LA FOI AU CHRIST RÉDEMPTEUR COMME PREMIÈRE SOURCE DE LA MORALE CHRÉTIENNE

Servais PINCKAERS, o.p.

Professeur de théologie morale à l'Université de Fribourg (Suisse).

 

LA QUESTION DU CHRIST ET DE LA MORALE

La question de la morale chrétienne est une des plus importantes, à l'heure actuelle. Elle est sous-jacente à toutes les discussions entre moralistes catholiques. Il s'agit notamment de savoir où on prendra les critères de jugement sur les problèmes et les cas débattus jusque dans l'opinion publique : les tirera-t-on de l'Évangile ou suffit-il de consulter la seule raison humaine, et, par suite, sur quelle base et dans quelle mesure le Magistère de l'Église pourra-t-il y intervenir ? La question intéresse aussi les responsables de la catéchèse et de la prédication qui assurent une traduction de l'enseignement théologique pour le peuple chrétien. Chaque chrétien est d'ailleurs directement concerné par le problème et plus particulièrement à la suite du Concile. Celui-ci a, en effet, rendu aux fidèles l'accès direct à l'Écriture : quelle morale y trouvera-t-on et dans quels textes la chercher ? Comment aussi assimiler cette doctrine, l'organiser pour l'enseignement et la faire entrer dans la pratique, dans la vie ? Nous nous attacherons particulièrement à la relation entre la morale et la personne du Christ : le Christ est-il venu simplement confirmer par son autorité une morale préexistante, la morale du Décalogue, qui a servi de base aux livres de morale catholique des derniers siècles comme étant l'expression de la loi naturelle accessible à la raison humaine, ou est-il venu enseigner une morale nouvelle, supérieure, qui établisse notamment un lien particulier avec sa personne même ? Comme vous le voyez, nous touchons au cœur du sujet proposé par notre titre et par ces journées : le Christ est-il un second Moïse ou un second Socrate, plus accompli sans doute que ces personnages n'ont pu l'être, mais du même type qu'eux, ou bien l'enseignement moral de Jésus établit-il un lien nouveau et spécial à l'égard de sa personne, auquel cas la foi au Christ jouera effectivement un rôle déterminant dans la morale chrétienne ?

Pour traiter brièvement ce problème, nous choisirons deux auteurs du Nouveau Testament chez qui nous avons, à première vue, toute chance d'obtenir un exposé autorisé sur la morale chrétienne : saint Paul dans ses grandes épîtres et saint Matthieu dans le Sermon sur la montagne. A la simple lecture, il apparaît que nous avons affaire avec eux à des témoins principaux de l'enseignement moral de Jésus tel qu'il a été compris par ses disciples immédiats. Voilà, semble-t-il, des sources textuelles de première importance pour la formation et l'alimentation d'une doctrine morale chrétienne.

1 — LA QUESTION DU CÔTÉ DES MORALES DE L'OBLIGATION

La distance entre les livres de morale et l'Écriture

Les choses ne sont pas si simples malheureusement. Pour s'en rendre compte, il suffit de consulter un manuel classique de théologie morale. Le moins qu'on puisse dire est qu'on y trouve peu de citations de l'Écriture et notamment de saint Paul. Quant au Sermon sur la montagne, c'est à peine si on lui accorde une mention de quelques lignes. On peut ainsi constater, même matériellement, qu'il s'est établi une distance entre les manuels de morale et l'Écriture. Mais ce n'est là que l'indice d'un phénomène plus profond.

Dès le début du XVIIe siècle, en effet, pour répondre aux besoins de l'enseignement dans les séminaires, la théologie morale a reçu une organisation nouvelle qui s'est progressivement imposée : la matière morale a été ordonnée suivant les commandements de Dieu et de l'Église, et non plus selon les vertus, comme chez saint Thomas, et elle a été conçue, conformément aux idées du temps, comme le domaine des obligations imposées par la volonté de Dieu exprimée dans sa loi. Cette loi est formulée dans le Décalogue qui correspond, estime-t-on, à la loi naturelle. Les vertus théologales, ainsi que les sacrements et l'état religieux seront abordés par les moralistes mais uniquement sous l'angle des obligations qu'ils comportent. L'idée de l'obligation devient centrale, dans la conception moderne de la morale, au point de circonscrire son domaine : appartient à la morale ce qui tombe sous une obligation ; ne lui appartient pas ce qui échappe à l'obligation ou la dépasse. La conséquence directe en est une séparation entre la morale, d'une part, et l'ascétique et mystique, d'autre part. Celle-ci, qu'on appellera ensuite la spiritualité, va constituer une science annexe dans les programmes d'enseignement, un domaine spécial et secondaire dans les catégories théologiques. La division va se prolonger jusqu'au plan ecclésial : la morale enseigne la loi morale qui s'impose à tous les chrétiens ; l'ascétique et mystique ne concerne guère que les religieux et une élite qui recherche librement une perfection plus haute.

En même temps, la théologie morale prend de la distance à l'égard de la dogmatique. Conçue comme le domaine des obligations, la morale n'a guère besoin que d'une confirmation du Décalogue par l'autorité du Christ, avec certaines précisions concernant l'obligation de croire. Pour le reste, la matière de la foi sera attribuée à la dogmatique, ainsi que le traité de la grâce considéré comme trop spéculatif et rentrant effectivement assez mal dans la perspective de l'obligation.

Les conséquences de ces divisions sont directes pour la lecture et l'utilisation de l'Écriture, et vont fonctionner suivant une logique qui se retrouvera jusqu'en exégèse. Voyons comment les choses vont se passer pour saint Paul et saint Matthieu.

Où est la morale de saint Paul ?

Prenons l'épître aux Romains et voyons les divisions et les titres introduits par les éditeurs français. La Bible de Crampon divise l'épître en deux grandes parties : la première est dogmatique et traite de la justification par la foi jusqu'au chapitre 11 ; la deuxième est appelée morale, avec des exhortations et préceptes, ce sont les chapitres 12 à 15. Le lecteur est ainsi conduit à penser que la doctrine sur la justification par la foi n'intéresse pas directement le moraliste.

Pour prendre un point de comparaison, remarquons que saint Thomas traite de la vertu de foi, de la justification et de la grâce en pleine Secunda Pars, qui est la partie morale de sa Somme Théologique.

La Bible de Jérusalem a évité, à dessein semble-t-il, cette division en dogme et morale, trop accentuée et de plus en plus critiquée ; mais elle a peut-être aggravé les choses, sans s'en rendre compte. Les chapitres 12 à 15 y ont reçu le titre de "parénèse", au lieu de "morale". Or la parénèse est communément distinguée de la morale : celle-ci concerne les préceptes impératifs qui fixent des obligations, tandis que la parénèse est le domaine de la simple exhortation morale. Ainsi retrouvons-nous, sous d'autres termes, la distinction entre morale et spiritualité. Il semblerait, dès lors, que saint Paul nous propose surtout, dans l'épître aux Romains — et ceci vaut pour les autres grandes épîtres, — des exhortations spirituelles plutôt qu'une morale proprement dite. Le moraliste peut donc se demander dans quelle mesure la parénèse paulinienne le concerne ; il incline inévitablement à penser qu'elle est plutôt du ressort de la spiritualité.

Pourtant, en rédigeant sa Somme, saint Thomas s'est donné la peine de composer un nouveau commentaire de l'épître aux Romains pour en faire une source principale de plusieurs questions de la Secunda Pars, comme, par exemple, l'étude de la Loi nouvelle, où apparaît clairement le caractère spécifiquement chrétien de la morale.

La Bible œcuménique a eu la bonne idée de ne pas introduire de divisions avec titres dans le texte de saint Paul. Elle ne le pouvait guère, d'ailleurs, car les catégories catholiques et protestantes ne sont pas les mêmes. Cependant, la difficulté n'est nullement résolue par ce fait, car les divisions utilisées par Crampon et par la Bible de Jérusalem sont révélatrices des catégories générales qui subsistent dans les esprits, chez les moralistes et chez les exégètes, du côté catholique comme du côté protestant, malgré les différences : la morale est une question d'obligations ou d'impératifs, le reste s'y ajoute comme de la spiritualité ou de la parénèse. Mais alors on peut se poser la question : saint Paul aurait-il donc si peu de chose à apporter aux moralistes ?

Nous pensons, pour notre part, que toute l'épître aux Romains, prise dans son ensemble, et plus particulièrement les chapitres 12 à 15, constitue une source directe et principale pour la morale chrétienne. Mais nous y trouvons une morale autrement conçue : non plus une morale des obligations, mais une morale des vertus — comme toutes les morales antiques, — dont la première est précisément la foi au Christ, ce qui entraîne beaucoup de conséquences pour la formation d'une morale chrétienne.

Le Sermon sur la montagne appartient-il à la morale ?

Le Sermon sur la montagne pose un problème crucial aux théologiens et aux exégètes modernes : il semble nous placer par ses exigences morales devant une montagne insurmontable, devant l'impossible. Effectivement, si le Sermon est une loi comme on conçoit le Décalogue, imposant des obligations strictes sous peine de péché mortel, son observation dépasse largement les forces du commun des chrétiens.

A cette difficulté majeure, plusieurs réponses ont été données. En voici deux qui nous intéressent plus directement : du côté catholique, s'est répandue l'opinion que le Sermon n'était pas destiné à tous les chrétiens, auxquels suffisait la morale proprement dite basée sur les dix commandements, mais bien à une élite appelée librement à la perfection évangélique, c'est-à-dire concrètement aux religieux et religieuses. Ainsi le Sermon, à son tour, est-il écarté de la morale pour être relégué dans la spiritualité. Du côté protestant, Luther a reconnu qu'effectivement le Sermon nous plaçait devant l'impossible ; mais il a expliqué que c'était pour nous faire reconnaître notre péché et nous conduire à la foi, selon l'enseignement de l'épître aux Romains sur la Loi. Le Sermon n'est donc pas un enseignement éthique, mais dialectique ou "élenctique". Par la suite, jusqu'à nos jours, les auteurs protestants conservent toujours une méfiance à l'égard du Sermon à cause des œuvres qu'il réclame ; ils opposeront l'enseignement de saint Matthieu à la doctrine de saint Paul sur la justification par la seule foi et non par les œuvres.

Ainsi voyons-nous de nouveau un grand texte du Nouveau Testament mis à l'écart de la réflexion théologique sur la morale. Tout se passe comme si, catholiques et protestants, nous avions perdu la clef du Sermon sur la montagne.

Pourtant saint Thomas, à la suite de saint Augustin, avait fait du Sermon le texte spécifique de la Loi nouvelle, comme le Décalogue l'était pour la Loi ancienne. Pour lui, comme pour les Pères, le Sermon s'adresse à tous les chrétiens et constitue la source première de la morale chrétienne : n'est-il pas le Sermon du Seigneur ? Pouvons-nous trouver un texte plus autorisé pour servir de base à une morale chrétienne ? Enfin saint Thomas, ni saint Augustin, n'imaginaient qu'on pût opposer saint Matthieu et saint Paul. Ils les interprétaient plutôt l'un par l'autre. L'épître aux Romains fournit la définition de la Loi nouvelle et saint Matthieu lui procure son texte propre.

Comme on le constate, du point de vue des morales de l'obligation, on rencontre de très sérieux obstacles quand on veut montrer quelle est la place et le rôle du Christ dans la morale ; on ne peut utiliser ni la doctrine de saint Paul sur la foi au Christ, attribuée à la dogmatique, ni les textes parénétiques des épîtres, ni le Sermon du Seigneur qu'on rapporte à la spiritualité. Il ne reste plus qu'à faire de Jésus un législateur à la manière de Moïse, reprenant l'œuvre de celui-ci pour la confirmer et y ajoutant quelques conseils concernant une perfection supérieure.

On ajoutera toutefois que le Christ nous apporte le secours de sa grâce pour pratiquer les commandements ; mais, à la différence de saint Thomas, les moralistes abandonneront l'étude de la grâce aux dogmaticiens, comme aussi, d'ailleurs, celle de l'œuvre rédemptrice et de la vie du Christ. Tout se passe comme si le moraliste pouvait travailler et régler les actions humaines, sans devoir prendre la grâce en considération. Elle n'interviendrait qu'au moment de l'exécution, comme un soutien.

II — LA QUESTION SELON LA MORALE DES PÈRES ET DE SAINT THOMAS

A partir de la question du bonheur

II est temps que nous nous tournions vers d'autres horizons. Il ne faut pas aller les chercher loin. Ils nous sont présentés par saint Thomas, à la suite des Pères tant grecs que latins. La première question, à la base de la morale, et même de toute la philosophie, était pour eux, sans conteste, la question du bonheur qui rejoignait, à leurs yeux, celle du salut, exprimée par les promesses de l'Écriture. C'était une question sérieuse, engageant comme son envers le problème du mal et de la souffrance, du péché et de ses suites. Ils y répondaient par les promesses divines et par l'enseignement sur les vertus, comme les chemins intérieurs conduisant vers le bonheur promis. Les principales vertus leur étaient enseignées par les auteurs sacrés : c'étaient la foi, l'espérance et la charité, centrées sur la personne du Christ ; elles inspiraient de multiples autres vertus, à la fois chrétiennes et humaines, l'humilité, la patience, la maîtrise de soi, la bonté, etc., pour nous conférer, toutes ensemble, la justice de Dieu et la sagesse de Dieu qui nous adviennent par Jésus-Christ. Avec les Pères et avec saint Thomas, nous avons ainsi affaire non plus à une morale des obligations, mais du bonheur et des vertus. C'est une tout autre façon de voir, qui a des conséquences directes sur les rapports entre la morale et l'Écriture, et sur le rôle du Christ dans la morale chrétienne.

La réponse du Sermon sur la montagne à partir des béatitudes.

Prenons les choses à leur début. Dès lors qu'on se pose la question du bonheur et qu'on interroge le Nouveau Testament, en particulier le Sermon sur la montagne, on obtient tout de suite une réponse : ce sont les béatitudes. Effectivement saint Thomas a interprété les béatitudes évangéliques, dès son Commentaire sur saint Matthieu, comme la réponse du Christ, tel un maître de sagesse, à la question du bonheur. Le Christ commence, selon lui, par éliminer les réponses mauvaises : le bonheur par la richesse, le pouvoir et les plaisirs ; il écarte ensuite les réponses imparfaites par les vertus de la vie active, la justice et la libéralité, et même celles qui mettent en avant la vie contemplative ici-bas, pour nous révéler enfin la réponse plénière : l'appel à la vision de Dieu promise aux cœurs purs et aux pacifiques dans l'au-delà. Ainsi comprises, les béatitudes évangéliques sont la source principale du traité de la béatitude qui inaugure et domine la morale de saint Thomas.

Notons que les béatitudes du Sermon forment un morceau unique dans l'Écriture : si chaque béatitude a ses racines dans l'Ancien Testament, nulle part on ne trouve une telle concentration de "macarismes" comme disent les exégètes. Les béatitudes sont comme la somme des promesses divines ; elles en constituent le sommet introduisant au Royaume de Dieu. En même temps, nous y recevons une réponse unique aux questions qui forment ce que j'appelais l'envers de la question du bonheur : la pauvreté, la souffrance et les pleurs, la faim, la soif et la persécution deviennent des chemins vers la béatitude.

Le rôle de la foi au Christ selon le Sermon

Quelle est la place du Christ dans cette morale dessinée à partir des béatitudes ? Il est d'abord le maître qui les enseigne avec autorité à ses disciples. Selon saint Thomas, la relation de disciple à maître se caractérise principalement par la foi, si bien qu'il définira la foi théologale précisément dans le cadre de cette relation : la foi est la docilité de l'intelligence et de la volonté nécessaire pour recevoir l'enseignement du Maître, spécialement concernant la question fondamentale du bonheur qui répond au désir naturel de tout homme et détermine toute la vie et la morale comme une fin ultime.

Remarquons, à ce propos, que si le texte des béatitudes ne mentionne pas explicitement la foi au Christ, il l'implique néanmoins, car la série des béatitudes s'oriente vers la dernière d'entre elles comme vers un sommet, soit la béatitude des persécutés à cause du nom du Christ, à cause de leur foi au Christ. L'appel à la foi au Christ est ainsi sous-jacent à la série des béatitudes et chacune le contient à sa manière.

Il faut même dire que chacune la réclame. En effet, prises dans la réalité qu'elles signifient, la plupart des béatitudes sont paradoxales et paraissent incroyables : qui peut croire que les pauvres, les affligés, ceux qui ont faim et soif, ceux qu'on persécute et calomnie, sont sur le chemin du bonheur ? On ne peut vraiment l'admettre, dans la réalité de la vie, sans la foi au Christ qui nous l'enseigne tout à l'encontre de l'opinion commune des hommes.

La suite du Sermon décrit les voies qui conduisent vers le Royaume : c'est l'enseignement sur la justice nouvelle où les préceptes du Décalogue sont repris et dépassés pour mener à l'imitation de la générosité du Père par l'amour des ennemis même, à la différence des publicains et des païens, ce qui révèle clairement la spécificité de la morale évangélique.

C'est aussi la doctrine sur l'aumône, la prière et le jeûne, sur les principaux actes de la religion, qu'il faut accomplir non pour être vu par les hommes, mais uniquement pour le Père qui voit dans le secret. On peut dire, dès lors, que dans son ensemble l'enseignement du Sermon est dominé par la relation au Père : relation d'imitation, d'intention, de prière exprimée dans le Notre Père, relation active qui englobe toute la vie morale.

Or, un peu plus loin, saint Matthieu nous rapportera la parole du Christ qui vaut pour tout son enseignement : "Nul ne connaît le Père si ce n'est le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler" (11,27). De nouveau, sous le texte évangélique, nous voyons surgir la nécessité de la foi au Christ, surtout si nous tenons compte de l'exigence de la mise en pratique, si fortement exprimée par la conclusion du Sermon.

Le Sermon sur la montagne se manifeste donc, dès qu'on aborde la morale à partir de la question du bonheur ou du salut, comme une source principale de la morale chrétienne, comme l'enseignement direct du Seigneur suscitant la foi, et une foi active, opérante, grâce à la charité et aux autres vertus.

L'interprétation de saint Augustin et de saint Thomas

La chose nous est pleinement confirmée par l'interprétation des Pères qui aboutit à saint Thomas. Saint Augustin choisit le Sermon sur la montagne pour sujet de sa première prédication à Hippone, comme un écho direct de la prédication du Seigneur. Il développe cinq intuitions principales : le Sermon est la charte de la vie chrétienne destinée à tout le peuple des croyants ; les béatitudes décrivent l'itinéraire de la vie chrétienne, de la pauvreté ou humilité à la paix et à la sagesse ; elles sont reliées aux sept dons du Saint-Esprit énumérés par Isaïe, au chapitre 11, car nous avons besoin de l'Esprit Saint pour parcourir cet itinéraire, d'une étape à l'autre ; elles sont encore associées aux sept demandes du Notre Père, car la prière est nécessaire pour obtenir le secours de l’esprit ; enfin les béatitudes commandent les divisions mêmes du Sermon, ce qui veut dire qu'elles dominent toute la doctrine morale.

Or il s'est fait que saint Thomas a relu — on peut le prouver, — le commentaire du Sermon par saint Augustin, d'une façon personnelle, pour composer la Somme théologique et il en a repris les idées principales pour les y faire entrer dans la mesure du possible. C'est en citant explicitement ce commentaire que saint Thomas relie le Sermon à la Loi nouvelle.

Ensuite, la correspondance qu'il établit dans la Secunda Secundae entre les dons et les béatitudes sera exactement celle de saint Augustin, au point qu'elle n'est pas pleinement compréhensible, si on ne connaît pas le texte de saint Augustin.

Seulement saint Thomas a préféré organiser sa morale d'après l'ordre des principales vertus plutôt que des béatitudes, car son ordonnance est systématique plutôt qu'historique. Or la première des vertus, à la tête de la morale, est la foi, de même que ce sera par la foi au Christ que nous recevrons la grâce de l’esprit Saint qui constitue l'élément principal de la Loi évangélique. Aux sept grandes vertus, théologales et morales, correspondent les sept dons et les sept béatitudes, dans la ligne de saint Augustin.

Ainsi voyons-nous les deux plus grands docteurs de la tradition latine se rencontrer d'une façon très personnelle pour nous confirmer que le Sermon du Seigneur est une source première de la morale chrétienne, procédant directement de la foi au Christ.

La réponse de saint Paul devant la justice juive et la sagesse grecque

A présent, tournons-nous vers saint Paul et demandons-lui quelle est la morale chrétienne et quel rôle, en particulier, il attribue au Christ dans la vie du chrétien. La manière d'aborder et de lire les écrits de saint Paul est ici déterminante. Il faut découvrir comment s'est posée à saint Paul la question de la morale chrétienne face aux morales de son temps et on ne le peut, à notre avis, qu'en employant ce que nous appelons une méthode des ensembles, en les considérant dans leur totalité : chaque épître forme un ensemble et les différentes épîtres constituent également un certain ensemble, même s'il faut être attentif à leurs intentions propres, à leur succession historique et à certains problèmes exégétiques.

Si nous partons de la question du bonheur et du salut, nous n'avons pas de peine à discerner de quelle manière saint Paul a été amené à se prononcer sur la morale chrétienne. Ce fut le résultat direct de sa prédication aux Juifs et aux Grecs, précisément de sa réflexion sur le refus de l'Évangile par les Juifs qui le considèrent comme un scandale et par les Grecs qui le regardent comme une folie. La prédication paulinienne a été, en effet, confrontée aux deux grandes conceptions de la morale qui régnaient dans le monde romain de son temps et qui se présentaient comme des ensembles fortement organisés, comme des systèmes en leur genre.

Pour les Juifs, la morale est dominée par l'idée de la justice que procure l'observation de la Loi formulée dans le Décalogue, avec les multiples prescriptions qui le complètent dans le Pentateuque et dans les coutumes des ancêtres. Cette justice obtient la récompense des promesses divines où se déploie la toute-puissance de Dieu en faveur de son peuple.

Quant aux Grecs, toute leur philosophie est une réponse à la question du bonheur, et leur morale apparaît comme le temple de la sagesse reposant sur les colonnes des vertus groupées autour des quatre principales : la prudence, la justice, la force et la tempérance.

Tels sont les ensembles moraux qu'affronte saint Paul dans sa prédication de l'Évangile, et le choc est total, si l'on peut dire, car c'est précisément à cause de leur prétention à la justice et à la sagesse que Juifs et Grecs respectivement sont amenés à refuser et même à persécuter l'Évangile.

C'est au début de l'épître aux Romains et de la première aux Corinthiens (dans leur partie qualifiée de dogmatique par les éditions modernes) que saint Paul aborde le problème et il le fait avec la plus grande vigueur. Dans le premier chapitre aux Romains, il commence par démontrer l'échec de la morale grecque comme de la morale juive. Les Grecs dans leur prétention à la sagesse,

"ayant connu Dieu..., ne lui ont pas rendu comme à un Dieu ni gloire ni actions de grâces, mais ils ont perdu le sens dans leurs raisonnements et leur cœur inintelligent s'est enténébré : dans leur prétention à la sagesse, ils sont devenus fous... C'est pourquoi Dieu les a livrés à des passions avilissantes..."

La sagesse grecque aboutit à la corruption.

Quant aux Juifs, qui se glorifient dans la Loi, qui connaissent la volonté de Dieu et prétendent enseigner les autres, ils transgressent cette loi en tous ses commandements ; ils déshonorent Dieu et font blasphémer son Nom parmi toutes les nations.

Ce sont donc, derrière leurs prétentions à la sagesse et à la justice, la corruption des Grecs et l'hypocrisie des Juifs qui expliquent leur refus de l'Évangile. Dès lors, comment saint Paul va-t-il décrire la morale évangélique ? Relisons les textes essentiels : dans la première aux Corinthiens :

"Tandis que les Juifs demandent des signes et que les Grecs sont en quête de sagesse, nous prêchons, nous, un Christ crucifié, scandale pour les Juifs et folie pour les païens, mais pour ceux qui sont appelés. Juifs comme Grecs, c'est le Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu... Je n 'ai rien voulu savoir parmi vous, sinon Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié... afin que votre foi reposât non point sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu... "

Au chapitre 3 des Romains :

"Maintenant sans la loi, la justice de Dieu s'est manifestée. ., justice de Dieu par la foi en Jésus-Christ, à l'adresse de tous ceux qui croient.., et ils sont justifiés par la faveur de sa grâce en vertu de la Rédemption accomplie dans le Christ Jésus : Dieu l'a exposé, instrument de propitiation, par son propre sang moyennant la foi... Il n'y a qu'un seul Dieu qui justifie les circoncis moyennant la foi comme les incirconcis par le moyen de la foi".

Le rôle unique de la personne du Christ en morale selon saint Paul

Voyons les résultats pour notre propos. Nous les rangerons en quatre points :

1. La critique de saint Paul perce les grandes apparences de la sagesse grecque et de la justice juive comme de toute morale humaine pour découvrir dans le cœur de l'homme la racine qui les vicie et explique le refus de l'Évangile : l'orgueil de l'homme qui se nourrit de la justice selon la Loi comme de la recherche de la sagesse et finit par les corrompre.

2. Dans ce fond mystérieux du cœur humain qu'aucune philosophie n'avait pu mettre à nu, saint Paul place, en face de l'orgueil du Juif et du Grec, l'humilité de la foi qui accueille l'humble parole de l'Évangile concernant un Christ qui s'est fait obéissant et humble jusqu'à la croix pour racheter tout homme, le Grec comme le Juif. Ce faisant, saint Paul change la racine et la source de la vie morale : ce sera désormais la foi en Jésus crucifié, devenu pour les croyants justice de Dieu et sagesse de Dieu ; ce sera la foi, cette vertu inconnue des Grecs, la foi en Jésus, comme Messie, rejeté par les Juifs. La morale chrétienne dans son ensemble va être transformée dans ses éléments, dans sa structure et dans ses applications par ce changement opéré à ses origines.

3. Le trait le plus remarquable et le plus original de la réponse de saint Paul à la question morale est d'avoir placé le foyer de la morale chrétienne dans une personne, Jésus, lui et nul autre, lui pour tous les hommes. Jésus n'est pas simplement le prédicateur d'une morale, fut-elle la plus parfaite, comme pouvait l'être un maître de sagesse, juif ou grec, ni non plus un modèle à imiter à la manière de Socrate ou des hommes illustres. Jésus est, dans son individualité historique, avec son corps même qui a souffert et qui est ressuscité, la cause et la source de la justice et de la sagesse nouvelles offertes par Dieu aux hommes. Aucune morale humaine ne pouvait faire cela. Si soucieuses qu'elles aient pu être d'éclairer les pas de leurs adeptes, les morales juive et grecque les laissaient seuls devant les préceptes de la Loi et les exigences de la vertu. Par la foi et par la charité qui procède d'elle, une union intime et personnelle s'établit avec le Christ au point que saint Paul pourra caractériser la vie chrétienne comme une vie "dans le Christ" ou encore une vie "selon l'Esprit" du Christ.

4. Précisons rapidement ce rapport unique au Christ par la foi et la charité. Par la foi et par le Baptême, le chrétien est uni à la mort et à la résurrection du Christ jusqu'à être transformé dans son être intime. L'affirmation n'est pas simplement dogmatique et abstraite ; elle est profondément opérante : la foi change l'être de l'homme et, par suite, son action. La foi baptismale réalise comme en germe la mort à soi et l'union avec le Christ, mais cette transformation initiale devra croître et se déployer ensuite pendant toute la vie. De "vieil homme" qu'il était, avec son péché et son orgueil, le chrétien devient progressivement l'"homme nouveau", nommé aussi l'"homme intérieur", l’"homme spirituel". La morale chrétienne devra décrire cette croissance et montrer quelles sont ses lignes de force.

La charité, de son côté, n'est pas un amour quelconque, si intense qu'on l'imagine. Elle a son origine dans la foi au Christ et elle est une participation directe à l'amour du Christ. La charité est d'abord très personnelle. Elle culmine dans l'hymne des Romains (8,31 ss) :

"Qui nous séparera de l'amour du Christ ? La tribulation, l'angoisse, la persécution... ? En tout cela nous n'avons aucune peine à triompher par celui qui nous a aimés..."

Également dans l'aveu aux Philippiens (1,21 ss) :

"Pour moi la vie c'est le Christ et mourir est un gain... J'ai le désir d'aller et d'être avec le Christ, ce qui serait et de beaucoup préférable".

Mais la charité réalise aussi une communauté d'un type nouveau. Par le Baptême et l'Eucharistie, les croyants sont unis au corps du Seigneur et deviennent ses "membres" qui tous, rattachés à son corps personnel, constituent avec lui le corps du Christ, dont l'unité rassemble tous les chrétiens dans le même Esprit pour former l'Église (I Cor. 12 avec la note h de la Bible de Jérusalem au v. 12).

Ainsi comprises, la foi et la charité, avec l'espérance, vont constituer la tête d'un organisme moral nouveau, celui des vertus chrétiennes. Elles vont notamment assumer les vertus humaines prônées par la philosophie grecque, mais, en les intégrant dans cet organisme nouveau, elles vont les transformer intérieurement : par une inspiration nouvelle qui les ordonne à une fin nouvelle : être avec le Christ au-delà de la vie ; par une dimension, une profondeur nouvelle causée par la relation au Christ ; par des critères et des mesures nouveaux à l'égard de l'agir concret. Et pareillement le Décalogue, mis au service des vertus dans ses différents préceptes, sera lui-même assumé dans la Loi nouvelle.

Le prolongement dans la tradition théologique

Nous trouvons ainsi déjà chez saint Paul les principes spécifiquement chrétiens de l'organisation de la morale qui se développera chez les Pères et aboutira chez saint Thomas, au plan de la Secunda Secundae, où la matière morale est ordonnée suivant les trois vertus théologales et les quatre vertus cardinales, ce qu'on peut nommer le corps des vertus, mis à la disposition de ceux qui font partie du corps du Christ dont parle saint Paul au chapitre 12 de la première aux Corinthiens, juste avant de traiter de la charité et des autres dons. Ces textes, comme aussi l'épître aux Romains, seront continuellement médités par les Pères. Saint Thomas notamment en fera un second commentaire en liaison avec la composition de la Somme. C'est dans l'épître aux Romains, lue avec l'aide du De Spiritu et littera de saint Augustin qu'il trouvera la formule de définition de la Loi nouvelle : elle consiste, en son élément principal, dans la grâce du Saint-Esprit reçue par la foi au Christ. Il précisera ensuite qu'elle opère par la charité, ce qui nous réfère à la première aux Corinthiens. Il ajoutera enfin qu'elle a pour texte spécifique le Sermon sur la montagne compris, avec saint Augustin encore, comme associant les béatitudes et les dons du Saint-Esprit énumérés par Isaïe qui les attribue d'abord au Christ. Ainsi voyons-nous se rejoindre saint Paul et saint Matthieu pour placer la foi au Christ et l'amour du Christ à la tête de la morale chrétienne par l'œuvre de l'Esprit du Christ. La morale chrétienne est vraiment pour saint Paul et pour ses grands interprètes une vie selon l'Esprit, une vie avec le Christ et dans le Christ.

Le traitement des cas de conscience par saint Paul

II nous reste à apporter une vérification précise. Saint Paul n'est certes pas un casuiste, au sens habituel du terme ; mais il est un praticien de la morale. Dans la première épître aux Corinthiens notamment, il a dû se prononcer sur ce qu'on peut nommer des cas de conscience qui se posaient aux nouveaux chrétiens : cas d'inceste et de fornication, appel aux tribunaux païens, idolothytes, etc. Il est très intéressant d'observer la méthode qu'il suit pour les traiter. C'est un modèle que devrait suivre tout moraliste chrétien.

Saint Paul commence d'habitude par une considération de raison et de bon sens, par exemple :

"Tout m'est permis, mais tout n'est pas profitable.. Le corps n'est pas pour la fornication... Tout péché que l'homme peut commettre est extérieur à son corps ; celui qui fornique, lui, pèche contre son propre corps" (6,12 ss).

Cela, un sage, un philosophe pourrait le dire. Mais tout de suite la pensée de saint Paul bondit en avant, elle pénètre en profondeur en faisant intervenir la relation au Christ comme critère principal du jugement :

"Le corps n'est pas pour la fornication, il est pour le Seigneur. .. Ne savez-vous pas que vos corps sont membres du Seigneur ? Ne savez-vous pas que votre corps est un temple du Saint-Esprit qui est en vous ? ..."

La comparaison avec la manière de procéder des moralistes des derniers siècles dans l'examen des cas de conscience dont ils ont fait leur spécialité, est éclairante, en ce sens qu'elle fait toucher du doigt un grave problème. Ces moralistes prennent toujours leurs critères de jugement au niveau de la raison, soit dans le Décalogue censé exprimer la loi naturelle, auquel s'ajoutent les commandements de l'Église et les prescriptions du droit canon. Que je sache, ils ne font jamais intervenir la relation au Christ comme critère dominant ni n'invoquent pour cela les textes de saint Paul ou le Sermon sur la montagne.

Nous ne devons pas les accuser trop vite, d'ailleurs, car comment procédons-nous nous-mêmes quand nous avons un cas à résoudre ou une décision à prendre ?

Parmi les moralistes actuels, le problème n'a d'ailleurs fait que s'aggraver ; il a même reçu des bases théoriques. Beaucoup revendiquent une pleine autonomie de la morale et la conçoivent comme essentiellement rationnelle : dans le jugement des cas, on ne veut plus invoquer que des critères de raison portant sur les relations humaines qu'ils mettent en jeu. La morale chrétienne serait ainsi une morale humaine, à laquelle la Révélation ajouterait simplement une inspiration propre, celle de la charité surtout, mais sans apporter aucun critère de jugement nouveau et nécessaire pour un chrétien. Cette conception aboutit à une séparation pratique entre l'Écriture et le Magistère d'une part, et d'autre part, la morale qui serait désormais dominée de fait par les moralistes, comme spécialistes en la matière. Quant à la relation au Christ, elle serait transférée au domaine de la spiritualité, cette science annexe que les moralistes saluent au passage, mais qui n'a pas à intervenir dans la morale proprement dite, notamment dans le jugement sur les cas concrets. Nous avons donc affaire à une conception de la morale où la relation au Christ, et même à Dieu, est mise entre parenthèses, comme on dit, ce qui veut dire qu'on n'en a pas besoin pour son élaboration, ni son application. Telle n'est évidemment pas l'opinion de saint Paul pour qui le rapport au Christ par la foi, par la charité, par le discernement spirituel, est principal et décisif.

EN CONCLUSION : QUELQUES APPLICATIONS

Nous nous sommes interrogés sur le rôle de la foi au Christ dans la morale chrétienne. Nous avons trouvé sur notre route une difficulté majeure : le fait que les morales modernes de l'obligation ne peuvent entretenir qu'un rapport limité avec l'Écriture, réduit pour l'essentiel au Décalogue, ce qui diminue à tout le moins la nécessité de la relation au Christ en morale. Nous l'avons montré en prenant comme exemples le Sermon sur la montagne et les épîtres de saint Paul.

En revanche, si nous suivons les Pères et saint Thomas en partant de la question du bonheur et du salut en morale, nous obtenons tout de suite une réponse de la part de saint Matthieu et de saint Paul, et la foi au Christ y occupe une place principale : elle se tient à la source même et de l'enseignement et de la pratique de la morale. Plus exactement il faut dire que c'est le Christ en personne qui devient source et fondement de l'agir du chrétien.

Ajoutons que, dans cette perspective, l'ensemble de l'Écriture acquiert une signification morale et intéresse le moraliste, comme l'estimaient les Pères, notamment les livres sapientiaux et même les livres historiques qui nous fournissent des exemples et des types, comme Isaac fut le type du Christ et de notre obéissance.

Nous terminerons en remarquant que tout cela a des conséquences bien précises pour l'enseignement moral sous toutes ses formes, notamment dans la prédication et la catéchèse. Le Sermon sur la montagne et les textes dits parénétiques de saint Paul ont été composés — leur forme littéraire même en témoigne, — pour servir de textes de base pour la prédication et pour la catéchèse chrétienne. Nos catéchismes, s'ils veulent se renouveler d'une façon authentique, doivent les intégrer comme des sources premières, plus importantes que le Décalogue lui-même, qui y est, d'ailleurs, assumé.

Indiquons enfin une application bien concrète : ces textes peuvent aussi servir à renouveler l'examen de conscience. Pourquoi ne pas prendre un passage du Sermon ou d'une épître pour s'examiner ? Nous y trouverons un miroir beaucoup plus éclairant sur le cœur humain, un enseignement plus encourageant aussi que les listes de péchés proposées par les moralistes dans les livres de piété, notamment par la relation au Christ qui y est constamment évoquée. A l'expérience même on s'aperçoit que ces textes moraux ne révèlent souvent leur richesse qu'à ceux qui se sont examinés et se sont reconnus pécheurs à leur lumière, dans l'espérance. Tout se passe comme si l'examen personnel à l'aide de ces textes était une condition pour découvrir leur signification profonde, une clef nécessaire pour une exégèse plénière. Après tout, un texte évangélique peut-il devenir une parole du Christ pour nous si nous ne l'écoutons pas humblement dans la foi en Lui ?

Ainsi sommes-nous conduits à placer de nouveau la foi au Christ au point de départ de la morale chrétienne selon l'enseignement manifeste de l'Évangile, comme le firent les Pères et, en particulier, saint Augustin et saint Thomas. Mais pour cela, il nous faut oser croire dans la foi, c'est-à-dire croire qu'elle contient une lumière supérieure pour éclairer les chemins de la vie et pour répondre aux questions, grandes ou petites, dont doit traiter la morale. Or cette lumière a un foyer unique ; il s'appelle Jésus-Christ.