Décret " PRESBYTERORUM ORDINIS "

NOTE PRELIMINAIRE

 

On a mis en italique dans la traduction deux éléments différents :

 

1 -- Tout ce qui est biblique, c’est-à-dire les citations explicites et littérales (entre guillemets dans le texte, référence incorporée au texte), mais aussi les reprises de formules bibliques dont la référence est en note dans la rédaction définitive avec un " cf. " 1. Il s’agit en général de reprises presque littérales de formules scripturaires, mais dont l’incorporation au texte a demandé une légère modification grammaticale (personne des verbes, cas des substantifs, etc.). Pour tous ces textes, et à l’exception des cas où le contexte du décret obligeait à une retouche (exégétiquement justifiée), nous avons utilisé la traduction du Lectionnaire latin-français et, à son défaut, celle de la Bible de Jérusalem.

2 -- Le mot prêtre chaque fois qu’il correspond dans le latin à sacerdos et non à presbyter, ce qui se produit dans une vingtaine de cas. Le contexte (et la réponse aux modi) montre que le choix est intentionnel (avec deux ou trois inconséquences, p. ex. §21) : il s’agit dans ces cas de formules qui concernent à la fois les évêques et les prêtres. Quand il s’agit du Christ, il y a évidemment " Sacerdos " et nous avons écrit " Christ Prêtre " avec majuscule et sans italiques. Les citations (littérales ou incorporées, cf. ci-dessus) du Pontifical Romain (ordination des prêtres) sont assez nombreuses ; nous avons utilisé dans tous les cas (sauf impossibilité due au contexte) la traduction Jounel, qui a été provisoirement approuvée par l’Épiscopat pour les parties de l’ordination qui se font en langue populaire ; nous y avons renvoyé systématiquement en note. Nous avons ajouté aux notes (toujours entre crochets) des indications de traduction française : pour les documents conciliaires et pontificaux (Documentation Catholique)2, les citations du Pontifical (cf. ci-dessus) et pour les textes patristiques cités in extenso dont une traduction française nous était accessible (sur ce dernier point un certain arbitraire intervient donc).

1. Nous avons traité de la même manière quelques allusions bibliques évidentes, dont la référence n’est pas indiquée.

2. Le cas échéant, nous avons remplacé les références à la Documentation catholique par des références aux pages de notre ouvrage. (Note des éditeurs.)

PREAMBULE

1. Plusieurs fois déjà, ce saint Concile a rappelé à tous l’importance de l’ordre des prêtres dans l’Église 3. Cet ordre joue, dans le renouveau de l’Église du Christ, un rôle essentiel, mais aussi de plus en plus difficile : d’où l’utilité de ce décret qui parle des prêtres de manière plus détaillée et plus approfondie. Il concerne tous les prêtres, spécialement ceux qui exercent une charge pastorale ; en ce qui concerne les prêtres religieux, on fera les adaptations qui s’imposent.

Par l’ordination et la mission reçue des évêques, les prêtres sont mis au service du Christ Docteur, Prêtre et Roi ; ils participent à son ministère, qui, de jour en jour, construit ici-bas l’Église pour qu’elle soit Peuple de Dieu, Corps du Christ, Temple du Saint-Esprit. Dans une situation pastorale et humaine souvent en pleine mutation, il fallait les aider plus efficacement dans leur ministère et mieux prendre en charge leur vie. C’est pourquoi ce saint Concile déclare et décide ce qui suit.

 

3. Concile Vatican II, Const. Sacrosanctum Concilium sur la liturgie, 4 déc. 1963 : AAS 56 (1964), p. 97 ss [p. 121 ss] ; Const. dogm. Lumen gentium, 21 nov. 1964 : AAS 57 (1965), p. 5 ss [p. 15 ss] ; Décret Christus Dominus sur la fonction pastorale des évêques dans l’Église, 28 oct. 1965 : AAS 58 (1966), p. 673 ss [p. 273 ss] ; Décret Optatam totius sur la formation des prêtres, 28 oct. 1965 : AAA 58 (1966), p. 713 ss [p. 351 ss].

 

Chapitre premier : LE PRESBYTÉRAT DANS LA MISSION DE L’ÉGLISE

2. (Nature du presbytérat)

Le Seigneur Jésus, " que le Père a sanctifié ; et envoyé dans le monde " (Jn 10, 36), fait participer tout son Corps mystique à l’onction de l’Esprit qu’il a reçue 1 : en lui, tous les chrétiens deviennent un sacerdoce saint et royal, offrant des sacrifices spirituels à Dieu par Jésus-Christ, et proclament les hauts faits de Celui qui les a appelés des ténèbres à son admirable lumière 2. Il n’y a donc aucun membre qui n’ait sa part dans la mission du Corps tout entier ; il n’y en a aucun qui ne doive sanctifier Jésus dans son cœur 3 et rendre témoignage à Jésus par l’esprit de prophétie 4.

Mais le même Seigneur, voulant faire des chrétiens un seul corps, où " tous les membres n’ont pas la même fonction " (Rom. 12, 4), a établi parmi eux des ministres qui, dans la communauté des chrétiens, seraient investis par l’Ordre du pouvoir sacré d’offrir le Sacrifice et de remettre les péchés 5, et y exerceraient publiquement pour les hommes au nom du Christ la fonction sacerdotale. C’est ainsi que le Christ a envoyé les Apôtres comme le Père l’avait envoyé 6. puis, par les Apôtres eux-mêmes, il a fait participer à sa consécration et à sa mission les évêques, leurs successeurs 7, dont la fonction ministérielle a été transmise aux prêtres à un degré subordonné 8 : ceux-ci sont donc établis dans l’ordre du presbytérat, pour être les coopérateurs de l’ordre épiscopal 9 dans le bon accomplissement de la mission apostolique confiée par le Christ.

La fonction des prêtres, en tant qu’elle est unie à l’ordre épiscopal, participe à l’autorité par laquelle le Christ lui-même construit, sanctifie et gouverne son Corps. C’est pourquoi le sacerdoce des prêtres, s’il repose sur les sacrements de l’initiation chrétienne, est cependant conféré au moyen d’un sacrement particulier qui, par l’onction du Saint-Esprit, les marque d’un caractère spécial, et les configure ainsi au Christ Prêtre pour les rendre capables d’agir au nom du Christ Tête en personne 10. Participant, pour leur part, à la fonction des Apôtres, les prêtres reçoivent de Dieu la grâce qui les fait ministres du Christ Jésus auprès des nations, assurant le service sacré de l’Évangile, pour que les nations deviennent une offrande agréable, sanctifiée par l’Esprit-Saint 11. En effet, l’annonce apostolique de l’Évangile convoque et rassemble le Peuple de Dieu afin que tous les membres de ce peuple, étant sanctifiés par l’Esprit-Saint, s’offrent eux-mêmes en " victime vivante, sainte, agréable à Dieu " (Rom. 12, 1).

Mais c’est par le ministère des prêtres que se consomme le sacrifice spirituel des chrétiens, en union avec le sacrifice du Christ, unique médiateur, offert au nom de toute l’Église dans l’Eucharistie par les mains des prêtres, de manière sacramentelle et non sanglante, jusqu’à ce que vienne le Seigneur lui-même 12. C’est là qu’aboutit leur ministère, c’est là qu’il trouve son accomplissement : commençant par l’annonce de l’Évangile, il tire sa force et sa puissance du Sacrifice du Christ et il aboutit à ce que " la Cité rachetée tout entière, c’est-à-dire la société et l’assemblée des saints, soit offerte à Dieu comme un sacrifice universel par le Grand Prêtre qui est allé jusqu’à s’offrir pour nous dans sa Passion, pour faire de nous le Corps d’une si grande Tête " 13. Ainsi donc, la fin que les prêtres poursuivent dans leur ministère et dans leur vie, c’est de rendre gloire à Dieu le Père dans le Christ. Et cette gloire, c’est l’accueil, conscient, libre et reconnaissant, des hommes à l’œuvre de Dieu accomplie dans le Christ ; c’est le rayonnement de cette ouvre à travers toute leur vie. Ainsi, dans les temps de prière et d’adoration comme dans l’annonce de la Parole, dans l’offrande du sacrifice eucharistique ou l’administration des autres sacrements comme dans les différents ministères exercés au service des hommes, les prêtres contribuent à la fois à faire grandir la gloire de Dieu et à faire avancer les hommes dans la vie divine.

Tout cela découle de la Pâque du Christ, tout cela s’achèvera dans le retour glorieux du Seigneur, quand il remettra la royauté à Dieu le Père 14.

1. Cf. Mt. 3, 16 ; Lc 4, 18 ; Act. 4, 27 ; 10, 38.

2. Cf. I Petr. 2, 5 et 9.

3. Cf. I Petr. 3, 15.

4. Cf. Apoc. 19, 10 ; Concile Vatican II, Const. dogm. Lumen gentium (21 nov. 1964), n. 35 : AAS 57 (1965), p. 40-41 [p. 60-61].

5. Concile de Trente, Sess. 23, ch. I et can. I : Denz. 957 et 961 (1764 et 1771) [trad. G. Dumeige, La Foi catholique, Paris 1960, n. 892 et 899].

6. Cf. Jn 20. 21 ; Concile Vatican II, Const. dogm. Lumen gentium. 21 nov. 1964, n. 18 : AAS 57 (1965), pp. 21-22 [p. 39].

7. Cf. Concile Vatican II, Const. dogm. Lumen gentium, 21 nov. 1964, n. 28 : AAS 57 (1965), pp. 33-36 [pp. 52-54].

8. Cf. ibid.

9. Cf. Pontifical Romain, Préface consécratoire des prêtres [trad. P. Jounel, Les ordinations, Paris-Tournai 1963, p. 105]. Ces paroles se trouvent déjà dans le Sacramentaire de Vérone (éd. L.C. Möhlberg, Rome 1956, p. 122) ; également dans le Missel des Francs (éd. L.C. Möhlberg, Rome 1957, p. 9), dans le Livre des Sacrements de l’Église romaine (éd. L.C. Möhlberg, Rome 1960, p. 25) et dans le pontifical Romano-germanique (éd. Vogel-Elze, Cité du Vatican 1963, t. I, p. 34).

10. Cf. Concile Vatican II, Const. dogm. Lumen gentium, 21 nov. 1964, n. 10 : AAS 57 (1965), p. 14-15 [p. 29-30].

11. Cf. Rom. 15, 16 (texte grec).

12. Cf. I Cor. I 1.26.

13. St Augustin, Cité de Dieu. 10, 6 : PI 41, 284 [trad. G. Combès, Biblioth. august., t. 34, Paris 1959, p. 4471].

14. Cf. 1 Cor. 15, 24.

3. (Condition des prêtres dans le monde)

Pris du milieu des hommes et établis en laveur des hommes. dans leurs relations avec Dieu, afin d’offrir des dons et des sacrifices pour les péchés 15, les prêtres vivent avec les autres hommes comme avec des frères. C’est ce qu’a fait le Seigneur Jésus : Fils de Dieu, Homme envoyé aux hommes par le Père, il a demeuré parmi nous et il a voulu devenir en tout semblable à ses frères, à l’exception cependant du péché 16. Et déjà, il a été imité par les saints Apôtres : saint Paul, docteur des nations, " mis à part pour l’Évangile de Dieu " (Rom. 1,1), atteste qu’il s’est fait tout à tous afin de les sauver tous 17. Par leur vocation et leur ordination les prêtres de la Nouvelle Alliance sont, d’une certaine manière, mis à part au sein du Peuple de Dieu ; mais ce n’est pas pour être séparés de ce peuple, ni d’aucun homme quel qu’il soit ; c’est pour être totalement consacrés à l’œuvre à laquelle le Seigneur les appelle 18. Ils ne pourraient être ministres du Christ s’ils n’étaient témoins et dispensateurs d’une vie autre que la vie terrestre, mais ils ne seraient pas non plus capables de servir les hommes s’ils restaient étrangers à leur existence et à leurs conditions de vie 19. Leur ministère même exige, à un titre particulier, qu’ils ne prennent pas modèle sur le monde présent 20 et, en même temps, il réclame qu’ils vivent dans ce monde au milieu des hommes, que, tels de bons pasteurs, ils connaissent leurs brebis et cherchent à amener celles qui ne sont pas de ce bercail, pour qu’elles aussi écoutent la voix du Christ, afin qu’il y ait un seul troupeau, un seul pasteur 21.

Pour y parvenir, certaines qualités jouent un grand rôle, celles qu’on apprécie à juste titre dans les relations humaines, comme la bonté, la sincérité, la force morale, la persévérance, la passion pour la justice, la délicatesse, et d’autres qualités encore, celles que l’apôtre Paul recommande quand il dit : " Tout ce qu’il y a de vrai, d’honorable, tout ce qui est juste, pur, digne d’être aimé, tout ce qui est de bonne réputation, vertueux et digne d’éloges, faites-en l’objet de vos pensées’ " (Phil. 4, 8) 22.

15. Cf. Hébr. 5, 1.

16. Cf. Hébr. 2.17 ; 4.15

17. Cf. 1 Cor. 9. 19-23 (Vulgate).

18. Cf. Act. 13, 2.

19. " Ce zèle de progrès spirituel et moral trouve un stimulant de plus en plus fort dans les conditions même extérieures où se déroule la vie de l’Église. Celle-ci ne saurait demeurer inerte et indifférente aux changements du monde qui l’environne et qui, de mille manières, influence sa conduite pratique et la soumet à certaines conditions. L’Église, on le sait, n’est point séparée du monde, elle vit dans le monde. Les membres de l’Église subissent l’influence du monde ; ils en respirent la culture, en acceptent les lois et en adoptent les mœurs. Ce contact intime avec la société temporelle crée pour l’Église une situation toujours pleine de problèmes ; aujourd’hui, ceux-ci sont particulièrement aigus {...). Voici comment saint Paul éduquait les chrétiens de la première génération : " Ne formez pas avec les infidèles d’attelage disparate. Quel rapport, en effet, entre la justice et l’impiété ? Quelle union entre la lumière et les ténèbres ? ou quelle association entre le fidèle et l’infidèle ? " (2 Cor. 6. 14-15).

La pédagogie chrétienne devra toujours rappeler à son élève des temps modernes cette condition privilégiée et le devoir qui en découle de vivre dans le monde sans être du monde, selon le souhait rappelé ci-dessus, que Jésus formait pour ses disciples : " Je ne te prie pas de les retirer du monde, mais de les garder du mal. Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde " (Jn 17. 15-16). Et l’Église fait sien ce même souhait. Mais cette distinction d’avec le monde n’est pas une séparation. Bien plus. elle n’est pas indifférence, ni crainte, ni mépris. Quand l’Église se distingue de l’humanité, elle ne s’oppose pas à elle, au contraire. elle s’y unit. " (Paul VI, Encyclique Ecclesiam suam, 6 août 1964, n. 44, 64. 65 : AAS 56 (1964), p. 627 et 638) [DC 6 sept. 1964. col. 1070 et 1078].

20. Cf. Rom. 12, 2. 21. Cf. In 10, 14-16.

21. Cf. Jn 10. 14-16.

22. Cf. St Polycarpe, Épître aux Philippiens, VI, I : " Les presbytres, eux aussi, doivent être compatissants, miséricordieux envers tous ; qu’ils ramènent les égarés, qu’ils visitent tous les malades, sans négliger la veuve, l’orphelin, le pauvre ; mais " qu’ils pensent toujours à faire le bien devant Dieu et devant les hommes " [Pr. 3, 4 : cf. Rem. 12. 17 ; 2 Cor. 8. 21] ; qu’ils s’abstiennent de toute colère, acception de personne, jugement injuste ; qu’ils se tiennent éloignés de l’amour de l’argent, qu’ils ne croient pas trop vite du mal de quelqu’un et ne soient pas raides dans leurs jugements ; sachant que nous sommes tous débiteurs du péché " (éd. F.X. Funk, Patres Apostolici, I, p. 273) [trad. P. Th. Camelot, dans Les Écrits des Pères apostoliques, Paris 1963, p. 211-212].

 

Chapitre deuxième : LE MINISTERE DES PRETRES

Partie 1 : FONCTIONS DES PRETRES

4. (Les prêtres, ministres de la Parole de Dieu)

Le peuple de Dieu est rassemblé d’abord par la Parole du Dieu vivant 1 qu’il convient d’attendre tout spécialement de la bouche des prêtres 2. Et, puisque nul ne peut être sauvé sans avoir d’abord cru 3, les prêtres, comme coopérateurs des évêques, ont pour première fonction d’annoncer l’Évangile de Dieu à tous les hommes 4 ; ils exécutent ainsi l’ordre du Seigneur : " Allez par le monde entier, prêchez l’Évangile à toute la création " (Mc 16-15) 5, et ainsi ils font naître et grandir le peuple de Dieu. C’est la parole de salut qui éveille la foi dans le cœur des non-chrétiens, et qui la nourrit dans le cœur des chrétiens ; c’est elle qui donne naissance et croissance à la communauté des chrétiens ; comme le dit l’Apôtre : " La loi vient de ce qu’on entend, ce qu’on entend vient par la parole du Christ " (Rom. 10. 17). Ainsi les prêtres se doivent à tous les hommes : ils ont à leur faire partager la vérité de l’Évangile 6 dont le Seigneur les fait bénéficier.

Soit donc qu’ils aient parmi les païens une belle conduite pour les amener à glorifier Dieu 7, soit qu’ils prêchent ouvertement pour annoncer aux incroyants le mystère du Christ, soit qu’ils transmettent l’enseignement chrétien ou exposent la doctrine de l’Église, soit qu’ils étudient à la lumière du Christ les problèmes de leur temps, dans tous les cas il s’agit pour eux d’enseigner, non pas leur propre sagesse, mais la parole de Dieu, et d’inviter tous les hommes avec insistance à la conversion et à la sainteté 8.

Cette prédication sacerdotale, dans l’état actuel du monde, est souvent très difficile : si elle veut vraiment atteindre l’esprit des auditeurs, elle ne doit pas se contenter d’exposer la parole de Dieu de manière générale et abstraite, mais elle doit encore appliquer la vérité permanente de l’Évangile aux circonstances concrètes de la vie. Il y a donc bien des manières d’exercer le ministère de la parole, selon les besoins différents des auditeurs et !es charismes des prédicateurs. Dans les pays ou les milieux non chrétiens, c’est par l’annonce de l’Évangile que les hommes sont conduits à la foi et aux sacrements du salut 9 ; dans la communauté chrétienne elle-même, surtout pour ceux qui peuvent manquer de foi ou d’intelligence à l’égard de ce qu’ils pratiquent, la proclamation de la parole est indispensable au ministère sacramentel lui-même, puisqu’il s’agit des sacrements de la foi, et que celle-ci a besoin de la Parole pour naître et se nourrir 10. Cela vaut spécialement pour la liturgie de la Parole dans la célébration de la Messe, où sont inséparablement unies l’annonce de la mort et de la résurrection du Seigneur, la réponse du peuple qui l’écoute, l’oblation même du Christ scellant en son Sang la Nouvelle Alliance, et la communion des chrétiens à cette oblation par la prière et la réception du sacrement 11.

1. Cf. 1 Petr. 1, 23 ; Act. 6, 7 ; 12, 24. Les Apôtres " ont prêché la Parole de vérité et ils ont engendré les Églises " (St Augustin, In Ps., 44, 23 : PL 36, 508) [trad, éd. Vivès, t. XII, p. 374].

2. Cf. Mal. 2, 7 ; 1 Tim. 4, 11-13 ; 2 Tim. 4, 5 ; Tit. 1, 9.

3. Cf. Mc 16, 16.

4. Cf. 2 Cor. 11, 7. Ce qui est dit des évêques vaut aussi des prêtres en tant qu’ils sont coopérateurs des évêques. Cf. Statuta Ecclesiae Antiqua, c. 3 (éd. Ch. Munier, Paris 1960, p. 79) ; Décret de Gratien, C. 6, D. 88 (Friedberg, I, 307) ; Concile de Trente, Décr. De Reform. Sess. 5, c. 2. n. 9 (Conc. Oec. Decreta, éd. Herder, Reine 1962, p. 645) ; Sess. 24, ch. 4 (p. 739) ; Concile Vatican II, Const. dogm. Lumen gentium, 21 nov. 1964, n. 25 : AAS 57 (1965), pp. 29-31 [pp. 47-49].

5. Cf. Constitutions Apostoliques, II, 26, 7 : " (Que les prêtres) soient docteurs de la science de Dieu, puisque le Seigneur lui-même nous l’a commandé en disant : Allez, enseignez, etc. " (éd. F.X. Funk, Didascalia et Constitutiones Apostolorum, I, Paderborn 1905, p. 105). — Sacramentaire Léonien et autres sacramentaires jusqu’au Pontifical Romain, Préface consécratoire des prêtres : " Cette même providence, Seigneur, a associé aux apôtres de ton Fils, comme adjoints, des docteurs de la foi ; et par la voix de ces prédicateurs d’une dignité .secondaire, ils ont rempli l’univers " [trad. Jounel. Les ordinations. Paris-Tournai 1963, p. 104-105]. – Liber Ordinum de la liturgie mozarabe. Préface de l’ordination des prêtres : " Docteur du peuple, chef des sujets de l’Église qu’il maintienne dans l’ordre de la foi catholique et qu’il annonce à tous le véritable salut " (éd. M. Férotin. Le Liber Ordinum en usage dans l’Église Wisigothique et Mozarabe d’Espagne : Monumenta Ecclesiae Liturgica. vol. V. Paris 1904. col. 55. lin. 4-6.

6. Cf. Gal. 2. 5.

7. Cf. I Petr. 2. 12.

8. Cf. le rite d’ordination des prêtres de la liturgie jacobite d’Alexandrie : " Rassemble ton peuple autour de la parole d’enseignement. comme une mère qui caresse ses nourrissons " (H. Denzinger. Ritus Orientalium, t. II. Würzburg 1863, p. 141.

9. Cf. Mt 28. 19 ; Mc 16. 16 ; Tertullien, De baptismo, 14. 2 (Corpus Christianorum, Series latina. I. p. 289. 11-13) ; St Athanase, Discours 40 contre les Ariens, 2, 42 (PG 26, 237 A-B) ; St Jérôme, Sur Mt. 28, 19 (PL 26 226D) : " Ils enseignent d’abord toutes les nations, puis ils plongent dans l’eau ceux qu’ils ont enseignés. Car il n’est pas possible que le corps reçoive le sacrement de baptême si l’âme n’a pas d’abord reçu la vérité de la foi " ; St Thomas d’Aquin, In Iam Decretalem § 1 : " Quand il les a envoyés prêcher, notre Sauveur a donné trois commandements à ses disciples. Premièrement. d’enseigner la foi ; deuxièmement. de donner les sacrements à ceux qui croiraient " (éd. Marietti. Opuscula Theologica. Taurini-Romae 1954, 1138).

10. Cf. Concile Vatican II. Const. Sacrosanctum Concilium sur la liturgie, 4 déc. 1963, n. 35, 2 : AAS 56 (1964). p. 109 [p. 139].

11. Cf. ibid., n. 33, 35, 48, 52 (pp. 108-109, 113, 114) [pp. 138-139. 143, 144].

5. (Les prêtres, ministres des sacrements et de l’Eucharistie)

Dieu, le seul Saint, le seul Sanctificateur, a voulu s’associer des hommes comme collaborateurs et humbles serviteurs de cette œuvre de sanctification. Ainsi, par le ministère de l’évêque, Dieu consacre des prêtres qui participent de manière spéciale au sacerdoce du Christ, et agissent dans les célébrations sacrées comme ministres de Celui qui, par son Esprit, exerce sans cesse pour nous, dans la liturgie, sa fonction sacerdotale 12.

Par le baptême, ils font entrer les hommes dans le peuple de Dieu ; par le sacrement de Pénitence, ils réconcilient les pécheurs avec Dieu et avec l’Église ; par l’onction des malades, ils soulagent ceux qui souffrent ; et, surtout, par la célébration de la Messe, ils offrent sacramentellement le sacrifice du Christ. Et chaque fois qu’ils célèbrent un de ces sacrements — comme l’attestait déjà, aux premiers temps de l’Église, saint Ignace d’Antioche 13 —, les prêtres sont, de diverses manières, hiérarchiquement rattachés à l’évêque, assurant ainsi en quelque sorte sa présence dans chacune des communautés chrétiennes 14.

Or, les sacrements, ainsi que tous les ministères ecclésiaux et les tâches apostoliques, sont tous liés à l’Eucharistie et ordonnés à elle 15. Car la sainte Eucharistie contient tout le trésor spirituel de l’Église 16, c’est-à-dire le Christ lui-même, lui notre Pâque, lui le pain vivant, lui dont la chair, vivifiée par l’Esprit-Saint et vivifiante, donne la vie aux hommes, les invitant et les conduisant à offrir, en union avec lui, leur propre vie, leur travail, toute la création. On voit donc alors comment l’Eucharistie est bien la source et le sommet de toute l’évangélisation : tandis que les catéchumènes sont progressivement conduits à y participer, les chrétiens, déjà marqués par le baptême et la confirmation, trouvent en recevant l’Eucharistie leur insertion plénière dans le Corps du Christ.

Ainsi, c’est l’assemblée eucharistique qui est le centre de la communauté chrétienne présidée par le prêtre. Les prêtres apprennent donc aux chrétiens à offrir la victime divine à Dieu le Père dans le sacrifice de la Messe, et à faire avec elle l’offrande de leur vie ; dans l’esprit du Christ Pasteur, ils les éduquent à soumettre leurs péchés à l’Église avec un cœur contrit dans le sacrement de Pénitence. pour se convertir de plus en plus au Seigneur, se souvenant de ses paroles : " Repentez-vous, car le royaume des cieux est tout proche " (Mt. 4. 17). De même, ils leur apprennent à participer aux célébrations liturgiques de manière à pouvoir y prier sincèrement ; ils les guident, suivant les grâces et les besoins de chacun. à approfondir sans cesse leur esprit de prière pour en imprégner toute leur vie : ils donnent à tous le désir d’être fidèles à leurs devoirs

d’état et aux plus avancés celui de pratiquer les conseils de l’Évangile d’une manière adaptée à chacun. Bref, ils instruisent les chrétiens à célébrer le Seigneur de tout cœur par des hymnes et des chants spirituels, rendant grâces en tout temps pour toutes choses au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ à Dieu, le Père 17.

La louange et l’action de grâce qui s’expriment quand les prêtres célèbrent l’Eucharistie s’étendent aux différentes heures de la journée quand ils s’acquittent de l’Office divin, où ils prient Dieu au nom de l’Église pour tout le peuple qui leur est confié, bien plus, pour le monde entier.

Quant à la maison de prière où l’Eucharistie est célébrée et conservée, où les fidèles se rassemblent, où la présence du Fils de Dieu notre Sauveur, offert pour nous sur l’autel du sacrifice, est honorée pour le soutien et le réconfort des chrétiens, cette maison doit être belle et adaptée à la prière et aux célébrations liturgiques 18. Les pasteurs et les chrétiens sont invités à venir y manifester leur réponse reconnaissante au don de Celui qui, sans cesse, par son humanité, répand la vie divine dans les membres de son Corps 19. Les prêtres doivent veiller à cultiver comme il se doit la science et l’art liturgiques, pour que leur ministère liturgique permette aux communautés chrétiennes qui leur sont confiées de louer toujours plus parfaitement Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit.

12. Cf. ibid., n. 7 (p. 100-101) [DC, col. 1637-1638] ; Pie XII, Encyclique Mystici Corporis, 29 juin 1943 : AAS 35 (1943). p. 230.

13. St Ignace d’Antioche, Épître aux Smyrniotes, 8. I-2 (éd. F. X. Funk. p. 240) [trad. P. Th. Camelot. dans Les Écrits des Pères apostoliques, Paris 1963, p. 191-192] ; Constitutions Apostoliques, VIII, 12, 3 (éd. F. X. Funk. p. 496) ; VIII. 29. 2 (ibid. p. 532).

14. Cf. Concile Vatican II. Const. dogm. Lumen gentium, 21 nov. 1964, n. 28 : AAS 57 (1965), pp. 33-36 [pp. 52-54].

15. " L’Eucharistie est comme la consommation de la vie spirituelle et la fin de tous les sacrements " (St Thomas, Somme Théol., III, q. a. 3c) [trad. Revue des Jeunes. Eucharistie 1. Paris-Tournai 1960, p. 231 : cf. S. Théol., III. q. 65. a. 3.

16. Cf. St Thomas, Somme Théol., III. q. 65. a. 3, ad 1 : q. 79. a. 1. c. et ad I.

17. Cf. Eph. 5, 19-20.

18. Cf. St Jérôme, Lettres, 114, 2 : " Les calices sacrés, les saints voiles et tout le reste qui se rapporte au culte de la Passion du Seigneur... associés qu’ils sont au Corps et au Sang du Seigneur, doivent être vénérés avec la même révérence que son Corps et son Sang " (PL 22, 934) [trad. J. Labourt, l. VI. Paris 1958. p. 44-45]. Voir Concile Vatican II. Const. Sacrosanctum Concilium sur la liturgie, 4 déc. 1963, n. 122-127 : AAS 56 (1964), pp. 1311-132 [pp. 163-165].

19. " Qu’au cours de la journée, les fidèles ne négligent point de rendre visite au Saint-Sacrement, qui doit être conservé dans l’église en un endroit très digne, avec le plus d’honneur possible, selon les lois liturgiques. Car la visite est, envers le Christ notre Seigneur présent en ce lieu, une marque de gratitude, un gage d’amour et un hommage de l’adoration qui lui est due " (Paul VI, Encyclique Mysterium Fidei, 3 sept. 1965 : AAS 57 (1965), p. 771) [DC 3 oct. 1965, col. 1648-1649, n. 66].

6. (Les prêtres, chefs du peuple de Dieu)

Les prêtres exercent, à leur niveau d’autorité, la fonction du Christ Tête et Pasteur : au nom de l’évêque, ils réunissent la famille de Dieu, la communauté des frères qu’habite un dynamisme d’unité, et ils la conduisent par le Christ dans l’Esprit, vers Dieu le Père 20. Pour exercer ce ministère, comme pour les autres fonctions du prêtre, ils reçoivent un pouvoir spirituel, qui leur est donné pour construire l’Église 21. Dans cette œuvre de construction, la conduite des prêtres, à l’exemple de celle du Seigneur, doit être extrêmement humaine envers tous les hommes. Ce n’est pourtant pas selon ce qui plaît aux hommes 22, mais selon les exigences de la doctrine et de la vie chrétienne qu’ils doivent agir à leur égard, les enseignant et les instruisant comme des enfants, et des enfants bien-aimés 23 selon les paroles de l’Apôtre : " Insiste à temps et à contretemps, réfute, menace, exhorte avec beaucoup de patience et le souci d’instruire " (2 Tim. 4, 2) 24.

Comme éducateurs de la foi, les prêtres ont à veiller, par eux-mêmes ou par d’autres, à ce que chaque chrétien parvienne, dans le Saint-Esprit, à l’épanouissement de sa vocation personnelle selon l’Évangile, à une charité sincère et active et à la liberté par laquelle le Christ nous a libérés 25.

Des cérémonies, même très belles, des groupements, même florissants, n’auront guère d’utilité s’ils ne servent pas à éduquer les hommes et à leur faire atteindre leur maturité chrétienne 26. Pour arriver à cette maturité, les prêtres sauront les aider à devenir capables de lire dans les événements, petits ou grands, ce qu’ils doivent faire, ce que Dieu leur demande. On formera encore les chrétiens à ne pas vivre pour eux seuls, mais à savoir, selon les exigences de la Loi nouvelle de charité, mettre au service des autres le don reçu par chacun 27, afin que tous remplissent en chrétiens le rôle qui leur revient dans la communauté des hommes.

Les prêtres, certes, se doivent à tous ; cependant ils considèrent que les pauvres et les petits leur sont confiés d’une manière spéciale : le Seigneur, en effet, a montré qu’il avait lui-même partie liée avec eux 28, et leur évangélisation est donnée comme un signe de l’œuvre messianique 29. Ils auront encore une attention particulière pour les jeunes, et aussi pour les époux et les parents ; il est souhaitable que ceux-ci se réunissent en groupes amicaux où ils s’entraideront pour vivre plus facilement et plus totalement leur christianisme dans une existence souvent difficile.

Les prêtres ne doivent pas oublier les religieux et les religieuses : partie privilégiée de la maison du Seigneur, ceux-ci méritent tous qu’on s’attache spécialement à leur progrès spirituel dans l’intérêt de toute l’Église. Enfin, ils auront un grand souci des malades et des mourants : ils les visiteront et les réconforteront dans le Seigneur 30.

La fonction de pasteur ne se limite pas au soutien individuel des chrétiens ; elle a encore pour tâche propre la formation d’une authentique communauté chrétienne. Or, l’esprit communautaire ne se développe vraiment que s’il dépasse l’Église locale pour embrasser l’Église universelle. La communauté locale ne doit pas seulement s’occuper de ses propres fidèles ; elle doit avoir l’esprit missionnaire et frayer la route à tous les hommes vers le Christ. Elle est tout spécialement attentive aux catéchumènes et aux nouveaux baptisés, qu’elle doit éduquer peu à peu dans la découverte et la pratique de la vie chrétienne.

Aucune communauté chrétienne ne peut se construire sans trouver sa racine et son centre dans la célébration de l’Eucharistie : c’est donc par celle-ci que doit commencer toute éducation de l’esprit communautaire 31 ; mais une célébration sincère, pleinement vécue, doit déboucher aussi bien dans les activités diverses de la charité et de l’entraide que dans l’action missionnaire et les diverses formes du témoignage chrétien.

Par la charité, la prière, l’exemple, les efforts de pénitence, la communauté ecclésiale exerce encore une véritable maternité pour conduire les âmes au Christ : elle est un instrument efficace pour montrer ou préparer à ceux qui ne croient pas encore un chemin vers le Christ et son Église, pour réveiller les fidèles, les nourrir, leur donner des forces pour le combat spirituel.

En bâtissant la communauté des chrétiens, les prêtres ne sont jamais au service d’une idéologie ou d’une faction humaines : hérauts de l’Évangile et pasteurs de l’Église, c’est à la croissance spirituelle du Corps du Christ qu’ils consacrent leurs forces.

20. Cf. Concile Vatican II, Const. dogm. Lumen gentium, 21 nov. 1964, n. 28 : AAS 57 (1965), pp. 33-36 [pp. 52-54].

21. Cf. 2 Cor. 10, 8 ; 13, 10.

22. Cf. Gal. 1, 10

23. Cf. 1 Cor. 4, 14.

24. Cf. Didascalie, II, 34, 3 ; II, 46, 6 ; II, 47, 1 ; Constitutions Apostoliques, II, 47, 1 (éd. F. X. Funk, Didascalia et Constitutiones, I, pp. 116, 142 et 143).

25. Cf. Gal. 4, 3 ; 5, 1 et 13.

26. Cf. St Jérôme, Lettres, 58, 7 : " De quoi servirait-il que des murailles rutilent de gemmes, si le Christ, en la personne d’un pauvre, meurt de faim ? " (PL 22, 584) [trad. J. Labourt, t. III, Paris 1953, p. 81].

27. Cf. 1 Petr. 4, 10 ss.

28. Cf. Mt. 25, 34-45.

29. Cf. Lc 4, 18.

30. On peut nommer encore d’autres catégories, par ex. les émigrants, les nomades, etc. A ce sujet, cf. Conc. Vat. II, Décret Christus Dominus sur la fonction pastorale des évêques dans l’Église, 28 oct. 1965 [pp. 273 ss].

31. Cf. Didascalie, II, 59, 1-3 : " Dans ton enseignement, invite et exhorte le peuple à venir à l’assembl6e, à ne pas la déserter, mais à se rassembler toujours ; s’abstenir, c’est diminuer l’Église et enlever un membre au Corps du Christ... Vous êtes membres du Christ, ne vous dispersez donc pas loin de l’Église, en refusant de vous réunir ; le Christ est votre Tête, selon sa promesse toujours présente, qui vous rassemble. Ne vous négligez pas vous-mêmes, ne rendez pas le Sauveur étranger à ses propres membres, ne divisez pas son Corps, ne le dispersez pas.., " (éd. F.X. Funk, I, p, 170) ; Paul VI, Allocution aux participants de la 13ème semaine d’aggiornamento pastoral du clergé italien, Orvieto, 6 sept. 1963 : AAS 55 (1963), p. 750 ss. [DC 6 oct. 1963, col. 1265 ss].

Partie 2 : RELATIONS DES PRÊTRES AVEC LES AUTRES

7. Relations entre les évêques et le presbyterium

Tous les prêtres, en union avec les évêques, participent à l’unique sacerdoce et à l’unique, ministère du Christ ; c’est donc l’unité même de consécration et de mission qui réclame leur communion hiérarchique avec l’Ordre des évêques 32 ; manifestée de manière excellente dans le cas de la concélébration liturgique, cette union avec les évêques est affirmée explicitement au cœur de la célébration de l’Eucharistie 33. Les évêques, eux, considèrent que leur charge et leur ministère de docteurs, sanctificateurs et pasteurs du peuple de Dieu impliquent nécessairement la présence des prêtres comme leurs auxiliaires et leurs conseillers, à cause du don de l’Esprit-Saint que ceux-ci ont reçu à leur ordination 34. C’est ce que soulignent fortement, dès les origines de l’Église, les textes liturgiques qui demandent solennellement à Dieu, pour celui qu’on ordonne prêtre, l’envoi de " l’esprit de grâce et de conseil, afin qu’il assiste le peuple et le gouverne avec un cœur pur " 35, de même qu’au désert l’esprit de Moise fut communiqué à soixante-dix hommes prudents 36 " afin que, secondé par eux, il pût facilement gouverner les multitudes innombrables du peuple " 37. Il faut donc que cette communion dans le même sacerdoce et le même ministère amène les évêques à considérer les prêtres comme des frères et des amis 38, et à se préoccuper, autant qu’ils le peuvent, de leur bien matériel d’abord, mais surtout spirituel.

Car c’est à eux, avant tout, que revient la grave responsabilité de la sainteté de leurs prêtres 39 ; ils doivent donc se préoccuper activement de la formation spirituelle permanente de leur presbyterium 40. Qu’ils sachent les écouter volontiers, les consulter même, et parler avec eux de ce qui concerne les exigences du travail pastoral et le bien du diocèse. Pour que cela revienne effectif, on établira, de la manière la plus adaptée aux conditions et aux besoins actuels 41 une commission ou sénat de prêtres 42 dont le droit devra déterminer la structure et le fonctionnement : représentant le presbyterium, cet organisme sera en mesure d’aider efficacement l’évêque de ses conseils pour le gouvernement du diocèse.

Quant aux prêtres, ils savent que les évêques sont revêtus de la plénitude du sacrement de l’Ordre ; ils doivent donc respecter en eux l’autorité du Christ Pasteur suprême. Qu’ils aient pour leur évêque un attachement sincère, dans la charité et l’obéissance 43.

Ce qui fonde cette obéissance sacerdotale imprégnée d’esprit de coopération, c’est la participation même au ministère épiscopal que les prêtres reçoivent par le sacrement de l’Ordre et la mission canonique 44.

L’union des prêtres avec les évêques est une exigence particulière de notre temps : à l’époque où nous sommes, bien des raisons font que les initiatives apostoliques doivent non seulement être diversifiées mais encore dépasser les limites d’une paroisse ou d’un diocèse. Aucun prêtre n’est donc en mesure d’accomplir sa mission isolément et comme individuellement ; il ne peut se passer d’unir ses forces à celles des autres prêtres sous la conduite des chefs de l’Église.

32. Cf. Concile Vatican II, Const. dogm. Lumen gentium, n. 28, 21 nov. 1964 : AAS 57 (1965), p. 35 [pp. 52-54].

33. Cf. le texte dit Constitution ecclésiastique des Apôtres, XVIII : les prêtres sont symmystai [coparticipants des mystères] et synepimachoi [compagnons de lutte] des évêques (éd. Th. Schermann, Die allgemeine Kirchenordnung, I, Paderborn 1914, p. 26 ; A. Harnack, Die Quellen der sog. apostolischen Kirchenordnung, T. u. U., II, 5, p. 13, n. 18 et 19) ; Pseudo-Jérôme, Des sept ordres de l’Église : " ... dans la bénédiction, ils sont participants des mystères avec les évêques " (éd. A. W. Kalff, Würzburg 1937, p. 45) ; St Isidore de Séville, Des fonctions ecclésiastiques, II, ch. VII : " Ils sont à la tête de l’Église du Christ ; pour faire l’Eucharistie, ils sont associés aux évêques, de même que dans l’enseignement du peuple et la fonction de prédication " (PL 83, 787).

34. Cf. Didascalie, II, 28, 4 (éd. F. X. Funk, p. 108) ; Constitutions Apostoliques, 11, 28, 4 ; II, 34, 3 (ibid., p. 109 et 117).

35. Constitutions Apostoliques, VIII, 16, 4 (éd. F. X. Funk, 1, p. 523) ; cf. Abrégé des Const. Apost., VI (ibid., II, p. 80, n. 3-4) ; Testament du Seigneur : " ... donne-lui l’Esprit de grâce, de conseil et de générosité, l’esprit du presbytérat... pour aider et gouverner ton peuple dans l’activité, dans la crainte, dans la pureté de cœur (d’après trad. latine I. E. Rahmani, Mayence 1899, p. 69). De même, dans la Tradition apostolique (éd. B. Botte, La Tradition apostolique de Saint-Hippolyte, Münster en W. 1963, p. 20).

36. Cf. Nombr. 11, 16-25.

37. Pontifical Romain, Préface consécratoire des prêtres [trad. Jounel, Les ordinations, Paris-Tournai 1963, p. 104] ; ces paroles se trouvent déjà dans les sacramentaires léonien, gélasien et grégorien. On en trouve de semblables dans les liturgies orientales : cf. Trad. Apost. : " Regarde ton serviteur ici présent, et accorde-lui l’esprit de grâce et de conseil, afin qu’il aide les prêtres et gouverne ton peuple avec un cœur pur, comme tu avais regardé le peuple que tu t’étais choisi et avais ordonné à Moïse de choisir les anciens que tu avais remplis de ton esprit que tu avais donné à ton serviteur " (d’après l’ancienne version latine de Vérone, éd. B. Botte, La Tradition apostolique de saint Hippolyte. Essai de reconstruction, Münster en W. 1963, p. 20) [trad. B. Botte, dans Sources chrétiennes, vol. 11, Paris 1946, p. 38] ; Const. Apost., VIII, 16, 4 (éd. Funk, I, p. 522, 16-17) ; Abrégé de la Const. Apostol., VI (éd. Funk, II, p. 80, 5-7) ; Testament du Seigneur (trad. latine I. E. Rahmani, Mayence 1899, p. 69) ; Euchôloge de Sérapion, XXVII (éd. Funk, Didascalia et Constitutiones, II, p. 190, 1-7) ; Rite d’ordination de la liturgie maronite (trad. latine H. Denzinger, Ritus Orientalium, II, Würzburg 1863, p. 161). Parmi les Pères, on peut citer : Théodore de Mopsueste, Sur I Tim. 3, 8 (éd. Swete, II, p. 119-121) ; Théodore, Questions sur les Nombres, XVIII (PG 80, 369 C -- 372 B).

38. Cf. Concile Vatican II, Const. dogm. Lumen gentium, 21 nov. 1964, n. 28 : AAS 57 (1965), p. 35 [pp. 52-54].

39. Cf. Jean XXIII, Encyclique Sacerdotii Nostri primordia, 1er août 1959 : AAS 51 (1959), p. 576 [DC 16 août 1959, col. 1043-44] ; St Pie X, Exhortation au clergé Haerent animo, 4 août 1908 : S. Pii X Acta, IV (1908), p. 237 ss [trad. P. Veuillot, Notre Sacerdoce, Paris 1954, t. I, p. 96 ss].

40. Cf. Concile Vatican II, Décret Christus Dominus sur la fonction pastorale des évêques dans l’Église, 28 oct. 1965, n. 15 et 16 : AAS 58 (1966), pp. 679-681 [pp. 285-288].

41. Dans l’état actuel du droit, l’évêque a comme " sénat et conseil " le chapitre cathédral (can. 391) ou, à défaut, le groupe des consulteurs diocésains (cf. can. 423-428). Mais il est souhaitable de réviser ces institutions pour mieux répondre à la situation et aux besoins actuels. Cette commission de prêtres est évidemment distincte du Conseil pastoral dont parle le Décret Christus Dominus sur la fonction pastorale des évêques dans l’Église, 28 oct. 1965, n. 27 [p. 294] : celui-ci comporte des membres laïcs et n’est compétent que pour l’examen des questions d’action pastorale. Sur les prêtres comme conseillers de l’évêque, voir Didascalie, Il, 28, 4 (éd. Funk, I, p. 108) ; Const. Apost., II, 28, 4 (éd. Funk, 1, p. 109) ; St Ignace d’Antioche, Ep. aux Magnésiens, 6, I (éd. Funk, p. 194) ; Ep. aux Tralliens, 3, 1 (éd. Funk, p. 204) ; Origène, Contre Celse, 3, 30 : les prêtres sont conseillers (bouleutai) (PG 11, 957d-960a).

42. St Ignace d’Antioche, Épître aux Magnésiens, 6, 1 : " Je vous en conjure, ayez à cœur de faire toutes choses dans une divine concorde, sous la présidence de l’évêque qui tient la place de Dieu, des presbytres qui tiennent la place du sénat des Apôtres, et des diacres qui me sont si chers, à qui a été confié le service de Jésus-Christ, qui, avant les siècles, était près du Père et s’est manifesté à la fin " (éd. Funk, p. 195) [trad. P. Th. Camelot, dans Les Écrits des Pères apostoliques, Paris 1963, p. 156] ; Ep. aux Tralliens, 3, 1 : " Pareillement, que tous révèrent les diacres comme Jésus-Christ, comme aussi l’évêque qui est l’image du Père et les presbytres comme le sénat de Dieu et comme l’assemblée des Apôtres : sans eux, on ne peut parler d’Église " (éd. Funk, p. 204) [trad. Camelot, p. 162] ; St Jérôme, Commentaire d’Isaïe. II, 3 (PL 24, 61 D) : " Nous aussi, nous avons dans l’Église notre sénat, l’assemblée des prêtres ".

43. Cf. Paul VI, Allocution aux curés et prédicateurs de Carême de Rome à la chapelle Sixtine, 1er mars 1965 : AAS 57 (1965), p. 326 [DC 21 mars 1965, col, 523-524].

44. Cf. Const. Apost., VIII, 47, 39 : " Les prêtres... ne doivent rien faire sans l’avis de l’évêque : c’est à lui qu’est confié le peuple du Seigneur ; c’est à lui qu’il sera demandé compte de leurs âmes " (éd. Funk, p. 577).

8. (Union fraternelle et coopération entre prêtres)

Du fait de leur ordination, qui les a fait entrer dans l’ordre du presbytérat, les prêtres sont tous intimement liés entre eux par la fraternité sacramentelle ; mais du fait de leur affectation au service d’un diocèse en dépendance de l’évêque local, ils forment tout spécialement à ce niveau un presbyterium unique. Certes, les tâches confiées sont diverses ; il s’agit pourtant d’un ministère sacerdotal unique exercé pour les hommes.

C’est pour coopérer à la même œuvre que tous les prêtres sont envoyés, ceux qui assurent un ministère paroissial ou supra-paroissial comme ceux qui se consacrent à un travail scientifique de recherche ou d’enseignement, ceux-là même qui travaillent manuellement et partagent la condition ouvrière — là où, avec l’approbation de l’autorité compétente, ce ministère est jugé opportun —comme ceux qui remplissent d’autres tâches apostoliques ou ordonnées à l’apostolat. Finalement, tous visent le même but : construire le Corps du Christ ; de notre temps surtout, cette tâche réclame des fonctions multiples et des adaptations nouvelles. Il est donc essentiel que tous les prêtres, diocésains aussi bien que religieux, s’aident entre eux et travaillent toujours ensemble à l’œuvre de la vérité 45.

Chaque membre de ce presbyterium noue avec les autres des liens particuliers de charité apostolique, de ministère et de fraternité : c’est ce que la liturgie exprime depuis l’antiquité quand elle invite les prêtres présents à imposer les mains avec l’évêque à celui qu’on ordonne, et quand elle les rassemble, unanimes, dans la concélébration de l’Eucharistie. Chaque prêtre est donc uni à ses confrères par un lien de charité, de prière et de coopération sous diverses formes ; ainsi se manifeste l’unité parfaite que le Christ a voulu établir entre les siens, afin que le monde croie que le Fils a été envoyé par le Père 46

Cela doit amener les plus âgés à accueillir les plus jeunes vraiment comme des frères, à les aider dans les premiers efforts et les premières responsabilités du ministère, à essayer de comprendre leur mentalité même si elle est différente, à suivre leurs efforts avec bienveillance. De même, les jeunes sauront respecter l’âge et l’expérience des anciens, dialoguer avec eux sur les problèmes pastoraux et partager avec joie leur travail.

Dans cet esprit fraternel, les prêtres ne doivent pas oublier l’hospitalité 47 ; soucieux de la bienfaisance et du partage de leurs biens 48, qu’ils s’occupent en particulier de ceux qui sont malades, découragés, surmenés, isolés, exilés ou persécutés 49. Qu’ils aiment aussi à se retrouver dans la joie pour se détendre, se souvenant de l’invitation que le Seigneur lui-même adressait aux apôtres épuisés : " Venez à l’écart dans un lieu désert et reposez-vous un peu " (Mc 6, 31).

Mais les prêtres ont encore besoin de s’entraider pour le développement de leur vie spirituelle et intellectuelle, d’améliorer leur coopération dans le ministère, d’éviter les dangers que peut entraîner l’isolement : autant de motifs qui poussent à encourager une certaine vie commune ou un certain partage de vie entre les prêtres ; les réalisations peuvent prendre bien des formes suivant les besoins personnels ou pastoraux : cohabitation là où c’est possible, communauté de table, ou tout au moins réunions fréquentes et régulières. Les associations sacerdotales sont, elles aussi, dignes d’estime et de vifs encouragements : grâce à leurs statuts ratifiés par l’autorité ecclésiastique compétente, elles proposent une règle de vie adaptée et convenablement approuvée ainsi qu’un soutien fraternel qui aident les prêtres à se sanctifier dans l’exercice du ministère ; de ce fait, elles se mettent au service de l’Ordre des prêtres tout entier.

Enfin, cette communion dans le sacerdoce doit amener les prêtres à se sentir spécialement responsables de ceux d’entre eux qui ont des difficultés ; ils sauront, au bon moment, leur apporter leur soutien et, s’il y a lieu, leur faire des remarques discrètes. Avec ceux qui ont eu des défaillances, ils feront toujours preuve d’amour fraternel et de générosité : ils prieront Dieu pour eux avec insistance et veilleront sans cesse à être vraiment à leur égard des frères et des amis.

45. Cf. 3 Jn 8.

46. Cf. Jn 17, 23.

47. Cf. Hébr. 13, 1-2.

48. Cf. Hébr. 13, 16.

49. Cf. Mt. 5. I0.

9. (Vie des prêtres avec les laïcs)

Le sacrement de l’Ordre confère aux prêtres de 1a Nouvelle Alliance une fonction éminente et indispensable dans et pour le peuple de Dieu, celle de pères et de docteurs. Cependant, avec tous les chrétiens, ils sont des disciples du Seigneur, que la grâce de l’appel de Dieu a fait participer à son Royaume 50. Au milieu de tous les baptisés, les prêtres sont des frères parmi leurs frères 51, membres de l’unique et même Corps du Christ dont la construction a été confiée à tous 52.

A la tête de la communauté, les prêtres doivent donc faire en sorte de ne pas rechercher leurs propres intérêts, mais ceux de Jésus-Christ 53 en unissant leurs efforts à ceux des laïcs chrétiens, et en se conduisant avec eux à la manière du Maître : parmi les hommes, celui-ci " n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour la multitude " (Mt. 20, 28).

Les prêtres ont à reconnaître sincèrement et à faire progresser la dignité des laïcs et leur rôle propre dans la mission de l’Église. Ils doivent respecter loyalement la juste liberté à laquelle tous ont droit dans la cité terrestre. Ils doivent écouter volontiers les laïcs, tenir compte fraternellement de leurs désirs, reconnaître leur expérience et leur compétence dans les différents domaines de l’activité humaine, pour pouvoir avec eux lire les signes des temps. Éprouvant les esprits pour savoir s’ils sont de Dieu 54, ils sauront découvrir et discerner dans la foi les charismes des laïcs sous toutes leurs formes, des plus modestes aux plus élevées, ils les reconnaîtront avec joie et les développeront avec ardeur. Parmi ces dons qu’on trouve en abondance chez les chrétiens, l’attrait d’un bon nombre pour une vie spirituelle plus profonde mérite une attention très spéciale. Il faut également avoir assez de confiance dans les laïcs, pour leur donner des responsabilités au service de l’Église en leur laissant liberté et possibilité d’action, bien plus en les invitant, quand l’occasion se présente, à prendre d’eux-mêmes des initiatives 55.

Bref, les prêtres sont placés au milieu des laïcs pour les conduire tous à l’unité dans l’amour " s’aimant les uns les autres d’un amour fraternel, rivalisant d’égards entre eux " (Rom. 12, 10). Ils ont donc à rapprocher les mentalités différentes, de telle manière que personne ne se sente étranger dans la communauté des chrétiens. Ils sont défenseurs du bien commun, dont ils ont la charge au nom de l’évêque, et en même temps témoins courageux de la vérité. pour que les chrétiens ne soient pas emportés à tout vent de doctrine 56. Ils sont spécialement responsables de ceux qui ont abandonné la pratique des sacrements, voire même la foi, et ils n’omettront pas d’aller vers eux comme de bons pasteurs.

Attentifs aux prescriptions sur l’œcuménisme 57, ils n’oublieront pas les frères qui ne partagent pas avec nous la pleine communion de l’Église.

Enfin, ils sauront qu’ils sont chargés de tous ceux qui ne reconnaissent pas le Christ comme leur Sauveur.

Mais, de leur côté, les chrétiens doivent être conscients de leurs devoirs envers leurs prêtres, entourer d’un amour filial ceux qui sont leurs pasteurs et leurs pères, partager leurs soucis, les aider autant que possible par leur prière et leur action : ainsi les prêtres seront mieux en mesure de surmonter les difficultés et d’accomplir leur tâche avec fruit 58.

50. Cf. 1 Thess. 2. 12 : Col. 1.13.

51. Cf. Mt. 23. 8 : " Il faut se faire les frères des hommes, du fait même qu’on veut être leurs pasteurs, leurs pères et leurs maîtres " (Paul VI, Encyclique Ecclesiam suam, 6 août 1964 : AAS 56 (1964), p. 647) [DC 6 sept. 1964, col. 1084].

52. Cf. Eph. 4, 7 et 16 : Const. Apost., VIII, 1, 20 : " Il ne faut pas que l’évêque se dresse contre les diacres ou les prêtres, ni les prêtres contre le peuple, car la structure de l’assemblée se compose des uns et des autres " (éd. F. X. Funk, I, p. 467).

53. Cf. Phil. 2, 21.

54. Cf. I Jn 4, 1.

55. cf. Concile Vatican II, Const. dogm. Lumen gentium, 21 nov. 1964. n. 37 : AAS 57 (1965). p. 42-43 [p. 63-641.

56. Cf. Eph. 4, 14.

57. Cf. Concile Vatican II, Décret Unitatis redintegratio sur l’œcuménisme. 21 nov. 1964 : AAS 57 (1965), p. 90 ss [p. 495 ss].

58. Cf. Concile Vatican II, Const. dogm. Lumen gentium, 21 nov. 1964. n. 37 : AAS 57 (1965). p. 42-43 [p. 63-64].

Partie 3 : RÉPARTITION DES PRÊTRES ET VOCATIONS SACERDOTALES

10. (Répartition des prêtres)

Le don spirituel que les prêtres ont reçu à l’ordination les prépare non pas à une mission limitée et restreinte, mais à une mission de salut d’ampleur universelle, " Jusqu’aux extrémités de la terre " (Act. 1, 8) ; n’importe quel ministère sacerdotal participe, en effet, aux dimensions universelles de la mission confiée par le Christ aux Apôtres.

Le sacerdoce du Christ, auquel les prêtres participent réellement, ne peut manquer d’être tourné vers tous les peuples et tous les temps, sans aucune limite de race, de nation ou d’époque, comme le préfigure déjà mystérieusement le personnage de Melchisédech 59. Les prêtres se souviendront donc qu’ils doivent avoir au cœur le souci de toutes les Églises. Ainsi les prêtres des diocèses plus riches en vocations se tiendront prêts à partir volontiers, avec la permission de leur Ordinaire ou à son appel, pour exercer leur ministère dans des pays, des missions ou des activités qui souffrent du manque de prêtres.

Les règles d’incardination et d’excardination devront d’ailleurs être révisées : tout en maintenant cette institution très ancienne, on l’adaptera aux besoins pastoraux actuels. Là où les conditions de l’apostolat le réclameront, on facilitera non seulement la répartition adaptée des prêtres, mais encore les activités pastorales particulières pour les différents milieux sociaux à l’échelle d’une région, d’une nation ou d’un continent. Il pourra être utile de créer à cette fin des séminaires internationaux, des diocèses particuliers ou des prélatures personnelles et autres institutions auxquelles les prêtres pourront être affectés ou incardinés pour le bien commun de toute l’Église, suivant des modalités à établir pour chaque cas, et toujours dans le respect des droits des Ordinaires locaux.

L’envoi de prêtres vers un autre pays, surtout s’ils n’en connaissent pas encore bien la langue et le mode de vie, se fera, autant que possible, non pas individuellement, mais, à l’exemple des disciples du Christ 60, par groupes d’au moins deux ou trois, pour qu’ils puissent s’aider mutuellement. Il est également important de se soucier des questions de vie spirituelle et aussi de santé physique et psychique. On prévoira, autant que possible, les implantations et les conditions de travail en fonction des possibilités personnelles de chacun.

Il est aussi très important que ceux qui partent vers une autre nation apprennent à bien connaître, non seulement la langue du pays, mais encore les caractères psychosociologiques de la population ; s’ils veulent se mettre humblement à son service, ils doivent être en communion aussi profonde que possible avec elle, suivant ainsi l’exemple de l’apôtre Paul qui pouvait dire de lui-même : " Oui, libre à l’égard de tous, je me suis fait l’esclave de tous afin d’en gagner le plus grand nombre. le me suis tait Juif avec les Juifs, afin de gagner les Juifs... " (1 Cor. 9, 19-20).

59. Cf. Hébr. 7, 3.

60. Cf. Le 10, 1.

11. (Le souci des prêtres pour les vocations sacerdotales)

Le pasteur et gardien de nos âmes 61, en fondant son Église, a pensé que le peuple choisi et acquis au prix de son propre sang 62, devait toujours avoir ses prêtres jusqu’à la fin du monde, car il ne voulait pas laisser les chrétiens comme des brebis qui n’ont pas de berger 63. Les apôtres ont compris cette volonté du Christ ; écoutant ce que leur disait le Saint-Esprit, ils ont jugé qu’il était de leur devoir de choisir des ministres " qui seront capables d’en instruire d’autres à leur tour " (2 Tim. 2, 2). Ce devoir découle de la mission sacerdotale elle-même, par laquelle le prêtre participe au souci qu’a toute l’Église d’éviter toujours ici-bas le manque d’ouvriers dans le peuple de Dieu.

Mais, comme " le capitaine du navire et les passagers... ont leur cause liée " 64, il faut faire comprendre à l’ensemble du peuple chrétien son devoir de coopérer de diverses manières — par la prière instante comme par les autres moyens dont il dispose 65, — à ce que l’Église ait toujours les prêtres dont elle a besoin pour accomplir sa mission divine. Il s’agit d’abord, pour les prêtres, d’avoir à cœur de faire comprendre aux chrétiens combien le sacerdoce est important et nécessaire ; ils y arriveront à la fois par leur prédication et par leur propre vie, qui doit être un témoignage rayonnant d’esprit de service et de vraie joie pascale. Et si, après mûre réflexion, ils jugent certains, jeunes ou déjà adultes, capables de remplir ce grand ministère, ils les aideront, sans craindre les efforts ni les difficultés, à se préparer comme il convient jusqu’au jour où, dans le respect total de leur liberté extérieure et intérieure, ils pourront être appelés par les évêques.

Une direction spirituelle attentive et sérieuse leur sera très utile pour atteindre ce but. Les parents, les maîtres et les différents autres éducateurs doivent faire en sorte que les enfants et les jeunes soient conscients de la sollicitude du Seigneur pour son troupeau, avertis des besoins de l’Église et prêts, si le Seigneur les appelle, à répondre généreusement avec le prophète : " Me voici, envoie-moi " (Is. 6, 8). Mais cette voix du Seigneur qui appelle, il ne faut pas s’attendre à ce qu’elle arrive aux oreilles du futur prêtre d’une manière extraordinaire. Il s’agit bien plutôt de la découvrir, de la discerner à travers les signes qui, chaque jour, font connaître la volonté de Dieu aux chrétiens qui savent écouter : c’est à ces signes que les prêtres doivent donner toute leur attention 66.

Il est donc conseillé aux prêtres de participer aux œuvres diocésaines ou nationales des vocations 67. Les prédications, la catéchèse, les revues doivent apporter une information précise sur les besoins de l’Église locale et universelle, mettre en lumière le sens et la grandeur du ministère sacerdotal, montrer qu’on y trouve, avec bien des charges, également bien des joies, et surtout dire que c’est le moyen de donner au Christ, comme l’enseignent les Pères, un très grand témoignage d’amour 68.

61. Cf. 1 Petr. 2, 25.

62. Cf. Act. 20, 28.

63. Cf. Mt. 9, 36.

64. Pontifical Romain, Ordination des prêtres [trad. P. Jounel, Les ordinations, Paris-Tournai 1963, p. 95].

65. Cf. Concile Vatican II, Décret Optatam totius sur la formation des prêtres, 28 oct. 1965, n. 2 : AAS 58 (1966), pp. 714-715 [pp. 356-358].

66. " La voix de Dieu qui appelle s’exprime de deux façons différentes, merveilleuses et convergentes ; l’une est intérieure, c’est celle de la grâce, celle de l’Esprit-Saint, de l’ineffable attrait intérieur que la voix silencieuse et puissante du Seigneur exerce dans les insondables profondeurs de l’âme humaine ; l’autre est extérieure, humaine, sensible, sociale, juridique, concrète, c’est celle du ministre qualifié de la Parole de Dieu, celle de l’Apôtre, celle de la hiérarchie, instrument indispensable, institué et voulu par le Christ comme un véhicule permettant de traduire en langage tombant sous l’expérience le message du Verbe et du précepte divin. C’est ce qu’avec St Paul enseigne la doctrine catholique : " Comment entendre sans personne qui prêche ?... La foi vient de ce qu’on entend " (Rom. 10, 14 et 17) " (Paul VI, Exhortation du 5 mai 1965 : L’Osservatore Romano, 6 mai 1965) [DC 6 juin 1965, col. 970-971].

67. Cf. Concile Vatican II, Décret Optatam totius sur la formation des prêtres, 28 oct. 1965, n. 2 : AAS 58 (1966), p. 715 [pp. 356-358].

68. C’est ce qu’enseignent les Pères quand ils commentent les paroles du Christ à Pierre : " M’aimes-tu ?... Conduis mes brebis " (Jn 21, 17) : ainsi, St Jean Chrysostome, Du sacerdoce, II, 2 (PG 48, 633), St Grégoire le Grand, Pastoral, P.I, c. 5 (PL 77. 19 A).

 

Chapitre troisième : LA VIE DES PRETRES

Première partie : Vocation des prêtres à la perfection

12. (La vocation des prêtres à la sainteté)

Les prêtres sont ministres du Christ Tête pour construire et édifier son Corps tout entier, l’Église, comme coopérateurs de l’Ordre épiscopal : c’est à ce titre que le sacrement de l’Ordre les configure au Christ Prêtre. Certes, par la consécration baptismale, ils ont déjà reçu, comme tous les chrétiens, le signe et le don d’une vocation et d’une grâce qui comportent pour eux la possibilité et l’exigence de tendre, malgré la faiblesse humaine 1, à la perfection dont parle le Seigneur : " Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait " (Mt. 5, 48). Mais cette perfection, les prêtres sont tenus de l’acquérir à un titre particulier : en recevant l’Ordre, ils ont été consacrés à Dieu d’une manière nouvelle pour être les instruments vivants du Christ Prêtre éternel, habilités à poursuivre au long du temps l’action admirable par laquelle, dans sa puissance souveraine, il a restauré la communauté humaine tout entière 2.

Dès lors qu’il tient à sa manière la place du Christ en personne, tout prêtre est, de ce fait, doté d’une grâce particulière ; cette grâce lui permet de tendre plus facilement, par le service des hommes qui lui sont confiés et du peuple de Dieu tout entier, vers la perfection de Celui qu’il représente ; c’est encore au moyen de cette grâce que sa faiblesse d’homme charnel se trouve guérie par la sainteté de Celui qui est devenu pour nous te Grand Prêtre " saint, innocent, immaculé, séparé des pécheurs " (Hébr. 7, 26).

Le Christ que le Père a sanctifié (c’est-à-dire consacré) et envoyé dans le monde 3 " s’est donné pour nous, afin de racheter et de purifier de tout péché un peuple qui lui appartienne, un peuple ardent à faire le bien " (Tit. 2, 14), et ainsi, en passant par la souffrance, il est entré dans sa gloire 4. De même les prêtres, consacrés par l’onction du Saint-Esprit et envoyés par le Christ, font mourir en eux les œuvres du corps pour être tout entiers donnés au service des hommes : telle est la sainteté dont le Christ leur fait don, et par laquelle ils approchent de l’Homme parfait 5.

Ainsi donc, c’est en exerçant le ministère d’Esprit et de justice 6 qu’ils s’enracinent dans la vie spirituelle pourvu qu’ils soient accueillants à l’Esprit du Christ qui leur donne la vie et les conduit. Ce qui ordonne leur vie à la perfection, ce sont leurs actes liturgiques de chaque jour, c’est leur ministère tout entier, exercé en communion avec l’évêque et les prêtres. Par ailleurs, la sainteté des prêtres est d’un apport essentiel pour rendre fructueux le ministère qu’ils accomplissent ; la grâce de Dieu, certes, peut accomplir l’œuvre du salut même par des ministres indignes, mais à l’ordinaire, Dieu préfère manifester ses hauts faits par des hommes accueillants à l’impulsion et à la conduite du Saint-Esprit, par des hommes que leur intime union avec le Christ et la sainteté de leur vie habilitent à dire avec l’Apôtre : " Si je vis, ce n’est plus moi, mais le Christ qui vit en moi " (Gal. 2, 20).

C’est pourquoi ce saint Concile, pour atteindre son but pastoral de renouvellement intérieur de l’Église, de diffusion de l’Évangile dans le monde entier et de dialogue avec le monde d’aujourd’hui. rappelle instamment à tous les prêtres qu’avec l’aide des moyens adaptés que l’Église leur propose 7, ils doivent s’efforcer de vivre de plus en une sainteté qui fera d’eux des plus adaptés au service du peuple de Dieu tout entier.

1. Cf. 2 Col. 12, 9.

2. Cf. Pie XI, Encyclique Ad catholici sacerdotii, 20 déc. 1935 : AAS 28 (1936), p. 10 [trad. P. Veuillot, Notre sacerdoce, Paris 1954. t. I, p. 276].

3. Cf. Jn 10, 36.

4. Cf. Lc 24, 26.

5. Cf. Eph. 4. 13.

6. Cf. 2 Cor. 3. 8-9.

7. Cf. entre autres : St Pie X, Exhortation au clergé Haerent animo, 4 août 1908 : S. Pie X Acta, vol. IV (1908), p. 237 ss [trad. P. Veuillot, Notre sacerdoce, Paris 1954. t. I. p. 98 ss] ; Pie XI, Encyclique Ad catholici sacerdotii 20 déc. 1935 : AAS 28 (1936), p. 5 ss [trad. P. Veuillot, t. I, p. 269 ss] ; Pie XII, Exhortation apostolique Menti nostrae, 23 sept. 1950 : AAS 42 (1950), p. 657 ss [DC 22 oct. 1950, col. 1345 ss et P. Veuillot, t. II, p. 171 ss] ; Jean XXIII, Encyclique Sacerdotii Nostri primordia, 1er août 1959 : AAS 51 (1959), p. 545 ss [DC 16 avril 1959, col. 1025 ss].

13. (L’exercice de la triple Fonction sacerdotale exige et en même temps favorise la sainteté)

C’est l’exercice loyal, inlassable, de leurs fonctions dans l’Esprit du Christ qui est, pour les prêtres, le moyen authentique d’arriver à la sainteté.

Ministres de la Parole de Dieu, ils la lisent et l’écoutent tous les jours pour l’enseigner aux autres ; s’ils ont en même temps le souci de l’accueillir en eux-mêmes, ils deviendront des disciples du Seigneur de plus en plus parfaits, selon la parole de l’apôtre Paul à Timothée : " Applique-toi, donne-toi tout entier, pour que tous puissent voir tes progrès. Veille sur toi-même et sur ton enseignement, que ta persévérance s’y révèle ; car c’est en agissant ainsi que tu te sauveras toi-même avec ceux qui t’écoutent " (1 Tim. 4, 15-16). En cherchant le meilleur moyen de transmettre aux autres ce qu’ils ont contemplé 8, ils goûteront plus profondément " l’incomparable richesse du Christ " (Eph. 3, 8) et la sagesse de Dieu en sa riche diversité 9. Convaincus que c’est le Seigneur qui ouvre les cœurs 10 et que leur supériorité vient de la puissance de Dieu et non pas d’eux 11, ils arriveront, par le fait même de transmettre la Parole, à s’unir plus intimement avec le Christ Docteur, et à se laisser conduire par son Esprit. Communiant ainsi au Christ, ils participent à la charité de Dieu, dont le Mystère, caché depuis les siècles 12, a été révélé dans le Christ.

Ministres de la liturgie, surtout dans le sacrifice de la Messe, les prêtres y représentent de manière spéciale le Christ en personne, qui s’est offert comme victime pour sanctifier les hommes ; ils sont dès lors invités à imiter ce qu’ils accomplissent : célébrant le mystère de la mort du Seigneur, ils doivent prendre soin de mortifier leurs membres, se gardant des vices et de tout mauvais penchant 13. Dans le mystère du sacrifice eucharistique, où les prêtres exercent leur fonction principale, c’est l’œuvre de notre Rédemption qui s’accomplit sans cesse 14. C’est pourquoi il leur est vivement recommandé de célébrer la messe tous les jours ; même si les chrétiens ne peuvent y être présents, c’est un acte du Christ et de l’Église 15. En s’unissant à l’acte du Christ Prêtre, chaque jour les prêtres s’offrent à Dieu tout entiers ; en se nourrissant du Corps du Christ, ils participent du fond d’eux-mêmes à la charité de Celui qui se donne aux chrétiens en nourriture. De même, dans l’administration des sacrements, les prêtres s’unissent à l’intention et à la charité du Christ. Ils le font tout spécialement en se montrant toujours prêts et disponibles à administrer le sacrement de Pénitence chaque fois que les chrétiens le demandent de manière raisonnable.

Par l’Office divin, ils prêtent leur voix à l’Église qui, sans interruption, prie au nom de toute l’humanité, en union avec le Christ " toujours vivant pour intercéder en notre faveur " (Hébr. 7, 25).

Guides et pasteurs du peuple de Dieu, ils sont poussés par la charité du Bon Pasteur à donner leur vie pour leurs brebis 16, prêts à aller jusqu’au sacrifice suprême à l’exemple des prêtres qui, même de notre temps, n’ont pas hésité à donner leur vie. Éducateurs des chrétiens dans la foi, ayant eux-mêmes " l’assurance voulue pour l’accès au sanctuaire par le sang du Christ " (Hébr. 10, 19), ils s’approchent de Dieu " avec un cœur sincère dans la plénitude de la foi " (Hébr. 10, 22) ; ils ont une ferme espérance pour leurs chrétiens 17, afin que, réconfortés par Dieu, ils puissent eux-mêmes réconforter ceux qui subissent toutes sortes d’épreuves 18. Chefs de la communauté. ils pratiquent l’ascèse propre au pasteur d’âmes : renoncer à leurs avantages personnels, ne pas chercher leur propre intérêt, mais celui du plus grand nombre, afin qu’ils soient sauvés 19, progresser sans cesse dans un accomplissement plus parfait de la tâche pastorale, être prêts, s’il le faut, à s’engager dans des voies pastorales nouvelles sous la conduite de l’Esprit d’amour qui souffle où il veut 20.

8. Cf. St Thomas, S. Théol., IIa-IIae, q. 188, a, 7.

9. Cf. Eph. 3, 9-10.

10. Cf. Act. 16, 14.

11. Cf. 2 Cor. 4, 7.

12. Cf. Eph. 3, 9.

13. Cf. Pontifical Romain, Ordination des prêtres [trad. P. Jounel, Les ordinations, Paris-Tournai 1963, p. 99].

14. Cf. Missel Romain, Prière sur les offrandes du 9ème dimanche après la Pentecôte.

15. " La messe, même si elle est célébrée en particulier par un prêtre. n’est pas pour autant privée, mais elle est action du Christ et de l’Église. Celle-ci a appris à s’offrir elle-même dans le sacrifice qu’elle offre, en sacrifice universel, appliquant au salut du monde entier la vertu rédemptrice, unique et infinie du sacrifice de la Croix. Toute messe est, en effet, offerte non seulement pour le salut de quelques-uns, mais pour le salut du monde entier (...). C’est pourquoi Nous recommandons avec une paternelle insistance aux prêtres qui, à un titre particulier, sont, dans le Seigneur, Notre joie et Notre couronne de... célébrer la messe chaque jour en toute dignité et dévotion " (Paul VI, Encyclique Mysterium Fidei, 3 sept. 1965 : AAS 57 (1965). p. 761-762) [DC 3 oct. 1965, col. 1640-1641] ; cf. Concile Vatican II, Const. Sacrosanctum Concilium sur la liturgie, 4 déc. 1963. n. 26 et 27 : AA5 56 (1964), p. 107 [p. 137].

16. Cf. Jn 10, 11.

17. Cf. 2 Cor. 1, 7.

18. Cf. 2 Cor. 1, 4.

19. Cf. 1 Cor. 10, 33.

20. Cf. Jn 3, 8.

14. (Unité et harmonie de la vie des prêtres)

Dans le monde d’aujourd’hui, on doit faire face à tant de tâches, on est pressé par tant de problèmes divers—et réclamant souvent une solution urgente – qu’on risque plus d’une fois d’aboutir à la dispersion. Les prêtres, eux, sont engagés dans les multiples obligations de leur fonction, ils sont tiraillés, et ils peuvent se demander, non sans angoisse, comment faire l’unité entre leur vie intérieure et les exigences de l’action extérieure. Cette unité de vie ne peut être réalisée ni par une organisation purement extérieure des activités du ministère, ni par la seule pratique des exercices de piété qui, certes, y contribue grandement.

Ce qui doit permettre aux prêtres de la construire, c’est de suivre, dans l’exercice du ministère, l’exemple du Christ-Seigneur, dont la nourriture était de faire la volonté de Celui qui l’a envoyé et d’accomplir son œuvre 21.

Car, en vérité, le Christ qui fait toujours, dans le monde, par l’Église, cette volonté du Père, continue à agir par ses ministres. C’est donc lui qui demeure toujours la source et le principe de l’unité de leur vie. Les prêtres réaliseront donc cette unité de vie en s’unissant au Christ dans la découverte de la volonté du Père, et dans le don d’eux-mêmes pour le troupeau qui leur est confié 22.

Menant ainsi la vie même du Bon Pasteur, ils trouveront dans l’exercice de la charité pastorale le lien de la perfection sacerdotale qui ramènera à l’unité leur vie et leur action. Or, cette charité pastorale 23 découle avant tout du Sacrifice eucharistique ; celui-ci est donc le centre et la racine de toute la vie du prêtre, dont l’esprit sacerdotal s’efforce d’intérioriser ce qui se fait sur l’autel du sacrifice. Cela n’est possible que si les prêtres, par la prière, pénètrent de plus en plus profondément dans le mystère du Christ.

Mais la vérification concrète de cette unité de vie ne peut se faire que par une réflexion sur toutes leurs activités, afin de discerner quelle est la volonté de Dieu 24, c’est-à-dire afin de savoir dans quelle mesure ces activités sont conformes à la mission évangélique de l’Église. Car la fidélité au Christ est inséparable de la fidélité à l’Église. La charité pastorale exige donc des prêtres, s’ils ne veulent pas courir pour rien 25, un travail vécu en communion avec les évêques et leurs autres frères dans le sacerdoce. Tel sera, pour les prêtres, le moyen de trouver dans l’unité même de la mission de l’Église, l’unité de leur propre vie. Ainsi, ils s’uniront à leur Seigneur, et par lui, au Père dans l’Esprit-Saint ; ainsi ils pourront être tout remplis de consolation et surabonder de joie 26.

21. Cf. Jn 4, 34.

22. Cf. I Jn 3, 16.

23. On " donne une preuve de son amour en paissant le troupeau du Seigneur " (St Augustin, Traités sur S. Jean, 123. 5 : PL 35, 1967) [trad.. éd. Vivès, t. X, p. 436].

24. Cf. Rom. 12, 2.

25. Cf. Gai. 2, 2.

26. Cf. 2 Cor. 7, 4.

Partie 2 : EXIGENCES SPIRITUELLES PARTICULIÈRES DANS LA VIE DES PRÊTRES

15. (Humilité et obéissance)

Parmi les qualités les plus indispensables pour le ministère des prêtres, il faut mentionner cette disponibilité intérieure qui les rend toujours prêts à rechercher non pas leur propre volonté, mais la volonté de Celui qui les a envoyés 27. Car l’œuvre divine à laquelle les prêtres sont appelés par l’Esprit-Saint 28 dépasse toutes les forces, toute la sagesse de l’homme : " ce qu’il y a de faible dans le monde, Dieu l’a choisi pour la confusion de ce qui est fort " (1 Cor. 1, 27). Le véritable ministre du Christ est donc un homme conscient de sa faiblesse, travaillant dans l’humilité, discernant ce qui plaît au Seigneur 29 ; enchaîné pour ainsi dire par l’Esprit 30, il se laisse conduire en tout par la volonté de Celui qui veut que tous les hommes soient sauvés. Cette volonté, il peut la découvrir et s’y attacher au long de la vie quotidienne, parce qu’il est humblement au service de tous ceux qui lui sont confiés par Dieu dans le cadre de la fonction reçue et des multiples événements de l’existence.

Mais, le ministère sacerdotal étant le ministère de l’Église, on ne peut s’en acquitter que dans la communion hiérarchique du Corps tout entier. C’est donc la charité pastorale qui pousse les prêtres, au nom de cette communion, à consacrer leur volonté propre par l’obéissance au service de Dieu et de leurs frères, à accueillir et exécuter en esprit de foi les ordres et les conseils du Pape, de leur évêque et de leurs autres supérieurs, à dépenser volontiers et à se dépenser eux-mêmes 31 dans toutes les fonctions qui leur sont confiées, si humbles et si pauvres soient-elles. Par ce moyen, ils maintiennent et renforcent l’indispensable unité avec leurs frères dans le ministère, et surtout avec ceux que le Seigneur a établis comme chefs visibles de son Église ; par ce moyen, ils travaillent à la construction du Corps du Christ, qui grandit grâce à " toutes sortes de jointures " 32.

Cette obéissance conduit à une manière plus mûre de vivre la liberté des enfants de Dieu : amenés par la charité et le souci du plus grand bien de l’Église à une recherche réfléchie de voies nouvelles pour l’accomplissement de leur tâche, les prêtres sont également poussés par les exigences de l’obéissance à exposer avec confiance les initiatives qu’ils ont prises et à insister sur les besoins du troupeau qui leur est confié, tout en restant prêts à se soumettre toujours au jugement de ceux qui sont, dans l’Église de Dieu, les premiers responsables.

Cette humilité, cette obéissance responsable et volontaire modèlent les prêtres à l’image du Christ ; ils ont en eux les sentiments qui furent dans le Christ Jésus : " Il s’est dépouillé lui-même en prenant la condition de serviteur... en se faisant obéissant jusqu’à la mort " (Phil. 2, 7-8), et par cette obéissance, il a vaincu et racheté la désobéissance d’Adam, comme en témoigne l’Apôtre : " Comme, par la désobéissance d’un seul, la multitude a été constituée pécheresse ainsi, par l’obéissance d’un seul. la multitude sera-t-elle constituée juste " (Rom. 5, 19).

27. Cf. Jn 4, 34 ; 5, 30 ; 6, 38.

28. Cf. Act. 13, 2.

29. Cf. Eph. 5, 10.

30. Cf. Act. 20, 22.

31. cf. 2 Cor. 12, 15.

32. Cf. Eph. 4, 11-16.

16. (Choisir le célibat et le considérer comme un don)

La pratique de la continence parfaite et perpétuelle pour le Royaume des cieux a été recommandée par le Christ Seigneur 33 tout au long des siècles, et de nos jours encore, bien des chrétiens l’ont acceptée joyeusement et pratiquée sans reproche. Pour la vie sacerdotale, particulièrement, l’Église l’a toujours tenue en haute estime. Elle est à la fois signe et stimulant de la charité pastorale, elle est une source particulière de fécondité spirituelle dans le monde 34. Certes, elle n’est pas exigée par la nature du sacerdoce, comme le montrent la pratique de l’Église primitive 35 et la tradition des Églises orientales. Celles-ci ont des prêtres qui choisissent, par don de la grâce, de garder le célibat — ce que font tous les évêques —, mais on y trouve aussi des prêtres mariés dont le mérite est grand ; tout en recommandant le célibat ecclésiastique, ce saint Concile n’entend aucunement modifier la discipline différente qui est légitimement en vigueur dans les Églises orientales ; avec toute son affection, il exhorte les hommes mariés qui ont été ordonnés prêtres à persévérer dans leur sainte vocation et dans le don total et généreux de leur vie au troupeau qui leur est confié 36.

Mais le célibat a de multiples convenances avec le sacerdoce. La mission du prêtre, c’est de se consacrer tout entier au service de l’humanité nouvelle que le Christ, vainqueur de la mort, fait naître par son Esprit dans le monde, et qui tire son origine, " non pas du sang, ni d’un vouloir charnel, ni d’un vouloir d’homme, mais de Dieu " (Jn 1, 13). En gardant la virginité ou le célibat pour le Royaume des cieux 37, les prêtres se consacrent au Christ d’une manière nouvelle et privilégiée, il leur est plus facile de s’attacher à lui sans que leur cœur soit partagé 38, ils sont plus libres pour se consacrer, en Lui et par Lui, au service de Dieu et des hommes, plus disponibles pour servir son Royaume et l’œuvre de la régénération surnaturelle, plus capables d’accueillir largement la paternité dans le Christ.

Ils témoignent ainsi devant les hommes qu’ils veulent se consacrer sans partage à la tâche qui leur est confiée : fiancer les chrétiens à l’époux unique comme une vierge pure à présenter au Christ 39 ; ils évoquent les noces mystérieuses voulues par Dieu, qui se manifesteront pleinement aux temps à venir : celles de l’Église avec l’unique époux qui est le Christ 40. Enfin, ils deviennent le signe vivant du monde à venir, déjà présent par la foi et la charité, où les enfants de la résurrection ne prennent ni femme ni mari 41.

C’est donc pour des motifs fondés sur le mystère du Christ et sa mission que le célibat, d’abord recommandé aux prêtres, a été ensuite imposé par une loi dans l’Église latine à tous ceux qui se présentent aux Ordres sacrés. Cette législation, ce saint Concile l’approuve et la confirme à nouveau en ce qui concerne les candidats au presbytérat.

Confiant en l’Esprit, il est convaincu que le Père accorde généreusement le don du célibat, si adapté au sacerdoce du Nouveau Testament, pourvu qu’il soit humblement et instamment demandé par ceux que le sacrement de l’Ordre fait participer au sacerdoce du Christ, bien plus, par l’Église tout entière. Ce saint Concile s’adresse encore aux prêtres qui ont fait confiance à la grâce de Dieu, et qui ont librement et volontairement accueilli le saint célibat, selon l’exemple du Christ : qu’ils s’y attachent généreusement et cordialement, qu’ils persévèrent fidèlement dans leur état, qu’ils reconnaissent la grandeur du don que le Père leur a fait et que le Seigneur exalte si ouvertement 42, qu’ils contemplent les grands mystères signifiés et réalisés par leur célibat. Certes, il y a, dans le monde actuel, bien des hommes qui déclarent impossible la continence parfaite : c’est une raison de plus pour que les prêtres demandent avec humilité et persévérance, en union avec l’Église, la grâce de la fidélité, qui n’est jamais refusée à ceux qui la demandent.

Qu’ils emploient aussi les moyens naturels et surnaturels qui sont à la disposition de tous. Les règles éprouvées par l’expérience de l’Église, surtout celles de l’ascèse, ne sont pas moins nécessaires dans le monde d’aujourd’hui : que les prêtres sachent les observer. Ce saint Concile invite donc, non seulement les prêtres, mais tous les chrétiens, à tenir à ce don précieux du célibat sacerdotal, et à demander à Dieu de l’accorder toujours avec abondance à son Église.

33. Cf. Mt. 19, 12.

34. Cf. Concile Vatican II, Const. dogm. Lumen gentium, 21 nov. 1964, n. 42 :AAS 57 (1965), p. 47-49 [p. 69-71].

35. Cf. 1 Tim. 3, 2-5 ; Tit. 1, 6.

36. Cf. Pie XI, Encyclique Ad catholici sacerdotii, 20 déc. 1935 : AAS 28 (1936), p. 28 [trad. P. Veuillot, Notre sacerdoce, t. I, p. 295-296].

37. Cf. Mt. 19, 12.

38. Cf. 1 Cor. 7, 32-34.

39. Cf. 2 Cor. 11, 2.

40. Cf. Concile Vatican II, Const. dogm. Lumen gentium, 21 nov. 1964, n. 42 et 44 : AAS 57 (1965), pp. 47-49 et 50-51 [pp. 69-71, 73-74] ; Décret Perfectae caritatis sur l’adaptation et la rénovation de la vie religieuse, 28 oct. 1965, n. 12 : AAS 58 (1966), p. 707 [p. 382].

41. Cf. Lc 20, 35-36 ; Pie XI, Encyclique Ad catholici sacerdotii, 20 déc. 1935 : AAS 28 (1936), p. 24-28 [trad. P. Veuillot, p. 291-296] ; Pie XII, Encyclique Sacra Virginitas, 25 mars 1954 : AAS 46 (1954), p. 169-172 [DC 16 mai 1954, col. 584-586].

42. Cf. Mt. 19, 11.

17. (Attitude à l’égard du monde et des biens terrestres. Pauvreté volontaire)

La vie amicale et fraternelle des prêtres entre eux et avec les autres hommes leur permet d’apprendre à honorer les valeurs humaines et à considérer les choses créées comme des dons de Dieu. Vivant dans le monde, ils doivent pourtant toujours savoir que, selon la parole de notre Seigneur et Maître, ils ne sont pas du monde 43. Usant donc de ce monde comme s’ils n’en usaient pas vraiment 44, ils arriveront à la liberté qui les délivrera de tous les soucis désordonnés et les rendra accueillants pour écouter Dieu qui leur parle à travers la vie quotidienne.

Cette liberté et cet accueil font grandir le discernement spirituel, qui fait trouver l’attitude juste à l’égard du monde et des réalités terrestres. Attitude essentielle pour le prêtre, car la mission de l’Église s’accomplit au cœur du monde, et les choses créées sont nécessaires au progrès personnel de l’homme. Les prêtres doivent donc être reconnaissants à l’égard du Père céleste de tout ce qu’il leur donne pour leur permettre de bien mener leur existence. Mais il faut aussi que la lumière de la foi les aide à exercer leur discernement sur ce qui se trouve sur leur chemin ; ils doivent ainsi en venir à utiliser leurs biens d’une manière juste, selon la volonté de Dieu, et à rejeter tout ce qui fait obstacle à leur mission.

Car les prêtres ont le Seigneur pour " part " et pour " héritage " (Nombr. 18, 20), si bien qu’ils ne doivent se servir des choses terrestres que pour les usages permis par la doctrine du Christ Seigneur et les préceptes de l’Église.

Quant aux biens ecclésiastiques proprement dits, les prêtres les administreront conformément à leur nature et selon les lois ecclésiastiques, autant que possible avec l’aide de laïcs compétents. Ces biens seront toujours employés pour les fins qui justifient l’existence de biens temporels d’Église, c’est-à-dire pour organiser le culte divin, assurer au clergé un niveau de vie suffisant et soutenir les œuvres d’apostolat et de charité, spécialement en faveur des indigents 45.

Quant aux ressources qu’ils acquièrent à l’occasion de l’exercice d’une fonction ecclésiastique, sous réserve des législations particulières 46, les prêtres, aussi bien que les évêques, les emploieront d’abord pour s’assurer un niveau de vie suffisant, et pour accomplir les devoirs de leur état ; et ce qui restera, ils auront à cœur de l’employer au service de l’Église ou pour des œuvres de charité. Bref, une fonction d’Église ne doit pas devenir une activité lucrative ; les revenus qui en proviennent ne sauraient être utilisés pour augmenter le patrimoine personnel du prêtre 47. C’est pourquoi les prêtres, loin d’attacher leur cœur à la richesse 48 éviteront toute espèce de cupidité et rejetteront soigneusement tout ce qui aurait une apparence commerciale.

Ils sont même invités à embrasser la pauvreté volontaire qui rendra plus évidente leur ressemblance avec le Christ et les fera plus disponibles au saint ministère. Le Christ est devenu pauvre pour nous, lui qui était riche, a/in de nous enrichir par sa pauvreté 49. Les apôtres, à leur tour, ont montré par leur exemple qu’il faut donner gratuitement ce que Dieu accorde gratuitement 50 et ils ont su s’habituer à l’abondance comme au dénuement 51. Une certaine mise en commun matérielle, à l’image de la communauté de biens que vante l’histoire de la primitive Église 52, est une excellente voie d’accès à la charité pastorale ; c’est une manière de vivre louable qui permet aux prêtres de remettre en pratique l’esprit de pauvreté conseillé par le Christ.

Que les prêtres et les évêques se laissent donc conduire par l’Esprit qui a consacré le Sauveur par l’onction et l’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres 53 : qu’ils évitent tout ce qui pourrait, d’une manière ou d’une autre, écarter les pauvres ; qu’ils rejettent, plus encore que les autres disciples du Christ, toute apparence de vanité dans ce qui leur appartient. Qu’ils installent leur maison de manière qu’elle ne paraisse inaccessible à personne et que jamais personne, même les plus humbles, n’ait honte d’y venir.

43. Cf. Jn 17, 14-16.

44. Cf. I Cor. 7, 31.

45. Concile d’Antioche, can. 25 : Mansi 2, 1327-1328 ; Décret de Gratien, c. 23, C. 12, q. 1 (éd. Friedberg, I, pp. 684-685).

46. Cette clause renvoie avant tout aux droits et coutumes en vigueur dans les Églises orientales.

47. Concile de Paris (829), chap. 15 : MGH, Legum sect. III, Concilia, t. 2, pars 6, 622 ; Concile de Trente, Sess. 25, Décr. De Reform., ch. 1 (Conc. Oec. Decreta, éd. Herder, Rome 1962, pp. 760-761).

48. Cf. Ps. 62 (vulg. 61), 11.

49. cf. 2 Cor. 8, 9.

50. Cf. Act. 8, 18-25.

51. Cf. Phil. 4, 12.

52. Cf. Act. 2, 42-47.

53. Cf. Lc 4, 18.

 

Partie 3 : MOYENS AU SERVICE DE LA VIE DES PRÊTRES

18. (Moyens pour le développement de la vie spirituelle)

Pour mieux vivre leur union au Christ dans toutes les circonstances de la vie, les prêtres disposent, outre l’exercice conscient de leur ministère, d’un certain nombre de moyens, généraux ou particuliers, anciens ou nouveaux : le Saint-Esprit n’a jamais manqué d’en susciter dans le peuple de Dieu, et l’Église, soucieuse de la sanctification de ses membres, en recommande, et parfois même en impose l’usage 54. A la première place parmi ces moyens de développer la vie spirituelle, se situent les actes par lesquels les chrétiens se nourrissent du Verbe de Dieu aux deux tables de la Bible et de l’Eucharistie 55 ; personne n’ignore l’importance de leur fréquentation assidue pour la sanctification des prêtres.

Les ministres de la grâce sacramentelle s’unissent intimement au Christ Sauveur et Pasteur lorsqu’ils reçoivent avec fruit les sacrements, spécialement par la confession sacramentelle fréquente : préparée par l’examen de conscience quotidien, celle-ci est un soutien très précieux pour l’indispensable conversion du cœur à l’amour du Père des miséricordes. A la lumière de leur foi nourrie par la lecture de la Bible, ils peuvent rechercher avec attention les signes de la volonté de Dieu et les appels de sa grâce à travers la diversité des événements de l’existence ; ils deviennent ainsi de plus en plus dociles à la mission qu’ils ont assumée dans le Saint-Esprit.

De cette docilité les prêtres retrouvent sans cesse le merveilleux modèle dans la Sainte Vierge Marie : conduite par le Saint-Esprit, elle s’est donnée tout entière au mystère du rachat de l’humanité 56 ; mère du Grand Prêtre éternel, reine des Apôtres, soutien de leur ministère, elle a droit à la dévotion filiale des prêtres, à leur vénération et à leur amour.

Pour pouvoir accomplir avec fidélité leur ministère, ils doivent avoir à cœur de converser chaque jour avec le Christ Seigneur dans la visite et le culte personnel de la Sainte Eucharistie ; ils doivent aimer les temps de retraite et tenir à la direction spirituelle. Bien des moyens, en particulier les méthodes approuvées d’oraison et les diverses formes de prière qu’ils choisissent librement, permettent aux prêtres de rechercher et d’implorer de Dieu le véritable esprit d’adoration, grâce auquel, avec le peuple qui leur est confié, ils s’uniront intimement au Christ médiateur de la Nouvelle Alliance ; comme des fils adoptifs, ils pourront alors crier : " Abba ! c’est-à-dire : Père " (Rom. 8. 15).

54. Cf. Code de Droit canonique, can. 125 ss.

55. Cf. Concile Vatican II, Décret Perfectae caritatis sur l’adaptation et la rénovation de la vie religieuse, 28 oct. 1965, n. 6 : AAS 58 (1966), p. 705 [p. 379] ; Const. dogm. Dei Verbum sur la Révélation divine, 18 nov. 1965, n. 21 : AAS 58 (1966), p. 827 ss [p. 117].

56. Cf. Concile Vatican II, Const. dogm. Lumen gentium, 21 nov. 1964, n. 65 : AAS 57 (1965), p. 64-65 [p. 90].

19. (Étude et science pastorale)

Au cours de leur ordination, l’évêque invite les prêtres à " faire preuve de maturité par leur science ", à ce que leur " enseignement soit un remède spirituel pour le peuple de Dieu " 57. Cette science du ministre sacré doit être sacrée ; découlant d’une source sacrée, elle vise un but qui est lui-même sacré. Puisée avant tout dans la lecture et la méditation de la Bible 58, elle trouve encore une nourriture fructueuse dans l’étude des Pères, Docteurs de l’Église, et autres témoins de la tradition. En outre, pour répondre de manière juste aux questions posées par les hommes d’aujourd’hui, il importe que les prêtres aient une connaissance sérieuse des documents du magistère, spécialement ceux des Conciles et des Papes, et qu’ils sachent consulter les meilleurs auteurs théologiques dont la science est reconnue.

Étant donné qu’actuellement la culture humaine et même les sciences sacrées progressent et se renouvellent, les prêtres sont appelés à perfectionner leurs connaissances religieuses et humaines de façon adaptée et ininterrompue ; c’est pour eux la meilleure préparation au dialogue avec leurs contemporains.

Pour faciliter aux prêtres le travail d’étude et la connaissance des méthodes d’évangélisation et d’apostolat, on fera tout le nécessaire pour mettre à leur disposition ce dont ils ont besoin : on organisera, suivant les situations locales, des sessions ou des congrès, on fondera des centres d’études pastorales, on créera des bibliothèques. on confiera à des hommes compétents l’organisation du travail de réflexion. Les évêques devront aussi, chacun pour son compte on à plusieurs, trouver le meilleur moyen de donner à tous les prêtres, à des moments déterminés, en particulier quelques années après leur ordination 59, la possibilité de suivre une session, grâce à laquelle ils pourront perfectionner leurs connaissances pastorales et théologiques, affermir leur vie spirituelle et partager avec leurs frères leurs expériences apostoliques 60. On utilisera également ces moyens, ou d’autres mieux adaptés, pour venir en aide particulièrement à ceux qui sont nommés curés, à ceux qui abordent une activité pastorale nouvelle, à ceux qui partent dans un autre diocèse ou dans un autre pays.

Enfin, les évêques veilleront à ce que certains prêtres se consacrent à une étude plus approfondie des sciences sacrées : il s’agit, en effet, de ne pas manquer de professeurs capables de former les clercs, d’aider les autres prêtres et les chrétiens à acquérir les connaissances dont ils ont besoin, d’encourager le sain développement des sciences sacrées qui est absolument indispensable à l’Église.

57. Pontifical Romain, Ordination des prêtres [trad. P. Jounel, Les ordinations, Paris-Tournai 1963, p. 98-991.

58. Cf. Concile Vatican II, Const. dogm. Dei Verbum sur la Révélation divine, 18 nov. 1965, n. 25 : AAS 58 (1966), p. 829 [p. 119-120].

59. Cet élément de formation est distinct de la formation pastorale intervenant aussitôt après l’ordination, dont parle le Décret Optatam totius sur la formation des prêtres, 28 oct. 1965, n. 22 : AAS 58 (1966), p. 726 s. [p. 371-372].

60 Cf. Concile Vatican II, Décret Christus Dominus sur la fonction pastorale des évêques dans l’Église, 28 oct. 1965, n. 16 : AAS 58 (1966), p. 681 [p. 286-288].

20. (La juste rémunération à assurer aux prêtres)

Les prêtres consacrent leur vie au service de Dieu en accomplissant la fonction qui leur est confiée ; ils méritent donc de recevoir une juste rémunération " car l’ouvrier mérite son salaire " (Le 10, 7) 61 et " le Seigneur a prescrit à ceux qui annoncent l’Évangile de vivre de l’Évangile " (1 Cor. 9, 14). Là où rien d’autre n’existe pour assurer cette juste rémunération, faire le nécessaire pour assurer aux prêtres un niveau de vie suffisant et digne est, à proprement parler, une obligation pour les chrétiens, puisque c’est à leur service que les prêtres consacrent leur activité. Les évêques, eux, ont le devoir de rappeler aux chrétiens cette obligation ; ils doivent veiller—chacun pour son diocèse ou, de préférence, à plusieurs ensemble dans un même territoire—à établir des règles pour assurer comme il se doit une vie convenable à ceux qui exercent, ou ont exercé, une fonction au service du peuple de Dieu.

La rémunération versée à chacun devra tenir compte de la nature de la fonction exercée et des circonstances de temps et de lieu, mais elle sera fondamentalement la même pour tous ceux qui sont dans la même situation ; elle devra être adaptée aux conditions où ils se trouvent ; en outre, elle leur laissera les moyens, non seulement d’assurer comme il se doit la rémunération de ceux qui se dévouent à leur service, mais encore d’apporter eux-mêmes une aide à ceux qui sont dans le besoin, car ce ministère à l’égard des pauvres a toujours été en grand honneur dans l’Église dès ses origines. Enfin, cette rémunération devra permettre aux prêtres de prendre chaque année, pendant une durée suffisante, les vacances dont ils ont besoin : les évêques doivent veiller à ce que ce temps de vacances soit assuré aux prêtres.

C’est à la fonction remplie par les ministres sacrés qu’il faut accorder le rôle principal. De ce fait, il faut abandonner le système dit des " bénéfices " ou, du moins, le réformer de telle manière que l’aspect bénéficial, c’est-à-dire le droit aux revenus de la dotation attachée à la fonction, soit traité comme secondaire. Le droit donnera donc la priorité à la fonction ecclésiastique elle-même, désignation qui s’appliquera désormais à toute charge conférée de façon stable pour être exercée en vue d’une fin spirituelle.

61. Cf. Mt. 10, 10 ; 1 Cor. 9, 7 ; 1 Tim. 5. 18.

21. (Constitution de caisses communes et organisation de la sécurité sociale pour les prêtres)

Il faut toujours se référer à l’exemple des croyants de la primitive Église à Jérusalem : " Entre eux, tout était commun " (Act. 4, 32) et " on distribuait à chacun suivant ses besoins " (Act. 4, 35). C’est en ce sens qu’il est très souhaitable d’avoir, au moins dans les pays où la vie matérielle du clergé dépend entièrement, ou en grande partie, des offrandes des chrétiens, une institution diocésaine pour rassembler l’argent offert à cette fin ; elle sera administrée par l’évêque assisté de prêtres délégués et, là où cela parait utile, de laïcs compétents en matière financière. Il est également désirable qu’il y ait, en outre, autant que possible, pour chaque diocèse ou chaque pays, une caisse commune permettant aux évêques de satisfaire à d’autres obligations envers les personnes qui sont au service de l’Église et de subvenir aux différents besoins du diocèse ; cette caisse doit aussi permettre aux diocèses plus riches d’aider les plus pauvres, pour que le superflu des uns subvienne à l’indigence des autres 62.

Elle devra être alimentée avant tout par les sommes provenant des offrandes des chrétiens, mais également par d’autres ressources, que le droit devra préciser.

En outre, dans les pays où la sécurité sociale n’est pas encore correctement organisée en faveur du clergé, les conférences épiscopales, compte tenu toujours des lois ecclésiastiques et civiles, veilleront à ce qu’il existe, soit des organismes diocésains — éventuellement fédérés entre eux —, soit des organismes interdiocésains, soit une association établie pour l’ensemble du territoire, en vue d’organiser, sous le contrôle de la hiérarchie, d’une part une prévoyance et une assistance médicale satisfaisantes, d’autre part la prise en charge due aux prêtres pour les cas d’infirmité, d’invalidité ou de vieillesse. Les prêtres soutiendront l’organisme ainsi établi dans un esprit de solidarité avec leurs frères, prenant part ainsi à leur épreuve 63. Ils s’apercevront en même temps qu’ils se trouvent libérés du souci de l’avenir, et donc en mesure de pratiquer la pauvreté avec plus d’ardeur évangélique et de se consacrer tout entiers au salut des âmes. Enfin, les responsables feront en sorte que les différents organismes nationaux aient des liens entre eux, ce qui leur donnera une plus grande solidité et une plus large diffusion.

62. Cf. 2 Cor. 8, 14.

63. Cf. Phil. 4, 14.

 

CONCLUSION ET EXHORTATION

22. Conscient des joies de la vie sacerdotale, ce saint Concile ne peut cependant ignorer les difficultés dont souffrent les prêtres dans les conditions de la vie actuelle. Il connaît la transformation de la situation économique et sociale, et même des mœurs ; il connaît le bouleversement de la hiérarchie des valeurs dans le jugement des hommes. Dans ces conditions les ministres de l’Église, et même parfois les chrétiens, se sentent comme étrangers à ce monde. Avec anxiété, ils se demandent quels moyens, quels mots trouver pour entrer en communication avec lui. Obstacles nouveaux à la vie de foi, stérilité apparente du labeur accompli, dure épreuve de la solitude, tout cela peut risquer de les conduire au découragement.

Mais ce monde, tel qu’il est aujourd’hui, ce monde confié à l’amour et au ministère des pasteurs de l’Église, Dieu l’a tant aimé qu’il a donné pour lui son Fils unique 1. En vérité, avec tout le poids de son péché, mais aussi avec la richesse de ses possibilités, ce monde offre à l’Église les pierres vivantes 2 qui s’intègrent à la construction pour être une demeure de Dieu dans l’Esprit 3. Et c’est encore l’Esprit-Saint qui pousse l’Église à ouvrir des chemins nouveaux pour aller au-devant du monde d’aujourd’hui ; c’est lui qui, de ce fait, suggère et encourage les adaptations qui s’imposent pour le ministère sacerdotal.

Que les prêtres ne l’oublient pas : ils ne sont jamais seuls dans leur action, ils s’appuient sur la force du Dieu tout-puissant ; que leur foi au Christ, qui les a appelés à participer à son sacerdoce, les aide à se donner en toute confiance à leur ministère, car ils savent que Dieu est assez puissant pour augmenter en eux la charité 4. Qu’ils ne l’oublient pas non plus : ils ont pour compagnons leurs frères dans le sacerdoce, bien plus, les chrétiens du monde entier. Tous les prêtres travaillent ensemble pour accomplir le dessein divin du salut, le Mystère du Christ caché depuis les siècles en Dieu 5, qui ne se réalise que peu à peu, par l’effort coordonné de ministères différents, en rue de l’édification du Corps du Christ jusqu’à ce qu’il atteigne toute sa taille. Tout cela, certes, est caché en Dieu 6, et c’est surtout la foi qui peut s’en rendre compte.

C’est dans la foi que doivent marcher les guides du peuple de Dieu, suivant l’exemple d’Abraham le fidèle, qui, " par la loi, obéit à l’appel de partir vers un pays qu’il devait recevoir en héritage, et il partit ne sachant où il allait " (Hébr. 11, 8). En vérité, l’intendant des mystères de Dieu ressemble au semeur dont le Seigneur a dit : " Qu’il dorme ou qu’il se lève, la nuit ou le jour, la semence germe et pousse, il ne sait comment " (Mc 4, 27). D’ailleurs, si le Seigneur Jésus a dit : " Gardez courage ! j’ai vaincu le monde " (Jn 16, 33), il n’a pas, pour autant, promis à l’Église la victoire totale ici-bas. Ce qui fait la joie de ce saint Concile, c’est que la terre, ensemencée par la graine de l’Évangile, donne aujourd’hui du fruit en bien des endroits, sous la conduite de l’Esprit du Seigneur qui remplit l’univers et qui a fait naître au cœur de tant de prêtres et de tant de chrétiens un esprit vraiment missionnaire. Pour tout cela, avec toute son affection, le saint Concile remercie les prêtres du monde entier. Et " à Celui qui peut tout faire, et bien au-delà de nos demandes et de nos pensées, en vertu de la puissance qui agit en nous, à lui la gloire dans l’Église et le Christ Jésus " (Eph. 3, 20-21).

Tout l’ensemble et chacun des points qui sont édictés dans ce Décret ont plu aux Pères du saint Concile. Et Nous, en vertu du pouvoir apostolique que le Christ Nous a confié, avec les vénérables Pères, Nous les approuvons, décrétons et arrêtons dans le Saint-Esprit, et Nous ordonnons que, pour la gloire de Dieu, ce qui a été ainsi établi en Concile soit promulgué.

 

Rome, près Saint-Pierre, le 7 décembre 1965.

Moi, PAUL, Évêque de l’Église catholique.

Suivent les signatures des Pères.

1. Cf. In 3, 16.

2. Cf. I Petr. 2. 5.

3. Cf. Eph. 2, 22.

4. Cf. Pontifical Romain, Ordination des prêtres [trad. Jounel, Les ordinations, Paris-Tournai 1963, p. 107].

5. Cf. Eph. 3, 9.

6. Cf. Col. 3, 3.