont totalement exclus de ce don du Saint-Esprit, ceux qui haïssent la grâce de la paix, et qui ne restent pas en communion avec l’unité. Car, bien qu’eux-mêmes se réunissent aujourd’hui comme chaque année, bien qu’ils entendent lire ces Ecritures qui attestent la ~promesse et l’envoi du Saint-Esprit, ils les entendent pour leur condamnation, non pour leur récompense. A quoi leur sert-il, en effet, de percevoir par les oreilles ce que rejette leur coeur et de célébrer le jour de celui dont ils détestent la lumière ?

Mais vous, mes frères, membres du corps du Christ, germes d’unité, enfants de paix, passez ce jour dans la joie, célébrez-le en sécurité. Car ce qui était annoncé en ces jours où vint le Saint-Esprit, c’est cela qui s’accomplit en vous. Car chacun de ceux qui recevait alors l’Esprit Saint parlait, à lui seul, toutes les langues. C’est ainsi qu’aujourd’hui l’unité elle-même parle toutes les langues à travers toutes les nations, cette unité dans laquelle vous possédez l’Esprit Saint, vous qui n’êtes séparés par aucun schisme de l’Eglise du Christ, laquelle parle toutes les langues.

 

 

ACTES 2, 1 Le jour de la Pentecôte étant arrivé, ils se trouvaient tous ensemble dans un même lieu

Sermon de saint Éphrem le Syrien, diacre

Les Apôtres étaient là, assis, attendant la venue de l’Esprit.

Ils étaient là comme des flambeaux disposés et qui attendent d’être allumés par l’Esprit Saint pour illuminer toute la création par leur enseignement... Ils étaient là comme des cultivateurs portant leur semence dans le pan de leur manteau qui attendent le moment où ils recevront l’ordre de semer. Ils étaient là comme des marins dont la barque est liée au port du commandement du Fils et qui attendent d’avoir le doux vent de l’Esprit. Ils étaient là comme des bergers qui viennent de recevoir leur houlette des mains du Grand Pasteur de tout le bercail et qui attendent que leur soient répartis les troupeaux.

" Et ils commencèrent à parler en des langues diverses selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer. "

Ô cénacle, pétrin où fut jeté le levain qui fit lever l’univers tout entier. Cénacle, mère de toutes les églises. Sein admirable qui mit au monde des temples pour la prière. Cénacle qui vit le miracle du buisson ! Cénacle qui étonna Jérusalem par un prodige bien plus grand que celui de la fournaise qui émerveilla les habitants de Babylone ! Le feu de la fournaise brûlait ceux qui étaient autour, mais protégeait ceux qui étaient au milieu de lui. Le feu du Cénacle rassemble ceux du dehors qui désirent le voir tandis qu’il réconforte ceux qui le reçoivent. Ô feu dont la venue est parole, dont le silence est lumière. Feu qui établis les coeurs dans l’action de grâces.

Il y avait, résidant à Jérusalem, des hommes pieux venus de toutes les nations qui sont sous le ciel, rassemblés par l’Esprit. Ils entendaient parler dans leur propre langue et disaient : ces gens-là ne sont-ils pas Galiléens ? Comment parlent-ils notre langue ? Et les juifs opposés au Saint-Esprit disaient : ces gens-là ont bu du vin doux, ils sont ivres. Vraiment vous dites la vérité, mais ce n’est pas comme vous croyez. Ce n’est pas du vin des vignes qu’ils ont bu. C’est un vin nouveau qui coule du ciel. C’est un vin nouvellement pressé sur le Golgotha. Les Apôtres le firent boire et enivrèrent ainsi toute la création. C’est un vin qui fut pressé à la croix par les bourreaux. Merveille que réalise l’Esprit par sa venue ! Le Prophète avait crié : " Voici que dans les derniers jours je répandrai mon Esprit et ils prophétiseront " : le Père a promis, le Fils a exécuté et l’Esprit Saint a accompli.

 

Ils virent apparaître des langues qu’on eût dites de feu elles se partageaient, et il s’en posa une sur chacun d’eux

ACTES 2, 3

Sermon de saint Augustin, évêque

Frères, un jour de grâces commence et la Sainte Eglise resplendit aux yeux de ses fidèles et réchauffe leur coeur. Soyons en fête en ce jour où le Seigneur Jésus-Christ, après sa résurrection, glorifié par son Ascension, envoya l’Esprit Saint. Il est écrit dans l’Evangile : " Si quelqu’un a soif qu’il vienne à moi et qu’il boive. Celui qui croit en moi, de son sein couleront des fleuves d’eau vive. " Et l’Évangéliste poursuit : " Il disait cela de l’Esprit Saint que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui. L’Esprit n’avait pas encore été donné parce que Jésus n’avait pas encore été glorifié. " Il restait donc à Jésus après sa glorification et son ascension dans les cieux, a envoyer l’Esprit Saint qu’il avait promis. Le Seigneur, après sa résurrection, passa quarante jours avec ses disciples, puis il monta au ciel et le cinquantième jour, en la fête que nous célébrons, il envoya l’Esprit Saint comme il est écrit : " Il se fit soudain un grand bruit comme celui d’un violent coup de vent et ils virent des langues qu’on eût dites de feu et elles se divisaient et il s’en posa une sur chacun d’eux. " Ce vent purifiait les coeurs de la paille charnelle qu’il faisait voler, ce feu brûlait le foin de l’antique concupiscence, ces langues que parlaient ceux qui étaient remplis de l’Esprit Saint préfiguraient l’Église qui se répandrait dans tous les peuples.

Après le Déluge, l’orgueil impie des hommes dressa contre le Seigneur une tour élevée. L’humanité mérita ainsi de voir son langage éclater en des langues diverses et chacun parlait en sa propre langue sans que les autres puissent le comprendre. Aujourd’hui, l’humilité fervente des fidèles rassemble dans l’Église Une la diversité des langues : la charité rassemble ce que la discorde avait éparpillé. Les membres disloqués du genre humain sont réunis au Christ leur tête unique, ils sont fondus dans l’unité d’un seul corps par le feu de l’amour.

Vous, frères, membres du corps du Christ, semences d’unité, fils de la paix, célébrez cette fête dans la joie, soyez sûrs de ce que vous fêtez. En vous s’accomplira ce qui était préfiguré en ces jours où l’Esprit Saint descendit. Comme alors celui qui recevait l’Esprit Saint, fût-il un seul homme, n en parlait pas moins la langue de tous, aujourd’hui l’Église, Une par toutes les nations, parle toutes les langues. Fondés en elle, vous avez l’Esprit Saint, vous qui par aucun schisme ne vous séparez de l’Église du Christ qui parle toutes les langues. A cela vous reconnaîtrez que vous avez l’Esprit Saint si vous consentez à ce que votre esprit s’attache de toutes ses forces à l’unité par un amour vrai. Voilà le visage de l’homme chrétien catholique : si vous voulez vivre de l’Esprit Saint tenez la charité, aimez la vérité, désirez l’unité afin de parvenir à la vie éternelle. Amen.

 

Tous furent alors remplis de l’Esprit Saint et commencèrent à parler en d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer

ACTES 2, 4

Sermon de saint Basile le Grand, évêque

L’Esprit éclaire tous les hommes pour leur faire connaître Dieu. Il donne aux Prophètes l’inspiration, aux législateurs la sagesse... c’est lui qui opère les guérisons miraculeuses, ressuscite les morts, fait sauter les chaînes des prisonniers, c’est par lui que les étrangers sont adoptés comme des fils. Il accomplit cela par son opération divine. Il prend un publicain qui croit et en fait un évangéliste. Il vient dans un pécheur et en fait un docteur de la divinité. Trouve-t-il un persécuteur qui se repent, il le fait Apôtre des gentils, prédicateur de la foi, vase d’élection. Par lui, les faibles deviennent forts, les pauvres deviennent riches et les ignorants plus savants que les savants. Paul était malade, mais par la présence de l’Esprit, ses vêtements rendaient la santé à ceux qui les touchaient. Pierre était un homme faible, mais par la grâce de l’Esprit qui habitait en lui, son ombre guérissait les malades. Jean ne connaissait pas la science du monde, mais il a proclamé dans la puissance de l’Esprit des vérités qu’aucune science ne peut scruter. L’Esprit est au ciel et il remplit la terre. Il est partout sans être contenu nulle part. Il habite en chacun et tout entier il est avec le Père. Il n’est pas un serviteur qui distribue les bienfaits de son maître. C’est le maître qui distribue ses biens comme il l’entend. Il est écrit en effet : " Il distribue à chacun ses dons comme il lui plaît. " Prions-le de nous assister et de ne jamais nous abandonner, par la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ à qui revient la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Amen.

Sermon de saint Cyrille de Jérusalem, évêque

Pour quelle raison le Sauveur a-t-il appelé eau la grâce de l’Esprit ? Parce que l’eau donne à tous les corps leur subsistance, parce que l’eau produit l’herbe et fait la vie, parce que l’eau des pluies descend des cieux, parce que descendant d’une manière unique elle accomplit des oeuvres diverses. Une source coule, en effet, et arrose le paradis. C’est la même pluie qui descend des cieux, elle devient blanche dans le lys, rouge dans la rose, elle est autre dans le palmier et autre dans la vigne et toute en tous. Elle s’adapte à ceux qui la reçoivent et elle fait pour chacun ce qui convient. Ainsi l’Esprit Saint : il est unique, simple, indivisible et, pourtant, il répartit la grâce comme il le veut. De même que le bois sec, si on l’arrose, produit des rejetons, de même une vie dans le péché, que la pénitence rend digne de l’Esprit, produit des grappes de justice. [...]

Quoique simple, l’Esprit produit, par l’ordre de Dieu le Père et au nom du Christ, les nombreux charismes. Il se sert de la langue de l’un pour la sagesse, il éclaire l’esprit de l’autre pour la prophétie, à un autre il donne le pouvoir de chasser les démons, à un autre d’interpréter les Écritures. Il fortifie la chasteté de l’un, il apprend à l’autre l’art d’aider les pauvres, à un autre le jeûne et l’ascèse, à un autre le mépris de ses intérêts matériels, il prépare un autre au martyre. Différent chez les différents hommes, il est toujours le même, ainsi qu’il est écrit : " A chacun est donnée la manifestation de l’Esprit en vue du bien commun. Il y a certes diversité de dons spirituels, mais c’est le même Esprit. " [...]

L’Esprit n’agit que pour le bien et le salut. D’abord douce est sa présence et paisible la conscience qu’on en a. Des rayons de lumière et de science annoncent sa brillante venue. Il vient avec le coeur d’un tuteur légitime. Car il vient sauver, guérir, enseigner, conseiller, fortifier, éclairer l’esprit de celui qui le reçoit et ceux des autres, par lui. Comme notre oeil, s’il passe de l’obscurité à la lumière, est rempli de lumière et voit distinctement ce qu’il ne voyait pas encore, ainsi celui qui a été gratifié de la visite du Saint-Esprit a l’esprit rempli de lumière et voit, au-delà des possibilités humaines, ce qu’il ne savait pas. Il voit comme Isaïe " le Seigneur assis sur un trône élevé ", il voit " celui qui siège sur les chérubins ", et ce rien qu’est l’homme voit ainsi le commencement du monde et la fin du monde et le milieu des temps... car il jouit de la présence de celui qui introduit à la vraie lumière. L’homme est à l’intérieur de ses murs, mais ce qu’il sait alors s’étend au loin...

On ne se lasserait pas de parler de l’Esprit Saint.

 

Sermon de saint Athanase d’Alexandrie, évêque

Le Père est dit dans l’Écriture source et lumière : " Ils m’ont délaissé, moi la source d’eau vive ", et encore, en Baruch : " D’où vient, Israël, que tu es dans le pays de tes ennemis ? Tu as abandonné la source de la sagesse ", et selon Jean " notre Dieu est lumière ". Or, le Fils, en relation avec la source, est appelé " fleuve ", car " le fleuve de Dieu, selon le psaume, est rempli d’eau ", et en relation avec la lumière, il est appelé " resplendissement ". Selon Paul, en effet, il est " le resplendissement de sa gloire et l’effigie de sa substance ". Le Père est donc lumière, le Fils le resplendissement, et c’est par l’Esprit que nous sommes illuminés. " Puisse Dieu vous donner, dit Paul, un Esprit de sagesse et de révélation qui vous le fasse vraiment connaître, puisse-t-il illuminer les yeux de votre coeur. " Mais quand nous sommes illuminés, c’est le Christ qui est notre lumière, car " il était la vraie lumière qui illumine tout homme venant en ce monde ". De même, le Père étant source et le Fils fleuve, on dit que nous buvons l’Esprit : " Tous nous avons été abreuvés d’un seul Esprit ", mais, abreuvés de l’Esprit, nous buvons le Christ car " ils buvaient à un rocher spirituel qui les suivait et ce rocher c’était le Christ ". [...]

Le Christ est le vrai Fils, et recevant l’Esprit nous devenons fils " car ce n’est pas un esprit d’esclavage que vous avez reçu pour retomber dans la crainte, mais un esprit d’adoption ". Faits fils par l’Esprit, il est clair que c’est dans le Christ que nous sommes appelés enfants de Dieu, car " à ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu ". Le Père étant le seul sage et le Fils sa sagesse, car le Christ est la force et la sagesse de Dieu, c’est en recevant l’Esprit de sagesse que nous possédons le Fils et acquérons la sagesse, et l’Esprit nous étant donné le Seigneur disait bien : " Recevez l’Esprit Saint " Dieu est en nous. Si nous nous aimons les uns les autres, Dieu demeure en nous. Nous reconnaissons que nous demeurons en lui et qu’il demeure en nous à ce qu’il nous a donné de son Esprit. Et Dieu, le Père, étant en nous, le Fils est aussi en nous puisqu’il dit : " Nous viendrons, le Père et moi, et nous ferons en lui notre demeure. " [...]

Le Fils est la vie, il a dit : je suis la vie ; nous sommes vivifiés par l’Esprit, car " celui qui a ressuscité le Christ Jésus d’entre les morts vivifiera aussi nos corps mortels par son Esprit qui habite en nous ". Quand nous sommes vivifiés par l’Esprit, c’est le Christ qui est notre vie : " Avec le Christ, j’ai été crucifié. " " Ce n’est plus moi qui vis, mais c’est le Christ qui vit en moi... " La Sainte Ecriture nous donne donc ainsi des exemples pour que, par eux, il soit possible de parler simplement... et de croire que la sanctification qui se fait du Père par le Fils dans l’Esprit Saint est unique... Car le mystère de Dieu n’est pas livré à notre esprit par des discours démonstratifs, mais dans la foi et dans la prière pleine de respect... car si Paul annonçait la croix salutaire " non par des discours persuasifs, mais dans une manifestation d’Esprit et de puissance... " qui donc osera parler du mystère de la Trinité ?

 

Sermon de saint Augustin, évêque

" Personne ne vient à moi si le Père qui m’a envoyé ne l’attire. " Voilà soulignée la grâce. Personne ne vient s’il n’est attiré. Si tu ne veux pas être dans l’erreur, ne juge pas celui qu’il attire et celui qu’il n’attire pas, pourquoi il attire celui-ci et non pas celui-là. Accepte-le une bonne fois et comprends : Tu n’as pas été encore attiré, prie pour l’être. Mais que disons-nous là, frères ? Si nous sommes attirés au Christ, nous ne croyons pas librement, il nous est fait violence, notre volonté est forcée. On peut, sans y consentir entrer dans une église, sans y consentir s’approcher de l’autel, sans y consentir recevoir le sacrement. Mais pour croire, il faut consentir. Si l’on croyait avec son corps, on pourrait le faire contre son gré, mais on ne croit pas avec son corps. Ecoute l’Apôtre : " La foi du coeur obtient la justice " et ensuite : " De la confession des lèvres vient le salut. "Cette confession jaillit des racines du coeur. Il t’arrive d’entendre confesser quelqu’un que tu ne juges pas être un croyant. Mais tu ne dois pas appeler confessant celui qui n’est pas croyant. Car c’est cela confesser sa foi que de dire ce que l’on a dans son coeur. [...]

Si tu as autre chose dans le coeur que sur tes lèvres, tu parles, mais ne confesses pas ta foi. On ne peut croire au Christ avec son coeur contre son gré. C’est pourquoi lorsque tu entends : " Personne ne vient à moi si le Père ne l’attire ", tu ne dois pas croire qu’il soit attiré malgré lui. Mais comment puis-je croire volontairement si je suis attiré ? C’est peu de dire volontairement, c’est par passion que tu es attiré. Que veut dire être attiré par la passion : " Mets ta joie dans le Seigneur et il comblera les désirs de ton coeur. " Il y a une passion du coeur à laquelle est doux le pain du ciel. Si un poète a pu dire : " Chacun est attiré par sa passion ", non par la nécessité mais la passion, non l’obligation mais la joie, combien plus nous, devons-nous dire que l’homme est attiré au Christ, lui qui se réjouit de la vérité, qui se réjouit de la béatitude, lui qui se réjouit de la justice, qui se réjouit de la vie éternelle, car tout cela est le Christ. Le corps a ses plaisirs, l’esprit a aussi les siens : comment pourrait-on dire sans cela : " Les fils des hommes espèreront à l’ombre de tes ailes. Ils seront enivrés des délices de ta maison et tu les abreuveras aux torrents de tes délices, car auprès de toi est la source de la vie et dans ta lumière nous verrons la lumière. " Donne-moi quelqu’un qui aime et il comprendra ce que je dis. Donne-moi quelqu’un rempli de désir, quelqu’un qui a faim, qui va, pèlerin dans cette solitude, qui a soif et qui désire la source de la patrie éternelle. Donne-moi celui-là et il me comprendra. Si je parle à quelqu’un au coeur sec, je parais radoter à ses yeux, comme ceux-là qui murmuraient aux paroles du Christ. [...]

" Ma chair est pour la vie du monde " : les fidèles du Christ connaissent le corps du Christ s’ils ne négligent pas d’être le corps du Christ. Ils deviennent le corps du Christ s’ils veulent vivre de l’Esprit du Christ. Seul le corps du Christ vit de l’Esprit du Christ. Comprenez, frères, ce que je dis ! Mon corps vit de mon esprit. Veux-tu vivre de l’Esprit du Christ : sois donc le corps du Christ. Le corps du Christ ne peut vivre sinon de l’Esprit du Christ. D’où il vient que l’Apôtre, parlant de ce pain, affirme : " Puisqu’il n’y a qu’un seul pain, à nous tous nous formons un seul corps. " O sacrement de l’amour, signe de l’unité, lien de la charité. Celui qui veut vivre sait où vivre et d’où vient cette vie. Qu’il ne méprise pas d’être uni aux membres, qu’il adhère au corps, qu’il vive en Dieu, de Dieu, qu’il peine sur la terre pour pouvoir régner dans le ciel.

 

Sermon du bienheureux Baudouin de Cantorbéry, évêque

Frères bien-aimés, tout ce qui touche à la profession de notre vie commune, veillons-y avec soin, conservant l’unité de l’Esprit, dans le lien de la paix, par la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit. De l’amour de Dieu procède l’unité de l’Esprit, de la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ le lien de la paix, de la communication du Saint-Esprit cette communion qui est nécessaire à tous ceux qui vivent en commun pour que leur vie soit vraiment commune... Quelle est cette paix qui nous est donnée par le Christ et dans le lien de laquelle est conservée l’unité de l’Esprit ? C’est l’amour mutuel par lequel nous nous aimons les uns les autres et qui ne se rompt pas si nous parlons de même et s’il n’y a pas entre nous de schismes. Le bienheureux Pierre nous en avertit : " Avant tout, ayez sans cesse cette charité. " [...]

Garde-moi, Seigneur, garde-moi du péché grave que je crains tant : de la haine de ton amour. Que je ne pèche pas contre l’Esprit Saint qui est amour, lien, unité, paix et concorde ; que je ne me sépare pas de l’unité de ton Esprit, de l’unité de la paix en commettant le péché qui ne sera remis ni sur terre ni plus tard. Conserve-moi, Seigneur, parmi mes frères et mes proches pour annoncer la paix qui vient de toi. Conserve-moi parmi ceux qui gardent l’unité de l’Esprit dans le lien de la paix...

Je crois, Seigneur, dans l’Esprit Saint, dans la Sainte Église catholique, dans la communion des saints. Là est mon espérance, là est ma confiance, là est ma sécurité dans la confession de ma foi : dans la bonté de l’Esprit Saint, dans l’unité de l’Église catholique, dans la communion des saints. S’il m’est donné, Seigneur, de t’aimer et d’aimer mon prochain, bien que mes mérites soient de peu, mon espérance va bien plus loin. J’espère que, par la communion de la charité, les mérites des saints me seront utiles et qu’ainsi la communion des saints suppléera à mon insuffisance et mon imperfection. Le Prophète me console en disant : De toute perfection j’ai vu le bout, comme ils sont larges tes ordres ! O charité large et vaste, que ta maison est grande, qu’il est vaste ton domaine. [...]

Il y a trois communions : d’abord la communion de la nature à laquelle sont venues s’ajouter la communion de la faute et celle de la colère. Puis la communion de la grâce et enfin celle de la gloire. Par la communion de la grâce, la communion de la nature commence d’être rétablie et celle de la faute disparaît. Mais par la communion de la gloire, celle de la nature sera restaurée en mieux et celle de la colère tout à fait abolie, car Dieu essuiera alors toute larme des yeux des saints. Alors tous les saints auront comme un seul coeur et une seule âme, toutes choses leur seront communes car Dieu sera tout en tous. Pour que nous parvenions à cette communion et que nous soyons rassemblés dans l’unité, que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ, l’amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit soient toujours avec nous tous.

 

Sermon de saint Augustin, évêque

Le peuple juif célébrait la Pâque, vous le savez, par l’immolation d’un agneau qu’il mangeait avec des pains azymes. Cette immolation de l’agneau figurait l’immolation de Jésus-Christ et les pains azymes la vie nouvelle purifiée de l’ancien levain. C’est l’enseignement de l’Apôtre Paul : " Purifiez-vous de l’ancien levain pour être une pâte nouvelle, puisque vous êtes des azymes. Car Jésus-Christ notre Pâque a été immolé. " L’ancien peuple célébrait donc la Pâque, non point dans l’éclat de la lumière, mais dans les ombres figuratives de l’avenir ; et, cinquante jours après la célébration de la Pâque, comme on peut le vérifier, ce peuple fêtait le moment où Dieu donna sur le mont Sinai la Loi écrite de sa main. [...]

A la Pâque en figure succède la vraie Pâque ; Jésus-Christ est immolé et nous fait passer de la mort à la vie.

Le mot Pâque, en effet, signifie passage, ce qu’exprime l’Évangéliste lorsqu’il dit : " l’heure étant venue où Jésus devait passer de ce monde à son Père ". La nouvelle Pâque célébrée signifie que le Seigneur ressuscite et nous fait passer de la mort à la vie selon le sens du mot " Pâque " ; et cinquante jours après, l’Esprit Saint, le doigt de Dieu, descend sur les disciples. Mais voyez quelle différence dans les circonstances avec le 5mai. Là le peuple se tenait au loin, c’était la crainte et non l’amour qui le tenait... Au contraire, lorsque le Saint-Esprit descendit sur la terre, les disciples étaient tous ensemble en un même lieu, et l’Esprit, loin de les effrayer du haut de la montagne, entre dans la maison où ils étaient réunis. [...]

" Ils virent, dit l’Écriture, des langues de feu qui se partageaient. " Etait-ce un feu qui semait au loin l’épouvante ? Nullement. Ces langues de feu reposèrent sur chacun d’eux et ils commencèrent à parler diverses langues selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer. Écoutez la langue qui parle et comprenez que c’est l’Esprit qui écrit, non sur la pierre mais dans le coeur de celui qui parle. Ainsi donc, la loi de l’Esprit de vie, écrite dans le coeur et non sur la pierre, la loi de l’Esprit de vie, dis-je, est en Jésus-Christ dans lequel la Pâque a été célébrée en toute vérité.

Sermon de saint Grégoire de Nysse, évêque

" Les idoles des païens, des oeuvres faites de main d’homme. Comme elles, seront ceux qui les firent, quiconque met en elles sa foi. " De même, en effet, que ceux qui tournent leur visage vers le Vrai Dieu reçoivent en eux les propriétés de la divinité, de même ceux qui s’attachent à des idoles illusoires sont transfigurés en ce qu’ils contemplent, et d’hommes deviennent pierres. Ainsi, l’humanité pétrifiée par le culte des idoles et figée par la glace du paganisme avait perdu toute agilité vers le bien. C’est pourquoi le Soleil de Justice s’est levé sur ce rigoureux hiver et a amené le printemps. En même temps que ses rayons montent à l’Orient, le vent du sud fait fondre la glace afin que l’homme pétrifié par le froid de l’infidélité soit pénétré de chaleur par l’Esprit et fonde sous les rayons du Verbe et qu’il devienne à nouveau une source jaillissante pour la vie éternelle. " Il souffle son vent et les eaux coulent ", est-il écrit et : " Il change le rocher en étang et la pierre en source d’eau vive. " [...]

La Vérité fait d’abord briller le Verbe pour l’Église par les Prophètes, puis la révélation de l’Évangile dissipe tout le spectacle d’ombres et de figures. Par elle, le mur de séparation est détruit et l’air dans la maison est envahi par la lumière céleste. Point n’est besoin désormais de recevoir la lumière par des fenêtres, puisque la vraie lumière éclaire tout ce qui est à l’intérieur des rayons de l’Évangile.

C’est pourquoi le Verbe, qui redresse tous ceux qui sont courbés, crie à l’Église à travers les fenêtres : " Relève-toi, toi qui avais glissé dans la boue du péché, toi qui avais été enchaînée par le Serpent, qui étais tombée à terre et que la désobéissance avait entraînée dans la chute. Relève-toi. Il ne suffit pas de te relever de ta chute, dit-il, avance et progresse dans le bien jusqu’au bout de ta course vers la perfection. Lève-toi, viens. "A peine a-t-elle entendu la puissance du Verbe qu’elle se lève, s’avance et s’approche de la lumière. [...]

" Lève-toi, ma bien-aimée, ma belle, ma colombe. " Elle entend l’ordre, elle est revêtue de la puissance du Verbe, elle s’éveille, s’avance, s’approche et devient belle ; elle est appelée colombe. Comment un miroir peut-il renvoyer une belle image si rien ne s’y mire ? Il en est ainsi du miroir de l’humanité. Il n’était pas beau, mais dès qu’il s’est approché du Beau, il a été transfiguré par l’image de la beauté de Dieu. De même que l’épouse avait pris l’apparence du Serpent, après la chute, lorsqu’elle gisait à terre et fixait les yeux sur lui, de même lorsqu’elle s’est levée, elle a pris l’apparence de ce vers quoi elle se tournait. Elle se tourne vers la beauté du Principe, c’est pourquoi s’approchant de la lumière, elle devient lumière, et dans la lumière, elle réfléchit l’image de la colombe, dont la forme révèle la présence de l’Esprit Saint.

Ainsi, au fur et à mesure qu’elle progresse vers ce qui est toujours en avant d’elle, son désir augmente et l’excès des biens qui lui apparaissent lui fait croire qu’elle est toujours au début de sa route. C’est pourquoi le Verbe dit à nouveau : " Lève-toi " à celle qui est déjà levée, et : " Viens " à celle qui est déjà venue. En effet, à celui qui se lève vraiment il faudra toujours se lever et à celui qui court vers le Seigneur jamais ne manquera le large espace. Ainsi, celui qui monte ne s’arrête jamais, allant de commencement en commencement par des commencements qui n’ont jamais de fin.

USAGE des versets

v. 20, 25, 27 : Adv. Haer. V, 7, 1 : Textes pauliniens attestant la résurrection de la chair - La résurrection corporelle du Christ gage de notre résurrection corporelle

Que nos corps doivent ressusciter, non en vertu de leur substance, mais par la puissance de Dieu, l’Apôtre le dit aux Corinthiens : " Le corps n’est pas pour l’impudicité, mais il est pour le Seigneur, comme le Seigneur est pour le corps, et Dieu qui a ressuscité le Seigneur nous ressuscitera, nous aussi, par sa puissance. " 7, 1. De même donc que le Christ est ressuscité dans la substance de sa chair et a montré à ses disciples les marques des clous ainsi que l’ouverture de son côté — autant de preuves que c’était bien sa chair qui était ressuscitée d’entre les morts --, de même, dit l’Apôtre, " Dieu nous ressuscitera, nous aussi, par sa puissance ".

Il dit derechef aux Romains : " Si l’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité le Christ d’entre les morts vivifiera aussi vos corps mortels. " Quels sont-ils donc, ces " corps mortels " ? Seraient-ce les âmes ? Mais les âmes sont incorporelles, en regard des corps mortels. Car Dieu " insuffla dans la face " de l’homme " un souffle de vie, et l’homme devint âme vivante " : or ce souffle de vie est incorporel. On ne peut non plus dire l’âme mortelle, puisqu’elle est souffle de vie. Aussi David dit-il : " Et mon âme vivra pour lui ", persuadé qu’il est que la substance de cette âme est immortelle. On ne peut non plus prétendre que le " corps mortel " dont il s’agit serait l’Esprit. Dès lors, que reste-t-il à dire, sinon que le " corps mortel " est l’ouvrage modelé par Dieu, autrement dit la chair, et que c’est bien de celle-ci que l’Apôtre déclare que Dieu la vivifiera ? Car c’est elle qui meurt et se décompose, et non l’âme ou l’Esprit. Mourir, en effet, c’est perdre la manière d’être propre au vivant, devenir sans souffle, sans vie, sans mouvement, et se dissoudre dans les éléments dont on a reçu le principe de son existence. Or ceci ne peut arriver ni à l’âme, puisqu’elle est souffle de vie, ni à l’Esprit, puisqu’il n’est pas composé, mais simple, qu’il ne peut se dissoudre et qu’il est lui-même la vie de ceux qui participent à lui. La preuve est donc faite que c’est bien la chair qui subit la mort : une fois l’âme sortie, la chair devient sans souffle et sans vie et se dissout peu à peu dans la terre d’où elle a été tirée. C’est donc bien elle qui est mortelle. C’est également d’elle que l’Apôtre dit : " Il vivifiera aussi vos corps mortels. "

v. 20 : III, 55, 3 arg. 1 : La manifestation de la résurrection - Après sa résurrection, le Christ aurait-il dû continuer à vivre avec ses disciples ?

Objections : 1. Le Christ apparut à ses disciples après la résurrection pour leur donner la certitude de la foi en sa résurrection et apporter la consolation à leurs âmes troublées, d’après S. Jean (20, 20) : " Les disciples furent dans la joie à la vue du Seigneur. " Or, leur certitude et leur consolation auraient été bien plus grandes s’il leur avait offert une présence continuelle.

2. Le Christ ressuscité d’entre les morts n’est pas monté aussitôt au ciel, mais seulement " après quarante jours " (Ac 2, 3). Or, durant ce temps intermédiaire, il ne pouvait être mieux à sa place que là où ses disciples étaient tous rassemblés.

En sens contraire, S. Jean écrit que, " huit jours après ", le Christ apparut à ses disciples. Il n’a donc pas vécu continuellement avec eux.

Réponse : Au sujet de la résurrection du Christ, deux choses devaient être claires pour les disciples : la réalité même de la résurrection, et la gloire du ressuscité. Pour montrer la réalité de la résurrection, il a suffit qu’il leur apparaisse plusieurs fois, qu’il leur parle familièrement, qu’il mange et boive, et qu’il les invite à le toucher. C’est pour manifester la gloire du ressuscité, qu’il n’a pas voulu vivre continuellement avec eux, comme il l’avait fait jadis, car ils auraient pu croire qu’il était revenu à la même vie qu’auparavant. Aussi, d’après S. Luc (24, 44), leur dit-il : " Telles sont les paroles que je vous adressais lorsque j’étais encore avec vous. " Certes, il leur était maintenant présent corporellement ; jadis, outre cette présence corporelle, il avait avec eux une ressemblance : comme eux il était mortel. Aussi S. Bède commente-t-il ces paroles de la manière suivante : " Lorsque j’étais encore dans la chair mortelle en laquelle vous êtes. Il était, en effet, ressuscité dans la même chair, mais il n’avait plus leur mortalité. "

Solutions : 1. Les apparitions fréquentes du Christ suffisaient à rendre les disciples certains de la réalité de la résurrection ; mais une vie continuelle avec eux auraient pu les induire en erreur en leur faisant croire qu’il était revenu à la vie d’autrefois. Quant à la consolation que pouvait leur apporter sa présence continuelle, c’est pour une autre vie qu’il l’a promise par ces paroles conservées en S. Jean (16, 22) : " Je vous verrai de nouveau ; votre coeur se réjouira, et votre joie, personne ne vous l’enlèvera. "

2. Si le Christ n’a pas vécu continuellement avec ses disciples, ce n’est pas parce qu’il jugeait qu’il lui convenait mieux d’être ailleurs, mais parce qu’il estimait que cela était préférable pour instruire ses disciples, pour le motif que nous venons de dire. Quant aux lieux où il a pu se trouver corporellement durant çet intervalle, ils sont inconnus ; car la Sainte Ecriture ne nous fournit aucune donnée à ce sujet, et c’est en tout lieu que s’exerce sa domination.

v. 21 : LG 17 : Le caractère missionnaire de l’Eglise

Tout comme il a été envoyé par le Père, le Fils lui-même a envoyé ses Apôtres (cf. Io 20, 21) en disant : " Allez donc, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, leur apprenant à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la consommation des temps ". (Mt 28, 18-20). Ce solennel commandement du Christ d’annoncer la vérité du salut, l’Eglise l’a reçu des Apôtres pour en poursuivre l’accomplissement jusqu’aux extrémités de la terre (cf. Act 1, 8).

v. 22 : Trois chapitres (Constantinople II)

Blasphèmes de Théodore de Mopsuète : Il a osé dire qu’après la résurrection, quand le Seigneur soufflait sur les disciples en disant " Accipite Spiritum Sanctum ", il ne leur a pas donné l’Esprit, mais a seulement soufflé de façon figurée.

v. 22-23 : III, 3, 8 arg. 3 : Le mode d’union du Verbe incarné quant à la personne qui assume - Convenait-il à la personne du Fils, plutôt qu’à une autre personne divine, d’assumer la nature humaine ?

Objection 3. L’Incarnation est ordonnée à la rémission des péchés selon la parole (Mt 1, 21) : " Tu lui donneras le nom de Jésus, car il sauvera son peuple de leurs péchés. " Or la rémission des péchés est attribuée au Saint-Esprit, selon cette parole (Jn 20, 22) : " Recevez le Saint-Esprit : ceux à qui vous remettrez leurs péchés, ils leur seront remis. " S’incarner convenait donc à la personne du Saint-Esprit, plutôt qu’à celle du Fils.

En sens contraire, S. Jean Damascène écrit : " Dans le mystère de l’Incarnation ont été manifestées la sagesse et la puissance de Dieu ; sa sagesse, car il a su donner la solution la meilleure à la situation la plus difficile ; sa puissance, car d’un vaincu il a fait un vainqueur. " Mais la puissance et la sagesse appartiennent par appropriation au Christ, puisque S. Paul écrit (1 Co 1, 24) : " Le Christ puissance de Dieu et sagesse de Dieu. " Il était donc convenable que la personne du Fils s’incarnât.

Réponse : Il convenait parfaitement à la personne du Fils de s’incarner.

1° Du point de vue de l’union. Il convient que celle-ci se réalise entre semblables. Or la personne du Fils, qui est le Verbe de Dieu, possède une relation commune avec toute créature. Le verbe ou la conception de l’artiste, en effet, est l’image exemplaire de ses oeuvres. Aussi le Verbe de Dieu, qui est son concept éternel, est aussi l’image exemplaire de toute la création. Puisque, en participant de cette image, les créatures sont constituées dans leurs espèces propres, tout en étant changeantes et corruptibles, il était normal que, par l’union personnelle au Verbe, et non plus seulement par simple participation, la créature déchue soit restaurée dans sa relation à la perfection éternelle et immuable. En effet, c’est par le moyen de la forme idéale qui lui a fait réaliser son oeuvre que l’artisan restaure celle-ci, si elle s’est effondrée.

D’autre part, le Verbe de Dieu a un point de contact spécial avec la nature humaine, du fait qu’il est le concept de la Sagesse éternelle, de laquelle dérive toute sagesse humaine. C’est pourquoi le perfectionnement de l’homme dans la sagesse, en quoi se réalise sa perfection d’être raisonnable, se mesure à ce qu’il participe du Verbe de Dieu. C’est ainsi que le disciple s’instruit dans la mesure où il reçoit la parole du maître, expression de son verbe intérieur. De là cette parole de l’Ecclésiastique (1, 5 Vg) : " La source de la sagesse, c’est le Verbe de Dieu, au plus haut des cieux. " Il convenait donc, pour consommer la perfection de l’homme, que le Verbe de Dieu fût uni personnellement à la nature humaine.

2° On peut trouver un nouveau motif à cette convenance dans la fin de l’union hypostatique : cette fin, c’est l’accomplissement de la prédestination pour ceux qui ont été ordonnés d’avance à l’héritage céleste, dû seulement aux fils, selon S. Paul (Rm 8, 17) : " Si nous sommes fils, nous sommes aussi héritiers. " Il revenait donc à celui qui est le Fils naturel de Dieu de communiquer aux hommes une image de cette filiation par l’adoption divine, ainsi que l’Apôtre l’écrit au même chapitre (v. 29) : " Ceux qu’il a discernés d’avance, il les a aussi prédestinés à reproduire l’image de son Fils. "

3° On peut encore tirer une raison de convenance du péché de notre premier père, auquel vient remédier l’Incarnation. Le premier homme avait péché en désirant la science, comme il ressort des paroles mêmes du serpent lui promettant la science du bien et du mal. Il convenait donc qu’après s’être éloigné de Dieu par un désir déréglé de science, l’homme soit ramené à Dieu par le Verbe de la vraie sagesse.

Solution 3. Le propre de l’Esprit Saint, c’est d’être le don du Père et du Fils. Or, la rémission des péchés se fait par l’Esprit Saint en ce sens que, l’Esprit Saint nous étant donné par Dieu, nous sommes purifiés de nos fautes. Il est donc plus approprié, pour la justification de l’homme, que l’incarnation soit celle du Christ, qui nous donne l’Esprit Saint.

v. 23 : III, 84, 3 ad 3 : La pénitence en tant que sacrement - La forme de ce sacrement

Objection 3. Absoudre le péché ou remettre le péché, c’est la même chose. Or Dieu seul remet le péché, car lui seul aussi purifie l’homme intérieurement du péché, dit S. Augustin. Il semble donc que Dieu seul absolve du péché et que le prêtre ne doive pas dire : " Je t’absous " pas plus qu’il ne dit : " Je te remets tes péchés. "

En sens contraire, de même que le Seigneur a dit à ses disciples (Mt 28, 19) : " Allez, enseignez toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit ", ainsi a-t-il dit à Pierre (Mt 16, 19) : " Tout ce que tu délieras... " Or le prêtre, appuyé sur l’autorité de ces paroles du Christ, dit : " Je te baptise. " Il doit donc dire en vertu de la même autorité, dans le sacrement de pénitence : " Je t’absous. "

Réponse : En toute chose, l’achèvement est attribué à la forme. Or on a dit plus haut que ce sacrement trouvait son achèvement dans les actes du prêtre. Il faut donc que la contribution du pénitent, en paroles ou en actes, soit comme la matière du sacrement, et que les actes du prêtre y aient le rôle de forme. Et puisque les sacrements de la loi nouvelle produisent les effets qu’ils signifient, il faut que la forme signifie ce que fait le sacrement, conformément à la matière sacramentelle. Nous avons donc, pour le baptême, la forme : " Je te baptise ", et pour la confirmation, la forme : " Je te marque du signe de la croix et je te confirme avec le chrême du salut ", parce que ces sacrements s’achèvent dans l’usage de la matière sacramentelle. Quant au sacrement de l’eucharistie, qui consiste dans la consécration même de la matière, la vérité de cette consécration s’exprime dans ces paroles : " Ceci est mon corps. " Mais le sacrement de pénitence ne consiste pas dans la consécration d’une matière sanctifiée ; il consiste au contraire dans le rejet de cette sorte de matière qu’est le péché, selon la façon dont nous avons dit que le péché était matière de la pénitence. Or ce rejet est signifié par le prêtre quand il dit : " Je t’absous " (je te délie), car les péchés sont une sorte de lien, d’après les Proverbes (5, 22) : " Ses iniquités tiennent l’impie captif, et chacun est entravé par les liens de ses péchés. " Il est donc évident que cette forme du sacrement de pénitence : " Je t’absous ", est la plus appropriée.

Solution 3. Dieu seul absout du péché et remet le péché par son autorité. Cependant les prêtres font l’un et l’autre par manière de service, en tant que les paroles du prêtre agissent comme les instruments de la vertu divine, dans ce sacrement comme dans les autres ; car c’est la vertu divine qui opère intérieurement dans tous les signes sacramentels, qu’ils soient des actes ou des paroles. C’est pourquoi le Seigneur a fait mention et de l’absolution et de la rémission, quand il a dit à Pierre : " Tout ce que tu délieras sur la terre, etc. " et à ses disciples : " A qui vous remettrez les péchés, les péchés seront remis. " Cependant le prêtre dit : " Je t’absous " plutôt que : " Je te remets tes péchés " parce que cela s’accorde mieux avec les paroles du Seigneur proclamant le pouvoir des clés, en vertu duquel les prêtres absolvent.

Mais comme le prêtre n’est que ministre de l’absolution, il convient d’ajouter à la formule essentielle quelques paroles qui rappellent l’autorité première de Dieu, et de dire : " Je t’absous au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit " ou bien " par la vertu du Saint-Esprit ou de la passion du Christ " ou encore " par l’autorité de Dieu " comme l’explique Denys. Toutefois, cette précision n’étant pas tirée des paroles du Christ, comme pour le baptême, son emploi est laissé à la libre volonté du prêtre.

v. 23 : III, 84, 4, sc : La pénitence en tant que sacrement - L’imposition des mains est-elle requise au sacrement ?

En sens contraire, quand le Seigneur a dit à Pierre : " Tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans le ciel ", il n’a fait aucune mention de l’imposition des mains. Il ne l’a pas mentionnée davantage quand il a dit à tous les Apôtres (Jn 20, 23) : " A qui vous remettrez les péchés, les péchés seront remis. " Donc ce sacrement ne comporte pas l’imposition des mains.

Réponse : L’imposition des mains, dans les sacrements de l’Eglise, se fait pour indiquer la production d’une spéciale abondance de grâce qui, par une certaine assimilation, associe plus étroitement ceux qui reçoivent cette imposition des mains aux ministres de Dieu chez lesquels il doit y avoir une grâce plus abondante. C’est pour cela qu’on impose les mains dans le sacrement de confirmation, où est conférée la plénitude de l’Esprit Saint, et dans le sacrement de l’ordre qui confère un certain pouvoir supérieur sur les ministères divins, d’où ces paroles de S. Paul (2 Tm 1, 6) : " Tu ranimeras la grâce de Dieu qui est en toi par l’imposition de mes mains. " Or le sacrement de pénitence n’a pas été institué pour nous faire obtenir une grâce supérieure, mais pour nous débarrasser de nos péchés. C’est pourquoi il ne requiert pas l’imposition des mains, pas plus que le baptême, dans lequel cependant la rémission des péchés est plus entière.

vv. 22. 23 : Trente sess. VI, cap. 14 : De lapsis et eorum reparatione

Pour ceux qui sont tombés dans le péché après le baptême, le Christ Jésus a institué le sacrement de pénitence en disant : " Accipite Spiritum Sanctum ; quorum remiseritis peccata, remittuntur eis, et quorum retineritis, retenta sunt. " Il faut donc enseigner que la pénitence de l’homme chrétien après la chute est bien diverse de celle du baptême, et qu’elle est contenue non seulement dans la cessation du péché et leur détestation (le coeur contrit et humilié), mais dans la confession sacramentelle de ceux-ci, au moins en voeu, et à accomplir en son temps, dans l’absolution du prêtre, et dans la satisfaction pour la peine temporelle.