Les fonctions du diacre dans le ministère pastoral

(1 Tim 3, 8-10.12-13)

Audience générale du 13 octobre 1993

1. Le Concile Vatican II détermine la place qui, dans la ligne de la tradition la plus ancienne, est celle des diacres dans la hiérarchie ministérielle de l’Église : " A un degré inférieur de la hiérarchie, se trouvent les diacres auxquels on a imposé les mains "non pas en vue du sacerdoce, mais pour un ministère". En effet, soutenus par la grâce sacramentelle dans le ministère de la liturgie, de la prédication et de la charité, ils servent le peuple de Dieu, en communion avec l’évêque et son presbyterium " (LG, 9). La formule " non pas en vue du sacerdoce mais en vue du ministère " est reprise d’un texte de la Traditio Apostolica d’Hippolyte, mais le Concile la situe dans une perspective plus large. Dans ce texte ancien le " ministère " est déterminé comme " service de l’évêque " ; le Concile, lui, met l’accent sur le service du Peuple de Dieu. Ce sens fondamental du service diaconal avait déjà été souligné aux origines par saint Ignace d’Antioche, qui appelait les diacres " ministres de l’Église de Dieu ", les avertissant alors que, pour ce motif, ils étaient dans l’obligation de plaire à tous (cf. Ad Tral., 2, 3). Au cours des siècles, on a considéré que le diacre était non seulement un auxiliaire de l’évêque mais aussi au service de la communauté chrétienne.

2. Pour être admis à exercer leurs fonctions, les diacres reçoivent, avant l’ordination, les ministères de lecteurs et d’acolytes. La collation de ces deux ministères montre une double orientation essentielle dans les fonctions diaconales, comme l’explique la Lettre apostolique Ad pascendum de Paul VI (1972) : " Il y a une convenance particulière à ce que les ministères de lecteur et d’acolyte soient confiés à ceux qui, en tant que candidats à l’Ordre du diaconat ou du presbytérat, désirent se consacrer spécialement à Dieu et à l’Église. L’Église, en effet, parce qu’elle " ne cesse jamais de se nourrir du pain de la vie - tiré à la Table de la Parole de Dieu comme à celle du Corps du Christ - et de le présenter aux fidèles ", estime très opportun que les candidats aux Ordres sacrés, par l’étude comme par l’exercice progressif du ministère de la parole et de l’autel, connaissent et méditent dans un contact intime ce double aspect de la charge sacerdotale " (Ench. Vat., IV, 1781. Cf. DC 1972, n° 1617, p. 856.). Ces orientations valent non seulement pour la fonction sacerdotale mais pour la fonction diaconale.

3. Il faut rappeler que, avant le Concile Vatican II, le lectorat et l’acolytat étaient considérés comme des Ordres mineurs. Déjà en 252, le Pape Corneille, dans une lettre à un évêque, indiquait qu’il y avait sept degrés dans l’Église de Rome (cf. Eusèbe, Hist. eccl., VI, 43 : PG, 20, 622) : les prêtres, les diacres, les sous-diacres, les acolytes, les exorcistes, les lecteurs et les portiers. Dans la tradition latine, on admettait trois Ordres majeurs : le sacerdoce, le diaconat et le sous-diaconat ; et quatre Ordres mineurs : l’acolytat, l’exorcistat, le lectorat et la fonction de portier. C’était un ordonnancement de la structure ecclésiastique dû aux besoins des communautés chrétiennes au cours des siècles et déterminé par l’autorité de l’Église.

Avec le rétablissement du diaconat permanent, cette structure a été changée et, en ce qui concerne le domaine sacramentel, ramenée aux trois Ordres qui sont d’institution divine : le diaconat, le presbytérat et l’épiscopat. En effet, Paul VI, dans sa Lettre apostolique sur les ministères dans l’Église latine (1972), a supprimé – en plus de la " tonsure " qui marquait l’entrée dans l’état clérical – le sous-diaconat, dont les fonctions sont dévolues au lecteur et à l’acolyte. Il a maintenu le lectorat et l’acolytat, mais ceux-ci ne sont plus considérés comme des Ordres mais comme des ministères, et ils sont conférés non par une " ordination " mais par une " institution ". Ces ministères doivent être reçus par les candidats au diaconat et au presbytérat, mais ils sont aussi accessibles aux laïcs qui veulent assumer dans l’Église les seuls engagements qui y correspondent : le lectorat, comme office de lire la Parole de Dieu dans l’assemblée liturgique, à l’exception de l’Évangile, et d’assumer certaines fonctions (comme de diriger les chants, d’instruire les fidèles) ; et l’acolytat, institué pour aider le diacre et être servant du prêtre (cf. Ministeria quaedam, V, VI : Ench. Vat., IV, 1762-1763).

4. Le Concile Vatican II énumère les fonctions liturgiques et pastorales du diacre : " Administrer solennellement le Baptême, conserver et distribuer l’Eucharistie, assister au Mariage et le bénir au nom de l’Église, porter le Viatique aux mourants, donner lecture aux fidèles de la Sainte Écriture, instruire et exhorter le peuple, présider au culte et à la prière des fidèles, administrer les sacramentaux, diriger le rite des funérailles et de la sépulture " (LG, 29).

Le Pape Paul VI, dans Sacrum diaconatus ordinem (n. 22, 10 : Ench. Vat., II, 1392), a décidé en outre que le diacre peut " guider légitimement, au nom du curé ou de l’évêque, les communautés chrétiennes dispersées ". C’est une fonction missionnaire à exercer dans les territoires, les milieux, les couches sociales, les groupes, où le prêtre est absent ou difficile à rejoindre. Spécialement dans les lieux où aucun prêtre n’est disponible pour célébrer l’Eucharistie, le diacre réunit et dirige la communauté dans une célébration de la Parole, avec distribution des Saintes Espèces, dûment conservées. C’est une fonction de suppléance que le diacre exerce par mandat ecclésial quand il s’agit de remédier au petit nombre des prêtres. Mais cette suppléance, qui ne peut jamais être complètement une substitution, rappelle aux communautés privées de prêtres l’urgence de prier pour les vocations sacerdotales et de s’efforcer de les favoriser comme un bien commun pour l’Église et pour elles-mêmes. Le diacre doit lui aussi promouvoir cette prière.

5. Toujours selon le Concile, les fonctions attribuées au diacre ne peuvent diminuer le rôle des laïcs appelés et disposés à collaborer avec la hiérarchie dans l’apostolat. Au contraire, parmi les tâches du diacre, on trouve celle de " promouvoir et soutenir les activités apostoliques des laïcs ". En tant qu’il est davantage présent et inséré que le prêtre dans les contextes et les structures séculiers, il doit se sentir encouragé à favoriser le rapprochement entre le ministère ordonné et les activités des laïcs, dans un commun service du Royaume de Dieu.

Une autre fonction du diacre est la fonction caritative, qui comporte aussi un utile service dans l’administration des biens et dans les œuvres de charité de l’Église. En ce domaine, les diacres ont pour fonction d’ " exercer, au nom de la hiérarchie, les devoirs de la charité et de l’administration, ainsi que les œuvres de service social " (Paul VI, Sacrum diaconatus ordinem, 22, 9 : Ench. Vat., II, 1392).

À cet égard, le Concile leur adresse une recommandation qui découle de la plus ancienne tradition de la communauté chrétienne : " Consacrés aux offices de charité et d’administration, les diacres ont à se souvenir de l’avertissement de saint Polycarpe : "être miséricordieux, zélés, marcher selon la vérité du Seigneur qui s’est fait le serviteur de tous" " (LG, 9 ; cf. Ad Phil., 5, 2, éd. Funk, I, p. 300).

6. Toujours selon le Concile, le diaconat semble particulièrement utile dans les jeunes Églises. Aussi le Décret Ad gentes établit-il : " Là où les Conférences épiscopales le jugeront opportun, l’Ordre du diaconat devra être rétabli comme état de vie permanent, selon les dispositions de la Constitution sur l’Église. Il est utile, en effet, que les hommes qui de fait exercent le ministère du diacre, soit parce qu’ils prêchent la Parole de Dieu comme catéchistes, soit parce que, au nom du curé et de l’évêque, ils sont à la tête de communautés chrétiennes éloignées, soit parce qu’ils exercent leur charité dans les œuvres sociales ou caritatives, soient confirmés et établis par l’imposition des mains, qui est la tradition apostolique, et soient plus étroitement unis à l’autel, pour pouvoir s’acquitter de leur ministère avec plus de fruit, avec l’aide de la grâce sacramentelle du diaconat " (AG, 16).

On sait que, là où l’action missionnaire a fait surgir de nouvelles communautés chrétiennes, les catéchistes jouent souvent un rôle essentiel. En de nombreux endroits, ce sont eux qui animent la communauté, l’instruisent, la font prier. L’Ordre du diaconat peut les confirmer dans la mission qu’ils exercent, par une consécration plus officielle et un mandat conféré plus expressément par l’autorité de l’Église par l’octroi d’un sacrement : par celui-ci, outre la participation à la source de tout apostolat, qui est la grâce du Christ Rédempteur répandue dans l’Église par l’Esprit Saint, on reçoit un caractère indélébile qui configure le chrétien d’une manière spéciale au Christ " qui s’est fait "Diacre", c’est-à-dire le serviteur de tous " (Catéchisme de l’Église catholique, n. 1570).

(*) Texte italien dans l’Osservatore Romano du 14 octobre.