Conseil Pontifical " Justice et Paix "

 

 

AGENDA SOCIAL

Une collection de textes du Magistère

 

 

 

Préface de

S.E. Mgr François-Xavier Nguen Van Thuan

Président du Conseil Pontifical " Justice et Paix "

Sous la direction de

Abbé Robert A. Sirico

Président de l’ "Action Institute for the Study of Religion and Liberty"

Grand Rapids, Michigan, USA

Père Maciej Zieba, O.P.

Président de l’Institut " Tertio Millenio "

Cracovie, Pologne

 

 

Table des matières

Table des matières *

Préface *

Abréviations* *

Article premier : Nature de la Doctrine sociale de l’Église *

1. L’Église comme Mère et Maîtresse *

II. La Mission de l’Église *

III. Le message social de l’Église *

IV. La portée de l’enseignement social de l’Église *

V. Evangélisation et enseignement social de l’Église *

Article deuxième : la personne humaine *

I. La dignité de la personne humaine *

II. Liberté et vérité *

III. La nature sociale de l’homme *

IV. Les droits humains *

V. La liberté religieuse *

Article troisième : la famille *

I. L’institution de la famille *

II. Le mariage *

III. Les enfants et les parents *

IV. La famille, l’éducation et la culture *

V. Le caractère sacré de la vie humaine *

VI. La plaie de l’avortement et de l’euthanasie *

VII. La peine capitale *

VIII. La dignité de la femme *

Article quatrième : l’ordre social *

I. La place centrale de la personne humaine *

II. Une société fondée sur la vérité *

III. La solidarité *

IV. Subsidiarité *

V. Participation *

VI. Aliénation et marginalisation *

VII. Liberté sociale *

VIII. Culture *

IX. Le développement humain authentique *

X. Le bien commun *

XI. " Le péché social " *

Article cinquième : Le rôle de l’État *

I. L’autorité temporelle *

II. Le rôle de la loi *

III. Le rôle du gouvernement *

IV. Église et État *

V. Formes de gouvernement *

VI. La démocratie *

Article sixième : L’économie *

I. La destination universelle des biens matériels *

II. Propriété privée *

III. Le système économique *

IV. Moralité, justice et ordre économique *

V. Une vraie théologie de la libération *

VI. L’intervention de l’État et l’économie *

VII. L’entreprise *

VIII. Économie et consumérisme *

Article septième : Travail et salaires *

I. La nature du travail *

II. Justes salaires et justes rétributions *

III. Le lieu de travail *

IV. Le chômage *

V. Les syndicats *

VI. Les grèves *

Article huitième : Pauvreté et charité *

I. Le scandale de la pauvreté *

II. La justice sociale *

III. La charité et l’option préférentielle pour les pauvres *

IV. L’État providence *

Article neuvième : L’environnement *

I. La qualité de l’ordre de la création *

II. Les problèmes liés à l’environnement *

III. Tutelle écologique *

IV. Technologie *

Article dixième : La communauté internationale *

I. La famille *

II. Le libre échange *

III. La paix et la guerre *

IV. Armement *

V. Le bien commun universel *

VI. Les organisations transnationales et internationales *

VII. L’immigration *

VIII. La dette extérieure *

IX. Nationalisme et tensions ethniques *

X. L’économie globale *

Article onzième : Conclusion *

I. Le défi de l’enseignement social catholique *

Bibliographie *

Index analytique *

 

Préface

 

 

Le Seigneur ne nous abandonne jamais. Tandis que j'écris cette préface pour une collection de textes sur la doctrine sociale de l'Eglise, je me mets à songer à il y a plus de cinquante ans, à l'année 1945. J'avais juste dix-sept ans. Mon pays, le Viêt-nam, traversait des moments très difficiles. A divers points de vue, il avait perdu son identité. C'était la fin de la guerre et le Japon et l'Europe étaient bouleversés. Le communisme commençait à se faufiler.

J'étais un jeune membre d'un petit groupe de catholiques dans la Cité Impériale de Hué. Nous avions la chance de posséder les textes de quelques encycliques sociales, telles que Rerum Novarum, Quadragesimo Anno et Divini Redemptoris. En ces moments de grandes difficultés, nous les reproduisions le mieux que nous pouvions.

L'un de nos membres-son nom était Alexis-allait de province en province pour apporter les textes aux familles et aux communautés. Il le faisait en prenant des risques énormes pour lui-même et sa famille nombreuse. Parfois, il cachait les textes en les attachant à ses jambes alors qu'il passait secrètement de village en village. Il a fini par être arrêté et, par la suite, il est mort en prison.

Mais son travail a constitué un legs formidable. De nombreux jeunes femmes et jeunes hommes ont trouvé un nouveau sens d'espoir en prenant connaissance des documents de la doctrine sociale de l'Eglise. En fait, cette connaissance leur a ouvert un nouveau chemin de lumière et d'espoir qui leur a servi durant les jours terribles qui allaient suivre. Le Seigneur Jésus ne les a pas abandonnés.

La doctrine sociale de l'Eglise peut avoir le même effet aujourd'hui dans notre situation que le Pape Paul VI, dans son dernier testament, a appelée "dramatique et triste mais toutefois magnifique". La doctrine sociale de cette série remarquable de Papes depuis Léon XIII peut être, pour le chrétien de notre temps, une grande source d'orientation et un véritable instrument d'évangélisation. Nous en avons tous besoin.

Dans cette Année du Jubilé, de nombreuses publications ont rassemblé divers éléments de doctrine sociale catholique. Le Catéchisme de l'Eglise Catholique contient de nombreux éléments et constitue une source des plus officielles. Le Saint-Siège prépare également une synthèse officielle de la doctrine sociale de l'Eglise, mettant en valeur sa relation avec la "nouvelle évangélisation". D'autres publications ont récemment fait leur apparition au Mexique et en Espagne.

Nous célébrons l'Année du Jubilé comme l'anniversaire du Mystère de l'Incarnation de Jésus-Christ - Dieu et homme - qui est passé par le genre humain pour y arriver. Dans un esprit de service envers la célébration du Grand Jubilé de l'An 2000, les éditeurs de ce volume ont rassemblé un recueil utile de textes en rapport avec la doctrine sociale de l'Eglise. Il sera publié en sept langues et sera fort utile aux responsables académiques et pastoraux, aux responsables politiques et des affaires, et, bien entendu, aux travailleurs et aux pauvres. Je prie en particulier pour que ceux qui, aujourd'hui, représentent les souffrances du genre humain trouvent, par le biais de ces textes, le chemin menant à Jésus, notre Sauveur, le seul nouveau chemin de lumière et d'espoir de notre temps.

Comme toute recueil, cette publication ne prétend pas être complète. Les textes individuels ont été choisis en raison de leur signification mais nous espérons que le lecteur les relira dans leur contexte d'origine et deviendra ainsi plus familier avec l'ampleur de la doctrine sociale catholique.

Les étudiants, les enseignants et tous ceux qui recherchent une meilleure connaissance de la doctrine sociale de l'Eglise trouveront dans cette collection les déclarations centrales des Souverains Pontifes issues d'une variété de textes, y compris encycliques pontificales, lettres apostoliques et documents conciliaires sur des sujets en rapport avec la politique, l'économie et la culture. Les sélections sont classées de manière thématique selon les divers sujets de la doctrine sociale catholique. Sous chaque titre thématique, les citations sont disposées selon un ordre pédagogique-plutôt que chronologique ou magistral-et chaque sujet commence par une citation expliquant la question traitée.

Ces déclarations viennent du coeur de l'Eglise pour un monde ayant un besoin désespéré d'une vision morale afin de construire un ordre social plus humain. Tandis que l'Eglise ne prétend pas offrir des solutions scientifiques aux problèmes économiques ou sociaux sous la forme de recommandations de politiques publiques ou de dispositions légales précises, ce qu'elle offre est bien plus important: un ensemble d'idées et de valeurs morales qui confirment et affirment la dignité de tous. L'application de tels principes aux réalités économiques, politiques et sociales peut aboutir à la justice et à la paix pour tous, à un développement humain sincère et à la libération des peuples de l'oppression, de la pauvreté et de la violence.

Le Conseil Pontifical "Justice et Paix" exprime sa reconnaissance au Révérend Robert A. Sirico et au Révérend Maciej Zieba, O.P., pour avoir supervisé cette collection. Le Conseil Pontifical désire également rendre hommage à l'aide précieuse des personnes suivantes, dans le cadre du rassemblement de la collection de textes: les employés de l'"Acton Institute for the Study of Religion and Liberty" de Grand Rapids, Michigan, en particulier Gregory Gronbacher, Ph.D, Kevin Schmiesing, Ph.D, et Stephen J. Grabill, Th.M.; l'Instytut "Tertio Millennio" de Cracovie, en particulier Slawomir Sowinski et Piotr Kimla; le Ministre Professeur Alvaro Corcuera Martinez de Río, L.C., le Recteur, les étudiants et les employés du Pontificio Ateneo "Regina Apostolorum" de Rome; et le Révérend John-Peter Pham, S.T.D., Rome.

Je suis heureux de recommander cette recueil à tous ceux qui partagent notre vision sur la réunion de la justice et de la paix, et à tous ceux qui cherchent à connaître la doctrine sociale de l'Eglise. Je suis particulièrement satisfait de pouvoir offrir cette ressource aux enseignants, théologiens, catéchistes et à tous ceux qui enseignent aux fidèles les voies de la vérité. Que la doctrine sociale de l'Eglise contribue à l'intérêt commun universel et aide à établir la vision des psalmistes où justice et paix s'embrassent (Ps 85, 9-12), pour inaugurer l'arrivée du Royaume de Dieu.

+ François-Xavier Nguyên Van Thuân

Archevêque titulaire de Vadesi

Président du Conseil Pontifical "Justice et Paix"

Cité du Vatican, 1er mai 2000

Fête de Saint Joseph, travailleur

 

 

Abréviations*

CA Centesimus Annus (Centenaire de Rerum Novarum); Jean-Paul II

CEC Catéchisme de l'Église Catholique

GS Gaudium et Spes (Constitution pastorale sur l'Église dans le monde de ce temps); Concile Vatican II

LG Lumen Gentium (Constitution dogmatique sur l'Église); Concile Vatican II

MM Mater et Magistra (Progrès social); Jean XXIII

PP Populorum Progressio (Développement des peuples); Paul VI

PT Pacem in Terris (Paix entre toutes les nations); Jean XXIII

QA Quadragesimo Anno (Restauration de l'ordre social); Pie XI

RN Rerum Novarum (Condition des ouvriers); Léon XIII

SRS Sollicitude Rei Socialis (Question sociale); Jean-Paul II

TMA Tertio Millennio Adveniente (Préparation du Jubilé de l'an 2000); Jean-Paul II

 

* Seuls les documents paraissant sur cette page ont été cités dans le recueil avec leur abréviation. Les références complètes pour toute autre citation peuvent être obtenues en consultant la bibliographie.

 

Article premier :
Nature de la Doctrine sociale de l’Église

1. L’Église comme Mère et Maîtresse

1. Mère et éducatrice de tous les peuples, l’Église universelle a été instituée par Jésus-Christ pour que tous les hommes au long des siècles trouvent en son sein et dans son amour la plénitude d’une vie plus élevée et la garantie de leur salut. A cette Église, " colonne et fondement de vérité " (cf. 1 Tm 3, 15), son saint fondateur a confié une double tâche : engendrer des fils, les éduquer et les diriger, en veillant avec une providence maternelle sur la vie des individus et des peuples, dont elle a toujours respecté et protégé avec soin la dignité.

(MM 1)

2. Assurément, une question de cette gravité demande encore à d’autres agents leur part d’activité et d’efforts. Nous voulons parler des chefs d’Etat, des patrons et des riches, des ouvriers eux-mêmes dont le sort est ici en jeu. Mais ce que Nous affirmons sans hésitation, c’est l’inanité de leur action en-dehors de celle de l’Église. C’est l’Église, en effet, qui puise dans l’Évangile des doctrines capables, soit de mettre fin au conflit, soit au moins de l’adoucir en lui enlevant tout ce qu’il a d’âpreté et d’aigreur ; l’Église, qui ne se contente pas d’éclairer l’esprit de ses enseignements, mais s’efforce encore de régler en conséquence la vie et les moeurs de chacun ; l’Église qui, par une foule d’institutions éminemment bienfaisantes, tend à améliorer le sort des classes pauvres ; l’Église qui veut et désire ardemment que toutes les classes mettent en commun leurs lumières et leurs forces, pour donner à la question ouvrière la meilleure solution possible ; l’Église enfin qui estime que les lois et l’autorité publique doivent, avec mesure et avec sagesse sans doute, apporter à cette solution leur part de concours.

(RN 16)

3. Le christianisme, en effet, rejoint la terre au ciel, en tant qu’il prend l’homme dans sa réalité concrète, esprit et matière, intelligence et volonté, et l’invite à élever sa pensée des conditions changeantes de la vie terrestre vers les cimes de la vie éternelle, dans un accomplissement sans fin de bonheur et de paix.

(MM 2)

4. Rien d’étonnant donc à ce que l’Église catholique, à l’imitation et au commandement du Christ, pendant deux mille ans, de l’institution des diacres antiques jusqu’à nos jours, ait constamment tenu très haut le flambeau de la charité, par ses commandements, mais aussi par ses innombrables exemples ; cette charité, en harmonisant les préceptes de l’amour mutuel et leur pratique, réalise admirablement le commandement de ce double don, qui résume la doctrine et l’action sociale de l’Église.

(MM 6)

5. Ainsi, à la lumière de la doctrine du Concile Vatican II, l’Église apparaît à nos yeux comme étant socialement sujet de responsabilité à l’égard de la vérité divine. C’est avec une profonde émotion que nous écoutons le Christ lui-même lorsqu’il déclare : " La parole que vous entendez n’est pas la mienne, mais elle est celle du Père qui m’a envoyé " (Jn 14, 24) … C’est pourquoi il est nécessaire que l’Église, lorsqu’elle professe et enseigne la foi, adhère étroitement à la vérité divine (Dei Verbum, nn. 5, 10, 21) et que cela se traduise par une attitude vécue de " soumission conforme à la raison " (cf. Dei Filius, chap. 3).

(RH 19)

6. En particulier, comme l’affirme le Concile, " la charge d’interpréter de façon authentique la parole de Dieu, écrite ou transmise, a été confiée au seul Magistère vivant de l’Église dont l’autorité s’exerce au nom de Jésus Christ " (Dei Verbum, n. 10). Ainsi l’Église, dans sa vie et dans son enseignement, se présente comme " colonne et support de la vérité " (1 Tm 3, 15), et aussi de la vérité dans l’agir moral. En effet, " il appartient à l’Église d’annoncer en tout temps et en tout lieu les principes de la morale, même en ce qui concerne l’ordre social, ainsi que de porter un jugement sur toute réalité humaine, dans la mesure où l’exigent les droits fondamentaux de la personne humaine ou le salut des âmes " (Code de droit Canonique, 747 n. 2).

Précisément sur les questions qui font l’objet aujourd’hui du débat moral et autour desquelles se sont développées de nouvelles tendances et de nouvelles théories, le Magistère, dans la fidélité à Jésus Christ et dans la continuité de la Tradition de l’Église, estime qu’il est de son devoir urgent de proposer son discernement et son enseignement, afin d’aider l’homme sur le chemin vers la vérité et vers la liberté.

(VS 27)

II. La Mission de l’Église

7. Née de l’amour du Père éternel, fondée dans le temps par le Christ rédempteur, rassemblée dans l’Esprit-Saint (Cf. Ep 1, 3 ;5,6. 13-14.23), l’Église poursuit une fin salvifique et eschatologique qui ne peut être pleinement atteinte que dans le siècle à venir. Mais, dès maintenant présente sur cette terre, elle se compose d’hommes, de membres de la cité terrestre, qui ont vocation de former, au sein même de l’histoire humaine, la famille des enfants de Dieu, qui doit croître sans cesse jusqu’à la venue du Seigneur. Unie en vue des biens célestes, riche de ces biens, cette famille " a été constituée et organisée en ce monde comme une société " (LG, n. 8) par le Christ, et elle a été dotée " de moyens capables d’assurer son union visible et sociale " (LG, n. 8). A la fois " assemblée visible et communauté spirituelle ", l’Église fait ainsi route avec toute l’humanité et partage le sort terrestre du monde ; elle est comme le ferment et, pour ainsi dire, l’âme de la société humaine appelée à être renouvelée dans le Christ et transformée en famille de Dieu.

(GS 40)

8. L’enseignement et la diffusion de la doctrine sociale font partie de la mission d’évangélisation de l’Église. Et, s’agissant d’une doctrine destinée à guider la conduite de la personne, elle a pour conséquence l’ " engagement pour la justice " de chacun suivant son rôle, sa vocation, sa condition.

L’accomplissement du ministère de l’évangélisation dans le domaine social, qui fait partie de la fonction prophétique de l’Église, comprend aussi la dénonciation des maux et des injustices. Mais il convient de souligner que l’annonce est toujours plus importante que la dénonciation, et celle-ci ne peut faire abstraction de celle-là qui lui donne son véritable fondement et la force de la motivation la plus haute.

(SRS 41)

9. Nous confessons que le Royaume de Dieu commencé ici-bas en l’Église du Christ n’est pas de ce monde, dont la figure passe, et que sa croissance propre ne peut se confondre avec le progrès de la civilisation, de la science ou de la technique humaines, mais qu’elle consiste à connaître toujours plus profondément les insondables richesses du Christ, à espérer toujours plus fortement les biens éternels, à répondre toujours plus ardemment à l’amour de Dieu, à dispenser toujours plus largement la grâce et la sainteté parmi les hommes. Mais c’est ce même amour qui porte l’Église à se soucier constamment du vrai bien temporel des hommes. Ne cessant de rappeler à ses enfants qu’ils n’ont pas ici-bas de demeure permanente, elle les presse aussi de contribuer, chacun selon sa vocation et ses moyens, au bien de leur cité terrestre, de promouvoir la justice, la paix et la fraternité entre les hommes, de prodiguer leur aide à leurs frères, surtout aux plus pauvres et aux plus malheureux. (Paul VI, Profession de foi du Peuple de Dieu, n. 27)

(Libertatis Nuntius, Conclusion)

10. L’Église, pour sa part, qui a reçu la mission de manifester le mystère de Dieu, de ce Dieu qui a reçu la mission de manifester le mystère de Dieu, de ce Dieu qui est la fin ultime de l’homme, révèle en même temps à l’homme le sens de sa propre existence, c’est-à-dire sa vérité essentielle. L’Église sait parfaitement que Dieu seul, dont elle est la servante, répond aux plus profonds désirs du coeur humain que jamais ne rassasient pleinement les nourritures terrestres.

(GS 41)

11. Dès lors, l’Église pourvue des dons de son Fondateur et attachée à ses préceptes de charité, d’humilité et d’abnégation, reçoit la mission d’annoncer et d’instaurer en toutes les nations le Royaume du Christ et de Dieu dont, sur terre, elle constitue le germe et le commencement. Dans l’intervalle, à mesure qu’elle grandit, elle aspire à l’accomplissement du Royaume, elle espère et souhaite de toutes ses forces être unie à son Roi dans la gloire.

(LG 5)

12. L’Église, on le sait, n’est point séparée du monde ; elle vit dans le monde. Les membres de l’Église subissent l’influence du monde ; ils en respirent la culture, en acceptent les lois et en adoptent les mœurs. Ce contact intime avec la société temporelle crée pour l’Église une situation toujours pleine de problèmes ; aujourd’hui ceux-ci sont particulièrement aigus.

D’une part la vie chrétienne, que l’Église sauvegarde et développe, doit sans cesse et courageusement se défendre de toute déviation, profanation ou étouffement ; il lui faut comme s’immuniser contre la contagion de l’erreur et du mal. Mais d’autre part la vie chrétienne ne doit pas simplement s’accommoder des manières de penser et d’agir présentées et imposées par le milieu temporel, tant qu’elles sont compatibles avec les impératifs essentiels de son programme religieux et moral ; elle doit de plus tâcher de les rejoindre, de les purifier, de les ennoblir, de les animer et de les sanctifier.

(ES 42)

13. L’Église offre aux hommes l’Évangile, document prophétique qui répond aux exigences et aux aspirations du coeur humain : il est toujours " Bonne Nouvelle ". L’Église ne peut se dispenser de proclamer que Jésus est venu révéler le visage de Dieu et mériter, par la Croix et la Résurrection, le salut pour tous les hommes.

(RM 11)

14. Tout ce qui est humain nous regarde. Nous avons en commun avec toute l’humanité la nature, c’est-à-dire la vie, avec tous ses dons, avec tous ses problèmes. Nous acceptons de partager cette première universalité ; nous sommes tout disposés à accueillir les requêtes profondes de ses besoins fondamentaux, à applaudir aux affirmations nouvelles et parfois sublimes de son génie. Et nous avons des vérités morales, vitales, à mettre en évidence et à consolider dans la conscience humaine, car elles sont bienfaisantes pour tous. Partout où l’homme se met en devoir de se comprendre lui-même et de comprendre le monde, nous pouvons communiquer avec lui.

(ES, n. 97)

III. Le message social de l’Église

15. L’intérêt actif que porte l’Église à la question sociale, c’est-à-dire à ce qui a pour fin un développement authentique de l’homme et de la société, de nature à respecter et à promouvoir la personne humaine dans toutes ses dimensions, s’est toujours manifesté de manières très diverses. L’un des modes d’intervention privilégié ces derniers temps a été le Magistère des Pontifes Romains, qui ont souvent traité la question en se référant à l’encyclique Rerum novarum de Léon XIII, faisant parfois coïncider la date de publication des divers documents sociaux avec les anniversaires de cette première encyclique. Les Souverains Pontifes n’ont pas manqué, par ces interventions, de mettre en relief également des aspects nouveaux de la doctrine sociale de l’Église. Ainsi, en commençant par l’apport remarquable de Léon XIII, enrichi par les contributions successives du Magistère, s’est constitué un corps de doctrine actualisé qui s’articule à mesure que l’Église interprète les événements dans leur déroulement au cours de l’histoire à la lumière de l’ensemble de la Parole révélée par le Christ Jésus (Dei Verbum, n. 4) et avec l’assistance de l’Esprit Saint (cf Jn 14, 16 26 ; 16, 13-15). Elle cherche de cette façon à guider les hommes pour qu’ils répondent, en s’appuyant sur la réflexion rationnelle et l’apport des sciences humaines, à leur vocation de bâtisseurs responsables de la société terrestre.

(SRS 1)

16. Dans les perturbations et les incertitudes de l’heure présente, l’Église a un message spécifique à proclamer, un soutien à donner aux hommes dans leurs efforts pour prendre en main et orienter leur avenir. Depuis l’époque où Rerum Novarum dénonçait de manière vive et impérative le scandale de la condition ouvrière dans la société industrielle naissante, l’évolution historique a fait prendre conscience, comme le constataient déjà Quadragesimo anno et Mater et Magistra, d’autres dimensions et d’autres applications de la justice sociale. Le récent Concile s’est employé, pour sa part, à les dégager, en particulier dans la Constitution pastorale Gaudium et Spes. Nous-même déjà avons prolongé ces orientations par notre encyclique Populorum Progressio : " Aujourd’hui, disions-Nous, le fait majeur dont chacun doit prendre conscience est que la question sociale est devenue mondiale " (PP, n. 3). " Une prise de conscience renouvelée des exigences du message évangélique fait un devoir à l’Église de se mettre au service des hommes pour les aider à saisir toutes les dimensions de ce grave problème et pour les convaincre de l’urgence d’une action solidaire en ce tournant de l’histoire de l’humanité ".

(OA 5)

17. " La révélation chrétienne conduit à une intelligence plus pénétrante des lois de la vie sociale " (GS 23, § 1). L’Église reçoit de l’Évangile la pleine révélation de la vérité de l’homme. Quand elle accomplit sa mission d’annoncer l’Évangile, elle atteste à l’homme, au nom du Christ, sa dignité propre et sa vocation à la communion des personnes ; elle lui enseigne les exigences de la justice et de la paix, conformes à la sagesse divine.

(CEC 2419)

18. La doctrine sociale de l’Église, qui propose un ensemble de principes de réflexion, de critères pour le jugement et de directives pour l’action, s’adresse tout d’abord aux membres de l’Église. Il est essentiel que les fidèles engagés dans la promotion humaine aient une solide compréhension de ce précieux corpus d’enseignement et le considèrent comme partie intégrante de leur mission évangélisatrice… Les responsables chrétiens dans l’Église et dans la société, spécialement les laïcs hommes et femmes ayant une responsabilité dans la vie publique, ont besoin d’être bien formés à cet enseignement, de sorte qu’ils puissent inspirer et animer la société civile et ses structures avec le levain de l’Évangile.

(Ecclesia in Asia 32)

19. La formation doctrinale des fidèles se révèle de nos jours de plus en plus urgente, du fait non seulement du dynamisme naturel d’approfondissement de la foi, mais aussi de la nécessité de " rendre raison de l’espérance " qui est en eux en face du monde et de ses problèmes graves et complexes. De là découle l’absolue nécessité d’une action systématique de catéchèse, adaptée à l’âge et aux diverses situations de vie, et d’une promotion chrétienne plus résolue de la culture, afin de répondre aux questions éternelles et aux problèmes nouveaux qui agitent l’homme et la société d’aujourd’hui.

Il est tout à fait indispensable, en particulier, que les fidèles laïcs, surtout ceux qui sont engagés de diverses façons sur le terrain social ou politique, aient une connaissance plus précise de la doctrine sociale de l’Église, comme les Pères synodaux l’ont demandé à plusieurs reprises dans leurs interventions.

(CL 60)

20. Fidèle à l’enseignement et à l’exemple de son divin fondateur qui donnait l’annonce de la Bonne Nouvelle aux pauvres comme signe de sa mission (Lc 7, 22), l’Église n’a jamais négligé de promouvoir l’élévation humaine des peuples auxquels elle apportait la foi au Christ.

(PP 12)

21. L’Église partage avec les hommes de notre temps ce désir ardent et profond d’une vie juste à tous points de vue, et elle n’omet pas non plus de réfléchir aux divers aspects de la justice, telle que l’exige la vie des hommes et des sociétés. Le développement de la doctrine sociale catholique au cours du dernier siècle le confirme bien. Dans le sillage de cet enseignement se situent aussi bien l’éducation et la formation des consciences humaines dans un esprit de justice, que les initiatives particulières qui se développent dans cet esprit, spécialement dans le cadre de l’apostolat des laïcs.

(DM 12)

22. Si, comme nous l’avons dit, l’Église réalise ce qu’est la volonté de Dieu à cet égard, elle tirera profit pour elle-même d’une grande énergie et concevra en outre le besoin de déverser cette énergie au service de tous les hommes. Elle aura une sensibilisation précise d’une mission reçue de Dieu, d’un message à propager partout. C’est là que repose la source de notre devoir évangélique, de notre mandat à enseigner toutes les nations et de notre effort apostolique afin de poursuivre le salut éternel de tous les hommes.

(ES 64)

23. Certes, il n’y a pas de modèle unique d’organisation politique et économique de la liberté

humaine, puisque les différentes cultures et la diversité des expériences historiques sont à l’origine de différentes formes d’institutions dans une société libre et responsable.

(Discours à la 50e assemblée générale de l’ONU, 1995, n. 3)

24. En outre, la doctrine sociale a une importante dimension interdisciplinaire. Pour mieux incarner l’unique vérité concernant l’homme dans des contextes sociaux, économiques et politiques différents et en continuel changement, cette doctrine entre en dialogue avec les diverses disciplines qui s’occupent de l’homme, elle en assimile les apports et elle les aide à s’orienter, dans une perspective plus vaste, vers le service de la personne, connue et aimée dans la plénitude de sa vocation. A côté de la dimension interdisciplinaire, il faut rappeler aussi la dimension pratique et, en un sens, expérimentale de cette doctrine. Elle se situe à la rencontre de la vie et de la conscience chrétienne avec les situations du monde, et elle se manifeste dans les efforts accomplis par les individus, les familles, les agents culturels et sociaux, les politiciens et les hommes d’État pour lui donner sa forme et son application dans l’histoire.

(CA 59)

IV. La portée de l’enseignement social de l’Église

25. L’Église n’a pas de modèle à proposer. Les modèles véritables et réellement efficaces ne peuvent être conçus que dans le cadre des différentes situations historiques, par l’effort de tous les responsables qui font face aux problèmes concrets sous tous leurs aspects sociaux, économiques, politiques et culturels imbriqués les uns avec les autres (cf. GS, n. 36 ; Octogesima adveniens, nn. 2-5). Face à ces responsabilités, l’Église présente, comme orientation intellectuelle indispensable, sa doctrine sociale qui ainsi qu’il a été dit reconnaît le caractère positif du marché et de l’entreprise, mais qui souligne en même temps la nécessité de leur orientation vers le bien commun.

(CA 43)

26. L’enseignement social de l’Église comporte un corps de doctrine qui s’articule à mesure que l’Église interprète les événements au cours de l’histoire, à la lumière de l’ensemble de la parole révélée par le Christ Jésus avec l’assistance de l’Esprit Saint (cf. SRS 1 ; 41). Cet enseignement devient d’autant plus acceptable pour les hommes de bonne volonté qu’il inspire davantage la conduite des fidèles.

(CEC 2422)

27. A ce stade de l’application concrète des principes, des divergences de vue peuvent surgir, même entre catholiques droits et sincères. Lorsque cela se produit, que jamais ne fassent défaut la considération réciproque, le respect mutuel et la bonne volonté qui recherche les points de contact en vue d’une action opportune et efficace ; que l’on ne s’épuise pas en discussions interminables ; et sous le prétexte du mieux, que l’on ne néglige pas le bien qui peut et doit être fait.

(MM 238)

28. L’Église ne propose pas sa propre philosophie ni ne canonise une quelconque philosophie particulière au détriment des autres. La raison profonde de cette réserve réside dans le fait que la philosophie, même quand elle entre en relation avec la théologie, doit procéder selon ses méthodes et ses règles ; autrement, il n’y aurait pas de garantie qu’elle reste tournée vers la vérité et qu’elle y tende grâce à une démarche rationnellement vérifiable. Une philosophie qui ne procéderait pas à la lumière de la raison selon ses principes propres et ses méthodes spécifiques ne serait pas d’un grand secours. En définitive, la source de l’autonomie dont jouit la philosophie est à rechercher dans le fait que la raison est, de par sa nature, orientée vers la vérité et que, en outre, elle dispose en elle-même des moyens pour y parvenir. Une philosophie consciente de son " statut constitutif " ne peut pas ne pas respecter non plus les exigences et les évidences propres à la vérité révélée.

(FR 49)

29. La doctrine sociale de l’Église s’est développée au dix-neuvième siècle lors de la rencontre de l’Évangile avec la société industrielle moderne, ses nouvelles structures pour la production de biens de consommation, sa nouvelle conception de la société, de l’État et de l’autorité, ses nouvelles formes de travail et de propriété. Le développement de la doctrine de l’Église, en matière économique et sociale, atteste la valeur permanente de l’enseignement de l’Église, en même temps que le sens véritable de sa Tradition toujours vivante et active (cf. CA, n. 3).

(CEC 2421)

30. La doctrine sociale de l’Église n’est pas une " troisième voie " entre le capitalisme libéral et le collectivisme marxiste, ni une autre possibilité parmi les solutions moins radicalement marquées : elle constitue une catégorie en soi. Elle n’est pas non plus une idéologie, mais la formulation précise des résultats d’une réflexion attentive sur les réalités complexes de l’existence de l’homme dans la société et dans le contexte international, à la lumière de la foi et de la tradition ecclésiale. Son but principal est d’interpréter ces réalités, en examinant leur conformité ou leurs divergences avec les orientations de l’enseignement de l’Évangile sur l’homme et sur sa vocation à la fois terrestre et transcendante ; elle a donc pour but d’orienter le comportement chrétien. C’est pourquoi elle n’entre pas dans le domaine de l’idéologie mais dans celui de la théologie et particulièrement de la théologie morale.

(SRS 41)

31. Sans doute, c’est à l’éternelle félicité, et non pas à une prospérité passagère seulement, que l’Église a reçu la mission de conduire l’humanité ; et même " elle ne se reconnaît point le droit de s’immiscer sans raison dans la conduite des affaires temporelles " (Ubi Arcano Dei Consilio, n. 65). À aucun prix toutefois elle ne peut abdiquer la charge que Dieu lui a confiée et qui lui fait une loi d’intervenir, non certes dans le domaine technique à l’égard duquel elle est dépourvue de moyens appropriés et de compétence, mais en tout ce qui touche à la loi morale. En ces matières, en effet, le dépôt de la vérité qui Nous est confié d’En-Haut et la très grave obligation qui Nous incombe de promulguer, d’interpréter et de prêcher, en dépit de tout, la loi morale, soumettent également à Notre suprême autorité l’ordre social et l’ordre économique.

(QA 41)

32. La doctrine sociale, aujourd’hui surtout, s’occupe de l’homme en tant qu’intégré dans le réseau complexe de relations des sociétés modernes. Les sciences humaines et la philosophie aident à bien saisir que l’homme est situé au centre de la société et à le mettre en mesure de mieux se comprendre lui-même en tant qu’ " être social ". Mais seule la foi lui révèle pleinement sa véritable identité, et elle est précisément le point de départ de la doctrine sociale de l’Église

(CA 54)

V. Evangélisation et enseignement social de l’Église

33. La " nouvelle évangélisation ", dont le monde moderne a un urgent besoin et sur laquelle j’ai insisté de nombreuses fois, doit compter parmi ses éléments essentiels l’annonce de la doctrine sociale de l’Église, apte, aujourd’hui comme sous Léon XIII, à indiquer le bon chemin pour répondre aux grands défis du temps présent, dans un contexte de discrédit croissant des idéologies. Comme à cette époque, il faut répéter qu’il n’existe pas de véritable solution de la " question sociale " hors de l’Évangile et que, d’autre part, les " choses nouvelles " peuvent trouver en lui leur espace de vérité et la qualification morale qui convient.

(CA 5)

34. Ce qui compte – ici comme en tout domaine de la vie chrétienne – c’est la confiance qui vient de la foi, c’est-à-dire de la certitude que nous ne sommes pas nous-mêmes les protagonistes de la mission mais que c’est Jésus Christ et son Esprit. Nous ne sommes que des collaborateurs et, quand nous avons fait tout ce qui était en notre pouvoir, nous devons dire : " Nous sommes des serviteurs inutiles. Nous avons fait ce que nous devions faire " (Lc 17, 10).

(RM 36)

35. Je voudrais proposer maintenant une " relecture " de l’encyclique de Léon XIII, et inviter à porter un regard " rétrospectif " sur son texte lui-même afin de redécouvrir la richesse des principes fondamentaux qui y sont formulés pour la solution de la question ouvrière. Mais j’invite aussi à porter un regard " actuel " sur les " choses nouvelles " qui nous entourent et dans lesquelles nous nous trouvons immergés, pour ainsi dire, bien différentes des " choses nouvelles " qui caractérisaient l’ultime décennie du siècle dernier. J’invite enfin à porter le regard " vers l’avenir ", alors qu’on entrevoit déjà le troisième millénaire de l’ère chrétienne, lourd d’inconnu mais aussi de promesses. Inconnu et promesses qui font appel à notre imagination et à notre créativité, qui nous stimulent aussi, en tant que disciples du Christ, le " Maître unique " (cf. Mt 23, 8), dans notre responsabilité de montrer la voie, de proclamer la vérité et de communiquer la vie qu’il est lui-même (cf. Jn 14, 6). En agissant ainsi, non seulement on réaffirmera la valeur permanente de cet enseignement, mais on manifestera aussi le vrai sens de la Tradition de l’Église qui, toujours vivante et active, construit sur les fondations posées par nos pères dans la foi et particulièrement sur ce que " les Apôtres ont transmis à l’Église " au nom de Jésus-Christ : il est le fondement et " nul n’en peut poser d’autre " (cf. 1 Co 3,11) .

(CA 3)

36. La présentation du message évangélique n’est pas pour l’Église une contribution facultative : c’est le devoir qui lui incombe, par mandat du Seigneur Jésus, afin que les hommes puissent croire et être sauvés. Oui, ce message est nécessaire. Il est unique. Il ne saurait être remplacé.

(EN 5)

37. Nous sommes envoyés : être au service de la vie n’est pas pour nous un motif d’orgueil mais un devoir né de la conscience d’être " le peuple que Dieu s’est acquis pour proclamer ses louanges " (cf. 1 P 2, 9). La loi de l’amour nous guide et nous soutient sur le chemin, l’amour dont le Fils de Dieu fait homme est la source et le modèle, lui qui " par sa mort a donné la vie au monde " (Cf. Missel romain, prière du célébrant avant la communion).

Nous sommes envoyés comme peuple. L’engagement au service de la vie concerne tout un chacun. C’est une responsabilité proprement " ecclésiale ", qui exige l’action concertée et généreuse de tous les membres et de tous les organismes de la communauté chrétienne. Cependant, le devoir commun n’élimine pas et ne diminue pas la responsabilité individuelle, car c’est à chaque personne que s’adresse le commandement du Seigneur de " se faire le prochain " de tout homme : " Va, et toi aussi, fais de même " (Lc 10, 37).

(EV 79)

38. Tous ensemble, nous ressentons le devoir d’annoncer l’Évangile de la vie, de le célébrer dans la liturgie et dans toute l’existence, de le servir par les diverses initiatives et structures destinées à son soutien et à sa promotion.

(EV 79)

 

Article deuxième :
la personne humaine

I. La dignité de la personne humaine

39. En effet, l’enseignement et la diffusion de la doctrine sociale de l’Église appartiennent à sa mission d’évangélisation ; c’est une partie essentielle du message chrétien, car cette doctrine en propose les conséquences directes dans la vie de la société et elle place le travail quotidien et la lutte pour la justice dans le cadre du témoignage rendu au Christ Sauveur. Elle est également une source d’unité et de paix face aux conflits qui surgissent inévitablement dans le domaine économique et social. Ainsi, il devient possible de vivre les nouvelles situations sans amoindrir la dignité transcendante de la personne humaine ni en soi-même ni chez les adversaires, et de trouver la voie de solutions correctes.

(CA 5)

40. Voilà pourquoi l’Église a une parole à dire aujourd’hui comme il y a vingt ans, et encore à l’avenir, sur la nature, les conditions, les exigences et les fins du développement authentique, et aussi sur les obstacles qui l’entravent. Ce faisant, l’Église accomplit sa mission d’évangélisation, car elle apporte sa première contribution à la solution du problème urgent du développement quand elle proclame la vérité sur le Christ, sur elle-même et sur l’homme, en l’appliquant à une situation concrète (cf. Jean-Paul II, Discours à la 3e Conférence générale des évêques d’Amérique Latine, 1979).

L’instrument que l’Église utilise pour atteindre ce but est sa doctrine sociale. Dans la difficile conjoncture présente, pour favoriser la formulation correcte des problèmes aussi bien que leur meilleure résolution, il pourra être très utile d’avoir une connaissance plus exacte et d’assurer une diffusion plus large de l’ " ensemble de principes de réflexion et de critères de jugement et aussi de directives d’action " proposé dans son enseignement (Libertatis conscientia, n. 72 ; Octogesima adveniens, n. 4).

On se rendra compte ainsi immédiatement que les questions auxquelles on a à faire face sont avant tout morales, et que ni l’analyse du problème du développement en tant que tel, ni les moyens pour surmonter les difficultés actuelles ne peuvent faire abstraction de cette dimension essentielle.

(SRS 41)

41. Dans la vie de l’homme, l’image de Dieu resplendit à nouveau et se manifeste dans toute sa plénitude avec la venue du Fils de Dieu dans la chair humaine : " Il est l’image du Dieu invisible " (Col 1, 15), " resplendissement de sa gloire et effigie de sa substance " (He 1, 3). Il est l’image parfaite du Père.

(EV 36)

42. La dignité de la personne se manifeste dans tout son éclat quand on en considère l’origine et la destinée : créé par Dieu à son image et à sa ressemblance, et racheté par le Sang très précieux du Christ, l’homme est appelé à être " fils dans le Fils " et temple vivant de l’Esprit, et destiné à l’éternelle vie de communion béatifiante avec Dieu. Pour ces raisons, toute violation de la dignité personnelle de l’être humain crie vengeance en présence de Dieu et devient une offense au Créateur de l’homme.

(CL 37)

43. Si nous considérons la dignité de la personne humaine à la lumière des vérités révélées par Dieu, nous ne pouvons que la situer bien plus haut encore. Les hommes ont été rachetés par le sang du Christ Jésus, faits par la grâce enfants et amis de Dieu et institués héritiers de la gloire éternelle.

(PT 10)

44. Appuyée sur cette foi, l’Église peut soustraire la dignité de la nature humaine à toutes les fluctuations des opinions qui, par exemple, rabaissent exagérément le corps humain, ou au contraire l’exaltent sans mesure. Aucune loi humaine ne peut assurer la dignité personnelle et la liberté de l’homme comme le fait l’Évangile du Christ, confié à l’Église (cf. Rm 8, 14). Cet Évangile annonce et proclame la liberté des enfants de Dieu, rejette scrupuleusement la dignité de la conscience et son libre choix, enseigne sans relâche à faire fructifier tous les talents humains au service de Dieu et pour le bien des hommes, enfin confie chacun à l’amour de tous (cf. Mt 22, 39). Tout cela correspond à la loi fondamentale de l’économie chrétienne. Car, si le même Dieu est à la fois Créateur et Sauveur, Seigneur et de l’histoire humaine et de l’histoire du salut, cet ordre divin lui-même, loin de supprimer la juste autonomie de la créature, et en particulier de l’homme, la rétablit et la confirme au contraire dans sa dignité.

C’est pourquoi l’Église, en vertu de l’Évangile qui lui a été confiée, proclame les droits des hommes, reconnaît et tient en grande estime le dynamisme de notre temps qui, partout, donne un nouvel élan à ces droits. Ce mouvement toutefois doit être imprégné de l’esprit de l’Évangile et garanti contre toute idée de fausse autonomie. Nous sommes, en effet, exposés à la tentation d’estimer que nos droits personnels ne sont pleinement maintenus que lorsque nous sommes dégagés de toute norme de la loi divine. Mais, en suivant cette voie, la dignité humaine, loin d’être sauvée, s’évanouit.

(GS 41)

45. Ce qui rentre en ligne de compte, c’est la dignité de la personne humaine dont la défense et la promotion nous ont été confiées par le Créateur et dont sont rigoureusement responsables et débiteurs les hommes et les femmes dans toutes les circonstances de l’histoire.

(SRS 47)

46. La dignité de la personne humaine est une valeur transcendante, toujours reconnue comme telle par ceux qui se sont appliqués à une recherche sincère de la vérité. Toute l’histoire de l’humanité doit en réalité être interprétée à la lumière de cette certitude. Toute personne, créée à l’image et à la ressemblance de Dieu (cf. Gn 1, 26-28) et donc radicalement orientée vers son Créateur, est en relation constante avec ceux qui sont revêtus de la même dignité. La promotion du bien de l’individu s’associe ainsi au service du bien commun, là où les droits et les devoirs se correspondent et se renforcent mutuellement.

(Message pour la journée mondiale de la Paix, 1999, n. 2)

47. En effet, comme l’écrit saint Paul, là " où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté " (2 Co 3, 17). Cette révélation de la liberté et donc de la véritable dignité de l’homme acquiert une particulière éloquence pour les chrétiens et pour l’Église persécutés, soit dans les temps anciens soit actuellement, car les témoins de la Vérité divine deviennent alors une preuve vivante de l’action de l’Esprit de vérité, présent dans le coeur et dans la conscience des fidèles, et il n’est pas rare qu’ils signent de leur martyre l’exaltation suprême de la dignité humaine.

(Dvi 60)

II. Liberté et vérité

48. La question morale, à laquelle le Christ répond, ne peut faire abstraction de la question de la liberté, elle la place même en son centre, car il n’y a pas de morale sans liberté. " C’est toujours librement que l’homme se tourne vers le bien " (GS, n. 11). Mais quelle liberté ? Face à nos contemporains qui " estiment grandement " la liberté et qui la " poursuivent avec ardeur ", mais qui, souvent, " la chérissent d’une manière qui n’est pas droite, comme la licence de faire n’importe quoi, pourvu que cela plaise, même le mal ", le Concile présente la " vraie " liberté : " La vraie liberté est en l’homme un signe privilégié de l’image divine. Car Dieu a voulu le laisser à son propre conseil (Si 15, 14) pour qu’il puisse de lui-même chercher son Créateur et, en adhérant librement à lui, s’achever ainsi dans une bienheureuse plénitude " (GS, n. 17). S’il existe un droit à être respecté dans son propre itinéraire de recherche de la vérité, il existe encore antérieurement l’obligation morale grave pour tous de chercher la vérité et, une fois qu’elle est connue, d’y adhérer.

(VS 34)

49. La liberté dans son essence est intérieure à l’homme, connaturelle à la personne humaine, signe distinctif de sa nature. La liberté de la personne trouve en effet son fondement dans sa dignité transcendante : une dignité qui lui a été donnée par Dieu, son Créateur, et qui l’oriente vers Dieu. L’homme, parce que créé à l’image de Dieu (cf. Gn 1, 27), est inséparable de la liberté, de cette liberté qu’aucune force ou contrainte extérieure ne pourra jamais enlever et qui constitue son droit fondamental, tant comme individu que comme membre de la société. L’homme est libre parce qu’il possède la faculté de se déterminer en fonction du vrai et du bien.

(Message pour la journée mondiale de la Paix, 1981, n. 5)

50. Jésus-Christ va à la rencontre de l’homme de toute époque, y compris de la nôtre, avec les mêmes paroles : " Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres " (Jn 8, 22). Ces paroles contiennent une exigence fondamentale et en même temps un avertissement : l’exigence d’honnêteté vis-à-vis de la vérité comme condition d’une authentique liberté ; et aussi l’avertissement d’éviter toute liberté apparente, toute liberté superficielle et unilatérale, toute liberté qui n’irait pas jusqu’au fond de la vérité sur l’homme et sur le monde.

(RH 12)

51. Mais la liberté ce n’est pas seulement un droit qu’on réclame pour soi, c’est un devoir qu’on assume à l’égard des autres. Pour vraiment servir la paix, la liberté de chaque être humain et de chaque communauté humaine doit respecter les libertés et les droits des autres, individuels ou collectifs. Elle trouve dans ce respect sa limitation, mais aussi sa logique et sa dignité, car l’homme est par nature un être social.

(Message pour la Journée mondiale de la paix, 1981, n. 7)

52. L’exercice de la liberté n’implique pas le droit de tout dire et de tout faire. Il est faux de prétendre que " l’homme, sujet de la liberté, se suffit à lui-même en ayant pour fin la satisfaction de son intérêt propre dans la jouissance des biens terrestres " (Libertatis conscientia, n. 13). Par ailleurs, les conditions d’ordre économique et social, politique et culturel requises pour un juste exercice de la liberté sont trop souvent méconnues et violées. Ces situations d’aveuglement et d’injustice grèvent la vie morale et placent aussi bien les forts que les faibles en tentation de pécher contre la charité. En s’écartant de la loi morale, l’homme porte atteinte à sa propre liberté, il s’enchaîne à lui-même, rompt la fraternité de ses semblables et se rebelle contre la vérité divine.

(CEC 1740)

53. Pourtant le Créateur du monde a inscrit l’ordre au plus intime des hommes : ordre que la conscience leur révèle et leur enjoint de respecter : " Ils montrent gravé dans leur cœur le contenu même de la Loi, tandis que leur conscience y ajoute son témoignage " (Rm 2, 15). Comment n’en irait-il pas ainsi, puisque toutes les œuvres de Dieu reflètent son infinie sagesse, et la reflètent d’autant plus clairement qu’elles sont plus élevées dans l’échelle des êtres (Cf. Ps 18, 8-11).

(PT 5)

54. Dans le dessein de Dieu, chaque homme est appelé à se développer car toute vie est vocation. Dès la naissance, est donné à tous en germe un ensemble d’aptitudes et de qualités à faire fructifier : leur épanouissement, fruit de l’éducation reçue du milieu et de l’effort personnel permettra à chacun de s’orienter vers la destinée que lui propose son Créateur. Doué d’intelligence et de liberté, il est responsable de sa croissance, comme de son salut. Aidé, parfois gêné par ceux qui l’éduquent et l’entourent, chacun demeure, quelles que soient les influences qui s’exercent sur lui, l’artisan principal de sa réussite ou de son échec : par le seul effort de son intelligence et de sa volonté, chaque homme peut grandir en humanité, valoir plus, être plus.

(PP 15)

55. Enfin, en achevant sur la croix l’oeuvre de la rédemption qui devait valoir aux hommes le salut et la vraie liberté, il a parachevé sa révélation. Il a rendu témoignage à la vérité, mais il n’a pas voulu l’imposer par la force à ses contradicteurs. Son royaume, en effet, ne se défend pas par l’épée, mais il s’établit en écoutant la vérité et en lui rendant témoignage, il s’étend grâce à l’amour par lequel le Christ, élevé sur la croix, attire à lui tous les hommes (cf. Jn 12, 32).

(DH 11)

56. Enfin, la vraie liberté n’est pas promue non plus dans la société permissive qui confond la liberté avec la licence de faire n’importe quel choix et qui proclame au nom de la liberté, une sorte d’amoralisme général. C’est proposer une caricature de la liberté que de prétendre que l’homme est libre d’organiser sa vie sans référence aux valeurs morales et que la société n’a pas à assurer la protection et la promotion des valeurs éthiques. Une telle attitude est destructrice de liberté et de paix.

(Message pour la Journée mondiale de la paix, 1981, n. 7)

57. Et l’Église n’ignore pas le danger du fanatisme, ou du fondamentalisme, de ceux qui, au nom d’une idéologie qui se prétend scientifique ou religieuse, estiment pouvoir imposer aux autres hommes leur conception de la vérité et du bien. La vérité chrétienne n’est pas de cette nature. N’étant pas une idéologie, la foi chrétienne ne cherche nullement à enfermer dans le cadre d’un modèle rigide la changeante réalité sociale et politique et elle admet que la vie de l’homme se réalise dans l’histoire de manières diverses et imparfaites. Cependant l’Église, en réaffirmant constamment la dignité transcendante de la personne, adopte comme règle d’action le respect de la liberté.

(CA 46)

58. La démocratie ne peut être soutenue sans un engagement partagé à l’égard de certaines vérités morales sur la personne humaine et sur la communauté humaine. La question fondamentale qu’une société démocratique doit se poser est donc : " Comment devrions-nous vivre ensemble " ? En recherchant une réponse à cette question, la société peut-elle exclure la vérité morale et le raisonnement moral ?…

Chaque génération … doit savoir que la liberté ne consiste pas à faire ce qu’il nous plaît, mais à avoir le droit de faire ce qui est notre devoir.

Le Christ nous demande de garder la vérité car, comme il nous l’a promis : " Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous libèrera " (Jn 8, 32). Depositum custodi ! Nous devons garder la vérité qui est la condition de la liberté authentique, la vérité qui permet à la liberté d’être réalisée dans la bonté. Nous devons garder le dépôt de la vérité divine qui nous a été transmis dans l’Eglise, particulièrement en vue des défis présentés par une culture matérialiste et par une mentalité permissive qui réduit la liberté à la permission.

(Jean-Paul II, Homélie à Baltimore, nn. 7-8)

59. On ne peut cependant ignorer les innombrables conditionnements au milieu desquels la liberté de l’individu est amenée à agir ; ils affectent, certes, la liberté, mais ils ne la déterminent pas ; ils rendent son exercice plus ou moins facile, mais ils ne peuvent la détruire. Non seulement on n’a pas le droit de méconnaître, du point de vue éthique, la nature de l’homme qui est fait pour la liberté, mais en pratique ce n’est même pas possible. Là où la société s’organise en réduisant arbitrairement ou même en supprimant le champ dans lequel s’exerce légitimement la liberté, il en résulte que la vie sociale se désagrège progressivement et entre en décadence.

(CA 25)

III. La nature sociale de l’homme

60. Dieu, qui veille paternellement sur tous, a voulu que tous les hommes constituent une seule famille et se traitent mutuellement comme des frères. Tous, en effet, ont été créés à l’image de Dieu, " qui a fait habiter sur toute la face de la terre tout le genre humain issu d’un principe unique " (Ac 17, 26), et tous sont appelés à une seule et même fin, qui est Dieu lui-même. A cause de cela, l’amour de Dieu et du prochain est le premier et le plus grand commandement. L’Ecriture, pour sa part, enseigne que l’amour de Dieu est inséparable de l’amour du prochain : " ... tout autre commandement se résume en cette parole : tu aimeras le prochain comme toi-même ... La charité est donc la loi dans sa plénitude " (Rm 13, 9-10 cf. 1 Jn 4, 20). Il est bien évident que cela est d’une extrême importance pour des hommes de plus en plus dépendants les uns des autres et dans un monde sans cesse plus unifié. Allons plus loin : quand le Seigneur Jésus prie le Père pour que " tous soient un ... comme nous nous sommes un " (Jn 17, 21-22), il ouvre des perspectives inaccessibles à la raison et il nous suggère qu’il y a une certaine ressemblance entre l’union des personnes divines et celles des fils de Dieu dans la vérité et dans l’amour. Cette ressemblance montre bien que l’homme, seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même, ne peut pleinement se trouver que par le don désintéressé de lui-même (cf. Lc 17, 33). Le caractère social de l’homme fait apparaître qu’il y a interdépendance entre l’essor de la personne et le développement de la société elle-même. En effet, la personne humaine qui, de par sa nature même, a absolument besoin d’une vie sociale, est et doit être le principe, le sujet et la fin de toutes les institutions. La vie sociale n’est donc pas pour l’homme quelque chose de surajouté ; aussi c’est par l’échange avec autrui, par la réciprocité des services, par le dialogue avec ses frères que l’homme grandit selon toutes ses capacités et peut répondre à sa vocation.

(GS 24-25)

61. Suivant le principe de base de cette conception - comme il ressort de tout ce que Nous avons dit jusqu’ici - les êtres humains sont et doivent être fondement, but et sujets de toutes les institutions où se manifeste la vie sociale. Chacun d’entre eux, étant ce qu’il est, doit être considéré selon sa nature intrinsèquement sociale et sur le plan providentiel de son élévation à l’ordre surnaturel.

(MM 219)

62. Certaines sociétés, telles que la famille et la cité, correspondent plus immédiatement à la nature de l’homme. Elles lui sont nécessaires. Afin de favoriser la participation du plus grand nombre à la vie sociale, il faut encourager la création d’associations et d’institutions d’élection " à buts économiques, culturels, sociaux, sportifs, récréatifs, professionnels, politiques, aussi bien à l’intérieur des communautés politiques que sur le plan mondial " (MM, n. 60). Cette " socialisation " exprime également la tendance naturelle qui pousse les humains à s’associer, en vue d’atteindre des objectifs qui excèdent les capacités individuelles. Elle développe les qualités de la personne, en particulier, son sens de l’initiative et de la responsabilité. Elle aide à garantir ses droits (GS, n. 25 ; CA, n. 12).

(CEC 1882)

63. Mais chaque homme est membre de la société : il appartient à l’humanité tout entière. Ce n’est pas seulement tel ou tel homme, mais tous les hommes qui sont appelés à ce développement plénier. Les civilisations naissent, croissent et meurent. Mais, comme les vagues à marée montante pénètrent un peu plus avant sur la grève, ainsi l’humanité avance sur le chemin de l’histoire. Héritiers des générations passées et bénéficiaires du travail de nos contemporains, nous avons des obligations envers tous et nous ne pouvons nous désintéresser de ceux qui viendront agrandir après nous le cercle de la famille humaine. La solidarité universelle qui est un fait, et un bénéfice pour nous, est aussi un devoir.

(PP 17)

64. A part la famille, d’autres groupes sociaux intermédiaires remplissent des rôles primaires et mettent en oeuvre des réseaux de solidarité spécifiques. Ces groupes acquièrent la maturité de vraies communautés de personnes et innervent le tissu social, en l’empêchant de tomber dans l’impersonnalité et l’anonymat de la masse, malheureusement trop fréquents dans la société moderne. C’est dans l’entrecroisement des relations multiples que vit la personne et que progresse la " personnalité " de la société. L’individu est souvent écrasé aujourd’hui entre les deux pôles de l’État et du marché. En effet, il semble parfois n’exister que comme producteur et comme consommateur de marchandises, ou comme administré de l’État, alors qu’on oublie que la convivialité n’a pour fin ni l’État ni le marché, car elle possède en elle-même une valeur unique que l’État et le marché doivent servir. L’homme est avant tout un être qui cherche la vérité et qui s’efforce de vivre selon cette vérité, de l’approfondir dans un dialogue constant qui implique les générations passées et à venir.

(CA 49)

65. Au contraire, de la conception chrétienne de la personne résulte nécessairement une vision juste de la société. Selon Rerum Novarum et toute la doctrine sociale de l’Église, le caractère social de l’homme ne s’épuise pas dans l’État, mais il se réalise dans divers groupes intermédiaires, de la famille aux groupes économiques, sociaux, politiques et culturels qui, découlant de la même nature humaine, ont - toujours à l’intérieur du bien commun - leur autonomie propre. C’est ce que j’ai appelé la " personnalité " de la société qui, avec la personnalité de l’individu, a été éliminée par le " socialisme réel ".

(CA 13)

IV. Les droits humains

66. Tout être humain a droit à la vie, à l’intégrité physique et aux moyens nécessaires et suffisants pour une existence décente, notamment en ce qui concerne l’alimentation, le vêtement, l’habitation, le repos, les soins médicaux, les services sociaux. Par conséquent, l’homme a droit à la sécurité en cas de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse, de chômage et chaque fois qu’il est privé de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté.

(PT 11)

67. Après la chute du totalitarisme communiste et de nombreux autres régimes totalitaires et de " sécurité nationale ", on assiste actuellement, non sans conflits, au succès de l’idéal démocratique dans le monde, allant de pair avec une grande attention et une vive sollicitude pour les droits de l’homme. Mais précisément pour aller dans ce sens, il est nécessaire que les peuples qui sont en train de réformer leurs institutions donnent à la démocratie un fondement authentique et solide grâce à la reconnaissance explicite de ces droits (cf. Redemtor Hominis, n. 17).

(CA 47)

68. Le fondement de toute société bien ordonnée et féconde, c’est le principe que tout être. humain est une personne, c’est-à-dire une nature douée d’intelligence et de volonté libre. Par là même il est sujet de droits et de devoirs, découlant les uns et les autres, ensemble et immédiatement, de sa nature : aussi sont-ils universels, inviolables, inaliénables.

(PT 9)

69. Si les droits de l’homme sont violés en temps de paix, cela devient particulièrement douloureux ; du point de vue du progrès, cela représente un phénomène incompréhensible de lutte contre l’homme, et ce fait ne peut en aucune façon s’accorder avec quelque programme que ce soit qui se définisse " humaniste ".

(RH 17)

70. Autre droit fondamental de la personne, la protection juridique de ses propres droits, protection efficace, égale pour tous et conforme aux normes objectives de la justice. " De l’ordre juridique, voulu par Dieu, découle pour les hommes ce droit inaliénable qui garantit à chacun la sécurité juridique et une sphère concrète de droits défendue contre tout empiétement arbitraire " (Pie XII, Message de Noël 1942).

(PT 27)

71. Le respect de la personne humaine implique celui des droits qui découlent de sa dignité de créature. Ces droits sont antérieurs à la société et s’imposent à elle. Ils fondent la légitimité morale de toute autorité : en les bafouant, ou en refusant de les reconnaître dans sa législation positive, une société mine sa propre légitimité morale (cf. PT 65). Sans un tel respect, une autorité ne peut que s’appuyer sur la force ou la violence pour obtenir l’obéissance de ses sujets. Il revient à l’Église de rappeler ces droits à la mémoire des hommes de bonne volonté, et de les distinguer des revendications abusives ou fausses.

(CEC 1930)

72. Et une fois que les normes de la vie collective se formulent en termes de droits et de devoirs, les hommes s’ouvrent aux valeurs spirituelles et comprennent ce qu’est la vérité, la justice, l’amour, la liberté ; ils se rendent compte qu’ils appartiennent à une société de cet ordre. Davantage : ils sont portés à mieux connaître le Dieu véritable, transcendant et personnel. Alors leurs rapports avec Dieu leur apparaissent comme le fond même de la vie, de la vie intime vécue au secret de l’âme et de celle qu’ils mènent en communauté avec les autres.

(PT 45)

73. Les sociétés privées n’ont d’existence qu’au sein de la société civile dont elles sont comme autant de parties. Il ne s’ensuit pas cependant, à ne parler qu’en général et à ne considérer que leur nature, qu’il soit au pouvoir de l’État de leur dénier l’existence. Le droit à l’existence leur a été octroyé par la nature elle-même, et la société civile a été instituée pour protéger le droit naturel, non pour l’anéantir. C’est pourquoi une société civile qui interdirait les sociétés privées s’attaquerait elle-même, puisque toutes les sociétés, publiques et privées, firent leur origine d’un même principe : la naturelle sociabilité de l’homme.

(RN 72)

74. Dans la vie en société, tout droit conféré à une personne par la nature crée chez les autres un devoir, celui de reconnaître et de respecter ce droit. Tout droit essentiel de l’homme emprunte en effet sa force impérative à la loi naturelle qui le donne et qui impose l’obligation correspondante. Ceux qui, dans la revendication de leurs droits, oublient leurs devoirs ou ne les remplissent qu’imparfaitement risquent de démolir d’une main ce qu’ils construisent de l’autre.

(PT 30)

75. Maintenant, en effet, s’est propagée largement l’idée de l’égalité naturelle de tous les hommes. Aussi, du moins en théorie, ne trouve-t-on plus de justification aux discriminations raciales. Voilà qui représente une étape importante sur la route conduisant à une communauté humaine établie sur la base des principes que Nous avons rappelés. Maintenant, à mesure que l’homme devient conscient de ses droits, germe comme nécessairement en lui la conscience d’obligations correspondantes : ses propres droits, c’est avant tout comme autant d’expressions de sa dignité qu’il devra les faire valoir, et à tous les autres incombera l’obligation de reconnaître ces droits et de les respecter.

(PT 44)

76. Tous les hommes, doués d’une âme raisonnable et créés à l’image de Dieu, ont même nature et même origine ; tous, rachetés par le Christ, jouissent d’une même vocation et d’une même destinée divine : on doit donc, et toujours davantage, reconnaître leur égalité fondamentale. Assurément, tous les hommes ne sont pas égaux quant à leur capacité physique qui est variée, ni quant à leurs forces intellectuelles et morales qui sont diverses. Mais toute forme de discrimination touchant les droits fondamentaux de la personne, qu’elle soit sociale ou culturelle, qu’elle soit fondée sur le sexe, la race, la couleur de la peau, la condition sociale, la langue ou la religion, doit être dépassée et éliminée, comme contraire au dessein de Dieu. En vérité, il est affligeant de constater que ces droits fondamentaux de la personne ne sont pas encore partout garantis. Il en est ainsi lorsque la femme est frustrée de la faculté de choisir librement son époux ou d’élire son état de vie, ou d’accéder à une éducation et une culture semblables à celles que l’on reconnaît à l’homme. Au surplus, en dépit de légitimes différences entre les hommes, l’égale dignité des personnes exige que l’on parvienne à des conditions de vie justes et plus humaines. En effet, les inégalités économiques et sociales excessives entre les membres ou entre les peuples d’une seule famille humaine font scandale et font obstacle à la justice sociale, à l’équité, à la dignité de la personne humaine ainsi qu’à la paix sociale et internationale. Que les institutions privées ou publiques s’efforcent de se mettre au service de la dignité et de la destinée humaines. Qu’en même temps elles luttent activement contre toute forme d’esclavage, social ou politique ; et qu’elles garantissent les droits fondamentaux des hommes sous tout régime politique. Et même s’il faut un temps passablement long pour parvenir au but souhaité, toutes ces institutions humaines doivent peu à peu répondre aux réalités spirituelles qui, de toutes, sont les plus hautes.

(GS 29)

77. De cette juste libération liée à l’évangélisation, qui cherche précisément à réaliser des structures sauvegardant la liberté humaine, on ne peut séparer la nécessité d’assurer tous les droits fondamentaux de l’homme, parmi lesquels la liberté religieuse tient une place de première importance.

(EN 39)

V. La liberté religieuse

78. Le Concile du Vatican déclare que la personne humaine a droit à la liberté religieuse. Cette liberté consiste en ce que tous les hommes doivent être soustraits à toute contrainte de la part tant des individus que des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit, de telle sorte qu’en matière religieuse nul ne soit forcé d’agir contre sa conscience ni empêché d’agir, dans de justes limites, selon sa conscience, en privé comme en public, seul ou associé à d’autres.

(DH 2)

79. Certes la limitation de la liberté religieuse des personnes et des communautés n’est pas seulement une douloureuse expérience pour elles, mais elle atteint avant tout la dignité même de l’homme, indépendamment de la religion que ces personnes ou ces communautés professent ou de la conception du monde qu’elles ont. La limitation de la liberté religieuse et sa violation sont en contradiction avec la dignité de l’homme et avec ses droits objectifs… sans aucun doute, nous nous trouvons dans ce cas en face d’une injustice radicale affectant ce qui est particulièrement profond dans l’homme, ce qui est authentiquement humain.

(RH 17)

80. Aucune autorité humaine n’a le droit d’intervenir dans la conscience de quiconque. La conscience est le témoin de la transcendance de la personne, même en face de la société, et, comme telle, elle est inviolable. Cependant, elle n’est pas un absolu qui serait placé au-dessus de la vérité et de l’erreur ; et même, sa nature intime suppose un rapport avec la vérité objective, universelle et égale pour tous, que tous peuvent et doivent rechercher. Dans ce rapport avec la vérité objective, la liberté de conscience trouve sa justification, en tant que condition nécessaire de la recherche de la vérité digne de l’homme et de l’adhésion à la vérité une fois qu’on l’a connue de façon appropriée.

(Message pour la Journée mondiale de la paix, 1991, n. 1)

81. De même si notre mission est annonce de vérités indiscutables et d’un salut nécessaire, elle ne se présentera pas armée de coercition extérieure, mais par les seules voies légitimes de l’éducation humaine, de la persuasion intérieure, de la conversation ordinaire, elle offrira son don de salut, toujours dans le respect de la liberté personnelle des hommes civilisés.

(ES 75)

82. En premier lieu, la liberté religieuse, qui est une exigence inaliénable de la dignité de tout homme, est une pierre angulaire dans l’édifice des droits humains ; elle est par conséquent un facteur indispensable pour le bien des personnes et de toute la société, comme aussi pour l’épanouissement personnel de chacun. Il en résulte que, pour les individus et les communautés, la liberté de professer et de pratiquer sa religion est un élément essentiel de la convivialité pacifique des hommes. La paix, qui se construit et se consolide à tous les niveaux de la convivialité, s’appuie fondamentalement sur la liberté et l’ouverture des consciences à la vérité.

(Message pour la Journée mondiale de la paix, 1988, Introduction)

83. Les problèmes humains qui sont les plus débattus et diversement résolus par la réflexion morale contemporaine se rattachent tous, bien que de manière différente, à un problème crucial, celui de la liberté de l’homme.

Il n’y a pas de doute que notre époque est arrivée à une perception particulièrement vive de la liberté. " La dignité de la personne humaine est, en notre temps, l’objet d’une conscience toujours plus vive ", comme le constatait déjà la déclaration conciliaire Dignitatis humanae sur la liberté religieuse (Dignitatis Humanae, n. 1). D’où la revendication de la possibilité pour l’homme " d’agir en vertu de ses propres options et en toute libre responsabilité, non pas sous la pression d’une contrainte, mais guidé par la conscience de son devoir " (Dignitatis Humanae, n. 1). En particulier, le droit à la liberté religieuse et au respect de la conscience dans sa marche vers la vérité est toujours plus ressenti comme le fondement des droits de la personne considérés dans leur ensemble (cf. Redemptor Hominis, n. 17 ; Libertatis Conscientia, n. 19).

(VS 31)

 

Article troisième :
la famille

I. L’institution de la famille

84. Puisque " le Créateur a fait de la communauté conjugale l’origine et le fondement de la société humaine ", la famille est devenue la " cellule première et vitale de la société ". (Apostolicam Actuositatem, n. 11)

La famille a des liens organiques et vitaux avec la société parce qu’elle en constitue le fondement et qu’elle la sustente sans cesse en réalisant son service de la vie : c’est au sein de la famille en effet que naissent les citoyens et dans la famille qu’ils font le premier apprentissage des vertus sociales, qui sont pour la société l’âme de sa vie et de son développement.

Ainsi donc, en raison de sa nature et de sa vocation, la famille, loin de se replier sur elle-même, s’ouvre aux autres familles et à la société, elle remplit son rôle social.

(FC 42)

85. La première structure fondamentale pour une " écologie humaine " est la famille, au sein de laquelle l’homme reçoit des premières notions déterminantes concernant la vérité et le bien, dans laquelle il apprend ce que signifie aimer et être aimé et, par conséquent, ce que veut dire concrètement être une personne. On pense ici à la famille fondée sur le mariage, où le don de soi réciproque de l’homme et de la femme crée un milieu de vie dans lequel l’enfant peut naître et épanouir ses capacités, devenir conscient de sa dignité et se préparer à affronter son destin unique et irremplaçable. Il arrive souvent, au contraire, que l’homme se décourage de réaliser les conditions authentiques de la reproduction humaine, et il est amené à se considérer lui-même et à considérer sa propre vie comme un ensemble de sensations à expérimenter et non comme une oeuvre à accomplir. Il en résulte un manque de liberté qui fait renoncer au devoir de se lier dans la stabilité avec une autre personne et d’engendrer des enfants, ou bien qui amène à considérer ceux-ci comme une de ces nombreuses " choses " que l’on peut avoir ou ne pas avoir, au gré de ses goûts, et qui entrent en concurrence avec d’autres possibilités. Il faut en revenir à considérer la famille comme le sanctuaire de la vie. En effet, elle est sacrée, elle est le lieu où la vie, don de Dieu, peut être convenablement accueillie et protégée contre les nombreuses attaques auxquelles elle est exposée, le lieu où elle peut se développer suivant les exigences d’une croissance humaine authentique. Contre ce qu’on appelle la culture de la mort, la famille constitue le lieu de la culture de la vie…

(CA 39)

86. Mais l’homme n’est lui-même que dans son milieu social, où la famille joue un rôle primordial. Celui-ci a pu être excessif, selon les temps et les lieux, lorsqu’il s’est exercé au détriment de libertés fondamentales de la personne. Souvent trop rigides et mal organisés, les anciens cadres sociaux des pays en voie de développement sont pourtant nécessaires encore un temps, tout en desserrant progressivement leur emprise exagérée. Mais la famille naturelle, monogamique et stable, telle que le dessein divin l’a conçue et que le christianisme l’a sanctifiée, doit demeurer ce " lieu de rencontres de plusieurs générations qui s’aident mutuellement à acquérir une sagesse plus étendue et à harmoniser les droits de la personne avec les autres exigences de la vie sociale " (GS, nn. 50-51).

(PP 36)

87. À l’intérieur du " peuple de la vie et pour la vie ", la responsabilité de la famille est déterminante : c’est une responsabilité qui résulte de sa nature même - qui consiste à être une communauté de vie et d’amour, fondée sur le mariage - et de sa mission de " garder, de révéler et de communiquer l’amour " (Familiaris consortio, n. 17). Il s’agit précisément de l’amour même de Dieu, dont les parents sont faits les coopérateurs et comme les interprètes dans la transmission de la vie et dans l’éducation, suivant le projet du Père (cf. GS, n. 50).

(EV 92)

88. Noyau premier de la société, la famille a droit à tout soutien de l’État pour remplir entièrement sa mission propre. Les lois de l’État doivent donc être conçues de manière à promouvoir de bonnes conditions de vie pour la famille, en l’aidant à accomplir les tâches qui lui re-viennent. Devant la tendance aujourd’hui toujours plus forte à légitimer, comme substitut de l’union conjugale, des formes d’unions qui, en raison de leur nature propre ou de leur caractère transitoire voulu, ne peuvent en aucune manière exprimer le sens de la famille ni assurer son bien, c’est un des premiers devoirs de l’État d’encourager et de protéger l’institution familiale authentique, d’en respecter la physionomie naturelle ainsi que les droits innés et inaliénables.

(Message pour la Journée mondiale de la paix, 1994, n. 5)

 

II. Le mariage

89. Selon le dessein de Dieu, le mariage est le fondement de cette communauté plus large qu’est la famille, puisque l’institution même du mariage et l’amour conjugal sont ordonnés à la procréation et à l’éducation des enfants dans lesquels ils trouvent leur couronnement (cf. GS, n. 50).

(FC 14)

90. La sexualité est ordonnée à l’amour conjugal de l’homme et de la femme. Dans le mariage l’intimité corporelle des époux devient un signe et un gage de communion spirituelle. Entre les baptisés, les liens du mariage sont sanctifiés par le sacrement.

" La sexualité, par laquelle l’homme et la femme se donnent l’un à l’autre par les actes propres et exclusifs des époux, n’est pas quelque chose de purement biologique, mais concerne la personne humaine dans ce qu’elle a de plus intime. Elle ne se réalise de façon véritablement humaine que si elle est partie intégrante de l’amour dans lequel l’homme et la femme s’engagent entièrement l’un vis-à-vis de l’autre jusqu’à la mort " (Familiaris consortio, n. 11).

" Les actes qui réalisent l’union intime et chaste des époux sont des actes honnêtes et dignes. Vécue d’une manière vraiment humaine, ils signifient et favorisent le don réciproque par lequel les époux s’enrichissent tous les deux dans la joie et la reconnaissance " (GS, n. 49). La sexualité est source de joie et de plaisir :

" Le Créateur lui-même ... a établi que dans cette fonction [de génération] les époux éprouvent un plaisir et une satisfaction du corps et de l’esprit. Donc, les époux ne font rien de mal en recherchant ce plaisir et en en jouissant. Ils acceptent ce que le Créateur leur a destiné. Néanmoins, les époux doivent savoir se maintenir dans les limites d’une juste modération " (Pie XII, discours 29 octobre 1951).

Par l’union des époux se réalise la double fin du mariage : le bien des époux eux-mêmes et la transmission de la vie. On ne peut séparer ces deux significations ou valeurs du mariage sans altérer la vie spirituelle du couple ni compromettre les biens du mariage et l’avenir de la famille. L’amour conjugal de l’homme et de la femme est ainsi placé sous la double exigence de la fidélité et de la fécondité.

(CEC 2360-2363)

91. La communauté profonde de vie et d’amour que forme le couple a été fondée et dotée de ses lois propres par le Créateur ; elle est établie sur l’alliance des conjoints, c’est-à-dire sur leur consentement personnel irrévocable. Une institution, que la loi divine confirme, naît ainsi, au regard même de la société, de l’acte humain par lequel les époux se donnent et se reçoivent mutuellement. En vue du bien des époux, des enfants et aussi de la société, ce lien sacré échappe à la fantaisie de l’homme. Car Dieu lui-même est l’auteur du mariage qui possède en propre des valeurs et des fins diverses ; tout cela est d’une extrême importance pour la continuité du genre humain, pour le progrès personnel et le sort éternel de chacun des membres de la famille, pour la dignité, la stabilité, la paix et la prospérité de la famille et de la société humaine tout entière. Et c’est par sa nature même que l’institution du mariage et l’amour conjugal sont ordonnés à la procréation et à l’éducation qui, tel un sommet en en constituent le couronnement. Aussi l’homme et la femme qui, par l’alliance conjugale " ne sont plus deux, mais une seule chair " (Mt 19, 6), s’aident et se soutiennent mutuellement par l’union intime de leurs personnes et de leurs activités ; ils prennent ainsi conscience de leur unité et l’approfondissent sans cesse davantage. Cette union intime, don réciproque de deux personnes, non moins que le bien des enfants, exigent l’entière fidélité des époux et requièrent leur indissoluble unité.

(GS 48)

92. Une certaine participation de l’homme à la seigneurie de Dieu est aussi manifeste du fait de la responsabilité spécifique qui lui est confiée à l’égard de la vie humaine proprement dite. C’est une responsabilité qui atteint son sommet lorsque l’homme et la femme, dans le mariage, donnent la vie par la génération, comme le rappelle le Concile Vatican II : " Dieu lui-même, qui a dit " Il n’est pas bon que l’homme soit seul " (Gn 2, 18) et qui, dès l’origine, a fait l’être humain homme et femme (Mt 19, 4), a voulu lui donner une participation spéciale dans son oeuvre créatrice ; aussi a-t-il béni l’homme et la femme, disant : " Soyez féconds et multipliez-vous " (Gn 1, 28) " (GS, n. 50). En parlant d’ " une participation spéciale " de l’homme et de la femme à l’" oeuvre créatrice " de Dieu, le Concile veut souligner qu’engendrer un enfant est un événement profondément humain et hautement religieux, car il engage les conjoints, devenus " une seule chair " (Gn 2, 24), et simultanément Dieu lui-même, qui se rend présent.

(EV 43)

III. Les enfants et les parents

93. Quand, de l’union conjugale des deux, naît un nouvel homme, il apporte avec lui au monde une image et une ressemblance particulières avec Dieu lui-même : dans la biologie de la génération est inscrite la généalogie de la personne.

En affirmant que les époux, en tant que parents, sont des coopérateurs de Dieu Créateur dans la conception et la génération d’un nouvel être humain, nous ne nous référons pas seulement aux lois de la biologie ; nous entendons plutôt souligner que, dans la paternité et la maternité humaines, Dieu lui-même est présent selon un mode différent de ce qui advient dans toute autre génération " sur la terre ". En effet, c’est de Dieu seul que peut provenir cette " image ", cette " ressemblance " qui est propre à l’être humain, comme cela s’est produit dans la création. La génération est la continuation de la création.

(Gratissimam sane, n. 9)

94. En manifestant et en revivant sur terre la paternité même de Dieu (Ep 3, 15), l’homme est appelé à garantir le développement unitaire de tous les membres de la famille. Pour accomplir cette tâche, il lui faudra une généreuse responsabilité à l’égard de la vie conçue sous le coeur de la mère, un effort d’éducation plus appliqué et partagé avec son épouse (cf. GS, n. 52) un travail qui ne désagrège jamais la famille mais la renforce dans son union et sa stabilité, un témoignage de vie chrétienne adulte qui introduise plus efficacement les enfants dans l’expérience vivante du christ et de l’Église.

(FC 25)

95. Il n’y a pas de doute que l’égalité de dignité et de responsabilité entre l’homme et la femme justifie pleinement l’accession de la femme aux fonctions publiques. Par ailleurs la vraie promotion de la femme exige que soit clairement reconnue la valeur de son rôle maternel et familial face â toutes les autres fonctions publiques et à toutes les autres professions. Il est du reste nécessaire que ces fonctions et ces professions soient étroitement liées entre elles si l’on veut que l’évolution sociale et culturelle soit vraiment et pleinement humaine.

(FC 23)

IV. La famille, l’éducation et la culture

96. Le devoir d’éducation a ses racines dans la vocation primordiale des époux à participer à l’oeuvre créatrice de Dieu : en engendrant dans l’amour et par amour une nouvelle personne possédant en soi la vocation à la croissance et au développement, les parents assument par là même le devoir de l’aider efficacement à vivre une vie pleinement humaine. Comme l’a rappelé le Concile Vatican II : " Les parents, parce qu’ils ont donné la vie à leurs enfants, ont la très grave obligation de les élever et, à ce titre, ils doivent être reconnus comme leurs premiers et principaux éducateurs. Le rôle éducatif des parents est d’une telle importance que, en cas de défaillance de leur part, il peut difficilement être suppléé. C’est aux parents, en effet, de créer une atmosphère familiale, animée par l’amour et le respect envers Dieu et les hommes, telle qu’elle favorise l’éducation totale, personnelle et sociale, de leurs enfants. La famille est donc la première école des vertus sociales dont aucune société ne peut se passer ". (Gravissimum Educationis, n. 3). Le droit et le devoir d’éducation sont pour les parents quelque chose d’essentiel, de par leur lien avec la transmission de la vie ; quelque chose d’original et de primordial, par rapport au devoir éducatif des autres, en raison du caractère unique du rapport d’amour existant entre parents et enfants ; quelque chose d’irremplaçable et d’inaliénable, qui ne peut donc être totalement délégué à d’autres ni usurpé par d’autres.

(FC 36)

97. Aussi bien que la société civile, la famille, comme Nous l’avons dit plus haut, est une société proprement dite, avec son autorité propre qui est l’autorité paternelle. C’est pourquoi, toujours sans doute dans la sphère que lui détermine sa fin immédiate, elle jouit, pour le choix et l’usage de tout ce qu’exigent sa conservation et l’exercice d’une juste indépendance, de droits au moins égaux à ceux de la société civile. Au moins égaux, disons-Nous, car la société domestique a sur la société civile une priorité logique et une priorité réelle, auxquelles participent nécessairement ses droits et ses devoirs. Si les citoyens, si les familles entrant dans la société humaine y trouvaient, au lieu d’un soutien, un obstacle, au lieu d’une protection, une diminution de leurs droits, la société serait plutôt à rejeter qu’à rechercher.

(RN 13)

98. Le rôle social de la famille ne peut certainement pas se limiter a 1’oeuvre de la procréation et de l’éducation, même s’il trouve en elles sa forme d’expression première et irremplaçable. Les familles, isolément ou en associations, peuvent et doivent donc se consacrer à de nombreuses oeuvres de service social, spécialement en faveur des pauvres et en tout cas des personnes et des situations que les institutions de prévoyance et d’assistance publiques ne réussissent pas à atteindre. La contribution sociale de la famille a son originalité qui gagnerait à être mieux connue et qu’il faudrait promouvoir plus franchement, surtout au fur et à mesure que les enfants grandissent, en suscitant le plus possible la participation de tous ses membres.

(FC 44)

99. C’est une erreur grave et funeste de vouloir que le pouvoir civil pénètre à sa guise jusque dans le sanctuaire de la famille. Assurément, s’il arrive qu’une famille se trouve dans une situation matérielle critique et que, privée de ressources, elle ne puisse d’aucune manière en sortir par elle-même, il est juste que, dans de telles extrémités, le pouvoir public vienne à son secours, car chaque famille est un membre de la société. De même, si un foyer domestique est quelque part le théâtre de graves violations des droits mutuels, il faut que le pouvoir public y rétablisse le droit de chacun. Ce n’est point là empiéter sur les droits des citoyens, mais leur assurer une défense et une protection réclamées par la justice. Là toutefois doivent s’arrêter ceux qui détiennent les pouvoirs publics ; la nature leur interdit de dépasser ces limites.

(RN 14)

100. À l’intérieur du " peuple de la vie et pour la vie ", la responsabilité de la famille est déterminante : c’est une responsabilité qui résulte de sa nature même - qui consiste à être une communauté de vie et d’amour, fondée sur le mariage - et de sa mission de " garder, de révéler et de communiquer l’amour " (Familiaris Consortio, n. 17). Il s’agit précisément de l’amour même de Dieu, dont les parents sont faits les coopérateurs et comme les interprètes dans la transmission de la vie et dans l’éducation, suivant le projet du Père (cf. GS 50). C’est donc un amour qui se fait gratuité, accueil, don : dans la famille, chacun est reconnu, respecté et honoré parce qu’il est une personne, et, si quelqu’un a davantage de besoins, l’attention et les soins qui lui sont portés se font plus intenses.

La famille a un rôle à jouer tout au long de l’existence de ses membres, de la naissance à la mort. Elle est véritablement " le sanctuaire de la vie, le lieu où la vie, don de Dieu, peut être convenablement accueillie et protégée contre les nombreuses attaques auxquelles elle est exposée, le lieu où elle peut se développer suivant les exigences d’une croissance humaine authentique " (CA, n. 39). C’est pourquoi le rôle de la famille est déterminant et irremplaçable pour bâtir la culture de la vie.

Comme Église domestique, la famille a vocation d’annoncer, de célébrer et de servir l’Évangile de la vie. C’est une mission qui concerne avant tout les époux, appelés à transmettre la vie, en se fondant sur une conscience sans cesse renouvelée du sens de la génération, en tant qu’événement privilégié dans lequel est manifesté le fait que la vie humaine est un don reçu pour être à son tour donné. Dans la procréation d’une vie nouvelle, les parents se rendent compte que l’enfant, " s’il est le fruit de leur don réciproque d’amour devient, à son tour, un don pour tous les deux : un don qui jaillit du don ! " (Jean-Paul II, Discours au 7e Symposium des Evêques européens, 1989, n. 5).

(EV 92)

101. L’Évangile de la vie se trouve au coeur du message de Jésus. Reçu chaque jour par l’Église avec amour, il doit être annoncé avec courage et fidélité comme une bonne nouvelle pour les hommes de toute époque et de toute culture.

À l’aube du salut, il y a la naissance d’un enfant, proclamée comme une joyeuse nouvelle : " Je vous annonce une grande joie, qui sera celle de tout le peuple : aujourd’hui vous est né un Sauveur, qui est le Christ Seigneur, dans la cité de David " (Lc 2, 10-11). Assurément, la naissance du Sauveur a libéré cette " grande joie " , mais, à Noël, le sens plénier de toute naissance humaine se trouve également révélé, et la joie messianique apparaît ainsi comme le fondement et l’accomplissement de la joie qui accompagne la naissance de tout enfant (Jn 16, 21).

Exprimant ce qui est au coeur de sa mission rédemptrice, Jésus dit : " Je suis venu pour qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient en abondance " (Jn 10, 10). En vérité, il veut parler de la vie " nouvelle " et " éternelle " qui est la communion avec le Père, à laquelle tout homme est appelé par grâce dans le Fils, par l’action de l’Esprit sanctificateur. C’est précisément dans cette " vie " que les aspects et les moments de la vie de l’homme acquièrent tous leur pleine signification.

(EV 1)

 

V. Le caractère sacré de la vie humaine

102. La vie de l’homme vient de Dieu, c’est son don, son image et son empreinte, la participation à son souffle vital. Dieu est donc l’unique Seigneur de cette vie : l’homme ne peut en disposer. Dieu lui-même le répète à Noé après le déluge : " De votre sang, qui est votre propre vie, je demanderai compte à tout homme : à chacun je demanderai compte de la vie de son frère " (Gn 9, 5). Et le texte biblique prend soin de souligner que le caractère sacré de la vie a son fondement en Dieu et dans son action créatrice : " Car à l’image de Dieu l’homme a été fait " (Gn 9, 6).

(EV 39)

103. " La vie humaine est sacrée parce que, dès son origine, elle comporte " l’action créatrice de Dieu " et demeure pour toujours dans une relation spéciale avec le Créateur, son unique fin. Dieu seul est le Maître de la vie de son commencement à son terme : personne, en aucune circonstance, ne peut revendiquer pour soi le droit de détruire directement un être humain innocent ". Par ces mots, l’Instruction Donum vitae (n. 7) expose le contenu central de la révélation de Dieu sur le caractère sacré et sur l’inviolabilité de la vie humaine.

(EV 53)

104. Or l’inviolabilité de la personne, reflet de l’absolue inviolabilité de Dieu Lui-même, trouve son expression première et fondamentale dans l’inviolabilité de la vie humaine. Il est juste, assurément, de parler des droits de l’homme comme, par exemple, le droit à la santé, au logement, au travail, à la famille, à la culture mais c’est propager l’erreur et l’illusion que d’en parler, comme on le fait souvent, sans défendre avec la plus grande vigueur le droit à la vie, comme droit premier, origine et condition de tous les autres droits de la personne.

L’Église ne s’est jamais avouée vaincue en face de toutes les violations que le droit à la vie, droit précisément de tout être humain, a subies et continue à subir de la part des particuliers ou des autorités elles-mêmes. Le sujet de ce droit c’est l’être humain, à tout moment de son développement, depuis sa conception jusqu’à sa mort naturelle ; et en toutes les conditions, en santé ou en maladie, en état de perfection physique ou de handicap, de richesse ou de misère.

(CL 38)

105. En accueillant avec amour et générosité toute vie humaine, surtout si elle est faible et malade, l’Église vit aujourd’hui un moment capital de sa mission, d’autant plus nécessaire que s’affirme davantage une " culture de mort ". En effet " l’Église croit fermement que la vie humaine, même faible et souffrante, est toujours un magnifique don du Dieu de bonté. Contre le pessimisme et l’égoïsme qui obscurcissent le monde, l’Église prend parti pour la vie, et dans chaque vie humaine elle sait découvrir la splendeur de ce " Oui ", de cet " Amen " qu’est le Christ (cf. 2 Co 1, 19 ; Ap 3, 14). Au " non " qui envahit et attriste l’homme et le monde, elle oppose ce " oui " vivant, défendant ainsi l’homme et le monde contre ceux qui menacent la vie et lui portent atteinte " (Familiaris Consortio, n. 30). Il revient aux fidèles laïcs qui sont plus directement, par vocation ou par profession, responsables de l’accueil de la vie, de rendre concret et efficace le " Oui " de l’Église à la vie humaine.

(CL 38)

106. la raison atteste qu’il peut exister des objets de l’acte humain qui se présentent comme " ne pouvant être ordonnés " à Dieu, parce qu’ils sont en contradiction radicale avec le bien de la personne, créée à l’image de Dieu. Ce sont les actes qui, dans la tradition morale de l’Église, ont été appelés " intrinsèquement mauvais " (intrinsece malum) : ils le sont toujours et en eux-mêmes, c’est-à-dire en raison de leur objet même, indépendamment des intentions ultérieures de celui qui agit et des circonstances. De ce fait, sans aucunement nier l’influence que les circonstances, et surtout les intentions, exercent sur la moralité, l’Église enseigne " qu’il y a des actes qui, par eux-mêmes et en eux-mêmes, indépendamment des circonstances, sont toujours gravement illicites, en raison de leur objet " (Reconciliatio et Paenitentia, n. 17). Dans le cadre du respect dû à la personne humaine, le Concile Vatican II lui-même donne un ample développement au sujet de ces actes : " Tout ce qui s’oppose à la vie elle-même, comme toute espèce d’homicide, le génocide, l’avortement, l’euthanasie et même le suicide délibéré ; tout ce qui constitue une violation de l’intégrité de la personne humaine, comme les mutilations, la torture physique ou morale, les contraintes psychologiques ; tout ce qui est offense à la dignité de l’homme, comme les conditions de vie sous-humaines, les emprisonnements arbitraires, les déportations, l’esclavage, la prostitution, le commerce des femmes et des jeunes ; ou encore les conditions de travail dégradantes qui réduisent les travailleurs au rang de purs instruments de rapport, sans égard pour leur personnalité libre et responsable : toutes ces pratiques et d’autres analogues sont, en vérité, infâmes. Tandis qu’elles corrompent la civilisation, elles déshonorent ceux qui s’y livrent plus encore que ceux qui les subissent et insultent gravement l’honneur du Créateur " (GS, n. 27).

(VS 80)

VI. La plaie de l’avortement et de l’euthanasie

107. La vie humaine connaît une situation de grande précarité quand elle entre dans le monde et quand elle sort du temps pour aborder l’éternité. La Parole de Dieu ne manque pas d’invitations à apporter soins et respect à la vie, surtout à l’égard de celle qui est marquée par la maladie ou la vieillesse. S’il n’y a pas d’invitations directes et explicites à sauvegarder la vie humaine à son origine, en particulier la vie non encore née, comme aussi la vie proche de sa fin, cela s’explique facilement par le fait que même la seule possibilité d’offenser, d’attaquer ou, pire, de nier la vie dans de telles conditions est étrangère aux perspectives religieuses et culturelles du peuple de Dieu.

(EV 44)

108. " Rien ni personne ne peut autoriser que l’on donne la mort à un être humain innocent, fœtus ou embryon, enfant ou adulte, vieillard, malade incurable ou agonisant. Personne ne peut demander ce geste homicide pour soi ou pour un autre confié à sa responsabilité, ni même y consentir, explicitement ou non. Aucune autorité ne peut légitimement l’imposer, ni même l’autoriser. "

(Iura et bona 2)

109. Par conséquent, avec l’autorité conférée par le Christ à Pierre et à ses Successeurs, en communion avec tous les évêques de l’Église catholique, je confirme que tuer directement et volontairement un être humain innocent est toujours gravement immoral. Cette doctrine, fondée sur la loi non écrite que tout homme découvre dans son coeur à la lumière de la raison (cf. Rm 2, 14-15), est réaffirmée par la Sainte Ecriture, transmise par la Tradition de l’Église et enseignée par le Magistère ordinaire et universel.

(EV 57)

110. Je voudrais adresser une pensée spéciale à vous, femmes qui avez eu recours à l’avortement. L’Église sait combien de conditionnements ont pu peser sur votre décision, et elle ne doute pas que, dans bien des cas, cette décision a été douloureuse, et même dramatique. Il est probable que la blessure de votre âme n’est pas encore refermée. En réalité, ce qui s’est produit a été et demeure profondément injuste. Mais ne vous laissez pas aller au découragement et ne renoncez pas à l’espérance. Sachez plutôt comprendre ce qui s’est passé et interprétez-le en vérité. Si vous ne l’avez pas encore fait, ouvrez-vous avec humilité et avec confiance au repentir : le Père de toute miséricorde vous attend pour vous offrir son pardon et sa paix dans le sacrement de la réconciliation. Vous vous rendrez compte que rien n’est perdu et vous pourrez aussi demander pardon à votre enfant qui vit désormais dans le Seigneur. Avec l’aide des conseils et de la présence de personnes amies compétentes, vous pourrez faire partie des défenseurs les plus convaincants du droit de tous à la vie par votre témoignage douloureux. Dans votre engagement pour la vie, éventuellement couronné par la naissance de nouvelles créatures et exercé par l’accueil et l’attention envers ceux qui ont le plus besoin d’une présence chaleureuse, vous travaillerez à instaurer une nouvelle manière de considérer la vie de l’homme.

(EV 99)

VII. La peine capitale

111. En plus d’un droit, la légitime défense peut être un devoir grave, pour qui est responsable de la vie d’autrui. La défense du bien commun exige que l’on mette l’injuste agresseur hors d’état de nuire. A ce titre, les détenteurs légitimes de l’autorité ont le droit de recourir même aux armes pour repousser les agresseurs de la communauté civile confiée à leur responsabilité.

L’effort fait par l’État pour empêcher la diffusion de comportements qui violent les droits de l’homme et les règles fondamentales du vivre ensemble civil, correspond à une exigence de la protection du bien commun. L’autorité publique légitime a le droit et le devoir d’infliger des peines proportionnelles à la gravité du délit. La peine a pour premier but de réparer le désordre introduit par la faute. Quand cette peine est volontairement acceptée par le coupable, elle a valeur d’expiation. La peine, en plus de protéger l’ordre public et la sécurité des personnes, a un but médicinal : elle doit, dans la mesure du possible, contribuer à l’amendement du coupable.

(CEC 2265-2266)

112. Dans cette perspective, se situe aussi la question de la peine de mort, à propos de laquelle on enregistre, dans l'Eglise comme dans la société civile, une tendance croissante à en réclamer une application très limitée voire même une totale abolition. Il faut replacer ce problème dans le cadre d'une justice pénale qui soit toujours plus conforme à la dignité de l'homme et donc, en dernière analyse, au dessein de Dieu sur l'homme et sur la société. En réalité, la peine que la société inflige " a pour premier effet de compenser le désordre introduit par la faute " (CEC, n. 2266).

Les pouvoirs publics doivent sévir face à la violation des droits personnels et sociaux, à travers l'imposition au coupable d'une expiation adéquate de la faute, condition pour être réadmis à jouir de sa liberté. En ce sens, l'autorité atteint aussi comme objectif de défendre l'ordre public et la sécurité des personnes, " non sans apporter au coupable un stimulant et une aide pour se corriger et pour s'amender " (CEC, n. 2266).

Précisément pour atteindre toutes ces finalités, il est clair que la mesure et la qualité de la peine doivent être attentivement évaluées et déterminées ; elles ne doivent pas conduire à la mesure extrême de la suppression du coupable, si ce n'est en cas de nécessité absolue, lorsque la défense de la société ne peut être possible autrement. Aujourd'hui, cependant, à la suite d'une organisation toujours plus efficiente de l'institution pénale, ces cas sont désormais assez rares, si non même pratiquement inexistants.

(EV 56)

113. L’enseignement traditionnel de l’Église n’exclut pas, quand l’identité et la responsabilité du coupable sont pleinement vérifiées, le recours à la peine de mort, si celle-ci est l’unique moyen praticable pour protéger efficacement de l’injuste agresseur la vie d’êtres humains. Mais si des moyens non sanglants suffisent à défendre et à protéger la sécurité des personnes contre l’agresseur, l’autorité s’en tiendra à ces moyens, parce que ceux-ci correspondent mieux aux conditions concrètes du bien commun et sont plus conformes à la dignité de la personne humaine. Aujourd’hui, en effet, étant données les possibilités dont l’Etat dispose pour réprimer efficacement le crime en rendant incapable de nuire celui qui l’a commis, sans lui enlever définitivement la possibilité de se repentir, les cas d’absolue nécessité de supprimer le coupable " sont désormais assez rares, sinon même pratiquement inexistants ".

(CEC 2267)

VIII. La dignité de la femme

114. Il est certain qu’il reste encore beaucoup à faire pour que la condition de femme et de mère n’entraîne aucune discrimination. Il est urgent d’obtenir partout l’égalité effective des droits de la personne et donc la parité des salaires pour un travail égal, la protection des mères qui travaillent, un juste avancement dans la carrière, l’égalité des époux dans le droit de la famille, la reconnaissance de tout ce qui est lié aux droits et aux devoirs du citoyen dans un régime démocratique. Il s’agit là d’un acte de justice, mais aussi d’une nécessité. Dans la politique à venir, les femmes seront toujours plus impliquées dans les graves problèmes actuellement débattus : temps libre, qualité de la vie, migrations, services sociaux, euthanasie, drogue, santé et soins, écologie, etc. Dans tous ces domaines, une plus forte présence sociale de la femme s’avérera précieuse, car elle contribuera à manifester les contradictions d’une société organisée sur les seuls critères de l’efficacité et de la productivité, et elle obligera à redéfinir les systèmes, au bénéfice des processus d’humanisation qui caractérisent la " civilisation de l’amour ".

(Lettre aux femmes 4)

115. À cet héroïsme du quotidien appartient le témoignage silencieux, mais combien fécond et éloquent, de " toutes les mères courageuses qui se consacrent sans réserve à leur famille, qui souffrent en donnant le jour à leurs enfants, et sont ensuite prêtes à supporter toutes les fatigues, à affronter tous les sacrifices, pour leur transmettre ce qu’elles possèdent de meilleur en elles " (Jean-Paul II, Homélie de béatification, 1994). Dans l’accomplissement de leur mission, " ces mères héroïques ne trouvent pas toujours un soutien dans leur entourage. Au contraire, les modèles de civilisation, souvent promus et diffusés par les moyens de communication sociale, ne favorisent pas la maternité. Au nom du progrès et de la modernité, on présente comme désormais dépassées les valeurs de la fidélité, de la chasteté et du sacrifice qu’ont illustrées et continuent à illustrer une foule d’épouses et de mères chrétiennes… Nous vous remercions, mères héroïques, pour votre amour invincible ! Nous vous remercions pour la confiance intrépide placée en Dieu et en son amour. Nous vous remercions pour le sacrifice de votre vie… Dans le mystère pascal, le Christ vous rend le don que vous avez fait. Il a en effet le pouvoir de vous rendre la vie que vous lui avez apportée en offrande " (Jean-Paul II, Homélie de béatification, 1994).

(EV 86)

116. " Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa " (Gn 1, 27). Ce passage concis contient les vérités fondamentales de l’anthropologie : I’homme est le sommet de tout l’ordre de la création dans le monde visible ; le genre humain, qui commence au moment ou l’homme et la femme sont appelés à l’existence, couronne toute l’oeuvre de la création ; tous les deux sont des êtres humains, I’homme et la femme à un degré égal, tous les deux créés à l’image de Dieu. Cette image, cette ressemblance avec Dieu, qui est essentielle a l’être humain, est transmise par l’homme et la femme, comme époux et parents, à leurs descendants : " Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-la " (Gn 1, 28). Le Créateur confie la " domination " de la terre au genre humain, à toutes les personnes, à tous les hommes et à toutes les femmes, qui puisent leur dignité et leur vocation dans leur " origine " commune.

(MD 6)

117. Pour obtenir ce tournant culturel en faveur de la vie, la pensée et l’action des femmes jouent un rôle unique et sans doute déterminant : il leur revient de promouvoir un " nouveau féminisme " qui, sans succomber à la tentation de suivre les modèles masculins, sache reconnaître et exprimer le vrai génie féminin dans toutes les manifestations de la vie en société, travaillant à dépasser toute forme de discrimination, de violence et d’exploitation. Reprenant le message final du Concile Vatican II, j’adresse moi aussi aux femmes cet appel pressant : " Réconciliez les hommes avec la vie " (Message final du Concile [1965] aux femmes). Vous êtes appelées à témoigner du sens de l’amour authentique, du don de soi et de l’accueil de l’autre qui se réalisent spécifiquement dans la relation conjugale, mais qui doivent animer toute autre relation interpersonnelle. L’expérience de la maternité renforce en vous une sensibilité aiguë pour la personne de l’autre et, en même temps, vous confère une tâche particulière : " La maternité comporte une communion particulière avec le mystère de la vie qui mûrit dans le sein de la femme… Ce genre unique de contact avec le nouvel être humain en gestation crée, à son tour, une attitude envers l’homme - non seulement envers son propre enfant mais envers l’homme en général - de nature à caractériser profondément toute la personnalité de la femme " (Mulieris Dignitatem 18). En effet, la mère accueille et porte en elle un autre, elle lui permet de grandir en elle, lui donne la place qui lui revient en respectant son altérité. Ainsi, la femme perçoit et enseigne que les relations humaines sont authentiques si elles s’ouvrent à l’accueil de la personne de l’autre, reconnue et aimée pour la dignité qui résulte du fait d’être une personne et non pour d’autres facteurs comme l’utilité, la force, l’intelligence, la beauté, la santé. Telle est la contribution fondamentale que l’Église et l’humanité attendent des femmes. C’est un préalable indispensable à ce tournant culturel authentique.

(EV 99)

 

Article quatrième :
l’ordre social

 

I. La place centrale de la personne humaine

118. Suivant le principe de base de cette conception - comme il ressort de tout ce que Nous avons dit jusqu’ici, - les êtres humains sont et doivent être fondement, but et sujets de toutes les institutions où se manifeste la vie sociale. Chacun d’entre eux, étant ce qu’il est, doit être considéré selon sa nature intrinsèquement sociale et sur le plan providentiel de son élévation à l’ordre surnaturel.

(MM 219)

119. Dans la vie économico-sociale aussi, il faut honorer et promouvoir la dignité de la personne humaine, sa vocation intégrale et le bien de toute la société. C’est l’homme en effet qui est l’auteur, le centre et le but de toute la vie économico-sociale.

(GS 63)

120. L’homme, conformément à l’ouverture intérieure de son esprit et aussi aux besoins si nombreux et si divers de son corps, de son existence temporelle, écrit cette histoire personnelle à travers quantité de liens, de contacts, de situations, de structures sociales, qui l’unissent aux autres hommes ; et cela, il le fait depuis le premier moment de son existence sur la terre, depuis l’instant de sa conception et de sa naissance. L’homme, dans la pleine vérité de son existence, de son être personnel et en même temps de son être communautaire et social dans le cercle de sa famille, à l’intérieur de sociétés et de contextes très divers, dans le cadre de sa nation ou de son peuple (et peut-être plus encore de son clan ou de sa tribu), même dans le cadre de toute l’humanité, cet homme est la première route que l’Église doit parcourir en accomplissant sa mission : il est la première route et la route fondamentale de l’Église, route tracée par le Christ lui-même, route qui, de façon immuable, passe par le mystère de l’Incarnation et de la Rédemption.

(RH 14)

121. La personne est le fondement et la fin de l’ordre social, car elle est le sujet de droits inaliénables qu’elle ne reçoit pas de l’extérieur mais qui découlent de sa nature même : rien ni personne ne peut les détruire, aucune contrainte extérieure ne peut les anéantir, parce qu’ils s’enracinent dans ce qu’elle a de plus profondément humain. De manière analogue, la personne ne se réduit pas à ses conditionnements sociaux, culturels et historiques, parce que le propre de l’homme, qui a une âme spirituelle, est de tendre à une fin qui transcende les conditions changeantes de son existence. Aucune puissance humaine ne peut s’opposer à l’épanouissement de l’homme comme personne.

(Message pour la Journée mondiale de la paix, 1988, n. 1)

II. Une société fondée sur la vérité

122. Voilà pourquoi une société n’est dûment ordonnée, bienfaisante, respectueuse de la personne humaine, que si elle se fonde sur la vérité, selon l’avertissement de saint Paul : " Rejetez donc le mensonge ; que chacun de vous dise la vérité à son prochain, car nous sommes membres les uns des autres (Ep 4, 25). " Cela suppose que soient sincèrement reconnus les droits et les devoirs mutuels.

(PT 35)

123. Dieu seul, le Bien suprême, constitue la base inaltérable et la condition irremplaçable de la moralité, donc des commandements, et particulièrement des commandements négatifs qui interdisent toujours et dans tous les cas les comportements et les actes incompatibles avec la dignité personnelle de tout homme. Ainsi le Bien suprême et le bien moral se rejoignent dans la vérité, la vérité de Dieu Créateur et Rédempteur et la vérité de l’homme créé et racheté par Lui. Ce n’est que sur cette vérité qu’il est possible de construire une société renouvelée et de résoudre les problèmes complexes et difficiles qui l’ébranlent, le premier d’entre eux consistant à surmonter les formes les plus diverses de totalitarisme pour ouvrir la voie à l’authentique liberté de la personne. " Le totalitarisme naît de la négation de la vérité au sens objectif du terme : s’il n’existe pas de vérité transcendante, par l’obéissance à laquelle l’homme acquiert sa pleine identité, dans ces conditions, il n’existe aucun principe sûr pour garantir des rapports justes entre les hommes " (CA 44).

(VS 99)

124. Les relations entre les communautés politiques doivent se régler dans la vérité. La vérité exige avant tout que l’on élimine toute trace de discrimination raciale dans ces relations ; et que l’on s’en tienne ensuite au principe que toutes les communautés politiques sont égales en dignité de nature. Chacune a donc droit à l’existence, au développement, à la possession des moyens nécessaires pour le réaliser, à la responsabilité première de leur mise en œuvre ; et chacune peut légitimement demander à jouir d’une bonne réputation et à recevoir les honneurs qui lui sont dus.

(PT 86)

125. A la lumière de la foi, la solidarité tend à se dépasser elle-même, à prendre les dimensions spécifiquement chrétiennes de la gratuité totale, du pardon et de la réconciliation. Alors le prochain n’est pas seulement un être humain avec ses droits et son égalité fondamentale à l’égard de tous, mais il devient l’image vivante de Dieu le Père, rachetée par le sang du Christ et objet de l’action constante de l’Esprit Saint. Il doit donc être aimé, même s’il est un ennemi, de l’amour dont l’aime le Seigneur, et l’on doit être prêt au sacrifice pour lui, même au sacrifice suprême : " Donner sa vie pour ses frères " (cf. 1 Jn 3, 16).

Alors la conscience de la paternité commune de Dieu, de la fraternité de tous les hommes dans le Christ, " fils dans le Fils ", de la présence et de l’action vivifiante de l’Esprit Saint, donnera à notre regard sur le monde comme un nouveau critère d’interprétation. Au-delà des liens humains et naturels, déjà si forts et si étroits, se profile à la lumière de la foi un nouveau modèle d’unité du genre humain dont doit s’inspirer en dernier ressort la solidarité. Ce modèle d’unité suprême, reflet de la vie intime de Dieu un en trois personnes, est ce que nous chrétiens désignons par le mot " communion ". Cette communion spécifiquement chrétienne, jalousement préservée, étendue et enrichie avec l’aide du Seigneur, est l’âme de la vocation de l’Église à être " sacrement " dans le sens déjà indiqué.

(SRS 40)

III. La solidarité

126. [La solidarité] n’est donc pas un sentiment de compassion vague ou d’attendrissement superficiel pour les maux subis par tant de personnes proches ou lointaines. Au contraire, c’est la détermination ferme et persévérante de travailler pour le bien commun, c’est-à-dire pour le bien de tous et de chacun parce que tous nous sommes vraiment responsables de tous. Une telle détermination est fondée sur la ferme conviction que le développement intégral est entravé par le désir de profit et la soif de pouvoir dont on a parlé. Ces attitudes et ces " structures de péché " ne peuvent être vaincues - bien entendu avec l’aide de la grâce divine - que par une attitude diamétralement opposée : se dépenser pour le bien du prochain en étant prêt, au sens évangélique du terme, à " se perdre " pour l’autre au lieu de l’exploiter, et à " le servir " au lieu de l’opprimer à son propre profit.

(SRS 38)

127. Dans un esprit de solidarité et avec les moyens du dialogue, nous apprendrons :

le respect de toute personne humaine ;

le respect des valeurs authentiques et des cultures chez les autres ;

le respect de l’autonomie légitime et de l’autodétermination des autres ; nous apprendrons : à regarder au-delà de nous-mêmes, afin de comprendre et de soutenir ce qui est bon chez les autres ; à engager nos propres ressources dans la solidarité sociale en faveur du développement et de la croissance fondés sur l’équité et la justice ; à établir les structures qui permettront à la solidarité sociale et au dialogue de devenir des caractéristiques permanentes du monde où nous vivons.

(Message pour la Journée mondiale de la paix, 1986, n. 5)

128. Le devoir de solidarité des personnes est aussi celui des peuples : " les nations développées ont le très pressant devoir d’aider les nations en voie de développement " (GS, n. 86). Il faut mettre en œuvre cet enseignement conciliaire. S’il est normal qu’une population soit la première bénéficiaire des dons que lui a faits la Providence comme des fruits de son travail, aucun peuple ne peut, pour autant, prétendre réserver ses richesses à son seul usage. Chaque peuple doit produire plus et mieux, à la fois pour donner à tous ses ressortissants un niveau de vie vraiment humain et aussi pour contribuer au développement solidaire de l’humanité. Devant l’indigence croissante des pays sous-développés, on doit considérer comme normal qu’un pays évolué consacre une partie de sa production à satisfaire leurs besoins ; normal aussi qu’il forme des éducateurs, des ingénieurs, des techniciens, des savants qui mettront science et compétence à leur service.

(PP 48)

129. Pour dépasser la mentalité individualiste répandue aujourd’hui, il faut un engagement concret de solidarité et de charité qui commence à l’intérieur de la famille par le soutien mutuel des époux, puis s’exerce par la prise en charge des générations les unes par les autres. C’est ainsi que la famille se définit comme une communauté de travail et de solidarité.

(CA 49)

130. Dans ce cheminement, Nous sommes tous solidaires. A tous, Nous avons voulu rappeler l’ampleur du drame et l’urgence de l’œuvre à accomplir. L’heure de l’action a maintenant sonné : la survie de tant d’enfants innocents, l’accès à une condition humaine de tant de familles malheureuses, la paix du monde, l’avenir de la civilisation sont en jeu. A tous les hommes et à tous les peuples de prendre leurs responsabilités.

(PP 80)

131. La pratique de la solidarité à l’intérieur de toute société est pleinement valable lorsque ses membres se reconnaissent les uns les autres comme des personnes. Ceux qui ont plus de poids, disposant d’une part plus grande de biens et de services communs, devraient se sentir responsables des plus faibles et être prêts à partager avec eux ce qu’ils possèdent. De leur côté, les plus faibles, dans la même ligne de la solidarité, ne devraient pas adopter une attitude purement passive ou destructrice du tissu social, mais, tout en défendant leurs droits légitimes, faire ce qui leur revient pour le bien de tous. Les groupes intermédiaires, à leur tour, ne devraient pas insister avec égoïsme sur leurs intérêts particuliers, mais respecter les intérêts des autres.

(SRS 39)

132. Ainsi, le principe de solidarité, comme on dit aujourd’hui, dont j’ai rappelé, dans l’encyclique Sollicitudo rei socialis (cf. nn. 38-40), la valeur dans l’ordre interne de chaque nation comme dans l’ordre international, apparaît comme l’un des principes fondamentaux de la conception chrétienne de l’organisation politique et sociale. Il a été énoncé à plusieurs reprises par Léon XIII sous le nom d’ " amitié " que nous trouvons déjà dans la philosophie grecque. Pie XI le désigna par le terme non moins significatif de " charité sociale ", tandis que Paul VI, élargissant le concept en fonction des multiples dimensions modernes de la question sociale, parlait de " civilisation de l’amour " (cf. RN, n. 25 ; QA, n. 3 ; Paul VI, Homélie de clôture de l’Année Sainte, 1975).

(CA 10)

133. La solidarité nous aide à voir l’ " autre " - personne, peuple ou nation - non comme un instrument quelconque dont on exploite à peu de frais la capacité de travail et la résistance physique pour l’abandonner quand il ne sert plus, mais comme notre " semblable ", une " aide " (cf. Gn 2, 18-20), que l’on doit faire participer, à parité avec nous, au banquet de la vie auquel tous les hommes sont également invités par Dieu.

(SRS 39)

IV. Subsidiarité

134. La doctrine de l’Église a élaboré le principe dit de subsidiarité. Selon celui-ci, " une société d’ordre supérieur ne doit pas intervenir dans la vie interne d’une société d’ordre inférieur en lui enlevant ses compétences, mais elle doit plutôt la soutenir en cas de nécessité et l’aider à coordonner son action avec celle des autres éléments qui composent la société, en vue du bien commun " (CA, n. 48 ; cf. QA, nn. 184-186).

Dieu n’a pas voulu retenir pour Lui seul l’exercice de tous les pouvoirs. Il remet à chaque créature les fonctions qu’elle est capable d’exercer, selon les capacités de sa nature propre. Ce mode de gouvernement doit être imité dans la vie sociale. Le comportement de Dieu dans le gouvernement du monde, qui témoigne de si grands égards pour la liberté humaine, devrait inspirer la sagesse de ceux qui gouvernent les communautés humaines. Ils ont à se comporter en ministres de la providence divine.

Le principe de subsidiarité s’oppose à toutes les formes de collectivisme. Il trace les limites de l’intervention de l’État. Il vise à harmoniser les rapports entre les individus et les sociétés. Il tend à instaurer un véritable ordre international.

(CCC 1883-1885)

135. De même qu’à l’intérieur de chaque communauté politique, les rapports des pouvoirs publics avec les citoyens, les familles et les corps intermédiaires doivent être régis et équilibrés par le principe de subsidiarité, ainsi est-il juste que le même principe régisse les rapports de l’autorité publique universelle avec les autorités publiques de chaque nation. Le rôle de cette autorité universelle est d’examiner et de résoudre les problèmes que pose le bien commun universel en matière économique, sociale, politique ou culturelle. C’est la complexité, l’ampleur et l’urgence de ces problèmes qui ne permettent pas aux gouvernants de chaque communauté politique de les résoudre à souhait. Il n’appartient donc pas à cette autorité universelle de limiter ni de réclamer pour elle les actes qui sont propres aux pouvoirs publics des autres communautés politiques. Elle doit au contraire tâcher de susciter sur toute la terre un état de choses dans lequel non seulement les pouvoirs publics de chaque nation, mais aussi les individus et les corps intermédiaires, puissent avec une plus grande sécurité accomplir leurs tâches, observer leurs devoirs et exercer leurs droits.

(PT 140-141)

136. Qu’il soit entendu avant toute chose que le monde économique résulte de l’initiative personnelle des particuliers, qu’ils agissent individuellement ou associés de manières diverses à la poursuite d’intérêts communs.

(MM 51)

137. Mais il faut toujours rappeler ce principe : la présence de l’État dans le domaine économique, si vaste et pénétrante qu’elle soit, n’a pas pour but de réduire de plus en plus la sphère de liberté de l’initiative personnelle des particuliers, tout au contraire elle a pour objet d’assurer à ce champ d’action la plus vaste ampleur possible, grâce à la protection effective, pour tous et pour chacun, des droits essentiels de la personne humaine. Et il faut retenir parmi ceux-ci le droit qui appartient à chaque personne humaine d’être et demeurer normalement première responsable de son entretien et de celui de sa famille. Cela comporte que, dans tout système économique, soit permis et facilité le libre exercice des activités productrices.

(MM 55)

138. A ce sujet, Rerum Novarum montre la voie des justes réformes susceptibles de redonner au travail sa dignité d’activité libre de l’homme. Ces réformes supposent que la société et l’État prennent leurs responsabilités surtout pour défendre le travailleur contre le cauchemar du chômage. Cela s’est réalisé historiquement de deux manières convergentes : soit par des politiques économiques destinées à assurer une croissance équilibrée et une situation de plein emploi ; soit par les assurances contre le chômage et par des politiques de recyclage professionnel appropriées pour faciliter le passage des travailleurs de secteurs en crise vers d’autres secteurs en développement…

L’État doit contribuer à la réalisation de ces objectifs directement et indirectement. Indirectement et suivant le principe de subsidiarité, en créant les conditions favorables au libre exercice de l’activité économique, qui conduit à une offre abondante de possibilités de travail et de sources de richesse. Directement et suivant le principe de solidarité, en imposant, pour la défense des plus faibles, certaines limites à l’autonomie des parties qui décident des conditions du travail, et en assurant dans chaque cas un minimum vital au travailleur sans emploi.

(CA 15)

V. Participation

139. La double aspiration vers l’égalité et la participation cherche à promouvoir un type de société démocratique. Divers modèles sont proposés, certains sont expérimentés ; aucun ne donne complète satisfaction et la recherche reste ouverte entre les tendances idéologiques et pragmatiques. Le chrétien a le devoir de participer à cette recherche et à l’organisation comme à la vie de la société politique. Être social, l’homme construit son destin dans une série de groupements particuliers qui appellent, comme leur achèvement et comme une condition nécessaire de leur développement, une société plus vaste, de caractère universel, la société politique. Toute activité particulière doit se replacer dans cette société élargie et prend, par là même, la dimension du bien commun.

(OA 24)

140. Il est essentiel à tout être humain d’avoir la conscience de participer et de prendre part effectivement aux décisions et aux efforts qui forgent la destinée du monde. Dans le passé, la violence et l’injustice ont souvent été provoquées d’abord par le fait que les personnes avaient conscience d’être privées du droit de façonner leur propre vie.

(Message pour la Journée mondiale de la paix, 1985, n. 9)

141. C’est un strict devoir de justice et de vérité de faire en sorte que les besoins humains fondamentaux ne restent pas insatisfaits et que ne périssent pas les hommes qui souffrent de ces carences. En outre, il faut que ces hommes dans le besoin soient aidés à acquérir des connaissances, à entrer dans les réseaux de relations, à développer leurs aptitudes pour mettre en valeur leurs capacités et leurs ressources personnelles.

(CA 34)

142. Il est pleinement conforme à la nature de l’homme que l’on trouve des structures politico-juridiques qui offrent sans cesse davantage à tous les citoyens, sans aucune discrimination, la possibilité effective de prendre librement et activement part tant à l’établissement des fondements juridiques de la communauté politique qu’à la gestion des affaires publiques, à la détermination du champ d’action et des buts des différents organes, et à l’élection des gouvernants…

Les gouvernants se garderont de faire obstacle aux associations familiales, sociales et culturelles, aux corps et institutions intermédiaires, ou d’empêcher leurs activités légitimes et efficaces ; qu’ils aiment plutôt les favoriser, dans l’ordre. Quant aux citoyens, individuellement ou en groupe, qu’ils évitent de conférer aux pouvoirs publics une trop grande puissance ; qu’ils ne s’adressent pas à eux d’une manière intempestive pour réclamer des secours et des avantages excessifs, au risque d’amoindrir la responsabilité des personnes, des familles et des groupes sociaux.

(GS 75)

143. Tout citoyen a le droit de participer à la vie de sa Communauté : c’est là une conviction partagée d’une manière générale. Toutefois, ce droit est rendu vain quand le processus démocratique est vidé de sa force par le favoritisme et les phénomènes de corruption, qui non seulement empêchent la légitime participation à la gestion du pouvoir, mais interdisent l’accès à un juste usage des biens et des services communs.

(Message pour la Journée mondiale de la paix, 1999, n. 6)

144. En même temps que le progrès scientifique et technique continue à bouleverser le paysage de l’homme, ses modes de connaissance, de travail, de consommation et de relations, s’exprime toujours, dans ces contextes nouveaux, une double aspiration plus vive au fur et à mesure que se développent son information et son éducation : aspiration à l’égalité, aspiration à la participation ; deux formes de la dignité de l’homme et de sa liberté.

(OA 22)

145. A la dignité de la personne humaine est attaché le droit de prendre une part active à la vie publique et de concourir personnellement au bien commun. " L’homme comme tel, bien loin d’être l’objet et un élément passif de la vie sociale, en est et doit en être, en rester le sujet, le fondement et la fin " (Radiomessage de Noël 1952).

(PT 26)

VI. Aliénation et marginalisation

146. Le marxisme a critiqué les sociétés capitalistes bourgeoises, leur reprochant d’aliéner l’existence humaine et d’en faire une marchandise. Ce reproche se fonde assurément sur une conception erronée et inappropriée de l’aliénation, qui la fait dépendre uniquement de la sphère des rapports de production et de propriété, c’est-à-dire qu’il lui attribue un fondement matérialiste et, de plus, nie la légitimité et le caractère positif des relations du marché même dans leur propre domaine. … [Cependant] l’aliénation avec la perte du sens authentique de l’existence est également une réalité dans les sociétés occidentales. On le constate au niveau de la consommation lorsqu’elle engage l’homme dans un réseau de satisfactions superficielles et fausses, au lieu de l’aider à faire l’expérience authentique et concrète de sa personnalité. Elle se retrouve aussi dans le travail, lorsqu’il est organisé de manière à ne valoriser que ses productions et ses revenus sans se soucier de savoir si le travailleur, par son travail, s’épanouit plus ou moins en son humanité, selon qu’augmente l’intensité de sa participation à une véritable communauté solidaire, ou bien que s’aggrave son isolement au sein d’un ensemble de relations caractérisé par une compétitivité exaspérée et des exclusions réciproques, où il n’est considéré que comme un moyen, et non comme une fin. Il est nécessaire de rapprocher le concept d’aliénation de la vision chrétienne des choses, pour y déceler l’inversion entre les moyens et les fins : quand il ne reconnaît pas la valeur et la grandeur de la personne en lui-même et dans l’autre, l’homme se prive de la possibilité de jouir convenablement de son humanité et d’entrer dans les relations de solidarité et de communion avec les autres hommes pour lesquelles Dieu l’a créé.

(CA 41)

147. L’homme d’aujourd’hui semble toujours menacé par ce qu’il fabrique, c’est-à-dire par le résultat du travail de ses mains, et plus encore du travail de son intelligence, des tendances de sa volonté. D’une manière trop rapide et souvent imprévisible, les fruits de cette activité multiforme de l’homme ne sont pas seulement et pas tant objet d’ " aliénation ", c’est-à-dire purement et simplement enlevés à celui qui les a produits ; mais, partiellement au moins, dans la ligne, même indirecte, de leurs effets, ces fruits se retournent contre l’homme lui-même.

(RH 15)

148. La question morale, à laquelle le Christ répond, ne peut faire abstraction de la question de la liberté, elle la place même en son centre, car il n’y a pas de morale sans liberté. " C’est toujours librement que l’homme se tourne vers le bien " (GS, n. 17). Mais quelle liberté ? Face à nos contemporains qui " estiment grandement " la liberté et qui la " poursuivent avec ardeur ", mais qui, souvent, " la chérissent d’une manière qui n’est pas droite, comme la licence de faire n’importe quoi, pourvu que cela plaise, même le mal ", le Concile présente la " vraie " liberté : " La vraie liberté est en l’homme un signe privilégié de l’image divine. Car Dieu a voulu le laisser à son propre conseil (Si 15, 14) pour qu’il puisse de lui-même chercher son Créateur et, en adhérant librement à lui, s’achever ainsi dans une bienheureuse plénitude " (GS, n. 17). S’il existe un droit à être respecté dans son propre itinéraire de recherche de la vérité, il existe encore antérieurement l’obligation morale grave pour tous de chercher la vérité et, une fois qu’elle est connue, d’y adhérer (cf. Dignitatis Humanae, n. 2).

(VS 34)

149. Non seulement on n’a pas le droit de méconnaître, du point de vue éthique, la nature de l’homme qui est fait pour la liberté, mais en pratique ce n’est même pas possible. Là où la société s’organise en réduisant arbitrairement ou même en supprimant le champ dans lequel s’exerce légitimement la liberté, il en résulte que la vie sociale se désagrège progressivement et entre en décadence.

(CA 25)

150. La liberté est la mesure de la dignité et de la grandeur de l’homme. Pour les individus et les peuples, vivre libre est un grand défi pour le progrès spirituel de l’homme et pour la vigueur morale des nations.

(Discours à la 50e assemblée générale de l’ONU, 1995, n. 12)

151. La liberté n’est pas seulement l’absence de tyrannie ou d’oppression, ni la licence de faire tout ce que l’on veut. La liberté possède une " logique " interne qui la qualifie et l’ennoblit : elle est ordonnée à la vérité et elle se réalise dans la recherche et la mise en œuvre de la vérité. Séparée de la vérité de la personne humaine, elle se dégrade en licence dans la vie individuelle et, dans la vie politique, en arbitraire des plus forts ou en arrogance du pouvoir.

(Discours à la 50e assemblée générale de l’ONU, 1995, n. 12)

 

VII. Liberté sociale

152. N’étant pas une idéologie, la foi chrétienne ne cherche nullement à enfermer dans le cadre d’un modèle rigide la changeante réalité sociale et politique et elle admet que la vie de l’homme se réalise dans l’histoire de manières diverses et imparfaites. Cependant l’Église, en réaffirmant constamment la dignité transcendante de la personne, adopte comme règle d’action le respect de la liberté

(CA 46)

153. Les rapports entre les communautés politiques doivent être réglés dans la liberté. Ce qui signifie qu’aucune nation n’a le droit de faire quoi que ce soit qui opprime injustement d’autres nations, ou qui s’ingère de façon imméritée dans leurs affaires. Au contraire, il faut que toutes se proposent de contribuer chez les autres à l’épanouissement du sens des responsabilités, à l’encouragement des initiatives nouvelles et utiles, à la promotion par elles-mêmes de leur propre croissance dans tous les secteurs.

(PT 120)

154. C’est pourquoi le lien inséparable entre la vérité et la liberté - qui reflète le lien essentiel entre la sagesse et la volonté de Dieu - possède une signification extrêmement importante pour la vie des personnes dans le cadre socioéconomique et socio-politique.

(VS 99)

VIII. Culture

155. Entre le message de salut et la culture, il y a de multiples liens. Car Dieu, en se révélant à son peuple jusqu’à sa pleine manifestation dans son Fils incarné, a parlé selon des types de culture propres à chaque époque. De la même façon, l’Église, qui a connu au cours des temps des conditions d’existence variées, a utilisé les ressources des diverses cultures pour répandre et exposer par sa prédication le message du Christ à toutes les nations, pour mieux le découvrir et mieux l’approfondir, pour l’exprimer plus parfaitement dans la célébration liturgique comme dans la vie multiforme de la communauté des fidèles. Mais en même temps, l’Église, envoyée à tous les peuples de tous les temps et de tous les lieux, n’est liée d’une manière exclusive et indissoluble à aucune race ou nation, à aucun genre de vie particulier, à aucune coutume ancienne ou récente. Constamment fidèle à sa propre tradition et tout à la fois consciente de l’universalité de sa mission, elle peut entrer en communion avec les diverses civilisations : d’où l’enrichissement qui en résulte pour elle-même et pour les différentes cultures. La Bonne Nouvelle du Christ rénove constamment la vie et la culture de l’homme déchu ; elle combat et écarte les erreurs et les maux qui proviennent de la séduction permanente du péché. Elle ne cesse de purifier et d’élever la moralité des peuples. Par les richesses d’en-haut, elle féconde comme de l’intérieur les qualités spirituelles et les dons propres à chaque peuple et à chaque âge, elle les fortifie, les parfait et les restaure dans le Christ (cf. Ep 1, 10). Ainsi l’Église, en remplissant sa propre mission, concourt déjà, par là même, à l’oeuvre civilisatrice et elle y pousse ; son action, même liturgique, contribue à former la liberté intérieure de l’homme.

(GS 58)

156. Toute l’activité humaine se situe à l’intérieur d’une culture et réagit par rapport à celle-ci. Pour que cette culture soit constituée comme il convient, il faut que tout l’homme soit impliqué, qu’il y développe sa créativité, son intelligence, sa connaissance du monde et des hommes. En outre, il y investit ses capacités de maîtrise de soi, de sacrifice personnel, de solidarité et de disponibilité pour promouvoir le bien commun. Pour cela, la première et la plus importante des tâches s’accomplit dans le coeur de l’homme, et la manière dont l’homme se consacre à la construction de son avenir dépend de la conception qu’il a de lui-même et de son destin.

(CA 51)

157. Riche ou pauvre, chaque pays possède une civilisation reçue des ancêtres : institutions exigées pour la vie terrestre et manifestations supérieures - artistiques, intellectuelles et religieuses - de la vie de l’esprit. Lorsque celles-ci possèdent de vraies valeurs humaines, il y aurait grave erreur à les sacrifier à celles-là. Un peuple qui y consentirait perdrait par là le meilleur de lui-même. Il sacrifierait, pour vivre, ses raisons de vivre. L’enseignement du Christ vaut aussi pour les peuples : " que servirait à l’homme de gagner l’univers, s’il vient à perdre son âme ? " (Mt 16, 26)

(PP 40)

158. La culture est l’espace vital dans lequel la personne humaine se trouve face à face avec l’Évangile. De même qu’une culture est le résultat de la vie et de l’activité d’un groupe humain, de même les personnes qui appartiennent à ce groupe sont façonnées dans une large mesure par la culture dans laquelle elles vivent. De même que les personnes et les sociétés changent, de même la culture change avec elles. Et quand une culture est transformée, les personnes et les sociétés le sont aussi par elle. De ce point de vue, on voit plus clairement pourquoi l’évangélisation et l’inculturation sont naturellement et intimement en relation l’une avec l’autre. L’Évangile et l’évangélisation ne s’identifient certes pas à la culture, et en sont même indépendants. Et pourtant le Règne de Dieu atteint des personnes profondément liées à une culture, et la construction du Royaume ne peut éviter d’emprunter des éléments de cultures humaines.

(Ecclesia in Asia, n. 21)

159. En exerçant son activité missionnaire parmi les peuples, l’Église entre en contact avec différentes cultures et se trouve engagée dans le processus d’inculturation… elle leur transmet ses valeurs, en assumant ce qu’il y a de bon dans ces cultures et en les renouvelant de l’intérieur.

(RM 52)

160. Il n’est pas possible de comprendre l’homme en partant exclusivement du domaine de l’économie, il n’est pas possible de le définir en se fondant uniquement sur son appartenance à une classe. On comprend l’homme d’une manière plus complète si on le replace dans son milieu culturel, en considérant sa langue, son histoire, les positions qu’il adopte devant les événements fondamentaux de l’existence comme la naissance, l’amour, le travail, la mort. Au centre de toute culture se trouve l’attitude que l’homme prend devant le mystère le plus grand, le mystère de Dieu. Au fond, les cultures des diverses nations sont autant de manières d’aborder la question du sens de l’existence personnelle : quand on élimine cette question, la culture et la vie morale des nations se désagrègent.

(CA 24)

IX. Le développement humain authentique

161. Avoir plus, pour les peuples comme pour les personnes, n’est donc pas le but dernier. Toute croissance est ambivalente. Nécessaire pour permettre à l’homme d’être plus homme, elle l’enferme comme dans une prison dès lors qu’elle devient le bien suprême qui empêche de regarder au ciel. Alors les cœurs s’endurcissent et les esprits se ferment, les hommes ne se réunissent plus par amitié, mais par l’intérêt, qui a tôt fait de les opposer et de les désunir. La recherche exclusive de l’avoir fait dès lors l’obstacle à la croissance de l’être et s’oppose à sa véritable grandeur : pour les nations comme pour les personnes, l’avarice est la forme la plus évidente du sous-développement moral.

(PP 19)

162. En bref, de nos jours le sous-développement n’est pas seulement économique ; il est également culturel, politique et tout simplement humain, comme le relevait déjà, il y a vingt ans, l’encyclique Populorum progressio. Il faut donc ici se demander si la réalité si triste d’aujourd’hui n’est pas le résultat, au moins partiel, d’une conception trop étroite, à savoir surtout économique du développement.

(SRS 15)

163. Le développement humain intégral – développement de tout homme et de tout l’homme, spécialement des plus pauvres et des plus déshérités de la communauté – se situe au cœur même de l’évangélisation. " Entre évangélisation et promotion humaine – développement, libération – il y a des liens profonds. Liens d’ordre anthropologique, parce que l’homme à évangéliser n’est pas un être abstrait, mais qu’il est sujet aux questions sociales et économiques.

(Ecclesia in Africa, n. 68)

164. Le développement de la technique, et le développement de la civilisation de notre temps marqué par la maîtrise de la technique, exigent un développement proportionnel de la vie morale et de l’éthique. Ce dernier semble malheureusement rester toujours en arrière. Certes ce progrès est merveilleux et il est difficile de ne pas découvrir aussi en lui des signes authentiques de la grandeur de l’homme, dont la créativité se trouve révélée en germes dans les pages du livre de la Genèse, à commencer par la description de sa création (99) ; cependant ce même progrès ne peut pas ne pas engendrer de multiples inquiétudes. La première inquiétude concerne la question essentielle et fondamentale : ce progrès, dont l’homme est l’auteur et le défenseur, rend-il la vie humaine sur la terre " plus humaine " à tout point de vue ? La rend-il plus " digne de l’homme " ? On ne peut douter que sous un certain nombre d’aspects il en est bien ainsi. Cette interrogation, toutefois, revient obstinément sur ce qui est essentiel : l’homme, comme homme, dans le contexte de ce progrès, devient-il véritablement meilleur, c’est-à-dire plus mûr spirituellement, plus conscient de la dignité de son humanité, plus responsable, plus ouvert aux autres, en particulier aux plus démunis et aux plus faibles, plus disposé à donner et à apporter son aide à tous ?

(RH 15)

165. Mais en même temps, la conception " économique " ou " économiste ", liée au vocable développement, est entrée elle-même en crise. Effectivement, on comprend mieux aujourd’hui que la pure accumulation de biens et de services, même en faveur du plus grand nombre, ne suffit pas pour réaliser le bonheur humain. Et par suite, la disponibilité des multiples avantages réels apportés ces derniers temps par la science et par la technique, y compris l’informatique, ne comporte pas non plus la libération par rapport à toute forme d’esclavage. L’expérience des années les plus récentes démontre au contraire que, si toute la masse des ressources et des potentialités mises à la disposition de l’homme n’est pas régie selon une intention morale et une orientation vers le vrai bien du genre humain, elle se retourne facilement contre lui pour l’opprimer.

(SRS 28)

166. Si la poursuite du développement demande des techniciens de plus en plus nombreux, elle exige encore plus des sages de réflexion profonde, à la recherche d’un humanisme nouveau, qui permette à l’homme moderne de se retrouver lui-même, en assumant les valeurs supérieures d’amour, d’amitié, de prière et de contemplation. Ainsi pourra s’accomplir en plénitude le vrai développement, qui est le passage, pour chacun et pour tous, de conditions moins humaines à des conditions plus humaines.

(PP 20)

X. Le bien commun

167. Par bien commun, il faut entendre " l’ensemble des conditions sociales qui permettent, tant aux groupes qu’à chacun de leurs membres d’atteindre leur perfection, d’une façon plus totale et plus aisée " (GS, n. 26 ; cf. GS, n. 74). Le bien commun intéresse la vie de tous. Il réclame la prudence de la part de chacun, et plus encore de la part de ceux qui exercent la charge de l’autorité. Il comporte trois éléments essentiels :

Il suppose, en premier lieu, le respect de la personne en tant que telle. Au nom du bien commun, les pouvoirs publics se tenus de respecter les droits fondamentaux et inaliénables de la personne humaine. La société se doit de permettre à chacun de ses membres de réaliser sa vocation. En particulier, le bien commun réside dans les conditions d’exercice des libertés naturelles qui sont indispensables à l’épanouissement de la vocation humaine : " ainsi : droit d’agir selon la droite règle de sa conscience, droit à la sauvegarde de la vie privée et à la juste liberté, y compris en matière religieuse " (GS, n. 26).

En second lieu, le bien commun demande le bien-être social et le développement du groupe lui-même. Le développement est le résumé de tous les devoirs sociaux. Certes, il revient à l’autorité d’arbitrer, au nom du bien commun, entre les divers intérêts particuliers. Mais elle doit rendre accessible à chacun ce dont il a besoin pour mener une vie vraiment humaine : nourriture, vêtement, santé, travail, éducation et culture, information convenable, droit de fonder une famille, etc. (cf. GS, n. 26).

Le bien commun implique enfin la paix, c’est-à-dire la durée et la sécurité d’un ordre juste. Il suppose donc que l’autorité assure, par des moyens honnêtes, la sécurité de la société et celle de ses membres. Il fonde le droit à la légitime défense personnelle et collective.

(CEC 1906-1909)

168. Parce que les liens humains s’intensifient et s’étendent peu à peu à l’univers entier, le bien commun, c’est-à-dire cet ensemble de conditions sociales qui permettent, tant aux groupes qu’à chacun de leurs membres, d’atteindre leur perfection d’une façon plus totale et plus aisée, prend aujourd’hui une extension de plus en plus universelle, et par suite recouvre des droits et des devoirs qui concernent tout le genre humain. Tout groupe doit tenir compte des besoins et des légitimes aspirations des autres groupes, et plus encore du bien commun de l’ensemble de la famille humaine…

Cet ordre [social] doit sans cesse se développer, avoir pour base la vérité, s’édifier sur la justice, et être vivifié par l’amour ; il doit trouver dans la liberté un équilibre toujours plus humain. Pour y parvenir, il faut travailler au renouvellement des mentalités et entreprendre de vastes transformations sociales. L’Esprit de Dieu qui, par une providence admirable, conduit le cours des temps et rénove la face de la terre, est présent à cette évolution. Quant au ferment évangélique, c’est lui qui a suscité et suscite dans le coeur humain une exigence incoercible de dignité.

(GS 26)

169. L’autorité ne s’exerce légitimement que si elle recherche le bien commun du groupe considéré et si, pour l’atteindre, elle emploie des moyens moralement licites. S’il arrive aux dirigeants d’édicter des lois injustes ou de prendre des mesures contraires à l’ordre moral, ces dispositions ne sauraient obliger les consciences. " En pareil cas, l’autorité cesse d’être elle-même et dégénère en oppression " (PT 51).

(CEC 1903)

170. Si l’on examine bien d’une part la notion intime du bien commun, et d’autre part la nature et la fonction de l’autorité publique, il n’est personne qui ne constate qu’ils sont reliés par une convenance nécessaire. En effet l’ordre moral, en postulant une autorité publique pour promouvoir le bien commun dans la société civile, réclame en même temps que cette autorité puisse effectivement le réaliser. Il en résulte que les institutions civiles - dans lesquels l’autorité publique prend corps, s’exerce et atteint sa fin - doivent avoir une forme et une efficacité telles qu’elles puissent conduire au bien commun par des voies et des moyens qui répondent convenablement aux divers temps des choses.

(PT 136)

171. Il faut considérer les exigences du bien commun sur le plan national : donner un emploi au plus grand nombre possible de travailleurs ; éviter la formation de catégories privilégiées, même parmi ces derniers ; maintenir une proportion équitable entre salaires et prix ; donner accès aux biens et services au plus grand nombre possible de citoyens ; éliminer ou réduire les déséquilibres entre secteurs : agriculture, industrie, services ; équilibrer expansion économique et développement des services publics essentiels ; adapter, dans la mesure du possible, les structures de production aux progrès des sciences et des techniques ; tempérer le niveau de vie amélioré des générations présentes par l’intention de préparer un avenir meilleur aux générations futures.

Le bien commun a en outre des exigences sur le plan mondial : éviter toute forme de concurrence déloyale entre les économies des divers pays ; favoriser, par des ententes fécondes, la collaboration entre économies nationales ; collaborer au développement économique des communautés politiques moins avancées.

(MM 79-80)

172. Puisque à notre époque on considère que le bien commun consiste surtout dans la sauvegarde des droits et des devoirs de la personne humaine, dès lors il faut que ceux qui veillent à la chose publique s’occupent principalement de garantir la reconnaissance et le respect de ces droits, leur conciliation mutuelle, leur défense et leur promotion, de sorte que chacun puisse accomplir plus facilement ses devoirs. Car " la principale mission de tout pouvoir public est de protéger les droits inviolables qui sont propres à l’homme, et de faire en sorte que chacun s’acquitte plus aisément de ses tâches ".

(PT 60)

173. Dans ce but, il est requis que les hommes investis d’autorité publique soient animés par une saine conception du bien commun. Celui-ci comporte l’ensemble des conditions sociales qui permettent et favorisent dans les hommes le développement intégral de leur personne. Nous estimons, en outre, nécessaire que les corps intermédiaires et les initiatives sociales diverses, par lesquelles surtout s’exprime et se réalise la " socialisation ", jouissent d’une autonomie efficace devant les pouvoirs publics, qu’ils poursuivent leurs intérêts spécifiques en rapports de collaboration loyale entre eux et de subordination aux exigences du bien commun. Il n’est pas moins nécessaire que ces corps sociaux se présentent en forme de vraie communauté ; cela signifie que leurs membres seront considérés et traités comme des personnes, stimulés à participer activement à leur vie.

Les organisations de la société contemporaine se développent et l’ordre s’y réalise de plus en plus, grâce à un équilibre renouvelé : exigence d’une part de collaboration autonome apportée par tous, individus et groupes ; d’autre part, coordination en temps opportun et orientation venue des pouvoirs publics.

(MM 65-66)

174. L’intérêt commun exige également que les autorités civiles devraient faire de sérieux efforts pour obtenir une situation dans laquelle les citoyens peuvent exercer aisément leurs droits et poursuivre leurs devoirs. L’expérience nous a appris que, à moins que ces autorités ne prennent les mesures adéquates en ce qui concerne les sujets économiques, politiques et culturels, les inégalités entre les citoyens ont tendance à devenir de plus en plus prépondérantes, surtout dans le cadre du monde moderne, et, en conséquence, les droits de l’homme deviennent absolument sans effet.

(PT 63)

XI. " Le péché social "

175. Toutefois, il est nécessaire de dénoncer l’existence de mécanismes économiques, financiers et sociaux qui, bien que menés par la volonté des hommes, fonctionnent souvent d’une manière quasi automatique, rendant plus rigides les situations de richesse des uns et de pauvreté des autres. Ces mécanismes, manœuvrés - d’une façon directe ou indirecte - par des pays plus développés, favorisent par leur fonctionnement même les intérêts de ceux qui les manœuvrent, mais ils finissent par étouffer ou conditionner les économies des pays moins développés. Il nous faudra, plus loin, soumettre ces mécanismes à une analyse attentive sous l’aspect éthique et moral.

(SRS 16)

176. Parler de péché social veut dire, avant tout, reconnaître que, en vertu d’une solidarité humaine aussi mystérieuse et imperceptible que réelle et concrète, le péché de chacun se répercute d’une certaine manière sur les autres… Certains péchés, cependant, constituent, par leur objet même, une agression directe envers le prochain et - plus exactement, si l’on recourt au langage évangélique - envers les frères. Ces péchés offensent Dieu, parce qu’ils offensent le prochain. On désigne habituellement de tels péchés par l’épithète " sociaux " et c’est là la seconde signification du terme. … Est également social tout péché commis contre la justice dans les rapports soit de personne à personne, soit de la personne avec la communauté, soit encore de la communauté avec la personne. … Est social tout péché contre le bien commun et ses exigences, dans tout l’ample domaine des droits et des devoirs des citoyens.

(RP 16)

177. Si la situation actuelle relève de difficultés de nature diverse, il n’est pas hors de propos de parler de " structures de péché ", lesquelles, comme je l’ai montré dans l’exhortation apostolique Reconciliatio et paenitentia, ont pour origine le péché personnel et, par conséquent, sont toujours reliées à des actes concrets des personnes, qui les font naître, les consolident et les rendent difficiles à abolir. Ainsi elles se renforcent, se répandent et deviennent sources d’autres péchés, et elles conditionnent la conduite des hommes.

(SRS 36)

 

Article cinquième :
Le rôle de l’État

 

 

I. L’autorité temporelle

178. " A la vie en société manqueraient l’ordre et la fécondité sans la présence d’hommes légitimement investis de l’autorité et qui assurent la sauvegarde des institutions et pourvoient, dans une mesure suffisante, au bien commun " (PT 46). On appelle " autorité " la qualité en vertu de laquelle des personnes ou des institutions donnent des lois et des ordres à des hommes, et attendent une obéissance de leur part.

Toute communauté humaine a besoin d’une autorité qui la régisse. Celle-ci trouve son fondement dans la nature humaine. Elle est nécessaire à l’unité de la Cité. Son rôle consiste à assurer autant que possible le bien commun de la société. L’autorité exigée par l’ordre moral émane de Dieu : " Que tout homme soit soumis aux autorités qui exercent le pouvoir, car il n’y a d’autorité que par Dieu et celles qui existent sont établies par lui. Ainsi, celui qui s’oppose à l’autorité se rebelle contre l’ordre voulu par Dieu, et les rebelles attireront la condamnation sur eux-mêmes " (Rm 13, 1-2 ; cf. 1 P 2, 13-17).

Le devoir d’obéissance impose à tous de rendre à l’autorité les honneurs qui lui sont dus, et d’entourer de respect et, selon leur mérite, de gratitude et de bienveillance les personnes qui en exercent la charge. On trouve sous la plume du pape S. Clément de Rome la plus ancienne prière de l’Église pour l’autorité politique (cf. déjà 1 Tm 2, 1-2) : " Accorde-leur, Seigneur, la santé, la paix, la concorde, la stabilité, pour qu’ils exercent sans heurt la souveraineté que tu leur as remise. C’est toi, Maître, céleste roi des siècles, qui donne aux fils des hommes gloire, honneur et pouvoir sur les choses de la terre. Dirige, Seigneur, leur conseil, suivant ce qui est bien, suivant ce qui est agréable à tes yeux, afin qu’en exerçant avec piété, dans la paix et la mansuétude, le pouvoir que tu leur as donné, ils te trouvent propice " (Saint Clément de Rome, Ad Cor. 61, 1-2).

(CEC 1897-1900)

179. Il s’ensuit également que l’exercice de l’autorité politique, soit à l’intérieur de la communauté comme telle, soit dans les organismes qui représentent l’État, doit toujours se déployer dans les limites de l’ordre moral, en vue du bien commun (mais conçu d’une manière dynamique), conformément à un ordre juridique légitimement établi ou à établir. Alors les citoyens sont en conscience tenus à l’obéissance. D’où, assurément, la responsabilité, la dignité et l’importance du rôle de ceux qui gouvernent.

(GS 74)

180. En outre, il découle de l’ordre moral lui-même qu’il y ait nécessairement dans toute communauté civile des hommes une autorité pour la gouverner ; et que l’autorité ne puisse être détournée contre cet ordre sans disparaître aussitôt, destituée de son fondement. L’avertissement nous en vient de Dieu lui-même : " Or donc, rois, écoutez et comprenez ! laissez-vous instruire, vous dont la juridiction s’étend à toute la terre ! Prêtez l’oreille, vous qui dominez sur les foules et qui êtes si fiers de la multitude de vos nations ! vous avez reçu di Seigneur votre pouvoir, du Très-Haut votre souveraineté ; et c’est lui qui examinera vos actes et scrutera vos desseins (Sg 6, 2-4). "

(PT 83)

181. L’autorité ne tire pas d’elle-même sa légitimité morale. Elle ne doit pas se comporter de manière despotique, mais agir pour le bien commun comme une " force morale fondée sur la liberté et le sens de la responsabilité " (GS 74, § 2) : " La législation humaine ne revêt le caractère de loi qu’autant qu’elle se conforme à la juste raison ; d’où il apparaît qu’elle tient sa vigueur de la loi éternelle. Dans la mesure où elle s’écarterait de la raison, il faudrait la déclarer injuste, car elle ne vérifierait pas la notion de loi ; elle serait plutôt une forme de violence " (S. Thomas d’Aquin, Sth. I-II, 93, 3, ad 2).

(CEC 1902)

II. Le rôle de la loi

182. " L’État de droit est la condition nécessaire pour établir une authentique démocratie " (Proposition 72). Pour que celle-ci puisse se développer, l’éducation civique et la promotion de l’ordre public et de la paix sont indispensables. En effet, " il n’y a pas de démocratie authentique et stable sans justice sociale. C’est pourquoi il faut que l’Église porte une plus grande attention à la formation des consciences, qu’elle prépare des dirigeants sociaux pour la vie publique à tous les niveaux, qu’elle encourage l’éducation civique, l’observance de la loi et des droits humains, et qu’elle fasse un plus grand effort pour la formation éthique de la classe politique ".

(Ecclesia in America 56)

183. Il ne faut pas penser pour autant que l’autorité soit libre de toute sujétion ; au contraire, comme elle procède de la faculté de commander selon la raison droite, c’est à juste titre que l’on considère qu’elle tire sa force d’obligation de l’ordre des moeurs, lequel à son tour a Dieu pour principe et fin. C’est pourquoi notre prédécesseur Pie XII, d’heureuse mémoire, déclare ceci : " L’ordre absolu des vivants et la fin même de l’homme - de l’homme libre, sujet de devoirs et de droits inviolables, de l’homme origine et fin de la société - regardent aussi la cité comme communauté nécessaire et dotée de l’autorité ; sans celle-ci pas d’existence, pas de vie pour le groupe... Suivant la droite raison et surtout la foi chrétienne, cet ordre de toute chose ne peut avoir d’autre origine qu’en Dieu, être personnel et notre Créateur à tous ; par conséquent les pouvoirs publics reçoivent leur dignité de ce qu’ils participent d’une certaine façon à l’autorité de Dieu lui-même " (Radiomessage de Noël, 1944).

(PT 47)

184. L’heure historique que nous vivons rend plus urgent le renforcement des instruments juridiques aptes à promouvoir la liberté de conscience même dans le domaine politique et social. A cet égard, le développement progressif et continu d’un régime légal reconnu sur le plan international pourra constituer l’un des fondements les plus sûrs pour la paix et pour le juste progrès de la famille humaine. En même temps, il est essentiel que soient entrepris des efforts parallèles, au niveau national et aussi au niveau régional, pour faire en sorte que toutes les personnes, où qu’elles demeurent, soient protégées par des normes légales reconnues sur le plan international.

(Message pour la Journée mondiale de la Paix 1991, 6)

185. Puisque la faculté de commander est exigée par l’ordre des choses incorporelles et émane de Dieu, s’il arrive aux dirigeants de la chose publique d’édicter des lois ou de prescrire quelque chose contre ce même ordre, et par conséquent contre la volonté de Dieu, alors ni ces lois ni ces autorisations ne peuvent obliger les consciences des citoyens ; car " il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes (Ac 5, 29) " ; bien plus, en pareil cas, l’autorité cesse d’être elle-même et dégénère en oppression ; selon l’enseignement de Saint Thomas d’Aquin : " La loi humaine n’a raison de loi qu’autant qu’elle se conforme à la raison droite ; et à ce titre il est manifeste qu’elle dérive de la loi éternelle. Mais dans la mesure où elle s’écarte de la raison, elle est déclarée une loi inique, et dès lors n’a plus raison de loi, mais est plutôt une forme de violence (Saint Thomas d’Aquin, Sth. I-II, 93, 3 ad 2). "

(PT 51)

186. Léon XIII n’ignorait pas qu’il faut une saine théorie de l’État pour assurer le développement normal des activités humaines, des activités spirituelles et matérielles, indispensables les unes et les autres. A ce sujet, dans un passage de Rerum novarum, il expose l’organisation de la société en trois pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, et cela représentait alors une nouveauté dans l’enseignement de l’Église. Cette structure reflète une conception réaliste de la nature sociale de l’homme qui requiert une législation adaptée pour protéger la liberté de tous. Dans cette perspective, il est préférable que tout pouvoir soit équilibré par d’autres pouvoirs et par d’autres compétences qui le maintiennent dans de justes limites. C’est là le principe de l’" État de droit ", dans lequel la souveraineté appartient à la loi et non pas aux volontés arbitraires des hommes.

(CA 44)

187. Il faut rappeler en outre qu’aucun groupe social, par exemple un parti, n’a le droit d’usurper le rôle de guide unique, car cela comporte la destruction de la véritable subjectivité de la société et des personnes-citoyens, comme cela se produit dans tout totalitarisme.

(SRS 15)

III. Le rôle du gouvernement

188. Si, toutefois, cette structure politique et juridique doit produire les avantages que l’on espère, les fonctionnaires doivent s’efforcer de répondre aux problèmes qui surviennent d’une manière conforme à la fois aux complexités de la situation et à l’exercice de leur fonction. Ceci requiert que, sous des conditions en évolution constante, les législateurs n’oublient jamais les normes de la moralité, ou les dispositions constitutionnelles ou l’intérêt commun. De plus, les autorités exécutives doivent coordonner les activités de la société selon un pouvoir discrétionnaire en ayant une connaissance totale de la loi et après avoir considéré soigneusement les circonstances, et les tribunaux doivent assurer la justice de manière impartiale sans être influencés par le favoritisme ou la pression. Le bon ordre de la société requiert également que les citoyens individuels et les organisations intermédiaires soient efficacement protégés par la loi lorsqu’ils doivent exercer leurs droits ou qu’ils ont des obligations à remplir.

(PT 69)

189. L’action [des pouvoirs publics] a un caractère d’orientation, de stimulant, de coordination, de suppléance et d’intégration. Elle doit être inspirée par le principe de subsidiarité, formulé par Pie XI dans l’encyclique Quadragesimo anno : " Il n’en reste pas moins indiscutable qu’on ne saurait ni changer ni ébranler ce principe si grave de philosophie sociale ; de même qu’on ne peut enlever aux particuliers, pour les transférer à la communauté, les attributions dont ils sont capables de s’acquitter de leur seule initiative et par leurs propres moyens. Ainsi ce serait commettre une injustice, en même temps que troubler d’une manière très dommageable l’ordre social, que de retirer aux groupements plus restreints et d’ordre inférieur, pour les confier à une collectivité plus vaste et d’un rang plus élevé, les fonctions qu’ils sont en mesure de remplir eux-mêmes. L’objet naturel de toute intervention en matière sociale est d’aider les membres du corps social, et non pas de les détruire ni de les absorber (QA, n. 23) ".

(MM 53)

190. Dans le domaine politique, on doit observer que la vérité dans les rapports entre gouvernés et gouvernants, la transparence dans l’administration publique, l’impartialité dans le service public, le respect des droits des adversaires politiques, la sauvegarde des droits des accusés face à des procès ou à des condamnations sommaires, l’usage juste et honnête des fonds publics, le refus de moyens équivoques ou illicites pour conquérir, conserver et accroître à tout prix son pouvoir, sont des principes qui ont leur première racine - comme, du reste, leur particulière urgence - dans la valeur transcendante de la personne et dans les exigences morales objectives du fonctionnement des États.

(VS 101)

IV. Église et État

191. C’est pour tout pouvoir civil un devoir essentiel que de protéger et promouvoir les droits inviolables de l’homme. Le pouvoir civil doit donc, par de justes lois et autres moyens appropriés, assumer efficacement la protection de la liberté religieuse de tous les citoyens et assurer des conditions favorables au développement de la vie religieuse en sorte que les citoyens soient à même d’exercer effectivement leurs droits et de remplir leurs devoirs religieux, et que la société elle-même jouisse des biens de la justice et de la paix découlant de la fidélité des hommes envers Dieu et sa sainte volonté.

(DH 6)

V. Formes de gouvernement

192. Si l’autorité renvoie à un ordre fixé par Dieu, " la détermination des régimes politiques, comme la détermination de leurs dirigeants, doivent être laissées à la libre volonté des citoyens " (GS 74, § 3). La diversité des régimes politiques est moralement admissible, pourvu qu’ils concourent au bien légitime de la communauté qui les adopte. Les régimes dont la nature est contraire à la loi naturelle, à l’ordre public et aux droits fondamentaux des personnes, ne peuvent réaliser le bien commun des nations auxquelles ils se sont imposés.

(CEC 1901)

193. A l’époque moderne, contre cette conception s’est dressé le totalitarisme qui, dans sa forme marxiste-léniniste, considère que quelques hommes, en vertu d’une connaissance plus approfondie des lois du développement de la société, ou à cause de leur appartenance particulière de classe et de leur proximité des sources les plus vives de la conscience collective, sont exempts d’erreur et peuvent donc s’arroger l’exercice d’un pouvoir absolu. Il faut ajouter que le totalitarisme naît de la négation de la vérité au sens objectif du terme : s’il n’existe pas de vérité transcendante, par l’obéissance à laquelle l’homme acquiert sa pleine identité, dans ces conditions, il n’existe aucun principe sûr pour garantir des rapports justes entre les hommes. Leurs intérêts de classe, de groupe ou de nation les opposent inévitablement les uns aux autres. Si la vérité transcendante n’est pas reconnue, la force du pouvoir triomphe, et chacun tend à utiliser jusqu’au bout les moyens dont il dispose pour faire prévaloir ses intérêts ou ses opinions, sans considération pour les droits des autres. Alors l’homme n’est respecté que dans la mesure où il est possible de l’utiliser aux fins d’une prépondérance égoïste. Il faut donc situer la racine du totalitarisme moderne dans la négation de la dignité transcendante de la personne humaine, image visible du Dieu invisible et, précisément pour cela, de par sa nature même, sujet de droits que personne ne peut violer, ni l’individu, ni le groupe, ni la classe, ni la nation, ni l’État. La majorité d’un corps social ne peut pas non plus le faire, en se dressant contre la minorité pour la marginaliser, l’opprimer, l’exploiter, ou pour tenter de l’anéantir.

La culture et la pratique du totalitarisme comportent aussi la négation de l’Église. L’État, ou le parti, qui considère qu’il peut réaliser dans l’histoire le bien absolu et qui se met lui-même au-dessus de toutes les valeurs, ne peut tolérer que l’on défende un critère objectif du bien et du mal qui soit différent de la volonté des gouvernants et qui, dans certaines circonstances, puisse servir à porter un jugement sur leur comportement. Cela explique pourquoi le totalitarisme cherche à détruire l’Église ou du moins à l’assujettir, en en faisant un instrument de son propre système idéologique. L’État totalitaire, d’autre part, tend à absorber la nation, la société, la famille, les communautés religieuses et les personnes elles-mêmes. En défendant sa liberté, l’Église défend la personne, qui doit obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes (cf. Ac 5, 29), la famille, les différentes organisations sociales et les nations, réalités qui jouissent toutes d’un domaine propre d’autonomie et de souveraineté.

(CA 44-45)

194. En effet, pour constituer la forme de gouvernement de la Cité, ou la modalité d’exercice de ses charges, on ne peut que donner un très grand poids à l’état présent et à la condition de chaque peuple : or, ils varient selon les lieux et les temps. Cependant, Nous estimons que s’accorde avec la nature humaine le fait de modeler la vie commune des citoyens en la fondant sur ce triple ordre des pouvoirs qui répond de manière appropriée aux trois charges principales de l’autorité publique ; dans une telle Cité, non seulement les charges des pouvoirs publics, mais aussi les relations mutuelles des citoyens et des fonctionnaires publics sont définis en termes de droit. Ce qui constitue pour les citoyens une protection, tant dans la jouissance de leurs droits que dans l’accomplissement de leurs devoirs.

(PT 68)

195. Pour que la coopération de citoyens responsables aboutisse à d’heureux résultats dans la vie politique de tous les jours, un statut de droit positif est nécessaire, qui organise une répartition convenable des fonctions et des organes du pouvoir ainsi qu’une protection efficace des droits, indépendante de quiconque. Que les droits de toutes les personnes, des familles et des groupes, ainsi que leur exercice, soient reconnus, respectés et valorisés (6), non moins que les devoirs civiques auxquels sont astreints tous les citoyens. Parmi ces derniers, il faut rappeler l’obligation de rendre à l’État les services matériels et personnels requis par le bien commun. Les gouvernants se garderont de faire obstacle aux associations familiales, sociales et culturelles, aux corps et institutions intermédiaires, ou d’empêcher leurs activités légitimes et efficaces ; qu’ils aiment plutôt les favoriser, dans l’ordre. Quant aux citoyens, individuellement ou en groupe, qu’ils évitent de conférer aux pouvoirs publics une trop grande puissance ; qu’ils ne s’adressent pas à eux d’une manière intempestive pour réclamer des secours et des avantages excessifs, au risque d’amoindrir la responsabilité des personnes, des familles et des groupes sociaux.

(GS 75)

196. Parlant de la réforme des institutions, c’est tout naturellement l’État qui vient à l’esprit. Non certes qu’il faille fonder sur son intervention tout espoir de salut ! Mais depuis que l’individualisme a réussi à briser, à étouffer presque cet intense mouvement de vie sociale qui s’épanouissait jadis en une riche et harmonieuse floraison de groupements les plus divers, il ne reste plus guère en présence que les individus et l’État. Cette déformation du régime social ne laisse pas de nuire sérieusement à l’État sur qui retombent dès lors toutes les fonctions que n’exercent plus les groupements disparus, et qui se voit accablé sous une quantité à peu près infinie de charges et de responsabilités.

(QA 78)

VI. La démocratie

197. L’Église apprécie le système de la démocratie, en tant qu’il assure la participation des citoyens aux choix politiques et garantit aux gouvernés la possibilité tant de choisir et de contrôler leurs gouvernants, que de les remplacer de manière pacifique lorsque cela s’avère opportun. Cependant, l’Église ne peut approuver la constitution de groupes dirigeants restreints qui usurpent le pouvoir de l’État au profit de leurs intérêts particuliers ou à des fins idéologiques.

Une démocratie authentique n’est possible que dans un État de droit et sur la base d’une conception correcte de la personne humaine. Elle requiert la réalisation des conditions nécessaires pour la promotion tant des personnes singulières, par l’éducation et la formation aux vrais idéaux, que de la " subjectivité " de la société, par la création de structures de participation et de coresponsabilité.

(CA 46)

198. L’Église respecte l’autonomie légitime de l’ordre démocratique et elle n’a pas qualité pour exprimer des préférences pour l’une ou l’autre solution institutionnelle ou constitutionnelle. La contribution qu’elle offre à cet ordre est justement cette vision de la dignité de la personne, qui se manifeste en toute sa plénitude dans le mystère du Verbe incarné.

(CA 47)

199. En réalité, la démocratie ne peut être élevée au rang d’un mythe, au point de devenir un substitut de la moralité ou d’être la panacée de l’immoralité. Fondamentalement, elle est un " système " et, comme tel, un instrument et non pas une fin. Son caractère " moral " n’est pas automatique, mais dépend de la conformité à la loi morale, à laquelle la démocratie doit être soumise comme tout comportement humain : il dépend donc de la moralité des fins poursuivies et des moyens utilisés. Si l’on observe aujourd’hui un consensus presque universel sur la valeur de la démocratie, il faut considérer cela comme un " signe des temps " positif, ainsi que le Magistère de l’Église l’a plusieurs fois souligné. Mais la valeur de la démocratie se maintient ou disparaît en fonction des valeurs qu’elle incarne et promeut.

(EV 70)

200. Quand on n’observe pas [ces principes], le fondement même de la convivialité politique fait défaut et toute la vie sociale s’en trouve progressivement compromise, menacée et vouée à sa désagrégation (Ps 14, 3-4 ; Ap 18, 2-3 ; 9-24). Dans de nombreux pays, après la chute des idéologies qui liaient la politique à une conception totalitaire du monde - la première d’entre elles étant le marxisme -, un risque non moins grave apparaît aujourd’hui à cause de la négation des droits fondamentaux de la personne humaine et à cause de l’absorption dans le cadre politique de l’aspiration religieuse qui réside dans le coeur de tout être humain : c’est le risque de l’alliance entre la démocratie et le relativisme éthique qui retire à la convivialité civile toute référence morale sûre et la prive, plus radicalement, de l’acceptation de la vérité. En effet, " s’il n’existe aucune vérité dernière qui guide et oriente l’action politique, les idées et les convictions peuvent être facilement exploitées au profit du pouvoir. Une démocratie sans valeurs se transforme facilement en un totalitarisme déclaré ou sournois, comme le montre l’histoire " (CA, n. 46). Dans tous les domaines de la vie personnelle, familiale, sociale et politique, la morale - qui est fondée sur la vérité et qui, dans la vérité, s’ouvre à la liberté authentique - rend donc un service original, irremplaçable et de très haute valeur, non seulement à la personne pour son progrès dans le bien, mais aussi à la société pour son véritable développement.

(VS 101)

201. Seul le respect de la vie peut fonder et garantir les biens les plus précieux et les plus nécessaires de la société, comme la démocratie et la paix. En effet, il ne peut y avoir de vraie démocratie si l’on ne reconnaît pas la dignité de toute personne et si l’on n’en respecte pas les droits. Il ne peut y avoir non plus une vraie paix si l’on ne défend pas et si l’on ne soutient pas la vie.

(EV 101)

 

Article sixième :
L’économie

 

I. La destination universelle des biens matériels

202. " Emplissez la terre et soumettez-la " (Gn 1, 28) : la Bible, dès sa première page, nous enseigne que la création entière est pour l’homme, à charge pour lui d’appliquer son effort intelligent à la mettre en valeur, et, par son travail, la parachever pour ainsi dire à son service. Si la terre est faite pour fournir à chacun les moyens de sa subsistance et les instruments de son progrès, tout homme a donc le droit d’y trouver ce qui lui est nécessaire. Le récent Concile l’a rappelé : " Dieu a destiné la terre et tout ce qu’elle contient à l’usage de tous les hommes et de tous les peuples, en sorte que les biens de la création doivent équitablement affluer entre les mains de tous, selon la règle de la justice, inséparable de la charité " (GS, n. 69). Tous les autres droits, quels qu’ils soient, y compris ceux de propriété et de libre commerce, y sont subordonnés : ils n’en doivent donc pas entraver, mais bien au contraire faciliter la réalisation, et c’est un devoir social grave et urgent de les ramener à leur finalité première.

(PP 22)

203. Les successeurs de Léon XIII ont repris cette double affirmation : la nécessité et donc la licéité de la propriété privée, et aussi les limites dont elle est grevée. Le Concile Vatican II a également proposé la doctrine traditionnelle dans des termes qui méritent d’être cités littéralement : " L’homme, dans l’usage qu’il fait de ses biens, ne doit jamais tenir les choses qu’il possède légitimement comme n’appartenant qu’à lui, mais les regarder aussi comme communes, en ce sens qu’elles puissent profiter non seulement à lui, mais aussi aux autres " (GS, n. 69). Et un peu plus loin : " La propriété privée ou un certain pouvoir sur les biens extérieurs assurent à chacun une zone indispensable d’autonomie personnelle et familiale ; il faut les regarder comme un prolongement de la liberté humaine. (...) De par sa nature même, la propriété privée a aussi un caractère social, fondé dans la loi de commune destination des biens " (GS, n. 71).

(CA 30)

205. La propriété privée, Nous l’avons vu plus haut, est pour l’homme de droit naturel. L’exercice de ce droit est chose non seulement permise, surtout à qui vit en société, mais encore absolument nécessaire. " Il est permis à l’homme de posséder en propre et c’est même nécessaire à la vie humaine. " (Saint Thomas d’Aquin, STh., II-II, 66, 2, c). Mais si l’on demande en quoi il faut faire consister l’usage des biens, l’Église répond sans hésitation : " Sous ce rapport, l’homme ne doit pas tenir les choses extérieures pour privées, mais pour communes, de telle sorte qu’il en fasse part facilement aux autres dans leurs nécessités. C’est pourquoi l’Apôtre a dit : " Ordonne aux riches de ce siècle... de donner facilement, de communiquer leurs richesses (1 Tm 6, 18) " (STh, II-II, 66, 2, c) ". Nul assurément n’est tenu de soulager le prochain en prenant sur son nécessaire ou sur celui de sa famille, ni même de rien retrancher de ce que les convenances ou la bienséance imposent à sa personne : " Nul, en effet, ne doit vivre contrairement aux convenances " (STh, II-II, 32, a, 6, a). Mais dès qu’on a accordé ce qu’il faut à la nécessité, à la bienséance, c’est un devoir de verser le superflu dans le sein des pauvres. Ce qui reste, donnez-le en aumône (Lc 11, 41). C’est un devoir, non pas de stricte justice, sauf les cas d’extrême nécessité, mais de charité chrétienne, un devoir par conséquent dont on ne peut poursuivre l’accomplissement par l’action de la loi. Mais au-dessus des jugements de l’homme et de ses lois, il y a la loi et le jugement de Jésus-Christ, notre Dieu, qui nous persuade de toutes manières de faire habituellement l’aumône. Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir (Ac 20, 35), dit-il. Le Seigneur tiendra pour faite ou refusée à lui-même l’aumône qu’on aura faite ou refusée aux pauvres. Chaque fois que vous avez fait l’aumône à l’un des moindres de mes frères que vous voyez, c’est à moi que vous l’avez faite (Mt 25, 40). Du reste, voici en quelques mots le résumé de cette doctrine. Quiconque a reçu de la divine Bonté une plus grande abondance, soit des biens extérieurs et du corps, soit des biens de l’âme, les a reçus dans le but de les faire servir à son propre perfectionnement et également, comme ministre de la Providence, au soulagement des autres. C’est pourquoi " quelqu’un a-t-il le talent de la parole, qu’il prenne garde de se taire ; une surabondance de biens, qu’il ne laisse pas la miséricorde s’engourdir au fond de son cœur ; l’art de gouverner, qu’il s’applique avec soin à en partager avec son frère et l’exercice et les bienfaits. " (Saint Grégoire le Grand, Evangelium Homiliae, 9, 7).

(RN 22)

II. Propriété privée

205. Qu’on n’oppose pas non plus à la légitimité de la propriété privée le fait que Dieu a donné la terre au genre humain tout entier pour qu’il l’utilise et en jouisse. Si l’on dit que Dieu l’a donnée en commun aux hommes, cela signifie non pas qu’ils doivent la posséder confusément, mais que Dieu n’a assigné de part à aucun homme en particulier.

Il a abandonné la délimitation des propriétés à la sagesse des hommes et aux institutions des peuples. Au reste, quoique divisée en propriétés privées, la terre ne laisse pas de servir à la commune utilité de tous, attendu qu’il n’est personne parmi les mortels qui ne se nourrisse du produit des champs. Qui en manque y supplée par le travail. C’est pourquoi l’on peut affirmer en toute vérité que le travail est le moyen universel de pourvoir aux besoins de la vie, soit qu’on l’exerce sur sa propre terre ou dans quelque métier dont la rémunération se tire seulement des produits de la terre et s’échange avec eux.

De tout cela, il ressort une fois de plus que la propriété privée est pleinement conforme à la nature.

(RN 14-15)

206. Il est donc un double écueil contre lequel il importe de se garder soigneusement. De même, en effet, que nier ou atténuer à l’excès l’aspect social et public du droit de propriété, c’est verser dans l’individualisme ou le côtoyer, de même à contester ou à voiler son aspect individuel, on tomberait infailliblement dans le collectivisme ou tout au moins on risquerait d’en partager l’erreur. Perdre de vue ces considérations, c’est s’exposer à donner dans l’écueil (Ubi Arcano Dei consilio) du modernisme moral, juridique et social qu’au début de Notre Pontificat Nous avons déjà dénoncé. Que ceux-là surtout le sachent bien, que le désir d’innover entraîne à accuser injustement l’Église d’avoir laissé s’infiltrer dans l’enseignement des théologiens un concept païen de la propriété auquel il importerait d’en substituer un autre qu’ils ont l’étrange inconscience d’appeler le concept chrétien.

(QA 46)

207. Il est nécessaire de rappeler encore une fois le principe caractéristique de la doctrine sociale chrétienne : les biens de ce monde sont à l’origine destinés à tous. Le droit à la propriété privée est valable et nécessaire, mais il ne supprime pas la valeur de ce principe. Sur la propriété, en effet, pèse " une hypothèque sociale ", c’est-à-dire que l’on y discerne, comme qualité intrinsèque, une fonction sociale fondée et justifiée précisément par le principe de la destination universelle des biens.

(SRS 42)

208. On a relu, à la lumière des " choses nouvelles " d'aujourd'hui, le rapport entre la propriété individuelle, ou privée, et la destination universelle des biens. L'homme s'épanouit par son intelligence et sa liberté, et, ce faisant, il prend comme objet et comme instrument les éléments du monde et il se les approprie. Le fondement du droit d'initiative et de propriété individuelle réside dans cette nature de son action. Par son travail, l'homme se dépense non seulement pour lui-même, mais aussi pour les autres et avec les autres: chacun collabore au travail et au bien d'autrui. L'homme travaille pour subvenir aux besoins de sa famille, de la communauté à laquelle il appartient, de la nation et, en définitive, de l'humanité entière (Laborem exercens, n. 10). En outre, il collabore au travail des autres personnes qui exercent leur activité dans la même entreprise, de même qu'au travail des fournisseurs et à la consommation des clients, dans une chaîne de solidarité qui s'étend progressivement. La propriété des moyens de production, tant dans le domaine industriel qu'agricole, est juste et légitime, si elle permet un travail utile ; au contraire, elle devient illégitime quand elle n'est pas valorisée ou quand elle sert à empêcher le travail des autres pour obtenir un gain qui ne provient pas du développement d'ensemble du travail et de la richesse sociale, mais plutôt de leur limitation, de l'exploitation illicite, de la spéculation et de la rupture de la solidarité dans le monde du travail (Laborem exercens, n. 14). Ce type de propriété n'a aucune justification et constitue un abus devant Dieu et devant les hommes.

(CA 43)

209. Tenons avant tout pour assuré que ni Léon XIII, ni les théologiens dont l’Église inspire et contrôle l’enseignement, n’ont jamais nié ou contesté le double aspect, individuel et social, qui s’attache à la propriété selon qu’elle sert l’intérêt particulier ou regarde le bien commun ; tous, au contraire, ont unanimement soutenu que c’est de la nature et donc du Créateur que les hommes ont reçu le droit de propriété privée, tout à la fois pour que chacun puisse pourvoir à sa subsistance et à celle des siens, et pour que, grâce à cette institution, les biens mis par le Créateur à la disposition de l’humanité remplissent effectivement leur destination : ce qui ne peut être réalisé que par le maintien d’un ordre certain et bien réglé.

(QA 45)

III. Le système économique

210. L’Église a rejeté les idéologies totalitaires et athées associées, dans les temps modernes, au " communisme " ou au " socialisme ". Par ailleurs, elle a récusé dans la pratique du " capitalisme " l’individualisme et le primat absolu de la loi du marché sur le travail humain (cf. CA, nn. 10, 13, 44). La régulation de l’économie par la seule planification centralisée pervertit à la base les liens sociaux ; sa régulation par la seule loi du marché manque à la justice sociale " car il y a de nombreux besoins humains qui ne peuvent être satisfaits par le marché " (CA, n. 34). Il faut préconiser une régulation raisonnable du marché et des initiatives économiques, selon une juste hiérarchie des valeurs et en vue du bien commun.

(CEC 2425)

211. En revenant maintenant à la question initiale, peut-on dire que, après l’échec du communisme, le capitalisme est le système social qui l’emporte et que c’est vers lui que s’orientent les efforts des pays qui cherchent à reconstruire leur économie et leur société ? Est-ce ce modèle qu’il faut proposer aux pays du Tiers-Monde qui cherchent la voie du vrai progrès de leur économie et de leur société civile ? La réponse est évidemment complexe. Si sous le nom de " capitalisme " on désigne un système économique qui reconnaît le rôle fondamental et positif de l’entreprise, du marché, de la propriété privée et de la responsabilité qu’elle implique dans les moyens de production, de la libre créativité humaine dans le secteur économique, la réponse est sûrement positive, même s’il serait peut-être plus approprié de parler d’ " économie d’entreprise ", ou d’ " économie de marché ", ou simplement d’ " économie libre ". Mais si par " capitalisme " on entend un système où la liberté dans le domaine économique n’est pas encadrée par un contexte juridique ferme qui la met au service de la liberté humaine intégrale et la considère comme une dimension particulière de cette dernière, dont l’axe est d’ordre éthique et religieux, alors la réponse est nettement négative.

(CA 42)

212. Le développement des activités économiques et la croissance de la production sont destinés à subvenir aux besoins des êtres humains. La vie économique ne vise pas seulement à multiplier les biens produits et à augmenter le profit ou la puissance ; elle est d’abord ordonnée au service des personnes, de l’homme tout entier et de toute la communauté humaine. Conduite selon ses méthodes propres, l’activité économique doit s’exercer dans les limites de l’ordre moral, suivant la justice sociale, afin de répondre au dessein de Dieu sur l’homme (cf. GS, n. 64).

(CEC 2426)

213. Il semble que, à l’intérieur de chaque pays comme dans les rapports internationaux, le marché libre soit l’instrument le plus approprié pour répartir les ressources et répondre efficacement aux besoins. Toutefois, cela ne vaut que pour les besoins " solvables ", parce que l’on dispose d’un pouvoir d’achat, et pour les ressources qui sont " vendables ", susceptibles d’être payées à un juste prix. Mais il y a de nombreux besoins humains qui ne peuvent être satisfaits par le marché. C’est un strict devoir de justice et de vérité de faire en sorte que les besoins humains fondamentaux ne restent pas insatisfaits et que ne périssent pas les hommes qui souffrent de ces carences. En outre, il faut que ces hommes dans le besoin soient aidés à acquérir des connaissances, à entrer dans les réseaux de relations, à développer leurs aptitudes pour mettre en valeur leurs capacités et leurs ressources personnelles. Avant même la logique des échanges à parité et des formes de la justice qui les régissent, il y a un certain dû à l’homme parce qu’il est homme, en raison de son éminente dignité. Ce dû comporte inséparablement la possibilité de survivre et celle d’apporter une contribution active au bien commun de l’humanité. Les objectifs énoncés par Rerum Novarum pour éviter de ramener le travail de l’homme et l’homme lui-même au rang d’une simple marchandise gardent toute leur valeur dans le contexte du Tiers-Monde, et, dans certains cas, ils restent encore un but à atteindre : un salaire suffisant pour faire vivre la famille, des assurances sociales pour la vieillesse et le chômage, une réglementation convenable des conditions de travail.

(CA 34)

214. Il faut relever aussi que la justice d’un système socio-économique, et, en tout cas, son juste fonctionnement, doivent être appréciés en définitive d’après la manière dont on rémunère équitablement le travail humain dans ce système. Sur ce point, nous en arrivons de nouveau au premier principe de tout l’ordre éthico-social, c’est-à-dire au principe de l’usage commun des biens. En tout système, indépendamment des rapports fondamentaux qui existent entre le capital et le travail, le salaire, c’est-à-dire la rémunération du travail, demeure la voie par laquelle la très grande majorité des hommes peut accéder concrètement aux biens qui sont destinés à l’usage commun, qu’il s’agisse des biens naturels ou des biens qui sont le fruit de la production. Les uns et les autres deviennent accessibles au travailleur grâce au salaire qu’il reçoit comme rémunération de son travail. Il découle de là que le juste salaire devient en chaque cas la vérification concrète de la justice de tout le système socio-économique et en tout cas de son juste fonctionnement. Ce n’en est pas l’unique vérification, mais celle-ci est particulièrement importante et elle en est, en un certain sens, la vérification clé.

(LE 19)

215. Ces tentatives cherchent en général à maintenir les mécanismes du marché libre, en assurant par la stabilité de la monnaie et la sécurité des rapports sociaux les conditions d’une croissance économique stable et saine, avec laquelle les hommes pourront par leur travail construire un avenir meilleur pour eux et pour leurs enfants. En même temps, on cherche à éviter que les mécanismes du marché soient l’unique point de référence de la vie sociale et on veut les assujettir à un contrôle public qui s’inspire du principe de la destination commune des biens de la terre. Une certaine abondance des offres d’emploi, un système solide de sécurité sociale et de préparation professionnelle, la liberté d’association et l’action vigoureuse des syndicats, la protection sociale en cas de chômage, les instruments de participation démocratique à la vie sociale, tout cela, dans un tel contexte, devrait soustraire le travail à la condition de " marchandise " et garantir la possibilité de l’accomplir dignement.

(CA 19)

216. Une autre chose encore reste à faire, qui se rattache étroitement à tout ce qui précède. De même qu’on ne saurait fonder l’unité du corps social sur l’opposition des classes, ainsi on ne peut attendre du libre jeu de la concurrence l’avènement d’un régime économique bien ordonné. C’est en effet de cette illusion, comme d’une source contaminée, que sont sorties toutes les erreurs de la science économique individualiste. Cette science, supprimant par oubli ou ignorance le caractère social et moral de la vie économique, pensait que les pouvoirs publics doivent abandonner celle-ci, affranchie de toute contrainte, à ses propres réactions, la liberté du marché et de la concurrence lui fournissant un principe directif plus sûr que l’intervention de n’importe quelle intelligence créée. Sans doute, contenue dans de justes limites, la libre concurrence est chose légitime et utile ; jamais pourtant elle ne saurait servir de norme régulatrice à la vie économique. Les faits l’ont surabondamment prouvé depuis qu’on a mis en pratique les postulats d’un néfaste individualisme. Il est donc absolument nécessaire de replacer la vie économique sous la loi d’un principe directeur juste et efficace. La dictature économique qui a succédé aujourd’hui à la libre concurrence ne saurait assurément remplir cette fonction ; elle le peut d’autant moins que, immodérée et violente de sa nature, elle a besoin pour se rendre utile aux hommes d’un frein énergique et d’une sage direction qu’elle ne trouve pas en elle-même. C’est donc à des principes supérieurs et plus nobles qu’il faut demander de gouverner avec une sévère intégrité ces puissances économiques, c’est-à-dire à la justice et à la charité sociales. Cette justice doit donc pénétrer complètement les institutions mêmes et la vie tout entière des peuples ; son efficacité vraiment opérante doit surtout se manifester par la création d’un ordre juridique et social qui informe en quelque sorte toute la vie économique. Quant à la charité sociale, elle doit être l’âme de cet ordre que les pouvoirs publics doivent s’employer à protéger et à défendre efficacement ; tâche dont ils s’acquitteront plus facilement s’ils veulent bien se libérer des attributions qui, Nous l’avons déjà dit, ne sont pas de leur domaine propre.

(QA 88)

217. L’économie moderne de l’entreprise comporte des aspects positifs dont la source est la liberté de la personne qui s’exprime dans le domaine économique comme en beaucoup d’autres. En effet, l’économie est un secteur parmi les multiples formes de l’activité humaine, et dans ce secteur, comme en tout autre, le droit à la liberté existe, de même que le devoir d’en faire un usage responsable. Mais il importe de noter qu’il y a des différences caractéristiques entre ces tendances de la société moderne et celles du passé même récent. Si, autrefois, le facteur décisif de la production était la terre, et si, plus tard, c’était le capital, compris comme l’ensemble des machines et des instruments de production, aujourd’hui le facteur décisif est de plus en plus l’homme lui-même, c’est-à-dire sa capacité de connaissance qui apparaît dans le savoir scientifique, sa capacité d’organisation solidaire et sa capacité de saisir et de satisfaire les besoins des autres.

(CA 32)

IV. Moralité, justice et ordre économique

218. Car s’il est vrai que la science économique et la discipline des moeurs relèvent, chacune dans sa sphère, de principes propres, il y aurait néanmoins erreur à affirmer que l’ordre économique et l’ordre moral sont si éloignés l’un de l’autre, si étrangers l’un à l’autre, que le premier ne dépend en aucune manière du second. Sans doute, les lois économiques, fondées sur la nature des choses et sur les aptitudes de l’âme et du corps humain, nous font connaître quelles fins, dans cet ordre, restent hors de la portée de l’activité humaine, quelles fins au contraire elle peut se proposer, ainsi que les moyens qui lui permettront de les réaliser ; de son côté, la raison déduit clairement de la nature des choses et de la nature individuelle et sociale de l’homme la fin suprême que le Créateur assigne à l’ordre économique tout entier.

(QA 42)

219. La justice doit être observée non seulement dans la répartition des richesses, mais aussi au regard des entreprises ou se développent les processus de production. Il est inscrit, en effet, dans la nature des hommes qu’ils aient la possibilité d’engager leur responsabilité et de se perfectionner eux-mêmes, là où ils exercent leur activité productrice. C’est pourquoi si les structures, le fonctionnement, les ambiances d’un système économique sont de nature à compromettre la dignité humaine de ceux qui s’y emploient, à émousser systématiquement leur sens des responsabilités, à faire obstacle à l’expression de leur initiative personnelle, pareil système économique est injuste, même si, par hypothèse, les richesses qu’il produit atteignent un niveau élevé, et sont réparties suivant les règles de la justice et de l’équité.

(MM 82-83)

220. Mais, à considérer plus à fond, il apparaît avec évidence que cette restauration sociale tant désirée doit être précédée par une complète rénovation de cet esprit chrétien qu’ont malheureusement trop souvent perdu ceux qui s’occupent des questions économiques ; sinon, tous les efforts seraient vains, on construirait non sur le roc, mais sur un sable mouvant (cf. Mt 7, 24).

Et certes, le regard que Nous venons de jeter sur le régime économique moderne, Vénérables Frères et très chers Fils, a montré qu’il souffrait de maux très profonds. Nous avons fait ensuite l’examen du communisme et du socialisme, et toutes leurs formes, même les plus mitigées, se sont révélées très éloignées de l’Évangile.

(QA 127-128)

221. Je voudrais inviter ici les spécialistes de la science économique et les acteurs mêmes de ce secteur, comme aussi les responsables politiques, à prendre acte qu’il est urgent que la pratique économique et les politiques correspondantes visent au bien de tout homme et de tout l’homme. C’est une exigence non seulement de l’éthique, mais aussi d’une saine économie. L’expérience semble confirmer en effet que la réussite économique dépend toujours plus du fait que l’on valorise les personnes et leurs capacités, que l’on favorise la participation, que l’on exploite de mieux en mieux les connaissances et les informations, et que l’on développe la solidarité.

(Message pour la Journée mondiale de la Paix, 2000, n. 16)

222. Au reste, le développement même de l’histoire fait apparaître chaque jour plus clairement qu’une vie commune ordonnée et féconde n’est possible qu’avec l’apport dans le domaine économique, tant des particuliers que des pouvoirs publics, apport simultané, réalisé dans la concorde, en des proportions qui répondent aux exigences du bien commun, eu égard aux situations changeantes et aux vicissitudes humaines.

(MM 56)

V. Une vraie théologie de la libération

223. L’Évangile de Jésus-Christ est un message de liberté et une force de libération. Cette vérité essentielle a fait l’objet, ces dernières années, de la réflexion des théologiens, dans une attention nouvelle qui est par elle-même riche de promesses. La libération est d’abord et principalement libération de la servitude radicale du péché. Son but et son terme est la liberté des enfants de Dieu, don de la grâce. Elle appelle, par une suite logique, la libération de multiples servitudes d’ordre culturel, économique, social et politique, qui dérivent toutes, en définitive, du péché, et qui constituent autant d’obstacles empêchant les hommes de vivre conformément à leur dignité… Devant l’urgence des problèmes, certains sont tentés de mettre l’accent d’une manière unilatérale sur la libération des servitudes d’ordre terrestre et temporel, de telle sorte qu’ils semblent faire passer au second plan la libération du péché et, par là, ne plus lui attribuer pratiquement l’importance première qui est la sienne.

(Libertatis Nuntius, Introduction)

224. Certains sont tentés, devant l’urgence du partage du pain, de mettre entre parenthèses et de remettre à demain l’évangélisation : d’abord le pain, la Parole pour plus tard. C’est une erreur mortelle que de séparer, voire d’opposer les deux. D’ailleurs le sens chrétien suggère spontanément à beaucoup de faire l’un et l’autre.

(Libertatis Nuntius, VI, n. 3)

225. Dans la mesure où ils demeurent réellement marxistes, ces courants continuent à se rattacher à un certain nombre de thèses fondamentales qui ne sont pas compatibles avec la conception chrétienne de l’homme et de la société… Rappelons que l’athéisme et la négation de la personne humaine, de sa liberté et de ses droits, sont au centre de la conception marxiste. Celle-ci contient donc des erreurs qui menacent directement les vérités de foi sur la destinée éternelle des personnes. De plus, vouloir intégrer à la théologie une " analyse " dont les critères d’interprétation dépendent de cette conception athée, c’est s’enfermer dans de ruineuses contradictions.

(Libertatis Nuntius, VII, nn. 8-9)

226. Il ne faut pas nous cacher, en effet, que beaucoup de chrétiens généreux, sensibles aux questions dramatiques que recouvre le problème de la libération, en voulant engager l’Église dans l’effort de libération, ont fréquemment la tentation de réduire sa mission aux dimensions d’un projet simplement temporel ; ses buts à une visée anthropocentrique ; le salut dont elle est messagère et sacrement, à un bien-être matériel ; son activité, oubliant toute préoccupation spirituelle et religieuse, à des initiatives d’ordre politique ou social. Mais s’il en était ainsi, l’Église perdrait sa signification foncière. Son message de libération n’aurait plus aucune originalité et finirait par être facilement accaparé et manipulé par des systèmes idéologiques et des partis politiques.

(EN 32)

227. C’est pourquoi, en prêchant la libération et en s’associant à ceux qui oeuvrent et souffrent pour elle, l’Église - sans accepter de circonscrire sa mission au seul domaine du religieux, en se désintéressant des problèmes temporels de l’homme - réaffirme la primauté de sa vocation spirituelle, elle refuse de remplacer l’annonce du Règne par la proclamation des libérations humaines, et elle proclame que même sa contribution à la libération est incomplète si elle néglige d’annoncer le salut en Jésus-Christ

(EN 34)

228. Très grande est la diversité des situations et des façons de poser les problèmes dans le monde d’aujourd’hui, caractérisé en outre par un mouvement accéléré de mutation. C’est pourquoi il faut se garder absolument de généralisations et de simplifications abusives. Il est toutefois possible de noter certaines lignes de tendances qui se font jour dans la société actuelle. De même que dans le champ évangélique l’ivraie et le bon grain poussent simultanément, ainsi dans l’histoire, théâtre quotidien de la liberté humaine, se rencontrent côte à côte et parfois étroitement enlacés entre eux le bien et le mal, l’injustice et la justice, l’angoisse et l’espoir.

(CL 3)

VI. L’intervention de l’État et l’économie

229. L’État a par ailleurs le devoir de surveiller et de conduire l’application des droits humains dans le secteur économique ; dans ce domaine, toutefois, la première responsabilité ne revient pas à l’État mais aux individus et aux différents groupes ou associations qui composent la société. L’État ne pourrait pas assurer directement l’exercice du droit au travail de tous les citoyens sans contrôler toute la vie économique et entraver la liberté des initiatives individuelles. Cependant, cela ne veut pas dire qu’il n’ait aucune compétence dans ce secteur, comme l’ont affirmé ceux qui prônent l’absence totale de règles dans le domaine économique. Au contraire, l’État a le devoir de soutenir l’activité des entreprises en créant les conditions qui permettent d’offrir des emplois, en la stimulant dans les cas où elle reste insuffisante ou en la soutenant dans les périodes de crise. L’État a aussi le droit d’intervenir lorsque des situations particulières de monopole pourraient freiner ou empêcher le développement. Mais, à part ces rôles d’harmonisation et d’orientation du développement, il peut remplir des fonctions de suppléance dans des situations exceptionnelles, lorsque des groupes sociaux ou des ensembles d’entreprises trop faibles ou en cours de constitution ne sont pas à la hauteur de leurs tâches. Ces interventions de suppléance, que justifie l’urgence d’agir pour le bien commun, doivent être limitées dans le temps, autant que possible, pour ne pas enlever de manière stable à ces groupes ou à ces entreprises les compétences qui leur appartiennent et pour ne pas étendre à l’excès le cadre de l’action de l’État, en portant atteinte à la liberté économique ou civile.

(CA 48)

230. Chacun a le droit d’initiative économique, chacun usera légitimement de ses talents pour contribuer à une abondance profitable à tous, et pour recueillir les justes fruits de ses efforts. Il veillera à se conformer aux réglementations portées par les autorités légitimes en vue du bien commun.

(CEC 2429)

231. On peut parler à juste titre de lutte contre un système économique entendu comme méthode pour assurer la primauté absolue du capital, de la propriété des instruments de production et de la terre sur la liberté et la dignité du travail de l’homme (cf. Laborem exercens, n. 7). En luttant contre ce système, on ne peut lui opposer, comme modèle de substitution, le système socialiste, qui se trouve être en fait un capitalisme d’État, mais on peut opposer une société du travail libre, de l’entreprise et de la participation. Elle ne s’oppose pas au marché, mais demande qu’il soit dûment contrôlé par les forces sociales et par l’État, de manière à garantir la satisfaction des besoins fondamentaux de toute la société.

(CA 35)

232. La seule initiative individuelle et le simple jeu de la concurrence ne sauraient assurer le succès du développement. Il ne faut pas risquer d’accroître encore la richesse des riches et la puissance des forts, en confirmant la misère des pauvres et en ajoutant à la servitude des opprimés. Des programmes sont donc nécessaires pour " encourager, stimuler, coordonner, suppléer et intégrer " (MM, n. 44), l’action des individus et des corps intermédiaires. Il appartient aux pouvoirs publics de choisir, voire d’imposer les objectifs à poursuivre, les buts à atteindre, les moyens d’y parvenir, et c’est à eux de stimuler toutes les forces regroupées dans cette action commune. Mais qu’ils aient soin d’associer à cette œuvre les initiatives privées et les corps intermédiaires. Ils éviteront ainsi le péril d’une collectivisation intégrale ou d’une planification arbitraire qui, négatrices de liberté, excluraient l’exercice des droits fondamentaux de la personne humaine.

(PP 33)

233. Il est vrai que de nos jours le développement des sciences et des techniques de production offre aux pouvoirs publics de plus amples possibilités de réduire les déséquilibres entre les divers secteurs de production, entre les différentes zones à l’intérieur des communautés politiques, entre les divers pays sur le plan mondial. Il permet aussi de limiter les oscillations dans les alternances de la conjoncture économique, de faire front aux phénomènes de chômage massif, avec la perspective de résultats positifs. En conséquence, les pouvoirs publics, responsables du bien commun, ne peuvent manquer de se sentir engagés à exercer dans le domaine économique une action aux formes multiples, plus vaste, plus profonde, plus organique ; à s’adapter aussi, dans ce but, aux structures, aux compétences, aux moyens, aux méthodes.

(MM 54)

234. Qu’il soit entendu avant toute chose que le monde économique résulte de l’initiative personnelle des particuliers, qu’ils agissent individuellement ou associés de manières diverses à la poursuite d’intérêts communs. Toutefois, en vertu des raisons déjà admises par Nos Prédécesseurs, les pouvoirs publics doivent, d’autre part, exercer leur présence active en vue de dûment promouvoir le développement de la production, en fonction du progrès social et au bénéfice de tous les citoyens. Leur action a un caractère d’orientation, de stimulant, de coordination, de suppléance et d’intégration. Elle doit être inspirée par le principe de subsidiarité, formulé par Pie XI dans l’encyclique Quadragesimo anno : " Il n’en reste pas moins indiscutable qu’on ne saurait ni changer ni ébranler ce principe si grave de philosophie sociale ; de même qu’on ne peut enlever aux particuliers, pour les transférer à la communauté, les attributions dont ils sont capables de s’acquitter de leur seule initiative et par leurs propres moyens. Ainsi ce serait commettre une injustice, en même temps que troubler d’une manière très dommageable l’ordre social, que de retirer aux groupements plus restreints et d’ordre inférieur, pour les confier à une collectivité plus vaste et d’un rang plus élevé, les fonctions qu’ils sont en mesure de remplir eux-mêmes. L’objet naturel de toute intervention en matière sociale est d’aider les membres du corps social, et non pas de les détruire ni de les absorber. " (QA 23).

(MM 51-53)

235. La socialisation présente aussi des dangers. Une intervention trop poussée de l’État peut menacer la liberté et l’initiative personnelles. La doctrine de l’Église a élaboré le principe dit de subsidiarité. Selon celui-ci, " une société d’ordre supérieur ne doit pas intervenir dans la vie interne d’une société d’ordre inférieur en lui enlevant ses compétences, mais elle doit plutôt la soutenir en cas de nécessité et l’aider à coordonner son action avec celle des autres éléments qui composent la société, en vue du bien commun " (CA 48).

(CEC 1883)

236. L’État a le devoir d’assurer la défense et la protection des biens collectifs que sont le milieu naturel et le milieu humain dont la sauvegarde ne peut être obtenue par les seuls mécanismes du marché. Comme, aux temps de l’ancien capitalisme, l’État avait le devoir de défendre les droits fondamentaux du travail, de même, avec le nouveau capitalisme, il doit, ainsi que la société, défendre les biens collectifs qui, entre autres, constituent le cadre à l’intérieur duquel il est possible à chacun d’atteindre légitimement ses fins personnelles.

(CA 40)

237. Le principe de subsidiarité s’oppose à toutes les formes de collectivisme. Il trace les limites de l’intervention de l’État. Il vise à harmoniser les rapports entre les individus et les sociétés. Il tend à instaurer un véritable ordre international.

(CEC 1885)

238. Ces considérations d’ordre général rejaillissent également sur le rôle de l’État dans le secteur économique. L’activité économique, en particulier celle de l’économie de marché, ne peut se dérouler dans un vide institutionnel, juridique et politique. Elle suppose, au contraire, que soient assurées les garanties des libertés individuelles et de la propriété, sans compter une monnaie stable et des services publics efficaces. Le devoir essentiel de l’État est cependant d’assurer ces garanties, afin que ceux qui travaillent et qui produisent puissent jouir du fruit de leur travail et donc se sentir stimulés à l’accomplir avec efficacité et honnêteté. L’un des principaux obstacles au développement et au bon ordre économiques est le défaut de sécurité, accompagné de la corruption des pouvoirs publics et de la multiplication de manières impropres de s’enrichir et de réaliser des profits faciles en recourant à des activités illégales ou purement spéculatives.

(CA 48)

239. Ces efforts, pour atteindre leur pleine efficacité, ne sauraient demeurer dispersés et isolés, moins encore opposés pour des raisons de prestige ou de puissance : la situation exige des programmes concertés. Un programme est en effet plus et mieux qu’une aide occasionnelle laissée à la bonne volonté d’un chacun. Il suppose, Nous l’avons dit plus haut, études approfondies, fixation des buts, détermination des moyens, regroupement des efforts, pour répondre aux besoins présents et aux exigences prévisibles. Bien plus, il dépasse les perspectives de la croissance économique et du progrès social : il donne sens et valeur à l’œuvre à réaliser. En aménageant le monde, il valorise l’homme.

(PP 50)

VII. L’entreprise

240. On a fait allusion au fait que l’homme travaille avec les autres hommes, prenant part à un " travail social " qui s’étend dans des cercles de plus en plus larges. En règle générale, celui qui produit un objet le fait, non seulement pour son usage personnel, mais aussi pour que d’autres puissent s’en servir après avoir payé le juste prix, convenu d’un commun accord dans une libre négociation. Or, la capacité de connaître en temps utile les besoins des autres hommes et l’ensemble des facteurs de production les plus aptes à les satisfaire, c’est précisément une autre source importante de richesse dans la société moderne. Du reste, beaucoup de biens ne peuvent être produits de la manière qui convient par le travail d’un seul individu, mais ils requièrent la collaboration de nombreuses personnes au même objectif. Organiser un tel effort de production, planifier sa durée, veiller à ce qu’il corresponde positivement aux besoins à satisfaire en prenant les risques nécessaires, tout cela constitue aussi une source de richesses dans la société actuelle. Ainsi devient toujours plus évident et déterminant le rôle du travail humain maîtrisé et créatif et, comme part essentielle de ce travail, celui de la capacité d’initiative et d’entreprise.

Il faut considérer avec une attention favorable ce processus qui met en lumière concrètement un enseignement sur la personne que le christianisme a constamment affirmé. En effet, avec la terre, la principale ressource de l’homme, c’est l’homme lui-même. C’est son intelligence qui lui fait découvrir les capacités productives de la terre et les multiples manières dont les besoins humains peuvent être satisfaits. C’est son travail maîtrisé, dans une collaboration solidaire, qui permet la création de communautés de travail toujours plus larges et sûres pour accomplir la transformation du milieu naturel et du milieu humain lui-même. Entrent dans ce processus d’importantes vertus telles que l’application, l’ardeur au travail, la prudence face aux risques raisonnables à prendre, la confiance méritée et la fidélité dans les rapports interpersonnels, l’énergie dans l’exécution de décisions difficiles et douloureuses mais nécessaires pour le travail commun de l’entreprise et pour faire face aux éventuels renversements de situations.

(CA 32)

241. Sans cette considération, on ne peut comprendre le sens de la vertu de l’ardeur au travail, plus précisément on ne peut comprendre pourquoi l’ardeur au travail devrait être une vertu ; en effet la vertu, comme disposition morale, est ce qui permet à l’homme de devenir bon en tant qu’homme (19). Ce fait ne change en rien notre préoccupation d’éviter que dans le travail l’homme lui-même ne subisse une diminution de sa propre dignité, alors qu’il permet à la matière d’être ennoblie (20). On sait aussi que, de bien des façons, il est possible de se servir du travail contre l’homme, qu’on peut punir l’homme par le système du travail forcé dans les camps de concentration, qu’on peut faire du travail un moyen d’oppression de l’homme, qu’enfin on peut, de différentes façons, exploiter le travail humain, c’est-à-dire le travailleur. Tout ceci plaide pour l’obligation morale d’unir l’ardeur au travail comme vertu à un ordre social du travail, qui permette à l’homme de " devenir plus homme " dans le travail, et lui évite de s’y dégrader en usant ses forces physiques (ce qui est inévitable, au moins jusqu’à un certain point), et surtout en entamant la dignité et la subjectivité qui lui sont propres.

(LE 9)

242. L’Église reconnaît le rôle pertinent du profit comme indicateur du bon fonctionnement de l’entreprise. Quand une entreprise génère du profit, cela signifie que les facteurs productifs ont été dûment utilisés et les besoins humains correspondants convenablement satisfaits. Cependant, le profit n’est pas le seul indicateur de l’état de l’entreprise. Il peut arriver que les comptes économiques soient satisfaisants et qu’en même temps les hommes qui constituent le patrimoine le plus précieux de l’entreprise soient humiliés et offensés dans leur dignité. Non seulement cela est moralement inadmissible, mais cela ne peut pas ne pas entraîner par la suite des conséquences négatives même pour l’efficacité économique de l’entreprise. En effet, le but de l’entreprise n’est pas uniquement la production du profit, mais l’existence même de l’entreprise comme communauté de personnes qui, de différentes manières, recherchent la satisfaction de leurs besoins fondamentaux et qui constituent un groupe particulier au service de la société tout entière. Le profit est un régulateur dans la vie de l’établissement mais il n’en est pas le seul ; il faut y ajouter la prise en compte d’autres facteurs humains et moraux qui, à long terme, sont au moins aussi essentiels pour la vie de l’entreprise.

(CA 35)

243. Chacun a le droit d’initiative économique, chacun usera légitimement de ses talents pour contribuer à une abondance profitable à tous, et pour recueillir les justes fruits de ses efforts. Il veillera à se conformer aux réglementations portées par les autorités légitimes en vue du bien commun (cf. CA, nn. 32, 34).

(CEC 2429)

244. Face à ces responsabilités, l’Eglise présente, comme orientation intellectuelle indispensable, sa doctrine sociale qui – ainsi qu’il a été dit – reconnaît le caractère positif du marché et de l’entreprise, mais qui souligne en même temps la nécessité de leur orientation vers le bien commun. Cette doctrine reconnaît aussi la légitimité des efforts des travailleurs pour obtenir le plein respect de leur dignité et une participation plus large à la vie de l’entreprise, de manière que, tout en travaillant avec d’autres et sous la direction d’autres personnes, ils puissent en un sens travailler " à leur compte " (cf. Laborem exercens, n. 15), en exerçant leur intelligence et leur liberté.

(CA 43)

245. Il faut remarquer que, dans le monde d’aujourd’hui, parmi d’autres droits, le droit à l’initiative économique est souvent étouffé. Il s’agit pourtant d’un droit important, non seulement pour les individus mais aussi pour le bien commun. L’expérience nous montre que la négation de ce droit ou sa limitation au nom d’une prétendue " égalité " de tous dans la société réduit, quand elle ne le détruit pas en fait, l’esprit d’initiative, c’est-à-dire la personnalité créative du citoyen. Ce qu’il en ressort, ce n’est pas une véritable égalité mais un " nivellement par le bas ". A la place de l’initiative créatrice prévalent la passivité, la dépendance et la soumission à l’appareil bureaucratique, lequel, comme unique organe d’ " organisation " et de " décision " - sinon même de " possession " - de la totalité des biens et des moyens de production, met tout le monde dans une position de sujétion quasi absolue, semblable à la dépendance traditionnelle de l’ouvrier-prolétaire par rapport au capitalisme. Cela engendre un sentiment de frustration ou de désespoir, et cela prédispose à se désintéresser de la vie nationale, poussant beaucoup de personnes à l’émigration et favorisant aussi une sorte d’émigration " psychologique ".

(SRS 15)

246. Il faut noter tout d’abord que ces deux formes d’entreprises doivent, pour être viables, s’adapter constamment aux structures, au fonctionnement, aux productions, aux situations toujours nouvelles, déterminées par les progrès de la science et des techniques, et aussi par les exigences mouvantes et les préférences des consommateurs. Cette adaptation doit être réalisée en premier lieu par les artisans et les coopérateurs eux-mêmes. A cette fin, il est nécessaire que les uns et les autres aient une bonne formation technique et humaine et soient organisés professionnellement. Il est non moins indispensable que soit appliquée une politique économique idoine, en ce qui regarde surtout l’instruction, le régime fiscal, le crédit, les assurances sociales.

(MM 87)

247. Néanmoins, les choix qui influent davantage sur ce contexte ne sont pas décidés à l’intérieur de chaque organisme productif, mais bien par les pouvoirs publics, ou des institutions à compétence mondiale, régionale ou nationale, ou bien qui relèvent soit du secteur économique, soit de la catégorie de production. D’où l’opportunité — la nécessité — de voir présents dans ces pouvoirs ou ces institutions, outre les apporteurs de capitaux et ceux qui représentent leurs intérêts, aussi les travailleurs et ceux qui représentent leurs droits, leurs exigences, leurs aspirations.

(MM 99)

VIII. Économie et consumérisme

248. Il s’agit du développement des personnes et pas seulement de la multiplication des choses dont les personnes peuvent se servir. Il s’agit moins comme l’a dit un philosophe contemporain et comme l’a affirmé le Concile d’ " avoir plus " que d’ " être plus " (cf. GS, n. 35). En effet, il existe déjà un danger réel et perceptible : tandis que progresse énormément la domination de l’homme sur le monde des choses, l’homme risque de perdre les fils conducteurs de cette domination, de voir son humanité soumise de diverses manières à ce monde et de devenir ainsi lui-même l’objet de manipulations multiformes pas toujours directement perceptibles à travers toute l’organisation de la vie communautaire, à travers le système de production, par la pression des moyens de communication sociale. L’homme ne peut renoncer à lui-même ni à la place qui lui est propre dans le monde visible, il ne peut devenir esclave des choses, esclave des systèmes économiques, esclave de la production, esclave de ses propres produits.

(RH 16)

249. Ce surdéveloppement, qui consiste dans la disponibilité excessive de toutes sortes de biens matériels pour certaines couches de la société, rend facilement les hommes esclaves de la " possession " et de la jouissance immédiate, sans autre horizon que la multiplication des choses ou le remplacement continuel de celles que l’on possède déjà par d’autres encore plus perfectionnées. C’est ce qu’on appelle la civilisation de " consommation ", qui comporte tant de " déchets " et de " rebuts "… " Avoir " des objets et des biens ne perfectionne pas, en soi, le sujet humain si cela ne contribue pas à la maturation et à l’enrichissement de son " être ", c’est-à-dire à la réalisation de la vocation humaine en tant que telle.

(SRS 28)

250. La demande d’une existence plus satisfaisante qualitativement et plus riche est en soi légitime. Mais on ne peut que mettre l’accent sur les responsabilités nouvelles et sur les dangers liés à cette étape de l’histoire. Dans la manière dont surgissent les besoins nouveaux et dont ils sont définis, intervient toujours une conception plus ou moins juste de l’homme et de son véritable bien. Dans les choix de la production et de la consommation, se manifeste une culture déterminée qui présente une conception d’ensemble de la vie. C’est là qu’apparaît le phénomène de la consommation. Quand on définit de nouveaux besoins et de nouvelles méthodes pour les satisfaire, il est nécessaire qu’on s’inspire d’une image intégrale de l’homme qui respecte toutes les dimensions de son être et subordonne les dimensions physiques et instinctives aux dimensions intérieures et spirituelles. Au contraire, si l’on se réfère directement à ses instincts et si l’on fait abstraction d’une façon ou de l’autre de sa réalité personnelle, consciente et libre, cela peut entraîner des habitudes de consommation et des styles de vie objectivement illégitimes, et souvent préjudiciables à sa santé physique et spirituelle… Il n’est pas mauvais de vouloir vivre mieux, mais ce qui est mauvais, c’est le style de vie qui prétend être meilleur quand il est orienté vers l’avoir et non vers l’être, et quand on veut avoir plus, non pour être plus mais pour consommer l’existence avec une jouissance qui est à elle-même sa fin.

(CA 36)

 

Article septième :
Travail et salaires

 

I. La nature du travail

251. L’Église trouve dès les premières pages du Livre de la Genèse la source de sa conviction que le travail constitue une dimension fondamentale de l’existence humaine sur la terre. L’analyse de ces textes nous rend conscients de ce que en eux parfois sous un mode archaïque de manifester la pensée ont été exprimées les vérités fondamentales sur l’homme, et cela déjà dans le contexte du mystère de la création. Ces vérités sont celles qui décident de l’homme depuis le commencement et qui, en même temps, tracent les grandes lignes de son existence terrestre, aussi bien dans l’état de justice originelle qu’après la rupture, déterminée par le péché, de l’alliance originelle du Créateur avec la création dans l’homme. Lorsque celui-ci, fait " à l’image de Dieu ..., homme et femme " (Gn 1, 27), entend ces mots : " Soyez féconds, multipliez-vous, emplissez la terre et soumettez-la " (Gn 1, 28), même si ces paroles ne se réfèrent pas directement et explicitement au travail, elles y font sans aucun doute allusion indirectement, comme une activité à exercer dans le monde. Bien plus, elles en démontrent l’essence la plus profonde. L’homme est l’image de Dieu notamment par le mandat qu’il a reçu de son Créateur de soumettre, de dominer la terre. En accomplissant ce mandat, l’homme, tout être humain, reflète l’action même du Créateur de l’univers.

Le travail, entendu comme une activité " transitive " - c’est-à-dire que, prenant sa source dans le sujet humain, il est tourné vers un objet externe - suppose une domination spécifique de l’homme sur la " terre ", et à son tour il confirme et développe cette domination. Il est clair que sous le nom de " terre " dont parle le texte biblique, il faut entendre avant tout la portion de l’univers visible dans laquelle l’homme habite ; mais par extension on peut l’entendre de tout le monde visible en tant que se trouvant à la portée de l’influence de l’homme, notamment lorsque ce dernier cherche à répondre à ses propres besoins. L’expression " dominez la terre " a une portée immense. Elle indique toutes les ressources que la terre (et indirectement le monde visible) cache en soi et qui, par l’activité consciente de l’homme, peuvent être découvertes et utilisées à sa convenance. Ainsi ces mots, placés au début de la Bible, ne cessent jamais d’être actuels. Ils s’appliquent aussi bien à toutes les époques passées de la civilisation et de l’économie qu’à toute la réalité contemporaine et aux phases futures du développement qui se dessinent déjà peut-être dans une certaine mesure, mais qui pour une grande part restent encore pour l’homme quasiment inconnues et cachées.

(LE 4)

252. En notre temps, le rôle du travail humain devient un facteur toujours plus important pour la production des richesses immatérielles et matérielles ; en outre, il paraît évident que le travail d’un homme s’imbrique naturellement dans celui d’autres hommes. Plus que jamais aujourd’hui, travailler, c’est travailler avec les autres et travailler pour les autres : c’est faire quelque chose pour quelqu’un. Le travail est d’autant plus fécond et productif que l’homme est plus capable de connaître les ressources productives de la terre et de percevoir quels sont les besoins profonds de l’autre pour qui le travail est fourni.

(CA 31)

253. Dans le dessein de Dieu, chaque homme est appelé à se développer car toute vie est vocation. Dès la naissance, est donné à tous en germe un ensemble d’aptitudes et de qualités à faire fructifier : leur épanouissement, fruit de l’éducation reçue du milieu et de l’effort personnel permettra à chacun de s’orienter vers la destinée que lui propose son Créateur. Doué d’intelligence et de liberté, il est responsable de sa croissance, comme de son salut. Aidé, parfois gêné par ceux qui l’éduquent et l’entourent, chacun demeure, quelles que soient les influences qui s’exercent sur lui, l’artisan principal de sa réussite ou de son échec : par le seul effort de son intelligence et de sa volonté, chaque homme peut grandir en humanité, valoir plus, être plus.

(PP 15)

254. Le travail humain procède immédiatement des personnes créées à l’image de Dieu, et appelées à prolonger, les unes avec et pour les autres, l’œuvre de la création en dominant la terre (cf. Gn 1, 28 ; GS 34 ; CA 31). Le travail est donc un devoir : " Si quelqu’un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus " (2 Th 3, 10 ; cf. 1 Th 4, 11). Le travail honore les dons du Créateur et les talents reçus. Il peut aussi être rédempteur. En endurant la peine (cf. Gn 3, 14-19) du travail en union avec Jésus, l’artisan de Nazareth et le crucifié du Calvaire, l’homme collabore d’une certaine façon avec le Fils de Dieu dans son Œuvre rédemptrice. Il se montre disciple du Christ en portant la Croix, chaque jour, dans l’activité qu’il est appelé à accomplir (cf. LE 27). Le travail peut être un moyen de sanctification et une animation des réalités terrestres dans l’Esprit du Christ.

(CEC 2427)

255. Pour les croyants, une chose est certaine : considérée en elle-même, l’activité humaine, individuelle et collective, ce gigantesque effort par lequel les hommes, tout au long des siècles, s’acharnent à améliorer leurs conditions de vie, correspond au dessein de Dieu. L’homme, créé à l’image de Dieu, a en effet reçu la mission de soumettre la terre et tout ce qu’elle contient, de gouverner le cosmos en sainteté et justice et, en reconnaissant Dieu comme Créateur de toutes choses, de lui référer son être ainsi que l’univers : en sorte que, tout étant soumis à l’homme, le nom même de Dieu soit glorifié par toute la terre.

(GS 34)

256. L’homme doit soumettre la terre, il doit la dominer, parce que comme " image de Dieu " il est une personne, c’est-à-dire un sujet, un sujet capable d’agir d’une manière programmée et rationnelle, capable de décider de lui-même et tendant à se réaliser lui-même. C’est en tant que personne que l’homme est sujet du travail. C’est en tant que personne qu’il travaille, qu’il accomplit diverses actions appartenant au processus du travail ; et ces actions, indépendamment de leur contenu objectif, doivent toutes servir à la réalisation de son humanité, à l’accomplissement de la vocation qui lui est propre en raison de son humanité même : celle d’être une personne.

(LE 6)

257. L’homme doit travailler parce que le Créateur le lui a ordonné, et aussi du fait de son humanité même dont la subsistance et le développement exigent le travail. L’homme doit travailler par égard pour le prochain, spécialement pour sa famille, mais aussi pour la société à laquelle il appartient, pour la nation dont il est fils ou fille, pour toute la famille humaine dont il est membre, étant héritier du travail des générations qui l’ont précédé et en même temps co-artisan de l’avenir de ceux qui viendront après lui dans la suite de l’histoire. Tout cela constitue l’obligation morale du travail entendue en son sens le plus large. Lorsqu’il faudra considérer les droits moraux de chaque homme par rapport au travail, droits correspondants à cette obligation, on devra avoir toujours devant les yeux ce cercle entier de points de référence dans lequel prend place le travail de chaque sujet au travail.

(LE 16)

II. Justes salaires et justes rétributions

258. Mais, parmi les devoirs principaux du patron, il faut mettre au premier rang celui de donner à chacun le salaire qui convient. Assurément, pour fixer la juste mesure du salaire, il y a de nombreux points de vue à considérer. Mais d’une manière générale, que le riche et le patron se souviennent qu’exploiter la pauvreté et la misère, et spéculer sur l’indigence sont choses que réprouvent également les lois divines et humaines. Ce serait un crime à crier vengeance au ciel, que de frustrer quelqu’un du prix de ses labeurs. " Voilà que le salaire que vous avez dérobé par fraude à vos ouvriers crie contre vous, et que leur clameur est montée jusqu’aux oreilles du Dieu des armées " (Jc 5, 4).

Enfin, les riches doivent s’interdire religieusement tout acte violent, toute fraude, toute manoeuvre usuraire qui serait de nature à porter atteinte à l’épargne du pauvre, d’autant plus que celui-ci est moins apte à se défendre, et que son avoir est plus sacré parce que plus modique.

L’obéissance à ces lois, Nous le demandons, ne suffirait-elle pas à elle seule pour faire cesser tout antagonisme et en supprimer les causes ?

(RN 32)

259. Dans la détermination des salaires, on tiendra également compte des besoins de l’entreprise et de ceux qui l’assument. Il serait injuste d’exiger d’eux des salaires exagérés, qu’ils ne sauraient supporter sans courir à la ruine et entraîner les travailleurs avec eux dans le désastre. Assurément, si par son indolence, sa négligence, ou parce qu’elle n’a pas un suffisant souci du progrès économique et technique, l’entreprise réalise de moindres profits, elle ne peut se prévaloir de cette circonstance comme d’une raison légitime pour réduire le salaire des ouvriers. Mais si, d’autre part, les ressources lui manquent pour allouer à ses employés une équitable rémunération, soit qu’elle succombe elle-même sous le fardeau de charges injustifiées, soit qu’elle doive écouler ses produits à des prix injustement déprimés, ceux qui la réduisent à cette extrémité se rendent coupables d’une criante iniquité, car c’est par leur faute que les ouvriers sont privés de la rémunération qui leur est due, lorsque, sous l’empire de la nécessité, ils acceptent des salaires inférieurs à ce qu’ils étaient en droit de réclamer.

(QA 72)

260. Il semble indispensable en agriculture d’instituer deux systèmes d’assurances : l’un pour les produits agricoles, l’autre en faveur des agriculteurs et leurs familles. Du fait que les revenus agraires pro capite sont généralement inférieurs au revenu pro capite des secteurs industriels et des services, il ne paraît entièrement conforme ni à la justice sociale ni à l’équité d’établir des régimes d’assurances sociales ou de sécurité sociale, où les agriculteurs et leurs familles seraient traités de façon nettement inférieure à ce qui est garanti au secteur industriel ou aux services. Nous estimons en conséquence que la politique sociale devrait avoir pour objet d’offrir aux citoyens un régime d’assurances qui ne présente pas de différences trop notables suivant le secteur économique où ils s’emploient, d’où ils tirent leurs revenus.

(MM 135)

261. A côté du salaire, entrent encore ici en jeu diverses prestations sociales qui ont pour but d’assurer la vie et la santé des travailleurs et de leurs familles. Les dépenses concernant les soins de santé nécessaires, spécialement en cas d’accident du travail, exigent que le travailleur ait facilement accès à l’assistance sanitaire et cela, dans la mesure du possible, à prix réduit ou même gratuitement. Un autre secteur qui concerne les prestations est celui du droit au repos : il s’agit avant tout ici du repos hebdomadaire régulier, comprenant au moins le dimanche, et en outre d’un repos plus long, ce qu’on appelle le congé annuel, ou éventuellement le congé pris en plusieurs fois au cours de l’année en périodes plus courtes. Enfin, il s’agit ici du droit à la retraite, à l’assurance vieillesse et à l’assurance pour les accidents du travail. Dans le cadre de ces droits principaux, tout un système de droits particuliers se développe : avec la rémunération du travail, ils sont l’indice d’une juste définition des rapports entre le travailleur et l’employeur. Parmi ces droits, il ne faut jamais oublier le droit à des lieux et des méthodes de travail qui ne portent pas préjudice à la santé physique des travailleurs et qui ne blessent pas leur intégrité morale.

(LE 19)

262. Tout d’abord, on doit payer à l’ouvrier un salaire qui lui permette de pourvoir à sa subsistance et à celle des siens. Assurément, les autres membres de la famille, chacun suivant ses forces, doivent contribuer à son entretien, ainsi qu’il en est, non seulement dans les familles d’agriculteurs, mais aussi chez un grand nombre d’artisans ou de petits commerçants. Mais il n’est aucunement permis d’abuser de l’âge des enfants ou de la faiblesse des femmes. C’est à la maison avant tout, ou dans les dépendances de la maison, et parmi les occupations domestiques, qu’est le travail des mères de famille. C’est donc par un abus néfaste et qu’il faut à tout prix faire disparaître, que les mères de famille, à cause de la modicité du salaire paternel, sont contraintes de chercher hors de la maison une occupation rémunératrice, négligeant les devoirs tout particuliers qui leur incombent avant tout : l’éducation des enfants.

On n’épargnera donc aucun effort en vue d’assurer aux pères de famille une rétribution suffisamment abondante pour faire face aux charges normales du ménage. Si l’état présent de la vie industrielle ne permet pas toujours de satisfaire à cette exigence, la justice sociale commande que l’on procède sans délai à des réformes qui garantiront à l’ouvrier adulte un salaire répondant à ces conditions. À cet égard, il convient de rendre un juste hommage à l’initiative de ceux qui, dans un très sage et très utile dessein, ont imaginé des formules diverses destinées, soit à proportionner la rémunération aux charges familiales, de telle manière que l’accroissement de celles-ci s’accompagne d’un relèvement parallèle du salaire, soit à pourvoir le cas échéant à des nécessités extraordinaires.

(QA 71)

263. Le juste salaire est le fruit légitime du travail. Le refuser ou le retenir, peut constituer une grave injustice (cf. Lv 19, 13 ; Dt 24, 14-15 ; Jc 5, 4). Pour apprécier la rémunération équitable, il faut tenir compte à la fois des besoins et des contributions de chacun. " Compte tenu des fonctions et de la productivité, de la situation de l’entreprise et du bien commun, la rémunération du travail doit assurer à l’homme et aux siens les ressources nécessaires à une vie digne sur le plan matériel, social, culturel et spirituel " (GS 67, § 2). L’accord des parties n’est pas suffisant pour justifier moralement le montant du salaire.

(CEC 2434)

264. Enfin, compte tenu des fonctions et de la productivité de chacun, de la situation de l’entreprise et du bien commun, la rémunération du travail doit assurer à l’homme des ressources qui lui permettent, à lui et à sa famille, une vie digne sur le plan matériel, social, culturel et spirituel.

(GS 67)

265. Nous passons à présent à un autre point de la question, d’une très grande importance, qui, pour éviter toute exagération, demande à être défini avec justesse. Nous voulons parler de la fixation du salaire.

On prétend que le salaire, une fois librement consenti de part et d’autre, le patron en le payant remplit tous ses engagements et n’est plus tenu à rien. La justice se trouverait seulement lésée, si le patron refusait de tout solder, ou si l’ouvrier refusait d’achever tout son travail et de satisfaire à ses engagements. Dans ces cas, à l’exclusion de tout autre, le pouvoir public aurait à intervenir pour protéger le droit de chacun.

(RN 43)

266. Que le patron et l’ouvrier fassent donc tant et de telles conventions qu’il leur plaira, qu’ils tombent d’accord notamment sur le chiffre du salaire. Au-dessus de leur libre volonté, il est une loi de justice naturelle plus élevée et plus ancienne, à savoir que le salaire ne doit pas être insuffisant à faire subsister l’ouvrier sobre et honnête. Si, contraint par la nécessité ou poussé par la crainte d’un mal plus grand, l’ouvrier accepte des conditions dures, que d’ailleurs il ne peut refuser parce qu’elles lui sont imposées par le patron ou par celui qui fait l’offre du travail, il subit une violence contre laquelle la justice proteste.

(RN 45)

267. En outre, la société et l’État doivent assurer des niveaux de salaire proportionnés à la subsistance du travailleur et de sa famille, ainsi qu’une certaine possibilité d’épargne. Cela requiert des efforts pour donner aux travailleurs des connaissances et des aptitudes toujours meilleures et susceptibles de rendre leur travail plus qualifié et plus productif ; mais cela requiert aussi une surveillance assidue et des mesures législatives appropriées pour couper court aux honteux phénomènes d’exploitation, surtout au détriment des travailleurs les plus démunis, des immigrés ou des marginaux. Dans ce domaine, le rôle des syndicats, qui négocient le salaire minimum et les conditions de travail, est déterminant.

(CA 15)

III. Le lieu de travail

268. Sans doute ambivalent, car il promet l’argent, la jouissance et la puissance, invite les uns à l’égoïsme et les autres à la révolte, le travail développe aussi la conscience professionnelle, le sens du devoir et la charité envers le prochain. Plus scientifique et mieux organisé, il risque de déshumaniser son exécutant, devenu son servant, car le travail n’est humain que s’il demeure intelligent et libre. Jean XXIII a rappelé l’urgence de rendre au travailleur sa dignité, en le faisant réellement participer à l’œuvre commune : " on doit tendre à ce que devienne une communauté de personnes, dans les relations, les fonctions et les situations de tout son personnel " (MM, n. 91). Le labeur des hommes, bien plus, pour le chrétien, a encore mission de collaborer à la création du monde surnaturel, inachevé jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble à constituer cet Homme parfait dont parle saint Paul, " qui réalise la plénitude du Christ " (Ep 4, 13).

(PP 28)

269. Cela requiert que les relations entre entrepreneurs et dirigeants d’une part, apporteurs de travail d’autre part, soient imprégnées de respect, d’estime, de compréhension, de collaboration active et loyale, d’intérêt à l’œuvre commune ; que le travail soit conçu et vécu par tous les membres de l’entreprise, non seulement comme source de revenus, mais aussi comme accomplissement d’un devoir et prestation d’un service. Cela comporte encore que les ouvriers puissent faire entendre leur voix, présenter leur apport au fonctionnement efficace de l’entreprise et à son développement. Notre Prédécesseur Pie XII fait observer : " La fonction économique et sociale que tout homme désire accomplir exige que l’activité de chacun ne soit pas totalement soumise à l’autorité d’autrui. " (Allocution 1956) Une conception humaine de l’entreprise doit sans doute sauvegarder l’autorité et l’efficacité nécessaire de l’unité de direction ; mais elle ne saurait réduire ses collaborateurs quotidiens au rang de simples exécutants silencieux, sans aucune possibilité de faire valoir leur expérience, entièrement passifs au regard des décisions qui dirigent leur activité.

(MM 92)

270. Enfin, il faut garantir le respect d’horaires " humains " pour le travail et le repos, ainsi que le droit d’exprimer sa personnalité sur les lieux de travail, sans être violenté en aucune manière dans sa conscience ou dans sa dignité. Là encore, il convient de rappeler le rôle des syndicats, non seulement comme instruments de négociation mais encore comme " lieux " d’expression de la personnalité : ils sont utiles au développement d’une authentique culture du travail et ils aident les travailleurs à participer d’une façon pleinement humaine à la vie de l’entreprise.

(CA 15)

271. Quant aux riches et aux patrons, ils ne doivent point traiter l’ouvrier en esclave ; il est juste qu’ils respectent en lui la dignité de l’homme, relevée encore par celle du chrétien. Le travail du corps, au témoignage commun de la raison et de la philosophie chrétienne, loin d’être un sujet de honte, fait honneur à l’homme, parce qu’il lui fournit un noble moyen de sustenter sa vie. Ce qui est honteux et inhumain, c’est d’user de l’homme comme d’un vil instrument de lucre, de ne restituer qu’en proportion de la vigueur de ses bras. Le christianisme, en outre, prescrit qu’il soit tenu compte des intérêts spirituels de l’ouvrier et du bien de son âme. Aux patrons, il revient de veiller à ce que l’ouvrier ait un temps suffisant à consacrer à la piété ; qu’il ne soit point livré à la séduction et aux sollicitations corruptrices ; que rien ne vienne affaiblir en lui l’esprit de famille, ni les habitudes d’économie. Il est encore défendu aux patrons d’imposer à leurs subordonnés un travail au-dessus de leurs forces ou en désaccord avec leur âge ou leur sexe.

(RN 20)

272. C’est pourquoi l’Église peut et doit aider la société actuelle, en demandant inlassablement que le travail de la femme à la maison soit reconnu et honoré par tous dans sa valeur irremplaçable. Gela revêt une importance particulière en ce qui concerne l’oeuvre d’éducation ; en effet, la racine même d’une discrimination éventuelle entre les divers travaux et les diverses professions est éliminée s’il apparaît clairement que tous, dans tout domaine, s’engagent avec des droits identiques et un sens identique de la responsabilité. Et ainsi l’image de Dieu dans l’homme et dans la femme resplendira davantage. Si le droit d’accéder aux diverses fonctions publiques doit être reconnu aux femmes comme il l’est aux hommes, la société doit pourtant se structurer d’une manière telle que les épouses et les mères ne soient pas obligées concrètement à travailler hors du foyer et que, même si elles se consacrent totalement à leurs familles, celles-ci puissent vivre et se développer de façon convenable. Il faut par ailleurs dépasser la mentalité selon laquelle l’honneur de la femme vient davantage du travail à l’extérieur que de l’activité familiale. Mais il faut pour cela que les hommes estiment et aiment vraiment la femme en tout respect de sa dignité personnelle, et que la société crée et développe des conditions adaptées pour le travail à la maison.

(FC 23)

273. De même, si parfois peut régner une mystique exagérée du travail, il n’en reste pas moins que celui-ci est voulu et béni de Dieu. Créé à son image, " l’homme doit coopérer avec le Créateur à l’achèvement de la création, et marquer à son tour la terre de l’empreinte spirituelle qu’il a lui-même reçue " (Paul VI, Lettre à la cinquante-et-unième session des Semaines sociales françaises). Dieu qui a doté l’homme d’intelligence, d’imagination et de sensibilité, lui a donné ainsi le moyen de parachever en quelque sorte son œuvre : qu’il soit artiste ou artisan, entrepreneur, ouvrier ou paysan, tout travailleur est un créateur. Penché sur une matière qui lui résiste, le travailleur lui imprime sa marque, cependant qu’il acquiert ténacité, ingéniosité et esprit d’invention. Bien plus, vécu en commun, dans l’espoir, la souffrance, l’ambition et la joie partagés, le travail unit les volontés, rapproche les esprits, et soude les cœurs : en l’accomplissant, les hommes se découvrent frères.

(PP 27)

IV. Le chômage

274. En considérant les droits des travailleurs en relation avec cet " employeur indirect ", c’est-à-dire en relation avec l’ensemble des instances qui, aux niveaux national et international, sont responsables de l’orientation de la politique du travail, on doit porter son attention avant tout sur un problème fondamental. Il s’agit de la question d’avoir un travail, ou, en d’autres termes, du problème qui consiste à trouver un emploi adapté à tous les sujets qui en sont capables. Le contraire d’une situation juste et correcte dans ce domaine est le chômage, c’est-à-dire le manque d’emplois pour les sujets capables de travailler. Il peut s’agir de manque de travail en général ou dans des secteurs déterminés. Le rôle des instances dont on parle ici sous le nom d’employeur indirect est d’agir contre le chômage, qui est toujours un mal et, lorsqu’il en arrive à certaines dimensions, peut devenir une véritable calamité sociale. Il devient un problème particulièrement douloureux lorsque sont frappés principalement les jeunes qui, après s’être préparés par une formation culturelle, technique et professionnelle appropriée, ne réussissent pas à trouver un emploi et, avec une grande peine, voient frustrées leur volonté sincère de travailler et leur disponibilité à assumer leur propre responsabilité dans le développement économique et social de la communauté. L’obligation de prestations en faveur des chômeurs, c’est-à-dire le devoir d’assurer les subventions indispensables à la subsistance des chômeurs et de leurs familles, est un devoir qui découle du principe fondamental de l’ordre moral en ce domaine, c’est-à-dire du principe de l’usage commun des biens ou, pour s’exprimer de manière encore plus simple, du droit à la vie et à la subsistance.

(LE 18)

275. L’accès au travail et à la profession doit être ouvert à tous sans discrimination injuste, hommes et femmes, bien portants et handicapés, autochtones et immigrés (cf. LE 19 ; 22-23). En fonction des circonstances, la société doit pour sa part aider les citoyens à se procurer un travail et un emploi.

(CEC 2433)

276. Au début de notre discussion sur les droits de l’homme, nous constatons que l’homme a droit à la vie, à jouir de l’intégrité de son corps, et à avoir les moyens adaptés pour mener une vie décente : ces derniers sont surtout la nourriture, les vêtements, l’habitation, le repos, les soins médicaux, et enfin les services nécessaires que la Cité doit fournir à chacun. Par conséquent, l’homme jouit aussi du droit à ce que l’on prenne soin de lui s’il est atteint dans sa santé, s’il est affaibli par le travail et la peine, s’il est isolé dans le veuvage, s’il est consumé par la vieillesse, s’il est contraint au chômage, et enfin s’il est privé des moyens de subsistance sans aucune faute de sa part.

(PT 11)

V. Les syndicats

277. Du fait que les hommes sont naturellement sociables découle le droit de se rassembler en un même lieu et de s’associer à d’autres ; d’attribuer aux associations la forme qu’ils estiment être la plus adaptée pour le propos recherché ; et au sein de ces mêmes sociétés, d’agir de leur propre initiative et à leur risque, et de les mener aux résultats désirés.

(PT 23)

278. Les directives si autorisées de Léon XIII eurent le grand mérite de briser ces oppositions et de désarmer ces méfiances. Elles ont encore un plus beau titre de gloire, c’est d’avoir encouragé les travailleurs chrétiens dans la voie des organisations professionnelles, de leur avoir montré la marche à suivre, et d’avoir retenu sur le chemin du devoir plus d’un ouvrier violemment tenté de donner son nom à ces organisations socialistes qui se prétendaient effrontément seule protection et unique secours des humbles et des opprimés. En ce qui concerne la création de ces associations, l’encyclique Rerum novarum observait fort à propos " qu’on doit organiser et gouverner les groupements professionnels de façon qu’ils fournissent à chacun de leurs membres les moyens propres à lui faire atteindre, par la voie la plus commode et la plus courte, le but qui est proposé et qui consiste dans l’accroissement le plus grand possible, pour chacun, des biens du corps, de l’esprit et de la famille " (RN, n. 41) ; il est clair cependant " qu’il faut avoir en vue le perfectionnement moral et religieux comme l’objet principal ; c’est surtout cette fin qui doit régler toute l’économie de ces sociétés. " (RN, n. 41) En effet, " la religion ainsi constituée comme fondement de toutes les lois sociales, il n’est pas difficile de déterminer les relations mutuelles à établir entre les membres pour obtenir la paix et la prospérité de la société. " (RN, n. 42)

(QA 31-32)

279. Il n’est pas rare qu’un travail trop prolongé ou trop pénible, et un salaire jugé trop faible, donnent lieu à ces chômages voulus et concertés qu’on appelle des grèves. À cette maladie si commune et en même temps si dangereuse, il appartient au pouvoir public de porter un remède. Ces chômages en effet, non seulement tournent au détriment des patrons et des ouvriers eux-mêmes, mais ils entravent le commerce et nuisent aux intérêts généraux de la société. Comme ils dégénèrent facilement en violences et en tumultes, la tranquillité publique s’en trouve souvent compromise. Mais ici il est plus efficace et plus salutaire que l’autorité des lois prévienne le mal et l’empêche de se produire, en écartant avec sagesse les causes qui paraissent de nature à exciter des conflits entre ouvriers et patrons.

(RN 39)

280. Dans l’œuvre du développement, l’homme, qui trouve dans la famille son milieu de vie primordial, est souvent aidé par des organisations professionnelles. Si leur raison d’être est de promouvoir les intérêts de leurs membres, leur responsabilité est grande devant la tâche éducative qu’elles peuvent et doivent en même temps accomplir. A travers l’information qu’elles donnent, la formation qu’elles proposent, elles peuvent beaucoup pour donner à tous le sens du bien commun et des obligations qu’il entraîne pour chacun.

(PP 38)

281. Sur le fondement de tous ces droits et en relation avec la nécessité ou sont les travailleurs de les défendre eux-mêmes, se présente un autre droit : le droit d’association, c’est-à-dire le droit de s’associer, de s’unir, pour défendre les intérêts vitaux des hommes employés dans les différentes professions. Ces unions portent le nom de syndicats. Les intérêts vitaux des travailleurs sont, jusqu’à un certain point, communs à tous ; en même temps, cependant, chaque genre de travail, chaque profession a une spécificité propre, qui devrait se refléter de manière particulière dans ces organisations.

(LE 20)

282. Il faut mettre au rang des droits fondamentaux de la personne le droit des travailleurs de fonder librement des associations capables de les représenter d’une façon valable et de collaborer à la bonne organisation de la vie économique, ainsi que le droit de prendre librement part aux activités de ces associations, sans courir le risque de représailles. Grâce à cette participation organisée, jointe à un progrès de la formation économique et sociale, le sens des responsabilités grandira de plus en plus chez tous : ils seront ainsi amenés à se sentir associé, selon leurs moyens et leurs aptitudes personnels, à l’ensemble du développement économique et social ainsi qu’à la réalisation du bien commun universel.

(GS 68)

283. L’État accorde au syndicat une reconnaissance légale qui n’est pas sans conférer à ce dernier un caractère de monopole, en tant que seul le syndicat reconnu peut représenter respectivement les ouvriers et les patrons, que seul il est autorisé à conclure les contrats ou conventions collectives de travail. L’affiliation au syndicat est facultative, et c’est dans ce sens seulement que l’on peut qualifier de libre cette organisation syndicale, vu que la cotisation syndicale et d’autres contributions spéciales sont obligatoires pour tous ceux qui appartiennent à une catégorie déterminée, ouvriers aussi bien que patrons, comme sont aussi obligatoires les conventions collectives de travail conclues par le syndicat légal. Il est vrai qu’il a été officiellement déclaré que le syndicat légal n’exclut pas l’existence d’associations professionnelles de fait.

(QA 92)

VI. Les grèves

284. La grève est moralement légitime quant elle se présente comme un recours inévitable, sinon nécessaire, en vue d’un bénéfice proportionné. Elle devient moralement inacceptable lorsqu’elle s’accompagne de violences ou encore si on lui assigne des objectifs non directement liés aux conditions de travail ou contraires au bien commun.

(CEC 2435)

285. En agissant pour les justes droits de leurs membres, les syndicats ont également recours au procédé de la " grève ", c’est-à-dire de l’arrêt du travail conçu comme une sorte d’ultimatum adressé aux organismes compétents et, avant tout, aux employeurs. C’est un procédé que la doctrine sociale catholique reconnaît comme légitime sous certaines conditions et dans de justes limites. Les travailleurs devraient se voir assurer le droit de grève et ne pas subir de sanctions pénales personnelles pour leur participation à la grève. Tout en admettant que celle-ci est un moyen juste et légitime, on doit également souligner qu’elle demeure, en un sens, un moyen extrême. On ne peut pas en abuser ; on ne peut pas en abuser spécialement pour faire le jeu de la politique. En outre, on ne peut jamais oublier que, lorsqu’il s’agit de services essentiels à la vie de la société, ces derniers doivent être toujours assurés, y compris, si c’est nécessaire, par des mesures légales adéquates. L’abus de la grève peut conduire à la paralysie de toute la vie socio-économique. Or cela est contraire aux exigences du bien commun de la société qui correspond également à la nature bien comprise du travail lui-même.

(LE 20)

286. En cas de conflits économico-sociaux, on doit s’efforcer de parvenir à une solution pacifique. Mais, s’il faut toujours recourir d’abord au dialogue sincère entre les parties, la grève peut cependant, même dans les circonstances actuelles, demeurer un moyen nécessaire, bien qu’ultime, pour la défense des droits propres et la réalisation des justes aspirations des travailleurs. Que les voies de la négociation et du dialogue soient toutefois reprises, dès que possible, en vue d’un accord.

(GS 68)

 

Article huitième :
Pauvreté et charité

 

I. Le scandale de la pauvreté

287. C’est pourquoi je désire attirer l’attention sur certains indices de portée générale, sans exclure d’autres éléments spécifiques. Sans entrer dans l’analyse des chiffres ou des statistiques, il suffit de regarder la réalité d’une multitude incalculable d’hommes et de femmes, d’enfants, d’adultes et de vieillards, en un mot de personnes humaines concrètes et uniques, qui souffrent sous le poids intolérable de la misère. Ils sont des millions à être privés d’espoir du fait que, dans de nombreuses parties de la terre, leur situation s’est sensiblement aggravée. Face à ces drames d’indigence totale et de nécessité que connaissent tant de nos frères et sœurs, c’est le même Seigneur Jésus qui vient nous interpeller (cf. Mt 25, 31-46).

(SRS 13)

288. Quand on regarde la gamme des différents secteurs - production et distribution des vivres, hygiène, santé et habitat, disponibilité en eau potable, conditions de travail, surtout pour les femmes, durée de la vie, et autres indices sociaux et économiques -, le tableau d’ensemble qui se dégage est décevant, soit qu’on le considère en lui-même, soit qu’on le compare aux données correspondantes des pays plus développés. Le terme de " fossé " revient alors spontanément sur les lèvres.

(SRS 14)

289. Quant aux déshérités de la fortune, ils apprennent de l’Église que, selon le jugement de Dieu lui-même, la pauvreté n’est pas un opprobre et qu’il ne faut pas rougir de devoir gagner son pain à la sueur de son front. C’est ce que Jésus-Christ Notre Seigneur a confirmé par son exemple, lui qui, tout riche qu’il était, s’est fait indigent (2 Co 8, 9) pour le salut des hommes ; qui, fils de Dieu et Dieu lui-même, a voulu passer aux yeux du monde pour le fils d’un ouvrier ; qui est allé jusqu’à consumer une grande partie de sa vie dans un travail mercenaire. N’est-ce pas le charpentier, fils de Marie ? (Mc 6, 3)

Quiconque tiendra sous son regard le Modèle divin comprendra plus facilement ce que Nous allons dire : la vraie dignité de l’homme et son excellence résident dans ses moeurs, c’est-à-dire dans sa vertu ; la vertu est le patrimoine commun des mortels, à la portée de tous, des petits et des grands, des pauvres et des riches ; seuls la vertu et les mérites, partout où on les rencontre, obtiendront la récompense de l’éternelle béatitude. Bien plus, c’est vers les classes infortunées que le coeur de Dieu semble s’incliner davantage. Jésus-Christ appelle les pauvres des bienheureux (cf. Mt 5, 5), il invite avec amour à venir à lui, afin qu’il les console, tous ceux qui souffrent et qui pleurent (cf. Mt 11, 28) il embrasse avec une charité plus tendre les petits et les opprimés. Ces doctrines sont bien faites certainement pour humilier l’âme hautaine du riche et le rendre plus condescendant, pour relever le courage de ceux qui souffrent et leur inspirer de la résignation. Avec elle, se trouverait diminuée cette distance que l’orgueil se plaît à maintenir ; on obtiendrait sans peine que des deux côtés on se donnât la main et que les volontés s’unissent dans une même amitié.

(RN 23-24)

290. Il convient d’ajouter ici que, dans le monde d’aujourd’hui, il existe bien d’autres formes de pauvreté. Certaines carences ou privations ne méritent-elles pas, en effet, ce qualificatif ? La négation ou la limitation des droits humains - par exemple le droit à la liberté religieuse, le droit de participer à la construction de la société, la liberté de s’associer, ou de constituer des syndicats, ou de prendre des initiatives en matière économique - n’appauvrissent-elles pas la personne humaine autant, sinon plus, que la privation des biens matériels ? Et un développement qui ne tient pas compte de la pleine reconnaissance de ces droits est-il vraiment un développement à dimension humaine ?

(SRS 15)

291. De nombreux hommes, et sans doute la grande majorité, ne disposent pas aujourd’hui des moyens d’entrer, de manière efficace et digne de l’homme, à l’intérieur d’un système d’entreprise dans lequel le travail occupe une place réellement centrale… En somme, s’ils ne sont pas exploités, ils sont sérieusement marginalisés ; et le développement économique se poursuit, pour ainsi dire, au-dessus de leur tête, quand il ne va pas jusqu’à restreindre le champ déjà étroit de leurs anciennes économies de subsistance… Beaucoup d’autres hommes, bien qu’ils ne soient pas tout à fait marginalisés, vivent dans des conditions telles que la lutte pour survivre est de prime nécessité… Malheureusement, la grande majorité des habitants du Tiers-Monde vit encore dans de telles conditions.

(CA 33)

II. La justice sociale

292. En effet, outre la justice commutative, il y a aussi la justice sociale, qui impose des devoirs auxquels patrons et ouvriers n’ont pas le droit de se soustraire. C’est précisément la fonction de la justice sociale d’imposer aux membres de la communauté tout ce qui est nécessaire au bien commun.

(Divini Redemptoris 51)

293. Pour répondre aux exigences de la justice et de l’équité, il faut s’efforcer vigoureusement, dans le respect des droits personnels et du génie propre de chaque peuple, de faire disparaître le plus rapidement possible les énormes inégalités économiques qui s’accompagnent de discrimination individuelle et sociale ; de nos jours elles existent et souvent elles s’aggravent. De même, en bien des régions, étant donné les difficultés particulières de la production et de la commercialisation dans le secteur agricole, il faut aider les agriculteurs à accroître cette production et à la vendre, à réaliser les transformations et les innovations nécessaires, à obtenir enfin un revenu équitable ; sinon ils demeureront, comme il arrive trop souvent, des citoyens de seconde zone. De leur côté, les agriculteurs, les jeunes surtout, doivent s’appliquer avec énergie à améliorer leur compétence professionnelle, sans laquelle l’agriculture ne saurait progresser. De même, la justice et l’équité exigent que la mobilité, nécessaire à des économies en progrès, soit aménagée de façon à éviter aux individus et à leurs familles des conditions de vie instables et précaires. A l’égard des travailleurs en provenance d’autres pays ou d’autres régions qui apportent leur concours à la croissance économique d’un peuple ou d’une province, on se gardera soigneusement de toute espèce de discrimination en matière de rémunération ou de conditions de travail. De plus, tous les membres de la société, en particulier les pouvoirs publics, doivent les traiter comme des personnes et non comme de simples instruments de production : faciliter la présence auprès d’eux de leur famille, les aider à se procurer un logement décent et favoriser leur insertion dans la vie sociale du pays ou de la région d’accueil. On doit cependant, dans la mesure du possible, créer des emplois dan leurs régions d’origine elles-mêmes. Dans les économies actuellement en transition comme dans les formes nouvelles de la société industrielle, marquées par exemple par le progrès de l’automation, il faut se préoccuper d’assurer à chacun un emploi suffisant et adapté, et la possibilité d’une formation technique et professionnelle adéquate. On doit aussi garantir les moyens d’existence et la dignité humaine de ceux qui, surtout en raison de la maladie ou de l’âge, se trouvent dans une situation plus difficile.

(GS 66)

294. Vous tous qui avez entendu l’appel des peuples souffrants, vous tous qui travaillez à y répondre, vous êtes les apôtres du bon et vrai développement qui n’est pas la richesse égoïste et aimée pour elle-même, mais l’économie au service de l’homme, le pain quotidien distribué à tous, comme source de fraternité et signe de la Providence.

(PP 86)

295. La justice est à la fois une vertu morale et un concept juridique. On la représente parfois les yeux bandés ; en réalité, c’est le propre de la justice de veiller attentivement à assurer l’équilibre entre les droits et les devoirs, de même qu’à encourager le partage équitable des coûts et des bénéfices. La justice restaure, elle ne détruit pas ; elle réconcilie, elle ne pousse pas à la vengeance. Sa racine la plus profonde, tout bien considéré, se situe dans l’amour, qui trouve son expression la plus significative dans la miséricorde. C’est pourquoi la justice sans l’amour miséricordieux devient froide et cassante.

(Message pour la Journée mondiale de la paix, 1998, n. 1)

296. Mais, nous l’avons souvent affirmé, le devoir le plus important de justice est de permettre à chaque pays de promouvoir son propre développement, dans le cadre d’une coopération exempte de tout esprit de domination, économique et politique. Certes, la complexité des problèmes soulevés est grande dans l’enchevêtrement actuel des interdépendances ; aussi faut-il avoir le courage d’entreprendre une révision des rapports entre les nations, qu’il s’agisse de répartition internationale de la production, de structure des échanges, de contrôle des profits, de système monétaire — sans oublier les actions de solidarité humanitaire —, de mettre en question les modèles de croissance des nations riches, de transformer les mentalités pour les ouvrir à la priorité du devoir international, de rénover les organismes internationaux en vue d’une plus grande efficacité.

(OA 43)

297. La miséricorde authentique est, pour ainsi dire, la source la plus profonde de la justice. Si cette dernière est de soi propre à " arbitrer " entre les hommes pour répartir entre eux de manière juste les biens matériels, l’amour au contraire, et seulement lui (et donc aussi cet amour bienveillant que nous appelons " miséricorde "), est capable de rendre l’homme à lui-même.

La miséricorde véritablement chrétienne est également, dans un certain sens, la plus parfaite incarnation de l’ " égalité " entre les hommes, et donc aussi l’incarnation la plus parfaite de la justice, en tant que celle-ci, dans son propre domaine, vise au même résultat. L’égalité introduite par la justice se limite cependant au domaine des biens objectifs et extérieurs, tandis que l’amour et la miséricorde permettent aux hommes de se rencontrer entre eux dans cette valeur qu’est l’homme même, avec la dignité qui lui est propre. En même temps, l’ " égalité " née de l’amour " patient et bienveillant " n’efface pas les différences…

(DM 14)

298. Les experts en sciences sociales appellent à grands cris une rationalisation qui rétablira l’ordre dans la vie économique. Mais cet ordre que Nous réclamons avec insistance et dont Nous aidons de tout Notre pouvoir l’avènement, restera nécessairement incomplet aussi longtemps que toutes les formes de l’activité humaine ne conspireront pas harmonieusement à imiter et à réaliser, dans la mesure du possible, l’admirable unité du plan divin. Nous entendons parler ici de cet ordre parfait que ne se lasse pas de prêcher l’Église, et que réclame la droite raison elle-même, de cet ordre qui place en Dieu le terme premier et suprême de toute activité créée, et n’apprécie les biens de ce monde que comme de simples moyens dont il faut user dans la mesure où ils conduisent à cette fin. Loin de déprécier, comme moins conforme à la dignité humaine, l’exercice des professions lucratives, cette philosophie nous apprend au contraire à y voir la volonté saine du Créateur qui a placé l’homme sur la terre pour qu’il la travaille et la fasse servir à toutes ses nécessités. Il n’est donc pas interdit à ceux qui produisent d’accroître honnêtement leurs biens ; il est équitable, au contraire, que quiconque rend service à la société et l’enrichit profite, lui aussi, selon sa condition, de l’accroissement des biens communs, pourvu que, dans l’acquisition de la fortune, il respecte la loi de Dieu et les droits du prochain, et que, dans l’usage qu’il en fait, il obéisse aux règles de la foi et de la raison. Si tout le monde, partout et toujours, se conformait à ces règles de conduite, non seulement la production et l’acquisition des biens de ce monde, mais encore leur consommation, aujourd’hui si souvent désordonnée, seraient bientôt ramenées dans les limites de l’équité et d’une juste répartition ; à l’égoïsme sans frein, qui est la honte et le grand péché de notre siècle, la réalité des faits opposerait cette règle à la fois très douce et très forte de la modération chrétienne qui ordonne à l’homme de chercher avant tout le règne de Dieu et sa justice, dans la certitude que les biens temporels eux-mêmes lui seront donnés par surcroît, en vertu d’une promesse formelle de la libéralité divine. (Mt 6, 33)

(QA 136)

299. Les hommes de notre temps prennent une conscience de plus en plus vive de ces disparités : ils sont profondément persuadés que les techniques nouvelles et les ressources économiques accrues dont dispose le monde pourraient et devraient corriger ce funeste état de choses. Mais pour cela de nombreuses réformes sont nécessaires dans la vie économico-sociale ; il y faut aussi, de la part de tous, une conversion des mentalités et des attitudes. Dans ce but, l’Église, au cours des siècles, a explicité à la lumière de l’Évangile des principes de justice et d’équité, demandés par la droite raison, tant pour la vie individuelle et sociale que pour la vie internationale ; et elle les a proclamés surtout ces derniers temps. Compte tenu de la situation présenté, le Concile entend les confirmer et indiquer quelques orientations en prenant particulièrement en considération les exigences du développement économique

(GS 63)

III. La charité et l’option préférentielle pour les pauvres

300. La charité représente le plus grand commandement social. Elle respecte autrui et ses droits. Elle exige la pratique de la justice et seule nous en rend capables. Elle inspire une vie de don de soi : " Qui cherchera à conserver sa vie la perdra, et qui la perdra la sauvera " (Lc 17, 33).

(CEC 1889)

301. Il ne sera donc pas superflu de réexaminer et d’approfondir sous cet éclairage les thèmes et les orientations caractéristiques que le Magistère a repris ces dernières années. Je voudrais signaler ici l’un de ces points : l’option ou l’amour préférentiel pour les pauvres. C’est là une option, ou une forme spéciale de priorité dans la pratique de la charité chrétienne dont témoigne toute la tradition de l’Église. Elle concerne la vie de chaque chrétien, en tant qu’il imite la vie du Christ, mais elle s’applique également à nos responsabilités sociales et donc à notre façon de vivre, aux décisions que nous avons à prendre de manière cohérente au sujet de la propriété et de l’usage des biens.

(SRS 42)

302. En relisant l’encyclique [Rerum novarum] à la lumière de la situation contemporaine, on peut se rendre compte de la sollicitude et de l’action incessantes de l’Église en faveur des catégories de personnes qui sont objet de prédilection de la part du Seigneur Jésus. Le contenu du texte est un excellent témoignage de la continuité, dans l’Église, de ce qu’on appelle l’ " option préférentielle pour les pauvres ", option définie comme une " forme spéciale de priorité dans la pratique de la charité chrétienne "

(CA 11)

303. Dans la recherche de la promotion de la dignité humaine, l’Église montre son amour préférentiel pour les pauvres et les sans-voix, parce que le Seigneur s’est identifié à eux de façon spéciale (cf. Mt 25, 40). Cet amour n’exclut personne, mais il incarne simplement une priorité de service à laquelle la tradition chrétienne rend témoignage. " Cet amour préférentiel, de même que les décisions qu’il nous inspire, ne peut pas ne pas embrasser les multitudes immenses des affamés, des mendiants, des sans-abri, des personnes sans assistance médicale et, par-dessus tout, sans espérance d’un avenir meilleur.

(Ecclesia in Asia 34)

304. Son amour préférentiel pour les pauvres est admirablement inscrit dans le Magnificat de Marie. Le Dieu de l’Alliance, chanté par la Vierge de Nazareth dans l’exultation de son esprit, est en même temps celui qui " renverse les puissants de leurs trônes et élève les humbles.... comble de biens les affamés, et renvoie les riches les mains vides..., disperse les superbes et étend son amour sur ceux qui le craignent ". Marie est profondément marquée par l’esprit des " pauvres de Yahvé " qui, selon la prière des psaumes, attendaient de Dieu leur salut et mettaient en lui toute leur confiance (cf. Ps 25 ; 31 ; 35 ; 55).

(Redemptoris Mater 37)

305. " Si un frère ou une sœur sont nus, dit saint Jacques, s’ils manquent de leur nourriture quotidienne, et que l’un d’entre vous leur dise : " Allez en paix, chauffez-vous, rassasiez-vous " sans leur donner ce qui est nécessaire à leur corps, à quoi cela sert-il ? " (Jc 2, 16-16). Aujourd’hui, personne ne peut plus l’ignorer, sur des continents entiers, innombrables sont les hommes et les femmes torturés par la faim, innombrables les enfants sous-alimentés, au point que bon nombre d’entre eux meurent en bas âge, que la croissance physique et le développement mental de beaucoup d’autres en sont compromis, que des régions entières sont de ce fait condamnées au plus morne découragement.

(PP 45)

306. Il est sans doute un certain nombre d’hommes aujourd’hui qui, fidèles échos des païens d’autrefois, en viennent jusqu’à se faire même, d’une charité aussi merveilleuse, une arme pour attaquer l’Église. On a vu une bienfaisance établie par les lois civiles se substituer à la charité chrétienne. Mais cette charité chrétienne, qui se voue tout entière et sans arrière-pensée à l’utilité du prochain, ne peut être suppléée par aucune organisation humaine. L’Église seule possède cette vertu, parce qu’on ne la puise que dans le Coeur sacré de Jésus-Christ, et que c’est errer loin de Jésus-Christ que d’être éloigné de son Église.

(RN 45)

307. Il est évident que le devoir, que l’Église a toujours proclamé, de venir en aide à qui se débat dans l’indigence et la misère doit être spécialement ressenti par les catholiques. Le fait d’être membres du Corps mystique du Christ est pour eux le plus noble motif. " En cela nous avons connu la charité divine, proclame l’apôtre Jean, que Jésus a donné sa vie pour nous. De même, nous devons donner notre vie pour nos frères. Celui qui posséderait les biens du monde et, voyant son frère dans le besoin, lui fermerait son cœur, comment la charité divine pourrait-elle demeurer en lui ? " (1 Jn 3, 16-17)

(MM 159)

IV. L’État providence

308. [L’Etat] peut remplir des fonctions de suppléance dans des situations exceptionnelles, lorsque des groupes sociaux ou des ensembles d'entreprises trop faibles ou en cours de constitution ne sont pas à la hauteur de leurs tâches. Ces interventions de suppléance, que justifie l'urgence d'agir pour le bien commun, doivent être limitées dans le temps, autant que possible, pour ne pas enlever de manière stable à ces groupes ou à ces entreprises les compétences qui leur appartiennent et pour ne pas étendre à l'excès le cadre de l'action de l'Etat, en portant atteinte à la liberté économique ou civile.

On a assisté, récemment, à un important élargissement du cadre de ces interventions, ce qui a amené à constituer, en quelque sorte, un État de type nouveau, l’ " État du bien-être ". Ces développements ont eu lieu dans certains États pour mieux répondre à beaucoup de besoins, en remédiant à des formes de pauvreté et de privation indignes de la personne humaine. Cependant, au cours de ces dernières années en particulier, des excès ou des abus assez nombreux ont provoqué des critiques sévères de l’État du bien-être, que l’on a appelé l’ " État de l’assistance ". Les dysfonctionnements et les défauts des soutiens publics proviennent d’une conception inappropriée des devoirs spécifiques de l’État. Dans ce cadre, il convient de respecter également le principe de subsidiarité : une société d’ordre supérieur ne doit pas intervenir dans la vie interne d’une société d’un ordre inférieur, en lui enlevant ses compétences, mais elle doit plutôt la soutenir en cas de nécessité et l’aider à coordonner son action avec celle des autres éléments qui composent la société, en vue du bien commun.

En intervenant directement et en privant la société de ses responsabilités, l’État de l’assistance provoque la déperdition des forces humaines, l’hypertrophie des appareils publics, animés par une logique bureaucratique plus que par la préoccupation d’être au service des usagers, avec une croissance énorme des dépenses. En effet, il semble que les besoins soient mieux connus par ceux qui en sont plus proches ou qui savent s’en rapprocher, et que ceux-ci soient plus à même d’y répondre. On ajoutera que souvent certains types de besoins appellent une réponse qui ne soit pas seulement d’ordre matériel mais qui sache percevoir la requête humaine plus profonde. Que l’on pense aussi aux conditions que connaissent les réfugiés, les immigrés, les personnes âgées ou malades, et aux diverses conditions qui requièrent une assistance, comme dans le cas des toxicomanes, toutes personnes qui ne peuvent être efficacement aidées que par ceux qui leur apportent non seulement les soins nécessaires, mais aussi un soutien sincèrement fraternel.

(CA 48)

309. Si Léon XIII en appelle à l’État pour remédier selon la justice à la condition des pauvres, il le fait aussi parce qu’il reconnaît, à juste titre, que l’État a le devoir de veiller au bien commun et de pourvoir à ce que chaque secteur de la vie sociale, sans exclure celui de l’économie, contribue à le promouvoir, tout en respectant la juste autonomie de chacun d’entre eux. Toutefois, il ne faudrait pas en conclure que, pour le Pape Léon XIII, la solution de la question sociale devrait dans tous les cas venir de l’État. Au contraire, il insiste à plusieurs reprises sur les nécessaires limites de l’intervention de l’État et sur sa nature de simple instrument, puisque l’individu, la famille et la société lui sont antérieures et que l’État existe pour protéger leurs droits respectifs sans jamais les opprimer

(CA 11)

310. Il est dans l’ordre, avons-Nous dit, que ni l’individu, ni la famille ne soient absorbés par l’État. Il est juste que l’un et l’autre aient la faculté d’agir avec liberté, aussi longtemps que cela n’atteint pas le bien général et ne fait tort à personne. Cependant, aux gouvernants il appartient de prendre soin de la communauté et de ses parties ; la communauté, parce que la nature en a confié la conservation au pouvoir souverain, de telle sorte que le salut public n’est pas seulement ici la loi suprême, mais la cause même et la raison d’être du pouvoir civil ; les parties, parce que, de droit naturel, le gouvernement ne doit pas viser l’intérêt de ceux qui ont le pouvoir entre les mains, mais le bien de ceux qui leur sont soumis.

(RN 35)

 

Article neuvième :
L’environnement

 

I. La qualité de l’ordre de la création

311. " Et Dieu vit que cela était bon " (Gn 1, 25). Ces paroles, que nous lisons dans le premier chapitre du livre de la Genèse, indiquent le sens de l’œuvre que Dieu a réalisée. Le Créateur confie à l’homme, couronnement de tout le processus de la création, la garde de la terre (cf. Gn 2, 15). De là découlent pour toute personne des obligations concrètes en ce qui concerne l’écologie. Pour les accomplir, il faut s’ouvrir à une perspective spirituelle et éthique qui triomphe des attitudes et " des styles de vie égoïstes conduisant à l’épuisement des ressources naturelles ".

(Ecclesia in America 25)

312. Le septième commandement demande le respect de l’intégrité de la création. Les animaux, comme les plantes et les êtres inanimés, sont naturellement destinés au bien commun de l’humanité passée, présente et future (cf. Gn 1, 28-31). L’usage des ressources minérales, végétales et animales de l’univers, ne peut être détaché du respect des exigences morales. La domination accordée par le Créateur à l’homme sur les êtres inanimés et les autres vivants n’est pas absolue ; elle est mesurée par le souci de la qualité de la vie du prochain, y compris des générations à venir ; elle exige un respect religieux de l’intégrité de la création.

(CEC 2415)

II. Les problèmes liés à l’environnement

313. Tout le monde sait bien qu’en certains lieux de la terre les superficies des terrains cultivables sont sans rapport avec l’effectif de la population ; ailleurs, la disproportion se trouve entre les richesses du sol et l’équipement nécessaire à leur exploitation ; cet état de choses réclame, de la part des peuples, une collaboration qui facilite la circulation soit des biens, soit des fortunes, soit des hommes eux-mêmes.

(PT 101)

314. La deuxième considération se fonde, elle, sur la constatation, qui s’impose de plus en plus peut-on dire, du caractère limité des ressources naturelles, certaines d’entre elles n’étant pas renouvelables, comme on dit. Les utiliser comme si elles étaient inépuisables, avec une domination absolue, met sérieusement en danger leur disponibilité non seulement pour la génération présente mais surtout pour celles de l’avenir. La troisième considération se rapporte directement aux conséquences qu’a un certain type de développement sur la qualité de la vie dans les zones industrialisées. Nous savons tous que l’industrialisation a toujours plus fréquemment pour effet, direct ou indirect, la contamination de l’environnement, avec de graves conséquences pour la santé de la population. Encore une fois, il est évident que le développement, la volonté de planification qui le guide, l’usage des ressources et la manière de les utiliser, ne peuvent pas être séparés du respect des exigences morales. L’une de celles-ci impose sans aucun doute des limites à l’usage de la nature visible. La domination accordée par le Créateur à l’homme n’est pas un pouvoir absolu, et l’on ne peut parler de liberté " d’user et d’abuser ", ou de disposer des choses comme on l’entend. La limitation imposée par le Créateur lui-même dès le commencement, et exprimée symboliquement par l’interdiction de " manger le fruit de l’arbre " (cf. Gn 2, 16-17), montre avec suffisamment de clarté que, dans le cadre de la nature visible, nous sommes soumis à des lois non seulement biologiques mais aussi morales, que l’on ne peut transgresser impunément.

(SRS 34)

315. Il semble que nous sommes toujours plus conscients du fait que l’exploitation de la terre, de la planète sur laquelle nous vivons, exige une planification rationnelle et honnête. En même temps, cette exploitation à des fins non seulement industrielles mais aussi militaires, un développement de la technique non contrôlé ni organisé au plan universel et d’une manière authentiquement humaniste, comportent souvent une menace pour le milieu naturel de l’homme, aliènent ce dernier dans ses rapports avec la nature et le détournent d’elle.

(RH 15)

316. A côté du problème de la consommation, la question de l’écologie, qui lui est étroitement connexe, inspire autant d’inquiétude. L’homme, saisi par le désir d’avoir et de jouir plus que par celui d’être et de croître, consomme d’une manière excessive et désordonnée les ressources de la terre et sa vie même. A l’origine de la destruction insensée du milieu naturel, il y a une erreur anthropologique, malheureusement répandue à notre époque. L’homme, qui découvre sa capacité de transformer et en un sens de créer le monde par son travail, oublie que cela s’accomplit toujours à partir du premier don originel des choses fait par Dieu. Il croit pouvoir disposer arbitrairement de la terre, en la soumettant sans mesure à sa volonté, comme si elle n’avait pas une forme et une destination antérieures que Dieu lui a données, que l’homme peut développer mais qu’il ne doit pas trahir. Au lieu de remplir son rôle de collaborateur de Dieu dans l’oeuvre de la création, l’homme se substitue à Dieu et, ainsi, finit par provoquer la révolte de la nature, plus tyrannisée que gouvernée par lui. En cela, on remarque avant tout la pauvreté ou la mesquinerie du regard de l’homme, plus animé par le désir de posséder les choses que de les considérer par rapport à la vérité, et qui ne comprend pas l’attitude désintéressée, faite de gratuité et de sens esthétique, suscitée par l’émerveillement pour l’être et pour la splendeur qui permet de percevoir dans les choses visibles le message de Dieu invisible qui les a créées. Dans ce domaine, l’humanité d’aujourd’hui doit avoir conscience de ses devoirs et de ses responsabilités envers les générations à venir.

(CA 37)

317. Tandis que l’horizon de l’homme se modifie ainsi à partir des images qu’on choisit pour lui, une autre transformation se fait sentir, conséquence aussi dramatique qu’inattendue de l’activité humaine. Brusquement l’homme en prend conscience : par une exploitation inconsidérée de la nature, il risque de la détruire et d’être à son tour la victime de cette dégradation. Non seulement l’environnement matériel devient une menace permanente : pollutions et déchets, nouvelles maladies, pouvoir destructeur absolu ; mais c’est le cadre humain que l’homme ne maîtrise plus, créant ainsi pour demain un environnement qui pourra lui être intolérable. Problème social d’envergure qui regarde la famille humaine tout entière.

C’est vers ces perceptions neuves que le chrétien doit se tourner pour prendre en responsabilité, avec les autres hommes, un destin désormais commun.

(OA 21)

318. En dehors de la destruction irrationnelle du milieu naturel, il faut rappeler ici la destruction encore plus grave du milieu humain, à laquelle on est cependant loin d’accorder l’attention voulue. Alors que l’on se préoccupe à juste titre, même si on est bien loin de ce qui serait nécessaire, de sauvegarder les habitats naturels des différentes espèces animales menacées d’extinction, parce qu’on se rend compte que chacune d’elles apporte sa contribution particulière à l’équilibre général de la terre, on s’engage trop peu dans la sauvegarde des conditions morales d’une " écologie humaine " authentique. Non seulement la terre a été donnée par Dieu à l’homme qui doit en faire usage dans le respect de l’intention primitive, bonne, dans laquelle elle a été donnée, mais l’homme, lui aussi, est donné par Dieu à lui-même et il doit donc respecter la structure naturelle et morale dont il a été doté. Dans ce contexte, il faut mentionner les problèmes graves posés par l’urbanisation moderne, la nécessité d’un urbanisme soucieux de la vie des personnes, de même que l’attention qu’il convient de porter à une " écologie sociale " du travail.

(CA 38)

III. Tutelle écologique

319. Appelé à cultiver et à garder le jardin du monde (cf. Gn 2, 15), l’homme a une responsabilité propre à l’égard du milieu de vie, c’est-à-dire de la création que Dieu a placée au service de la dignité personnelle de l’homme, de sa vie, et cela, non seulement pour le présent, mais aussi pour les générations futures. C’est la question de l’écologie - depuis la préservation des " habitats " naturels des différentes espèces d’animaux et des diverses formes de vie jusqu’à l’ " écologie humaine " proprement dite - qui trouve dans cette page biblique une claire et forte inspiration éthique pour que les solutions soient respectueuses du grand bien qu’est la vie, toute vie. En réalité, " la domination accordée par le Créateur à l’homme n’est pas un pouvoir absolu, et l’on ne peut parler de liberté " d’user et d’abuser ", ou de disposer des choses comme on l’entend. La limitation imposée par le Créateur lui-même dès le commencement, et exprimée symboliquement par l’interdiction de " manger le fruit de l’arbre " (cf. Gn 2, 16-17), montre avec suffisamment de clarté que, dans le cadre de la nature visible, nous sommes soumis à des lois non seulement biologiques mais aussi morales, que l’on ne peut transgresser impunément " (SRS, n. 34).

(EV 42)

320. Les responsables d’entreprises portent devant la société la responsabilité économique et écologique de leurs opérations (cf. CA 37). Ils sont tenus de considérer le bien des personnes et pas seulement l’augmentation des profits. Ceux-ci sont nécessaires cependant. Ils permettent de réaliser les investissements qui assurent l’avenir des entreprises. Ils garantissent l’emploi.

(CEC 2432)

321. Le droit à un environnement sain est lié à la promotion de la dignité humaine, car il met en évidence la dynamique des rapports entre individu et société. Un ensemble de normes internationales, régionales et nationales sur l’environnement est en train de donner peu à peu une forme juridique à ce droit. Toutefois, les mesures juridiques ne suffisent pas par elles-mêmes… Le présent et l’avenir du monde dépendent de la sauvegarde de la création, car il existe une interaction constante de la personne humaine et de la nature. Placer le bien de l’être humain au centre de l’attention à l’égard de l’environnement est en réalité la manière la plus sûre de sauvegarder la création.

(Message pour la Journée mondiale de la Paix, 1999, 10)

IV. Technologie

322. Le développement de l’industrie et des divers secteurs connexes, jusqu’aux technologies les plus modernes de l’électronique, spécialement dans le domaine de la miniaturisation, de l’informatique, de la télématique, etc., montre le rôle immense qu’assume justement, dans l’interaction du sujet et de l’objet du travail (au sens le plus large du mot), … la technique... [Elle] est indubitablement une alliée de l’homme. Elle lui facilite le travail, le perfectionne, l’accélère et le multiplie. Elle favorise l’augmentation de la quantité des produits du travail, et elle perfectionne également la qualité de beaucoup d’entre eux. C’est un fait, par ailleurs, qu’en certains cas, cette alliée qu’est la technique peut aussi se transformer en quasi adversaire de l’homme, par exemple lorsque la mécanisation du travail " supplante " l’homme en lui ôtant toute satisfaction personnelle, et toute incitation à la créativité et à la responsabilité, lorsqu’elle supprime l’emploi de nombreux travailleurs ou lorsque, par l’exaltation de la machine, elle réduit l’homme à en être l’esclave

(LE 5)

323. La présente génération se sait privilégiée car le progrès lui offre d’immenses possibilités, insoupçonnées il y a quelques décennies seulement. L’activité créatrice de l’homme, son intelligence et son travail, ont provoqué de très grands changements tant dans le domaine de la science et de la technique que dans la vie sociale et culturelle. L’homme a étendu son pouvoir sur la nature ; il a acquis une connaissance plus approfondie des lois de son comportement social... Les jeunes d’aujourd’hui, surtout, savent que le progrès de la science et de la technique est capable d’apporter non seulement de nouveaux biens matériels mais aussi une participation plus large à la connaissance… Les acquis des sciences biologiques, psychologiques ou sociales aideront l’homme à mieux pénétrer la richesse de son être propre… Mais à côté de tout cela - ou plutôt en tout cela - il existe les difficultés qui se manifestent dans toute croissance.

(DM 10)

 

Article dixième :
La communauté internationale

 

I. La famille

324. Selon la Révélation biblique, Dieu a créé l’être humain - homme et femme - à son image et ressemblance (cf. Gn 1, 26-27 ; 5, 1-2 ; 9, 6). Ce lien de l’homme avec son Créateur fonde sa dignité et ses droits fondamentaux inaliénables, dont Dieu est le garant. A ces droits personnels correspondent évidemment des devoirs envers les autres hommes. Ni l’individu, ni la société, ni l’État, ni aucune institution humaine ne peuvent réduire l’homme - ou un groupe d’hommes - à l’état d’objet… La Révélation insiste avant tout sur l’unité de la famille humaine : tous les hommes créés en Dieu ont même origine ; quelle que soit, dans le cours de l’histoire, leur dispersion ou l’accentuation de leurs différences, ils sont destinés à former une seule famille, selon le dessein de Dieu établi " au commencement "… Saint Paul déclarera aux Athéniens : " D’un principe unique Dieu a fait le genre humain pour qu’il habite sur toute la surface de la terre ", de sorte que tous peuvent dire avec le poète qu’ils sont de " la race " même de Dieu (cf. Ac 17, 26. 28. 29).

(L’Église face au racisme 19-20)

325. L’Église, on le sait, est universelle de droit divin ; elle l’est également en fait puisqu’elle est présente à tous les peuples ou tend à le devenir.

(MM 178)

326. Alors la conscience de la paternité commune de Dieu, de la fraternité de tous les hommes dans le Christ, " fils dans le Fils ", de la présence et de l’action vivifiante de l’Esprit Saint, donnera à notre regard sur le monde comme un nouveau critère d’interprétation. Au-delà des liens humains et naturels, déjà si forts et si étroits, se profile à la lumière de la foi un nouveau modèle d’unité du genre humain dont doit s’inspirer en dernier ressort la solidarité.

(SRS 40)

II. Le libre échange

327. L’enseignement de Léon XIII dans Rerum Novarum est toujours valable : le consentement des parties, si elles sont en situation trop inégale, ne suffit pas à garantir la justice du contrat, et la règle du libre consentement demeure subordonnée aux exigences du droit naturel. Ce qui était vrai du juste salaire individuel l’est aussi des contrats internationaux : une économie d’échange ne peut plus reposer sur la seule loi de libre concurrence, qui engendre trop souvent elle aussi une dictature économique. La liberté des échanges n’est équitable que soumise aux exigences de la justice sociale.

(PP 59)

328. Une plus grande justice reste à instaurer dans la répartition des biens, tant à l’intérieur des communautés nationales que sur le plan international. Dans les échanges mondiaux, il faut dépasser les rapports de forces pour arriver à des ententes concertées en vue du bien de tous. Les rapports de force n’ont jamais établi en effet la justice de façon durable et vraie, même si à certains moments l’alternance des positions peut souvent permettre de trouver des conditions plus faciles de dialogue. L’usage de la force suscite du reste la mise en œuvre de forces adverses, d’où un climat de luttes qui ouvrent à des situations extrêmes de violence et à des abus (cf. PP 56). Mais, nous l’avons souvent affirmé, le devoir le plus important de justice est de permettre à chaque pays de promouvoir son propre développement, dans le cadre d’une coopération exempte de tout esprit de domination, économique et politique. Certes, la complexité des problèmes soulevés est grande dans l’enchevêtrement actuel des interdépendances ; aussi faut-il avoir le courage d’entreprendre une révision des rapports entre les nations, qu’il s’agisse de répartition internationale de la production, de structure des échanges, de contrôle des profits, de système monétaire — sans oublier les actions de solidarité humanitaire —, de mettre en question les modèles de croissance des nations riches, de transformer les mentalités pour les ouvrir à la priorité du devoir international, de rénover les organismes internationaux en vue d’une plus grande efficacité.

(OA 43)

329. On ne saurait user ici de deux poids et deux mesures. Ce qui vaut en économie nationale, ce qu’on admet entre pays développés, vaut aussi dans les relations commerciales entre pays riches et pays pauvres. Sans abolir le marché de concurrence, il faut le maintenir dans des limites qui le rendent juste et moral, et donc humain. Dans le commerce entre économies développées et sous-développées, les situations sont trop disparates et les libertés réelles trop inégales. La justice sociale exige que le commerce international, pour être humain et moral, rétablisse entre partenaires au moins une certaine égalité de chances. Cette dernière est un but à long terme. Mais pour y parvenir il faut dès maintenant créer une réelle égalité dans les discussions et négociations. Ici encore des conventions internationales à rayon suffisamment vaste seraient utiles : elles poseraient des normes générales en vue de régulariser certains prix, de garantir certaines productions, de soutenir certaines industries naissantes. Qui ne voit qu’un tel effort commun vers plus de justice dans les relations commerciales entre les peuples apporterait aux pays en voie de développement une aide positive, dont les effets ne seraient pas seulement immédiats, mais durables ?

(PP 61)

III. La paix et la guerre

330. La paix n’est pas une pure absence de guerre et elle ne se borne pas seulement à assurer l’équilibre de forces adverses ; elle ne provient pas non plus d’une domination despotique, mais c’est en toute vérité qu’on la définit " oeuvre de justice " (Is 32, 17). Elle est le fruit d’un ordre inscrit dans la société humaine par son divin fondateur, et qui doit être réalisé par des hommes qui ne cessent d’aspirer à une justice plus parfaite. En effet, encore que le bien commun du genre humain soit assurément régi dans sa réalité fondamentale par la loi éternelle, dans ses exigences concrètes il est pourtant soumis à d’incessants changements avec la marche du temps : la paix n’est jamais chose acquise une fois pour toutes, mais sans cesse à construire. Comme de plus la volonté humaine est fragile et qu’elle est blessée par le péché, l’avènement de la paix exige de chacun le constant contrôle de ses passions et la vigilance de l’autorité légitime. Mais ceci est encore insuffisant. La paix dont nous parlons ne peut s’obtenir sur terre sans la sauvegarde du bien des personnes, ni sans la libre et confiante communication entre les hommes des richesses de leur esprit et de leurs facultés créatrices. La ferme volonté de respecter les autres hommes et les autres peuples ainsi que leur dignité, la pratique assidue de la fraternité sont absolument indispensables à la construction de la paix. Ainsi la paix est-elle aussi le fruit de l’amour qui va bien au-delà de ce que la justice peut apporter. La paix terrestre qui naît de l’amour du prochain est elle-même image et effet de la paix du Christ qui vient de Dieu le Père. Car le Fils incarné en personne, prince de la paix, a réconcilié tous les hommes avec Dieu par sa croix, rétablissant l’unité de tous en un seul peuple et un seul corps. Il a tué la haine dans sa propre chair et, après le triomphe de sa résurrection, il a répandu l’Esprit de charité dans le coeur des hommes. C’est pourquoi, accomplissant la vérité dans la charité (cf. Ep 4, 15), tous les chrétiens sont appelés avec insistance à se joindre aux hommes véritablement pacifiques pour implorer et instaurer la paix. Poussés par le même esprit, nous ne pouvons pas ne pas louer ceux qui, renonçant à l’action violente pour la sauvegarde des droits, recourent à des moyens de défense qui, par ailleurs, sont à la portée même des plus faibles, pourvu que cela puisse se faire sans nuire aux droits et aux devoirs des autres ou de la communauté.

(GS 78)

331. Le respect et la croissance de la vie humaine demandent la paix. La paix n’est pas seulement absence de guerre et elle ne se borne pas à assurer l’équilibre des forces adverses. La paix ne peut s’obtenir sur terre sans la sauvegarde des biens des personnes, la libre communication entre les êtres humains, le respect de la dignité des personnes et des peuples, la pratique assidue de la fraternité. Elle est " tranquillité de l’ordre " (Saint Augustin, De civ. Dei, IX.13.11). Elle est œuvre de la justice (cf. Is 32, 17) et effet de la charité.

(CEC 2304)

332. Les injustices, les inégalités excessives d’ordre économique ou social, l’envie, la méfiance et l’orgueil qui sévissent entre les hommes et les nations, menacent sans cesse la paix et causent les guerres. Tout ce qui est fait pour vaincre ces désordres contribue à édifier la paix et à éviter la guerre : Dans la mesure où les hommes sont pécheurs, le danger de guerre menace, et il en sera ainsi jusqu’au retour du Christ. Mais, dans la mesure où, unis dans l’amour, les hommes surmontent le péché, ils surmontent aussi la violence jusqu’à l’accomplissement de cette parole : " Ils forgeront leurs glaives en socs et leurs lances en serpes. On ne lèvera pas le glaive nation contre nation et on n’apprendra plus la guerre " (GS, n. 78 ; cf. Is 2, 4)

(CEC 2317)

333. Il faut respecter et traiter avec humanité les non-combattants, les soldats blessés et les prisonniers. Les actions délibérément contraires au droit des gens et à ses principes universels, comme les ordres qui les commandent, sont des crimes. Une obéissance aveugle ne suffit pas à excuser ceux qui s’y soumettent. Ainsi l’extermination d’un peuple, d’une nation ou d’une minorité ethnique doit être condamnée comme un péché mortel. On est moralement tenu de résister aux ordres qui commandent un génocide.

(CEC 2313)

IV. Armement

334. Inversement, ce n’est pas sans une grande douleur que Nous voyons comment dans les Cités à l’économie plus développée, des armements démesurés sont prêts et sont encore en préparation, non sans les plus grandes dépenses en biens tant de l’âme que du corps. Il s’ensuit que tandis que les citoyens de ces nations doivent supporter de lourdes charges, d’autres Cités manquent de moyens pour progresser en matière économique et sociale.

(PT 109)

335. " J’avais faim, et vous ne m’avez pas donné à manger... ; j’étais nu et vous ne m’avez pas vêtu... ; j’étais en prison et vous n’êtes pas venu me voir " (Mt 25, 42). Ces paroles prennent davantage encore valeur d’avertissement si nous pensons que, au lieu du pain et de l’aide culturelle aux nouveaux États et aux nouvelles nations qui s’éveillent à la vie de l’indépendance, on offre parfois en abondance des armes modernes et des moyens de destruction, mis au service de conflits armés et de guerres qui sont moins une exigence de la défense de leurs justes droits et de leur souveraineté qu’une forme de chauvinisme, d’impérialisme, de néo-colonialisme en tout genre.

(RH 16)

336. L’enseignement de l’Église catholique est donc clair et cohérent. Il déplore la course aux armements, il demande tout au moins une progressive réduction mutuelle et vérifiable ainsi que de plus grandes précautions contre les possibles erreurs dans l’usage des armes nucléaires. En même temps, l’Eglise réclame pour chaque nation le respect de l’indépendance, de la liberté et de la légitime sécurité.

(Message à la IIe session spéciale des Nations Unies pour le Désarmement, 5)

337. Une course folle aux armements absorbe les ressources nécessaires au développement des économies internes et à l’aide aux nations les plus défavorisées. Le progrès scientifique et technique, qui devrait contribuer au bien-être de l’homme, est transformé en instrument de guerre. La science et la technique servent à produire des armes toujours plus perfectionnées et plus destructrices.

(CA 18)

V. Le bien commun universel

338. Les dépendances humaines s’intensifient. Elles s’étendent peu à peu à la terre entière. L’unité de la famille humaine, rassemblant des êtres jouissant d’une dignité naturelle égale, implique un bien commun universel. Celui-ci appelle une organisation de la communauté des nations capable de " pourvoir aux divers besoins des hommes, aussi bien dans le domaine de la vie sociale (alimentation, santé, éducation ...), que pour faire face à maintes circonstances particulières qui peuvent surgir ici ou là (par exemple : subvenir aux misères des réfugiés, l’assistance aux migrants et à leurs familles ...) " (GS, n. 84).

(CEC 1911)

339. Pas plus que du bien commun des Cités particulières, on ne peut juger de ce qui est utile à toutes les Cités en général, si ce n’est en référence à la personne humaine ; c’est pourquoi l’autorité publique et universelle doit surtout viser à ce que l’on reconnaisse les droits de la personne humaine, à ce qu’on les honore comme il se doit, à ce qu’on les conserve sans atteintes, à ce qu’ils croissent en substance ; ce qu’elle peut réaliser soit par elle-même, s’il y a lieu, soit en créant sur le plan mondial les conditions grâce auxquelles les gouvernants des Cités particulières pourront remplir plus facilement leurs charges.

(PT 139)

VI. Les organisations transnationales et internationales

340. Nous désirons donc vivement que l’Organisation des Nations Unies puisse de plus en plus adapter sa forme et ses moyens d’action à l’ampleur et à la noblesse de ses charges. Puisse-t-il arriver bientôt, le moment où cette Organisation pourra protéger efficacement les droits de la personne humaine : ces droits qui, découlant immédiatement de la dignité de la personne humaine, sont pour cette raison universels, inviolables et inaliénables ; d’autant plus qu’aujourd’hui les hommes participent toujours davantage aux affaires publiques de leur propre nation, qu’ils témoignent d’un intérêt croissant pour les affaires de tous les peuples, et qu’ils sont toujours plus conscients d’appartenir en tant que membres vivants à la famille universelle des hommes.

(PT 145)

341. Cette collaboration internationale à vocation mondiale requiert des Institutions qui la préparent, la coordonnent et la régissent, jusqu’à constituer un nouvel ordre juridique universellement reconnu. De tout cœur, Nous encourageons les organisations qui ont pris en main cette collaboration au développement, et souhaitons que leur autorité s’accroisse. " Votre vocation, disions-Nous aux représentants des Nations unies à New York, est de faire fraterniser, non pas quelques-uns des peuples, mais tous les peuples… "

(PP 78)

342. Les progrès des sciences et des techniques dans tous les domaines de la vie sociale multiplient et resserrent les rapports entre les nations, rendent leur interdépendance toujours plus profonde et vitale.

Par suite, on peut dire que tout problème humain de quelque importance, quel qu’en soit le contenu, scientifique, technique, économique, social, politique, culturel, revêt aujourd’hui des dimensions supranationales et souvent mondiales.

C’est pourquoi, prises isolément, les communautés politiques ne sont plus à même de résoudre convenablement leurs plus grands problèmes par elles-mêmes et avec leurs seules forces, même si elles se distinguent par une haute culture largement répandue, par le nombre et l’activité de leurs citoyens, par l’efficience de leur régime économique, par l’étendue et la richesse de leur territoire. Les nations se conditionnent réciproquement, et on peut affirmer que chacune se développe en contribuant au développement des autres. Par suite, entente et collaboration s’imposent entre elles.

(MM 200-202)

343. Il faudrait encore aller plus loin. Nous demandions à Bombay la constitution d’un grand Fonds mondial alimenté par une partie des dépenses militaires, pour venir en aide aux plus déshérités. Ce qui vaut pour la lutte immédiate contre la misère vaut aussi à propos du développement. Seule une collaboration mondiale, dont un fonds commun serait à la fois le symbole et l’instrument, permettrait de surmonter les rivalités stériles et de susciter un dialogue fécond et pacifique entre tous les peuples.

(PP 51)

VII. L’immigration

344. L’affection paternelle que Dieu Nous inspire envers tous les hommes Nous fait considérer avec tristesse le phénomène des réfugiés politiques. Ce phénomène a pris d’amples proportions et s’accompagne toujours d’innombrables et incroyables souffrances.

Ce fait montre que certains gouvernements restreignent à l’excès la sphère de liberté à laquelle chaque citoyen a droit et dont il a besoin pour vivre en homme ; ces régimes vont parfois jusqu’à contester le droit même à la liberté, quand ils ne le suppriment pas tout à fait. Quand cela se produit, sans aucun doute l’ordre de la société civile se trouve radicalement renversé ; en effet la puissance publique vise par nature à protéger le bien de la communauté, et son premier devoir est de reconnaître le juste domaine de la liberté et d’en protéger les droits.

(PT 103-104)

345. Le continent américain a connu dans son histoire de nombreux mouvements d’immigration, avec des multitudes d’hommes et de femmes arrivés de diverses régions dans l’espoir d’un avenir meilleur. Le phénomène se poursuit encore aujourd’hui ; il concerne en particulier de nombreuses personnes et familles provenant de pays latino-américains, qui se sont fixées dans les régions du nord du continent, au point de constituer, en certains cas, une partie considérable de la population. Elles apportent souvent un patrimoine culturel et religieux riche d’éléments chrétiens caractéristiques. L’Église a conscience des problèmes créés par cette situation et elle s’efforce d’exercer le plus possible son action pastorale parmi ces immigrés, pour faciliter leur établissement dans le territoire et pour susciter en même temps un comportement d’accueil de la part des populations locales, dans la conviction que l’ouverture réciproque entraînera un enrichissement pour tous. Les communautés ecclésiales ne manqueront pas de voir dans ce phénomène un appel spécifique à vivre la valeur évangélique de la fraternité, et en même temps l’invitation à donner un nouvel élan à leur propre religiosité en vue d’une action évangélisatrice plus incisive. Dans ce sens, les Pères synodaux ont rappelé que " l’Église en Amérique doit être une avocate vigilante qui défend, contre toute restriction injuste, le droit naturel de toute personne à se déplacer librement à l’intérieur de son pays et d’un pays à l’autre. Il faut être attentif aux droits des migrants et de leurs familles et au respect de leur dignité humaine, y compris dans les cas d’immigration irrégulière ". À l’égard des migrants, il faut un comportement hospitalier et accueillant, qui les encourage à s’insérer dans la vie ecclésiale, étant toujours sauves leur liberté et leur identité culturelle particulière. Dans ce but, il est extrêmement utile que collaborent ensemble les diocèses d’où ils proviennent et ceux dans lesquels ils sont accueillis, notamment grâce à des structures pastorales appropriées prévues par la législation ou la pratique de l’Église est des plus profitables. On peut ainsi garantir le soutien pastoral le plus approprié et le plus complet possible. L’Église en Amérique doit être animée par le souci constant de veiller à ce que ne fasse pas défaut une évangélisation efficace de ceux qui sont arrivés récemment et qui ne connaissent pas encore le Christ.

(Ecclesia in America 65)

346. Par d’amères expériences, nous savons donc que la peur de la " différence ", surtout quand elle s’exprime dans un nationalisme étroit et exclusif qui nie tout droit à l’ " autre ", peut conduire véritablement à l’horreur de la violence et de la terreur. Et pourtant, si nous nous efforçons d’apprécier objectivement la réalité, nous sommes en mesure de constater que, au-delà de toutes les différences qui caractérisent les individus et les peuples, il y a entre eux une affinité fondamentale, étant donné que les diverses cultures ne sont en réalité que des

manières différentes d’aborder la question du sens de l’existence personnelle. C’est justement là que nous pouvons mettre en évidence une source du respect qui est dû à toute culture et à toute nation.

(Discours à la 50e assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies, 1995, 9)

 

VIII. La dette extérieure

347. L’existence d’une dette extérieure qui étouffe beaucoup de peuples du continent américain constitue un problème complexe. Sans pour autant entrer dans ses nombreux aspects, l’Église, dans sa sollicitude pastorale, ne peut pas ignorer ce problème, car il concerne la vie d’un grand nombre de personnes. C’est pourquoi diverses Conférences épiscopales en Amérique, conscientes de la gravité de cette question, ont organisé à ce sujet des rencontres d’étude et ont publié des documents visant à proposer des solutions concrètes. Moi-même, j’ai exprimé plusieurs fois ma préoccupation face à cette situation, devenue en certains cas insoutenable. Dans la perspective du grand Jubilé de l’An 2000, maintenant tout proche, et me souvenant de la signification sociale que les jubilés revêtaient dans l’Ancien Testament, j’ai écrit : " Dans l’esprit du Livre du Lévitique (25, 8-12), les chrétiens devront se faire la voix de tous les pauvres du monde, proposant que le Jubilé soit un moment favorable pour penser, entre autres, à une réduction importante, sinon à un effacement total, de la dette internationale qui pèse sur le destin de nombreuses nations " (TMA 36).

J’exprime à nouveau le souhait, repris par le Synode, que le Conseil pontifical " Justice et Paix ", avec d’autres organismes compétents comme la Section pour les Relations avec les États de la Secrétairerie d’État, " cherche, par l’étude et le dialogue avec des représentants du Premier Monde et avec des responsables de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, des voies de solution au problème de la dette extérieure ainsi que des normes qui empêchent que de telles situations se reproduisent à l’occasion de futurs emprunts ". Au niveau le plus large possible, il serait opportun que " des experts en économie et en questions monétaires, de renommée internationale, procèdent à une analyse critique de l’ordre économique mondial, dans ses aspects positifs et négatifs, pour corriger l’ordre actuel et proposer un système et des mécanismes en mesure d’assurer le développement intégral et solidaire des personnes et des peuples ".

(Ecclesia in America 59)

348. En outre, dans sa recherche de la justice au sein d’un monde contrasté par les inégalités sociales et économiques, l’Église ne peut ignorer le poids écrasant de la dette de nombreux pays en voie de développement en Asie, avec l’impact qui en résulte pour le présent et pour l’avenir. Dans de nombreux cas, ces pays sont obligés de tailler dans les dépenses pour les nécessités vitales, comme la nourriture, la santé, l’habitat et l’éducation, afin d’honorer les dettes contractées auprès des agences monétaires internationales et des banques. Cela signifie que de nombreuses personnes sont soumises à des conditions de vie qui constituent un affront à la dignité de l’homme.

(Ecclesia in Asia 40)

349. Les Pères synodaux ont manifesté leur préoccupation pour la dette extérieure qui afflige de nombreuses nations américaines, exprimant leur solidarité avec elles. Ils attirent avec force l’attention de l’opinion publique sur la complexité de la question, reconnaissant que " la dette est souvent le fruit de la corruption et de la mauvaise administration ". Dans l’esprit de la réflexion synodale, cette reconnaissance ne prétend pas concentrer sur un seul pôle les responsabilités d’un phénomène extrêmement complexe dans son origine et dans ses solutions. En effet, parmi les causes qui ont contribué à la formation d’une dette extérieure écrasante, il faut signaler non seulement les intérêts élevés, fruit de politiques financières spéculatives, mais aussi l’irresponsabilité de certains gouvernants qui, en contractant une dette, n’ont pas réfléchi suffisamment aux possibilités réelles de l’éteindre, avec comme circonstance aggravante que des sommes considérables obtenues grâce aux prêts internationaux vont parfois enrichir des individus, au lieu de servir à soutenir les changements nécessaires au développement du pays. D’autre part, il serait injuste de faire peser les conséquences de ces décisions irresponsables sur ceux qui ne les ont pas prises. La gravité de la situation est encore plus compréhensible si l’on tient compte du fait que " déjà le seul paiement des intérêts constitue pour l’économie des pays pauvres un poids qui enlève aux autorités la disponibilité de l’argent nécessaire pour le développement social, l’éducation, la santé et l’institution d’un fonds pour créer du travail ".

(Ecclesia in America 22)

 

IX. Nationalisme et tensions ethniques

350. D’autres obstacles encore empêchent la société humaine actuelle de devenir plus équitable, et de se structurer plus sûrement et pleinement dans une solidarité mutuelle de tous les hommes : Nous voulons parler tant de la glorification de sa propre Cité (nationalisme) que d’une sorte de célébration de son propre lignage (racisme). Car on remarque avant tout que les peuples qui ne sont que récemment devenus administrateurs de la chose publique avec un droit propre, sont jaloux d’une unité nationale encore fragile et qu’ils la protégent de toutes leurs forces ; de même les nations de vieille culture sont fières des institutions que leurs Pères leur ont transmises comme héritage. Mais ces sentiments, que l’on ne peut absolument pas incriminer, doivent être sublimés vers une perfection, à savoir par la charité, qui embrasse tout le genre humain. Car la glorification de sa propre nation isole les peuples, et fait obstacle à leur bien véritable ; elle commence par porter un très grand dommage là où le manque de biens à administrer demande au contraire la mise en commun des efforts, des connaissances et des moyens financiers, pour réaliser les programmes de développement économique, accroître et établir les échanges commerciaux et culturels.

(PP 62)

351. Le premier principe est la dignité inaliénable de chaque personne humaine, sans aucune distinction fondée sur son origine raciale, ethnique, culturelle, nationale, ou sur sa croyance religieuse. Personne n’existe pour soi-même, mais chacun trouve sa pleine identité par rapport aux autres, personnes ou groupes ; on peut en dire autant des groupes humains.

(Message pour la Journée mondiale de la paix, 1989, 3)

352. Il reste beaucoup à faire, aujourd’hui encore, pour surmonter l’intolérance religieuse, qui est étroitement liée, en différentes parties du monde, à l’oppression des minorités. Nous sommes malheureusement témoins de tentatives pour imposer à d’autres des convictions religieuses particulières, que ce soit directement, par un prosélytisme qui recourt à des moyens proprement coercitifs, ou indirectement, par la négation de certains droits civils ou politiques. … L’intolérance peut aussi être le fruit d’un certain fondamentalisme. Celui-ci constitue une tentation qui revient sans cesse. Il peut facilement entraîner de graves abus comme la suppression radicale de toute manifestation publique de différence ou même le refus de la liberté d’expression comme telle. Le fondamentalisme peut lui aussi mener à l’exclusion de l’autre dans la vie civile…

(Message pour la Journée mondiale de la paix, 1991, 4)

353. Le parti pris pour sa propre lignée (racisme) n’est pas l’apanage exclusif des nations récemment devenues " sui iuris ", où ce culte se dissimule parfois sous les rivalités de clans et de partis politiques, portant non seulement un grand préjudice à la justice, mais mettant aussi en péril la tranquillité et la santé des citoyens. Durant l’ère coloniale ce parti pris a suscité souvent des ruptures entre colons et autochtones, les empêchant de parvenir à une concorde mutuelle et fructueuse des esprits, et enflammant d’amères rancœurs à la suite de réelles injustices. Il est encore un obstacle à la collaboration entre nations défavorisées et un ferment de division et de haine au sein même des États quand, au mépris des droits de l’homme, des individus ou des familles se voient injustement écartés des principaux droits des autres citoyens, en raison de leur race ou de leur couleur.

(PP 63)

354. Si l’Église en Amérique, fidèle à l’Évangile du Christ, entend parcourir le chemin de la solidarité, elle doit porter une attention spéciale aux ethnies qui, aujourd’hui encore, sont l’objet de discriminations injustes. En effet, il faut supprimer toute tentative d’exclusion à l’égard des populations autochtones. Cela implique, en premier lieu, que l’on doit respecter leurs territoires et les accords passés avec eux ; il faut également répondre à leurs légitimes besoins sociaux, sanitaires, culturels. Et comment oublier l’exigence de réconciliation entre les peuples autochtones et les sociétés dans lesquelles ils vivent ?

(Ecclesia in America 64)

355. La condamnation du racisme et des faits de racisme est nécessaire. L’application des mesures législatives, disciplinaires et administratives à leur encontre, voire des pressions extérieures appropriées, peut être opportune. Les pays et les organisations internationales ont là tout un espace d’initiatives à prendre ou à susciter. Et c’est également la responsabilité des citoyens concernés, sans pour autant en venir, par la violence, à remplacer une situation injuste par une autre injustice. Il importe toujours d’envisager des solutions constructives.

(L’Église face au racisme, n. 33)

356. Les laïcs, que leur vocation spécifique place au coeur du monde et à la tête des tâches temporelles les plus variées, doivent exercer par là même une forme singulière d’évangélisation … Le champ propre de leur activité évangélisatrice, c’est le monde vaste et compliqué de la politique, du social, de l’économie, mais également de la culture, des sciences et des arts, de la vie internationale, des mass media ainsi que certaines autres réalités ouvertes à l’évangélisation comme sont l’amour, la famille, l’éducation des enfants et des adolescents, le travail professionnel, la souffrance.

(EN 70)

X. L’économie globale

357. La tendance à la mondialisation, caractéristique du monde contemporain, est un phénomène qui, tout en n’étant pas exclusivement américain, est plus perceptible et a de plus grandes répercussions en Amérique. Il s’agit d’un processus qui s’impose en raison du fait qu’il y a une plus grande communication entre les diverses parties du monde, ce qui abolit pratiquement les distances, avec des effets évidents dans des domaines très différents. Les conséquences sur le plan éthique peuvent être positives ou négatives. On assiste en réalité à une mondialisation économique qui s’accompagne de certaines conséquences positives comme le phénomène de l’efficacité et de l’accroissement de la productivité, et qui, avec le développement des relations entre les divers pays dans le domaine économique, peut renforcer le processus d’unité entre les peuples et améliorer le service rendu à la famille humaine. Si cependant la mondialisation est régie par les seules lois du marché appliquées selon l’intérêt des puissants, les conséquences ne peuvent être que négatives. Tels sont, par exemple, l’attribution d’une valeur absolue à l’économie, le chômage, la diminution et la détérioration de certains services publics, la destruction de l’environnement et de la nature, l’augmentation des différences entre les riches et les pauvres, la concurrence injuste qui place les nations pauvres dans une situation d’infériorité toujours plus marquée. Bien que l’Église estime les valeurs positives que comporte la mondialisation, elle en considère avec inquiétude les aspects négatifs.

(Ecclesia in America 20)

358. Pour édifier un véritable ordre économique mondial, il faut en finir avec l’appétit de bénéfices excessifs, avec les ambitions nationales et les volontés de domination politique, avec les calculs des stratégies militaristes ainsi qu’avec les manoeuvres dont le but est de propager ou d’imposer une idéologie.

(GS 85)

359. Le phénomène complexe de la mondialisation, comme je l’ai rappelé précédemment, est l’une des caractéristiques du monde actuel que l’on trouve particulièrement en Amérique. Dans cette réalité multiforme, l’aspect économique revêt une grande importance. Par sa doctrine sociale, l’Église offre une contribution valable à la problématique de l’économie actuelle mondialisée. Sa position morale en cette matière " s’appuie sur les trois pierres angulaires fondamentales de la dignité humaine, de la solidarité et de la subsidiarité ". L’économie mondialisée doit être analysée à la lumière des principes de la justice sociale, en respectant l’option préférentielle pour les pauvres, qui doivent être mis en mesure de se défendre dans une économie mondialisée, et les exigences du bien commun international. En réalité, " la doctrine sociale de l’Église est la position morale qui vise à stimuler les gouvernements, les institutions et les organisations privées, afin qu’ils préparent un avenir conforme à la dignité de toute personne. Dans cette perspective, on peut envisager les questions qui se rapportent à la dette extérieure, à la corruption politique intérieure et à la discrimination aussi bien à l’intérieur des nations qu’entre elles ". L’Église en Amérique est appelée non seulement à promouvoir une plus grande union entre les nations, contribuant ainsi à créer une authentique culture mondialisée de la solidarité, mais encore à collaborer par tous les moyens légitimes à la réduction des effets négatifs de la mondialisation, tels que la domination des plus forts sur les plus faibles, spécialement dans le domaine économique, et la perte des valeurs des cultures locales en faveur d’une uniformisation mal comprise.

(Ecclesia in America 55)

360. Bien que la société mondiale se présente comme éclatée, et cela apparaît dans la façon conventionnelle de parler du premier, deuxième, tiers et même quart-monde, l’interdépendance de ses diverses parties reste toujours très étroite, et si elle est dissociée des exigences éthiques, elle entraîne des conséquences funestes pour les plus faibles. Bien plus, cette interdépendance, en vertu d’une espèce de dynamique interne et sous la poussée de mécanismes que l’on ne peut qualifier autrement que de pervers, provoque des effets négatifs jusque dans les pays riches. A l’intérieur même de ces pays, on trouve, à un degré moindre, il est vrai, les manifestations les plus caractéristiques du sous-développement. Ainsi, il devrait être évident que ou bien le développement devient commun à toutes les parties du monde, ou bien il subit un processus de régression même dans les régions marquées par un progrès constant. Ce phénomène est particulièrement symptomatique de la nature du développement authentique : ou bien tous les pays du monde y participent, ou bien il ne sera pas authentique.

(SRS 17)

361. Les circonstances ayant changé, aussi bien dans les pays endettés que sur le marché financier international, l’instrument prévu pour contribuer au développement s’est transformé en un mécanisme à effet contraire. Et cela parce que, d’une part, les pays débiteurs, pour satisfaire le service de la dette, se voient dans l’obligation d’exporter des capitaux qui seraient nécessaires à l’accroissement ou tout au moins au maintien de leur niveau de vie, et parce que, d’autre part, pour la même raison, ils ne peuvent obtenir de nouveaux financements également indispensables.

(SRS 19)

 

362. Un autre domaine important dans lequel l'Église est présente dans toutes les parties de l'Amérique est l'assistance caritative et sociale. Les multiples initiatives en faveur des personnes âgées, des malades et de ceux qui sont dans le besoin, telles que les hospices, les hôpitaux, les dispensaires, les cantines gratuites et autres centres sociaux, sont un témoignage tangible de l'amour préférentiel pour les pauvres que nourrit l'Église en Amérique, animée par l'amour du Seigneur et consciente que " Jésus s'est identifié à eux (cf. Mt 25, 31-46) ". Dans cette tâche qui ne connaît pas de frontières, elle a su développer une conscience de la solidarité concrète entre les diverses communautés du continent et du monde entier, manifestant ainsi la fraternité qui doit caractériser les chrétiens en tout temps et en tout lieu.

Pour qu'il soit évangélique et évangélisateur, le service des pauvres doit être le reflet fidèle de l'attitude de Jésus, qui est venu " pour annoncer aux pauvres la Bonne Nouvelle " (Lc 4, 18). S'il se déroule dans cet esprit, il devient manifestation de l'amour infini de Dieu pour tous les hommes et moyen éloquent de transmettre l'espérance du salut que le Christ a apporté au monde, et qui resplendit de façon particulière quand la Bonne Nouvelle est communiquée à ceux qui sont abandonnés ou rejetés par la société. Ce dévouement constant envers les pauvres et les déshérités se retrouve dans le Magistère social de l'Église, qui ne se lasse pas d'inviter la communauté chrétienne à s'employer à ce que soit surmontée toute forme d'exploitation et d'oppression. Il s'agit, en effet, non seulement de soulager les besoins les plus graves et les plus urgents par le moyen d'actions individuelles ou sporadiques, mais de faire ressortir les racines du mal, proposant des interventions qui donnent aux structures sociales, politiques et économiques une configuration plus juste et plus solidaire.

(Ecclesia in America, n. 18)

363. L’une des principales caractéristiques de notre époque est l’augmentation des relations sociales (" socialisation ") : il s’agit de rapports mutuels et tous les jours plus intenses entre les citoyens, qui ont amené dans leur vie et dans leur action de multiples formes d’unions sociales, accueillies en droit privé ou public la plupart du temps. On voit plusieurs origines et sources à ce fait, qu’engendre l’ère actuelle : par exemple, les progrès scientifiques et techniques, une plus grande efficacité productive, un niveau de vie plus élevé des citoyens.

(MM 59)

364. Les progrès des sciences et des techniques dans tous les domaines de la vie sociale multiplient et resserrent les rapports entre les nations, rendent leur interdépendance toujours plus profonde et vitale.

Par suite, on peut dire que tout problème humain de quelque importance, quel qu’en soit le contenu, scientifique, technique, économique, social, politique, culturel, revêt aujourd’hui des dimensions supranationales et souvent mondiales.

(MM 200-201)

 

Article onzième :
Conclusion

 

I. Le défi de l’enseignement social catholique

365. Léon XIII, après avoir formulé les principes et les orientations pour une solution de la question ouvrière, a écrit ce mot d’ordre : " Que chacun se mette sans délai à la part qui lui incombe de peur qu’en différant le remède on ne rende incurable un mal déjà si grave ! ". Et il ajoutait : " Quant à l’Église, son action ne fera jamais défaut en aucune manière " (RN 71)

(CA 56)

366. Tels sont les vœux, vénérables frères, que Nous formulons en conclusion de cette lettre, à laquelle Nous avons depuis longtemps appliqué Notre sollicitude pour l’Église universelle. Nous les formulons pour que le divin Rédempteur des hommes, " qui de par Dieu est devenu pour nous sagesse, justice et sanctification, et rédemption " (1 Co 1, 30), règne et triomphe à travers les siècles en tous et sur toutes choses. Nous les formulons encore pour qu’après le rétablissement de la société dans l’ordre, tous les peuples jouissent finalement de la prospérité, de la joie et de la paix.

(MM 263)

367. Pour l’Église, le message social de l’Évangile ne doit pas être considéré comme une théorie mais avant tout comme un fondement et une motivation de l’action. Stimulés par ce message, quelques-uns des premiers chrétiens distribuaient leurs biens aux pauvres, montrant qu’en dépit des différences de provenance sociale, une convivialité harmonieuse et solidaire était possible. Par la force de l’Évangile, au cours des siècles, les moines ont cultivé la terre, les religieux et religieuses ont fondé des hôpitaux et des asiles pour les pauvres, les confréries ainsi que des hommes et des femmes de toutes conditions se sont engagés en faveur des nécessiteux et des marginaux, dans la conviction que les paroles du Christ " ce que vous avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait " (Mt 25,40) ne devaient pas rester un voeu pieux mais devenir un engagement concret de leur vie. Plus que jamais, l’Église sait que son message social sera rendu crédible par le témoignage des œuvres plus encore que par sa cohérence et sa logique internes. C’est aussi de cette conviction que découle son option préférentielle pour les pauvres, qui n’est jamais exclusive ni discriminatoire à l’égard d’autres groupes. Il s’agit en effet d’une option qui ne vaut pas seulement pour la pauvreté matérielle : on sait bien que, surtout dans la société moderne, on trouve de nombreuses formes de pauvreté, économique mais aussi culturelle et religieuse. L’amour de l’Église pour les pauvres, qui est capital et qui fait partie de sa tradition constante, la pousse à se tourner vers le monde dans lequel, malgré le progrès technique et économique, la pauvreté menace de prendre des proportions gigantesques. Dans les pays occidentaux, il y a la pauvreté aux multiples formes des groupes marginaux, des personnes âgées et des malades, des victimes de la civilisation de consommation et, plus encore, celle d’une multitude de réfugiés et d’émigrés ; dans les pays en voie de développement, on voit poindre à l’horizon des crises qui seront dramatiques si l’on ne prend pas en temps voulu des mesures coordonnées au niveau international.

(CA 57)

368. Dans cet effort, les fils de l’Église doivent être des exemples et des guides, car ils sont appelés, selon le programme proclamé par Jésus lui-même dans la synagogue de Nazareth, à " porter la bonne nouvelle aux pauvres, [...] annoncer aux captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer en liberté les opprimés, proclamer une année de grâce du Seigneur " (Lc 4, 18-19). Il convient de souligner le rôle prépondérant qui incombe aux laïcs, hommes et femmes, comme l’a redit la récente Assemblée synodale. Il leur revient d’animer les réalités temporelles avec un zèle chrétien et de s’y conduire en témoins et en artisans de paix et de justice. Je voudrais m’adresser particulièrement à ceux qui, par le sacrement du baptême et la profession du même Credo, participent avec nous à une vraie communion, même si elle n’est pas parfaite. Je suis sûr que le souci exprimé par la présente lettre, aussi bien que les motivations qui l’animent, leur sont familiers parce que c’est l’Évangile du Christ Jésus qui les inspire. Nous pouvons trouver ici une invitation nouvelle à donner un témoignage unanime de nos convictions communes sur la dignité de l’homme, créé par Dieu, sauvé par le Christ, sanctifié par l’Esprit, et appelé à vivre dans ce monde une vie conforme à cette dignité. A ceux qui partagent avec nous l’héritage d’Abraham, " notre père dans la foi " (cf. Rm 4, 11-12), et la tradition de l’Ancien Testament, les Juifs, à ceux qui, comme nous, croient en Dieu juste et miséricordieux, les Musulmans j’adresse également cet appel qui s’étend aussi à tous les disciples des grandes religions du monde.

(SRS 47)

369. C’est à tous les chrétiens que Nous adressons à nouveau et de façon pressante, un appel à l’action. Dans notre encyclique sur le Développement des Peuples, Nous insistions pour que tous se mettent à l’œuvre : " Les laïcs doivent assumer comme leur tâche propre le renouvellement de l’ordre temporel ; si le rôle de la hiérarchie est d’enseigner et d’interpréter authentiquement les principes moraux à suivre en ce domaine, il leur appartient, par leurs libres initiatives et sans attendre passivement consignes et directives, de pénétrer d’esprit chrétien la mentalité et les mœurs, les lois et les structures de leur communauté de vie " (PP 81). Que chacun s’examine pour voir ce qu’il a fait jusqu’ici et ce qu’il devrait faire. Il ne suffit pas de rappeler des principes, d’affirmer des intentions, de souligner des injustices criantes et de proférer des dénonciations prophétiques : ces paroles n’auront de poids réel que si elles s’accompagnent pour chacun d’une prise de conscience plus vive de sa propre responsabilité et d’une action effective. Il est trop facile de rejeter sur les autres la responsabilité des injustices, si on ne perçoit pas en même temps comment on y participe soi-même et comment la conversion personnelle est d’abord nécessaire. Cette humilité fondamentale enlèvera à l’action toute raideur et tout sectarisme ; elle évitera aussi le découragement en face d’une tâche qui apparaît démesurée. L’espérance du chrétien lui vient d’abord de ce qu’il sait que le Seigneur est à l’œuvre avec nous dans le monde, continuant en son Corps qui est l’Église — et par elle dans l’humanité entière — la Rédemption qui s’est accomplie sur la Croix et qui a éclaté en victoire au matin de la Résurrection (cf. Mt 28, 30 ; Ph 2, 8-11). Elle vient aussi de ce qu’il sait que d’autres hommes sont à l’œuvre pour entreprendre des actions convergentes de justice et de paix ; car sous une apparente indifférence, il y a au cœur de chaque homme une volonté de vie fraternelle et une soif de justice et de paix, qu’il s’agit d’épanouir.

(OA 48)

 

 

Bibliographie

 

 

Catéchisme de l'Église catholique (1994).

Code de droit canonique (1983).

Concile Vatican I. Constitution dogmatique sur la foi catholique (Dei Filius).

Concile Vatican II. Messages finaux du Concile. "Aux femmes" (8 décembre 1965).

______. Constitution dogmatique sur l'Église (Lumen Gentium), 21 novembre 1964.

______. Constitution dogmatique sur la révélation divine (Dei Verbum), 18 novembre 1965.

______. Constitution pastorale sur l'Église dans le monde de ce temps (Gaudium etSpes), 1 décembre 1965.

______. Déclaration sur l'éducation chrétienne (Gravissimum Educationis), 28 octobre 1965.

______. Déclaration sur la liberté religieuse (Dignitatis Humanae), 7 décembre 1965.

______. Décret sur l'apostolat des laïcs (Apostolicam Actuositatem), 18 novembre 1965.

Conseil Pontifical "Justice et Paix". L'Église face au racisme: pour une société plus fraternelle, 1988.

Jean XXIII. Lettre encyclique Mater et Magistra (sur le progrès social), 15 mai 1961.

______. Lettre encyclique Pacem in Terris (sur la paix entre toutes les nations), 11 avril 1963.

Jean Paul II Discours à la 3ème Conférence générale des Évêques d'Amérique Latine, 28 janvier 1979.

______. Discours à la 50ème Assemblée générale de l'Organisation des Nations Unies, 5 octobre 1995.

______. Discours au 7ème Symposium des Évêques européens, 1989.

______. Exhortation apostolique Familiaris Consortio (sur la mission de la famille chrétienne dans le monde de ce temps), 22 novembre 1981.

______. Exhortation apostolique post-synodale Christifideles Laici (30 décembre 1988).

______. Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Africa (19 septembre 1995).

______. Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in America (22 janvier 1999).

______. Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Asia (19 novembre 1999).

______. Exhortation apostolique post-synodale Reconciliatio et Paenitentia (Réconciliation et pénitence), 14 février 1984.

______. Homélie à Baltimore (8 octobre 1995).

______. Homélie de béatification d'Isidore Bakanja, Elisabetta Canori Mora et Gianna Beretta Molla (24 avril 1994): L'Osservatore romano, 25-26 avril 1994.

______. Lettre apostolique Mulieris Dignitatem (sur la dignité et la vocation de la femme), 15 août 1988.

______. Lettre apostolique Tertio Millennio Adveniente (sur la préparation du Jubilé de l'an 2000), 10 novembre 1994.

______. Lettre aux familles (Gratissimam Sane), 2 février 1994. . Lettre aux femmes (29 juin 1995).

______. Lettre encyclique Centesimus Annus (à l'occasion du centenaire de l'encyclique Rerum novarum), 1er mai 1991.

______. Lettre encyclique Dives in Misericordia (sur la miséricorde de Dieu), 13 novembre 1980.

______. Lettre encyclique Dominum et Vivificantem (sur le Saint-Esprit dans la vie de l'Église), 18 mai 1986.

______. Lettre encyclique Evangelium Vitae (sur la valeur et l'inviolabilité de la vie humaine), 25 mars 1995.

______. Lettre encyclique Fides et Ratio (sur la foi et la raison), 14 septembre 1998.

______. Lettre encyclique Laborem Exercens (sur le travail humain), 14 septembre 1981.

______. Lettre encyclique Redemptoris Hominis (sur le Rédempteur de l'homme), 4 mars 1979.

______. Lettre encyclique Redemptoris Mater (sur la mère du Rédempteur), 25 mars 1987.

______. Lettre encyclique Redemptoris Missio (sur la valeur permanente du précepte missionnaire), 7 décembre 1990.

______. Lettre encyclique Sollicitude Rei Socialis (sur la question sociale), 30 décembre 1987.

______. Lettre encyclique Veritatis Splendor (sur quelques questions fondamentales de l'enseignement moral de l'Église), 6 août 1993.

______. Message à la IIe Session spéciale des Nations Unies pour le Désarmement (7 juin 1982).

______. "Message pour la Journée mondiale de la Paix" (1er janvier 1981).

______. "Message pour la Journée mondiale de la Paix" (1er janvier 1985).

______. "Message pour la Journée mondiale de la Paix" (1er janvier 1986).

______. "Message pour la Journée mondiale de la Paix" (1er janvier 1988).

______. "Message pour la Journée mondiale de la Paix" (1er janvier 1989).

______. "Message pour la Journée mondiale de la Paix" (1er janvier 1991).

______. "Message pour la Journée mondiale de la Paix" (1er janvier 1994).

______. "Message pour la Journée mondiale de la Paix" (1er janvier 1998).

______. "Message pour la Journée mondiale de la Paix" (1er janvier 1999).

______. "Message pour la Journée mondiale de la Paix" (1er janvier 2000).

Léon XIII. Lettre encyclique Rerum Novarum (sur la condition des ouvriers), 15 mai 1891.

Missel romain. Prière avant la communion.

Paul VI. Exhortation apostolique Evangelii Nuntiandi (sur l'évangélisation dans le monde moderne), 8 décembre 1975.

______. Homélie pour la clôture de l'année sainte (25 décembre 1975).

______. Lettre à la Cinquante et unième Session des Semaines Sociales Françaises. Dans Le travail et les travailleurs dans la société contemporaine, Lyon, Chronique Sociale, 1965.

______. Lettre encyclique Ecclesiam Suam (sur l'Église), 6 août 1964.

______. Lettre encyclique Populorum Progressio (sur le développement des peuples), 26 mars 1967.

______. Lettre apostolique Octogesima Adveniens (un appel à l'action), 14 mai 1971.

______. Message au monde, remis aux journalistes (4 décembre 1964).

______. Profession de foi du peuple de Dieu (30 juin 1968).

Pie XI. Lettre encyclique Divini Redemptoris (sur le communisme athée), 19 mars 1937.

______. Lettre encyclique Quadragesimo Anno (sur la restauration de l'ordre social), 15 mai 1931.

______. Lettre encyclique Ubi Arcano Dei Consilio (sur la paix du Christ dans le Royaume du Christ), 23 décembre 1922.

Pie XII. Allocution (8 octobre 1956).

______. Discours (29 octobre 1951).

______. Message radiophonique de la veille de Noël, 1944.

______. Message de Noël, 1942.

Saint Augustin. De civitate Dei.

Saint Clément de Rome. Epistula ad Corinthios.

Saint Grégoire le Grand. Evangelium Homiliae.

Saint Irénée. Adversus Haereses.

Saint Thomas d'Aquin. Summa Theologiae.

Sainte Congrégation pour la doctrine de la foi. Déclaration Iura et Bona (sur l'euthanasie), 5 mai 1980.

______. Instruction sur la liberté chrétienne et la libération (Libertatis Conscientia), 22 mars 1986.

______. Instruction sur quelques aspects de la "Théologie de la libération" (Libertatis Nuntius), 6 août 1984.

______. Instruction sur le respect de la vie humaine naissante et la dignité de la procréation (Donum Vitae), 22 février 1987.

 

Index analytique

(les chiffres renvoient aux numéros des paragraphes)

 

ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE (212, 213, 238)

ALIÉNATION (146, 147, 215, 248, 322)

AMOUR

"civilisation de l'amour" (114, 132)

rapport avec la justice (295)

ANTHROPOLOGIE

erreur anthropologique (316)

l'humanité est le sommet de tout l'ordre de la création (116)

ARMEMENTS (334-337)

ASSISTANCE (voir SÉCURITÉ)

naissance de 1' "état-providence"

ASSOCIATIONS (62, 134, 135, 196, 229)

droit de s'associer (73, 277, 278, 281, 290)

ATHÉISME (225)

AUTODÉTERMINATION (122) faculté d' (49)

AUTONOMIE (voir LIBERTÉ)

AUTORITÉ

autorité civile, questions principales (172, 174, 183)

autorité politique exercée dans l'ordre moral (111, 178, 180)

dignité de l'Etat d'autorité (142, 195)

exercice légitime de l'autorité politique (111-113, 170, 309)

légitimité morale de l'autorité de l'Etat (169, 181)

monopole-privilège de l'autorité civile (283)

nécessité d'autorité de la société civile (111, 178, 180)

syndicats d'autorité (283)

trois principales fonctions de l'autorité publique (194)

AVORTEMENT (106, 107, 108, 110)

BIEN COMMUN (25, 46, 65, 111-113, 126, 134, 135, 139, 156, 167-174, 176, 178, 179, 181, 192, 195, 209, 222, 229, 230, 235, 236, 243, 244, 245, 263, 264, 280, 282, 285, 292, 309, 310, 330, 338, 339, 344)

CAPITAL (231)

CAPITALISME (210, 211, 220, 236, 245)

CHARITÉ

charité et église (4, 11, 226, 305, 306)

charité, le commandement social le plus important (300)

charité sociale (132, 216, 331)

obligations de la charité chrétienne (204)

CHÔMAGE (voir SÉCURITÉ) (138, 230)

emploi approprié pour tous (274)

CITOYEN (180, 194)

coopération responsable entre citoyens (222)

CIVILISATION (63, 157, 164)

"civilisation de l'amour" (114, 132)

COERCITION (58, 78, 81, 83, 258)

COLLECTIVISME (134, 207, 237)

COMMERCE

emploi de la force dans le commerce (328)

équité dans les relations commerciales (328, 329)

le libre commerce doit se soumettre aux exigences de la justice sociale (327)

COMMUNAUTÉ DES NATIONS (338)

COMMUNAUTÉS/ORGANISATIONS INTERMÉDIAIRES (64, 65, 131, 135, 173, 195, 232)

COMMUNAUTÉ/ORGANISATIONS INTERNATIONALES (339-343, 347)

COMMUNISME (210, 220)

CONSCIENCE (24)

dignité de la conscience (44)

liberté de conscience (80, 83, 184, 270)

loi inscrite dans le cœur (53, 109)

CONSOMMATION, PHÉNOMÈNE DE LA (58, 64, 146, 161, 248, 249, 250, 298, 311, 316)

COOPÉRATION (27, 173, 195, 240, 244, 342, 345)

CULTURE (156-159, 250)

attitude de la culture envers le mystère de Dieu (160)

comprendre l'homme dans la sphère de la culture (160)

"culture de mort/culture de vie" (85, 105)

rétablissement de la culture en Christ (155)

DÉMOCRATIE (58)

importance de la loi (182, 197)

la valeur morale de la démocratie se maintient ou disparaît en fonction des valeurs qu'elle promeut (199)

reconnaissance des droits humains (67)

respect de l'église de l'ordre démocratique (198)

DESTINATION UNIVERSELLE DES BIENS MATÉRIELS

développement de la terre (202, 318)

emploi commun des biens (202, 203, 205, 207, 208, 214, 314)

nécessité et légitimité de la propriété privée (203-209, 238)

propriété privée sous une "hypothèque sociale" (207-208)

DETTE

allégement de la dette (347, 348, 361)

année du jubilé (347)

dette extérieure (347, 348, 349, 361)

DÉVELOPPEMENT

développement authentique (40,166, 360)

développement des dons personnels (54)

développement humain authentique (128, 141, 161, 165, 200, 294, 296)

développement intégral (163)

le développement économique se poursuit au-dessus de la tête des pauvres (291)

sous-développement (130, 162, 360)

DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE (162, 165, 171, 282, 291, 299)

DIALOGUE (60, 127, 286)

dialogue interdisciplinaire (24)

DIGNITÉ (incluant toute référence à la dignité humaine, dignité de la personne humaine ou dignité transcendante de l'homme) (39, 41-44, 46,47, 49, 57, 68, 69, 71, 75, 76, 79, 82, 112, 113, 119, 144, 145, 150, 152, 168, 198,201,219, 269, 272, 303, 321, 331, 351, 368)

DISCRIMINATION (293, 354)

contre veuves, mères et femmes (114, 117, 275)

discrimination raciale (75, 76, 275, 350, 353, 354, 355)

DOCTRINE, DÉVELOPPEMENT DE LA (29)

DOCTRINE SOCIALE (voir ENSEIGNEMENT SOCIAL CATHOLIQUE)

DROIT DE PROPRIÉTÉ (voir DESTINATION UNIVERSELLE DES BIENS MATÉRIELS)

DROITS ÉCONOMIQUES

droit de pourvoir aux besoins de la vie (137, 229, 275, 276)

DROITS HUMAINS (67-74, 77, 82, 83, 137, 290)

devoir de respecter les droits des autres (74, 75)

droit à la vie (66, 70, 104, 107, 108, 109, 201, 274, 276)

droits de l'homme face à la société (71)

protection par l'Église des droits humains (44)

ÉCOLOGIE HUMAINE (318)

par rapport à la famille (85, 319)

ÉCONOMIE (217)

économie de libre marché comme l'instrument le plus efficace (213)

ÉCONOMISME (248)

ÉDUCATION (voir FAMILLE)

comme participation à l'activité créative de Dieu (96)

ÉGALITÉ (75, 139, 144)

ÉGLISE CATHOLIQUE, L'

église, "colonne et support de la vérité" (6, 31)

église et charité (4, 11, 226, 306, 307)

église et état d'autorité (2)

église et guerre (336)

église et modèles économiques, politiques et philosophiques (25, 28, 31, 57)

église et monde (12, 14, 15, 20, 32, 227, 304)

église et responsabilité sociale (5, 9, 15, 16, 17, 18, 224, 227, 304)

église levain de la société (7, 18)

église, mère et maîtresse des nations (1, 3, 5, 22)

église révélant le mystère de Dieu (10)

mission sociale évangélisatrice de l'église (8, 11, 13, 17, 18, 20, 22, 33, 36, 39, 40, 77, 105, 125, 159, 224, 325, 354, 365-369)

ÉGLISE ET ETAT, RAPPORTS ENTRE (191)

EMPLOI (293)

ENFANTS (93, 100)

ENSEIGNEMENT SOCIAL CATHOLIQUE (18, 19, 21, 24, 26, 29, 30, 32, 35, 39, 40, 65, 244, 285, 359, 365-369)

ENTREPRENEUR

capacité d'entreprise (240)

ENTREPRISE (241, 246, 247, 259, 308, 320)

comme "communauté de travail" (240, 268, 269)

ENVIRONNEMENT

destruction de l'environnement humain (318)

exploitation de l'environnement (315-317, 320, 357)

gestion (319, 321)

ordre de la création est bon, 1' (311)

problèmes de l'environnement (313)

ressources naturelles limitées (314)

respect de l'intégrité de la création (312)

ESCLAVAGE (76, 165)

des systèmes économiques (248)

ETAT (236, 239)

absorption par l'Etat (64)

devoir de protéger l'institution de la famille (88)

droit d'exister (124)

normes qui gèrent les relations entre états (124, 153)

tâche de l'Etat dans le secteur économique (238, 308)

théorie de l'Etat (186)

EUTHANASIE (106, 108)

ÉVANGÉLISATION (voir ÉGLISE CATHOLIQUE, L')

"nouvelle évangélisation" et enseignement social catholique (33, 39, 40, 345)

ÉVANGILE (36, 44, 158)

évangile et dignité humaine (44)

force pour la libération (223)

prêcher l'évangile de la vie (38, 100, 101)

EXPLOITATION (voir ENVIRONNEMENT)

exploitation humaine (133, 208)

FAMILLE (65, 89, 94, 280)

"communauté de vie et d'amour" (87, 100)

"communauté de travail et de solidarité" (131)

contribution sociale de la famille (86, 98)

devoir de la famille d'éduquer les enfants (96)

église domestique (100)

intervention de l'Etat dans la famille (65, 88, 99, 142, 310)

"noyau fondamental de la société" (84, 88)

"sanctuaire de la vie" (85, 100)

une société comme l'Etat (62, 97)

FEMMES

accès des femmes aux fonctions publiques, 1' (95)

égalité réelle dans chaque domaine (114, 116)

femmes qui ont eu un avortement, les (110)

le travail des femmes au foyer est irremplaçable (95, 115, 272)

le travail en dehors du foyer (262)

"nouveau féminisme" (117)

FILET DE SÉCURITÉ (66, 213, 260, 261, 276, 293, 308)

FONDAMENTALISME fanatisme (57, 352)

suppression radicale de toutes les manifestations publiques de diversité (352)

FRATERNITÉ (60)

GÉNOCIDE (333)

GESTION (voir ENVIRONNEMENT)

GOUVERNEMENT (voir ETAT)

structure et opération de gouvernement (188)

GRÈVES

droit de grève (285, 286)

emploi légitime (284)

grèves et violence (284)

réconciliation (286)

GUERRE (330-334)

HUMANITÉ

inclination naturelle à s'associer (68)

intérêt de l'église pour l'humanité (14)

nature sociale de l'homme (59, 60-63, 65, 86, 118, 120, 139, 218,277,351)

IDÉOLOGIE (30, 57, 152, 200, 226, 358)

IMAGE DE DIEU

actes qui contredisent l'image de Dieu (106)

le prochain est l'image vivante de Dieu (125)

manifestée dans la liberté (48, 49, 148)

vue dans l'humanité (42, 46, 60, 76, 93, 102, 116, 272, 324)

vue dans le travail (251, 254-256, 273)

vue en Christ (41)

IMMIGRATION (344, 345)

INDIVIDUALISME (129, 195, 206)

INDUSTRIALISATION (314)

INITIATIVE ÉCONOMIQUE (136, 210, 229, 230, 234, 243, 245, 308)

INITIATIVE PRIVÉE (208, 234, 235, 245)

INSTITUTIONS

les individus sont le fondement des institutions sociales (61, 62, 118, 121, 145)

INTERVENTION (voir ETAT) (233-235, 237, 279, 308, 309)

quand les monopoles créent des obstacles au développement (229)

JUSTICE (voir JUSTICE SOCIALE)

JUSTICE SOCIALE (182, 212, 216, 260, 262, 292, 295-300, 327, 328, 348, 359, 365-367) création d'emplois (329)

église et justice sociale (16)

justice sociale et dignité humaine (45)

mettre un terme aux disparités économiques (293, 298)

LAICAT

connaissance de la doctrine sociale (19, 21)

LIBÉRALISME (voir INDIVIDUALISME)

LIBÉRATION (163, 227)

de l'esclavage du péché (223)

LIBERTÉ (47, 57, 78, 83, 149, 150, 217, 228)

liberté comme devoir envers les autres (51)

liberté comme licence (48, 52, 56, 58, 148, 151)

liberté et vérité (50, 55, 151, 154)

liberté naturelle de l'homme (49, 59)

LIBERTÉ RELIGIEUSE (77-79, 82, 191, 211, 290, 352)

LOI (105, 356)

l'état de droit (182, 187, 197)

LOI MORALE (52, 56)

LOI NATURELLE (voir CONSCIENCE) (74, 109)

MAGISTÈRE (6, 15, 109, 200, 301, 347)

MARGINALISATION (354, 367)

développement économique (291)

MARIAGE/"AMOUR CONJUGAL" (84, 89-92)

MARXISME (225)

MATÉRIALISME (voir CONSOMMATION)

MILIEU DE TRAVAIL (251, 261, 268-271)

MISÉRICORDE

générosité de la (204)

véritable miséricorde comme source de justice (297)

MODÈLES

pas de modèle économique ou politique unique (23, 25, 28, 31, 57, 139, 152, 198)

MONDIALISATION (357-364)

MORALITÉ (voir LIBERTÉ)

NATIONALISME (346, 350)

OPPOSITION DE CLASSE (216)

PAIX (39, 51, 56, 82, 184, 201, 330-332)

PARENTS (voir FAMILLE)

PARTICIPATION (139, 140, 142, 144, 215, 221, 231)

droit de participer à la vie communautaire (143, 145)

"structures de participation" (197, 244)

PAUVRES

l'écart grandissant entre riches et pauvres (288, 357)

l'option préférentielle pour les pauvres (301-304, 367)

priorité du service aux pauvres (305-307)

PAUVRETÉ

la pauvreté n'est pas déshonorante (289)

le fardeau intolérable de la pauvreté (287, 362)

formes de pauvreté (290)

PÉCHÉ (44, 106, 223)

"péché social" (175, 176)

"structures du péché" (126, 177)

PEINE CAPITALE/DE MORT (111-113)

PERSONNE

inviolabilité de la personne (104, 167, 172, 174, 324, 340, 351)

"fin ultime de la société" (70, 71, 118, 119, 121, 145)

se reconnaître les uns les autres comme des personnes (131)

valeur transcendante de la personne (39, 190, 193)

PRATIQUES ÉCONOMIQUES (221)

PROFIT

indicateur d'une activité économique saine (208, 242, 320)

PROPRIÉTÉ PRIVÉE (voir DESTINATION UNIVERSELLE DES BIENS MATÉRIELS)

QUESTION SOCIALE, LA (16, 29, 33, 35, 132, 365)

RACISME (voir DISCRIMINATION)

RÉCONCILIATION (295)

RÉGIMES POLITIQUES

diversité des (192)

RÉTRIBUTION (voir SALAIRES)

juste rétribution des travailleurs (258)

ROYAUME DE DIEU (158, 298)

église comme royaume de Dieu (9, 11)

SALAIRES (261, 262, 264, 267)

définition du salaire (259)

juste salaire (214, 258, 259, 263, 293, 327)

libre consentement (265, 266)

SCIENCE MORALE (218)

SERVICE (37, 38)

collaborateurs fidèles de l'évangile (34)

SEXUALITÉ (90) SOCIALISME (210)

SOCIALISATION (voir HUMANITÉ)

SOCIÉTÉ (65, 187, 235, 236, 239)

absorption par l'Etat (64)

devoir de protéger l'institution de la famille (88)

droit d'exister (124)

normes qui gouvernent les relations entre états (124, 153)

subjectivité de la société (187)

SOCIÉTÉ CIVIQUE/SOCIÉTÉ CIVILE (97, 111)

fondée sur la vérité (122)

SOLIDARITÉ (127, 129, 130, 132, 326)

caractère surérogatoire de la solidarité (125)

engagement envers le bien commun (126, 221, 350)

la solidarité humaine impose un devoir (63, 128, 326)

principe de solidarité, le (132)

"réseau de solidarité", le (64)

se reconnaître les uns les autres comme des personnes (131, 133)

SUBSIDIARITÉ, PRINCIPE DE (134-136,138,189,193,234,235, 237, 308, 359)

SYNDICATS (278-280, 283)

droit d'assemblée et d'association (277,281,282,290,316,318)

rôle des syndicats dans la négociation des salaires (267, 270)

SYSTÈMES ÉCONOMIQUES (210, 214, 220, 231)

TECHNOLOGIE (164, 233, 246, 322, 323)

dangers de la technologie (322, 323, 337)

THÉOLOGIE DE LA LIBÉRATION (223-227)

TOTALITARISME (67, 123, 187, 193, 200)

TRADITION (6, 29, 30, 35, 109)

TRAVAIL

dignité du travail (138, 215, 239, 241)

la nature du travail (251, 252, 268, 271, 285)

le travail comme activité créative (254)

le travail comme gestion des talents (253, 255, 257)

le travail comme moyen de sanctification (255, 256, 273)

lien avec l'image de Dieu (251, 254)

relations fondamentales entre capital et travail (214, 279)

"TROISIÈME VOIE" (30)

VÉRITÉ (40, 55, 72, 122, 168, 190, 200)

gardiens de la liberté (58)

la vérité comme condition de la liberté (50, 80, 151, 154)

la vérité sur l'homme gouverne les relations entre états (124, 190)

obligation à rechercher la vérité (48, 64)

VERTU (289, 295)

la famille, école de la vertu sociale (84, 96)

vertus sociales (240, 241)

VIE CHRÉTIENNE (12, 24, 30, 34)

caractère chrétien (271)

VIE ÉCONOMIQUE (220, 247)

objectif de la (218, 219)

VIE HUMAINE, CARACTÈRE SACRÉ DE LA (102-104)

VIOLENCE (140, 330, 346)

VOCATION

chaque vie comme vocation (54)

travail comme vocation (253, 256, 257)